[Français]
Je tiens à remercier le Comité d'entreprendre une étude sur le saumon sauvage de l'Atlantique et d'avoir invité l'Association de gestion halieutique autochtone Mi'gmaq et Malécite, ou l'AGHAMM, à comparaître ce matin.
En tant que directrice générale de l'AGHAMM et biologiste de formation, je vais tenter du mieux possible de partager avec vous l'importance de s'attarder aux enjeux liés à la saine gestion et à la conservation du saumon atlantique, une espèce au coeur de l'identité des peuples micmacs et malécites.
Je vais d'abord présenter brièvement notre organisation, pour ensuite partager avec vous certains résultats de notre étude complétée cette année sur les savoirs écologiques micmacs et malécites sur le saumon atlantique. Je vais terminer en soulignant certains enjeux et préoccupations face à la gestion et à la conservation de cette population.
L'AGHAMM est un organisme à but non lucratif créé en 2012 via le Programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques — le PAGRAO — du ministère des Pêches et des Océans. Nous sommes issus de trois Premières Nations situées dans les régions administratives de Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent, au Québec, soit les Micmacs de Gesgapegiag, la Nation Micmac de Gespeg et la Première Nation Malécite de Viger.
La mission de l'AGHAMM est de promouvoir la gestion durable et la conservation des écosystèmes aquatiques et océaniques sur le territoire et les zones d'activité de nos communautés membres, tout en favorisant leurs intérêts et leur participation dans les processus de cogestion.
L'AGHAMM constitue un pôle d'échange et de concertation pour ses membres, tout en favorisant le développement, l'autonomie et l'innovation halieutiques micmaques et malécites, ainsi qu'en privilégiant l'intégration des connaissances traditionnelles autochtones à l'approche scientifique.
En 2013, nous avons entamé un projet de recherche visant à documenter les connaissances traditionnelles micmaques et malécites sur 14 espèces en péril du Saint-Laurent marin. Un total de 28 participants de nos trois communautés membres ont participé à l'étude. Ils avaient été sélectionnés ou recommandés en raison de leurs connaissances sur les espèces à l'étude. Parmi ces espèces figurait le saumon atlantique, aussi nommé plamu en langue micmaque ou polam en malécite.
Notre étude a démontré que le saumon atlantique est au coeur de la culture des peuples micmacs et malécites, caractérisé comme étant un lien vital avec la culture, un mode de vie et même un moyen de survie dans les réserves, selon certains répondants.
Le saumon atlantique a toujours fait partie intégrante de l'alimentation des Micmacs. Selon notre étude, ce poisson est principalement utilisé à des fins de consommation à Gesgapegiag et à Gespeg. La plupart du temps, il fait l'objet d'un partage au sein de la communauté ou entre la parenté, les amis et les aînés. Le saumon est partagé notamment lors des cérémonies traditionnelles, par exemple les pow-wow.
La majorité des participants à notre étude ont appris à pêcher le saumon à un très jeune âge grâce à leur famille et à leurs proches. Les rivières où le saumon atlantique est pêché par nos participants sont nombreuses: la rivière Cascapédia, la petite rivière Cascapédia, la rivière Nouvelle, la rivière Bonaventure, près de Gesgapegiag, les rivières Malbaie, Saint-Jean, York et Dartmouth, près de Gespeg, ainsi que les rivières Rimouski et Mitis, dans le Bas-Saint-Laurent, entre autres.
Les observations des participants concernant le statut de la population varient selon les rivières et les périodes. De façon générale, des déclins importants ont été observés dans plusieurs rivières au cours des dernières décennies.
Lors de notre étude, de nombreux enjeux de conservation et des recommandations de gestion ont été soulevés par les participants, et j'aimerais vous les présenter.
D'abord, les pratiques forestières devraient faire l'objet d'améliorations importantes et d'une surveillance plus rigoureuse afin de préserver l'habitat du saumon, car ces pratiques sont liées à l'envasement des fosses et des frayères, au ruissellement ainsi qu'aux crues soudaines causées par la fonte des neiges.
