Merci beaucoup de l'invitation à témoigner ici. J'espère que je pourrai vous aider dans vos discussions. J'ai l'impression de venir d'une autre planète, sans savoir de quoi vous avez déjà parlé.
Mon bref exposé de 10 minutes va porter sur trois questions. D'abord, je vais souligner certains des principaux aspects et progrès liés à la prévention du crime. Ensuite, je vais aborder les questions relatives à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets. Enfin, je vais évoquer certaines difficultés que posent les problèmes de mise en oeuvre et d'évaluation dans l'élaboration des politiques de prévention du crime et de justice pénale qui concernent la finance sociale.
Je vous indique très brièvement que je suis sociologue et criminologue et que j'ai travaillé au Royaume-Uni et au Canada. Avant d'arriver au Canada, j'ai travaillé plus de 20 ans pour le Home Office, dans le secteur de recherche et planification de l'unité de planification des politiques sur le crime. J'ai étudié la supervision parentale, les peines infligées dans les tribunaux de la jeunesse et, surtout, les prisons, la prévention du crime ainsi que la réadaptation en milieu carcéral. J'ai aussi réalisé un essai contrôlé et randomisé sur un programme de réadaptation carcérale, dont je vous parlerai plus tard.
Au fil des ans, j'ai mené bon nombre de projets de recherche pour le gouvernement du Canada, surtout concernant les infractions commises par les femmes et les prisons pour femmes, ainsi que pour le groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale, en ce qui a trait à la justice réparatrice, au maintien de l'ordre, aux évaluations et au trafic.
J'ai enseigné la criminologie au Département de sociologie et d'anthropologie de Concordia pendant 10 ans, jusqu'à ce que je me joigne au Centre international pour la prévention de la criminalité en 1999. Après 13 ans, j'ai quitté le centre pour avoir un peu plus de temps libre, mais j'ai continué de travailler aux questions de prévention du crime au Canada et ailleurs. Je suis présentement consultante du CIPC pour un projet précis, limitant ma capacité de vous fournir toute l'information aujourd'hui ou au préalable.
Le CIPC examine un grand éventail de questions. Durant plus de 13 ans, j'ai étudié autant les écoles et les femmes que les crimes haineux et le rôle des gouvernements locaux. Je souligne que mon témoignage se fonde sur mon expérience et que je ne représente pas le centre ici. Je précise aussi que mon expérience concerne la prévention du crime et que je ne suis pas experte en finance sociale, même si j'ai pris connaissance de certains progrès récents.
Le CIPC est exceptionnel et constitue la seule organisation internationale qui examine la prévention de la criminalité. Il a été fondé en 1994 par les gouvernements du Canada, de la France et du Québec, et il profite de l'excellent soutien du gouvernement du Canada et d'autres gouvernements. Si vous préférez, nous pourrons parler du CIPC plus tard.
Le travail du CIPC porte avant tout sur le rôle essentiel du gouvernement pour soutenir et bien planifier les politiques et les programmes de prévention stratégique du crime et pour promouvoir des collectivités saines et sécuritaires. La prévention du crime permet d'économiser beaucoup d'argent.
Lorsque j'ai entendu parler pour la première fois de la prévention du crime au Royaume-Uni, c'était surtout une tâche accomplie par les policiers qui faisaient des rondes pour encourager les gens à verrouiller leurs portes, leurs voitures et leurs vélos. Dans les postes de police, on demandait souvent à ces agents combien de crimes ils avaient empêchés durant la journée.
Depuis 30 ans ou plus, la prévention du crime a beaucoup évolué, s'est élargie et est devenue un mouvement international soutenu par deux directives de l'ONU, qui établissent les éléments d'une prévention efficace ainsi que ses principes fondamentaux.
Comme le Canada, bien des pays dans le monde appliquent maintenant des stratégies nationales de prévention du crime et financent des projets réalisés sur le terrain. Les institutions comme la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, l'Organisation mondiale de la santé, le CNUEH, le PNUD, l'ONU Femmes et l'ONUDC soutiennent toutes désormais l'élaboration de stratégies locales de sécurité des citoyens, qui se fondent sur des principes très semblables à ceux de la prévention et de la réduction du crime et de la violence.
Bien des années d'expérience et de recherche montrent que la prévention du crime couvre un large éventail d'approches et ne se résume pas à une série de mesures précises.
