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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui.
En guise d'introduction, je dirai que le Canada héberge une série de réseaux profonds dotés de l’idéologie, de l’infrastructure et du soutien financier organisé voulus pour engendrer un extrémisme à voies multiples. Ces réseaux visent à instaurer un espace politique, social et culturel où il est possible de favoriser l’extrémisme et la radicalisation, tout en étouffant toute question au sujet de leurs activités en lançant des accusations, fabriquées de toutes pièces, d’islamophobie et de racisme. Appuyés par une propagande étrangère, ces réseaux produiront une filière de plus en plus importante de jeunes Canadiens qui se serviront de leur passeport canadien pour devenir des kamikazes, des combattants djihadistes et des propagandistes.
Beaucoup de personnes estiment que nous devrions tout simplement permettre à ces individus de voyager outre-mer, et cela répond à une certaine logique. Mais l’exportation de kamikazes assassins et de propagandistes pourrait ne pas constituer la meilleure contribution du Canada à ces conflits transnationaux à long terme.
L’islam est lui-même engagé dans une longue lutte pour sa propre âme. Les analogies à des événements semblables dans l’histoire sont plutôt ténues, mais la réforme protestante en Europe a duré de 1517 à 1648 environ, soit un peu plus de 130 années, durant lesquelles près de 30 % de la population de ce que nous appelons aujourd’hui l’Allemagne a été décimée. Le bouleversement actuel de l’Islam dure depuis environ 90 ans, mais il se prolongera vraisemblablement pour plus d’une génération encore.
On peut considérer la création des Frères musulmans par Hassan al-Banna, en 1928, comme le point de départ symbolique de la lutte politique moderne pour l’avenir de l’islam, comme Martin Luther a donné le coup d’envoi symbolique de la réforme en 1615. Bien que le résultat de la bataille pour sauver l'âme de l'islam ne soit pas clair, il est raisonnable d’estimer que les voix de l’extrémisme « islamisant » sont à la fois prépondérantes et ascendantes.
La question est de savoir comment nous devrions percevoir cet extrémisme au Canada. Ici, il est de plus en plus difficile de saisir la différence entre le discours de l’EIIS, que nous entendons là-bas, et le matériel lié aux activités locales canadiennes, qui est produit et distribué ici. Cela n’a rien de surprenant, puisqu’ils s’inspirent de la même idéologie de base.
Il nous est impossible aujourd’hui d’examiner tous les aspects de l’idéologie extrémiste, mais je crois que le dernier numéro du magazine de l'EIIS, Dabiq, soit le numéro 9, sert d’exemple utile et de point de départ à un examen. On y trouve un article intitulé « Filles-esclaves ou prostituées », qui traite du rôle des femmes dans l'EIIS et qui met l'accent sur la justification du rôle des filles et des femmes capturées, aujourd’hui détenues à titre d’esclaves sexuelles.
À peu près au même moment où l'article a été publié, Zainab Bangura, représentante spéciale des Nations unies sur la violence sexuelle, a fait savoir que l'EIIS institutionnalise la violence sexuelle et que brutaliser les femmes et les filles est au cœur de son idéologie. Une question se pose: saurions-nous distinguer les déclarations faites par les propagandistes de l'EIIS là-bas du matériel produit ici même, au Canada?
Permettez-moi de lire cinq courtes déclarations sur la façon extrémiste de voir les femmes. Essayez de deviner lesquelles sont de l’EIIS et lesquelles proviennent d’ici, au Canada. Déclaration 1: Pour l’islam, battre la femme est une forme d’éducation. Déclaration 2: La femme peut parfois apprécier qu’on la batte, en signe d’amour et de sollicitude. Déclaration 3: Les relations sexuelles forcées ne sont pas un viol, et elles devraient en être reconnaissantes. Déclaration 4: Le mari détient beaucoup de droits sur son épouse, et avant tout, elle doit obéir. Déclaration 5: L’épouse ne peut se refuser à son mari.
Parmi ces cinq déclarations, une seule est tirée du magazine Dabiq, soit la troisième, qui porte sur les relations sexuelles forcées. Les quatre autres sont faites ici même, au Canada, et sont présentées dans des livres, des vidéos en ligne, etc. Tout cela se fait au Canada, au grand jour; ce matériel est accessible à partir de sources ouvertes. Ces déclarations sont repoussantes, répugnantes et barbares au point où il serait difficile de cataloguer tous les affronts qu’elles représentent.
On pourrait faire la même comparaison pour d’autres questions extrémistes comme le massacre d’innocents et les attentats suicides. Ces déclarations n’abordent pas d’autres questions, comme l’ampleur de la mutilation génitale des femmes pratiquée au Canada. Nous ne disposons pas de statistiques utiles à ce sujet parce que les différentes instances législatives et médicales refusent d’aborder la question ici, au Canada, alors qu'on le fait au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.
Le Canada compte sans doute le taux le plus élevé de suicides forcés, autrement dit des meurtres ou des crimes d'honneur, parmi les jeunes femmes sud-asiatiques, pour toutes sortes de raisons extrémistes et culturelles, mais ici encore, nous disposons au mieux de statistiques de second ordre, parce que les groupes féministes, notamment, soit craignent de s’attaquer à la question, soit estiment que l’assassinat de femmes basanées au Canada est sans importance.
Je sais que les forces policières de première ligne sont au courant du problème et qu'elles tentent de le régler. Elles tentent de se renseigner, mais elles manquent de statistiques officielles, de soutien de la part des communautés et d'appui politique.
Une bonne partie de la société civile canadienne, y compris les féministes, les universitaires, les défenseurs de la justice sociale et les ONG, a été soumise par la peur et craint de dénoncer la situation ou estime convenable d’accepter de tels abus parce qu’elle a appris à se montrer tolérante à l'égard des autres cultures. Selon moi, qui ne dit mot consent.
Ainsi, l'Association des étudiants musulmans de l’Université York distribue des livres où il est dit qu’il est correct de battre son épouse — puisqu’elle y verra un signe d’amour et de sollicitude —, et ce, sans que la société canadienne y trouve à redire.
