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Je remercie le président et les membres du comité.
Je m'appelle David Harris; je suis avocat et directeur du Programme de renseignement international de INSIGNIS Strategic Research Inc. J'ai une trentaine d'années d'expérience dans le secteur du renseignement; j'ai notamment été avocat intervenant dans l'enquête sur l'attentat contre Air India et dans la commission d'enquête Iacobucci, des sujets qui ont été soulevés, bien entendu, au cours de vos débats.
La situation de la sécurité au Canada se détériore. Les forces militaires conventionnelles et les services de renseignement hostiles posent manifestement des défis et on aurait dû savoir avant que les meurtres commis en octobre par des terroristes aient ému le public que le Canada ne serait pas épargné par la terreur. La situation du Canada est très complexe en raison d'un taux d'immigration très élevé qui s'élève à près de 300 000 personnes par an — un demi-million, si nous incluons ce que l'on appelle les détenteurs de visa temporaire — dont une grande partie viennent de pays où nous disposons de peu de moyens pour effectuer un filtrage.
Le projet de loi représente une réponse partielle à notre problème de sécurité. Ce projet tente de s'attaquer aux questions touchant la communication d'information, la sécurité aérienne, la propagande terroriste et les opérations de perturbation de ces activités. Le gouvernement mérite notre appui pour cette initiative, mais il sera peut-être nécessaire d'apporter quelques modifications à ce projet. Les mesures de perturbation proposées par le SCRS, un outil nécessaire, appellent un réexamen et peut-être la mise en place de mécanismes d'examen plus poussés. Les dispositions réprimant l'incitation au terrorisme doivent être compatibles avec la liberté d'expression garantie par la Charte. Le projet de paragraphe 83.221(1) du Code criminel devrait être précisé. Les mécanismes d'examen associés à l'objectif admirable consistant à faciliter la communication d'information au sein du gouvernement devraient être renforcés. Cela dit, le fait que le gouvernement soit obligé, dans ses activités, de respecter la Constitution offre une certaine garantie.
Avant d'entrer dans les détails, je me sens obligé de préciser certains aspects qui découlent d'une séance précédente du comité. J'ai appris par la suite, à ma grande surprise, qu'un membre du comité avait déclaré que j'étais la source d'information à partir de laquelle il avait posé une question à un témoin, le représentant du National Council of Canadian Muslims, le NCCM. Le représentant du NCCM a répondu en disant que les questions posées étaient inspirées par le « Mccarthisme ». Il est important de préciser certaines choses pour faciliter l'établissement des faits par le comité et vous constaterez rapidement la pertinence des commentaires que je vais faire sur le plan de la sécurité nationale. Mes remarques sur ce point représentent simplement mon opinion personnelle sur une question d'intérêt public impérieux, qui est fondée sur le fait que cela fait environ 15 ans que je suis l'évolution de cette organisation.
Le NCCM a été fondé en 2000 sous le nom de Canadian Council on American-Islamic Relations, le CAIR-CAN, la Section canadienne du Council of American-Islamic Relations, CAIR, financé par l'Arabie saoudite et basé à Washington, D.C. La section canadienne a été fondée par Mme Sheema Khan, avec l'aide de M. Faisal Kutty et d'autres. En 2003, Mme Khan a déclaré sous serment dans un affidavit déposé à titre de présidente fondatrice du CAIR-CAN que le CAIR-CAN agissait sous la direction et le contrôle de l'organisation mère étasunienne. Vers 2004, plusieurs personnalités importantes de l'ancien CAIR étasunien et d'autres associés ont été condamnés pour des infractions reliées au terrorisme, notamment l'ancien coordonnateur des libertés civiles du CAIR. Pendant une partie de sa présidence du CAIR-CAN, Mme Khan a siégé au conseil de l'organisation du CAIR étasunien. D'après un rapport de 2006 du National Post, le CAIR-CAN versait des contributions au bureau de Washington à partir des revenus du CAIR-CAN.
En 2007, le ministère de la Justice étasunien a désigné l'organisation mère, le CAIR...
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Merci, monsieur le président.
En 2007, le ministère de la Justice étasunien a qualifié l'organisation mère CAIR de « conspirateur non accusé » dans le cadre de la poursuite relative au financement du terrorisme par la U.S. Holy Land Foundation, poursuite qui a débouché sur des condamnations. Lorsque le CAIR a contesté devant un tribunal de district américain la désignation faite par le ministère de la Justice, le tribunal a confirmé la désignation et déclaré que « Le gouvernement a produit des preuves qui établissent l'existence de liens entre le CAIR et le Hamas ». Le Hamas est une entité terroriste selon le droit canadien et le droit étasunien. Le FBI a mis fin aux activités de sensibilisation qu'il exerçait avec l'organisation mère du CAIR en 2008 et la pertinence de ces aspects à l'égard des activités de sensibilisation et de lutte contre la radicalisation associées au projet de loi sera de plus en plus claire.
En 2013, le CAIR-CAN, la section canadienne, a modifié son nom pour s'appeler le National Council of Canadian Muslims, NCCM. Certains ont vu là le souci de se distinguer de ses liens avec le CAIR U.S. Si c'est bien le cas, cette intention a été compromise par la déclaration accompagnant l'adoption du nom NCCM, parce qu'elle mentionne que le NCCM et le CAIR-CAN demeurent la même organisation, malgré le changement de nom. Le communiqué de presse du NCCM où se trouve cette déclaration a été retiré du site Web du NCCM/CAIR-CAN, mais je serais heureux d'en fournir une copie au comité.
Certains membres de la haute direction du CAIR-CAN et du personnel de l'époque occupent des postes comparables au sein du NCCM. Certains critiques estiment que le NCCM/CAIR-CAN s'est abstenu de condamner publiquement et directement l'organisation mère étasunienne à cause de ses liens radicaux et des condamnations pour actes de terrorisme reliés à cette organisation. Certains ont mentionné que le NCCM/CAIR-CAN semblait réticent à divulguer ses états financiers et autres registres susceptibles d'expliquer ses liens avec le CAIR à Washington, notamment. D'autres s'inquiètent de la tendance qu'aurait cette organisation à diffuser un message déformé qui sème la discorde à un moment où nombreux sont ceux qui s'inquiètent du risque d'aliéner la jeunesse musulmane.
Le caractère authentique du souci de défendre la liberté civile qui animerait le NCCM/CAIR-CAN a été mis en doute par le rôle qu'a joué le CAIR-CAN au cours des années 2000 dans ce que l'on a appelé une campagne d'attaques pour libelle lancée par ce groupe et par l'organisation mère dans le but d'empêcher les médias de poser des questions à leurs sujets, en intentant de nombreuses poursuites pour libelle diffamatoire. Je vous invite à examiner l'analyse qu'a effectuée Daniel Pipe intitulée « La judiciarisation croissante du CAIR ». Il semble que le contrecoup subi sur le plan des relations publiques ait obligé le NCCM/CAIR-CAN et le CAIR à se désister eux-mêmes de leurs poursuites pour libelle et de renoncer à toute « guérilla judiciaire » du moins pour le moment. Comme cela a été mentionné dans la revue Maclean's, j'ai été un des commentateurs et défendeurs des libertés civiles qui a été poursuivi pour libelle; j'ai lutté pour défendre le droit d'exercer de façon responsable les droits garantis par l'article 2 de la Charte — et liberté d'expression et de la presse — et j'ai obligé le CAIR-CAN/NCCM à se désister de ses poursuites, sans avoir eu à m'excuser ou à verser quoi que ce soit.
En 2014, le NCCM/CAIR-CAN et la Islamic Social Services Association, ISSA — cette dernière étant dirigée par Shahina Siddiqui, membre du conseil du NCCM/CAIR-CAN — a préparé ce qui a été appelé un manuel de lutte contre la radicalisation, « Tous contre le terrorisme ». Mais la GRC qui avait préparé un chapitre de cette brochure s'est retirée du projet en raison des aspects « conflictuels» de certaines parties du document. Le choix des érudits musulmans recommandés dans cette brochure a également fait l'objet de critiques, parce que certains pouvaient être qualifiés d'érudits les plus radicaux du continent.
Un des nombreux exemples est M. Jamal Badawi, un Canadien né en Égypte qui a été décrit comme un dirigeant international des Frères musulmans; c'est un conspirateur non accusé étasunien qui aurait apparemment préconisé l'infliction de punitions physiques aux femmes et qui est en faveur de la polygamie. Badawa a été pendant des années un des représentants du CAIR-CAN. La brochure recommandait également Siraj Wahhaj, dont le nom figurait sur la liste du gouvernement américain des conspirateurs non accusés reliés à l'attentat à la bombe du World Trade Center de 1993 et qui aurait également fait des déclarations extrémistes. L'auteur de ces recommandations, l'imam Zaid Shakir, a été condamné pour ses positions idéologiques par le dirigeant modéré américain M. Zuhdi Jasser, qui a comparu devant votre comité et la Ligue anti-diffamation.
Malgré le fait que la GRC se soit retirée du projet, j'ai entendu récemment dire que cette brochure était toujours distribuée dans les foyers à l'étranger et que le nom de la GRC apparaissait toujours sur la couverture — une situation assez troublante.
Pour en revenir au présent, je pense que l'éclairage personnel que je donne à ce dossier permettra de mieux apprécier l'allégation qu'a faite le NCCM devant le comité selon laquelle le questionnement de l'organisation constitue du « Maccarthisme ». J'espère que mon analyse aidera le comité et les Canadiens en général à mieux apprécier les témoignages entendus.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci.
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Merci. Bonjour monsieur le président et bonjour aux membres du comité. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui. J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à participer à cette étude très importante du projet de loi , mais personne ne vous sera plus reconnaissant que mes deux fils parce que c'est l'époque des rencontres parents-enseignants à Regina, Saskatchewan et que mes garçons ont eu un sursis inattendu. Je dois toutefois dire au comité que dès que je rentrerai chez moi, je prendrai de nouveau rendez-vous avez leur professeur. Je ne suis pas venue ici pour vous parler de mes problèmes familiaux, mais pour vous parler de mes sentiments au sujet du projet de loi C-51.
Le discours négatif qui entoure le projet de loi et la place que le gouvernement actuel souhaite accorder aux musulmans au Canada m'inquiètent. Permettez-moi de vous parler un peu de mon expérience, même si vous avez sans doute déjà deviné que je suis ni une avocate ni une universitaire. Je suis principalement connue au Canada comme étant la créatrice de la série télévisée Little Mosque on the Prairie (La petite mosquée dans la Prairie) et je suis maintenant l'auteure de Laughing All the Way to the Mosque (Le bonheur est dans la mosquée), une série tirée de mon vécu de musulmane qui a grandi au Canada. J'ai beaucoup réfléchi, écrit et créé des oeuvres traitant de ce qu'est être une Canadienne de religion musulmane.