Il existe quatre grands types d'approche. Les approches sociales et pédagogiques sont très importantes et comprennent les projets de prévention précoce auprès des familles, des enfants et des écoles. Elles peuvent cibler des quartiers, des parents et des familles ou des enfants à risque élevé, comme les jeunes qui font partie de gangs.
Ensuite, il y a la prévention du crime qui concerne davantage les collectivités et les quartiers que les familles et les personnes. Les collectivités locales, les résidents, les entreprises et les services locaux collaborent pour régler les problèmes locaux. Ce type de prévention concerne très souvent les collectivités qui éprouvent de grands problèmes économiques et sociaux.
Par ailleurs, les approches liées aux situations et aux milieux concernent les facteurs qui encouragent les infractions, comme l'absence de témoins et de lampadaires dans les rues ou les parcs et les immeubles mal conçus. La prévention du crime lié aux situations vise à réduire les avantages qui découlent des crimes et les facteurs favorables, ainsi qu'à rehausser le risque pour les contrevenants.
Enfin, la quatrième approche de prévention du crime est liée aux programmes de réinsertion. Elle favorise la réinsertion sociale des personnes, des groupes de jeunes ou des adultes dans leurs collectivités lorsqu'ils ont purgé leurs peines ou que leurs traitements sont terminés.
Les projets et les politiques peuvent s'appliquer à tout le monde ou cibler des groupes particuliers qui présentent un risque élevé, comme les jeunes adultes ou les aînés d'un quartier.
Il existe maintenant nombre d'excellentes façons d'évaluer l'efficacité des programmes, et nous en savons beaucoup plus sur ce qui semble fonctionner. Bien des preuves montrent que la prévention est efficace et permet de réduire les coûts qui seraient engendrés pour la justice pénale, la société et les familles si quelqu'un venait à vivre de la criminalité. Les connaissances et les pratiques de prévention du crime évoluent toujours et vont continuer de progresser beaucoup.
Des chercheurs, des praticiens et des experts très dynamiques travaillent à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets de prévention du crime et ils reflètent l'évolution de la prévention. Les décideurs veulent connaître les approches les plus efficaces pour utiliser les ressources de façon judicieuse. La recherche des méthodes qui fonctionnent dure depuis longtemps et a parfois dominé la prévention du crime, surtout au Royaume-Uni dans les années 1990. Cette question a pris beaucoup d'ampleur sous le gouvernement de Tony Blair.
Bien des chercheurs se fondaient sur un certain nombre de projets pilotes réussis pour affirmer qu'ils connaissaient les méthodes efficaces de réduction du crime. Le gouvernement les a écoutés et a investi quelque 550 millions de livres dans une série de programmes pour réduire le cambriolage à domicile, l'absentéisme scolaire, le vol près des écoles et concernant les élèves et la violence contre les femmes, ainsi que dans d'autres programmes ciblés.
Ce vaste ensemble de programmes nous a surtout permis de comprendre que la mise en oeuvre des projets, les participants et les dirigeants sont tout aussi importants que les projets eux-mêmes. Autrement dit, il fallait se pencher sur le travail des ressources humaines. On a découvert que les dirigeants des projets financés par le Home Office n'avaient pas les connaissances et les compétences requises pour recueillir les données adéquates, mener les projets à bien, cibler les bonnes personnes et effectuer des évaluations. L'examen de la mise en oeuvre ratée des programmes a pris beaucoup d'envergure, même si au départ, les programmes fonctionnaient. Depuis ce temps-là, nombre de spécialistes de la prévention du crime et de gouvernements ont tiré des leçons.
L'autre problème qui concerne la mise en oeuvre de la prévention du crime, c'est les évaluations elles-mêmes. Je suis sûre qu'on vous en a beaucoup parlé déjà. Il existe bien des écoles de pensée. Des chercheurs ont établi une norme d'excellence pour savoir si les projets entraînent les bénéfices auxquels on s'attendait. Il est recommandé de réaliser des essais randomisés et contrôlés ou quasi expérimentaux, dans lesquels on mesure les progrès d'un groupe comme on le ferait pour un essai clinique de médicaments.