On peut se demander qui sont les diffuseurs d’un tel extrémisme au Canada. Comme je l'ai déjà mentionné, le germe d’une bonne partie de cette idéologie provient des Frères musulmans. M. Lorenzo Vidino, qui est peut-être le plus éminent spécialiste mondial des Frères musulmans à l'extérieur du Moyen-Orient, a témoigné au Sénat du Canada le 11 mai dernier. Selon lui, les Frères musulmans ont de 8 à 10 groupes de façade au Canada, mais les quatre plus connus sont l’Association musulmane du Canada, CAIR-CAN, aussi appelé NCCM, et Islamic Relief Canada. Le quatrième était IRFAN, mais il note que cet organisme a finalement fermé ses portes au début de l’année après avoir été désigné comme une entité terroriste.
En conclusion, je crois que la discussion sur la saisie et la révocation de passeports est opportune, pertinente et nécessaire. Malheureusement, comme en témoigne la récente saisie de quelque 10 passeports à l’aéroport de Montréal, c’est un problème persistant qui prendra de l’ampleur tandis que les conflits s’étendent à l’étranger.
En ce qui concerne mes antécédents personnels, j’ai participé et témoigné à une cause criminelle de prise d’otage internationale. J'ai témoigné en tant qu'expert judiciaire en terrorisme à un procès criminel. J'ai témoigné à de multiples reprises en tant qu'expert judiciaire en certificats de sécurité nationale. J'ai témoigné et été déclaré expert judiciaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et j'ai témoigné à l’enquête sur l’affaire Air India. J’ai aussi témoigné devant le Sénat et la Chambre à de multiples reprises et j’ai aidé à former les avocats et les juges spéciaux en vue des affaires de sécurité nationale.
Il est à noter que j’ai témoigné pour les deux côtés, la défense et la poursuite; j'ai notamment témoigné pour la défense sur des questions d’innocence et d’application régulière de la loi concernant des musulmans canadiens pris dans des affaires de sécurité nationale. D'après mon expérience, j'estime que l’arbitre de dernier recours des droits de la personne des Canadiens demeure le système judiciaire, même s’il est un peu lent et parfois lourd. Des innovations comme le système des avocats spéciaux ont bien marché et ont garanti que les services de renseignement et que le système judiciaire peuvent fonctionner même dans les situations les plus difficiles, sur plusieurs années.
À la lumière de mon expérience, le projet de loi accorde aux juges beaucoup de latitude pour accepter, refuser ou rejeter tout élément de preuve dont ils sont saisis. Cela ressort particulièrement clairement à la section « Appels » du projet de loi, aux alinéas a), b), c) et e) du paragraphe 4(4), qui confèrent aux juges — et par extension aux avocats de la défense — la plus grande latitude possible pour discréditer les preuves trompeuses ou faibles dont ils sont saisis. On peut ainsi atteindre un équilibre en cas de révocation d’un passeport.
Je crois donc que le système judiciaire indépendant dont s’est doté le Canada demeure une force digne de foi et crédible. Il est capable de traiter de la question de l’opportunité de retirer le privilège de détenir un passeport canadien, car il s’agit bien d’un privilège et non d’un droit... Si ce privilège est retiré et que le passeport est révoqué, je crois que les juges sont capables d'évaluer les renseignements disponibles et de déterminer si la personne l'aurait utilisé en vue de se rendre dans un autre pays pour commettre des actes terroristes.
Monsieur le président et mesdames et messieurs, je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Distingués membres du comité, je vous remercie de m'accueillir. Je répondrai avec plaisir aux questions dans les deux langues officielles, mais si vous le permettez, je vais tout de même m'exprimer en anglais.
[Traduction]
Mon exposé comportera trois parties.
J'expliquerai d'abord pourquoi je crois que le problème dont nous traitons aujourd'hui persistera dans les années à venir; pourquoi j'approuve la mesure législative; et pourquoi, selon moi, il y a de bons moyens de rationaliser cette mesure, tant dans le contexte canadien que dans le contexte comparatif.
Voici pourquoi ce sera un problème persistant. Je pense qu'il y a deux changements fondamentaux qui contribuent à ce que ce phénomène nous touche de beaucoup plus près. Ce sont deux révolutions.
Il y a d'abord la révolution des communications, qui facilite grandement les choses à ceux qui veulent faire passer leurs messages tordus. Tout le monde a un téléphone cellulaire. En plus d'avoir la capacité de diffuser un message beaucoup plus facilement qu'il y a quelques décennies, nous avons aussi ce que les sociologues appellent la « bulle des filtres ». Selon ce phénomène, même si notre univers des médias sociaux est très pluraliste, de plus en plus, nous ne lisons que les informations qui renforcent les préjugés et les stéréotypes que nous avons déjà. Lorsque les gens commencent à adhérer à ce type de discours extrémiste — qui peut les inciter à recourir à la violence et à se rendre à l'étranger dans le but de commettre des actes de violence ou de se joindre à une organisation à laquelle le gouvernement du Canada préférerait qu'ils ne se joignent pas —, je pense qu'ils misent beaucoup sur les communications dans les médias.
Il y a ensuite la révolution des transports. De nos jours, il est beaucoup plus facile et abordable de voyager. Pour environ 2 000 $, on prend l'avion à Edmonton, on se rend à Istanbul et on trouve un moyen d'aller jusqu'à la frontière. Quand on y songe, il y a une centaine d'années, lorsqu'une personne immigrait au Canada, elle laissait tout derrière elle. Elle envoyait peut-être une lettre ou deux par la suite, mais elle ne pensait pas à retourner dans son pays. Il était très difficile de rester en contact. Je pense que ces deux révolutions fondamentales ont beaucoup changé la donne.