Il y a quelques semaines, j'étais en France et je parlais avec mon éditrice française dans un café à Paris. Elle m'a demandé pourquoi je me présentais toujours comme une Canadienne. La question m'a prise au dépourvu. Je lui ai demandé où elle voulait en venir. Elle m'a répondu qu'elle n'avait jamais rencontré une musulmane qui était aussi farouchement loyale à son pays, et elle voulait savoir comment le Canada avait réussi à susciter une telle passion chez ses citoyens. La question m'a prise au dépourvu. Je ne savais pas que je laissais transparaître une ferveur canadienne aussi forte; c'était presque anti-Canadien. Je dois vous avouer que je ne m'étais jamais demandé pourquoi j'aimais tant le Canada. Je ne suis même pas née au Canada.
Je suis née à Liverpool, en Angleterre, où mon père était un ingénieur civil qui travaillait sur les tunnels de la Mersey. J'avais cinq ans lorsque des agents recruteurs canadiens ont essayé de convaincre mon père d'emmener sa famille au Canada et lui ont promis une vie meilleure. Il vivait bien en Angleterre et avait un bon travail, mais il y avait quelque chose dans le zèle incroyable qu'ils ont déployé pour l'amener à considérer que le Canada pourrait devenir son pays qui l'a touché. Ma mère en avait assez de la pluie anglaise, qui aggravait son asthme, de sorte qu'elle a dit « oui ». À l'exception des Premières Nations, qui sont les seuls peuples indigènes de ce grand pays, notre famille, comme toutes les autres familles canadiennes qui sont ici aujourd'hui, a quitté sa maison et est venue au Canada. Nous avons contribué à la riche histoire de l'immigration musulmane qui a commencé l'année de la fondation du Canada en 1867. À l'époque, les musulmans étaient des agriculteurs et des commerçants de fourrure qui se sont établis dans l'ouest du Canada, principalement en Alberta, province où la première mosquée a été construite en 1938 et qui se trouve maintenant au musée du parc du Fort Edmonton, que j'ai eu l'honneur de visiter il y a quelques mois.
Nous nous sommes établis à Brampton, en Ontario. Mon père faisait partie de l'équipe d'ingénieurs qui a construit la Tour du CN à Toronto dans les années 1980. Dans ma jeunesse, j'étais très sensible au fait que ma famille et moi faisions partie des quelque 250 000 immigrants dont le Canada avait besoin d'accueillir chaque année pour préserver une saine assiette fiscale, s'il voulait survivre comme pays. Même toute petite, je me posais des questions au sujet du ministre de l'Immigration et du ministre du Revenu. Est-ce qu'ils travaillaient tard le soir parce qu'ils s'inquiétaient de la situation? Imaginaient-ils ajouter des drogues fertilisantes dans nos conduites d'eau potable pour élargir l'assiette fiscale? Comme beaucoup de Canadiens qui amènent leurs enfants à l'église, à la synagogue ou dans un temple, mes parents nous amenaient à la mosquée pour nous faire connaître l'islam. Nous allions dans une mosquée de Toronto qui était une église transformée, de sorte que dans mon esprit, les mosquées étaient essentiellement des églises dont on avait retiré les bancs. Même aujourd'hui, je ne suis pas à l'aise dans une mosquée s'il n'y a pas de jubé pour le choeur ni de vitraux où figurent des croix. Dès mon enfance, la culture canadienne et la culture musulmane ont fusionné dans mon esprit.
Par la suite, au cours des années 1990, j'ai commencé à porter le hijab. Je faisais partie d'une des premières vagues de musulmanes canadiennes à le faire. Mes professeurs étaient un peu inquiets de ce zèle religieux tout nouveau, mais dans l'ensemble, on ne s'occupait pas de moi et j'ai pu pratiquer ma foi comme je l'entendais. À cette époque, personne ne se souciait de la façon dont vous vous habilliez, si vous ne portiez pas atteinte aux droits des autres. Il était possible d'assister à la cérémonie de la citoyenneté en portant une mitre papale ou un niqab incrusté de diamants, car le ministre de l'Immigration ne se souciait aucunement de ces choses à l'époque — même si le ministre du Revenu aurait bien aimé savoir d'où venaient ces diamants et s'ils avaient été taxés correctement.
Les droits de la personne, le pluralisme, la démocratie et le féminisme ont alimenté mon éducation religieuse et culturelle. J'ai regardé le documentaire Half the Kingdom (La moitié du Royaume) fait par des féministes juives canadiennes au sujet du sexisme dans les synagogues, et j'ai pensé que, si les Juives pouvaient fièrement défendre leur foi tout en critiquant les pratiques patriarcales associées, alors je pouvais le faire moi aussi. J'ai suivi leurs traces et j'ai tourné le documentaire Me and the Mosque (Moi et la mosquée) qui traitait des pratiques semblables que l'on retrouvait dans ma communauté. Deux ans plus tard, j'ai lancé une série de programmes de télévision au Banff Television Festival au sujet d'un avocat de Toronto qui renonce à une carrière lucrative d'avocat à Bay Street pour devenir l'imam sans le sou d'une pauvre mosquée qui louait des locaux dans une église encore plus pauvre. Une mosquée abritée par une église a été l'aspect le plus marquant de ma vie de jeune Canadienne.
Little Mosque on the Prairie (La petite mosquée dans la Prairie) est devenue le succès le plus inattendu qu'on ait jamais enregistré sur les ondes canadiennes. Le monde entier s'est intéressé à la première de l'émission. Je me suis inspirée de ce que j'avais vécu dans ma jeunesse et de ma conception de ma foi à travers le prisme des droits de la personne au Canada, de la lutte contre l'islamophobie ambiante et des difficultés qu'éprouvait le patriarcat au sein de cette religion.
Aujourd'hui, La petite mosquée est diffusée dans plus de 60 marchés dans le monde entier. Au cours des années, j'ai connu des journalistes de l'étranger qui regardaient fascinés cette émission. J'ai compris plus tard que cette émission reflétait en fait l'essence du Canada et le succès du multiculturalisme. Nous sommes un pays qui a invité des gens de toutes les races, de tous les groupes ethniques et religieux et nous avons construit une société qui valorise le droit de chaque personne de vivre sa vie à sa façon, tout en étant une partie dynamique du tissu canadien. Autrement dit, le monde a été fasciné par ce que le Canada fait bien et que tant de pays font mal.
Nous sommes un pays d'immigrants depuis les Chinois et les Asiatiques du Sud jusqu'aux Ukrainiens, aux Italiens, qui ont construit littéralement le Canada à partir de rien, chaque vague de nouveaux arrivants s'appuyant sur la contribution de la vague précédente. Le succès rencontré par chacun des groupes a profité à tous.
Les gens me demandent si le fait d'être musulmane m'a nui au Canada, mais je réponds toujours que je me suis toujours sentie aimée et chérie par mon pays. Même après le 11 septembre, à Regina, à Saskatchewan, une femme âgée m'a pris la main pendant que je faisais des achats et m'a dit « Ne vous reprochez pas ce qui est arrivé; ce n'est pas votre faute ». Ces sentiments d'affection et d'appartenance m'ont aidée à surmonter les moments très difficiles où j'ai pensé que le monde entier en voulait à ma communauté pour un crime qu'avait commis un groupe d'extrémistes violents qui prétendaient représenter ma foi.
Mais ces derniers mois, mon mari et moi avons commencé à nous inquiéter du discours négatif que faisait le gouvernement au sujet des musulmans au Canada et de ce que cela voulait dire pour nous. Je crains que certains sentiments aient commencé à effilocher le tissu de notre nation. Je m'inquiète de ce qu'un enfant dont la mère porte le niqab ressentira lorsqu'il entendra son parler d'elle, en des termes aussi irrespectueux.
Malala Yousafzai, qui a reçu le Prix Nobel de la paix et qui est une citoyenne canadienne honoraire, a également une mère qui porte le niqab. Serait-elle bien accueillie ici?
Cela ne correspond pas aux Canadiens que nous sommes. Cela va contre notre croyance fondamentale dans les valeurs canadiennes. Cela correspond tout à fait au discours des extrémistes internationaux qui veulent que les musulmans se sentent aliénés de la société, qu'ils sentent qu'ils ne sont pas désirés et n'ont rien à faire ici.
Pour lutter contre ce sentiment d'aliénation, toutes les mosquées du Canada invitent leurs membres à ne pas se laisser influencer par ces sentiments islamophobes et à continuer d'être des citoyens actifs qui participent et contribuent à la société, font du bénévolat, et font ce qu'ils peuvent pour assurer la sécurité du Canada. Comme citoyens, nous sommes prêts à collaborer avec la GRC et nos services de police et à appliquer les lois en vigueur. Des citoyens engagés seront toujours la meilleure défense contre le terrorisme et la radicalisation qui mène à la violence criminelle.
En tant que communauté, nous faisons tout ce que nous pouvons pour lutter contre l'impression que tout à coup nous représentons un problème pour le Canada; mais cela m'inquiète. Je suis mère, j'ai quatre enfants, deux filles. Une étudie en France et ne m'appelle pas assez souvent. L'autre est maître nageuse et monitrice de natation. Elle a subi une commotion la semaine dernière en jouant au rugby pour l'équipe de l'Université de Regina et elle n'écoute pas ses parents qui lui conseillent de s'arrêter pour que son cerveau guérisse bien.
J'ai deux garçons qui fréquentent la Campbell High School et qui jouent beaucoup trop aux jeux vidéo et qui devraient mieux nettoyer les salles de bain de la maison. Il y en a un qui vient d'avoir 16 ans, ce qui veut dire que je dois passer le rite de passage que tous les parents craignent — risquer ma vie sur les routes canadiennes pour lui apprendre à conduire.
Mon mari travaille comme psychiatre, spécialiste des enfants et des adolescents, dans les services de santé mentale de Regina. Son père s'est établi à Regina, en Saskatchewan, il y a plus de 40 ans comme chirurgien oto-rhino-laryngologiste. Il a fondé la première mosquée de la Saskatchewan où mes enfants ont suivi toutes les fins de semaine les redoutables leçons d'arabe.
