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Merci. Je tiens à remercier le Comité de m’avoir invité à comparaître.
Si vous me le permettez, j’aimerais d’abord vous donner un aperçu de mes antécédents et vous partager mes connaissances sur les salmonidés sauvages, plus particulièrement le saumon de l’Atlantique.
C’est en 1979 que j’ai commencé à travailler avec le saumon de l’Atlantique dans les rivières de l’est de Terre-Neuve, en compagnie de M. John Gibson, récemment décédé, un biologiste remarquable spécialisé dans le saumon et un mentor extraordinaire. Cette expérience a éveillé en moi un intérêt envers l’étude de l’écologie des salmonidés de rivière, intérêt qui a orienté le reste de ma carrière. En 1982, j’ai obtenu ma maîtrise ès sciences en biologie de l’Université Memorial, à Terre-Neuve, et en 1986, mon doctorat de l’Université de Waterloo. Ma thèse portait sur l’écologie des salmonidés sauvages de rivière.
Mes recherches postdoctorales au MPO m’ont permis de retourner dans l’est du pays pour y étudier la façon dont les saumoneaux sauvages utilisent les habitats des rivières et des estuaires dans la péninsule Nord de Terre-Neuve. En 1988, le ministère des Pêches et des Océans m’a embauché à titre de chercheur scientifique dans la région du golfe afin d’étudier l’écologie des saumoneaux de l’Atlantique et leur façon d’utiliser l’habitat. Mes activités étaient concentrées sur les rivières de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard, mais surtout sur l’ensemble du bassin de la rivière Miramichi. J’ai étudié les conséquences de l’exploitation forestière sur le saumon, ainsi que la biologie hivernale, la survie et les comportements de mouvements de l’espèce. En 1997, je me suis vu confier la chaire de recherche Meighen-Molson, de l’Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, avec pour mandat de mettre en oeuvre un programme de recherche axé sur le saumon sauvage de l’Atlantique. Depuis ce jour, à titre de chaire de recherche et de professeur nommé conjointement au Département de biologie et à la faculté de gestion de l’environnement et des forêts, mes recherches se concentrent sur le saumon sauvage de l’Atlantique.
Mes recherches actuelles portent surtout sur la dynamique de recrutement des stocks de saumon, la survie des oeufs en hiver, la réaction du saumon sauvage au réchauffement de l’eau dû aux changements climatiques et les conséquences de la régulation du débit. J’agis à titre de conseiller scientifique au sein de divers comités et de diverses organisations, notamment le COSEPAC, la Miramichi Salmon Association, le Fonds pour la conservation du saumon de l’Atlantique, et la CAST, la Collaboration for Atlantique Salmon Tomorrow.
Depuis au moins les 30 dernières années, nous avons remarqué une tendance préoccupante, soit le déclin du nombre de saumons adultes de l’Atlantique qui reviennent dans bon nombre des rivières, notamment ceux qui se trouvent dans la partie méridionale de l’aire de distribution du saumon. Dans le bassin de la rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, là où j’ai mené la plupart de mes recherches, 2014 a été la pire année jamais enregistrée pour le nombre de saumons adultes qui sont revenus dans les rivières. De nombreux facteurs contribuent à cette tendance et ce déclin. La plupart des scientifiques s’entendent pour dire que le principal problème est le taux de mortalité en mer exceptionnellement élevé, mais la cause ou les causes principales avancées sont hypothétiques.
N’oublions pas que cette soi-disant mortalité en mer inclut les pertes pouvant être attribuées aux tacons qui pénètrent dans les eaux de marée au printemps, au déplacement des saumoneaux le long des côtes pendant l’été, à la migration des adultes vers la mer, et au retour des poissons dans les rivières pour y frayer, tout cela sur un territoire de dizaines de milliers de kilomètres carrés et sur une période de 14 à 24 mois. Comparativement au milieu dulçaquicole, nous en savons très peu sur ce qui se passe dans le milieu marin. C’est une vraie boîte noire.
Il s’agit certainement d’un problème complexe. Parmi les problèmes maritimes souvent évoqués, on trouve les prédateurs, comme le bar d’Amérique ou le phoque, la surpêche, notamment en haute mer, les conditions océanographiques changeantes associées aux changements climatiques et même le déplacement de la nourriture ou des stocks et la qualité des espèces-proie disponibles.
Il convient de noter qu’il y a encore des problèmes préoccupants en eau douce, comme le réchauffement de l’eau des rivières dans la partie méridionale de l’aire de distribution du saumon de l’Atlantique, comme les Maritimes et l’État du Maine. Il y a aussi la fragmentation des habitats et l’incidence des pêcheurs non autochtones.
Un autre problème dont il faut tenir compte est le manque relatif de recherches et de surveillance effectuées par le gouvernement, et pas seulement en ce qui concerne le saumon. Le saumon fait partie d’un écosystème complexe. Il serait à tout le moins naïf, ou au pire, trompeur, de se concentrer uniquement sur la dynamique du saumon sans tenir compte des changements au milieu et à la chaîne alimentaire de l’espèce.
Auparavant, le secteur des sciences du MPO prenait l’initiative pour s’attaquer aux problèmes scientifiques et de gestion importants. Le ministère pouvait compter sur le meilleur groupe de recherche sur les pêches au monde. À mes yeux, en tant que jeune titulaire d’un doctorat, il était tout aussi satisfaisant de mener des recherches scientifiques appliquées passionnantes au gouvernement fédéral que dans le monde universitaire. Depuis une vingtaine d’années, ce n’est plus le cas, au moins en ce qui a trait à la recherche sur le saumon dans l’Est du Canada.