Il y a un autre élément qui posera problème dans les années à venir, selon moi, compte tenu de ce phénomène de voyageurs extrémistes, ou « combattants terroristes étrangers », comme les appelle l'ONU: il s'agit des énormes déséquilibres structurels qui affligent les pays formant l'arc qui s'étend de l'Afrique du Nord au Pakistan. Le taux de fécondité très élevé entraîne d'importants déséquilibres démographiques et une explosion démographique des jeunes. Au Pakistan, par exemple, la population augmentera de 50 % dans les 40 prochaines années. Ce sont des phénomènes récurrents ou reproductibles dans la plupart des pays de la région, et pourtant, les structures sociales, économiques et politiques sont très mal adaptées à cette croissance démographique.
Par exemple, il est très difficile pour les jeunes, même s'ils sont intelligents et ambitieux, de décrocher un emploi; bon nombre des structures économiques et des structures étatiques sont tellement sclérosées que les jeunes ne peuvent décrocher un emploi à moins d'avoir des liens avec l'élite. Il n'est pas étonnant que de nombreux individus de la région éprouvent de la frustration et adoptent des solutions et des discours extrémistes, pas nécessairement parce qu'ils adhèrent totalement à l'idéologie véhiculée, mais parce que c'est la seule organisation qui leur donne un certain espoir de changer les conditions dans lesquelles ils vivent.
En conséquence, au cours des trois dernières décennies, nous avons assisté à ce qu'on pourrait appeler le phénomène de la mondialisation du terrorisme. Auparavant, il y avait le terrorisme national et le terrorisme international, tant en ce qui concerne le terrorisme d'État que le terrorisme parrainé par l'État. Nous avons vu une prolifération du phénomène de terrorisme transnational et du discours qui l'accompagne, ainsi que l'arrivée de l'EIIS, qui a essentiellement inversé la stratégie d'Al-Qaïda et qui tente de prendre le contrôle des centres urbains et des lignes de communication. Auparavant, il était très difficile de rejoindre Al-Qaïda; il fallait entrer au Pakistan, puis trouver le moyen de se rendre au Waziristan. C'était un voyage périlleux, et beaucoup de gens n'y arrivaient pas. Désormais, il est très facile de se joindre à ces organisations.
Bien que je crois que nous sommes en mesure de gérer le phénomène de l'EIIS, nos efforts prennent peu à peu l'allure d'un jeu de « tape-la-taupe ». Comme conséquence aux déséquilibres que j'évoquais, l'instabilité et le discours extrémiste de ces types d'organisation vont continuer d'être un problème pendant des années, voire des décennies.
Le problème lié aux personnes qui se rendent à l'étranger n'est pas près de disparaître. Bien sûr, c'est un phénomène qui remonte à la révolution espagnole. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, nous avons toujours la Loi sur l'enrôlement à l'étranger qui avait été adoptée à cette époque pour dissuader les gens d'aller là-bas. Nous avons eu ce problème durant la Seconde Guerre mondiale avec les Canadiens d'origine allemande et japonaise. Nous avons vu quelque chose de semblable avec certains membres de la communauté sikhe qui voulaient se joindre au Babbar Khalsa, et avec certains membres de la communauté tamoule qui voulaient gagner les rangs des Tigres de libération de l'Eelam tamoul. Toutes ces révolutions dont je viens de parler ont fait en sorte que notre monde a changé du tout au tout. Le phénomène ne se limite plus à des communautés ethniques ou religieuses particulières puisque ce type de discours peut maintenant interpeller à peu près n'importe qui.
Par conséquent, que nous faut-il? Nos services de sécurité ont besoin d'outils beaucoup plus nuancés. Nous avons assez bien réussi ce que nous pourrions appeler la « prévention criminelle », mais il nous faut une trousse d'outils plus nuancés pour ce que mon collègue Craig Forcese appelle la « prévention administrative ». La révocation du passeport est un élément très important de l'intervention antiterroriste de précision pour limiter les déplacements, mais pas pour empêcher la radicalisation de masse au sein de la population. Elle vise ce nombre restreint de personnes qui envisagent de se rendre à l'étranger pour se joindre à ces organisations.
Je rappelle au comité que ceux qui partent pour l'étranger ne sont pas que des adultes. Les jeunes aussi font le trajet. Je crois que l'État a une obligation envers les mineurs, envers les moins de 18 ans; son intervention doit prendre d'autres moyens que ceux qu'il utilise pour les adultes.
Nous devons aussi garder en tête que ces personnes reviendront au pays. Nous savons qu'environ le tiers des combattants qui sont allés à l'étranger sont revenus. Nous savons que neuf sur dix sont revenus profondément désillusionnés et souffrant de troubles mentaux graves. Et nous savons qu'un sur dix reviendra avec une idéologie encore plus radicale — ces chiffres sont tirés d'une étude effectuée en Norvège par Thomas Hegghammer à partir d'un échantillon de 1 000 personnes.
Quoi qu'il en soit, le phénomène aura d'importantes conséquences pour la société canadienne et le contribuable canadien si nous ne faisons rien pour améliorer la prévention sur le plan administratif.
Pourquoi devons-nous faire cela? En elle-même, cette mesure aura un effet dissuasif, car les gens comprendront que leur passeport pourra être révoqué ou qu'ils ne pourront pas s'en procurer un.
Je crois en outre que nous devons protéger l'intégrité du passeport canadien. Comme suite aux incidents qui se sont produits en Asie centrale et en Afrique du Nord, le passeport canadien n'a plus la reconnaissance et le respect qu'il avait dans ces régions. Nous devons donc être très vigilants pour veiller à protéger la réputation de notre passeport, soit celle d'être l'un des documents de voyage les plus respectés au monde.
J'aimerais terminer sur cette idée que le passeport ne doit pas être perçu comme un droit, mais plutôt comme un permis de conduire. Si vous vous conduisez d'une façon qui va manifestement à l'encontre de l'intérêt collectif — ce que la société canadienne décrit comme tel —, alors, vous n'avez tout simplement pas droit à ce document particulier.