Mon mari et moi nous nous inquiétons du coût des études universitaires de nos quatre enfants, dont deux ont déjà commencé ces études. Nous nous inquiétons de ce qui va arriver à l'économie des provinces de l'Ouest avec la baisse du prix du pétrole. Nous nous inquiétons des milliers de femmes autochtones qui ont été assassinées et dont les meurtres n'ont jamais été résolus. Je m'inquiète du fait que la violence familiale tue davantage de femmes au Canada que tous les policiers et pompiers combinés. Je me dis que je ne fais pas suffisamment de recyclage et que je contribue à la croissance de l'île de plastiques qui se forme quelque part dans le Pacifique. Et je m'inquiète de l'effet qu'aura le projet de loi sur notre pays.
Une communauté musulmane saine et dynamique est la meilleure défense contre le terrorisme et la radicalisation qui favorise la violence criminelle, mais le projet de loi compromet tout cela. Aggraver la marginalisation des musulmans et attiser l'hystérie islamophobe n'est pas la solution. Il nous faut travailler ensemble, à tous les paliers de la société, dans le respect mutuel et la collaboration. Il faut que les mosquées participent davantage à la création d'un filet de sécurité sociale dans leurs collectivités pour que nous puissions plus facilement aider les plus vulnérables d'entre nous.
Les musulmans ont beaucoup apporté à ce grand pays et continueront à être une force vitale au cours des prochaines élections; le sentiment d'appartenance est toutefois un élément essentiel à la réussite d'une société civile. C'est ce qui manque en Europe. J'y ai vu une population musulmane découragée qui sait qu'elle n'est ni désirée, ni acceptée. J'ai grandi comme une citoyenne canadienne dynamique qui aime son pays, qui aime sa religion et qui n'a jamais été obligée de choisir entre les deux — c'est ce que j'ai dit à mon éditrice française.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de l'occasion que vous me donnez de vous parler du projet de loi .
[Traduction]
J'ai quitté le SCRS où j'occupais le poste de directeur adjoint du renseignement il y a près de trois ans. J'y avais travaillé pendant près de 30 ans comme agent de renseignement, directeur de service et membre de la haute direction.
[Français]
Au cours de ces 30 années, j'ai été un témoin privilégié de la croissance du service et de son adaptation aux menaces qui n'ont cessé d'émerger en cette époque tumultueuse.
[Traduction]
Au début, lorsque je suis entré au SCRS, en 1984, il s'agissait essentiellement de la guerre froide. C'était la recherche d'espions et d'agents apparemment subversifs. Parallèlement, il y avait aussi le terrorisme basé sur le territoire national, celui que reflétaient les événements des extrémistes sikhs et arméniens au cours des années 1980.
Au cours de la première décennie, j'ai également assisté à l'arrivée de la violence du Hezbollah chiite contre l'Occident, en particulier dans des pays comme le Liban et par la suite, à l'apparition de groupes de milice de droite aux États-Unis ainsi que des tenants de la suprématie blanche au Canada au cours des années 1990, et bien sûr, dans toute l'Europe de nos jours. J'ai ensuite été aux premières loges lorsqu'est apparue une nouvelle forme de terrorisme politique et religieux relié à l'extrémiste sunnite, celui d'al-Qaïda, avec ses multiples manifestations, qu'il s'agisse de l'AQ ou al-Qaïda, de groupes affiliés ou de la perversion actuelle connue sous le nom d'État islamique.
[Français]
Au fil de ma longue carrière au sein de la sécurité nationale, notamment dans mon rôle de directeur général du principal groupe s'occupant de contre-terrorisme au SCRS, jamais je n'ai observé une telle intensité des menaces qui pèsent sur nous à l'échelle mondiale. Jamais, en effet, n'avons-nous été confrontés à des menaces aussi variées, aussi graves et aussi complexes.
[Traduction]
Je vais centrer mes commentaires sur le contre-terrorisme, mais je serai fautif de ne pas attirer l'attention des membres du comité sur le fait que les menaces actuelles ne se limitent absolument pas à celles d'al-Qaïda et de l'État islamique ou à la radicalisation des jeunes sur notre territoire. En premier lieu, il y a le cyberterrorisme, qui a un effet important sur notre prospérité future, qui va du vol de propriété intellectuelle jusqu'au ciblage de nos infrastructures essentielles. À mon avis, nous ne sommes pas encore bien défendus contre cette menace.
[Français]
Par ailleurs, comme nous le voyons dans certains dossiers chauds, comme celui de l'Ukraine, il nous faut aussi composer avec la résurgence d'une très importante menace « à la soviétique ». La guerre hybride de faible intensité menée contre l'Occident par le régime totalitaire en Russie n'a rien d'inoffensif. Je me permets même d'ajouter qu'elle est probablement, parmi tous les dangers qui nous menacent, le risque le plus négligé et le plus sous-estimé.
[Traduction]
La question de la prolifération nucléaire se pose encore une fois de façon très inquiétante parce qu'elle pourrait prendre la forme d'une nouvelle course aux armements au Moyen-Orient dans le but d'acquérir la capacité d'Israël ou d'obtenir les armes que souhaite avoir l'Iran. Et la montée en puissance de la Chine, qu'elle prenne la forme d'interventions à l'étranger, de la transformation permanente de son armée ou de ses nouveaux investissements officiels dans un programme agressif de cyber-espionnage pluri-secteurs?
Je mentionne tous ces aspects pour bien montrer que les améliorations proposées avec le projet de loi , et en particulier, celles qui touchent la Loi sur le SCRS, ne doivent pas être considérées comme renforçant exclusivement les programmes canadiens de lutte contre le terrorisme.
[Français]
À mon avis, le climat mondial n'a jamais été aussi menaçant depuis les années troubles qui ont précédé la Première Guerre mondiale. Le moment me paraît donc particulièrement bien choisi pour réviser en profondeur les lois canadiennes en matière de sécurité. Je suis convaincu que notre pays doit être en mesure de comprendre clairement les enjeux et de réagir efficacement sur de multiples fronts.
[Traduction]
Maintenant, permettez-moi de revenir sur la question principale de la menace croissante du terrorisme dans le XXIe siècle. Sans aucun doute, la lutte sera à long terme pour vaincre cette nouvelle variante du terrorisme. Comme mesure préventive, permettez-moi de dire que nous ne devons pas laisser que cela soit affiché ou articulé comme un défi impliquant une religion particulière, car ce n’est pas le cas. Basé sur mon expérience professionnelle, je peux dire que c’est une lutte contre une idéologie politique/religieux qui a tout l'ADN des mouvements fascistes qui ont généralement comblé un vide social et économique à travers l'histoire. Cependant, c’est un champ de bataille où une combinaison de l'investissement social, de la diplomatie, de l’application de la loi, des opérations de renseignement, et de capacité militaire sera nécessaire pour que nous réussissions.
[Français]
Il est encore plus important cependant d'éviter les mesures contre-productives et de ne pas laisser les extrémistes gagner la guerre de l'opinion publique en convainquant les gens que nous nous trouvons bien au coeur d'une guerre entre l'Occident et l'islam.
[Traduction]
L'histoire et le contexte sont des aspects importants, mais les faits le sont aussi. Comme l'a récemment fait remarquer un rapport du Department of Homeland Security, DHS, on a enregistré entre 2007 et 2010, près de 200 attentats reliés à l'AQ et à l'ISIS dans le monde entier. Les statistiques de 2013 émanant du DHS montrent qu'il y a eu 600 attentats de ce genre reliés à ces mêmes organisations.
[Français]
Il va de soi que la multiplication par trois du nombre d'attaques liées à Al-Qaïda n'a rien d'encourageant. Le meurtre tragique de 23 personnes à Tunis, surtout des tourismes européens, est un autre exemple frappant de la difficulté d'assurer la sécurité d'une société, quelle qu'elle soit, devant ce genre de terreur aveugle.
[Traduction]
Je travaillais pour le SCRS au cours de la décennie qui vient de s'achever, mais je peux confirmer que nous avions constaté que la mondialisation qui touchait les communications, la production et l'industrie des services s'appliquait de la même façon au terrorisme. Vous devriez donc être conscients du fait que nous avons élaboré dans ce contexte des principes opérationnels correspondant à cette réalité. La nouvelle approche consiste pour l'essentiel à lutter contre les menaces où qu'elles puissent apparaître. C'était l'aspect essentiel qui nous a d'ailleurs permis d'écarter un certain nombre de menaces qui visaient les Canadiens tant sur leur sol qu'à l'étranger.
[Français]
Malgré ces succès, pendant mon mandat à l'un des postes de responsabilité les plus élevés dans la lutte contre le terrorisme international, je n'ai que rarement pu offrir indirectement aux Canadiens un niveau élevé de protection. Vous vous demandez peut-être pourquoi. La réponse est pourtant simple. Chaque jour qui passe, de nouvelles situations se présentent et de nouveaux scénarios inédits émergent, et les problèmes qui les accompagnent ne sont jamais simples à résoudre. Ensuite, les auteurs des menaces contre lesquelles nous luttons apprennent et innovent au même rythme que nous.
[Traduction]
Tout comme les biologistes doivent lutter pour circonscrire les bactéries qui résistent aux drogues, les individus et les entités nuisibles apprennent et s'adaptent au nouvel environnement de menaces. Les auteurs de menace vont à l'école, comme ils disent, en relisant la transcription des procès, en écoutant les nouvelles, en étudiant les divulgations procédurales ou grâce aux secrets du métier dérobés comme ceux qu'aurait diffusés dans le monde entier Edward Snowden. Le défi permanent que pose la sécurité au Canada vient du fait que la plupart des organisations terroristes ont modifié leurs stratégies et sont passées de complots complexes visant à causer des atrocités considérables à de petites attaques bien souvent individualisées, connues d'une façon générale comme celles de loups solitaires.
[Français]
Il s'ensuit que les possibilités de détection des attaques et la fenêtre d'intervention entre la planification d'une attaque et l'attaque comme telle n'ont cessé de réduire dans les cinq dernières années. Les délais de réaction sont de plus en plus courts et les possibilités de contrecarrer les plans des fauteurs de trouble, de plus en plus réduites.
Finalement, lorsque j'étais en poste, mes craintes venaient souvent du fait que le coffre d'outils à notre disposition était très limité par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.
[Traduction]
Les règles en matière de divulgation de l'information en vigueur ont bloqué la transmission de renseignements potentiellement importants. D'autres obstacles ont nui au transfert de renseignements du SCRS à la GRC pour que celle-ci puisse intervenir.