Certains types de prévention du crime sont beaucoup plus faciles à évaluer que d'autres, et c'est très facile de réaliser ce genre d'essais. Il est assez facile et rapide d'évaluer si l'éclairage amélioré dans une rue a réduit les taux d'agressions sexuelles, de cambriolages ou de vols dans le quartier. Mais il est en général plus difficile d'établir clairement si une série d'interventions dans un quartier a donné de bons résultats. Une telle évaluation prend beaucoup plus de temps. Je parle du genre d'approche communautaire et locale en prévention du crime qui améliore les espaces publics, met sur pied une maison des jeunes et soutient les familles ou les parents seuls.
On peut comprendre que les décideurs sont fortement enclins à financer les projets éprouvés qui ont réussi à maintes reprises à réduire le crime. On vous a déjà parlé d'un certain nombre de programmes modèles qui ont été élaborés dans divers pays, dont le Canada. Ces programmes portent une attention particulière au genre de problèmes que les Britanniques ont connus, concernant la mise en oeuvre, le contrôle étroit et la prestation qui correspond exactement au projet conçu au départ. Je parle notamment des programmes de développement des aptitudes cognitives élaborés et employés par Service correctionnel Canada et des projets actuels du Centre national de prévention du crime qui portent sur les jeunes à risque.
Mais nous avons aussi appris au fil des ans que le contexte dans lequel s'inscrivent les projets est extrêmement important. C'est parfois en allant à l'étranger pour examiner la mise en oeuvre des projets, comme en Afrique du Sud ou au Brésil, que l'on prend connaissance de ces difficultés...
D'après les témoignages que j'ai entendus dans le cadre de notre étude et dans d'autres contextes, je crois personnellement qu'il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles nous pourrions et devrions opter pour des modèles de financement social. Je vais parler brièvement de cinq d'entre elles, et j'aimerais avoir votre point de vue.
Premièrement, je crois que les modèles de financement social peuvent libérer des capitaux supplémentaires dans le secteur des services sociaux. Deuxièmement, je pense que les capitaux peuvent être sans cesse réinvestis, comparativement au processus de subvention et de contribution qui consiste à verser des fonds une fois, mais qui ne crée pas de modèle de financement durable pour les organismes. Troisièmement, ils permettent d'innover. Bon nombre de témoins nous ont dit que ce sont des modèles qui donnent plus de souplesse une fois qu'on exécute le programme, car il est axé sur les effets plutôt que sur les résultats, et pas tellement sur le processus ou seulement sur le nombre de participants. Quatrièmement, il y a le concept de collaboration intersectorielle, qui existe jusqu'à un certain point actuellement, mais on nous a dit qu'il pourrait certainement se développer dans le cadre de ces modèles. La dernière raison, et non la moindre, c'est qu'on accorde une grande priorité à mesurer les répercussions et les résultats de façon plus concrète, et je crois que cela s'inscrit dans ce qui est important que nous fassions selon vous. Certains des fonctionnaires qui sont venus comparaître ont dit que l'évaluation qui est faite présentement consiste en grande partie à demander aux participants ce qu'ils pensent du programme plutôt que de chercher des données concrètes. À mon avis, c'est un aspect à améliorer.
Je crois que pour ce qui est des derniers facteurs que j'ai mentionnés, vous sembliez indiquer qu'ils sont importants, et vous en avez parlé dans votre rapport.
Convenez-vous que le financement social comporte les cinq avantages que j'ai mentionnés? Considérez-vous qu'ils sont intéressants et croyez-vous que l'idée de modèles de financement social fondés sur ces avantages est utile?
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C'est une question très complexe. Il existe un rapport — et je peux vous laisser cet exemplaire —, produit par la Banque mondiale et le CIPC, en 2011, sur les partenariats public-privé et la sécurité dans les communautés. C'est en français, anglais et espagnol et ça traite des partenariats public-privé.
Je veux dire que c'est une sorte de continuum. Vous avez peut-être entendu, et veuillez m'excuser si je répète ce que d'autres vous ont dit, qu'on peut être un investisseur privé dans la prévention de la criminalité en donnant des casquettes de baseball à des jeunes qui participent au projet et en faisant de la publicité pour leur partie de football ou, en allant en personne jouer au football avec eux. On peut donner très généreusement de l'argent pour le projet lui-même. Ou, encore, on peut demander aux responsables du projet ce qu'ils rêvent vraiment de faire s'ils disposaient d'assez d'argent.