En conclusion, j'aimerais soumettre une proposition au comité. Dans la plupart des cas, lorsque l'on révoque le permis de conduire de quelqu'un, ce n'est pas pour toujours. Le permis est révoqué pendant un certain temps. Je me demande si le comité serait prêt à envisager d'ajouter quelque chose comme une disposition de caducité selon laquelle le gouvernement aurait l'obligation au bout d'un certain temps de renouveler la révocation ou de délivrer un nouveau passeport. Par ailleurs, si la révocation devait être permanente, nous devons veiller à ce qu'il y ait une procédure administrative permettant de confirmer de façon indépendante l'évaluation faite par le ministre, les organismes d'application des lois et les organismes de sécurité selon laquelle la gravité des agissements de la personne visée est telle qu'elle cautionne la révocation à vie de ce document. C'est la mise en garde que je tenais à faire.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.
[Français]
Je vous remercie de votre attention.
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Pour moi, je crois que l'objectif fondamental est de faire en sorte que le Canada soit au diapason de bon nombre de ses alliés qui ont déjà adopté ce type de dispositions et qui s'en servent de façon réussie depuis des années, voire, dans certains cas, depuis des décennies, surtout en Europe.
Je reviens toujours sur le fait que nous avons eu la tête enfouie dans le sable pendant trop longtemps, une situation que nous pouvons attribuer à la grande chance que nous avons d'être loin de toute cette instabilité sur le plan géostratégique. Nous devons apprendre de nos alliés et des pays qui voient les choses comme nous. Le Royaume-Uni, la France et l'Espagne ont été confrontés au phénomène du terrorisme, et ce, depuis déjà un certain temps, et nous pouvons constater que la préservation de la liberté et de la sécurité n'est pas un jeu à somme nulle. Par ailleurs, les sociétés libres sont aussi des sociétés sécuritaires. Il existe des moyens pour concilier ces priorités conflictuelles et servir l'intérêt de la société dans son ensemble.
En fin de compte, je crois que ce qui importe, c'est de nous assurer d'avoir des dispositions adaptées au phénomène de la mondialisation du terrorisme transnational tout en veillant à ce qu'elles soient suffisamment nuancées pour répondre aux exigences de la Constitution et de la Charte; nous devons fournir des outils plus nuancés aux forces de l'ordre ainsi qu'aux organismes chargés de la sécurité et du renseignement.
Si notre principal outil est la prévention criminelle, la facture risque d'être salée, et le processus, lourd. Les critiques reprochent d'ailleurs parfois à la prévention criminelle de n'être rien d'autre qu'une enquête sur la sécurité nationale dont l'objectif définitif est de porter des accusations.
Lors de son passage au Parlement, le commissaire de la GRC a affirmé que les enquêtes en cours étaient en train de ruiner l'organisme. Les règles que les policiers doivent observer pour obtenir une condamnation sont très strictes. Il ne suffit pas de porter une accusation. Pour qu'il y ait condamnation, les agents doivent recueillir suffisamment d'éléments de preuve pour convaincre la Couronne.
Lorsqu'il s'agit de jeunes, voulons-nous vraiment que les accusés se retrouvent avec un casier judiciaire à cause de ce qu'ils ont fait, ou voulons-nous plutôt nous assurer de prendre les mesures préventives nécessaires afin de les empêcher d'aller jusqu'au bout de leur intention, en espérant qu'avec une intervention appropriée — et je crois qu'il y aurait beaucoup plus à faire en matière d'intervention et de prévention —, ils reviendront à la raison et comprendront que l'orientation qu'ils avaient prise n'était peut-être pas la meilleure à prendre?
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Monsieur le président, monsieur, je crois que si vous voulez vous attaquer au problème des gens qui se rendent à l'étranger pour devenir des extrémistes, des terroristes ou autre chose, et que vous souhaitez vous attaquer au problème, ici même, au Canada — ce qui n'est pas exactement la même chose —, il faut une approche stratégique, opérationnelle et tactique.
Sur le plan stratégique, comme je l'ai dit tantôt, il faut chercher à handicaper les réseaux en sol canadien qui permettent de créer ces espaces sociaux, politiques et culturels où il est acceptable de parler de cela, de faire ces choses. Cela signifie qu'il faut s'en prendre aux organismes de bienfaisance, s'attaquer à leurs organisations.
Sur le plan tactique — et je crois que c'est là-dedans que s'inscrit la question du passeport —, nous avons besoin, comme mon collègue l'a dit, d'une meilleure trousse d'outils. Je crois que le passeport relève de l'aspect tactique. C'est une façon d'intercepter les gens au moment où ils quittent le pays pour aller s'engager à l'étranger dans ce type d'activité.
Est-ce une mesure préventive? Oui, c'en est une dans le sens où elle permet d'empêcher ces gens d'aller à l'étranger. Est-ce une mesure préventive dans le sens où elle permettrait de stopper la radicalisation au Canada? Je n'en suis pas si sûr. Je crois toutefois que ce sera une façon efficace de sensibiliser le public à cette question.
Pour diverses raisons culturelles, par souci de rectitude politique, etc., le gouvernement canadien et la société civile canadienne hésitent à remettre en question le discours de l'extrémisme au Canada.
Nous venons tout juste d'assister à l'interception de 10 personnes à l'aéroport Montréal-Trudeau — il y aura une semaine, samedi —, alors qu'elles s'apprêtaient à rejoindre l'EIIS. Il faut espérer que ce genre de nouvelle permettra d'élargir la discussion. À l'heure du souper, quand la famille est réunie autour de la table, les parents pourront dire: « Voilà ce qui va arriver à ces gens. » Et les personnes comme nous peuvent également se servir de cette nouvelle pour susciter la discussion.
Est-ce une bonne mesure préventive? Je crois que oui, dans le sens où elle a un pouvoir tactique et qu'elle empêchera les personnes de sortir du pays. C'est aussi un autre moyen de remettre en question le discours extrémiste au Canada, ce que personne, nulle part, n'est parvenu à faire de façon efficace.
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Il y a manifestement un problème. Je n'en parlerai pas davantage, mais je pourrais peut-être faire parvenir au greffier une liste de 23 déclarations faites par le CAIR-CAN, le département d'État américain, les Émirats arabes unis et le système judiciaire canadien qui confirment que le CAIR-CAN est effectivement la section canadienne du CAIR aux États-Unis. Je m'arrête ici. Je n'en parlerai pas davantage.