Les quelques biologistes et scientifiques qui restent au MPO dans la région atlantique — et ce sont des gens très travaillants — ne peuvent pas faire beaucoup plus que surveiller les stocks dans le cadre de leurs évaluations annuelles. Il y a peu d’occasions de mener des recherches réellement indépendantes ou collaboratives sur des dossiers d’intérêt, comme les conséquences de l’aquaculture ou des prédateurs, et ces recherches sont peu encouragées. J’étais donc très heureux d’apprendre récemment que l’on allait augmenter le nombre de scientifiques et de biologistes au sein du gouvernement fédéral. J’espère que certains pourront travailler à améliorer notre compréhension du déclin de la population du saumon afin que nous puissions prendre les décisions de gestion qui s’imposent.
Si vous me le permettez, j’aimerais formuler deux recommandations sur la façon dont le MPO et les autres intervenants qui s’inquiètent de l’avenir du saumon de l’Atlantique pourraient s’attaquer au problème du déclin de la population du saumon, ainsi qu’à la gestion et à la conservation des espèces.
Premièrement, j’encourage les scientifiques et biologistes du MPO à mettre en oeuvre de nouveaux projets de recherche et à mener de nouvelles expériences, par exemple sur les prédateurs des tacons, et à travailler sérieusement avec des organisations qui ne font pas partie du ministère, comme CAST, afin de répondre aux besoins importants en matière de gestion. Plusieurs questions demeurent sans réponse: Dans quelle mesure la remise à l’eau est-elle efficace pour faire augmenter la population des saumons dans certaines rivières? La remise à l’eau pourrait-elle être utilisée dans l’ensemble du bassin-versant? Cela permettrait-il d’accroître le taux de survie et de retour des saumons? L’imposition d’un moratoire sur toute forme de pêche — la pêche commerciale, récréative ou de subsistance — pour deux ou trois cycles générationnels serait-elle une mesure efficace?
Deuxièmement, j’accorderais la priorité à la gestion des saumons dans les rivières tout en demeurant réaliste par rapport à ce qui peut se produire en 10 ou 25 ans, y compris mettre l’accent sur les rivières du nord où les stocks sont stables ou en croissance, mais où la surveillance fait défaut.
Ceci met fin à mon exposé. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
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Monsieur le président, madame et messieurs les membres du Comité, membres du personnel de soutien et collègues témoins, c’est un honneur de comparaître devant cet important comité pour discuter du dossier du saumon sauvage de l’Atlantique. Grâce au rapport qu’il produira, ce comité pourrait jouer un rôle important dans le rétablissement de cette espèce vitale.
J’aimerais d’abord vous parler de mes antécédents. Je vis sur les rives de la rivière Miramichi Sud-Ouest, comme l’ont fait mes ancêtres depuis 200 ans. Comme nos voisins, depuis notre arrivée, nous avons toujours compté, d’une façon ou d’une autre, sur le saumon de l’Atlantique pour notre alimentation, notre emploi ou nos loisirs. Cette espèce fait partie de nos vies, au même titre que les forêts qui entourent la vallée de la rivière, la rivière elle-même et l’air, et cela a toujours été.
Comme d’autres, j’ai pêché le saumon, j'ai servi de guide pour d’autres pêcheurs, hommes et femmes, et j'ai travaillé de diverses façons à favoriser la conservation et la mise en valeur de cette espèce remarquable. En tant que ministre des Ressources naturelles de 1987 à 1991, j’ai eu l’occasion d’améliorer la situation des saumons en mettant en oeuvre des programmes provinciaux de mise en valeur de l’habitat du poisson, en travaillant avec des bénévoles dévoués pour nettoyer les rivières, entretenir les barrières à saumon existantes et en construire deux nouvelles, et en travaillant avec le gouvernement fédéral afin d’encourager les Premières Nations à se tourner vers la pêche en pourvoirie pour remplacer la pêche au filet. Au moment de me retirer de la politique, des discussions étaient en cours avec plusieurs autres intervenants. Ces discussions ont mené à la création d’un organe autochtone d’application de la loi chargé de régir la pêche locale sur les cours d’eau autochtones.
Au cours de ma carrière politique, et par la suite, à titre de rédacteur et de chercheur, j’ai pu m’entretenir avec des anciens du milieu du saumon dont certains participent à la pêche en rivière depuis plus de 70 ans. Ces entretiens m’ont permis de comprendre que les connaissances ne s’acquièrent pas uniquement dans les classes; ces gens d’expérience ont beaucoup de sagesse et de connaissances à nous transmettre.
Toutes ces expériences m’ont permis de tirer les conclusions suivantes. Le saumon évolué de l’Atlantique, qui présente des habiletés de survie et d’adaptation remarquables, est confronté à une détérioration de son milieu et à une augmentation des menaces qui pèsent sur lui dans les frayères, sur ses voies migratoires et dans ses zones d’alimentation océaniques. Bien que certaines de ces menaces soient attribuables à des changements naturels, c’est l’humain qui est à la source de la plupart des problèmes de milieu. La seule chose que nous pouvons faire, c’est de nous attaquer dès que possible aux problèmes que nous pouvons régler afin d’obtenir les meilleurs résultats possible.
Certains problèmes prennent leur source dans les frayères elles-mêmes. Deux des plus importantes menaces sont la destruction des habitats par les pratiques d’exploitation forestières industrielles et intrusives, puisqu’elles entraînent un réchauffement de l’eau des rivières et l’évasement du gravier dans les frayères, et les travaux de construction routière mal menés, car ils engendrent les mêmes conséquences. Je tiens à signaler que les grandes sociétés ne sont pas les seules responsables; ces activités se déroulent également sur les terrains privés.