Il y a tout un éventail de possibilités, à ce niveau, par lequel des partenaires du secteur privé peuvent participer à la prévention de la criminalité et qui, je pense, existe depuis de nombreuses années. Ainsi, beaucoup de banques font ce genre de travail, ici, au Canada. Il y a le projet domiciliaire de Regent Park, à Toronto, qui, d'après moi, est un excellent exemple de finance sociale. Il y a beaucoup de ce genre d'investissements.
Il faut préciser deux choses. D'abord, c'est motivé, la plupart du temps, pour se sentir plus à l'aise, pour avoir l'impression de donner à la communauté. Des entreprises comme Canadian Tire, Tim Hortons et Chaussures Bata l'ont fait pendant de nombreuses années, parce qu'elles estiment que cela fait partie de leurs responsabilités sociales en tant qu'entreprises.
Je pense donc qu'il y a un aspect altruiste à ce phénomène et que c'est extrêmement important d'encourager ce genre d'investissements de la part de ceux qui ont de l'argent à dépenser. Puis, à l'autre bout du spectre, on trouve l'obligation à retombées sociales, qui, si j'ai bien compris, offre effectivement un retour sur l'investissement, et les programmes de financement axés sur les résultats, qui font fructifier l'argent investi. Dans ce cas, je pense qu'ils attirent ceux qui s'intéressent aux problèmes sociaux. Beaucoup de modèles semblent s'inspirer de celui de Vancity, en Colombie-Britannique, et il est sûr que certains des projets britanniques sont financés par des fondations. Il n'y a pas tellement d'investisseurs de capital-risque. Ce sont surtout des personnes qui ont un certain sens de l'engagement social.
Pour moi, la finance sociale concerne en très grande partie cet aspect. Je ne sais pas trop dans quelle mesure les personnes qui y investissent actuellement le font pour s'enrichir.
Pour ce qui est de protéger le contribuable contre le gaspillage des deniers publics, je pense que c'est l'un des enjeux. On peut financer un projet, mais si on brutalise les enfants pour les empêcher de fuguer, on ne protège pas ainsi leurs droits, y compris leurs droits de la personne. Le gouvernement doit donc veiller à être informé, c'est-à-dire à connaître l'intégrité des programmes. Cela revient à l'idée selon laquelle une activité qu'on connaît possède, en théorie, de bonnes chances d'être efficace.
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Merci, monsieur le président.
Je vous suis reconnaissant de l’occasion qui m’est donnée d’assister en personne à une séance du comité. Cela s’est avéré être une expérience intéressante jusqu’à maintenant.
Je m’appelle Kevin McNichol. Je suis directeur exécutif de la société HomeFront, un organisme communautaire qui collabore avec le système de justice pour réduire la violence conjugale. Nous rassemblons des agents de police, des procureurs, des avocats de la défense, des organismes de service à l’enfance et à la famille, des refuges, des centres de traitement, des services de probation et des services aux victimes, et nous créons un système d’aide intégrée pour briser le cycle de la violence conjugale.
HomeFront a pris naissance en mai 2000, sous la forme d’un projet de démonstration national, financé par une subvention fédérale du Centre national de prévention du crime. Depuis 14 ans, des évaluations indépendantes ont attesté des réductions des deux tiers et de la moitié des taux de récidive. Par ailleurs, l’évaluation de notre programme de prévention a révélé que les appels de service à la police ont diminué de 75 %, que les enquêtes des services à l’enfance et à la famille ont diminué de 70 % et que le rendement social sur investissement était de l’ordre de 6,31 $ pour chaque dollar investi, soit une valeur ajoutée de 16 millions rendue au gouvernement de l’Alberta.
Depuis quelques années, nous constatons une transformation du discours que la société tient à propos de la taille de gouvernement, de son rôle en matière de prestation de services et de la possibilité de continuer à utiliser uniquement les recettes fiscales pour répondre à une demande croissante. Ce changement ouvre la possibilité d’envisager de nouvelles réflexions sur d’autres moyens de financer le filet de sécurité sociale.
Au cours des dernières années, HomeFront a étudié ces moyens, et nous pensons qu’il faut examiner de nouveaux modèles de financement social, les mettre à l’essai, puis les instaurer à titre permanent pour garantir un filet de sécurité sociale continu, à grande échelle et à forte incidence, mais, surtout, plus solide et durable. Nous croyons qu’il existe un certain nombre de modèles financiers. L’un d’eux pourrait être les obligations à impact social, dont nous discutons aujourd’hui. Ce modèle est extrêmement prometteur.