Vous avez demandé directement pourquoi les Canadiens devraient se soucier de cela. Pourquoi la mère dévouée ou le type qui conduit un chariot élévateur à l'usine devrait-il s'en préoccuper? À mon avis, la réponse est que ce genre d'extrémisme se répand au Canada, qu'il prend de l'expansion.
Mon collègue a fait remarquer que la révolution des communications et du transport fait en sorte qu'il est de plus en plus facile pour de jeunes Canadiens de se rendre à l'étranger et de se faire tuer, littéralement, ou de tuer d'autres personnes. Je pense que nous avons en tant que Canadiens l'obligation d'essayer de tenir nos jeunes à l'écart de ce genre de choses, dans la mesure du possible. Ces jeunes sont notre avenir. En tant qu'État, le Canada a l'obligation envers d'autres pays de s'assurer que nous n'exportons pas d'habitants de Calgary ou de Montréal afin qu'ils deviennent des kamikazes et tuent un grand nombre de personnes dans des conflits à l'étranger.
Je sais que cette question est un peu abstraite pour beaucoup de monde. Ils demandent pourquoi ils devraient s'en préoccuper. La réponse, c'est qu'ils devraient s'en préoccuper parce que cela se produit dans leur collectivité. Ce sont leurs jeunes qui sont en péril, qui sont menacés. Plusieurs personnes pensent que c'est un problème musulman, ce qui est vrai dans une certaine mesure, mais la réalité, c'est que c'est également un problème de convertis, qui touche toutes les autres confessions au Canada, ainsi que ceux qui n'ont aucune religion précise.
Je pense qu'il convient également de souligner que, à l'heure actuelle, l'accent a tendance à être mis sur l'EIIS, Al-Qaïda, al-Nosra et Jemaah Islamiah. Cela dit, si nous avions eu cette conversion en 1985, nous nous serions probablement penchés sur la radicalisation sikhe au Canada. En 1995, nous nous serions penchés sur les radicaux tamouls, les TLET et ainsi de suite. Je suis certain qu'on aura encore une fois cette conversation dans 10 ans, et je ne prétends pas savoir quel sera le prochain groupe. C'est un problème persistant au Canada, et, comme l'a indiqué mon collègue, tout laisse croire qu'il prendra de l'ampleur. Donc, oui, c'est important. Et, oui, nous devons le comprendre maintenant.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, permettez-moi d'abord de vous remercier, au nom de l'Association des employés du Service de sécurité de la Chambre des communes, de m'offrir l'occasion de prendre la parole devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
L'Association des employés du Service de sécurité de la Chambre des communes du Canada est accréditée depuis 1987 afin de représenter les quelque 225 membres du Service de sécurité de la Chambre des communes. Les membres de l'association comptent approximativement 190 constables, 15 caporaux et 15 sergents, qui relèvent tous du directeur du service.
Le présent mémoire concerne strictement la section 10 du projet de loi , qui modifie la Loi sur le Parlement du Canada en y ajoutant les articles 79.51 à 79.59 et en prévoyant certaines dispositions transitoires.
Considérant les modifications profondes envisagées par le projet de loi en ce qui concerne la sécurité dans la Cité parlementaire, l'association estime important de comparaître devant le présent comité afin de faire part de ses observations relativement aux modifications envisagées.
Avant d'entrer dans le vif du projet de loi , qu'il soit permis à l'association de souligner la grande fierté que nous avons à l'égard du professionnalisme et de l'exemplarité de nos membres, particulièrement quant à leur comportement lors des événements du 22 octobre 2014.
Personne ne connaît mieux la Cité parlementaire et les parlementaires que les employés du service de sécurité, qui remplit une fonction essentielle pour le fonctionnement de notre système démocratique. Notre travail demande beaucoup de doigté pour combiner les exigences impératives de sécurité et le caractère public de la Cité parlementaire, et ce travail mérite amplement d'être souligné devant cet honorable comité.
Relativement au projet de loi , il importe de souligner dans un premier temps que le projet de loi définit, à l'article 79.51, la notion de « Cité parlementaire ». Il s'agit, à notre connaissance, d'une nouveauté qu'il faut saluer. Depuis maintenant plusieurs années, le travail des membres du Service de sécurité de la Chambre des communes s'est étendu bien au-delà des murs de ce qui était autrefois appelé « l'enceinte parlementaire ».
L'association partage parfaitement l'intention envisagée par cette nouvelle définition reconnaissant que le privilège parlementaire suit la fonction parlementaire, consacrant ainsi une vision fonctionnelle plutôt que géographique de la notion de privilège parlementaire.
Mettant en pratique l'autorité investie au sergent d'armes et au Président de la Chambre en matière de sécurité, les membres du Service de sécurité de la Chambre des communes exercent l'ensemble de leurs fonctions à l'intérieur du privilège parlementaire. Ils s'en trouvent en quelque sorte les gardiens et, par conséquent, un rouage essentiel de la fonction législative de la Chambre des communes du Canada.
C'est cette fonction législative qui est au coeur de notre travail, et c'est pourquoi la protection du privilège parlementaire était mise en avant avec force dans le communiqué de presse publié par l'association le 4 février 2015, lorsque les éléments figurant dans ce projet de loi ont été annoncés pour la première fois par le gouvernement. Les préoccupations que nous énoncions dans ce communiqué de presse sont aujourd'hui entièrement transposables au projet de loi sous étude et peuvent se regrouper en deux grandes catégories: les préoccupations opérationnelles et les préoccupations en matière de relations de travail.
L'association ne s'inscrit pas en faux relativement aux conclusions du vérificateur général du Canada qui, en juin 2012, recommandait une plus grande coordination entre les différents acteurs affectés à la protection de la Cité parlementaire. Il est évident qu'une plus grande coordination au chapitre de la sécurité était souhaitable le 22 octobre 2014 et l'est toujours. C'est dans ce sens que concluait la police d'Ottawa dans une conférence de presse récente.