C’est la destruction des sources d’eau froide qui se déversent dans les petits cours d’eau, et finalement dans les rivières, qui entraîne le réchauffement de l’eau. La diminution des espaces ombragés constitue un autre problème. Le saumon est une espèce qui vit en eau froide. Lorsque la température de l’eau des rivières atteint les 80 degrés, il meurt. Garder les rivières froides, c’est comme fermer la porte du réfrigérateur et du congélateur. Nous avons laissé la porte de nos rivières ouverte.
La quasi-élimination des agents des pêches fédéraux et provinciaux le long des rivières à saumon est un autre problème. Cette absence ouvre la voie aux braconniers qui pêchent illégalement de grandes quantités de saumon dans les bassins d’eau froide restants, ce qui réduit ainsi le nombre de grands géniteurs qui reviennent pondre leurs oeufs pour amorcer un nouveau cycle de vie. Je me souviens d’une époque où il y avait deux gardiens pour trois bassins de saumon. Aujourd’hui, plus personne ne fait de surveillance.
L’augmentation rapide des espèces prédatrices du saumon, comme le bar d’Amérique, le harle, le cormoran et le phoque, constitue une autre menace pour le saumon. Les pratiques de gestion actuelles ont entraîné un déséquilibre dans la population de ces espèces, ce qui met à risque l’existence même du saumon. Évidemment, la surpêche internationale du saumon dans ses zones d’alimentation menace aussi l’espèce, c’est bien connu.
La première que le gouvernement devrait faire dans le cadre d’un projet de rétablissement serait de s’engager de différentes façons afin de remplir son rôle de leader dans la gestion du poisson. Tout commence chez soi.
J’aimerais faire une suggestion, et j’irai droit au but. Si le MPO souhaite vraiment s’attaquer aux enjeux du saumon sauvage de l’Atlantique, il doit: créer un groupe de travail ministériel disposant des ressources financières et humaines nécessaires pour faire le travail; donner au groupe de travail le mandat de modifier légèrement les politiques de gestion actuelles pour éloigner les préoccupations immédiates, comme le déséquilibre dans la population des espèces prédatrices du saumon, le renforcement de la protection de l’espèce et de son habitat; élargir les plans de gestion actuels pour y inclure tous les habitats du saumon, des frayères aux zones d’alimentation; travailler à la collecte de données et réunir toutes les études scientifiques, anciennes et nouvelles, portant sur des problèmes propres à certains estuaires et à certaines rivières; reconnaître que tout plan de gestion est organique, c’est-à-dire qu’il doit être constamment ajusté en fonction des données recueillies; demander au groupe de travail de ressortir les 2 300 études scientifiques qui dorment sur les étagères afin de trouver des informations pertinentes aux problèmes actuels; reconnaître qu’il est important de travailler avec, et non contre, divers partenaires; et solliciter la participation et la collaboration des provinces, des Premières Nations, des ONG, des groupes de gestion des rivières et des citoyens pour certains aspects de ce plan global.
Le ministère doit utiliser toutes les ressources disponibles pour élaborer des plans à court, moyen et long terme à l’intérieur même du plan de gestion global. Il faut encourager les pays producteurs de saumon à en faire de même et travailler avec eux afin de résoudre ce problème. Il faut adopter des mesures ciblées et décisives en collaboration avec tous nos partenaires afin que le rétablissement du saumon soit un succès.
Merci.
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Merci beaucoup. Je vous suis très reconnaissant d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité. Je n'ai pas de déclaration officielle, mais je suis ici pour répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.
Je suis chercheur scientifique au ministère des Pêches et des Océans, à Vancouver Ouest, où le ministère a un laboratoire de biologie aquatique et moléculaire. Nous y étudions la génétique, la physiologie et l'écologie, et ce, pour diverses lignées et espèces de poissons.
Nos activités portent principalement sur l'analyse de ce que nous appelons les organismes à caractères nouveaux, que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement définit comme étant des « produits de biotechnologie ». Nos principaux travaux dans ce domaine sont liés à l'évaluation des risques environnementaux associés au saumon atlantique génétiquement modifié à croissance rapide. Cela a été un long processus; nous avons créé des lignées semblables en utilisant le saumon du Pacifique afin d'obtenir des données scientifiques pouvant être utilisées pour appuyer le processus d'évaluation des risques.
Je me dois de souligner qu'en 2013, une évaluation du risque officiel a été menée sur le saumon atlantique AquAdvantage d'AquaBounty. Les résultats, qui ont été publiés par Environnement Canada en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, démontrent avec une certitude raisonnable que le risque de dommages environnementaux et de répercussions indirectes pour la santé humaine est très faible.
Cela a permis aux promoteurs de procéder à l'élevage du saumon atlantique selon le scénario proposé: les oeufs sont produits dans la région de l'Atlantique, à Souris, à l'Île-du-Prince-Édouard, puis sont expédiés au Panama pour l'élevage du poisson, lequel est envoyé en Amérique du Nord pour y être vendu.
Le processus initial lancé en 2013 ne comportait pas un volet d'évaluation de la salubrité des aliments, mais Santé Canada a annoncé, il y a moins d'une heure, que l'entreprise avait obtenu l'autorisation de vendre du poisson transgénique au Canada. Le Canada est le premier pays au monde à autoriser l'élevage et la vente d'un animal génétiquement modifié destiné à la consommation humaine. J'ai participé activement au processus d'évaluation des risques, et c'est avec plaisir que je répondrai à toutes questions sur les particularités de cette évaluation, si cela vous intéresse.
L'autre projet sur le saumon atlantique auquel j'ai participé visait à étudier le potentiel d'hybridation entre le saumon atlantique élevé dans des installations d'aquaculture en Colombie-Britannique et le saumon du Pacifique. En résumé, l'étude a démontré que le risque était très faible.
Je vais en rester là. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions sur ces sujets ou sur tout autre sujet.
