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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 072 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 mai 2015

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues. Soyez les bienvenus à la 72e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur deux éléments de l'objet de la section 2, qui traite principalement de la révocation du passeport, et durant la deuxième heure, nous nous pencherons sur la section 10, qui traite de la sécurité sur la Colline.
    Durant la première heure, deux témoins comparaîtront à titre personnel, soit M. Thomas Quiggin et M. Christian Leuprecht, doyen associé et professeur agrégé, Faculté des arts, Collège militaire royal du Canada.
    Messieurs, pour la première heure, vous aurez un maximum de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous entamerons une série de questions et de réponses.
    Allons-y. Monsieur Quiggin, la parole est à vous.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui.
    En guise d'introduction, je dirai que le Canada héberge une série de réseaux profonds dotés de l’idéologie, de l’infrastructure et du soutien financier organisé voulus pour engendrer un extrémisme à voies multiples. Ces réseaux visent à instaurer un espace politique, social et culturel où il est possible de favoriser l’extrémisme et la radicalisation, tout en étouffant toute question au sujet de leurs activités en lançant des accusations, fabriquées de toutes pièces, d’islamophobie et de racisme. Appuyés par une propagande étrangère, ces réseaux produiront une filière de plus en plus importante de jeunes Canadiens qui se serviront de leur passeport canadien pour devenir des kamikazes, des combattants djihadistes et des propagandistes.
    Beaucoup de personnes estiment que nous devrions tout simplement permettre à ces individus de voyager outre-mer, et cela répond à une certaine logique. Mais l’exportation de kamikazes assassins et de propagandistes pourrait ne pas constituer la meilleure contribution du Canada à ces conflits transnationaux à long terme.
    L’islam est lui-même engagé dans une longue lutte pour sa propre âme. Les analogies à des événements semblables dans l’histoire sont plutôt ténues, mais la réforme protestante en Europe a duré de 1517 à 1648 environ, soit un peu plus de 130 années, durant lesquelles près de 30 % de la population de ce que nous appelons aujourd’hui l’Allemagne a été décimée. Le bouleversement actuel de l’Islam dure depuis environ 90 ans, mais il se prolongera vraisemblablement pour plus d’une génération encore.
    On peut considérer la création des Frères musulmans par Hassan al-Banna, en 1928, comme le point de départ symbolique de la lutte politique moderne pour l’avenir de l’islam, comme Martin Luther a donné le coup d’envoi symbolique de la réforme en 1615. Bien que le résultat de la bataille pour sauver l'âme de l'islam ne soit pas clair, il est raisonnable d’estimer que les voix de l’extrémisme « islamisant » sont à la fois prépondérantes et ascendantes.
    La question est de savoir comment nous devrions percevoir cet extrémisme au Canada. Ici, il est de plus en plus difficile de saisir la différence entre le discours de l’EIIS, que nous entendons là-bas, et le matériel lié aux activités locales canadiennes, qui est produit et distribué ici. Cela n’a rien de surprenant, puisqu’ils s’inspirent de la même idéologie de base.
    Il nous est impossible aujourd’hui d’examiner tous les aspects de l’idéologie extrémiste, mais je crois que le dernier numéro du magazine de l'EIIS, Dabiq, soit le numéro 9, sert d’exemple utile et de point de départ à un examen. On y trouve un article intitulé « Filles-esclaves ou prostituées », qui traite du rôle des femmes dans l'EIIS et qui met l'accent sur la justification du rôle des filles et des femmes capturées, aujourd’hui détenues à titre d’esclaves sexuelles.
    À peu près au même moment où l'article a été publié, Zainab Bangura, représentante spéciale des Nations unies sur la violence sexuelle, a fait savoir que l'EIIS institutionnalise la violence sexuelle et que brutaliser les femmes et les filles est au cœur de son idéologie. Une question se pose: saurions-nous distinguer les déclarations faites par les propagandistes de l'EIIS là-bas du matériel produit ici même, au Canada?
    Permettez-moi de lire cinq courtes déclarations sur la façon extrémiste de voir les femmes. Essayez de deviner lesquelles sont de l’EIIS et lesquelles proviennent d’ici, au Canada. Déclaration 1: Pour l’islam, battre la femme est une forme d’éducation. Déclaration 2: La femme peut parfois apprécier qu’on la batte, en signe d’amour et de sollicitude. Déclaration 3: Les relations sexuelles forcées ne sont pas un viol, et elles devraient en être reconnaissantes. Déclaration 4: Le mari détient beaucoup de droits sur son épouse, et avant tout, elle doit obéir. Déclaration 5: L’épouse ne peut se refuser à son mari.
    Parmi ces cinq déclarations, une seule est tirée du magazine Dabiq, soit la troisième, qui porte sur les relations sexuelles forcées. Les quatre autres sont faites ici même, au Canada, et sont présentées dans des livres, des vidéos en ligne, etc. Tout cela se fait au Canada, au grand jour; ce matériel est accessible à partir de sources ouvertes. Ces déclarations sont repoussantes, répugnantes et barbares au point où il serait difficile de cataloguer tous les affronts qu’elles représentent.
    On pourrait faire la même comparaison pour d’autres questions extrémistes comme le massacre d’innocents et les attentats suicides. Ces déclarations n’abordent pas d’autres questions, comme l’ampleur de la mutilation génitale des femmes pratiquée au Canada. Nous ne disposons pas de statistiques utiles à ce sujet parce que les différentes instances législatives et médicales refusent d’aborder la question ici, au Canada, alors qu'on le fait au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.
    Le Canada compte sans doute le taux le plus élevé de suicides forcés, autrement dit des meurtres ou des crimes d'honneur, parmi les jeunes femmes sud-asiatiques, pour toutes sortes de raisons extrémistes et culturelles, mais ici encore, nous disposons au mieux de statistiques de second ordre, parce que les groupes féministes, notamment, soit craignent de s’attaquer à la question, soit estiment que l’assassinat de femmes basanées au Canada est sans importance.
    Je sais que les forces policières de première ligne sont au courant du problème et qu'elles tentent de le régler. Elles tentent de se renseigner, mais elles manquent de statistiques officielles, de soutien de la part des communautés et d'appui politique.
    Une bonne partie de la société civile canadienne, y compris les féministes, les universitaires, les défenseurs de la justice sociale et les ONG, a été soumise par la peur et craint de dénoncer la situation ou estime convenable d’accepter de tels abus parce qu’elle a appris à se montrer tolérante à l'égard des autres cultures. Selon moi, qui ne dit mot consent.
    Ainsi, l'Association des étudiants musulmans de l’Université York distribue des livres où il est dit qu’il est correct de battre son épouse — puisqu’elle y verra un signe d’amour et de sollicitude —, et ce, sans que la société canadienne y trouve à redire.
    On peut se demander qui sont les diffuseurs d’un tel extrémisme au Canada. Comme je l'ai déjà mentionné, le germe d’une bonne partie de cette idéologie provient des Frères musulmans. M. Lorenzo Vidino, qui est peut-être le plus éminent spécialiste mondial des Frères musulmans à l'extérieur du Moyen-Orient, a témoigné au Sénat du Canada le 11 mai dernier. Selon lui, les Frères musulmans ont de 8 à 10 groupes de façade au Canada, mais les quatre plus connus sont l’Association musulmane du Canada, CAIR-CAN, aussi appelé NCCM, et Islamic Relief Canada. Le quatrième était IRFAN, mais il note que cet organisme a finalement fermé ses portes au début de l’année après avoir été désigné comme une entité terroriste.
    En conclusion, je crois que la discussion sur la saisie et la révocation de passeports est opportune, pertinente et nécessaire. Malheureusement, comme en témoigne la récente saisie de quelque 10 passeports à l’aéroport de Montréal, c’est un problème persistant qui prendra de l’ampleur tandis que les conflits s’étendent à l’étranger.
    En ce qui concerne mes antécédents personnels, j’ai participé et témoigné à une cause criminelle de prise d’otage internationale. J'ai témoigné en tant qu'expert judiciaire en terrorisme à un procès criminel. J'ai témoigné à de multiples reprises en tant qu'expert judiciaire en certificats de sécurité nationale. J'ai témoigné et été déclaré expert judiciaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et j'ai témoigné à l’enquête sur l’affaire Air India. J’ai aussi témoigné devant le Sénat et la Chambre à de multiples reprises et j’ai aidé à former les avocats et les juges spéciaux en vue des affaires de sécurité nationale.
    Il est à noter que j’ai témoigné pour les deux côtés, la défense et la poursuite; j'ai notamment témoigné pour la défense sur des questions d’innocence et d’application régulière de la loi concernant des musulmans canadiens pris dans des affaires de sécurité nationale. D'après mon expérience, j'estime que l’arbitre de dernier recours des droits de la personne des Canadiens demeure le système judiciaire, même s’il est un peu lent et parfois lourd. Des innovations comme le système des avocats spéciaux ont bien marché et ont garanti que les services de renseignement et que le système judiciaire peuvent fonctionner même dans les situations les plus difficiles, sur plusieurs années.
    À la lumière de mon expérience, le projet de loi accorde aux juges beaucoup de latitude pour accepter, refuser ou rejeter tout élément de preuve dont ils sont saisis. Cela ressort particulièrement clairement à la section « Appels » du projet de loi, aux alinéas a), b), c) et e) du paragraphe 4(4), qui confèrent aux juges — et par extension aux avocats de la défense — la plus grande latitude possible pour discréditer les preuves trompeuses ou faibles dont ils sont saisis. On peut ainsi atteindre un équilibre en cas de révocation d’un passeport.
    Je crois donc que le système judiciaire indépendant dont s’est doté le Canada demeure une force digne de foi et crédible. Il est capable de traiter de la question de l’opportunité de retirer le privilège de détenir un passeport canadien, car il s’agit bien d’un privilège et non d’un droit... Si ce privilège est retiré et que le passeport est révoqué, je crois que les juges sont capables d'évaluer les renseignements disponibles et de déterminer si la personne l'aurait utilisé en vue de se rendre dans un autre pays pour commettre des actes terroristes.
    Monsieur le président et mesdames et messieurs, je vous remercie.
(0855)
    Merci beaucoup, monsieur Quiggin.
    Nous allons maintenant entendre notre deuxième témoin, M. Christian Leuprecht.
    Vous avez la parole, monsieur.

[Français]

    Distingués membres du comité, je vous remercie de m'accueillir. Je répondrai avec plaisir aux questions dans les deux langues officielles, mais si vous le permettez, je vais tout de même m'exprimer en anglais.
(0900)

[Traduction]