Toujours en juin 2012, le vérificateur général recommandait à la Chambre des communes d'étudier la faisabilité d'une force unifiée de sécurité pour l'ensemble de la Cité parlementaire. Ici encore, l'association ne s'oppose pas à cette idée et salue la création du Service de protection parlementaire par l'article 79.52 du projet de loi. Il est cependant important de noter deux bémols aux conclusions qui précèdent.
Premièrement, une meilleure coordination opérationnelle entre les différents acteurs ne passe pas nécessairement par une fusion opérationnelle des deux services de sécurité, soit celui de la Chambre des communes et celui du Sénat. L'association estime, au demeurant, qu'il est peu probable que les constables, les caporaux et les sergents de la Chambre des communes soient affectés de manière interchangeable au Sénat, et vice versa. Nous devons avoir une connaissance profonde et fine des lieux et des personnes pour faire un travail adéquat, et cette connaissance s'acquiert avec l'expérience acquise dans chaque enceinte.
L'association estime également qu'il serait peu souhaitable et peu pratique, d'un point de vue sécuritaire, de remanier complètement le personnel une fois la fusion réalisée pour que chaque membre du nouveau Service de protection parlementaire puisse travailler de manière interchangeable au Sénat ou à la Chambre des communes, du moins sans affectation de longue durée.
Il serait beaucoup plus souhaitable de conserver les structures de travail actuelles pour continuer à augmenter l'efficacité et la réactivité des équipes. Ainsi, l'association estime que, sur le plan opérationnel, une fusion des deux services de sécurité, soit de la Chambre et du Sénat, n'aurait pas pour effet d'accroître la coordination du travail, mais qu'elle diminuerait au contraire son efficacité en diluant le spécificité de son action.
Deuxièmement, l'association a noté que le projet de loi exige que le directeur du SPP soit un membre actif de la GRC qui agira sous l'autorité bicéphale des Présidents de la Chambre et du Sénat. Nous notons également que, bien que l'article 79.53 confie au SPP les « questions concernant la sécurité physique partout dans la Cité parlementaire et sur la Colline parlementaire », l'article 79.55 du projet de loi confie exactement les mêmes fonctions à la Gendarmerie royale du Canada, renvoyant à un « arrangement » et prévoyant que la GRC assurera « elle-même » la prestation des services de sécurité physique qui lui seront dévolus.
Les conclusions opérationnelles qui découlent de cette situation supposent deux hypothèses: soit le directeur du SPP agira véritablement sous la direction du Président de la Chambre, du Président du Sénat et d'un représentant de la GRC, soit cette personne agira en réalité exclusivement sous l'autorité de la GRC. Si le premier cas de figure est envisagé, l'association voit mal comment un directeur du SPP recevant des directives de trois chefs différents serait en mesure d'améliorer la sécurité dans l'enceinte parlementaire ou la coordination entre les différents services de protection.
Le lien institutionnel obligatoire du nouveau directeur avec la GRC apparaît également problématique, en particulier dans l'éventualité fort probable où cette personne recevrait des instructions contradictoires ou incompatibles. La triple allégeance de cette personne — c'est-à-dire à la Chambre, au Sénat et à la GRC — la placerait inévitablement dans un conflit réel, puisque la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et les serments prononcés en vertu de cette loi obligeraient le nouveau directeur du SPP à désobéir au Président de la Chambre ou du Sénat et à obéir exclusivement au commissaire de la GRC. Comment le privilège parlementaire préservant le pouvoir législatif des décisions de l'exécutif pourrait-il être préservé dans une telle situation? Cela est sans mentionner le cauchemar opérationnel qu'une telle situation pourrait poser dans une situation d'urgence semblable à celle du 22 octobre 2014 ou pire que cette dernière.
Si le deuxième scénario est envisagé, à savoir un contrôle opérationnel exclusif par la GRC, l'association estime que la chose est autant sinon plus problématique. L'association se réfère ici à son communiqué de presse du 4 février 2015 qui énonce sa position quant au contrôle possible de la sécurité par le GRC dans l'enceinte parlementaire. Nos préoccupations quant au respect du privilège parlementaire demeurent entières. Nous ne pensons pas qu'il soit dans l'intérêt de notre démocratie de donner le contrôle de la sécurité, au sein du pouvoir législatif, au pouvoir exécutif, cela dit avec le plus grand respect pour la qualité du travail de la GRC dans sa mission première, qui n'est pas la protection de la Cité parlementaire.
Pour revenir à « l'arrangement » prévu à l'article 79.55 du projet de loi , l'association s'interroge sur la signification pratique de cette disposition. Est-il envisagé de remplacer ou de doubler les postes existants au sein du Service de sécurité de la Chambre des communes, ou encore, de rajouter à ces derniers? Le cas échéant, dans quels domaines? Aucune réponse n'a pu nous être fournie quant à l'intention du gouvernement relativement à cette disposition.
Toujours au sujet de cet « arrangement », rien dans le projet de loi ne semble empêcher que le Président de la Chambre et le Président du Sénat n'aient pas de rôle décisionnel quant au choix du futur directeur du SPP. Il se pourrait très bien qu'un « arrangement » prévoie que le niveau décisionnel de la procédure réside quelque part à la GRC, quelque part au Conseil privé ou au sein du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, ce qui nous apparaît comme un nouvel accroc au privilège parlementaire et au fonctionnement de notre système démocratique.
En somme, c'est l'occasion de donner à la GRC le contrôle opérationnel de la protection de la Chambre des communes et du Sénat que l'association remet en question. Il ne s'agit aucunement ici de chasse gardée, mais de la nécessité d'allier l'efficacité opérationnelle au respect des principes sacrés sur lesquels notre Constitution est fondée.
Pour conclure, qu'il nous soit permis de rappeler à ce chapitre qu'aucun rapport, aucune étude et aucun commentateur public informé n'a remis en cause le travail des membres du Service de sécurité de la Chambre des communes, y compris en ce qui a trait aux événements du 22 octobre 2014.