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Bonjour à toutes et à tous.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je me présente brièvement. Je m'appelle François Caron et je suis biologiste. En 1980, j'ai commencé à travailler pour le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec et mes travaux portaient sur le saumon.
Comme vous le savez probablement, depuis fort longtemps, c'est-à-dire depuis 1922, la gestion et la recherche sur le saumon au Québec sont du ressort du gouvernement de la province, mais il y a toujours la Loi sur les pêches, une loi fédérale, qui a un chapitre qui porte plus particulièrement sur le Québec .
J'ai débuté ma carrière de chercheur sur le saumon en établissant des rivières témoins où nous avons calculé annuellement combien de jeunes saumons, soit les saumoneaux, partaient en migration vers la mer et combien revenaient au cours des années subséquentes, soit après un an ou deux ans de migration en mer et parfois trois ans.
M. Gérald Chaput vous a expliqué que les stocks de saumon sont différents selon les régions. Une chose caractérise particulièrement les saumons au Québec. En effet, à l'exception des populations de saumon qui sont près du Labrador et qui ressemblent à celles de cette région, dans le reste du Québec, environ 25 % des saumons sont des madeleineaux, soit des saumons qui reviennent après une seule année en mer. Ceux-ci sont en grande majorité des mâles, alors que les femelles restent de deux à trois ans en mer avant de revenir se reproduire pour la première fois.
Ces caractéristiques ont beaucoup teinté la gestion du saumon au Québec. Depuis fort longtemps maintenant, nous avons pris des mesures supplémentaires pour protéger surtout les femelles, qui sont les grands saumons, en établissant les limites de conservation que l'on veut obtenir dans les rivières. On sait aussi, par les travaux que j'ai faits et que d'autres ont faits antérieurement, qu'une rivière peut accueillir un nombre limité de saumons puisque les jeunes doivent se nourrir pendant trois, quatre et parfois même cinq ans dans la rivière avant de la quitter.
Je compare souvent une rivière à un champ pour l'agriculture qui peut nourrir un nombre donné de moutons ou de vaches. Une rivière a aussi une capacité limitée de nourrir de jeunes saumons pendant les années où ils doivent rester dans une rivière avant de partir vers la mer. C'est une caractéristique très différente de la plupart des autres populations de saumon. Par exemple, dans le cas du saumon du Pacifique, certaines populations quittent la rivière quelques jours seulement après que les oeufs aient éclos.
Mes travaux ont démontré surtout qu'il y a eu un changement très important relativement à la survie des saumons en mer à partir du début des années 1990. En effet, les rivières ont continué à produire un nombre relativement constant de saumoneaux, mais la quantité de saumons qui revenaient a diminué de façon importante. Si on observe cela de façon un peu plus large, ce phénomène n'est pas unique au Québec et n'est pas unique non plus à l'Amérique du Nord. Ce phénomène s'est fait sentir dans toutes les populations de saumon du monde. D'autres espèces, par exemple la morue, ont subi des revers très importants au début des années 1990.
Je suis disposé à répondre à vos questions, mais auparavant, j'aimerais souligner certaines caractéristiques du système de gestion du saumon au Québec. Dans la plupart des rivières importantes, le saumon est géré par ce qu'on appelle des zones d'exploitation contrôlée. C'est assez unique au Québec. Ces organisations locales réclament quotidiennement une certaine somme d'argent aux gens qui viennent pêcher dans une rivière.
Avec cet argent, elles vont engager des agents pour assurer la protection du saumon durant la période de pêche. Cela semble être un mode de fonctionnement très apprécié et très efficace. La conservation est assurée par ces agents dont les salaires sont défrayés par les pêcheurs qui viennent pêcher dans les rivières.
Il y a énormément de retombées économiques dans les régions où on pratique la pêche au saumon. C'est une pêche de luxe qui coûte cher, mais elle intéresse encore beaucoup les gens. Il y aura toujours une gestion appropriée pour s'assurer d'abord de la conservation des stocks avant de permettre l'exploitation.
Ce sont là mes remarques préliminaires. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de comparaître au Comité. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici aujourd'hui, étant donné vos vastes connaissances. La première question s'adresse à Morris Green.
Morris, nous nous connaissons déjà et nous avons eu de nombreuses discussions sur le saumon. Vous avez des connaissances approfondies sur le saumon de la rivière Miramichi, son histoire et son comportement. Vous avez écrit deux magnifiques livres à ce sujet, comme nous le savons. Je suis donc très heureux de vous accueillir ici aujourd'hui.
Nous avons peu de temps, mais je vais essayer de poser deux ou trois questions aux divers témoins. Je vais commencer par vous, monsieur Green. Vous êtes au courant des diverses interventions que nous avons faites au fil des ans, en particulier sur la rivière elle-même. Y a-t-il un aspect qui nous échappe? A-t-on négligé un élément quelconque ou y a-t-il quelque chose, à votre avis, qui favoriserait la conservation et la croissance de la population de saumon de la rivière Miramichi?
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Je ne voudrais pas laisser entendre que le Québec n'a pas souffert du déclin du saumon. Il en a souffert également.
De façon très générale, dans la région de l'Atlantique Nord, autant du côté européen que du côté canadien, les populations de saumon qui ont le plus souffert sont celles qui sont situées dans le Sud de l'habitat.
Autrefois, il y avait des saumons aux États-Unis. Au début de la colonie, il y avait des saumons jusqu'à New York. Maintenant, les populations sont disparues dans le Sud et elles sont en difficulté aux États-Unis et dans la baie de Fundy. On voit que les populations du Sud sont celles qui ont le plus souffert.