HomeFront croit être un organisme social de premier plan apte à participer à n’importe quel projet pilote en ce sens. Nous représentons un solide modèle de collaboration intersectorielle, nous sommes déjà dotés de systèmes d’évaluation qui ont fait leurs preuves et nous pouvons quantifier et mesurer de façon tangible notre impact social à travers une série de programmes judiciaires et sociaux. Par ailleurs, notre histoire s’est construite sur l’innovation et nous nous inscrivons dans une collectivité aux réseaux très serrés et à l’esprit d’innovation sociale, à Calgary et en Alberta. Tous ces éléments sont indispensables à la réussite de ce genre d’initiative. Je pense que nous avons entendu Mme Shaw en parler plus tôt aujourd’hui.
Je souhaite vous communiquer quelques réflexions sur lesquels nous, les membres de HomeFront, méditons au cours de nos discussions concernant les obligations à innovation sociale. Je dois admettre que je ne suis pas un expert de l’utilisation de ces obligations à des fins de financement, mais voici quelques-unes de nos réflexions en ce qui concerne la façon dont nous nous positionnerions et la façon dont notre organisme pourrait utiliser ces obligations.
Premièrement, nous pensons que, si nous devons entamer cette démarche, il faut oublier la notion de « réduction des coûts » pour adopter celle de « valeur ajoutée ». Ce qui se produit en réalité, ce n’est pas une réduction des coûts, mais une réaffectation des ressources à des enjeux ou des secteurs délaissés, et une meilleure utilisation de ces ressources dans les domaines habituels. Par exemple, nos programmes de prévention jumellent un agent de police et un travailleur social qui répondent à des appels liés à des cas de violence familiale qui surviennent dans la ville de Calgary, mais qui ne mènent pas à des accusations. Notre analyse du rendement social sur investissement a révélé que les programmes permettaient de réaliser des économies de 100 000 $ en temps de travail policier dans chaque district où ils ont été mis en place.
Comme j’ai travaillé dans ces districts, je peux vous dire qu’aucun agent là-bas ne s’est tourné les pouces pendant un an. Les agents ont été en mesure de réinvestir ce temps de manière à mener de meilleures enquêtes relatives aux cas qu’ils géraient déjà, à accomplir du travail qui n’était pas réalisé ou qui n’était pas appuyé suffisamment avant que nous venions les soutenir. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une économie, mais plutôt d’une valeur ajoutée.
Deuxièmement, nous devons prendre le risque et essayer. Je crois que, du moins en Alberta et à Calgary, nous sommes prêts à prendre ce risque et à envisager de nouveaux modèles de financement pour garantir notre filet de sécurité. Le succès de l’initiative pour la sécurité des collectivités qui a été entreprise à l’échelle provinciale par le gouvernement de l’Alberta, avant d’être malheureusement abandonnée, en est un bon exemple. L’initiative a investi un grand nombre de ressources et a préparé le terrain pour mettre en place une méthode d’évaluation du rendement social sur investissement que bon nombre d’organismes ont mis un point d’honneur à utiliser régulièrement.
Cette initiative nous met au défi de travailler d’une manière sectorielle et multidisciplinaire. Elle exhorte aussi les ministères à travailler d’une façon nouvelle et coordonnée — à cesser d’envisager les problèmes selon leur point de vue particulier et à commencer à reconnaître que lorsqu’une personne fait appel à l’un de nos services, elle s’adressera souvent à tous les ministères dont la priorité est d’offrir des services à la clientèle tournés vers l’extérieur. Cela s’applique aussi aux organismes qui travaillent sur le terrain, et c’est la raison pour laquelle l’initiative pour la sécurité des collectivités nous a vraiment rassemblés et mis au défi de réaliser cet objectif.
Toutefois, nous devons faire des tentatives.
Nous devons également accepter que ce type de financement ne soit pas une panacée et ne libère pas le gouvernement de son devoir de faire sa part pour le filet de sécurité sociale. Il pourrait cependant lui permettre de réaffecter ses ressources limitées à des zones plus fragiles du filet de sécurité, ou d’améliorer les initiatives déjà en cours.
Je pense qu’il s’agit là d’un élément essentiel à la viabilité d’une initiative. Les entreprises savent que, pour maintenir un modèle d’affaires, il faut diversifier les sources de revenus, et je crois que cela donne l’occasion à notre société de diversifier les sources de revenus à sa disposition.