    Mon exposé comportera trois parties.
    J'expliquerai d'abord pourquoi je crois que le problème dont nous traitons aujourd'hui persistera dans les années à venir; pourquoi j'approuve la mesure législative; et pourquoi, selon moi, il y a de bons moyens de rationaliser cette mesure, tant dans le contexte canadien que dans le contexte comparatif.
    Voici pourquoi ce sera un problème persistant. Je pense qu'il y a deux changements fondamentaux qui contribuent à ce que ce phénomène nous touche de beaucoup plus près. Ce sont deux révolutions.
    Il y a d'abord la révolution des communications, qui facilite grandement les choses à ceux qui veulent faire passer leurs messages tordus. Tout le monde a un téléphone cellulaire. En plus d'avoir la capacité de diffuser un message beaucoup plus facilement qu'il y a quelques décennies, nous avons aussi ce que les sociologues appellent la « bulle des filtres ». Selon ce phénomène, même si notre univers des médias sociaux est très pluraliste, de plus en plus, nous ne lisons que les informations qui renforcent les préjugés et les stéréotypes que nous avons déjà. Lorsque les gens commencent à adhérer à ce type de discours extrémiste — qui peut les inciter à recourir à la violence et à se rendre à l'étranger dans le but de commettre des actes de violence ou de se joindre à une organisation à laquelle le gouvernement du Canada préférerait qu'ils ne se joignent pas —, je pense qu'ils misent beaucoup sur les communications dans les médias.
    Il y a ensuite la révolution des transports. De nos jours, il est beaucoup plus facile et abordable de voyager. Pour environ 2 000 $, on prend l'avion à Edmonton, on se rend à Istanbul et on trouve un moyen d'aller jusqu'à la frontière. Quand on y songe, il y a une centaine d'années, lorsqu'une personne immigrait au Canada, elle laissait tout derrière elle. Elle envoyait peut-être une lettre ou deux par la suite, mais elle ne pensait pas à retourner dans son pays. Il était très difficile de rester en contact. Je pense que ces deux révolutions fondamentales ont beaucoup changé la donne.
    Il y a un autre élément qui posera problème dans les années à venir, selon moi, compte tenu de ce phénomène de voyageurs extrémistes, ou « combattants terroristes étrangers », comme les appelle l'ONU: il s'agit des énormes déséquilibres structurels qui affligent les pays formant l'arc qui s'étend de l'Afrique du Nord au Pakistan. Le taux de fécondité très élevé entraîne d'importants déséquilibres démographiques et une explosion démographique des jeunes. Au Pakistan, par exemple, la population augmentera de 50 % dans les 40 prochaines années. Ce sont des phénomènes récurrents ou reproductibles dans la plupart des pays de la région, et pourtant, les structures sociales, économiques et politiques sont très mal adaptées à cette croissance démographique.
    Par exemple, il est très difficile pour les jeunes, même s'ils sont intelligents et ambitieux, de décrocher un emploi; bon nombre des structures économiques et des structures étatiques sont tellement sclérosées que les jeunes ne peuvent décrocher un emploi à moins d'avoir des liens avec l'élite. Il n'est pas étonnant que de nombreux individus de la région éprouvent de la frustration et adoptent des solutions et des discours extrémistes, pas nécessairement parce qu'ils adhèrent totalement à l'idéologie véhiculée, mais parce que c'est la seule organisation qui leur donne un certain espoir de changer les conditions dans lesquelles ils vivent.
    En conséquence, au cours des trois dernières décennies, nous avons assisté à ce qu'on pourrait appeler le phénomène de la mondialisation du terrorisme. Auparavant, il y avait le terrorisme national et le terrorisme international, tant en ce qui concerne le terrorisme d'État que le terrorisme parrainé par l'État. Nous avons vu une prolifération du phénomène de terrorisme transnational et du discours qui l'accompagne, ainsi que l'arrivée de l'EIIS, qui a essentiellement inversé la stratégie d'Al-Qaïda et qui tente de prendre le contrôle des centres urbains et des lignes de communication. Auparavant, il était très difficile de rejoindre Al-Qaïda; il fallait entrer au Pakistan, puis trouver le moyen de se rendre au Waziristan. C'était un voyage périlleux, et beaucoup de gens n'y arrivaient pas. Désormais, il est très facile de se joindre à ces organisations.
    Bien que je crois que nous sommes en mesure de gérer le phénomène de l'EIIS, nos efforts prennent peu à peu l'allure d'un jeu de « tape-la-taupe ». Comme conséquence aux déséquilibres que j'évoquais, l'instabilité et le discours extrémiste de ces types d'organisation vont continuer d'être un problème pendant des années, voire des décennies.
    Le problème lié aux personnes qui se rendent à l'étranger n'est pas près de disparaître. Bien sûr, c'est un phénomène qui remonte à la révolution espagnole. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, nous avons toujours la Loi sur l'enrôlement à l'étranger qui avait été adoptée à cette époque pour dissuader les gens d'aller là-bas. Nous avons eu ce problème durant la Seconde Guerre mondiale avec les Canadiens d'origine allemande et japonaise. Nous avons vu quelque chose de semblable avec certains membres de la communauté sikhe qui voulaient se joindre au Babbar Khalsa, et avec certains membres de la communauté tamoule qui voulaient gagner les rangs des Tigres de libération de l'Eelam tamoul. Toutes ces révolutions dont je viens de parler ont fait en sorte que notre monde a changé du tout au tout. Le phénomène ne se limite plus à des communautés ethniques ou religieuses particulières puisque ce type de discours peut maintenant interpeller à peu près n'importe qui.
    Par conséquent, que nous faut-il? Nos services de sécurité ont besoin d'outils beaucoup plus nuancés. Nous avons assez bien réussi ce que nous pourrions appeler la « prévention criminelle », mais il nous faut une trousse d'outils plus nuancés pour ce que mon collègue Craig Forcese appelle la « prévention administrative ». La révocation du passeport est un élément très important de l'intervention antiterroriste de précision pour limiter les déplacements, mais pas pour empêcher la radicalisation de masse au sein de la population. Elle vise ce nombre restreint de personnes qui envisagent de se rendre à l'étranger pour se joindre à ces organisations.
    Je rappelle au comité que ceux qui partent pour l'étranger ne sont pas que des adultes. Les jeunes aussi font le trajet. Je crois que l'État a une obligation envers les mineurs, envers les moins de 18 ans; son intervention doit prendre d'autres moyens que ceux qu'il utilise pour les adultes.
    Nous devons aussi garder en tête que ces personnes reviendront au pays. Nous savons qu'environ le tiers des combattants qui sont allés à l'étranger sont revenus. Nous savons que neuf sur dix sont revenus profondément désillusionnés et souffrant de troubles mentaux graves. Et nous savons qu'un sur dix reviendra avec une idéologie encore plus radicale — ces chiffres sont tirés d'une étude effectuée en Norvège par Thomas Hegghammer à partir d'un échantillon de 1 000 personnes.
    Quoi qu'il en soit, le phénomène aura d'importantes conséquences pour la société canadienne et le contribuable canadien si nous ne faisons rien pour améliorer la prévention sur le plan administratif.
    Pourquoi devons-nous faire cela? En elle-même, cette mesure aura un effet dissuasif, car les gens comprendront que leur passeport pourra être révoqué ou qu'ils ne pourront pas s'en procurer un.
     Je crois en outre que nous devons protéger l'intégrité du passeport canadien. Comme suite aux incidents qui se sont produits en Asie centrale et en Afrique du Nord, le passeport canadien n'a plus la reconnaissance et le respect qu'il avait dans ces régions. Nous devons donc être très vigilants pour veiller à protéger la réputation de notre passeport, soit celle d'être l'un des documents de voyage les plus respectés au monde.
    J'aimerais terminer sur cette idée que le passeport ne doit pas être perçu comme un droit, mais plutôt comme un permis de conduire. Si vous vous conduisez d'une façon qui va manifestement à l'encontre de l'intérêt collectif — ce que la société canadienne décrit comme tel —, alors, vous n'avez tout simplement pas droit à ce document particulier.
    En conclusion, j'aimerais soumettre une proposition au comité. Dans la plupart des cas, lorsque l'on révoque le permis de conduire de quelqu'un, ce n'est pas pour toujours. Le permis est révoqué pendant un certain temps. Je me demande si le comité serait prêt à envisager d'ajouter quelque chose comme une disposition de caducité selon laquelle le gouvernement aurait l'obligation au bout d'un certain temps de renouveler la révocation ou de délivrer un nouveau passeport. Par ailleurs, si la révocation devait être permanente, nous devons veiller à ce qu'il y ait une procédure administrative permettant de confirmer de façon indépendante l'évaluation faite par le ministre, les organismes d'application des lois et les organismes de sécurité selon laquelle la gravité des agissements de la personne visée est telle qu'elle cautionne la révocation à vie de ce document. C'est la mise en garde que je tenais à faire.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.
(0905)

[Français]

     Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Merci à nos deux témoins pour leur contribution d'aujourd'hui.
    Nous allons passer aux séries de questions. La première série se conjuguera en segments de sept minutes.
    Monsieur Falk, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins, M. Quiggin et M. Leuprecht, d'être ici ce matin.
    Je vous remercie beaucoup pour vos excellents témoignages. Vous êtes de toute évidence très bien renseignés, et j'ai bien aimé entendre vos points de vue sur cette question.
    Monsieur Leuprecht, je crois que vous avez dit, avec raison, que le fait de détenir un passeport canadien est un privilège, et que les privilèges s'accompagnaient de responsabilités et d'un devoir redditionnel. Nous souhaitons bien entendu protéger l'intégrité de tous les passeports délivrés au Canada. Nous voulons également veiller à ce que le passeport continue d'être reconnu et préserver le privilège particulier qu'il procure à ses détenteurs.
    Au cours des dernières semaines, les médias nous ont rapporté à maintes reprises que des personnes — notamment des jeunes — avaient essayé de se rendre à Istanbul, en Turquie, pour ensuite gagner la Syrie. Dans bien des cas, ces personnes entreprenaient leur voyage en dépit de l'avis contraire de leur famille ou à l'insu de cette dernière. Les responsables de l'application de la loi travaillent fort pour limiter autant que faire se peut ces voyages non autorisés par des mineurs, mais il me semble assez clair que nous avons besoin de ces dispositions pour renforcer nos lois et nous donner la capacité d'annuler, de refuser ou de révoquer un passeport.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la vraie nature de l'objectif poursuivi, tel que vous la percevez? Quel serait l'objectif de renforcer la capacité de révoquer ou d'annuler un passeport?
(0910)
    Pour moi, je crois que l'objectif fondamental est de faire en sorte que le Canada soit au diapason de bon nombre de ses alliés qui ont déjà adopté ce type de dispositions et qui s'en servent de façon réussie depuis des années, voire, dans certains cas, depuis des décennies, surtout en Europe.
    Je reviens toujours sur le fait que nous avons eu la tête enfouie dans le sable pendant trop longtemps, une situation que nous pouvons attribuer à la grande chance que nous avons d'être loin de toute cette instabilité sur le plan géostratégique. Nous devons apprendre de nos alliés et des pays qui voient les choses comme nous. Le Royaume-Uni, la France et l'Espagne ont été confrontés au phénomène du terrorisme, et ce, depuis déjà un certain temps, et nous pouvons constater que la préservation de la liberté et de la sécurité n'est pas un jeu à somme nulle. Par ailleurs, les sociétés libres sont aussi des sociétés sécuritaires. Il existe des moyens pour concilier ces priorités conflictuelles et servir l'intérêt de la société dans son ensemble.
    En fin de compte, je crois que ce qui importe, c'est de nous assurer d'avoir des dispositions adaptées au phénomène de la mondialisation du terrorisme transnational tout en veillant à ce qu'elles soient suffisamment nuancées pour répondre aux exigences de la Constitution et de la Charte; nous devons fournir des outils plus nuancés aux forces de l'ordre ainsi qu'aux organismes chargés de la sécurité et du renseignement.
     Si notre principal outil est la prévention criminelle, la facture risque d'être salée, et le processus, lourd. Les critiques reprochent d'ailleurs parfois à la prévention criminelle de n'être rien d'autre qu'une enquête sur la sécurité nationale dont l'objectif définitif est de porter des accusations.
    Lors de son passage au Parlement, le commissaire de la GRC a affirmé que les enquêtes en cours étaient en train de ruiner l'organisme. Les règles que les policiers doivent observer pour obtenir une condamnation sont très strictes. Il ne suffit pas de porter une accusation. Pour qu'il y ait condamnation, les agents doivent recueillir suffisamment d'éléments de preuve pour convaincre la Couronne.
    Lorsqu'il s'agit de jeunes, voulons-nous vraiment que les accusés se retrouvent avec un casier judiciaire à cause de ce qu'ils ont fait, ou voulons-nous plutôt nous assurer de prendre les mesures préventives nécessaires afin de les empêcher d'aller jusqu'au bout de leur intention, en espérant qu'avec une intervention appropriée — et je crois qu'il y aurait beaucoup plus à faire en matière d'intervention et de prévention —, ils reviendront à la raison et comprendront que l'orientation qu'ils avaient prise n'était peut-être pas la meilleure à prendre?
    Merci.
    Monsieur Quiggan, lorsque nous avons discuté du projet de loi C-51 au comité, nous avons reçu de nombreux témoins, dont certains de la communauté musulmane. Beaucoup de ces témoins ont parlé de prendre des mesures préventives avant que leurs jeunes ne se radicalisent, et ont reproché au projet de loi C-51 de ne pas s'attaquer vraiment à la prévention de la radicalisation.
    Croyez-vous que cette mesure est une bonne mesure pour prévenir la radicalisation? La révocation du passeport est-elle un outil de prévention? Quelle est votre opinion à ce sujet?
(0915)
     Monsieur le président, monsieur, je crois que si vous voulez vous attaquer au problème des gens qui se rendent à l'étranger pour devenir des extrémistes, des terroristes ou autre chose, et que vous souhaitez vous attaquer au problème, ici même, au Canada — ce qui n'est pas exactement la même chose —, il faut une approche stratégique, opérationnelle et tactique.
    Sur le plan stratégique, comme je l'ai dit tantôt, il faut chercher à handicaper les réseaux en sol canadien qui permettent de créer ces espaces sociaux, politiques et culturels où il est acceptable de parler de cela, de faire ces choses. Cela signifie qu'il faut s'en prendre aux organismes de bienfaisance, s'attaquer à leurs organisations.
    Sur le plan tactique — et je crois que c'est là-dedans que s'inscrit la question du passeport —, nous avons besoin, comme mon collègue l'a dit, d'une meilleure trousse d'outils. Je crois que le passeport relève de l'aspect tactique. C'est une façon d'intercepter les gens au moment où ils quittent le pays pour aller s'engager à l'étranger dans ce type d'activité.
    Est-ce une mesure préventive? Oui, c'en est une dans le sens où elle permet d'empêcher ces gens d'aller à l'étranger. Est-ce une mesure préventive dans le sens où elle permettrait de stopper la radicalisation au Canada? Je n'en suis pas si sûr. Je crois toutefois que ce sera une façon efficace de sensibiliser le public à cette question.
    Pour diverses raisons culturelles, par souci de rectitude politique, etc., le gouvernement canadien et la société civile canadienne hésitent à remettre en question le discours de l'extrémisme au Canada.
    Nous venons tout juste d'assister à l'interception de 10 personnes à l'aéroport Montréal-Trudeau — il y aura une semaine, samedi —, alors qu'elles s'apprêtaient à rejoindre l'EIIS. Il faut espérer que ce genre de nouvelle permettra d'élargir la discussion. À l'heure du souper, quand la famille est réunie autour de la table, les parents pourront dire: « Voilà ce qui va arriver à ces gens. » Et les personnes comme nous peuvent également se servir de cette nouvelle pour susciter la discussion.
    Est-ce une bonne mesure préventive? Je crois que oui, dans le sens où elle a un pouvoir tactique et qu'elle empêchera les personnes de sortir du pays. C'est aussi un autre moyen de remettre en question le discours extrémiste au Canada, ce que personne, nulle part, n'est parvenu à faire de façon efficace.
    Puis-je avoir 30 secondes pour me prononcer à ce sujet?
    Nous devons faire attention de ne pas mélanger les catégories. Les terroristes, les radicaux, les voyageurs extrémistes, comme le gouvernement aime les appeler, ne sont pas une seule et même chose. Ce sont des catégories distinctes sur le plan sociologique. La raison qui me pousse à dire cela, c'est que nous ne devrions pas associer le problème de la radicalisation de masse avec celui d'un groupe très restreint de personnes qui commettent des actes proscrits par la loi ou qui se rendent à l'étranger. Il y a des gens qui se rendent à l'étranger sans pour autant être devenus des radicaux et qui ne souscrivent pas nécessairement au discours des radicaux. Si je me fie à mon propre travail d'enquête, le discours des radicaux ne manque pas de sympathisants au pays, mais bien peu de gens posent des gestes pour le montrer.
    Nous ne pouvons pas nous servir d'un seul outil stratégique pour nous attaquer à deux problèmes distincts. Il nous faut différents types d'outils stratégiques. Selon moi, la mesure du passeport est une intervention offensive tactique de précision visant un très petit groupe de gens qui s'engagent sur la voie de l'illégalité en quittant le pays pour se joindre à une organisation ou en participant à une activité que nous jugeons contraire à la loi. Je crois que la mesure ne fera pas grand-chose pour atténuer le problème de la radicalisation de masse. C'est un enjeu distinct, et nous avons besoin de différents types de trousses d'outils.
    Monsieur Falk, vous avez 45 secondes.
    Je suis d'accord avec ce que vous dites. Je crois que je pourrais considérer cette mesure comme préventive si elle nous permettait d'empêcher des personnes de prendre l'avion, de révoquer leurs passeports avant qu'elles ne s'envolent pour la Syrie, avant qu'elles ne se radicalisent encore plus, avant qu'elles ne deviennent encore plus désillusionnées, ou qu'elles ne se fassent du mal à elles-mêmes ou à d'autres, ou qu'elles ne s'entraînent à se faire du mal à elles-mêmes ou à d'autres. En ce sens, je crois que c'est aussi une mesure préventive pour les personnes qui, d'une certaine façon, se sont déjà radicalisées, ici, au Canada. Êtes-vous d'accord avec cela? C'est un outil. C'est un outil de plus.
    Selon moi, c'est une mesure préventive qui a un puissant effet dissuasif.
    Très bien. Merci beaucoup, monsieur Falk.
    Au tour maintenant de M. Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Il est nécessaire de revenir à la question à l'ordre du jour. J'apprécie les dernières interventions de M. Leuprecht, car je crois qu'elles nous permettent d'opérer ce retour.
    Il existe bien entendu un droit de libre circulation au Canada, droit qui est assujetti à des limites raisonnables. Les décisions des tribunaux ont été très claires à ce sujet, alors je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit à cette table pour défendre le fait que les gens devraient être en mesure d'aller à l'étranger pour se joindre à des groupes terroristes. Ce n'est pas vraiment la question qui nous occupe.
    En ce qui concerne le témoignage de M. Quiggin, rappelons que M. Quiggin était ici pour le projet de loi C-51 et qu'il a repris aujourd'hui une partie de ce qu'il avait dit à ce moment-là, y compris son attaque à l'endroit du Conseil national des musulmans canadiens, qu'il se permet en vertu de la protection du privilège parlementaire. Je suis déçu qu'il ait fait la même chose aujourd'hui.
    J'aimerais soulever certaines questions intéressantes concernant le projet de loi C-51, qui est sur le point d'être adopté au Parlement, à savoir si le fait de répéter les arguments des extrémistes radicaux n'est pas en fait une façon irresponsable de promouvoir le terrorisme. Il sera intéressant de voir ce qui se passera avec cela, plus tard, par rapport au projet de loi C-51. Je crois que nous devons éviter de glorifier ces gens et faire attention à ne pas accorder trop de crédibilité à ce qui est de toute évidence un groupe très restreint de terroristes.
    J'aimerais revenir à ce que M. Leuprecht a dit, car je crois qu'il est très important de faire la distinction entre ceux que l'on tente de radicaliser et ceux qui préconisent le recours à la violence. Vous avez parlé d'une trousse d'outils nuancée et vous avez fait allusion à ce que font certains de nos alliés. Vous avez dit que cette disposition nous permettra d'être mieux alignés sur ce que font nos alliés. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet?
(0920)
    Bien sûr. À titre d'exemple, la disposition est appliquée depuis longtemps en Allemagne. Je pense que ce pays offre une comparaison particulièrement intéressante. Nous parlons souvent de la France et du Royaume-Uni, mais je crois que, pour ce qui est de la prédisposition sociétale à l'égard de la sécurité, nous n'examinons pas suffisamment l'Allemagne et des pays comme l'Espagne. Ils ont une société et une structure sociale hétérogène. Il est également possible que la population là-bas pense un peu plus comme nous.
    De toute évidence, en Allemagne, c'est attribuable à l'histoire du pays et à son régime très rigoureux pour protéger l'intégrité de la constitution allemande. Ils ont donc des mesures beaucoup plus robustes contre quiconque remettrait en question l'ordre constitutionnel allemand, que ce soit au pays ou en tentant de se rendre à l'étranger pour prendre part à des activités qui pourraient remettre en question l'intégrité du régime constitutionnel ou l'intégrité d'autres gouvernements ailleurs dans le monde.
    Je ne considère pas comme une aberration les dispositions auxquelles on peut recourir dans certains pays. Je crois qu'il y a beaucoup d'autres dispositions préventives d'ordre administratif que nous pourrions examiner, mais je crois qu'il s'agit là d'une des plus importantes. Je le mentionne notamment parce que les poursuites criminelles sont difficiles et coûteuses, et elles ne sont pas toujours dans l'intérêt de, disons... surtout quand nous parlons de mineurs. Dans ce cas-ci, je pense que nous avons besoin d'une gamme d'options plus vastes, non seulement dans l'intérêt de la sécurité, mais aussi compte tenu du contexte plus large dans lequel ce phénomène se produit.
    Merci beaucoup.
    Je sais qu'on a fait allusion ce matin aux 10 jeunes de Montréal qui n'ont pas été autorisés à quitter le pays. À mon avis, il y a lieu de se demander si cette disposition est nécessaire, ou si les dispositions existantes, qui, de toute évidence, les ont empêchés de quitter le pays, sont adéquates. Cet exemple indique-t-il une lacune ou montre-t-il plutôt que le système en place est efficace? Nous avons certaines réserves au sujet de la création au sein du gouvernement de deux entités différentes habilitées à annuler des passeports. Qui serait responsable de l'annulation des passeports?
    Pour en revenir à ce qui s'est fait à Montréal, cet exemple ne montre-t-il pas que nous avons déjà ce pouvoir au Canada et qu'il a été très bien utilisé? J'aimerais que M. Leuprecht réponde, s'il vous plaît.
    Nous l'avons dans une certaine mesure. Je crois que nous avons actuellement une trousse d'outils rudimentaires et que certaines des mesures qui ont été prises nous donnent une capacité beaucoup plus grande et plus précise qu'avant pour intervenir de manière préventive et proactive. Diverses raisons expliquent pourquoi certaines entités doivent être plus proactives dans le monde de la prévention, si je puis m'exprimer ainsi.
    À mon avis, cette disposition est complémentaire et n'entraîne pas de dédoublement. Je la vois comme un complément nécessaire. Je crois que les recours judiciaires qu'elle prévoit sont suffisants pour me rassurer que celui qui croit avoir été traité de façon inappropriée — car cette disposition représente un degré d'intervention de l'État considérable dans la vie des gens — disposera d'un recours judiciaire approprié. C'est absolument essentiel selon moi, mais aussi la raison pour laquelle je dirais que ces interventions devraient être faites conformément à ce qui est proposé ici, dans un délai à la suite duquel le ministre ou l'institution appropriée doit revoir l'interdiction. Je dis cela parce que nous changeons tous fondamentalement au cours de nos vies, et nous ne devrions pas seulement... Nous pouvons nous servir à certains égards de l'exemple de personnes qui changent d'avis à propos de ces questions et qui, espérons-le, démontrent que les gens peuvent revenir à la raison et constater que cette voie n'est pas prudente.
(0925)
    Monsieur Leuprecht, je crois que vous avez également soulevé un point très important au sujet des catégories sociologiques et de la nécessité de ne pas mélanger les deux. Je me demande si nos alliés en sont plus conscients dans leurs démarches, surtout dans le cadre des programmes visant à prévenir la radicalisation afin d'éviter que l'on se retrouve dans cette deuxième catégorie. Pourriez-vous nous parler de ce que certains de nos alliés ont peut-être fait pour prévenir la radicalisation?
    Je viens tout juste de passer les 10 derniers jours à discuter exactement de cela en Espagne et au Portugal avec nos organismes et nos partenaires alliés. À l'instar de John Horgan, qui est probablement le premier expert des programmes de déradicalisation, je suis sceptique par rapport à beaucoup de ces programmes.
    Ils ont tendance à avoir trois composantes: l'intervention en milieu carcéral, une sorte de contre-discours et une forme d'intervention ciblant les individus qui présentent un risque particulièrement élevé. C'est sur ces composantes que repose la stratégie de prévention au Royaume-Uni.
    Nous avons de la difficulté à mesurer l'efficacité de beaucoup de ces programmes. En gros, nous devons croire ce que les gens disent. On a démontré à maintes reprises que l'on porte atteinte à ces programmes, qu'ils sont compromis. L'EIIS a donc très bien réussi à présenter le programme de prévention comme un lavage de cerveau, un programme néocolonialiste.
    Les droits de la personne posent également certaines difficultés, car je crois que beaucoup de services de renseignement supposent que quiconque regarde un trop grand nombre de vidéos djihadistes posera inévitablement des gestes violents. Le lien de causalité ne fonctionne pas dans ce cas-ci, car il n'y a pas de modèle ou de processus unique de radicalisation, mais nous savons qu'il existe une certaine triangulation des facteurs qui rend les gens plus susceptibles d'être violents.