Surtout, il y avait le fait que la Loi sur le SCRS de 1984 qui avait été créée pour faire face aux menaces de la guerre froide qui faisaient l'objet d'enquêtes pendant des années pour réunir peu à peu des renseignements, est tout d'un coup devenue anachronique. Le fait d'être limité à « recueillir, analyser et faire rapport » sur les menaces à la sécurité nationale, comme l'énonce actuellement l'article 12 de la Loi, a immédiatement bloqué notre capacité d'intervenir au moyen de mesures d'interdiction peu coûteuses, créatrices et de faibles répercussions. Autrement dit, les activités de réduction des menaces.
[Français]
Pour vous donner les moyens de mieux étayer votre réflexion, sachez qu'il existe de nombreuses idées reçues sur la manière dont les organismes ou les organisations de sécurité du monde arrivent à contrer efficacement les menaces qui pèsent sur la société ou sur un groupe de pays partageant certaines valeurs.
En termes simples, je dirais que la sécurité est tout autant un art qu'une science exacte, et probablement davantage un art qu'autre chose.
[Traduction]
La lutte contre le terrorisme consiste à apprécier des risques. Il ne s'agit pas, comme certains l'espèrent, de prévoir l'avenir. Avec les progrès constants de l'analytique, les analystes et les équipes d'intervention ont certes modifié cette dynamique. Le contre-terrorisme est pluridimensionnel. Il s'agit de détection avancée, d'évaluation des risques de frappe, l'allocation des ressources dans ce domaine et la conciliation des nombreuses considérations juridiques et générales susceptibles de s'y appliquer.
En outre, et c'est là où le volet gestion du risque s'applique vraiment au contre-terrorisme, il y a le fait que les équipes qui travaillent dans ce domaine doivent continuellement réviser leurs cibles dans le cadre d'un processus qui pose des défis constants à leur jugement dans chaque affaire. Cela se fait pratiquement tous les jours.
À mon avis, nous avons été bons mais nous avons aussi eu de la chance. Le premier résultat découle presque toujours du travail effectué et des actions prises. Je crains toutefois que, sans une transformation radicale du cadre de la lutte contre le terrorisme, le Canada prenne du retard et nous n'aurons pas toujours de la chance.
[Français]
Les critiques ont jusqu'à maintenant convaincu un segment important de la population que nos mesures sont dangereuses et inutiles. Je ne suis pas d'accord sur ce point de vue et je rejette l'argument de la « pente glissante », car mes 30 ans d'expérience sur le terrain m'ont démontré que les valeurs fondamentales des Canadiens, par exemple le respect des droits de la personne, sont beaucoup moins menacées que nos intérêts, qui sont exposés à une foule d'actes malicieux.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être venus ce matin. J'ai déjà eu une rencontre agréable ce matin avec Mme Nawaz. Elle m'a dit qu'elle n'était pas comédienne, comme cela est mentionné dans mes notes, mais la créatrice d'une série télévisée.
M. Harris et M. Boisvert, je tiens à vous remercier du travail que vous effectuez pour protéger le Canada dans les différents organismes de sécurité auxquelles vous avez participé activement.
M. Harris, je tiens également à vous remercier de vos commentaires qui précisent le témoignage qui a été rendu par un témoin précédent représentant le NCCM et aussi, les précisions que vous avez apportées au sujet du CAIR. Je suis quelque peu surpris de l'intolérance manifestée par mes collègues du NPD de l'autre côté de la table pour ce qui est de la recherche de la vérité et de la constatation des faits, alors que parallèlement, ils font preuve d'une grande tolérance à l'égard d'un témoin qui a lancé une attaque personnelle contre un parlementaire. Cela me paraît très bizarre. C'est pourquoi je voulais vous remercier des précisions que vous avez apportées ici ce matin.
Nous avons entendu de nombreux membres de la communauté musulmane; un des commentaires que nous avons entendus hier celui de M. Zuhdi Jasser, le président de l'American Islamic Forum for Democracy m'a frappé. Je l'ai noté parce que j'ai pensé qu'il le méritait et je veux simplement le répéter. Il a déclaré « Tous les musulmans ne sont pas des islamistes, mais tous les islamistes radicaux sont musulmans ».
Voilà qui est intéressant. Le comité a entendu de nombreux membres de la communauté musulmane affirmer que ce projet de loi n'allait pas suffisamment loin et qui étaient très inquiets de la radicalisation, en particulier celle des jeunes membres de leur communauté, et qui s'inquiétaient du fait que cela ne représentait pas du tout l'ensemble de la communauté musulmane.
Lorsque j'examine notre projet de loi, je constate qu'il ne parle ni de race, ni culture, ni de religion. Le projet de loi parle d'antiterrorisme et il ne définit pas lui-même ces différentes notions.
D'après l'expérience des organismes de sécurité que vous avez acquise pendant que vous travailliez pour le SCRC, pourriez-vous faire quelques commentaires au sujet des pouvoirs en matière de perturbation des activités terroristes qu'accorde ce projet de loi?
Monsieur Harris, j'aimerais vous demander de commencer.
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Merci. Il est intéressant que vous ayez posé cette question.
En fait, nous sommes jeudi, de sorte que samedi, dimanche et lundi, nous avons organisé des activités pendant ces trois jours dans notre mosquée, en Saskatchewan.
Une journée, le samedi, est réservée aux membres de notre communauté qui ne sont pas musulmans, au gouvernement, aux services sociaux et aux universités ainsi qu'au système scolaire pour qu'ils viennent nous parler de ce qui les préoccupe au sujet de la communauté musulmane. Nous leur offrons un atelier d'une journée entière, consacré aux éléments éducatifs des besoins de la communauté musulmane et des façons de collaborer et de travailler de concert. Nous avons organisé un atelier d'une journée pour le samedi.
Le dimanche, nous organisons une assemblée publique pour la communauté musulmane pour que les gens puissent parler ouvertement et sincèrement de toutes les préoccupations que les parents ou les membres de la communauté ont au sujet de leurs enfants. Nous voulons que tous ceux qui ont entendu quelque chose, qui sont préoccupés ou inquiets de certaines questions aient un endroit sûr où ils puissent se faire entendre et sentir qu'on les écoute. Notre imam sera là; des membres de notre communauté seront là. Nous voulons entamer un dialogue avec notre communauté pour que, si des gens ne se sentent pas en sécurité ou veulent parler de cet aspect, ils puissent le faire.
Lundi, nous allons tenir une conférence de presse pour les médias, à laquelle assisteront des membres de la GRC, des membres du service de police de Regina, l'imam, le président de l'association islamique — qui se trouve être mon beau-frère — ainsi que le président de l'association des étudiants musulmans. Des membres clés de la communauté musulmane répondront aux questions des médias s'ils veulent savoir ce que font les musulmans de la Saskatchewan pour éviter que nos jeunes soient radicalisés et quelles sont les mesures qu'ils prennent à cet effet.
Ce sont là, à mon avis, des activités que les musulmans exercent dans l'ensemble du pays et qui sont précieuses et utiles parce qu'elles font sentir à notre communauté qu'elle constitue une partie vitale et intégrée de la mosaïque canadienne.
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Merci, monsieur le président et merci à tous nos témoins.
Je vais commencer par vous, M. Boisvert, et aborder une partie de votre témoignage. Vous avez déclaré que vous aviez 30 ans d'expérience. De ce côté-ci de la table, nous avons convoqué un certain nombre de témoins qui ont des dizaines d'années d'expérience dans la lutte contre le terrorisme, la collecte de renseignements, l'application de la loi, des gens qui s'occupent vraiment concrètement de toutes ces questions. Le thème commun que l'on retrouve dans tous ces témoignages est que la menace est réelle et qu'elle évolue. Vous avez parlé d'une menace mondiale, grave et complexe.
Vous avez également remarqué que certains critiques affirment que le projet de loi est dangereux et inutile. J'essaie tout simplement de remettre en perspective, non pas la crédibilité de ces personnes, mais le fait qu'il s'agit de terrorisme et que nous essayons de fournir à nos agences de sécurité nationale les moyens dont elles ont besoin pour combler les lacunes que nous avons constatées dans les dispositions actuelles, choses qui sont apparues très clairement après les attaques récentes lancées dans le monde entier. Il suffit de regarder les nouvelles de 18 h pour voir des gens qui veulent quitter leur pays, des familles déchirées, une autre attaque terroriste ici et des gens qui sont tués dans d'autres pays.
Nous avons entendu un témoin, l'inspecteur Irwin, qui nous a parlé en détail des différents articles du projet de loi. En outre, il a décrit les dispositions actuelles du Code criminel, en disant qu'elles étaient trop restrictives et que nous avions absolument besoin des nouvelles mesures proposées avec le projet de loi . Il a parlé des aspects reliés à la communication de l'information qui seraient absolument cruciaux pour les services d'application de la loi, si nous voulons qu'ils fassent face aux menaces actuelles. Il a également parlé de l'importance d'avoir des protections et il a affirmé qu'en réalité, ce projet de loi prévoyait des protections suffisantes.
Nous avons entendu un certain nombre de personnes qui représentaient différents groupes de défense des libertés civiles, dont l'un était la British Columbia Civil Liberties Association, qui disent que le ciel va nous tomber sur la tête, et que cela va tout simplement servir à cibler les manifestants. Nous avons entendu les mêmes arguments à l'époque où nous avons adopté la Loi sur la SCRS originale, il y a 30 ans. La BC Civil Liberties Association était déjà là et présentait les mêmes arguments. Avec la Loi antiterroriste originale, nous avons entendu le même argument, à savoir que le ciel allait nous tomber sur la tête. Le ciel n'est pas tombé en 1984; il n'est pas tombé en 2001; il ne tombera pas non plus en 2015, à tout le moins pas à cause de ce projet de loi.
Je voulais simplement vous parler plus précisément des capacités du SCRS en matière de perturbation et de l'obligation d'obtenir une approbation et une autorisation judiciaires. Le projet de loi décrit très clairement lui-même les critères que doit respecter ce type de demande. On a fait circuler certaines fausses informations selon lesquelles une personne pourrait tout simplement demander à une autre de signer un document et que celle-ci serait ensuite arrêtée et que cela déclencherait une hystérie de masse. Il est toutefois très clair que le mandat ne peut être délivré que pour des motifs raisonnables et selon certaines conditions. Les mesures envisagées doivent être raisonnables et proportionnelles; l'identité des personnes visées doit être divulguée, si elle est connue; les personnes ou catégories de personnes visées par le mandat doivent être mentionnées; il faut également fournir une description générale de l'endroit et prévoir une période ne dépassant pas un certain nombre de jours.