Au Canada, le Québec ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador s'en tirent bien. Je ne voudrais pas attribuer cela seulement à la gestion de l'espèce. Toutefois, comme je l'ai dit lors de ma présentation, je crois que la protection des rivières à saumon est bien faite au Québec. Je pense que c'est une combinaison de ces éléments qui fait que la situation est bonne à cet égard.
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La première chose que je ferais serait de créer le groupe de travail dont j'ai parlé, parce que je pense que nous pouvons le faire immédiatement, et je pense que c'est quelque chose que nous devrions faire immédiatement.
Ce groupe de travail pourrait ensuite s'attaquer aux problèmes les plus faciles à régler dans l'immédiat, dont la protection des fosses à saumon. À titre d'exemple, la baisse du nombre de scientifiques au MPO a été suivie d'une réduction du nombre d'agents des pêches. Personne n'a été épargné par ces compressions.
Comme je l'ai indiqué, je me souviens que lorsque j'ai commencé à pratiquer la pêche à la ligne sur cette rivière, il y avait, à Nelson Hollow, trois fosses à saumon sur une très courte distance. Il y avait là deux gardiens; on ne savait jamais où ils se trouvaient exactement, mais ils surveillaient les fosses. L'été, dans une de ces fosses — nommée Big Hole Brook —, il pouvait y avoir jusqu'à 5 000 saumons en eau chaude. Maintenant, il n'y a plus de gardiens à proximité; ils patrouillent le long des routes, loin des rivières.
La protection de saumon serait un aspect, mais nous pourrions aussi faire d'autres choses. Nous pouvons immédiatement intensifier les recherches sur les façons de maintenir l'eau des rivières à des températures plus froides. La MSA a lancé des programmes à cette fin. On mène un projet d'imagerie thermique de la rivière.
Un autre aspect dont il faut tenir compte, c'est que la rivière grossit, car elle est alimentée par diverses sources tout au long de son parcours. Dans le bassin en amont de la rivière Miramichi, près du lac McKeel, il y a une source dont l'eau est si froide qu'on peut y faire geler du beurre. Cette source, cette eau de source, alimente la rivière Miramichi. Il faut protéger cette source et interdire toute coupe à proximité ainsi que dans la bande tampon qui permet l'écoulement de l'eau jusqu'à la rivière. Voilà une autre mesure qui peut être prise immédiatement
Il y a donc ces deux mesures, à mon avis. Il y en a d'autres, mais ces deux-là figurent parmi les premières mesures que je mettrais en place.
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Merci, Monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être venus au Comité pour discuter de cet important sujet, le saumon atlantique sauvage.
En 2015, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a publié un rapport en trois parties sur l'aquaculture. J'aimerais lire deux citations de ce rapport.
Dans son témoignage au Comité lors de la séance du 12 mai 2016, M. Bill Taylor, de la Fédération du saumon atlantique, a indiqué que « le nombre de saumons sauvages vivant dans les rivières à proximité des élevages de saumon a décliné de façon beaucoup plus marquée ».
M. Jeffrey Hutchings, de l'Université Dalhousie, a souligné qu'étant donné que la population de saumons sauvages a atteint un niveau très bas, elle est beaucoup plus vulnérable aux impacts de l'aquaculture.
Monsieur Cunjak, pourriez-vous nous dire quels sont, selon vous, les impacts de l'aquaculture sur le saumon sauvage, et nous indiquer si vous êtes favorable soit à un moratoire, soit à l'expansion de l'aquaculture en enclos ouverts dans votre région?
En vérité, l'évaluation des risques comporte plusieurs aspects. Par souci de clarification, rappelons que Pêches et Océans interagit avec Environnement Canada, qui est l'une des principales parties concernées par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Les autres sont Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Pêches et Océans n'est pas directement visé par le Règlement de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, mais Environnement Canada nous a demandé de faire une évaluation des risques en raison de notre engagement concernant les systèmes aquatiques.
Un certain nombre de recherches et de processus d'évaluation sont en cours. La principale chose qui a été faite pour évaluer les risques a été d'évaluer l'exposition, c'est-à-dire les probabilités que ce poisson génétiquement modifié puisse se retrouver dans les voies d'eau canadiennes. Les autres aspects considérés étaient la possibilité de problèmes indirects pour la santé humaine et, ce qui est peut-être le plus important, la possibilité de risques environnementaux.
Du premier côté de l'équation — l'exposition —, il y a eu une évaluation extrêmement minutieuse de l'installation de l'Île-du-Prince-Édouard où sont produits ces animaux. Je rappelle qu'AquaBounty a l'intention d'élever ce saumon à l'Île-du-Prince-Édouard jusqu'au stade de l'oeuf embryonné, puis de déménager ces organismes à Panama pour qu'ils y terminent leur croissance, puis de ramener les poissons non vivants au Canada et aux États-Unis pour les vendre. La grande question était de vérifier s'il y avait une possibilité que ces animaux s'échappent de l'installation de l'Île-du-Prince-Édouard, et une analyse extrêmement soigneuse du mode de défaillance a été réalisée à cette fin.
On a constaté qu'il y avait de trois à six différents contrôles de confinement à tous les endroits de cette installation où des organismes pourraient être « échappés ». En raison de cela, la décision d'un comité soumis à une révision par les pairs à qui l'on avait confié cette évaluation des risques a établi que le risque de pénétration de ce poisson dans les voies d'eau canadiennes était négligeable. « Négligeable » signifie qu'il n'y aura aucun poisson dans les voies d'eau canadienne.
Voilà en ce qui concerne l'exposition. De l'autre côté, il y a les risques indirects pour la santé humaine, ce qui nécessite un examen de la possibilité que des agents pathogènes ou allergènes aient une incidence sur les humains. Les risques à cet égard ont également été jugés très faibles. Il n'y avait pas de données scientifiques pour soutenir ce risque. En ce qui concerne les dangers possibles pour l'environnement, le potentiel de dommage comprenait cinq ou six composantes: le saumon de l'Atlantique, les prédateurs, les proies, les compétiteurs, l'habitat, etc. Or, le risque en la matière a été jugé très élevé.