    Il y a une chose que nous n'avons pas faite particulièrement bien dans le cadre de la recherche et, par conséquent, dans les politiques publiques. Nous ne comprenons pas bien la triangulation des variables chez les individus plus susceptibles d'être influencés par ce genre de discours ou de commettre certains actes.
    Merci beaucoup. Nous avons considérablement dépassé le temps alloué.
    Nous allons maintenant entendre Mme Ablonczy.
    J'ai un certain nombre de questions. J'espère que les réponses seront brèves.
    J'ai été frappée par la différence d'opinions du député le plus chevronné de l'opposition qui siège à notre comité. Si j'ai bien compris, il a dit essentiellement que nous parlons seulement d'un petit groupe. Il a ensuite fait un geste réprobateur du doigt à l'intention d'un de nos témoins experts, qui a des connaissances et une expérience approfondies dans ce domaine, en voulant dire: « Ce n'est pas très gentil de votre part de dire des choses méchantes au sujet d'un groupe de musulmans. »
    C'est vraiment digne de...
    J'invoque le Règlement.
    On a invoqué le Règlement.
    Vous savez, monsieur le président, que j'évite d'invoquer le Règlement, mais...
    Pardon?
    J'évite habituellement d'invoquer le Règlement pour cette raison, mais, madame Ablonczy, vous m'attribuez des mots que je n'ai pas prononcés.
    Vous avez encore une fois dénoncé des propos concernant un groupe particulier. N'est-ce pas ce que vous avez dit au témoin?
    Un groupe particulier? Non, j'ai dénoncé les accusations sans fondement que M. Quiggin a répétées au sujet du Conseil national des musulmans canadiens, sous le sceau du privilège...
    Merci beaucoup. Je mets un terme à cette discussion.
    Je vous prie de poursuivre, madame Ablonczy.
    Nous avons ici un témoin qui soulève des préoccupations au sujet d'un groupe particulier, et M. Garrison s'en offusque, même s'il n'a pas la même expertise que le témoin. Il semble que ce soit un exemple de ce que M. Quiggin a dit, à savoir que la rectitude politique, le relativisme culturel et l'aveuglement volontaire à l'égard de l'extrémisme sont dangereux pour le Canada.
    Voici où nous en sommes. Vous dites que nous sommes aux prises avec de solides réseaux d'extrémistes. Vous dites tous les deux que la radicalisation est un véritable problème au pays, mais le public ne sait pas trop qui croire. L'opposition dit: « Vous savez, cela revient tout simplement à être indûment dur et inéquitable pour certains groupes. »
(0930)
    J'invoque le Règlement.
    L'opposition dit que...
    M. Garrison a invoqué le Règlement.
    Mme Ablonczy est dangereusement près de porter atteinte aux privilèges d'autres députés en continuant de leur attribuer, plus particulièrement aux membres de l'opposition, des propos qui n'ont pas été formulés dans cette salle. Je suis encore très déçu qu'elle souhaite nous attribuer des points de vue que nous n'avons pas présentés au comité.
    Je répète seulement ce que j'ai entendu, monsieur Garrison.
    Aux témoins...
    Madame Ablonczy, la présidence vous demande tout simplement de revenir le plus vite possible à la question de la révocation des passeports. C'est l'objet de la discussion.
    Je comprends, monsieur le président.
    Pourquoi les Canadiens sont-ils préoccupés par cette question? Pourquoi une mère dévouée, un agriculteur, un pêcheur ou un travailleur d'usine se soucie-t-il de cela? Pourquoi appuieraient-ils le gouvernement lorsqu'il tente d'empêcher des gens de se rendre à l'étranger?
    J'aimerais vous entendre tous les deux.
    Monsieur Quiggin, vous n'avez pas eu beaucoup de temps de parole.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vais commencer par clarifier les points que j'ai soulevés. Mes commentaires au sujet du CNMC ne représentent pas vraiment mon point de vue. C'est celui du département d'État américain, qui estime que le CAIR-CAN, également appelé CNMC, est la section canadienne du CAIR américain. Les fondateurs du CAIR-CAN dans les documents judiciaires, dans des affidavits ici au Canada...
    M. Garrison invoque le Règlement.
    Monsieur le président, vous venez tout juste de rendre une décision à ce sujet. Vous nous avez demandé de revenir à l'objet de cette discussion, mais M. Quiggin répète encore une fois ses accusations sans fondement et son attaque contre le Conseil national des musulmans canadiens, et je m'y oppose foncièrement.
    J'invoque le Règlement...
    Monsieur le président, avec tout le respect...
    C'est bien.
    Excusez-moi, la présidence fera quelques observations.
    On a posé une question au témoin au sujet d'une opinion. Que l'on soit d'accord ou non — de toute évidence, nous parlons de terrorisme ou de révocation de passeports —, le témoin peut faire part d'une expérience ou d'un élément de preuve qu'il a recueilli pour présenter et appuyer sa position. Peu importe que nous soyons d'accord ou non à ce stade-ci. M. Quiggin a le droit d'exprimer son opinion devant notre comité. Il peut donc poursuivre.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Oui, M. Garrison invoque le Règlement.
    C'est une question de pertinence, pas d'opinion. Vous nous avez demandé de nous en tenir à la question à l'étude, à savoir la suspension des passeports. Les opinions présentées par le témoin n'ont toutefois rien à voir avec la suspension des...
    Je comprends. Cependant, la présidence croit également qu'il est très grave d'essayer de miner la crédibilité des témoins. Je pense que la présidence est tenue de faire en sorte que les témoins puissent présenter ou défendre leur point de vue.
    Poursuivez, monsieur Quiggin.
    Il y a manifestement un problème. Je n'en parlerai pas davantage, mais je pourrais peut-être faire parvenir au greffier une liste de 23 déclarations faites par le CAIR-CAN, le département d'État américain, les Émirats arabes unis et le système judiciaire canadien qui confirment que le CAIR-CAN est effectivement la section canadienne du CAIR aux États-Unis. Je m'arrête ici. Je n'en parlerai pas davantage.
    Vous avez demandé directement pourquoi les Canadiens devraient se soucier de cela. Pourquoi la mère dévouée ou le type qui conduit un chariot élévateur à l'usine devrait-il s'en préoccuper? À mon avis, la réponse est que ce genre d'extrémisme se répand au Canada, qu'il prend de l'expansion.
    Mon collègue a fait remarquer que la révolution des communications et du transport fait en sorte qu'il est de plus en plus facile pour de jeunes Canadiens de se rendre à l'étranger et de se faire tuer, littéralement, ou de tuer d'autres personnes. Je pense que nous avons en tant que Canadiens l'obligation d'essayer de tenir nos jeunes à l'écart de ce genre de choses, dans la mesure du possible. Ces jeunes sont notre avenir. En tant qu'État, le Canada a l'obligation envers d'autres pays de s'assurer que nous n'exportons pas d'habitants de Calgary ou de Montréal afin qu'ils deviennent des kamikazes et tuent un grand nombre de personnes dans des conflits à l'étranger.
    Je sais que cette question est un peu abstraite pour beaucoup de monde. Ils demandent pourquoi ils devraient s'en préoccuper. La réponse, c'est qu'ils devraient s'en préoccuper parce que cela se produit dans leur collectivité. Ce sont leurs jeunes qui sont en péril, qui sont menacés. Plusieurs personnes pensent que c'est un problème musulman, ce qui est vrai dans une certaine mesure, mais la réalité, c'est que c'est également un problème de convertis, qui touche toutes les autres confessions au Canada, ainsi que ceux qui n'ont aucune religion précise.
    Je pense qu'il convient également de souligner que, à l'heure actuelle, l'accent a tendance à être mis sur l'EIIS, Al-Qaïda, al-Nosra et Jemaah Islamiah. Cela dit, si nous avions eu cette conversion en 1985, nous nous serions probablement penchés sur la radicalisation sikhe au Canada. En 1995, nous nous serions penchés sur les radicaux tamouls, les TLET et ainsi de suite. Je suis certain qu'on aura encore une fois cette conversation dans 10 ans, et je ne prétends pas savoir quel sera le prochain groupe. C'est un problème persistant au Canada, et, comme l'a indiqué mon collègue, tout laisse croire qu'il prendra de l'ampleur. Donc, oui, c'est important. Et, oui, nous devons le comprendre maintenant.
(0935)
    Monsieur le président, ai-je bien deux minutes?
    Oui, vous avez deux minutes, madame Ablonczy.
    Je crois que ma collègue a une question.
    Le président: Oui, madame James.
    Merci.
    Merci, madame Ablonczy.
    Monsieur Quiggin, dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé assez longuement des mauvais traitements infligés aux femmes et aux filles. Nous avons examiné récemment une mesure législative concernant la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares. J'ai parlé directement avec les gens de ma circonscription des mariages précoces et forcés.
    Je commence tout juste à établir un lien, car je tiens à souligner, pour le compte rendu, que je pense que la grande majorité des Canadiens conviennent que ce genre de situation est très préoccupante pour les femmes et les filles, que c'est un problème. Je pense que ceux qui prennent connaissance des faits approuvent la direction prise par le gouvernement.
    Nous avons entendu parler de la révocation et de la confiscation de passeports, entre autres choses, pour empêcher des individus de se rendre à l'étranger. Il y a quelque temps, nous aurions pu supposer que seuls de jeunes hommes ou des hommes radicalisés tombaient dans le piège des activités de recrutement menées par des radicaux. Ce n'est pas le cas. De plus en plus de jeunes femmes sont également recrutées et cherchent ou réussissent à se rendre l'étranger. Pouvez-vous me dire ce qu'il adviendra de celles qui réussissent à s'y rendre?
    Vous avez 30 secondes pour répondre.
    La réponse brève est que selon les preuves dont nous disposons à ce jour, la plupart des femmes membres de l'EIIS finissent dans des relations pénibles et brutales; la plupart du temps, elles veulent quitter le pays lorsqu'elles se rendent compte de l'ampleur de la situation.
    Par contre, une minorité de femmes, dont les deux jeunes femmes qui, je crois, sont originaires de Manchester au Royaume-Uni, se retrouvent dans des postes hauts placés leur permettant de recruter des femmes d'autres pays dans le monde.
    En somme, la plupart des femmes qui vont là-bas se retrouvent brutalisées et dans des conditions horribles dont elles cherchent à se sortir, mais une petite partie d'entre elles deviennent des leaders dans la communauté et peuvent exercer leur influence autour du monde.
    Merci.
    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Easter.
    Nous vous écoutons, monsieur.
    Merci, monsieur le président, et merci aussi à nos témoins.
    Ma question s'adresse à vous deux: pouvez-vous parler de la situation dans d'autres pays en ce qui concerne la révocation des passeports? Dans quelle mesure a-t-elle été une réussite? Les processus d'appel ont-ils fonctionné? Et en fonction de cette expérience, y a-t-il...?
    Je pense qu'une des questions préoccupantes est de savoir s'il est nécessaire d'avoir un avocat spécial dans les cas où les organismes de sécurité et les forces policières cherchent à obtenir l'autorisation de révoquer le passeport de quelqu'un. Je m'inquiète de l'absence d'une approche juste et équilibrée dans la loi. Y aurait-il lieu d'avoir un avocat spécial?
    Dans cette optique, pourriez-vous dire si vous connaissez l'expérience d'autres pays à cet égard et si cela a bien fonctionné, s'il est nécessaire d'apporter des changements et si nous avons des leçons à tirer de leur expérience?
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai travaillé pendant un an et demi à Singapour. Un de mes collègues là-bas, Haniff Hassan, est considéré comme une sommité mondiale en matière de déradicalisation.
    Dans le cas de Singapour, je pense que la révocation du passeport est une question claire et nette qui se fait rapidement et sans équivoque. Cependant, je pense qu'il y a lieu de faire remarquer qu'à Singapour, cette démarche s'inscrit dans le contexte d'un programme beaucoup plus vaste. Elle est perçue comme un outil parmi tant d'autres.
    Singapour a un programme de déradicalisation très efficace, mais comme M. Leuprecht l'a fait remarquer, il fonctionne parce qu'il est très étroit, très ciblé et très bien adapté à la situation singapourienne. Il ne vise pas seulement à détourner la personne de la radicalisation; il tient aussi compte de sa famille, de son avenir et de la façon de la réintégrer dans la société en général.
    En somme, je dirais que la révocation du passeport est une démarche efficace et nécessaire, mais qu'elle devrait s'inscrire, selon moi, dans un effort plus important ou une trousse d'outils, comme l'a expliqué M. Leuprecht.
(0940)
    Monsieur Leuprecht, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Alors pour en revenir à la trousse d'outils de plus grande taille que vous avez mentionnée dans vos remarques — et peut-être que ce n'était pas ce que vous vouliez dire —, je me demandais si vous faisiez confiance aux programmes de déradicalisation.
    J'ai demandé parce que je pense que M. Quiggin a raison. Je pense que c'est une mesure nécessaire parmi tant d'autres. Les jeunes de 18 ans veulent partir — je soupçonne que certains d'entre eux y vont simplement pour l'aventure — et on leur révoque leur passeport. Cependant, j'espère qu'ils peuvent le récupérer, car les choses et les expériences de vie changent au fil du temps.
    Les programmes de déradicalisation ou autres programmes devraient-ils être nécessaires pour en tenir compte? Vous en avez parlé un peu plus tôt.
    Le modèle que l'on essaie de suivre tant à Toronto qu'à Calgary est adapté du modèle de plaque tournante élaboré à l'origine à Glasgow du côté de la criminalisation pour éviter aux jeunes d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale. Dale McFee l'a importé à Prince Albert. Il en existe une variante dans 14 collectivités en Ontario.
    Ce modèle visait à éviter aux gens d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale. Il ne s'agit pas d'un outil de déradicalisation. En gros, il reconnaît que des intervenants de multiples organismes doivent être consultés: des intervenants d'organismes sociaux, de l'éducation, de la santé publique, de la santé mentale ainsi que des conseillers en orientation, des conseillers professionnels et autres. Nous avons besoin de formuler une stratégie efficace, mais qui soit adaptée à chaque cas précis.
    Je m'inquiète un peu de la vision assez générale voulant qu'il soit possible d'avoir un programme de déradicalisation unique au lieu des interventions que nous savons être efficaces pour éviter aux gens d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale, nommément l'intervention ciblée entre divers organismes conçue pour chaque cas précis et y étant adaptée.
    J'aimerais insister sur le fait que, en fonction des données les plus récentes dont nous disposons, par exemple, de la plaque tournante de la Saskatchewan, 52 % des cas sont présentés par la police, mais celle-ci ne se retrouve responsable du dossier que dans 12 % des cas. On reconnaît en général que les organismes d'application de la loi et de sécurité du renseignement doivent aider les organismes à réussir à convaincre les gens d'abandonner les activités susceptibles de leurs causer des ennuis avec le système de justice pénale mais, dans la plupart des cas, ils ne sont pas idéaux comme organismes responsables.
    Au lieu de programmes de déradicalisation de macroniveau, je privilégierais des types de capacité plus nuancés. Nous avons deux projets pilotes au moins au Canada.
    Un certain nombre d'entre nous au comité connaissons le modèle de plaque tournante, et je pense que nous avons recommandé qu'il soit élargi dans notre rapport sur les paramètres économiques des services de police. Je vous sais gré de vos commentaires.
    J'ai une dernière question, monsieur le président, et ensuite vous pourrez passer à la prochaine personne.
    J'ai demandé tout à l'heure s'il était nécessaire d'avoir un avocat spécial dès le départ pour obtenir l'autorisation de révoquer le passeport de quelqu'un. L'un de vous a-t-il une opinion à ce sujet? Oui ou non?
    Je ne suis pas certain de comprendre la façon dont vous employez le terme « avocat spécial », monsieur. Voulez-vous parler d'un avocat spécial dans le contexte d'un certificat de sécurité nationale — un juriste qui est un avocat spécial — ou faites-vous allusion à un poste en particulier?
    Il s'agirait d'une personne qui a de l'expérience dans le domaine, qui essaierait d'équilibrer les choses. Lorsque les responsables de la sécurité comparaissent devant un juge pour dire qu'ils ont raison de croire telle ou telle chose et que les preuves dont ils disposent sont, dans une certaine mesure, des renseignements classifiés, il n'y a pas d'avocat en contrepartie. Devrait-il y en avoir un?
    Je ne crois pas que nous ayons besoin de créer un poste spécial ou de nommer un avocat spécial qui ne ferait rien d'autre. Comme j'ai participé de près à des affaires criminelles et témoigné dans le cadre de celles-ci, et comme j'ai participé étroitement à des affaires de certificat de sécurité nationale à la Cour fédérale, je connais bien le système d'avocats spéciaux dans lequel les avocats et les juges obtiennent un statut spécial et une habilitation de sécurité spéciale pour y travailler. Je crois que le fait d'accorder aux avocats de la défense le statut d'avocats spéciaux est un outil immensément efficace. C'est utile. Je crois que lorsqu'on leur accorde ce statut, les juges contribuent grandement au processus.
    S'il y a une situation dans laquelle un passeport a été révoqué...
(0945)
    M. Payne invoque le Règlement.
    Merci, monsieur le président.
    M. Quiggin avait offert de nous envoyer des documents que le président devait nous remettre concernant le CAIR-CAN. Je demanderais qu'il le fasse. Merci.
    Merci beaucoup.
    Continuez, il vous reste une quinzaine de secondes.
    J'ai terminé.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolé, mais la première heure est maintenant écoulée. Je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Nous allons faire une petite pause pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.
(0945)