Dans ce contexte, il est légitime de mettre en doute le bien-fondé de cette probable prise de contrôle du SPP par la GRC, ou du moins de cette réelle possibilité qu'envisage le projet de loi . Pourquoi vouloir changer une recette qui fonctionne et qui donne de bons résultats? Le changement n'est-il pas plutôt propice au dysfonctionnement et à l'affaiblissement de nos barrières sécuritaires? L'association estime que poser la question, c'est y répondre.
L'association est satisfaite de la présence de certaines dispositions transitoires contenues dans le projet de loi qui, à première vue, garantissent l'emploi des 225 membres du Service de sécurité de la Chambre des communes. En particulier, c'est le cas de l'article 100 du projet de loi, qui semble protéger le poste des personnes actuellement à l'empoi de la Chambre des communes et du Sénat.
Toutefois, l'association s'inquiète du fait que le projet de loi ne reprend aucunement l'engagement fait par le Président de la Chambre des communes dans sa déclaration sur la motion du 25 février 2015 garantissant l'emploi de tous les employés du Service de sécurité de la Chambre des communes.
En effet, le projet de loi ne reprend aucunement cet engagement qui était pourtant clair et n'interdit aucunement une réorganisation du travail qui pourrait se traduire par des compressions, par l'abolition de postes ou par d'autres remaniements sur le plan des effectifs. Contrairement au fait de fournir une telle sécurité d'emploi, le projet de loi introduit une dose appréciable de doute et d'insécurité à ce chapitre en prévoyant, tel que souligné ci-dessus, que le SPP et la GRC seront tous deux responsables de la sécurité physique dans toute la Cité parlementaire, sans toutefois préciser qui fera quoi et en conférant un avantage déloyal à la GRC à ce chapitre en exigeant que le directeur du SPP soit un membre actif de la GRC. Il s'agit d'une préoccupation importante pour l'association, qui souhaiterait que l'engagement du 25 février 2015, pris conjointement par le Président de la Chambre et par le regretté Président du Sénat, M. Nolin, se retrouve inscrit en toutes lettres dans le projet de loi .
Dans la limite permise par la sécurité des opérations, l'association se met à la disposition de cet honorable comité pour répondre aux questions concernant la section 10 du projet de loi .
Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter de la section 10 de la partie 3 du projet de loi portant sur le service de protection parlementaire.
Je suis accompagné aujourd'hui du directeur principal, Gordon Stock.
En juin 2012, nous avons publié les rapports de nos audits de l'Administration de la Chambre des communes du Canada et de l'Administration du Sénat du Canada. Dans le cadre de ces audits, nous avions examiné les services que fournit chaque administration dans les secteurs de la gestion financière, des ressources humaines, des systèmes de technologie de l'information et de la sécurité — un sujet qui revêt aujourd'hui un intérêt particulier.
[Français]
Monsieur le président, je vais résumer au comité ce que nous avions alors constaté en ce qui concerne la sécurité. Il est par ailleurs important de noter que nos travaux d'audit ont été terminés, pour l'essentiel, en février 2012, ce qui veut dire que nous ne pouvons pas commenter les mesures qui ont été prises depuis.
D'abord, nous avons examiné si chaque administration avait mis en place des politiques et des mécanismes de contrôle appropriés afin de créer un environnement sûr et sécuritaire pour les parlementaires, pour le personnel et pour les visiteurs. Nous avons également examiné si chaque administration avait recensé les risques clés et mis en oeuvre des stratégies d'atténuation appropriées.
[Traduction]
Dans l'ensemble, nous avons constaté d'une part que les Services de sécurité de la Chambre des communes avaient répondu aux risques de sécurité en mettant en place des procédures opérationnelles normalisées et en formant adéquatement le personnel responsable, et d'autre part que l'Administration du Sénat avait instauré des contrôles d'atténuation des principaux risques de sécurité, notamment en concluant un protocole d'entente avec la Chambre des communes et la Gendarmerie royale du Canada pour une assistance armée en cas de besoin.
Cependant, pour que les responsabilités et les obligations de chaque administration soient clairement assignées, nous avons recommandé que chacune élabore une politique générale en matière de sécurité, assortie d'objectifs et d'indicateurs de rendement. L'Administration de la Chambre des communes prévoyait mettre en place sa politique d'ici 2015.
[Français]
Nous avons aussi examiné les procédures de communication et de coordination entre les trois partenaires en matière de sécurité, soit le Service de sécurité de la Chambre des communes, le Service de sécurité du Sénat et la Gendarmerie royale du Canada, étant donné qu'ils se partageaient la responsabilité d'assurer la sécurité de la Cité parlementaire.
Avant notre audit, les trois forces de sécurité avaient collaboré à l'élaboration d'un plan principal de sécurité. Après la mise en oeuvre du plan principal, la coordination et les communications se sont améliorées. Cependant, au moment de nos audits, il y avait encore des lacunes, ce qui faisait ressortir les problèmes permanents de compétence. Par exemple, à ce moment-là, aucune force de sécurité n'avait accepté d'assumer la responsabilité des toits des édifices.
[Traduction]
En 2010, chaque administration avait examiné les moyens possibles de constituer une force de sécurité unifiée pour la Cité parlementaire. Chaque administration avait accepté les changements proposés pour résoudre les problèmes de compétence. Ces changements signifiaient que les services de sécurité des trois partenaires devaient être intégrés. Nous avions recommandé à cet effet que l'Administration de la Chambre des communes et l'Administration du Sénat collaborent à la mise sur pied d'une force de sécurité unifiée au service de la Cité parlementaire. À notre avis, regrouper les forces de sécurité sous un seul commandement qui aurait à rendre compte à la Chambre des communes et au Sénat était un moyen plus efficace et plus efficient de répondre aux incidents de sécurité. La partie du projet de loi qui est devant vous aujourd'hui permet de mettre en oeuvre l'essentiel de notre recommandation. J'espère que les constatations de nos audits aideront les membres du comité à effectuer leur examen de ce projet de loi.
[Français]
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
:
J'aimerais ajouter quelques éléments, oui, monsieur le président.
Notre recommandation, qui se trouve au paragraphe 74 de l'audit, consistait à examiner combien il en coûterait pour assurer une même capacité d'intervention dans toute la Cité parlementaire, et la possibilité de progresser vers l'établissement d'une force de sécurité unifiée.