De plus, encore en lien avec l'habitat, nous pensons aux embâcles et aux obstacles à la montaison des saumons, qui devraient être répertoriés et aménagés pour permettre aux saumons de suivre leur cours migratoire.
Le troisième enjeu concerne les risques liés à la surpêche dans les rivières mais aussi dans les océans. La surpêche qui devrait faire l'objet d'une surveillance accrue. J'aimerais mentionner ici la pêche commerciale au saumon sauvage de l'Atlantique au Groenland, par exemple, dont l'ampleur a certainement un effet négatif sur la population de saumons.
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J'étais rendue à la troisième recommandation en matière de gestion. Je vais donc continuer.
Il s'agit des risques reliés à la surpêche dans les rivières, mais aussi dans les océans. Cette surpêche devrait faire l'objet d'une surveillance accrue. J'aimerais mentionner la pêche commerciale du saumon sauvage de l'Atlantique, notamment au Groenland, dont l'ampleur a certainement un effet négatif sur la population de saumon ici. À ce sujet, il est conseillé d'adopter une gestion intégrée de cette espèce, aussi bien à l'échelle provinciale, que fédérale et internationale, avec une place pour les Premières Nations à tous ces niveaux, et ce, afin de déterminer des seuils de capture compatibles avec la conservation des salmonidés.
Concernant la méthode de pêche avec remise à l'eau, celle-ci a été décriée par plusieurs, qui la considèrent comme une cause importante de mortalité, de maladie et de vulnérabilité chez les saumons. Plusieurs saumons sont retrouvés morts le long des berges après avoir été capturés et remis à l'eau dans le cadre de la pêche dite sportive ou récréative. Les effets de la remise à l'eau sur les saumons devraient être vus et analysés sérieusement.
Le cinquième point traite de la prédation attribuable notamment au phoque, mais aussi au bar rayé. Tous deux sont en croissance dans la région. L'AGHAMM a d'ailleurs entamé l'été dernier une étude sur la présence et la distribution des bars rayés adultes le long du littoral sud gaspésien afin de mieux cerner l'ampleur du phénomène.
Quant aux maladies qui affectent les saumons de certaines rivières, il y a possiblement un lien à faire avec la contamination de l'eau et les changements climatiques, dont les effets sur le saumon sont encore méconnus.
En ce qui a trait au septième point, je voudrais mentionner les espèces envahissantes. Certains participants ont parlé de la truite arc-en-ciel, qui a été introduite dans certains cours d'eau et qui représente une menace potentielle pour les tacons.
Le huitième point traite des accords de pêche. Les Micmacs de Gesgapegiag ont conclu une entente avec le gouvernement provincial afin de mettre fin temporairement à la pêche alimentaire, sociale et rituelle, de façon à faciliter la croissance de la population de saumon dans la rivière Cascapédia. Cet accord semble avoir porté fruit, mais aujourd'hui, plusieurs membres de la communauté aimeraient renouer avec la pêche au saumon, qui représente un élément fondamental du régime alimentaire traditionnel et du mode de vie des Micmacs. Des efforts devraient être déployés pour faciliter la reprise et la poursuite de cette activité traditionnelle.
Enfin, je vais mentionner la sensibilisation aux droits des peuples autochtones. Dans le cadre de notre étude, il a été souligné que des efforts de sensibilisation étaient nécessaires afin de permettre à la population générale de mieux comprendre et d'accepter les droits des Premières Nations pour ce qui est de pêcher le saumon sauvage de l'Atlantique.
À ces recommandations et enjeux mentionnés dans le cadre de notre étude, je me permets d'ajouter deux enjeux, dont les hydrocarbures. À cet égard, les activités d'exploration et d'exploitation risquent de détruire et d'endommager sérieusement les aires d'alimentation en mer des saumons avant leur retour en rivière pour le fraie.