(0945)
    Chers collègues, nous allons entamer notre deuxième heure de témoignages et de questions. Elle sera consacrée à la section 10 qui porte sur la sécurité sur la Colline.
    Nous avons des invités spéciaux avec nous, soit M. Roch Lapensée, qui est président de l'Association des employés du Service de sécurité de la Chambre des communes. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur.
    Nous avons également M. Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, et M. Gordon Stock, directeur principal, tous deux du Bureau du vérificateur général du Canada. Je vous souhaite la bienvenue au comité, messieurs.
    Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre jusqu'à 10 minutes pour faire vos exposés. Nous passerons ensuite à la période des questions. Nous vous remercions de votre présence et bien sûr d'éclairer le comité de vos idées ou de vos connaissances, et aussi de votre patience en répondant aux questions des membres du comité.
    Monsieur Lapensée, vous avez la parole.
(0950)

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, permettez-moi d'abord de vous remercier, au nom de l'Association des employés du Service de sécurité de la Chambre des communes, de m'offrir l'occasion de prendre la parole devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    L'Association des employés du Service de sécurité de la Chambre des communes du Canada est accréditée depuis 1987 afin de représenter les quelque 225 membres du Service de sécurité de la Chambre des communes. Les membres de l'association comptent approximativement 190 constables, 15 caporaux et 15 sergents, qui relèvent tous du directeur du service.
    Le présent mémoire concerne strictement la section 10 du projet de loi C-59, qui modifie la Loi sur le Parlement du Canada en y ajoutant les articles 79.51 à 79.59 et en prévoyant certaines dispositions transitoires.
     Considérant les modifications profondes envisagées par le projet de loi en ce qui concerne la sécurité dans la Cité parlementaire, l'association estime important de comparaître devant le présent comité afin de faire part de ses observations relativement aux modifications envisagées.
    Avant d'entrer dans le vif du projet de loi C-59, qu'il soit permis à l'association de souligner la grande fierté que nous avons à l'égard du professionnalisme et de l'exemplarité de nos membres, particulièrement quant à leur comportement lors des événements du 22 octobre 2014.
    Personne ne connaît mieux la Cité parlementaire et les parlementaires que les employés du service de sécurité, qui remplit une fonction essentielle pour le fonctionnement de notre système démocratique. Notre travail demande beaucoup de doigté pour combiner les exigences impératives de sécurité et le caractère public de la Cité parlementaire, et ce travail mérite amplement d'être souligné devant cet honorable comité.
    Relativement au projet de loi C-59, il importe de souligner dans un premier temps que le projet de loi définit, à l'article 79.51, la notion de « Cité parlementaire ». Il s'agit, à notre connaissance, d'une nouveauté qu'il faut saluer. Depuis maintenant plusieurs années, le travail des membres du Service de sécurité de la Chambre des communes s'est étendu bien au-delà des murs de ce qui était autrefois appelé « l'enceinte parlementaire ».
    L'association partage parfaitement l'intention envisagée par cette nouvelle définition reconnaissant que le privilège parlementaire suit la fonction parlementaire, consacrant ainsi une vision fonctionnelle plutôt que géographique de la notion de privilège parlementaire.
    Mettant en pratique l'autorité investie au sergent d'armes et au Président de la Chambre en matière de sécurité, les membres du Service de sécurité de la Chambre des communes exercent l'ensemble de leurs fonctions à l'intérieur du privilège parlementaire. Ils s'en trouvent en quelque sorte les gardiens et, par conséquent, un rouage essentiel de la fonction législative de la Chambre des communes du Canada.
    C'est cette fonction législative qui est au coeur de notre travail, et c'est pourquoi la protection du privilège parlementaire était mise en avant avec force dans le communiqué de presse publié par l'association le 4 février 2015, lorsque les éléments figurant dans ce projet de loi C-59 ont été annoncés pour la première fois par le gouvernement. Les préoccupations que nous énoncions dans ce communiqué de presse sont aujourd'hui entièrement transposables au projet de loi sous étude et peuvent se regrouper en deux grandes catégories: les préoccupations opérationnelles et les préoccupations en matière de relations de travail.
    L'association ne s'inscrit pas en faux relativement aux conclusions du vérificateur général du Canada qui, en juin 2012, recommandait une plus grande coordination entre les différents acteurs affectés à la protection de la Cité parlementaire. Il est évident qu'une plus grande coordination au chapitre de la sécurité était souhaitable le 22 octobre 2014 et l'est toujours. C'est dans ce sens que concluait la police d'Ottawa dans une conférence de presse récente.
    Toujours en juin 2012, le vérificateur général recommandait à la Chambre des communes d'étudier la faisabilité d'une force unifiée de sécurité pour l'ensemble de la Cité parlementaire. Ici encore, l'association ne s'oppose pas à cette idée et salue la création du Service de protection parlementaire par l'article 79.52 du projet de loi. Il est cependant important de noter deux bémols aux conclusions qui précèdent.
    Premièrement, une meilleure coordination opérationnelle entre les différents acteurs ne passe pas nécessairement par une fusion opérationnelle des deux services de sécurité, soit celui de la Chambre des communes et celui du Sénat. L'association estime, au demeurant, qu'il est peu probable que les constables, les caporaux et les sergents de la Chambre des communes soient affectés de manière interchangeable au Sénat, et vice versa. Nous devons avoir une connaissance profonde et fine des lieux et des personnes pour faire un travail adéquat, et cette connaissance s'acquiert avec l'expérience acquise dans chaque enceinte.
    L'association estime également qu'il serait peu souhaitable et peu pratique, d'un point de vue sécuritaire, de remanier complètement le personnel une fois la fusion réalisée pour que chaque membre du nouveau Service de protection parlementaire puisse travailler de manière interchangeable au Sénat ou à la Chambre des communes, du moins sans affectation de longue durée.
(0955)
     Il serait beaucoup plus souhaitable de conserver les structures de travail actuelles pour continuer à augmenter l'efficacité et la réactivité des équipes. Ainsi, l'association estime que, sur le plan opérationnel, une fusion des deux services de sécurité, soit de la Chambre et du Sénat, n'aurait pas pour effet d'accroître la coordination du travail, mais qu'elle diminuerait au contraire son efficacité en diluant le spécificité de son action.
    Deuxièmement, l'association a noté que le projet de loi exige que le directeur du SPP soit un membre actif de la GRC qui agira sous l'autorité bicéphale des Présidents de la Chambre et du Sénat. Nous notons également que, bien que l'article 79.53 confie au SPP les « questions concernant la sécurité physique partout dans la Cité parlementaire et sur la Colline parlementaire », l'article 79.55 du projet de loi confie exactement les mêmes fonctions à la Gendarmerie royale du Canada, renvoyant à un « arrangement » et prévoyant que la GRC assurera « elle-même » la prestation des services de sécurité physique qui lui seront dévolus.
    Les conclusions opérationnelles qui découlent de cette situation supposent deux hypothèses: soit le directeur du SPP agira véritablement sous la direction du Président de la Chambre, du Président du Sénat et d'un représentant de la GRC, soit cette personne agira en réalité exclusivement sous l'autorité de la GRC. Si le premier cas de figure est envisagé, l'association voit mal comment un directeur du SPP recevant des directives de trois chefs différents serait en mesure d'améliorer la sécurité dans l'enceinte parlementaire ou la coordination entre les différents services de protection.
    Le lien institutionnel obligatoire du nouveau directeur avec la GRC apparaît également problématique, en particulier dans l'éventualité fort probable où cette personne recevrait des instructions contradictoires ou incompatibles. La triple allégeance de cette personne — c'est-à-dire à la Chambre, au Sénat et à la GRC — la placerait inévitablement dans un conflit réel, puisque la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et les serments prononcés en vertu de cette loi obligeraient le nouveau directeur du SPP à désobéir au Président de la Chambre ou du Sénat et à obéir exclusivement au commissaire de la GRC. Comment le privilège parlementaire préservant le pouvoir législatif des décisions de l'exécutif pourrait-il être préservé dans une telle situation? Cela est sans mentionner le cauchemar opérationnel qu'une telle situation pourrait poser dans une situation d'urgence semblable à celle du 22 octobre 2014 ou pire que cette dernière.
    Si le deuxième scénario est envisagé, à savoir un contrôle opérationnel exclusif par la GRC, l'association estime que la chose est autant sinon plus problématique. L'association se réfère ici à son communiqué de presse du 4 février 2015 qui énonce sa position quant au contrôle possible de la sécurité par le GRC dans l'enceinte parlementaire. Nos préoccupations quant au respect du privilège parlementaire demeurent entières. Nous ne pensons pas qu'il soit dans l'intérêt de notre démocratie de donner le contrôle de la sécurité, au sein du pouvoir législatif, au pouvoir exécutif, cela dit avec le plus grand respect pour la qualité du travail de la GRC dans sa mission première, qui n'est pas la protection de la Cité parlementaire.
    Pour revenir à « l'arrangement » prévu à l'article 79.55 du projet de loi C-59, l'association s'interroge sur la signification pratique de cette disposition. Est-il envisagé de remplacer ou de doubler les postes existants au sein du Service de sécurité de la Chambre des communes, ou encore, de rajouter à ces derniers? Le cas échéant, dans quels domaines? Aucune réponse n'a pu nous être fournie quant à l'intention du gouvernement relativement à cette disposition.
    Toujours au sujet de cet « arrangement », rien dans le projet de loi ne semble empêcher que le Président de la Chambre et le Président du Sénat n'aient pas de rôle décisionnel quant au choix du futur directeur du SPP. Il se pourrait très bien qu'un « arrangement » prévoie que le niveau décisionnel de la procédure réside quelque part à la GRC, quelque part au Conseil privé ou au sein du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, ce qui nous apparaît comme un nouvel accroc au privilège parlementaire et au fonctionnement de notre système démocratique.
    En somme, c'est l'occasion de donner à la GRC le contrôle opérationnel de la protection de la Chambre des communes et du Sénat que l'association remet en question. Il ne s'agit aucunement ici de chasse gardée, mais de la nécessité d'allier l'efficacité opérationnelle au respect des principes sacrés sur lesquels notre Constitution est fondée.
    Pour conclure, qu'il nous soit permis de rappeler à ce chapitre qu'aucun rapport, aucune étude et aucun commentateur public informé n'a remis en cause le travail des membres du Service de sécurité de la Chambre des communes, y compris en ce qui a trait aux événements du 22 octobre 2014.
(1000)
     Dans ce contexte, il est légitime de mettre en doute le bien-fondé de cette probable prise de contrôle du SPP par la GRC, ou du moins de cette réelle possibilité qu'envisage le projet de loi C-59. Pourquoi vouloir changer une recette qui fonctionne et qui donne de bons résultats? Le changement n'est-il pas plutôt propice au dysfonctionnement et à l'affaiblissement de nos barrières sécuritaires? L'association estime que poser la question, c'est y répondre.
    L'association est satisfaite de la présence de certaines dispositions transitoires contenues dans le projet de loi C-59 qui, à première vue, garantissent l'emploi des 225 membres du Service de sécurité de la Chambre des communes. En particulier, c'est le cas de l'article 100 du projet de loi, qui semble protéger le poste des personnes actuellement à l'empoi de la Chambre des communes et du Sénat.
    Toutefois, l'association s'inquiète du fait que le projet de loi ne reprend aucunement l'engagement fait par le Président de la Chambre des communes dans sa déclaration sur la motion du 25 février 2015 garantissant l'emploi de tous les employés du Service de sécurité de la Chambre des communes.
    En effet, le projet de loi C-59 ne reprend aucunement cet engagement qui était pourtant clair et n'interdit aucunement une réorganisation du travail qui pourrait se traduire par des compressions, par l'abolition de postes ou par d'autres remaniements sur le plan des effectifs. Contrairement au fait de fournir une telle sécurité d'emploi, le projet de loi C-59 introduit une dose appréciable de doute et d'insécurité à ce chapitre en prévoyant, tel que souligné ci-dessus, que le SPP et la GRC seront tous deux responsables de la sécurité physique dans toute la Cité parlementaire, sans toutefois préciser qui fera quoi et en conférant un avantage déloyal à la GRC à ce chapitre en exigeant que le directeur du SPP soit un membre actif de la GRC. Il s'agit d'une préoccupation importante pour l'association, qui souhaiterait que l'engagement du 25 février 2015, pris conjointement par le Président de la Chambre et par le regretté Président du Sénat, M. Nolin, se retrouve inscrit en toutes lettres dans le projet de loi C-59.
     Dans la limite permise par la sécurité des opérations, l'association se met à la disposition de cet honorable comité pour répondre aux questions concernant la section 10 du projet de loi C-59.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lapensée.
    Nous poursuivons les exposés.
    Monsieur Ferguson, c'est à vous.
    Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter de la section 10 de la partie 3 du projet de loi C-59 portant sur le service de protection parlementaire.
    Je suis accompagné aujourd'hui du directeur principal, Gordon Stock.
    En juin 2012, nous avons publié les rapports de nos audits de l'Administration de la Chambre des communes du Canada et de l'Administration du Sénat du Canada. Dans le cadre de ces audits, nous avions examiné les services que fournit chaque administration dans les secteurs de la gestion financière, des ressources humaines, des systèmes de technologie de l'information et de la sécurité — un sujet qui revêt aujourd'hui un intérêt particulier.