Nous avons entendu au moins deux témoins qui n'ont peut-être pas lu entièrement le projet de loi et qui ne l'ont peut-être pas non plus bien compris; le juge a toutefois la capacité d'examiner les renseignements fournis et de refuser de le délivrer. En plus, le projet de loi prévoit lui-même que le juge peut imposer les conditions qu'il estime indiquées dans l'intérêt public. Il y a donc certains mécanismes de protection que le juge peut utiliser à l'égard d'un agent du SCRS qui va exercer certaines activités.
Pourriez-vous parler de cet aspect et expliquer le déroulement du processus judiciaire; dans quel cas il est exigé et quelles sont les protections prévues et nous dire si ce projet va vraiment fournir au SCRS les outils dont il a besoin pour pouvoir perturber les menaces. Comme vous l'avez dit, les choses arrivent très rapidement à l'heure actuelle. Ce n'est pas comme il y a 30 ans où l'on pouvait construire un dossier sur de longues périodes.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins pour leurs exposés.
Mme Nawaz, je tiens à mentionner les efforts que vous avez décrits dans une réponse à une question de M. Rousseau, lorsque vous avez dit que vous travailliez avec votre mosquée dans votre communauté, que vous faisiez participer les gens à des discussions pour faciliter la compréhension et essayiez d'atténuer les craintes qui existent dans la société. Je suis de plus en plus préoccupé par ce que je vois au Canada, l'aggravation des tensions, les discours enflammés, la peur et ça ne ressemble pas au Canada que je connais et que j'aime et cela m'inquiète.
Permettez-moi de m'adresser à M. Boisvert. Vous dites que vous appuyez ce projet de loi. La boîte à outils dont disposent les Canadiens aux termes de la Loi de 1984 a été préparée pendant la guerre froide et je suis d'accord avec vous sur ce point. Le problème que pose, à mon avis, ce projet de loi est que le gouvernement met à jour certains articles du projet de loi pour qu'ils correspondent à 2015, si je peux m'exprimer ainsi, mais il n'a pas renforcé l'autre aspect de l'équation, c'est-à-dire l'instauration d'un équilibre approprié pour répondre aux préoccupations des activistes. La dissidence légitime, etc., est une préoccupation.
Pensez-vous que l'on puisse faire quelque chose pour réintroduire cet équilibre? Vous savez très bien, avec l'expérience que vous avez acquise dans le SCRS, que la population doit être de votre côté. Ce que je ne comprends pas, en tant qu'ancien ministre, c'est pourquoi le gouvernement est aussi réticent à mettre en place des mécanismes de surveillance. La chose que vous voulez absolument éviter lorsque vous êtes ministre, est qu'un événement survienne qui vous fasse paraître incompétent. La surveillance est la meilleure protection, non seulement pour les Canadiens, mais également pour les ministres.
Je suis très partisan d'une surveillance, d'une surveillance parlementaire. L'Association du Barreau canadien a été un peu plus loin que moi dans ce domaine. Qu'en pensez-vous? Je crois qu'il faut renforcer les deux côtés.
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Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole devant vous. Je m'appelle M. Steven Bucci, je suis le directeur de l'Allison Center for Foreign and National Security Policy du Conseil du patrimoine. Voici David Inserra, mon analyste en chef pour les questions de sécurité intérieure. Le Conseil du patrimoine est un groupe de réflexion non partisan et à but non lucratif de Washington, D.C.; les opinions dont nous allons vous faire part aujourd'hui sont les nôtres et ne constituent pas la politique officielle du Conseil du patrimoine.
Je suis honoré d'être invité à commenter le projet de loi canadien . Un ami canadien m'a dit en blaguant, « Alors vous venez ici nous expliquer notre droit ». Bien évidemment, ce n'est pas notre intention. Il y a eu, aux États-Unis, exactement le même genre de débat, et nous espérons vous fournir d'autres opinions qui pourraient éclairer différemment ces questions à l'aide de l'expérience américaine. Le Canada est notre partenaire, notre ami et notre allié le plus proche. Je le reconnais et je souhaite vraiment renforcer ce lien.
Je vais aborder quelques questions générales et ensuite, mon collègue parlera d'aspects plus particuliers. La menace que représente le terrorisme est bien réelle et, malheureusement, malgré tous nos efforts, cette menace s'est aggravée. Aujourd'hui, cette menace vient des extrémistes islamistes radicaux. Demain, elle pourrait venir d'autres groupes. Mais l'essentiel à retenir est qu'elle n'est pas exagérée; elle est réelle. C'est ce que le Canada a tristement constaté l'année dernière avec les attentats de Québec et d'ici, à Ottawa.
Le problème auquel nous faisons face est que cet ennemi en veut à nos citoyens pour la seule raison qu'il n'accepte pas notre liberté et notre tolérance; mais il arrive très bien à utiliser ces aspects pour prendre avantage sur nous. Cette menace vient d'une très petite partie égarée de la communauté islamiste, mais cette petite minorité nous met néanmoins en danger et nous devons nous préparer à parer cette menace.
Les questions de sécurité comme celles que soulève le projet de loi sont particulièrement délicates pour les démocraties pluralistes comme les nôtres. Les dirigeants de nos deux pays, quelle que soit leur orientation politique, sont chargés de la protection physique des citoyens et de nos intérêts, mais ils doivent également protéger nos libertés civiles et les droits constitutionnels que nous chérissons. Chacune des lois que nous adoptons doit instaurer un équilibre entre ces deux piliers. Si l'on va trop loin dans une direction, nos citoyens vont être blessés et mourir et si nous allons trop loin dans l'autre, c'est l'esprit de nos nations qui mourrait. Aucune de ces solutions n'est acceptable. Mais cela ne suffit pas encore. Il faut qu'il y ait aujourd'hui des mécanismes de surveillance efficaces ainsi que des procédures de vérification et de suivi à long terme pour qu'une loi adoptée aujourd'hui dans les meilleures intentions ne soit pas mal utilisée à l'avenir.
L'examen du projet de loi auquel j'ai procédé m'a amené à conclure qu'il s'agissait là d'une tentative faite de bonne foi de répondre au souci de renforcer la protection physique des citoyens sans entraîner la perte des libertés civiles. On retrouve dans les divers articles un élargissement judicieux de la communication de l'information et des pouvoirs accordés aux agences d'application de la loi, mais dans chaque cas, il y a des dispositions qui prévoient des recours et des appels. Elles combinent transparence et ouverture. Le projet impose un niveau de confidentialité minimal sans compromettre l'efficacité de la sécurité et il prévoit un large usage des mandats et des contrôles judiciaires. En bref, ce projet de loi semble concilier sécurité et liberté.
Avant de passer le microphone à David, j'aimerais également mentionner autre chose. Aux États-Unis, juste après le 11 septembre, nous avons découvert certaines choses que votre pays vient tout juste de découvrir. Nous avons essayé de concilier ces deux piliers. Au cours des années, nous avons connu deux présidents différents avec des attitudes et des orientations extrêmement différentes, plusieurs congrès dont la majorité a changé et une magistrature fédérale, qui ont tous participé à différents mécanismes de surveillance et décisionnels. Un équilibre a été établi.
Cependant, après les communiqués d'Edward Snowden, il est apparu clairement qu'un nombre non négligeable de citoyens américains n'étaient pas vraiment satisfaits de l'équilibre qui avait été établi. À l'heure actuelle, nous essayons d'ajuster tout cela pour en arriver à un équilibre. Je soulève ce point non pas parce que le projet de loi crée des programmes qui ressemblent à ceux qui ont soulevé des problèmes aux États-Unis, mais pour favoriser le plus possible la transparence du processus. Cette transparence amènera de l'efficacité, et vous évitera des problèmes plus tard. Le Canada et les Canadiens méritent cela et en fin de compte, cela profitera à votre grand peuple qui sont nos frères et nos soeurs.
Je vais inviter mon collègue David à utiliser le reste de notre temps de parole.
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Merci, monsieur le président.
Je me trouvais à Washington lundi et mardi pour le Congrès juif mondial, et nos amis américains sont ici. Je dois dire qu'au Congrès et au cours des nombreuses rencontres que nous avons eues avec des législateurs, ils nous ont tous fait remarquer que le Canada était un pays phare pour ce qui est de l'approche législative qu'il a adoptée pour renforcer la sécurité et contrer le terrorisme dans la société. Je me suis senti fier d'être un Canadien aux États-Unis et je vous remercie d'être venus nous voir.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui, avec Shimon Fogel, pour vous parler au nom du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, l'organe de défense des droits des Jewish Federations of Canada.
Les Juifs sont régulièrement ciblés au Canada par les crimes haineux ou reliés aux préjugés et ce, à un taux plus élevé que pour n'importe quel autre groupe identifiable. Cette haine ancienne et toxique n'est pas particulière à notre pays, mais elle est à juste titre repoussée aux marges des sociétés démocratiques libérales comme les nôtres. L'antisémitisme se manifeste toutefois de plus en plus par des actes de terrorisme brutaux inspirés par une idéologie islamiste déformée, comme nous l'avons tous vu avec les récents événements tragiques survenus en Belgique, en France et au Danemark. Lorsque les terroristes frappent, c'est bien souvent contre la communauté juive. De nombreux Juifs canadiens craignent avec raison que ce qui s'est produit dans des villes européennes se produise ici.
Je suis certain que vous connaissez tous la vidéo récente affichée par al Shabaab qui demandait qu'un attentat soit commis dans le West Edmonton Mall. Certains d'entre vous seront peut-être surpris d'apprendre les raisons de ce choix particulier, plutôt que, disons, le Centre Rideau. Le West Edmonton Mall a été choisi en particulier parce que ses propriétaires sont juifs, un fait qui, on peut le comprendre, aggrave l'angoisse que ressent notre communauté.
[Français]
Nous sommes reconnaissants envers le gouvernement actuel et ses prédécesseurs d'avoir adopté plusieurs mesures afin de protéger les Canadiens contre la violence terroriste. Le Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité pour les collectivités à risque et la Loi visant à décourager les actes de terrorisme contre le Canada et les Canadiens sont des initiatives récentes qui ont contribué à rehausser notre sécurité.
Notre communauté est vibrante, diversifiée, avec plusieurs opinions et elle est représentée sur tout le spectre politique. Cela dit, il y a un large consensus en faveur de mesures additionnelles pour lutter contre le terrorisme en général et en faveur du projet de loi en particulier.
[Traduction]
Je vais concentrer mes remarques sur quatre aspects du projet de loi dont nous avons constaté, grâce à la consultation de notre communauté, qu'ils avaient une résonnance particulière pour nous.