Il y a aussi le saumon atlantique génétiquement modifié, un produit d'aquaculture qui a été approuvé le printemps dernier par Santé Canada et qui sera le premier animal génétiquement modifié à se retrouver dans nos épiceries. Cette approbation a eu lieu à l'insu des peuples autochtones, sans consultation et, selon nous, sans que les risques pour les populations de saumon sauvage aient été évalués. Il ne suffirait que d'un seul accident pour qu'il se produise, par mégarde, une contamination génétique des saumons de l'Atlantique. Pour ces points, je crois que le gouvernement fédéral aurait intérêt à faire preuve de beaucoup plus de prudence en ce qui a trait aux répercussions possibles, non seulement sur le saumon, mais aussi sur l'ensemble de nos écosystèmes.
Je vais conclure en citant M. Terry Shaw, de Gespeg, qui a participé à notre étude et qui est aussi un administrateur de l'AGHAMM:
Cette espèce revêt une signification symbolique pour nos traditions et pour notre identité en tant que communauté autochtone. Mes ancêtres se sont nourris de ce poisson durant plusieurs générations et notre peuple s'en nourrit encore aujourd'hui [...] Je crois qu'il est de notre responsabilité et de notre devoir de s'assurer que la population de saumon demeure présente et accessible, car pour moi, il s'agit d'une espèce qui incarne une valeur culturelle et qui nous représente en tant qu'Autochtones.
Ainsi, comme vous le voyez, le saumon sauvage de l'Atlantique est intimement lié à la culture et au mode de vie de nos communautés Micmacs et Malécites. Plusieurs facteurs menacent cette population, mais des solutions existent afin d'assurer le futur de cette espèce aujourd'hui, ainsi que dans les futures générations.
Merci beaucoup.
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Merci de m'avoir invité; je l'apprécie. J'ai reçu l'invitation tard hier après-midi, et nous avons donc dû nous précipiter pour réunir des renseignements. Cependant, nous avons déjà eu des conversations avec M. Finnigan, et nous le remercions de nous avoir écoutés plus tôt. J'ai hâte de partager certains de ces points avec le reste du Comité aujourd'hui.
Le Miramichi River Environmental Assessment Committee est actif dans la région de la rivière Miramichi depuis 1998. Nous avons depuis longtemps des activités au niveau de cette rivière. Nous observons avec des outils scientifiques très crédibles depuis ce moment-là non seulement le système d'eau douce, mais aussi l'estuaire de la Miramichi, qui est un grand système estuarien très fertile ou l'a été par le passé à tout le moins.
Nous avons remarqué quelque chose au cours de cette période, et ce n'est pas surprenant, qu'avec l'effondrement de l'industrie... Nous avons eu l'extraction des métaux de base sur la Tomogonops et cela a plus ou moins disparu du bassin hydrographique maintenant. De fait, on peut dire que c'est complètement disparu. Nous avons eu l'industrie des pâtes et papier, qui s'est effondrée au cours des 27 dernières années. Disons que nous parlons de cette période à peu près. Cette industrie a maintenant disparu. Nous avons eu d'autres grandes industries qui se sont effondrées également et qui ont toutes eu un apport dans la rivière qui a été mesuré par le passé. Ces impacts ont presque entièrement disparu.
Du côté positif sur le plan de l'environnement, tous ces effondrements d'industrie sont bien sûr positifs pour l'environnement dans son ensemble, parce que nous n'en subissons plus les retombées importantes. J'ajoute à cela que nous avons deux nouvelles usines de traitement des eaux d'égout, la plus grande pour le côté nord et le côté sud de la ville de Miramichi. Ces usines ont été mises en service au cours de cette période.
Avec cela, on penserait que toutes ces choses réduiraient l'impact sur notre bassin hydrographique, et c'est un grand bassin hydrographique. Le bassin hydrographique de la Miramichi représente 23 % de la superficie de la province. C'est un très grand bassin hydrographique. C'est le plus grand bassin hydrographique intact de toute la province du Nouveau-Brunswick.