[Français]

    Monsieur le président, je vais résumer au comité ce que nous avions alors constaté en ce qui concerne la sécurité. Il est par ailleurs important de noter que nos travaux d'audit ont été terminés, pour l'essentiel, en février 2012, ce qui veut dire que nous ne pouvons pas commenter les mesures qui ont été prises depuis.
    D'abord, nous avons examiné si chaque administration avait mis en place des politiques et des mécanismes de contrôle appropriés afin de créer un environnement sûr et sécuritaire pour les parlementaires, pour le personnel et pour les visiteurs. Nous avons également examiné si chaque administration avait recensé les risques clés et mis en oeuvre des stratégies d'atténuation appropriées.

[Traduction]

    Dans l'ensemble, nous avons constaté d'une part que les Services de sécurité de la Chambre des communes avaient répondu aux risques de sécurité en mettant en place des procédures opérationnelles normalisées et en formant adéquatement le personnel responsable, et d'autre part que l'Administration du Sénat avait instauré des contrôles d'atténuation des principaux risques de sécurité, notamment en concluant un protocole d'entente avec la Chambre des communes et la Gendarmerie royale du Canada pour une assistance armée en cas de besoin.
     Cependant, pour que les responsabilités et les obligations de chaque administration soient clairement assignées, nous avons recommandé que chacune élabore une politique générale en matière de sécurité, assortie d'objectifs et d'indicateurs de rendement. L'Administration de la Chambre des communes prévoyait mettre en place sa politique d'ici 2015.

[Français]

    Nous avons aussi examiné les procédures de communication et de coordination entre les trois partenaires en matière de sécurité, soit le Service de sécurité de la Chambre des communes, le Service de sécurité du Sénat et la Gendarmerie royale du Canada, étant donné qu'ils se partageaient la responsabilité d'assurer la sécurité de la Cité parlementaire.
    Avant notre audit, les trois forces de sécurité avaient collaboré à l'élaboration d'un plan principal de sécurité. Après la mise en oeuvre du plan principal, la coordination et les communications se sont améliorées. Cependant, au moment de nos audits, il y avait encore des lacunes, ce qui faisait ressortir les problèmes permanents de compétence. Par exemple, à ce moment-là, aucune force de sécurité n'avait accepté d'assumer la responsabilité des toits des édifices.
(1005)

[Traduction]

    En 2010, chaque administration avait examiné les moyens possibles de constituer une force de sécurité unifiée pour la Cité parlementaire. Chaque administration avait accepté les changements proposés pour résoudre les problèmes de compétence. Ces changements signifiaient que les services de sécurité des trois partenaires devaient être intégrés. Nous avions recommandé à cet effet que l'Administration de la Chambre des communes et l'Administration du Sénat collaborent à la mise sur pied d'une force de sécurité unifiée au service de la Cité parlementaire. À notre avis, regrouper les forces de sécurité sous un seul commandement qui aurait à rendre compte à la Chambre des communes et au Sénat était un moyen plus efficace et plus efficient de répondre aux incidents de sécurité. La partie du projet de loi qui est devant vous aujourd'hui permet de mettre en oeuvre l'essentiel de notre recommandation. J'espère que les constatations de nos audits aideront les membres du comité à effectuer leur examen de ce projet de loi.

[Français]

     Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

    La présidence remercie donc, au nom du comité bien sûr, nos témoins de leurs exposés. Nous passons maintenant à la première série de questions de sept minutes.
    Monsieur Payne, vous êtes le premier. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
    Il s'agit d'une question très importante en raison, bien sûr, des événements du 22 octobre dernier. La plupart d'entre nous étaient à la Chambre à ce moment, et nous nous souvenons de ce qui s'est passé et des activités qui se sont déroulées.
    Je sais que nous avons eu notre première réunion mardi. Ma première question s'adresse donc à M. Lapensée. Des représentants du ministère sont venus nous parler de la section 10 du projet de loi C-59. Si je me souviens bien, ils ont mentionné très clairement que, dans les faits, la personne responsable du service relèverait des deux Présidents, et je me demandais si vous étiez au courant de cela.
    Non, je n'étais pas au courant, mais nous savons que le nouveau directeur sera un membre actif de la GRC qui relèvera des deux Présidents et qui relèvera aussi du ministre et du commissaire de la GRC.
    Ils en relèveront d'une certaine manière, mais les directives viendront, si j'ai bien compris ce qu'ont dit les témoins, du Président du Sénat et du Président de la Chambre des communes. À mon avis, il s'agit d'un élément important.
    Monsieur Lapensée, vous avez aussi dit que votre organisation craint des pertes d'emploi au sein de ses membres. Vous avez mentionné la lettre signée par le Président du Sénat, le regretté Claude Nolin, et bien sûr, le Président Scheer. J'ai sous les yeux les documents signés par les deux Présidents, et il est indiqué ce qui suit: « en veillant à ce que le personnel chargé actuellement de la sécurité parlementaire et respecté conserve son emploi. »
    Selon ce qui est prévu dans le projet de loi, si je comprends bien, ils demeureront en poste. Je me plais donc à penser que cela viendra apaiser les craintes de votre organisation et de vos membres.
(1010)
    Ce qui nous inquiète le plus, ce ne sont pas les emplois actuels, mais leur maintien par la suite. Pour le moment, nous ne savons pas ce que la restructuration des opérations nous réserve. La restructuration pourrait donner lieu à des pertes d'emploi ou à une réorganisation de l'effectif. Nous savons que dans l'état actuel des choses, les emplois sont garantis, mais ce qui nous inquiète, c'est de savoir si le nouveau directeur apportera des changements plus tard.
    En ce qui concerne la direction des services de sécurité, il me semble qu'une seule personne doit l'assurer et fournir l'orientation. Le travail en vase clos ne fonctionne pas très bien, à mon avis. Nous savons que d'autres organisations ont apporté des changements dans la foulée des événements qui se sont produits. Il me semble logique d'en arriver là. Je veux vérifier un élément. Est-ce que vous et votre organisation êtes opposés à l'idée d'avoir une direction centrale?
    Non, nous ne sommes pas opposés à cela, mais nous sommes opposés à l'idée que le poste soit confié à un membre actif de la GRC.
    D'accord.
    Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi.
    Pour nous, il est clair qu'on mélange le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ou le...

[Français]

     Notre association croit qu'il ne faut pas mélanger l'aspect exécutif et l'aspect législatif de notre travail uniquement pour pouvoir conserver les privilèges parlementaires intacts.
    Le membre de la GRC, surtout en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, a l'obligation de se rapporter seulement et uniquement à un membre de la GRC. À notre avis, cela pourrait être problématique dans un avenir rapproché puisque le message que les deux Présidents donneraient au nouveau directeur serait un peu dilué ou changé en raison des commentaires de son vrai patron, qui serait le commissaire de la GRC ou le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
    Dans un avenir rapproché, il pourrait y avoir de la confusion. Les directives que les deux Présidents donneraient au directeur pourraient être confondues avec celles qu'il recevrait du commissaire de la GRC ou du ministre.