Le premier élément du projet de loi dont j'aimerais parler est la disposition qui permet de saisir la propagande terroriste. Cette disposition donne à un juge le pouvoir d'ordonner la suppression ou la saisie du matériel virulent qui, bien souvent, incite au meurtre de Juifs. La suppression de cette propagande haineuse, en particulier lorsqu'elle est affichée sur Internet, limiterait la capacité de radicaliser les Canadiens et d'inspirer des attentats.
Encore une fois, au cours des récentes assemblées du Congrès juif mondial, il y avait des membres venus d'Europe, et je dois dire qu'ils vivent là-bas dans la peur. Ils craignent tous cette promotion du terrorisme qui se fait sur Internet, sur les sites Web terroristes djihadistes, qui est impossible à contrôler et qui doit disparaître. Ils se demandent pourquoi il est possible de supprimer de l'Internet des crimes horribles comme la pédophilie, mais pas les diatribes terroristes.
Notre communauté travaille à la promotion des libertés civiles et d'expression, mais aucune d'entre elles ne peut être absolue. La saisie de la propagande terroriste introduirait des limites sur ce qu'est un discours acceptable, et c'est à notre avis une restriction légitime et appropriée, dont la justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique.
[Français]
Nous avons vu un nombre croissant d'exemples d'attaques inspirées par les messages de groupes terroristes mais qui ne sont pas le résultat d'appels directs à des actes précis. La saisie de la propagande terroriste viserait cette tendance et contribuerait aux efforts de lutte contre la radicalisation au Canada.
[Traduction]
Le deuxième élément est la criminalisation du fait de préconiser ou de fomenter le terrorisme. C'est un élément important qui vient compléter la saisie de la propagande terroriste. Les lois pénales actuelles en matière d'incitation sont très précises et exigent qu'un acte cause probablement une violation de la paix. La radicalisation est un phénomène progressif, qui n'exige pas une intervention spéciale pour déboucher directement sur un attentat.
[Français]
Comme nous l'avons vu, de plus en plus d'individus commettent des attaques terroristes de leur propre initiative, sans avoir reçu des appels en ce sens. Cette disposition aborde le problème de ces limites et permet l'arrestation de ceux qui nourrissent cette violence extrémiste. Certains commentateurs sont d'avis que cette disposition est trop large. Cependant, les recruteurs et comploteurs terroristes ont déjà noté les limites de la législation actuelle et ont ajusté leur approche en conséquence. Cela leur permet de continuer d'encourager les attaques tout en demeurant techniquement dans les limites de la loi.
[Traduction]
Récemment, un membre fondateur d'al-Qaïda est devenu un agent double du MI-5; Aimen Dean a raconté à la BBC ce qu'il avait fait pour contourner les lois du Royaume-Uni qui interdisent l'incitation au terrorisme. Il était libre de fournir une justification théologique pour promouvoir les actions d'al-Qaïda, sans pour autant violer la loi. Mais il a fait remarquer: « Vous ne pouvez pas inciter quelqu'un en particulier à agir. Vous ne pouvez pas demander que soit commis un attentat particulier. Il faut être adroit pour savoir comment formuler les choses ». L'appel lancé par le Shabaab a été qualifié par la GRC de « commentaire très général. Ce n'était pas une menace précise ».
Le projet de loi érigerait en infraction pénale l'incitation générale à commettre des infractions de terrorisme, ce qui compliquerait la tâche des individus ou des groupes qui préconisent la perpétration d'attentats contre les Canadiens. Il supprimerait pour ceux qui souhaitent inspirer, radicaliser ou recruter des Canadiens pour qu'ils commettent des actes de terreur, un moyen légal qu'ils pourraient utiliser en étant adroits, mais qui créerait un danger avec leurs discours.
La saisie de la propagande terroriste et la criminalisation de l'incitation ou de la promotion du terrorisme sont des outils importants, mais ils ne suffisent pas à eux seuls pour lutter contre les deux fléaux que sont le terrorisme et la radicalisation. Nous recommandons la création d'un programme national parallèle de déradicalisation axé sur la marginalisation de l'extrémisme violent dans les communautés concernées. Un tel programme pourrait viser à la fois les communautés ciblées comme les nôtres par le terrorisme et celles qui font face à de la radicalisation. Notre communauté est prête à participer à toute entreprise qui permettrait de faire en sorte que le Canada que nous aimons assurer la sécurité de tous ses résidents.
Ce programme complémenterait le projet de loi et aiderait les communautés qui luttent contre la radicalisation à faire entendre leurs voix modérées et à délégitimer la haine. Combiné au projet de loi C-51, un programme national de déradicalisation pourrait aider grandement à détourner d'emblée certains individus de la voie du terrorisme.
Le troisième élément que j'aimerais aborder est la surveillance. L'expansion du rôle du SCRS constitue une modernisation importante qui va renforcer les moyens de perturber les actes de terrorisme avant que des vies canadiennes ne soient en danger. Les Canadiens bénéficieraient certainement d'une approche plus rigoureuse à la lutte contre le terrorisme qui mettrait l'accent sur la prévention, mais un resserrement parallèle et mesuré de l'examen des activités du SCRS serait nécessaire.
Le CSARS a fait du bon travail avec un mandat limité et des ressources encore plus limitées, mais il conviendrait d'améliorer ces deux domaines.
[Français]
La surveillance du SCRS a été l'un des enjeux les plus relevés lors des consultations entreprises par notre communauté. Malheureusement, à cause des contraintes de temps, je ne pourrai m'étendre sur nos sept recommandations concrètes et précises.
J'en mentionnerai deux, et je vous invite à consulter le mémoire écrit que nous avons soumis au comité et qui décrit en détail nos propositions.
[Traduction]
Nous pensons qu'il faut renforcer le mandat du CSARS pour que celui-ci puisse examiner les activités du SCRS dans tous les organismes gouvernementaux. Ainsi, toutes les opérations du SCRS feraient l'objet d'un même type d'examen. Nous estimons également que le président du SCRS doit être un agent du Parlement et être tenu de présenter régulièrement des rapports à ce dernier au sujet de ses activités d'examen.
Le quatrième et dernier élément du projet de loi que je souhaite aborder est celui de la protection de la vie privée. Nous sommes en faveur d'accorder aux ministères des pouvoirs leur permettant de communiquer l'information de façon plus efficace à des fins de sécurité. Par contre, certaines formulations contenues dans la Loi sur la sécurité de l'échange de renseignements au Canada pourraient être modifiées pour assurer la mise en place de restrictions et de protections suffisantes et éviter que le pouvoir de s'immiscer dans la vie privée des Canadiens donne lieu à des abus.
Plus précisément, nous recommandons que le projet de loi soit modifié pour limiter la communication de l'information aux menaces à la sécurité du Canada, telles que définies dans la Loi sur le SCRS et que la portée de cette communication n'aille pas jusqu'à « toute personne [...] et ce à toute fin » comme le prévoit l'article 6 proposé.
En outre, le comité devrait envisager de mettre à jour la Loi sur la protection des renseignements personnels pour que les institutions fédérales soient encadrées plus strictement à l'avenir.
Avant de conclure, j'aimerais proposer un autre sujet d'étude. Le projet de loi , un projet de loi d'origine parlementaire présentée par Marc Garneau, a été déposé au Parlement et adopté par tous les partis. Ce projet de loi important étendrait les peines relatives aux crimes haineux aux auteurs des attaques perpétrées non seulement contre les lieux de culte, mais aussi contre les écoles et les centres communautaires. J'invite les membres du comité à réfléchir à la suppression du zéro dans ce chiffre et à inclure le contenu du projet de loi C-510 dans le projet de loi à titre de modification. À défaut, j'espère que vous allez oeuvrer pour que le projet de loi d'origine parlementaire présenté par M. Garneau soit rapidement adopté.
En conclusion, le projet de loi contient des mesures importantes qui permettront de contrer la radicalisation et de prévenir les attaques terroristes. Nous estimons qu'il y a des aspects à améliorer, mais ce projet de loi est nécessaire et permettra de mettre à jour la boîte des outils anti-terroristes du Canada.
[Français]
Merci.
:
Bonjour. Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du comité pour l'invitation. C'est un plaisir d'être ici. J'ai déjà comparu devant de nombreux comités, dont celui-ci. L'Association canadienne des juristes musulmans a témoigné devant des comités sur des questions de sécurité nationale et de droits de la personne et nous sommes heureux de le faire à nouveau aujourd'hui.
Je m'appelle Ziyaad Mia. Je suis membre du Legal Advocacy Committee. Je suis accompagné par M. Mueed Peerbhoy. C'est le vice-président de ce comité.
Nous tenons à remercier MM. Roach et Forcese pour leur travail, qui constitue, d'après moi, une excellente contribution à l'étude de ce projet de loi et qui ont rendu là un service au public qui a profité énormément non seulement à notre organisation, mais aussi à de nombreuses autres.
Nous partageons vos inquiétudes au sujet de la sécurité nationale et également, au sujet des droits. Nous ne pensons pas que ces deux notions s'excluent mutuellement. En tant qu'Association canadienne des juristes musulmans — certains membres du comité m'ont déjà vu — nous ne nous opposons pas à ce que l'on prenne des mesures proactives et raisonnables pour lutter contre les menaces à la sécurité du Canada, y compris le terrorisme, ainsi que contre le crime en général, en termes de droit pénal. Nous pensons toutefois que lorsque nous agissons en ce sens, il faut respecter un certain nombre de critères.
Je vais vous donner les trois principaux critères: les mesures doivent pouvoir se justifier; elles doivent être conformes à la suprématie du droit et à la Charte des droits; si ce projet de loi en particulier concerne le terrorisme, il faut qu'il améliore vraiment notre sécurité.
Le projet de loi souffre d'une lacune fondamentale. Il ne répond pas à ces critères. C'est un accord faustien — un contrat avec le diable, si vous voulez — en vertu duquel nous renonçons à nos droits pour obtenir un faux sentiment de sécurité. Nous ne devrions pas avoir à renoncer à nos droits pour obtenir la sécurité; nous devrions pouvoir obtenir les deux. En fait, nous serons moins en sécurité, comme de nombreux témoins vous l'ont dit, y compris M. Boisvert qui a déclaré que le SCRS a une charge de travail trop lourde. Et nous allons nous lancer sur des fausses pistes — en pourchassant des gens qui ne devraient pas être pourchassés, en collectant de l'information qui ne devrait pas l'être — tandis que les vrais terroristes et les vraies menaces risquent de passer entre les mailles du filet et nous nuire à tous. Ce n'est pas ce qui, finalement, améliorera la sécurité.