Nous n'avons pas précisé la manière de le faire. Nous en laissions le soin aux décideurs, bien sûr.
En lisant le projet de loi, je me suis posé quelques questions, non pas comme expert en sécurité, mais comme profane, en mettant le chapeau d'administrateur, si on veut, pour essayer de comprendre comment le tout fonctionnerait.
À l'article 79.51, par exemple, on mentionne que la désignation des lieux faisant partie de la Cité parlementaire peut être faite par l'un ou l'autre des Présidents, ce qui veut dire sans qu'ils aient besoin d'être d'accord. Pourrait-on se retrouver dans une situation où l'un d'eux considère que des services de sécurité doivent être offerts dans un lieu, alors que l'autre considère que ce n'est pas nécessaire et que cela diluerait même les ressources offertes ailleurs?
Au paragraphe 79.52(2), on mentionne aussi que le service est placé sous la responsabilité des Présidents. Encore une fois, lorsque deux personnes sont responsables d'un même élément, je vois là — si je me place du point de vue de l'administrateur qui n'est pas au courant de tous les détails liés à la sécurité, ou encore à l'administration — la possibilité que deux personnes donnent des directives, et il faut trouver une façon d'avoir des directives claires. On mentionne également qu'ils sont responsables du service sans préciser en quoi consiste exactement cette « responsabilité ».
Je me place ici simplement du point de vue d'un administrateur, de quelqu'un qui aurait à mettre le tout en oeuvre. Il y avait donc quelques éléments comme ceux-ci qui me semblaient manquer un peu de clarté, et je me demandais dans ce cas qui donnerait les directives au directeur.
:
Je crois comprendre que la Police provinciale de l'Ontario chapeaute en quelque sorte le tout, mais que c'est le Service de sécurité du gouvernement de l'Ontario qui assure la prestation des services. C'est donc essentiellement similaire, sans être identique, à ce dont il est question ici aujourd'hui. Je n'en connais pas tous les détails, toutefois.
J'aimerais aussi mentionner, monsieur Lapensée, que selon mon expérience, les services de police sont naturellement en transition. Lorsque je travaillais pour la Police provinciale de l'Ontario, nous avons fusionné avec d'autres forces de police. Le changement n'est pas facile. Je comprends cela. Les gens se posent toujours des questions.
Je sais toutefois que lorsque ce genre de changement survient au sein d'une organisation professionnelle comme la vôtre, où chacun connaît son rôle, et qu'il y a un bon dialogue ou de bons échanges entre l'organisation et la direction — dans ce cas, le Président de la Chambre des communes, puis, bien sûr, le Conseil privé... Les représentants du Conseil privé qui sont venus témoigner nous ont dit que tous les détails n'y sont pas, mais que les grandes lignes y sont.
Le vérificateur général a fait quelques commentaires, et je vais maintenant lui poser quelques questions.
Je pense que la question que j'ai porte sur ma façon d'interpréter ce que vous faites. Comme je viens de l'expliquer, vous n'examinez pas les détails. Vous vous posez plutôt les questions suivantes: « Quelles sont les exigences du travail? », « Quelle est la structure organisationnelle? », « Font-ils ce qu'ils sont censés faire? », « Disposent-ils de ressources financières raisonnables ou suffisantes pour y arriver? ». Ensuite, vous faites vos recommandations.
Si vous n'êtes pas d'accord, pourriez-vous me corriger?
:
Merci, monsieur le président.
Merci à nos trois témoins de leur présence aujourd'hui.
Monsieur Lapensée, je tiens moi aussi à féliciter votre organisation pour son professionnalisme. C'est ce que j'ai pu constater depuis toutes ces années où je travaille au Parlement — et je crois que Diane et moi sommes les plus anciens députés ici présents — et je dirais même que j'ai pu nouer des liens d'amitié avec vos membres qui ne manquent pas de toujours nous reconnaître. Je voulais le souligner, car c'est une chose plutôt rare en milieu de travail. Tout le monde a ses mauvaises journées, même notre président qui a parfois des démêlés avec certains membres du comité, mais pas avec moi bien évidemment. Vos membres ont aussi leurs mauvaises journées, mais cela ne transparaît pas dans leur travail.
Quoi qu'il en soit, j'estime cette nouvelle proposition problématique du fait que l'aspect sécurité, qui revêt une grande importance, a pris toute la place. Il y a pourtant deux enjeux en cause. Il y a la sécurité de la Cité parlementaire à proprement parler, mais il y a aussi la question de l'indépendance du Parlement. Je veux dire par là son indépendance par rapport au pouvoir exécutif du gouvernement, à savoir le premier ministre, le Cabinet, etc.
Nous avons découvert des choses intéressantes en étudiant cette question. Il y a le greffier et le sergent d'armes, et les gens du Bureau du Conseil privé qui ont comparu l'autre jour devant le comité n'ont pas pu nous dire quel serait le rôle du sergent d'armes en vertu des nouvelles dispositions. C'est un peu inquiétant.
Il y a une chose intéressante que l'on peut lire dans La procédure et les usages de la Chambre des communes:
Avant la création des Services de sécurité de la Chambre des communes en 1920, la sécurité relevait de la Police fédérale (qui devait fusionner en 1920 avec la Royale gendarmerie à cheval du Nord-Ouest pour former un nouveau corps national, la Gendarmerie royale du Canada).
D'une certaine manière, nous revenons donc au modèle qui existait en 1920. Est-ce pour le meilleur ou pour le pire? Je l'ignore. Je dois admettre que j'ai des inquiétudes au sujet de l'indépendance du Parlement par rapport au pouvoir exécutif en raison du lien qui existera avec le ministre de la Sécurité publique et le commissaire de la GRC.
Est-ce que l'un de vous sait quel sera le rôle du sergent d'armes et à qui il devra rendre des comptes? Il y a quelqu'un qui nous a dit précédemment qu'il ne pouvait pas y avoir trois patrons, et il avait bien raison. Dans la nouvelle structure proposée, de qui relèvera le sergent d'armes?