On penserait que ces changements entraîneraient une véritable augmentation des stocks vivriers de base, des stocks de poisson, et que l'amélioration environnementale serait visible. Et sur plusieurs plans, elle l'est.
Cependant, nous avons examiné cela sur plusieurs années, et nous ne voyons pas ce à quoi on pourrait s'attendre. Il faut se demander pourquoi. Nous avons eu l'honneur en 1996 d'être les hôtes de l'atelier « Water, Science, and the Public: The Miramichi Ecosystem ». C'était un atelier scientifique, et M. Michael Chadwick en a été le réviseur, produisant un document dans la série Publications spéciales canadiennes des sciences halieutiques et aquatiques. Il est disponible, bien sûr, en tant que document technique.
Nous avons étudié l'état de l'environnement durant cette période. Nous avons entendu des exposés de scientifiques venant de partout dans la région atlantique du Canada, d'organismes fédéraux, d'organismes provinciaux ainsi que d'universités et de collèges, sur le sujet. C'est un regroupement de tous ces exposés. Nous avons constaté, même à l'époque, qu'il y avait eu une baisse des stocks de certaines espèces. Nous avons produit un rapport sur l'état environnemental en 2007. Ce rapport examinait l'état actuel et tenait compte de toutes les circonstances d'effondrement d'industrie et de ralentissement économique, ce que l'on penserait qui améliorerait le rendement environnemental, mais cela n'a pas été le cas.
Toutes ces choses s'accumulant, nous avons ensuite eu une interruption de 10 ans des activités scientifiques pour les raisons dont vous vous doutez probablement. Il n'y a pas eu, au cours des 10 dernières années environ, un grand nombre d'activités scientifiques menées par le gouvernement fédéral, surtout, dans ce bassin hydrographique, et surtout dans l'estuaire. Tenant compte de cela, nous avons écrit une lettre à l'honorable Dominic LeBlanc le 8 août 2016, et suivi cette lettre d'une rencontre avec M. Finnigan. Je vais vous présenter certains extraits de cette lettre et vous décrire nos demandes.
Nous avons dit qu'il y a eu 27 ans d'améliorations radicales dans l'état environnemental de la rivière, et nous avons remarqué qu'en dépit des changements dans la qualité de l'eau, nous constatons une baisse inquiétante dans les populations de poisson importantes. Nous avons parlé des deux documents dans lesquels ces changements inquiétants sont mentionnés, « Water, Science, and the Public: The Miramichi Ecosystem » et « State of the Environment Report for the Miramichi Watershed », de 2007.
Le rapport le plus récent a signalé des tendances inquiétantes chez l'anguille, le poulamon, l'alose, l'éperlan et le saumon atlantique, la population de ces deux derniers ayant été à une certaine époque la plus élevée au monde. Avec le nombre d'éperlans dans notre bassin hydrographique et l'importance de ce poisson pour ce dernier, quand on constate des réductions d'une telle ampleur...
La cause de ces réductions est inconnue, et on peut voir aussi, en conséquence, la diminution du nombre d'oiseaux de rivage et de prédateurs. Par contre, on constate l'augmentation du nombre de bars d'Amérique et de phoques gris. Qu'est-ce qui cause tout cela? Pourquoi les choses ne s'améliorent-elles pas et, plutôt, semblent-elles se détériorer quelque peu?
Nous avons présenté trois demandes dans cette lettre. Premièrement, nous avons demandé que le ministère des Pêches et Océans, dont l'est encore, à ma connaissance, le ministre, de fournir une mise à jour de l'état des stocks susmentionnés, y compris les tendances au niveau des débarquements de poisson et des efforts de pêche.