J'ai envoyé des observations écrites au comité. Je crois qu'elles sont en train d'être traduites et malheureusement je ne peux pas vous remettre un exemplaire unilingue. Vous obtiendrez ces documents bientôt. Je veux vous parler de quelques aspects aujourd'hui. Les observations écrites sont beaucoup plus détaillées et je vous invite à en prendre connaissance, si vous en avez la possibilité. Ces observations sont également affichées sur notre site Web.
Le volet communication d'information me trouble particulièrement. Il est très complexe. J'ai également pris un moment pour dessiner un petit tableau qui vous est destiné à tous dans le mémoire et je l'ai ici, si vous voulez le regarder aujourd'hui, pour bien comprendre comment circule l'information. Le projet de loi soulève de nombreuses questions sans leur apporter de réponse. Dans le mémoire, je crois que j'ai énuméré une quarantaine ou une cinquantaine de questions. En tant qu'avocat, ce projet de loi représente un grand point d'interrogation. Je ne sais pas — pour l'essentiel, il n'est pas clair. C'est pourquoi je vous invite à les examiner.
Le projet de loi a été conçu et présenté comme un projet de loi sur le terrorisme. En fait, c'est la « Loi antiterroriste de 2015 », mais ce n'est pas un projet de loi sur la lutte contre le terrorisme. C'est un large projet de loi sur la sécurité nationale qui a pour effet de pratiquement créer un État nounoucratique. M. Forcese a déclaré que c'était le plus important projet de loi sur la sécurité nationale qu'il ait jamais vu.
Je vais examiner quelques-unes des dispositions, sachant que mon temps est limité, et je vais vous inviter à poser des questions pour démarrer une discussion.
Permettez-moi de parler du volet communication de l'information.
Toute personne intelligente vous dira qu'il est aussi difficile de trouver un terroriste qu'une aiguille dans une botte de foin. La communication d'information est une disposition qui est tellement vague et qui a une portée si large que nous ajoutons à peu près 16 chargements de bottes de foin. Ceux d'entre vous qui viennent des Prairies — je sais que si Mme Nawaz était ici... Je vous le dis; ce n'est probablement pas une bonne idée d'ajouter davantage de bottes de foin à cette meule de foin pour rechercher cette aiguille. Il faut chercher et trouver l'aiguille et ne pas ajouter davantage de foin. Et c'est ce que fait la LCISC. Elle a pour effet de créer un régime de communication de l'information à l'échelle du gouvernement sans aucune surveillance ou contrôle, absolument aucun.
Cela nous mène droit à la catastrophe, comme nous l'a démontré l'affaire Arar. En fait, je crois que la communication de l'information prévue par le projet de loi est en réalité anti-Arar. MM. Roach et Forcese affirment qu'il reflète une amnésie par rapport à l'affaire Arar. Ce projet de loi permet la manipulation et la communication de l'information entre de multiples secteurs du gouvernement et de multiplier les centres de décision à l'échelle du gouvernement. Vous savez que lorsque l'on accorde aux membres de tous les services du gouvernement le pouvoir de prendre des décisions, cela ne peut que créer des problèmes parce qu'il n'y a pas d'uniformité, ni de véritables protections.
Le projet de loi crée la fondation qui permettra l'analyse et la collecte de mégadonnées. Ce n'est pas seulement l'information, mais la manipulation, la communication et l'analyse prédictive qui font problème. Ed Snowden a parlé de cet aspect.
La disposition relative à la communication de l'information est très large puisqu'elle permet également la communication de données à des gouvernements étrangers, même à ceux qui ont des dossiers douteux en matière de droit de la personne. Nous pourrions être amenés à communiquer des renseignements au sujet des Canadiens à des gouvernements comme l'Égypte et l'Arabie saoudite.
Nous connaissons les risques qu'a signalés Snowden au sujet de ce qui arrive lorsque nous diffusons largement l'information et effectuons des analyses de mégadonnées.
De nos jours, nous avons tous un téléphone intelligent dans notre poche et vous savez que si vous faites un tweet horrible, vous ne pouvez pas le récupérer. Lorsque nous commettons une erreur en matière de communication d'information touchant la sécurité, et que nous communiquons des renseignements, les miens ou les vôtres, au régime saoudien et que ces renseignements contiennent une erreur, il est impossible de les récupérer, de les ramener chez vous. Nous pouvons réparer cela ici, mais une fois l'information diffusée, il est impossible de la récupérer.
Nous avons entendu beaucoup de gens dire que nous ne devrions pas nous inquiéter au sujet du projet de loi parce que si vous n'êtes pas terroriste, il n'y a rien à craindre? Pensez aux activités non violentes... il s'agit de l'exception pour la dissidence et les protestations légitimes.
Le Code criminel ne contient pas le mot « licite », il y a donc une incohérence dans la loi. Pourquoi introduire le mot « licite » dans l'un et pas dans l'autre? Un acte illicite n'est pas une activité terroriste et criminelle. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut appréhender les personnes qui font ce genre de choses et les poursuivre.
Nous venons de célébrer ce mois-ci le 50e anniversaire de la marche des droits civils de M. King à Selma. Je vous invite à examiner cet événement. Ils ont été arrêtés. M. King, le révérend Abernathy et des dirigeants étudiants ont tous été arrêtés. Pourquoi? Activité illégale, assemblée illicite et marche illégale. King était un adepte de Gandhi. Je suis Sud-Africain de naissance et Gandhi a passé beaucoup de temps dans ce pays. Gandhi a été arrêté pour les mêmes choses. King et Gandhi participaient à des activités illégales et illicites, mais ils étaient non violents.
Le problème est que nous attrapons beaucoup de gens dans le filet de la sécurité nationale. Oui, si quelqu'un s'introduit sans droit dans une maison, il faut l'accuser d'introduction illégale, mais cette personne ne devrait pas être prise dans le filet de la sécurité nationale. C'est là le problème. Les renseignements le concernant pourraient alors être communiqués à d'autres organismes.
De nombreux témoins ont dit qu'il y avait des mécanismes de surveillance — de quoi parlez-vous? Ils disent que le projet de loi contient un mécanisme de surveillance parce qu'il y a une surveillance judiciaire. Cette affirmation est inexacte ou peu sincère, parce que l'article 9 de la Loi sur la communication de l'information ayant trait à la sécurité du Canada accorde au gouvernement une immunité pour les dommages découlant d'une communication fautive d'information. Cela crée une impunité. Les futurs Arar ne pourront même pas exercer le recours qu'il a exercé.
Parlons de la SCRS et de la réduction des menaces à la sécurité du Canada. Il s'agit de pouvoirs policiers sans précédent. Cela revient à faire le contraire de tout ce que la Commission McDonald nous a appris. Cela nous ramène à l'époque qui a précédé la Commission McDonald. La raison d'être de la Commission McDonald était de séparer le travail policier et le travail de renseignement à cause des erreurs et des abus qui s'étaient produits, des activités illégales exercées par le service de sécurité de la GRC au Québec contre les souverainistes et d'autres. Nous allons répéter encore une fois les mêmes erreurs. Les gens n'aimaient peut-être pas les souverainistes, mais ils avaient le droit de faire ce qu'ils faisaient et de dire ce qu'ils disaient. Je ne partage pas leur point de vue, mais ils avaient le droit de l'exprimer de sorte qu'ils n'auraient pas dû être maltraités par la police. En agissant ainsi, nous allons ouvrir un panier de crabes.
Malheureusement, ces dispositions vont également renforcer les cloisons. Je pense que M. Boisvert a fait une allusion à cet aspect en disant que le SCRS essayera de faire les choses de son côté. Cela me fait problème parce que si nous souhaitons intégrer — et je pense qu'il faudrait effectivement intégrer et communiquer l'information — et si nous donnons au SCRS ces pouvoirs en matière de perturbation, cela revient en fait à leur attribuer des pouvoirs policiers. Vous savez comment réagiront les membres de cette institution. Ils vont dire « Pourquoi appeler la GRC? Nous allons finir ce travail nous-mêmes ». Leur rôle consiste à recueillir des renseignements, de construire un dossier et ensuite, de le renvoyer à la GRC pour application de la loi et procès, ce qui renforce la confiance de la population. Nous avons vu les procès des 18 de Toronto et de VIA Rail. C'était une affaire qui était publique et transparente, qui a renforcé la confiance de la population et qui reposait sur des preuves. Voilà ce qu'il nous faut.
Je dirai quelques mots des mandats contraires à la loi du SCRS, c'est ainsi que je les appelle. Ils n'ont pas de limite. On dit que les tribunaux constituent une protection dans ce cas, mais ce n'est pas ce qui se passe. Cela se fait aux cours d'audiences ex parte totalement secrètes. Le juge en question n'effectue aucune surveillance et pire, cette disposition renverse complètement le rôle de la magistrature. Ce n'est pas le rôle qui incombe aux juges dans notre système. Les juges qui s'occupent des certificats de sécurité ont déclaré qu'ils étaient mal à l'aise avec le caractère secret du processus. Cela les oblige à aller plus loin qu'ils aimeraient, et à se mêler des actes illégaux et autres coups fourrés que commettra le SCRS.
Pour dire que les juges ont un rôle de surveillance... L'autre aspect troublant dans ce dossier est que le SCRS a des antécédents — et là, je n'invente rien — qui montrent qu'il a trompé les tribunaux et trompé le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ce qui est affirmé dans son dernier rapport, et qu'il a ainsi violé ainsi des droits constitutionnels. Cela figure au dossier, son manque de franchise à l'égard des tribunaux.
Je termine, monsieur le président. Je dirais rapidement que le caractère secret de la liste d'interdiction de vol soulève de graves problèmes; c'est un système kafkaesque. M. Inserra a mentionné que la liste d'interdiction des États-Unis avait été annulée, encore une fois, à cause de l'opacité du processus. Cette disposition va également être, je pense, annulée, pour les mêmes motifs.
Pour ce qui est de la criminalisation de l'expression, j'appuie à 110 % ce que le ,a déclaré au sujet de Charlie Hebdo et l'appui qu'il a donné à la liberté de parole, mais nous ne pouvons pas criminaliser les discours qui ne constituent pas de la criminalité chez nous. Le discours haineux et antisémitique me choque également, mais il faut qu'il comporte un aspect criminel. Nous vivons dans une démocratie libérale. Nous permettons des discours vulgaires, choquants et non patriotiques pourvu qu'ils ne soient pas criminels.