De plus, nous devons aussi accepter que ce type de financement ne profite pas à tous les secteurs. Les enjeux sociaux les plus susceptibles d’en bénéficier s’inscriront dans des domaines où les interventions seront associées à des dépenses publiques évidentes et élevées et à même de produire une valeur sociale nette, et où il sera possible de recueillir et d’analyser des données attestant l’impact social et où les relations de collaboration seront solides et attireront des protagonistes multisectoriels.
Il faudra prendre garde de veiller à ce que le succès n’engendre pas le succès aux dépens d’autres secteurs critiques. J’ai entendu quelques questions à ce sujet aujourd’hui et, selon moi, elles sont bien avisées. Je mentionne, par exemple, qu’une sensibilisation et des campagnes de financement massives pour la lutte contre le cancer du sein peuvent éclipser la lutte contre de nombreuses autres formes de cancer plus ordinaires ou plus mortelles, qui attire moins l’attention et l’appui de la population, mais qui n’en est pas moins importante. Je pense que c’est un aspect crucial auquel le gouvernement doit prêter attention, et je crois qu’il incombe au gouvernement de s’assurer que les causes attachantes ne monopolisent pas toutes les ressources. Toutefois, j’estime que le gouvernement a toujours joué ce rôle dans notre société, c’est-à-dire celui de veiller à ce que les ressources soient réparties équitablement afin d’appuyer le filet de sécurité sociale.
Pour que ces initiatives permettent d’obtenir le maximum de résultats, il faut financer l’éventail de services nécessaire à une transformation significative au profit des clients en question. Elles tireront leur force des équipes de collaboration intersectorielle favorisées par ce type de modèle. Les données dont dispose HomeFront sont claires: un client ne peut obtenir plus que la collectivité dans laquelle il s’inscrit. Le volume de services offerts par un fournisseur de services suffira rarement à répondre aux clients dont nous nous occupons quotidiennement et dont les besoins sont complexes et multiples. Nos études attestent l’effet cumulatif des mesures que nous prenons.
En résumé, nous savons que des programmes de services multidisciplinaires, coordonnés et s’inscrivant dans une collectivité de soutien peuvent susciter une transformation sociale à grande échelle. Nous avons besoin de l’appui, de la supervision et de l’autorité du gouvernement pour entériner l’usage de ces modèles et encourager la formation d’agents financiers aptes à offrir des services de supervision et des instruments financiers et, enfin, de la détermination du gouvernement à assumer et à garantir financièrement ces efforts.
Merci.
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Merci. Monsieur le président, honorables députés, bon après-midi.
Nous vous remercions de l’occasion qui nous est donnée de nous adresser au Comité de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes dans le cadre de l’étude du rapport entre financement social et prévention de la criminalité au Canada. Le service de police d’Edmonton vous en est reconnaissant.
Comme vous l'avez indiqué, je m’appelle Jacqueline Biollo. Je suis coordonnatrice stratégique à la section de la gouvernance des investissements, qui fait partie du Bureau de la division de la gestion stratégique du service de police d’Edmonton.
Le service de police d’Edmonton apporte depuis longtemps son soutien et sa collaboration aux organismes communautaires pour élaborer des programmes et des services novateurs visant à lever les obstacles systémiques qu’affrontent les personnes vulnérables et victimisées ainsi que les personnes exposées ou participant à des activités criminelles. Ces obstacles sont les problèmes liés aux troubles mentaux, l’alcoolisme et la toxicomanie, l’itinérance et le manque de compétences professionnelles, d’instruction ou de formation.
C’est par un système de demandes que ces organismes, parallèlement au service de police d’Edmonton, reçoivent diverses subventions qui leur permettent de chercher, d’élaborer, de mettre en oeuvre et d’évaluer des stratégies de prévention. Plus précisément, certaines de ces subventions sont accordées dans le cadre d’un contrat de trois ans avec le gouvernement de l’Alberta — le ministère de la Justice et du procureur général — et sont puisées dans le Safe Communities Innovation Fund, ou SCIF. L’objet des initiatives financées par le SCIF est de circonscrire le rendement social sur investissement de chaque projet novateur tout en élaborant des mesures novatrices en réponse à des problèmes comme l’exploitation sexuelle, la surveillance électronique ou le logement de transition.