Ces deux composantes — l'exposition et l'évaluation des dangers — ont été fusionnées et la détermination finale a été que le risque était faible. Ce qui a été déterminant, c'est le fait que les poissons ne pénétreront pas dans le système aquatique en raison des mesures de confinement en place au centre de production et seulement à ces conditions très précises.
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C'est probablement une combinaison de toutes ces réponses.
Encore une fois, je vais en quelque sorte taper sur le même clou. J'ai la certitude qu'un groupe de travail serait en mesure de mettre toutes ces choses en perspective et de les aborder dans l'ordre de priorité qui convient. Je suis convaincu que c'est le moyen définitif de régler ce problème d'au moins deux façons. Tout d'abord, la constitution de ce groupe envoie un message clair à la communauté des gens qui s'intéressent au saumon, soit que le Canada prend de nouveau cette question au sérieux. En 1971, il y avait un ministre fédéral qui s'appelait Jack Davis, un diplômé d'une école de Kamloops. Ce M. Davis est ensuite devenu un boursier de la fondation Cecil Rhodes. En quatre mois, il a fait à lui seul plus que tout autre ministre avant lui — et je dirais même, depuis lui — pour promouvoir la conservation du saumon au Canada. Si vous voulez connaître l'historique du secteur de la conservation, je vous recommande de lire mon livre, 160 Years of Salmon Stories ou, si vous préférez, 160 ans d'histoires de saumon. Soit dit en passant, tous les profits sont versés au Musée du saumon de l'Atlantique. Dans ce livre, je parle de la vie de Wilfred Carter et de Jack Fenety, des gens qui se sont battus aux premières lignes, des géants de la conservation. Je décris ce qu'ils ont fait et j'explique comment les choses ont progressé.
Pour moi, Jack Davis est le plus grand héros que le saumon de l'Atlantique n'a jamais eu. Il y a aussi John Fraser; et John Crosbie. Ces personnes se sont tenues debout quand il était important de le faire, et ils ont influencé le cours des choses. Les ministres qui se tiennent debout peuvent changer le cours de choses, et c'est la raison qui me fait croire que si le ministre Tootoo décide de créer ce groupe de travail, il se tiendra lui aussi debout, et l'on parlera encore de lui dans 50 ans comme de quelqu'un qui a changé le cours de choses.
Au cours de ces années, des chercheurs du ministère des Pêches et des Océans, des océanographes, ont démontré que dans la mer du Labrador en particulier, soit dans les zones d'hivernage du saumon et d'autres espèces comme la morue, les températures de l'eau avaient été anormalement froides pendant plusieurs années consécutives. Cela a eu un effet très important sur la survie des poissons qui étaient là durant l'hiver. Depuis, il y a eu un rétablissement de la température de l'eau.
Si vous regardez les diagrammes de température partout au Canada, vous allez souvent voir que l'eau du courant de la mer du Labrador est souvent plus froide que celle des autres régions. Les climatologues attribuent cela à une fonte plus rapide des glaciers dans le Nord, ce qui va influencer et faire circuler davantage d'eau froide dans la mer du Labrador.
Toutefois, ce n'est pas le seul facteur à considérer. En mer, il y a eu d'autres changements. Les gens vont vous parler de l'augmentation des prédateurs comme les phoques. Les populations de phoques du golfe sont passées d'environ un million à six, sept, huit, voire près de dix millions. Bien sûr, les phoques ne mangent presque pas de saumon. C'est très rare. Si chaque phoque mangeait un saumon dans une année, il n'y en aurait plus. En fait, la quantité de saumons capturés par ces derniers est très faible.
Ces changements océanographiques n'ont pas seulement affecté le saumon et la morue, mais il y a eu l'apparition et la disparition d'espèces de plancton. Des changements énormes sont observés. On peut présumer que les changements climatiques qui ont lieu à l'échelle du globe ont eu un effet sur l'océan et sur les espèces qui y vivent. J'entends de plus en plus de chercheurs en parler. Hier, des chercheurs ont présenté un rapport sur les oiseaux qui sont en difficulté en Amérique du Nord. C'est le cas, en particulier, pour les oiseaux marins. Je pense que les oiseaux et les poissons sont affectés par les changements climatiques qui touchent l'océan.
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Il s'agit d'une approche de gestion qu'on a mise en place depuis une trentaine d'années. Pour être en mesure de le faire, il faut pouvoir évaluer l'abondance des saumons à la fin de la saison et calculer à nouveau combien de saumons sont revenus dans les rivières. Cette possibilité est facilitée dans la plupart des rivières du Québec par le fait que l'eau est très claire. Par exemple, à l'automne, il est possible de compter le nombre de saumons dans les rivières, ce qui constitue un avantage.
Pour chacune des rivières, on a fixé le nombre de reproducteurs qu'on voulait avoir à la fin de la saison. Par la suite, on a évalué, à la fin de l'année, si on a atteint ce résultat. Pour certaines rivières, on va également évaluer durant l'été si la montaison se produit de façon normale pour qu'on puisse atteindre cet objectif. De plus, au besoin, on ajuste l'exploitation durant la saison. Par exemple, lorsque j'étais au ministère, à certaines occasions à la mi-juillet, après le décompte des saumons et si on voyait qu'on serait à court de géniteurs pour assurer le plein potentiel de la rivière, on prenait des mesures restrictives. Cela voulait dire moins de captures et la remise à l'eau des grands saumons lorsque leur pêche était permise dans ces rivières, et ce, de façon à les protéger et à atteindre les objectifs qui avaient été établis.