Je termine en vous disant que nous recommandons que ce projet de loi ne soit pas adopté. Nous recommandons de modifier d'abord les opérations de sécurité nationale et de mettre en place un mécanisme de surveillance. N'oubliez pas l'enquête Arar et les autres enquêtes qui nous ont appris que...
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Merci, monsieur le président.
J'espérais que Mme Nawaz serait ici, mais puisque la séance est télévisée, je suis sûr qu'elle pourra voir mes commentaires.
Pour ce qui est de la façon dont quelqu'un s'habille, je dois dire à tout le monde que j'ai reçu une éducation catholique romaine de la 1re à la 13e année, le plus souvent fournie par des nonnes qui portaient des vêtements semblables. J'ai également parlé à des prêtres qui m'ont mentionné qu'ils retiraient leur collet romain lorsqu'ils se trouvaient au Québec, à cause de la discrimination dont ils faisaient l'objet. Il existe dans ce domaine particulier un mouvement qui a tendance à séculariser la société, en particulier dans ces domaines. J'ai suivi les cours d'une professeure laïque qui m'a dit qu'elle avait fréquenté une école de la haute vallée de l'Outaouais, une école séparée. Quand les enfants rentraient chez eux de l'école, ils se battaient avec les enfants protestants parce qu'ils fréquentaient une école séparée et non pas une école publique.
Mes enfants ont été élevés dans une famille dans laquelle nous veillions à ce qu'il n'y ait pas de discrimination pendant le repas du soir. Lorsque j'entends des commentaires de la part de personnes qui se trouvent de l'autre côté de la table, d'autres politiciens, qui laissent entendre que cette loi traite en fait de discrimination et de l'apparence des gens, je signalerai que cette loi ne motionne aucunement ce genre de choses. Il faut que les Canadiens sachent que la bigoterie et la discrimination sont des maux qui touchent toute la société. Ils n'ont ni couleur, ni race. Cette loi n'a rien à faire avec tout cela. La personne qui affirme ce genre de choses le fait certainement pour d'autres motifs.
Nous avons entendu des avocats. Les avocats défendent les gens parce qu'ils les croient. Certains avocats disent qu'il y a là de la discrimination et que c'est un mauvais projet de loi. D'autres avocats ont comparu devant le comité et déclaré...
Vous avez le droit d'avoir une opinion, mais cela ne veut pas dire qu'elle soit exacte. C'est la raison pour laquelle nous avons une démocratie. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Je vous invite à ne pas examiner ce projet de loi et à dire « Eh bien, étant donné que c'est le gouvernement au pouvoir qui présente ce projet, je vais certainement faire l'objet de discrimination » ou que c'est une mesure qui vise en particulier... Cette loi ne dit nulle part cela.
Je voulais simplement dire tout ceci. Je sais ce qu'est la discrimination: tous les gens de ma famille me ressemblent et tous les gens à qui je parle me ressemblent. J'ai parlé à un autre témoin hier soir de l'IRA, qui était une organisation terroriste qui essayait de lever des fonds au Canada et qui aujourd'hui serait classée comme une organisation terroriste. Cela n'a absolument rien à voir avec la couleur de la peau, le pays d'où l'on vient, mais tout à voir avec l'attitude de ces personnes et le fait qu'elles veulent faire des choses illégales. Cela touche précisément du terrorisme.
M. Bucci, j'ai examiné votre CV et je crois que vous êtes très bien placé pour parler de la nécessité de fournir une information fiable aux gens qui en ont besoin et au moment voulu. La première partie de ce projet de loi consiste à faciliter la communication de l'information qui concerne la sécurité nationale et qui doit être transmise aux agences nationales de sécurité. De nos jours c'est là un élément manifestement essentiel.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de la nécessité de communiquer l'information?
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, le projet de loi a pour titre Loi antiterroriste de 2015, ce qui amènerait quelqu'un à penser qu'il s'agit de terrorisme. Il est clair que, si vous lisez les documents d'information qui se trouve sur les sites Web du gouvernement, qui présentent le projet de loi ainsi que les discours publics faits à ce sujet par le premier ministre et d'autres, vous allez apprendre qu'il s'agit de terrorisme, et que nous allons lutter contre un type particulier de terrorisme. Très bien, je l'accepte parfaitement, mais lorsque j'ai téléchargé le document et que je l'ai examiné, j'ai constaté qu'il ne portait certainement pas sur ce sujet.
Prenons par exemple ce que j'appelle la LCISC, la Loi sur la communication de l'information ayant trait à la sécurité du Canada. La section qui contient la définition, qui est la disposition essentielle de cette loi, parle d'atteinte à la sécurité du Canada et cela est suivi d'une longue liste, je crois qu'elle comprend 9 ou 10 éléments. Je ne suis pas certain de ce nombre, mais c'est une longue liste. Un de ces éléments est le terrorisme, ce qui, encore une fois, est ahurissant, parce que le terrorisme ne constitue pas un crime selon le Code criminel. Celui-ci parle d'activité terroriste et d'infractions terroristes. Je ne sais pas, mais il y a un décalage ici. Si les avocats du ministère de la Justice entendent ces propos, je les invite à corriger tout cela, parce qu'il y a un décalage. Le terrorisme en tant que crime n'existe pas.
C'est une liste qui n'est pas exhaustive. Elle comprend toutes ces choses. Elle pourrait en comprendre d'autres. C'est pourquoi je demande qui peut ajouter des éléments à cette liste? Elle a une portée tellement large qu'encore une fois, elle pourrait viser des activités pacifiques, mais illégales. Supposons que vous manifestez et marchez dans la rue et oui, vous êtes peut-être sur un terrain qui ne vous appartient pas et on peut vous inculper de faire une telle chose, mais il n'est pas nécessaire de vous faire tomber dans les mailles du filet de la sécurité nationale. Voilà le risque. Cela devient un projet de loi sur la sécurité nationale à portée très large qui va compromettre la sécurité du Canada.
Ensuite, si vous examinez l'article 5, toutes les agences du gouvernement peuvent communiquer toute leur information à ce groupe de 17 agences. Comme M. Bucci l'a déclaré, les mégadonnées sont arrivées. Oui, c'est vrai. Il s'agit de renseignements légaux que le gouvernement du Canada possède et qu'il communiquera à ces 17 agences. Mais mon désaccord avec M. Bucci ne porte pas sur ce point uniquement, mais sur le mandat. Comment ont été obtenus au départ ces renseignements? Maintenant, on les communique pour une autre fin.
Deuxièmement, les mégadonnées ne sont pas un épouvantail et oui, les entreprises s'en servent. Mais lorsque ce sont les gouvernements, cela peut être dangereux. Ed Snowden nous l'a dit. C'est le travail dérivé qui s'effectue avec des éléments d'information fragmentés et que vous utilisez à l'aide d'algorithmes pour faire une analyse prévisionnelle. Le président Obama a déclaré que les mégadonnées n'étaient rien. Si vous connaissez un peu votre téléphone, vous savez que les mégadonnées sont quelque chose d'important. Il est malhonnête de dire qu'il s'agit d'information existante. Il s'agit également d'information dérivée.
L'article 6 du projet de loi est déconnecté de la loi. Cet article 6 qui traite de la communication d'information est, à mon avis, inconstitutionnel. Il énonce qu'il est possible de communiquer de l'information avec n'importe qui pour n'importe quelle fin — pas pour le terrorisme, pas en cas d'atteinte à la sécurité du Canada, mais pour n'importe quelle fin. J'aimerais savoir quelles sont ces fins. En rédaction des lois, il est logique que les fins soient reliées aux pouvoirs attribués.
Et cela continue. Dans le projet de loi, les pouvoirs du SCRS concernent les menaces à la sécurité du Canada, pas le terrorisme.
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Il faut bien évidemment un ensemble de mesures. Il faut des interdictions. Il faut des agents du renseignement et d'application de la loi pour empêcher certains actes ou poursuivre certaines personnes lorsque quelque chose est arrivé. Bien évidemment, personne ne veut en arriver là. Personne ne veut en arriver à la nécessité d'interdire ou de poursuivre. Le but est de prévenir. Pour prévenir, il faut vraiment disposer de renseignements, comme nous l'a dit M. Boisvert.
M. Bucci fait partie de l'armée des États-Unis et il peut vous dire que les services de renseignement peuvent commettre des erreurs. Vous avez participé avec le secrétaire Rumsfeld à la guerre en Irak et c'était une erreur du renseignement. Le renseignement peut se tromper et nous devons essayer d'avoir un renseignement de qualité.
Un élément important de cette situation, si nous parlons de la large portée de la menace, comme M. Boisvert l'a dit... Le terrorisme djihadiste comme on l'appelle, c'est son étiquette, est une menace réelle et légitime, mais si c'est bien le cas, nous devons rejoindre les communautés où ces risques vont apparaître. Tout comme pour les gangs, il faut travailler avec les jeunes en difficulté qui vivent dans ces communautés, la communauté musulmane générale doit vraiment participer à cette action. Je ne pense pas que cela se fasse beaucoup.
Je sais que la GRC a travaillé sur cette question. Le SCRS a également fait des choses. Nous devrions vraiment encourager ce genre d'action. Honnêtement, je ne pense pas que qui que ce soit essaie de jouer des jeux. Nous essayons simplement de dire qu'il existe peut-être certains points de désaccord avec la communauté générale, mais il faut favoriser une action efficace et coopérative. Je ne pense pas que qui que ce soit ait un programme caché. Il y a peut-être des moutons noirs dans n'importe quelle communauté. Oui, il y a probablement quelques jeunes, un ou deux psychopathes, et ensuite, il y en a quelques-uns qui, dans un groupe, vont se rendre là-bas pour avoir le sentiment d'appartenir à quelque chose, même s'ils sont mal avisés, il faut que le système recherche les psychopathes et les poursuivent. Mais pour les autres jeunes, il faut les redresser et les intégrer à la société en tant que membres productifs.
Je crois que cette pièce du puzzle n'existe pas. Ce n'est pas une loi véritablement contre le terrorisme; c'est une loi sur la sécurité nationale. Elle est fondée sur les notions d'interdiction et de surveillance. Ce n'est pas d'un projet de loi que nous avons besoin. En tant qu'avocat, je peux vous dire que le droit ne permet pas de résoudre tous les problèmes. Nous devons régler des questions opérationnelles, renforcer la sécurité nationale et la surveillance, améliorer tout cela; il faut favoriser la participation de la collectivité pour que tout le monde fasse partie de la solution et ne pas diviser notre pays.