Deuxièmement, nous avons demandé un soutien, des données et un financement, si possible, pour un projet de niveau de maîtrise dans lequel on comparerait l'état actuel et l'état historique de l'écosystème de la Miramichi. Nous pourrions recevoir un soutien technique de l'Université de Moncton, de l'Université du Nouveau-Brunswick, de la NBBC, de la Miramichi Salmon Association, de la Fédération du saumon atlantique et d'autres organismes.
Troisièmement, nous avons demandé qu'il soit compris que le MREAC — le Miramichi River Environmental Assessment Committee — est prêt à appuyer et à faciliter cette activité scientifique et serait heureux de vous rencontrer n'importe quand pour en parler davantage.
Avec ceci à l'esprit, nous espérons raviver l'activité scientifique dans le bassin hydrographique de la Miramichi. On peut concentrer la majeure partie de ces activités scientifiques dans l'estuaire de la Miramichi où on peut voir un grand nombre de ces problèmes. C'est essentiellement ce dont il s'agit. Notre organisme existe depuis longtemps. Nos membres ont des antécédents scientifiques très crédibles. L'appui fédéral et provincial dont nous avons bénéficié par le passé a presque disparu suite à tout ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années et à la réduction des activités scientifiques fédérales.
Sur ce, mesdames et messieurs, je termine mon exposé.
Comme cela a été mentionné, je m'appelle Debbie Norton. Je suis la présidente du Miramichi Watershed Management Committee, le MWMC, qui a été constitué en 1995. Nous avons un accord tripartite avec le ministère des Pêches et Océans et avec son homologue provincial, qui a été renommé récemment, visant la cogestion du bassin hydrographique de la Miramichi.
Le MWMC n'est pas un groupe de conservation comme tel. C'est une fédération d'organismes intervenant le long de la rivière Miramichi. Nous avons un intérêt commun, celui d'assurer la conservation et l'utilisation judicieuse des ressources de pêche récréative dans la zone des pêches récréatives de la Miramichi.
Quatre espèces nous inquiètent: le saumon atlantique sauvage, l'omble mouchetée, tant celle de la pêche en mer que celle des activités près du domicile, l'alose et le bar d'Amérique. Nous affirmons que la valeur des pêches récréatives est un puissant facteur de motivation pour les pêcheurs à la ligne, les gouvernements et le public en général pour ce qui est de la conservation des ressources halieutiques dont dépend la pêche à la ligne. Nous affirmons aussi que la valeur socioéconomique de nos pêches récréatives motive grandement la volonté politique et la conscience du public quant à la protection d'un environnement sain et de notre qualité de vie ici sur la Miramichi.
Vous allez m'entendre utiliser l'expression « capture selon l'abondance » à maintes reprises. La capture selon l'abondance est quelque chose qui va de soi. C'est une chose qu'on ne peut contester.
Le MWMC enjoint le gouvernement à gérer nos écosystèmes de sorte qu'ils soient équilibrés. Vous avez déjà entendu certains de nos collègues dire qu'ils ne sont pas équilibrés. Ils sont hors de contrôle. Et ce sont les hommes qui en sont la cause. Nous sommes censés être l'espèce la plus intelligente, mais nous avons tendance à favoriser une espèce au détriment d'une autre. Cela permet à une population de croître excessivement et à une autre de s'effondrer.
À l'heure actuelle, sur la Miramichi et dans l'Est du Canada, nos écosystèmes sont hors de contrôle.
Commençons par parler du saumon atlantique sauvage. Sa population a subi un déclin inquiétant et c'est la raison pour laquelle vous êtes ici. On a mis en oeuvre divers règlements pour aider à faire remonter cette population. On a mis en oeuvre dans tout le Nouveau-Brunswick un système de remise à l'eau des prises par les pêcheurs à la ligne. De nombreuses études poussées du système de remise à l'eau des prises ont révélé qu'entre 3 et 5 % des pêcheurs à la ligne utilisant ce système n'atteignent pas leurs limites.