Certaines années ont été difficiles. Par exemple, ce fut le cas en 2014. L'objectif n'a pas été atteint à la fin de cette année-là. Cependant, dans la plupart des cas, cela a beaucoup aidé à atteindre les objectifs.
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Cela peut dépendre un peu de l'impulsion politique qui est donnée au dossier, parce que je crois qu'il est important d'avoir la volonté de faire du saumon de l'Atlantique une priorité.
Je vais vous proposer une mesure qui pourrait être prise immédiatement. Une des choses qui m'ont vraiment troublé, c'était le retrait des protections de nos rivières sous le gouvernement précédent. Je comprends pourquoi on l'a fait. Je comprends le raisonnement, mais en même temps, nous aurions pu corriger le problème en nous penchant sur cette exception particulière, au lieu d'enlever toutes les protections que le gouvernement fédéral accordait aux rivières. Voilà une chose que nous pourrions faire assez rapidement.
Je le mentionne parce que, comme je l'ai dit, j'ai consacré une bonne partie de ma vie à la conservation du saumon de l'Atlantique sous une forme ou une autre, et cette modification m'a vraiment déchiré le coeur. Il n'y avait rien à faire, à part rester les bras croisés. C'est donc là un premier aspect.
Je crois qu'il y a d'autres questions que nous pourrions régler tout aussi rapidement. Le groupe de travail dont je vous parle aurait, bien entendu, des objectifs à court, moyen et long terme. Parmi les paramètres à court terme, il y a certaines mesures que le groupe de travail pourrait prendre. On peut notamment collaborer avec les ONG qui sont disposées à dépenser des millions de dollars pour aider à protéger le saumon et à en rétablir la population. Commencez par prendre ce genre de mesures. Éliminez les cloisons. Collaborez avec les provinces, faites-les participer comme avant et commencez à gérer chaque rivière, à l'instar du Québec.
Par exemple, les rivières en Nouvelle-Écosse sont touchées par un véritable problème à cause des pluies acides. On ne trouve pas de calcaire dans leur fond, et c'est ce qui aurait permis de neutraliser les effets des pluies acides. Il faudrait donc prendre certaines mesures d'atténuation à cet égard. En 1993, j'ai assisté à un colloque sur la pêche à la mouche à Kamloops, en Colombie-Britannique, à l'occasion duquel j'ai parlé de la conservation du saumon au Nouveau-Brunswick. Il y avait aussi un gars de la Virginie qui a parlé d'une rivière de sa localité, laquelle traversait une région houillère, et il célébrait le fait que son équipe avait introduit assez de calcaire dans la rivière l'année précédente pour permettre à un poisson commun de survivre dans ce cours d'eau. Une belle rivière avait été détruite à cause des ruissellements acides en provenance de la mine de charbon. Ici, nous avons ces magnifiques rivières immaculées, et tout ce que nous essayons de faire, c'est d'y ramener les poissons en nombre suffisant. Nous devrions donc régler ces questions.
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Merci. Je sais que le Comité consultatif ministériel en a parlé et qu'il a appuyé les efforts continus dans ce sens. Je n'aborderai pas la question des eaux navigables, c'est-à-dire la question de savoir si elles dépouillent les rivières de toutes leurs protections. Ce sera pour une autre fois.
Je voudrais parler des phoques. Nous avons entendu aujourd'hui quelques observations contradictoires sur la question de savoir si cela devrait constituer un sujet de préoccupation. Je crois que l'argument est valable. S'il y a 10 millions de phoques et qu'ils ne tuent pas tous les saumons, alors ils ne posent peut-être pas de problème. Pourtant, nous avons entendu des témoignages selon lesquels les phoques seraient des prédateurs, dans certains cas. On devrait peut-être examiner cette question d'une rivière à l'autre, d'une région à l'autre.
De nos jours, on aime parler favorablement de la chasse au phoque durable. Pourtant, s'il y a 10 millions de phoques, je doute qu'il existe un marché pour une telle quantité. Dans les législatures précédentes, d'autres comités avaient, en fait, recommandé un abattage sélectif. Je sais que nous n'aimons pas en parler, mais je crois que nous devons avoir ici une vraie discussion sur les mesures qui s'imposent.
Je vais peut-être céder la parole à M. Cunjak ou à M. Green, qui ont évoqué la question, je crois. Il est peut-être difficile d'en parler politiquement, mais la science appuie-t-elle suffisamment la chasse au phoque durable, ou devons-nous adopter une approche plus dynamique que cela?
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Je ne pense pas que les gens ici réclament le même modèle que celui du Québec. Ils demandent plutôt au ministère d'examiner, à l'intérieur de son plan de gestion, chaque rivière à part entière. Par exemple, le réseau hydrographique de la rivière Miramichi comporte quatre bras. Nous trois vivons près des rivières Miramichi Sud-Ouest, Miramichi Nord-Ouest et Cains, un affluent du bras principal sud-ouest de la Miramichi.
Dans le bras principal sud-ouest de la Miramichi, on trouve une assez grande population de madeleineaux en santé, dont 90 % sont des mâles. Ils ne sont pas vraiment nécessaires pour le frai du saumon femelle pluribermarin. Nous pourrions autoriser les pêcheurs à garder un ou deux de ces madeleineaux, comme nous le faisions auparavant, pour encourager la participation locale, l'intérêt local envers la rivière, la protection de celle-ci, etc. — des arguments que vous avez déjà entendus —, mais nous ne pourrions pas accorder les mêmes privilèges dans les deux autres bras de la rivière, parce qu'on y trouve moins de poissons.