Le service de police d’Edmonton s’est associé à plus d’une dizaine d’initiatives communautaires au cours de la durée de vie du cycle de financement du SCIF. Outre l’élaboration d’initiatives d’éducation et de sensibilisation, de prévention, d’intervention et de répression, les projets financés par le SCIF visent à créer des modèles de durabilité compte tenu du fait que des subventions provinciales ne seront pas toujours disponibles pour absorber les coûts opérationnels d’exécution des très nécessaires programmes et services communautaires, qu’ils soient proactifs ou réactifs.
Le service de police d’Edmonton et les organismes communautaires savent que, pour maintenir un leadership solide et réaliser les objectifs déclarés, il faut trouver d’autres moyens de financement — ou la production de revenus supérieurs aux subventions gouvernementales. Dans le cadre de son étude des paramètres économiques des services de police, le Comité de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a reconnu que la prévention du crime et l’intervention précoce ont des retombées socioéconomiques positives et recommande que le gouvernement du Canada continue d’investir dans ces domaines.
Le service de police d’Edmonton (SPE) n’en est qu’au stade de l’exploration: il s’agit de déterminer si les obligations à impact social pourraient constituer un moyen d’obtenir du financement à long terme pour lever les nombreux obstacles systémiques qui entravent notre collectivité et qui ont un effet direct sur le nombre d’appels de service au SPE. La motivation économique associée aux obligations à impact social passe par les économies que permettent d’obtenir des interventions novatrices et préventives contribuant à réduire la nécessité d’engager des dépenses gouvernementales. Par exemple, la réussite peut être mesurée globalement par l’indice de réduction du récidivisme associée à l’augmentation de logements permanents.
Une obligation à impact social, ou OIS, est un contrat à rendement sur résultats dans le cadre duquel un organisme demandeur — généralement le gouvernement — s’engage à payer pour la réalisation d’un certain résultat social souhaité. Il y a quatre partenaires dans une OIS: le gouvernement, les fournisseurs de services, les investisseurs privés et un organisme intermédiaire chargé de relier les parties. Jusqu’ici, il n’y a pas eu d’obligations à impact social au Canada.
Il semblerait possible d’émettre des obligations à impact social pour financer des programmes auxquels le SPE est associé, notamment du côté de l’aide aux personnes vulnérables et victimisées, aux utilisateurs fréquents de services et aux délinquants dangereux difficiles à reloger.
Dans le cadre de groupes de travail communautaires, le service de police d’Edmonton a été informé des activités du tout premier intermédiaire d’obligations à impact social ciblées du Canada, appelé Finance for Good. La conception et la mise en oeuvre comprennent l’élaboration de la logistique du programme, la méthodologie d’évaluation du programme, les techniques de mesure de l’impact, les stratégies de financement et d’autres éléments techniques.
Beaucoup des économies découlant des obligations à impact social sont des sous-produits d’une perspective axée sur la prévention et la réadaptation plutôt que sur des mesures déterminées par le traitement de symptômes comme le recours à l’incarcération, les services de soins médicaux d’urgence, les modèles et pratiques d’éducation traditionnels.
Pour alimenter les discussions ultérieures relatives à la conception d’un programme d’obligations à impact social à partager avec le gouvernement et les investisseurs, comprenant notamment des mesures d’intervention à l’efficacité avérée, de solides arguments économiques convainquant les entités gouvernementales de l’épargne qui s’ensuivra, des coûts de mise à niveau budgétisés et un profil des risques satisfaisant les investisseurs, le service de police d’Edmonton Police Service a été informé par Finance for Good que le coût estimatif du travail s’élèverait à 24 000 $, plus 10 % de frais administratifs, plus la TPS, soit environ un pour cent de l’obligation en question.
Dans le cadre du budget 2014, le gouvernement de l’Alberta a déposé le projet loi 1 pour faciliter l’innovation et se donner les ressources financières lui permettant de tirer le meilleur parti des nouvelles possibilités de financement du progrès culturel et social. Un fonds de dotation pour l’innovation sociale d’un milliard de dollars permettra d’élaborer de nouveaux moyens de régler des problèmes comme la pauvreté, le logement de transition et la violence familiale.