[Traduction]

    Je ne suis assurément pas d'accord avec vous, car je crois que le directeur recevra ses directives des Présidents des Chambres. Comme il fait partie de la GRC, il discutera bien entendu avec la GRC qui pourrait être au fait de renseignements et d'idées provenant d'autres organisations.
    Je me demande si vous connaissez d'autres organisations qui travaillent en vase clos, dans les provinces, et si vous pouviez nous en parler?
    Non, je ne suis pas au courant.
    D'accord. Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse au vérificateur général. Merci d'être avec nous.
    Dans votre rapport de juin 2012, vous avez mentionné que les prochaines étapes consisteraient, si j'ai bien compris, à réagir de manière plus efficace et efficiente. Les attentats du 22 ont certainement accru l'urgence de le faire et de confier la direction des services de sécurité de la Chambre des communes, et bien sûr du Sénat, à une même personne.
    Je me demande si vous aimeriez ajouter quelque chose à ce sujet, monsieur Ferguson.
    J'aimerais ajouter quelques éléments, oui, monsieur le président.
    Notre recommandation, qui se trouve au paragraphe 74 de l'audit, consistait à examiner combien il en coûterait pour assurer une même capacité d'intervention dans toute la Cité parlementaire, et la possibilité de progresser vers l'établissement d'une force de sécurité unifiée.
    Nous n'avons pas précisé la manière de le faire. Nous en laissions le soin aux décideurs, bien sûr.
    En lisant le projet de loi, je me suis posé quelques questions, non pas comme expert en sécurité, mais comme profane, en mettant le chapeau d'administrateur, si on veut, pour essayer de comprendre comment le tout fonctionnerait.
    À l'article 79.51, par exemple, on mentionne que la désignation des lieux faisant partie de la Cité parlementaire peut être faite par l'un ou l'autre des Présidents, ce qui veut dire sans qu'ils aient besoin d'être d'accord. Pourrait-on se retrouver dans une situation où l'un d'eux considère que des services de sécurité doivent être offerts dans un lieu, alors que l'autre considère que ce n'est pas nécessaire et que cela diluerait même les ressources offertes ailleurs?
    Au paragraphe 79.52(2), on mentionne aussi que le service est placé sous la responsabilité des Présidents. Encore une fois, lorsque deux personnes sont responsables d'un même élément, je vois là — si je me place du point de vue de l'administrateur qui n'est pas au courant de tous les détails liés à la sécurité, ou encore à l'administration — la possibilité que deux personnes donnent des directives, et il faut trouver une façon d'avoir des directives claires. On mentionne également qu'ils sont responsables du service sans préciser en quoi consiste exactement cette « responsabilité ».
    Je me place ici simplement du point de vue d'un administrateur, de quelqu'un qui aurait à mettre le tout en oeuvre. Il y avait donc quelques éléments comme ceux-ci qui me semblaient manquer un peu de clarté, et je me demandais dans ce cas qui donnerait les directives au directeur.
(1015)
    Très bien, merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Nous passons à Mme Doré Lefebvre.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais également remercier MM. Lapensée, Ferguson et Stock d'être avec nous aujourd'hui pour discuter de la section 10 de la partie 3 du projet de loi C-59.
    Je commencerai en m'adressant à vous, monsieur Ferguson. Dans vos remarques, vous avez mentionné avoir déjà recommandé que l'Administration de la Chambre des communes et l'Administration du Sénat collaborent afin d'avoir une force de sécurité unifiée.
    Aujourd'hui, vous nous avez présenté l'essentiel de vos recommandations. Par contre, il y a aussi l'ajout de la Gendarmerie royale du Canada dans une force intégrée sur la Colline du Parlement. On veut mettre la GRC aux commandes de cette force de sécurité unifiée, mais aussi y inclure des membres de la GRC. Que pensez-vous de cela?

[Traduction]

    Encore une fois, nous avons recommandé que l'Administration de la Chambre des communes examine, en collaboration avec ses partenaires qui assurent la sécurité, la possibilité de progresser vers l'établissement d'une force de sécurité unifiée. Toutefois, comme il y avait trois forces qui assuraient la sécurité au moment de l'audit, nous n'avons pas parlé précisément de la façon de procéder pour le faire. Nous n'avons pas précisé la façon de le faire. Nous n'avons pas mentionné le rôle que devrait jouer la GRC par rapport aux deux autres, ou si tout devrait relever de la GRC, ou s'il y avait une autre façon de le faire. Nous avons seulement souligné que le fait d'avoir trois organisations avait provoqué de la confusion par le passé sur les rôles et responsabilités de chacune, par exemple, qui était responsable du toit des édifices, etc.
    Selon nous, il fallait avoir un seul centre de contrôle et de commandement et progresser vers l'établissement d'une force de sécurité unifiée. Nous n'avons toutefois pas donné d'indications sur la façon de procéder ou sur le rôle que devrait jouer la GRC ou tout autre service.

[Français]

    M. Lapensée a mentionné tout à l'heure qu'il considérait comme problématique le mélange du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif qui est proposé dans le projet de loi.
    Voyez-vous le même problème?
    Il est difficile pour moi de répondre parce que je ne suis pas un expert de la définition du privilège parlementaire. Je pense qu'en général il faut qu'il y ait une force de sécurité pouvant agir dans tous les aspects de la Cité parlementaire.

[Traduction]

    Je ne peux donc pas vraiment me prononcer sur la question.
(1020)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Lapensée, je vous remercie d'être présent ici aujourd'hui et de vos remarques.
    J'ai surtout été interpellée par vos préoccupations au sujet des relations de travail. Je sais que les agents qui travaillent sur la Colline du Parlement ont une convention collective. Je pensais sincèrement que vos employés seraient protégés par une convention collective, et ce, même si les forces sur la Colline du Parlement étaient unifiées. Dans vos remarques, vous avez dit que le projet de loi ne reprend aucunement l'engagement garantissant l'emploi de tous les employés du Service de sécurité de la Chambre des communes. Cela m'interpelle beaucoup.
    J'aimerais que vous élaboriez un peu à ce sujet. Qu'est-ce qui fait que vos emplois ne seront pas garantis même si vous avez une convention collective? Est-ce que cela changera vos fonctions sur la Colline du Parlement? Avez-vous une idée de ce qu'il adviendra de vos emplois?
    Une motion des deux Présidents déposée à la Chambre visait à garantir les emplois après la création du nouveau Service de protection parlementaire. Nous voyons un problème au fait qu'on n'a pas utilisé exactement le même libellé dans le projet de loi. Cela laisse planer le doute que l'organisation future éventuelle des opérations pourrait avoir un impact sur les emplois. En ce moment, les emplois sont garantis, mais le projet de loi ne fait aucunement mention de ce qu'il adviendra à cet égard dans l'avenir. S'il y a une réorganisation structurelle des opérations et qu'il faille supprimer des emplois ou réaffecter des gens ailleurs, nos emplois ne seront plus garantis.
     Ce qui nous est proposé comporte-t-il une obligation de respecter la convention collective?
    À ma connaissance et selon ce que l'on nous a dit, l'employeur doit respecter la convention collective jusqu'à son expiration.
    Et quand expirera-t-elle?
    Elle expirera en 2017.
    On s'approche tranquillement de cette date.
    On s'en approche rapidement.
    Vous avez une convention collective, mais les agents de la GRC n'en ont pas, du fait qu'ils ne sont pas syndiqués.
     Selon vous, cette situation risque-t-elle de créer une certaine dichotomie? Y aura-t-il deux poids, deux mesures, entre les employés de la GRC et vous?
    Encore là, c'est difficile à dire. Tout dépend de la structure organisationnelle qui va être retenue. Il ne faut pas non plus oublier le Sénat. Les employés du Service de sécurité du Sénat ont une convention collective, qui diffère légèrement de la nôtre. Nous en avons une, la GRC n'en a pas et ses conditions de travail sont un peu différentes des nôtres. Mêler les trois risque de donner un résultat un peu chaotique.
    C'est compréhensible. Je ne savais même pas que vous et les agents du Sénat aviez deux conventions collectives différentes.
    Oui, nous avons deux conventions collectives et deux dates d'expiration différentes.
    Cela devient un peu compliqué.
    Je vous remercie.

[Traduction]

     Merci beaucoup, madame Doré Lefebvre.
    Et maintenant, c'est au tour de M. Norlock. C'est à vous, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et par votre entremise, je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Tout d'abord, j'aimerais vous dire très honnêtement, monsieur Lapensée, que votre organisation est la plus professionnelle que je connaisse. À mes débuts, il y a neuf ans environ, je me sentais totalement en sécurité, et je continue de me sentir totalement en sécurité et absolument fier d'être entouré d'un groupe d'hommes et de femmes qui veillent à ce que tout aille bien et à ce que nous soyons protégés autant que faire se peut. Je vous demande donc de ne pas prendre mes questions comme un affront à ce que je viens de vous dire, car c'est ce qui prime.
    On vous a demandé de faire une comparaison avec les autres assemblées législatives. Nous avons naturellement 10 assemblées législatives au Canada. Comme j'ai travaillé pour la Police provinciale de l'Ontario pendant 30 ans, je connais bien le Service de sécurité du gouvernement de l'Ontario, qui assure la protection des députés provinciaux, car c'est la Police provinciale de l'Ontario qui le chapeaute.
    À ma connaissance, le président de l'Assemblée législative n'a jamais eu rien à redire au sujet de la collaboration entre la Police provinciale de l'Ontario et le Service de sécurité du gouvernement de l'Ontario. Il se peut que vous ayez d'autres renseignements à ce sujet, alors n'hésitez pas à nous en faire part. Savez-vous si ce type de structure organisationelle a déjà causé des problèmes?
(1025)
    Je ne sais pas comment fonctionnent la PPO et l'Assemblée législative de l'Ontario... Ont-ils des forces de sécurité distinctes? Est-ce que la PPO...? Je n'en ai aucune idée.
    Je crois comprendre que la Police provinciale de l'Ontario chapeaute en quelque sorte le tout, mais que c'est le Service de sécurité du gouvernement de l'Ontario qui assure la prestation des services. C'est donc essentiellement similaire, sans être identique, à ce dont il est question ici aujourd'hui. Je n'en connais pas tous les détails, toutefois.
    J'aimerais aussi mentionner, monsieur Lapensée, que selon mon expérience, les services de police sont naturellement en transition. Lorsque je travaillais pour la Police provinciale de l'Ontario, nous avons fusionné avec d'autres forces de police. Le changement n'est pas facile. Je comprends cela. Les gens se posent toujours des questions.
    Je sais toutefois que lorsque ce genre de changement survient au sein d'une organisation professionnelle comme la vôtre, où chacun connaît son rôle, et qu'il y a un bon dialogue ou de bons échanges entre l'organisation et la direction — dans ce cas, le Président de la Chambre des communes, puis, bien sûr, le Conseil privé... Les représentants du Conseil privé qui sont venus témoigner nous ont dit que tous les détails n'y sont pas, mais que les grandes lignes y sont.
    Le vérificateur général a fait quelques commentaires, et je vais maintenant lui poser quelques questions.
    Je pense que la question que j'ai porte sur ma façon d'interpréter ce que vous faites. Comme je viens de l'expliquer, vous n'examinez pas les détails. Vous vous posez plutôt les questions suivantes: « Quelles sont les exigences du travail? », « Quelle est la structure organisationnelle? », « Font-ils ce qu'ils sont censés faire? », « Disposent-ils de ressources financières raisonnables ou suffisantes pour y arriver? ». Ensuite, vous faites vos recommandations.
    Si vous n'êtes pas d'accord, pourriez-vous me corriger?
    Je pense que c'est essentiellement exact. Notre travail ne consiste pas à imposer des politiques mais plutôt à examiner leur mise en oeuvre: est-ce que les bonnes mesures et les bonnes procédures sont en place pour respecter les lignes directrices?
    Vous examinez donc un organigramme en vous demandant si la structure sera assez efficace pour accomplir ce qui doit être accompli.
    Il s'agirait pour nous de vérifier si les structures adéquates sont en place. Les rôles et les responsabilités sont-ils connus de tous? Est-ce que les attentes sont claires? Est-ce que le financement est clairement établi? Est-ce que tous connaissent bien le modèle de dotation? C'est le genre de questions que nous nous poserions. En fait, il s'agit surtout d'examiner les rouages administratifs d'un programme pour s'assurer que la structure en place permet aux personnes chargées de sa mise en oeuvre d'agir en toute connaissance de cause.
    Merci.
    Convenez-vous avec moi qu'une structure organisationnelle s'articulant autour de plusieurs silos pouvant communiquer entre eux est moins efficiente qu'un organigramme unique où chacun peut s'acquitter de ses tâches en fonction d'un ensemble de rôles clairement définis? Ne croyez-vous pas que le transfert d'information, l'efficience et l'efficacité seraient généralement meilleurs au sein d'une telle entité à organigramme unique que dans une structure regroupant différentes organisations ayant chacune leur organigramme?
(1030)
    Sans doute que nos vérifications antérieures ont mis au jour des problèmes pour ces deux types de structures. Nous avons toutefois constaté d'une manière générale qu'il est particulièrement important, dans le cas des organisations multiples ayant à leur tête des dirigeants qui ont leurs propres priorités, d'établir très clairement les rôles, les responsabilités et les priorités de telle sorte que toutes ces organisations soient sur la même longueur d'onde. Si différentes personnes doivent assumer une part de responsabilité — et, encore là, peu importe si ces organisations sont rapprochées ou non —, il est possible qu'un certain enjeu soit davantage prioritaire pour les unes que pour les autres, ce qui témoigne bien de la nécessité de voir à ce que les rôles, les responsabilités et les priorités soient bien établis.
    Merci beaucoup, monsieur Norlock.
    Monsieur Easter, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos trois témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Lapensée, je tiens moi aussi à féliciter votre organisation pour son professionnalisme. C'est ce que j'ai pu constater depuis toutes ces années où je travaille au Parlement — et je crois que Diane et moi sommes les plus anciens députés ici présents — et je dirais même que j'ai pu nouer des liens d'amitié avec vos membres qui ne manquent pas de toujours nous reconnaître. Je voulais le souligner, car c'est une chose plutôt rare en milieu de travail. Tout le monde a ses mauvaises journées, même notre président qui a parfois des démêlés avec certains membres du comité, mais pas avec moi bien évidemment. Vos membres ont aussi leurs mauvaises journées, mais cela ne transparaît pas dans leur travail.
    Quoi qu'il en soit, j'estime cette nouvelle proposition problématique du fait que l'aspect sécurité, qui revêt une grande importance, a pris toute la place. Il y a pourtant deux enjeux en cause. Il y a la sécurité de la Cité parlementaire à proprement parler, mais il y a aussi la question de l'indépendance du Parlement. Je veux dire par là son indépendance par rapport au pouvoir exécutif du gouvernement, à savoir le premier ministre, le Cabinet, etc.
    Nous avons découvert des choses intéressantes en étudiant cette question. Il y a le greffier et le sergent d'armes, et les gens du Bureau du Conseil privé qui ont comparu l'autre jour devant le comité n'ont pas pu nous dire quel serait le rôle du sergent d'armes en vertu des nouvelles dispositions. C'est un peu inquiétant.
    Il y a une chose intéressante que l'on peut lire dans La procédure et les usages de la Chambre des communes:
    Avant la création des Services de sécurité de la Chambre des communes en 1920, la sécurité relevait de la Police fédérale (qui devait fusionner en 1920 avec la Royale gendarmerie à cheval du Nord-Ouest pour former un nouveau corps national, la Gendarmerie royale du Canada).
    D'une certaine manière, nous revenons donc au modèle qui existait en 1920. Est-ce pour le meilleur ou pour le pire? Je l'ignore. Je dois admettre que j'ai des inquiétudes au sujet de l'indépendance du Parlement par rapport au pouvoir exécutif en raison du lien qui existera avec le ministre de la Sécurité publique et le commissaire de la GRC.
    Est-ce que l'un de vous sait quel sera le rôle du sergent d'armes et à qui il devra rendre des comptes? Il y a quelqu'un qui nous a dit précédemment qu'il ne pouvait pas y avoir trois patrons, et il avait bien raison. Dans la nouvelle structure proposée, de qui relèvera le sergent d'armes?