La rivière Miramichi Nord-Ouest, en particulier, a connu de graves problèmes au fil des ans. À deux reprises dans son histoire, dans les années 1960 et 1980, il y a eu un effondrement de digues d'exploitation minière de Heath Steele Mines, qui a décimé la population entière de poissons en un seul après-midi. Cette rivière a dû être restaurée presque roche par roche, larve par larve, etc. C'est un problème particulier de la rivière Miramichi Nord-Ouest. Au fil des ans, les gens ont essayé de le rétablir, et ils ont eu un certain succès.
Nous devrions donc miser sur une gestion rivière par rivière, et ce travail devrait s'inscrire dans la politique de gestion globale envisagée par le ministère des Pêches et des Océans.
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Merci, monsieur le président.
Notre comité a entendu un certain nombre de témoins, notamment M. Jim Irving, qui a fait référence aux 2 300 études réalisées sur le saumon sauvage de l'Atlantique. Il nous a proposé de les examiner et de nous inspirer de leurs recommandations.
Monsieur Green, je vous remercie de vos recommandations également et de votre adhésion à l'idée que le ministère établisse un groupe de travail sur le saumon sauvage de l'Atlantique, au sujet duquel une question a été posée plus tôt.
Tout d'abord, je veux lire un autre commentaire de M. Bill Taylor, de la Fédération du saumon Atlantique.
Lors de son témoignage devant le comité sénatorial, il a indiqué que le MPO devrait adopter une approche similaire au modèle de gestion rivière par rivière du Québec.
M. Kevin Stringer, du MPO, a pour sa part déclaré que « le Québec fonctionne en grande partie de cette façon. C'est un système complexe et coûteux qui requiert la participation d'ONG ».
Je me demande, monsieur Green, si vous pouviez, dans vos recommandations, dont vous venez de parler, nous expliquer si vous pensez que le ministère devrait affecter le genre de ressources nécessaires pour assurer la gestion rivière par rivière ou si vous êtes d'accord, comme je pense que vous l'avez indiqué. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des dépenses et des ressources nécessaires pour rendre le système efficace?
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Ce qui est remarquable à propos des pêcheurs de saumon, c'est leur dévouement total à l'égard de l'espèce et de son rétablissement. Nombre d'entre eux ont passé un nombre incalculable d'années à appuyer bénévolement les projets qui sont lancés et à profiter de toutes les occasions qui se présentent d'essayer d'aider le saumon. Voilà les personnes dont je parle.
Je parle aussi des groupes de gestion des rivières et des comités de bassins hydrographiques qui s'occupent de certaines rivières. Je parle d'organisations comme la Miramichi Salmon Association, la Northumberland Salmon Protection Association, la Fédération du saumon Atlantique ou le Conseil du saumon du Nouveau-Brunswick. Le fleuve Saint-Jean et les rivières Kennebecasis, Tobique et Restigouche ont tous des groupes qui sont prêts à intervenir et à accomplir une bonne part du travail. Les coûts ne sont donc peut-être pas aussi élevés que vous pourriez le croire.
Quand j'étais ministre, j'avais des bénévoles aux quatre coins de la province pour nettoyer les cours d'eau et ramasser les déchets. Le ministère se contentait d'acheter des sacs à ordures et des T-shirts, et pour quelques milliers de dollars, nous nettoyions les rivières pour les remettre dans un état dont nous avions vraiment raison d'être fiers. Ce sont des groupes comme la Moncton Fish and Game Association qui ont lancé l'initiative sur le North Pole Stream.
Les gens sont là, prêts à se mettre au travail. La seule chose dont ils ont besoin, c'est que quelqu'un leur donne une impulsion, et c'est au gouvernement fédéral de le faire. Le groupe de travail dont je continue de parler devrait être à la tête de l'initiative.
Monsieur Green, juste pour vous rassurer, l'article 35 de la nouvelle Loi sur les pêches est toujours en place avec les mesures de protection de l'habitat. On avait poussé les hauts cris dans les régions rurales du pays quand les agents des pêches inspectaient les tranchées de drainage de chaque agriculteur en vertu de l'ancienne loi. À dire bien franchement, l'effet sur la production de poissons était minime. Nous avons modifié la loi pour mettre l'accent sur les activités de pêches qui concernent l'être humain. L'article 35 est donc toujours là.
Monsieur Cunjak, le Programme de partenariats relatifs à la conservation des pêches récréatives a pu voir le jour parce que nous avons modifié la Loi sur les pêches.
Je suis certain, monsieur Green, que vous connaissez la Miramichi Salmon Association. Nous avons travaillé avec Stephen Tonning et Mark Hambrook, qui ont accompli un travail extraordinaire en utilisant les fonds pour créer un refuge en eau froide, éliminer les barrages de castors sur les affluents et prendre d'autres mesures. Nous avions une foi inébranlable à l'égard des efforts de conservation sur le terrain menés en partenariat avec des groupes locaux.
Environ 800 projets ont été réalisés dans le cadre du Programme de partenariats relatifs à la conservation des pêches récréatives au Canada.
J'aimerais donner suite aux excellentes questions de M. Hardie sur la gestion adaptative.
J'ai devant moi le rapport du comité du saumon sauvage, selon lequel le stock de bars rayés atteint 250 000 poissons. Or, une étude montre que certains échantillons de poissons contenaient d'un à six saumoneaux.
Monsieur Cunjak, le taux de prédation de quelque 10 % que vous avez évoqué a beaucoup plus d'incidence lorsque la population est faible. Quel mal y aurait-il à mener une expérience sur le terrain afin de faire passer la population de bar rayé de 250 000 à 100 000 poissons, un nombre que je crois être quatre fois plus élevé que celui observé quand on a envisagé d'inscrire ce poisson sur la liste des espèces en péril? Quel inconvénient y aurait-il à mener une expérience concrète sur le terrain?