Si on obtient l’engagement du gouvernement de l’Alberta à l’égard des programmes proposés, les autres coûts liés au financement, à la gouvernance et aux structures juridiques des obligations à impact social, et à la mise en oeuvre, l’évaluation continue et le compte rendu des résultats seront assumés par les investisseurs. Les coûts sont négociables en fonction des modifications apportées au champ d’application du service fourni.
Le fait que le SPE axe sa perspective sur la gestion stratégique et la gouvernance des investissements peut être révélateur de son intérêt pour le financement social et indique qu’il est bien placé pour témoigner des impacts en aval du financement social, des obligations à impact social et de la prévention de la criminalité grâce à l’innovation sociale au Canada. Il est important que le SPE continue de diriger des discussions avec les partenaires communautaires, la municipalité d’Edmonton, Finance for Good, des conseillers juridiques et le gouvernement de l’Alberta dans le cadre de l’examen du principe des obligations à impact social et de l’avancement de la prévention de la criminalité grâce à des sources de financement différentes et novatrices.
Le service de police d’Edmonton examine actuellement tous les aspects d’une structure juridique normalisée d’obligations à impact social, comprenant l’évaluation des risques et responsabilités, la structure de gouvernance, la détermination des intérêts des investisseurs, et les droits et obligations de toutes les parties.
Il est également important que le service de police d’Edmonton prenne le temps de prendre des décisions stratégiques et d’appliquer des mesures stratégiques pour se placer favorablement en fonction de l'avenir. Cela suppose des rencontres avec des élus, de hauts fonctionnaires, des partenaires communautaires et des acteurs clés pour nouer des relations, discuter des problèmes intéressant la collectivité et déterminer comment un appui législatif ou financier pourrait faciliter les initiatives des organismes d’application de la loi en matière d’éducation, de sensibilisation, de prévention, d’intervention et de répression.
Dans le cadre de ces discussions, le service de police d’Edmonton pourra examiner l’idée des obligations à impact social et de l’avancement de la prévention de la criminalité au Canada et prendre acte de l’augmentation des coûts associés au contrôle des personnes vulnérables et victimisées et à l’aide qui leur est apportée. Ces mesures préoccupent tous les Canadiens et plus particulièrement le gouvernement. Nous tiendrons compte des facteurs de risque au moyen de méthodes stratégiques comme l’éducation, la sensibilisation, l’intervention, la prévention et la répression. Nous ferons connaître des exemples fondés sur des preuves de projets pilotes fructueux auxquels le service de police d’Edmonton a participé, comme les initiatives financées par le SCIF. Nous prendrons acte du fait que la durabilité est un enjeu; nous faciliterons les relations de collaboration et tirerons parti de nouveaux partenariats et sources de financement. Enfin, nous influencerons l’évolution sociale.
L’innovation, la diversification et l’investissement stratégique seront des garanties de stabilité, de collaboration et de succès à long terme, mais le service de police d’Edmonton reste circonspect aux égards suivants: les preuves attestant la nécessité de l’investissement social; la façon de calculer les investissements raisonnables; le mode de surveillance étayant les initiatives; les recours offerts aux investisseurs estimant que leur investissement n’a pas donné lieu aux résultats escomptés; le profil de risque des actifs correspondant à l’obligation à impact social; le montant qui peut être prélevé sur une obligation chaque année; la politique d’utilisation indiquant l'objet des prélèvements autorisés et la mesure de l’efficacité des obligations à impact social.
Le climat économique actuel comprime les budgets de tous les ordres de gouvernement. Par conséquent, nous nous sommes interrogés sur le coût du maintien de l’ordre et de la sécurité publique. Le Bureau de gestion stratégique continuera d’examiner les initiatives, les subventions et les possibilités de financement du gouvernement et prendra des mesures en conséquence.
En résumé, l’innovation sociale comme moyen de régler des problèmes sociaux complexes, comme la pauvreté ou la violence familiale, suppose un nouvel axe de réflexion, de nouvelles méthodes et une prise de risque qui peuvent être plus efficacement mis en oeuvre différemment par rapport aux approches gouvernementales traditionnelles.
Monsieur le président, honorables députés, le service de police d’Edmonton est heureux que le Comité de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes s’intéresse au rapport entre financement social et prévention de la criminalité au Canada. Nous vous remercions de nous avoir invités à vous faire part de notre expérience des mécanismes de financement social et de leurs effets sur la sécurité des collectivités.
Je suis prête à entendre vos commentaires ou à répondre à vos questions.