[Français]

     Je pense que le rôle du sergent d'armes va être appelé à changer énormément. Selon ce qu'on m'a dit, dans un avenir rapproché, le rôle du sergent d'armes deviendrait surtout cérémonial plutôt qu'opérationnel. Naturellement, je ne peux pas confirmer cela à 100 %, mais c'est ce que j'ai cru comprendre.
(1035)

[Traduction]

    Quelque chose à ajouter, monsieur Ferguson? Êtes-vous au courant?
    Nous ne nous sommes pas penchés sur la situation du sergent d'armes.
    Comme je l'ai fait valoir lors d'une séance précédente, il est notamment difficile pour nous de chercher à régler ces questions de sécurité en devant nous prononcer sur une mesure figurant dans un projet de loi d'exécution du budget sans même avoir eu accès à un rapport sur ce qui s'est passé le 22 octobre. C'est vraiment problématique. Nous avons lu différents articles dans les médias et nous aimerions savoir ce qui est arrivé et qui a fait montre de négligence. Il y a toutefois une chose dont nous pouvons être certains, c'est le sergent d'armes qui a pris la situation en main.
    Vous croyez, monsieur Lapensée, que le sergent d'armes pourrait avoir un rôle uniquement cérémonial?
    Je ne peux pas l'affirmer avec certitude, mais c'est bien ce que nous entendons dire sur le terrain. Le nouveau sergent d'armes devrait avoir un rôle davantage cérémonial, alors qu'il participait jusqu'à maintenant aux opérations de sécurité.
    On retrouve au sein du système parlementaire le greffier, le Président, et différents agents du Parlement, dont le sergent d'armes. Est-ce que quelqu'un peut me dire quels seront les pouvoirs exercés par le greffier de la Chambre des communes en vertu de ce qui est proposé ici?
    Pour ce qui est de la sécurité, je suis tout à fait d'accord avec le rapport du vérificateur général. Pour avoir déjà été moi-même solliciteur général, je suis à même de convenir qu'il doit y avoir une meilleure coordination en matière de sécurité. Je suis tout à fait d'accord avec tout cela. Je m'interroge toutefois quant aux répercussions de ces nouvelles mesures de sécurité sur le privilège parlementaire et l'indépendance du Parlement par rapport au pouvoir exécutif. Le greffier est totalement indépendant du pouvoir exécutif. Est-ce que quelqu'un sait quelle sera la chaîne de transmission des pouvoirs du nouveau responsable jusqu'au Président, en passant par le greffier?
    Je veux simplement faire valoir, monsieur le président, que nous devons prendre une décision relativement à cette nouvelle structure parlementaire alors même qu'il y a beaucoup trop de répercussions qui nous sont inconnues.
    Une réponse, monsieur Lapensée?

[Français]

     Je ne suis pas un spécialiste en ce qui a trait à la structure parlementaire et je ne connais pas tous les échelons à ce sujet. À titre d'exemple, pour éviter de mêler le pouvoir législatif et le pouvoir l'exécutif, on aurait pu considérer de nommer un directeur du nouveau service qui n'est pas un membre actif de la GRC. En fait, on aurait pu nommer à la direction du service un membre retraité ou un membre d'un autre ministère. On ne risquerait pas alors de mêler le pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif.

[Traduction]

    Chers collègues, j'aurais maintenant besoin de votre accord pour que nous interrompions nos travaux afin de prendre une vingtaine de secondes pour discuter de la possibilité de rencontrer la délégation tchèque et du moment où cela pourrait se faire, et pour traiter d'une éventuelle motion visant l'approbation de ce projet de loi. Sinon, comme vous le savez, il sera réputé avoir fait l'objet d'un rapport. Donc, pour autant que personne ne s'objecte à ce que nous donnions congé à nos témoins... Tous ont eu une chance égale de leur poser des questions. Si nous poursuivons encore une ou deux minutes, ce projet de loi sera réputé avoir fait l'objet d'un rapport et on ne pourra plus en discuter.
    Est-ce que j'ai le consentement unanime du comité pour aller de l'avant?
(1040)
    Est-ce que je peux avoir encore deux minutes?
    Non, je suis désolé. Nous n'avons plus de temps. Est-ce que j'ai votre soutien unanime pour discuter de ces questions?
    Comme je ne l'ai pas, nous allons y renoncer.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme Michaud.

[Français]

    Je remercie mon collègue Randall Garrison.
    En fait, je voulais aussi profiter de l'occasion pour vous remercier, monsieur Lapensée, et pour remercier aussi tous vos collègues pour ce que vous avez accompli le 22 octobre dernier. Je manque en fait de mots pour exprimer ma gratitude et dire à quel point c'était un service professionnel. Je vous remercie beaucoup pour tout cela. On a eu la chance de le dire en personne à plusieurs d'entre vous, mais il est pertinent d'avoir la chance de le répéter aujourd'hui.
    Je tiens aussi à mentionner que je partage vos préoccupations par rapport au maintien du privilège parlementaire. En tant qu'ancienne étudiante en sciences politiques et diplômée dans ce domaine, je comprends bien ce concept. J'ai aussi été guide parlementaire en 2007 et c'est quelque chose que j'ai eu à expliquer aux gens.
    Je pense que certains collègues qui sont ici pourraient bénéficier d'un peu plus d'explications sur ce qu'est vraiment le privilège parlementaire. En fait, c'est la possibilité pour le pouvoir législatif, donc le Parlement, de faire des lois sans ingérence de la part du pouvoir exécutif, donc du gouvernement. Selon moi, le fait qu'un député, qu'il soit un député de l'opposition ou du parti gouvernemental, ne puisse pas se rendre à un vote parce qu'il a été retenu pendant quelques secondes ou quelques minutes sur la Colline représente une forme d'ingérence quant à son rôle de législateur. C'est quelque chose qui a été vécu...

[Traduction]

    Un rappel au Règlement de Mme James.
    Je veux préciser quelque chose, car il semble y avoir un peu de confusion. La GRC est une organisation indépendante. Il est établi très clairement dans ce projet de loi que le directeur va rendre des comptes aux deux Présidents...
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Silence, s'il vous plaît. Nous écoutons le rappel au Règlement.
    ... du Sénat et de la Chambre. En laissant entendre qu'il existe en quelque sorte un lien avec le pouvoir exécutif, on ne tient aucunement...

[Français]

     J'aimerais terminer.

[Traduction]

    ... compte des faits, tels qu'ils nous sont exposés dans ce projet de loi. Je voulais que cela soit bien clair, car j'ai entendu de telles allégations à maintes reprises aujourd'hui.

[Français]

    J'aimerais terminer mon explication.

[Traduction]

    Merci.
    Je veux simplement vous rappeler que ces mesures sont proposées dans le cadre d'un projet de loi d'exécution du budget qui doit être approuvé. Je vous demanderais donc d'en tenir compte dans vos questions. Dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, nous n'avons pas à juger des orientations stratégiques quant à savoir quelle force de sécurité sera responsable de quoi. Il va de soi que vous avez la possibilité d'exprimer vos points de vue, mais je vous demanderais simplement de le faire le plus possible dans le contexte de ce projet de loi.

[Français]

    C'est ce que j'allais faire. Malheureusement, Mme James a agi un peu prématurément et m'a interrompue.
     Les représentants du ministère de la Justice qui étaient ici la semaine dernière nous ont confirmé que le projet de loi C-59 ne change pas la façon dont les Présidents de la Chambre et du Sénat doivent agir, c'est-à-dire à la suite d'un ordre provenant du Parlement, donc d'un vote. On a déjà vu de tels problèmes surgir à la Chambre. Le gouvernement, avec sa majorité, a empêché le Président d'agir alors qu'il avait vu lui-même qu'il y avait une atteinte au privilège parlementaire. Je comprends tout à fait vos préoccupations et je les partage, mais j'aimerais passer à un autre sujet si vous me permettez.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. C'est tout simplement faux. Je demanderais encore une fois à ma collègue de poser des questions sur les éléments dont le comité des finances nous a confié l'étude.
    Poursuivez, madame Michaud.

[Français]

    Il est un peu malheureux qu'on soit en train de nuire à la crédibilité des témoins qui étaient ici mardi qui nous ont affirmé ces choses. J'inviterais ma collègue à aller réviser les « bleus » de la semaine dernière.

[Traduction]

    Madame Michaud, personne n'a cherché d'aucune manière à miner la crédibilité des témoins, et c'est une affirmation qui est inadmissible en comité. Vous pouvez poursuivre vos commentaires.

[Français]

    Je vous remercie.
     Lors de votre présentation, monsieur Lapensée, vous avez mentionné qu'une meilleure coordination opérationnelle sur la Colline du Parlement ne passait pas nécessairement par une fusion opérationnelle des deux services. Avez-vous des suggestions à faire quant à un moyen que l'on aurait pu prendre pour faire cela sans transférer le contrôle de la sécurité à la GRC?
    Même si on crée un nouveau service, le Service de protection parlementaire, il est possible d'avoir une structure organisationnelle et de garder les structures opérationnelles telles qu'elles sont en ce moment. C'est ce que nous proposons et encourageons. Il y a différentes cultures. Il y a la culture du Sénat et il y a la culture de la Chambre des communes. Ce sont deux cultures complètement différentes et on inclut maintenant une troisième culture, la culture policière de la GRC. Je pense qu'il peut y avoir un nouveau service, le SPP, une structure organisationnelle pour la gestion des opérations, mais qu'on peut garder quand même chaque service individuel avec son expertise.
(1045)

[Traduction]

    Merci beaucoup. Le temps prévu pour notre séance est maintenant écoulé. Nous tenons à remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    S'il y a consentement unanime pour que nous discutions maintenant des questions relatives à la délégation tchèque et à la motion, c'est ce que nous allons faire. S'il n'y a pas unanimité, nous allons simplement lever la séance.
    Est-ce que tout le monde est d'accord pour que nous discutions de ces deux questions?
    Une voix: Oui.
    Une voix: Non.
    Le président: La séance est levée.
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