J'affirme catégoriquement que c'est un moyen plus efficace de faire en sorte que nos espèces continuent à croître plutôt que de les assommer. Certaines personnes diront qu'avec le système de remise à l'eau des prises, certains des poissons meurent. Si vous leur frappez la tête quand vous les pêchez à la ligne, ils mourront certainement. Si vous les faites frire dans une poêle, ils ne feront pas des bébés pour alimenter notre bassin hydrographique.
Le système de remise à l'eau des prises est en vigueur pour toutes les pêches à la ligne récréative au Nouveau-Brunswick. J'aimerais préciser que nous avons trois Premières Nations vivant le long de la Miramichi. Deux d'entre elles, Eel Ground et Red Bank, ont réduit volontairement leurs prises durant les deux dernières années. Elles ont une certaine allocation. Elles n'ont pas capturé ces nombres parce qu'elles considèrent qu'elles ont elles aussi un rôle dans le rétablissement du nombre de saumons.
Revenant à l'expression « capture selon l'abondance » et au terme « capture », il n'y a aucun mal à capturer un poisson si celui-ci est en abondance. Nous avons tous grandi sur la Miramichi en mangeant du poisson parce que c'était ce que le Seigneur nous donnait à manger à ce moment-là. Si les poissons sont en abondance, il n'y a rien de mal à les capturer. Nous travaillons fort à l'heure actuelle pour ramener ces nombres à un niveau où nous pourrons de nouveau capturer des poissons à volonté.
Deuxièmement, quand on arrivera à ce stade, nous devons avoir une gestion rivière par rivière des captures selon l'abondance.
Mon collègue a fait remarquer à quel point la rivière Miramichi est grande. Il y a en réalité quatre rivières principales dans le réseau hydrographique de la Miramichi. S'il y a une abondance de saumons remontant la Miramichi Sud-Ouest, cela n'a absolument rien à voir avec l'abondance dans la Miramichi Nord-Ouest, et vice-versa. Dorénavant, quand nous aurons du poisson à capturer, nous devrons le faire en fonction de l'abondance des poissons dans chaque rivière, indépendamment.
Il fut un temps où nous pouvions prédire le nombre de poissons qui entreraient l'année suivante en fonction du nombre sortant, mais à cause de la mortalité en mer et de toutes ces choses, nous ne pouvons plus affirmer que nous aurons en 2017 un nombre x de poissons. Le MWMC déclare que nous devrions, en 2017, procéder à un décompte pour déterminer s'il y a abondance de poissons à capturer. On appelle cela un examen de mi-saison. En d'autres termes, on compte les poissons qui remontent la rivière de mai à la mi-juillet, puis on détermine s'il y a abondance. Dans l'affirmative, il n'y a aucun mal à capturer cette abondance dans cette rivière particulière.
Disons qu'il y a 500 ou 1 000 poissons, quel que soit le nombre; nous proposons que le Nouveau-Brunswick mette en place un système semblable au tirage des permis de chasse à l'orignal qui sont attribués en fonction de l'abondance de la population des orignaux; on devrait faire la même chose pour les poissons. Si je voulais pêcher un poisson qui est en abondance, je pourrais m'inscrire et peut-être obtenir un permis de pêche de ce poisson en abondance.
J'ai beaucoup de choses à dire au sujet du saumon atlantique, mais je vais passer à autre chose car je suis conscient du temps.
J'aimerais préciser que le bar d'Amérique du golfe du Saint-Laurent n'est pas — et j'insiste sur le mot « pas » — une espèce envahissante dans la Miramichi ou dans cette région. Il avait subi un important déclin. J'aimerais souligner que le travail du ministère des Pêches et Océans est probablement la plus grande réussite jamais réalisée, ayant ramené une espèce menacée d'extinction. À un moment donné, il n'y a pas très longtemps, on estimait que le nombre de ce poisson s'élevait à 4 000; il s'élève présentement à plus de 300 000. C'est une très grande réussite.
J'aimerais mentionner de nouveau la notion de capture selon l'abondance et celle du rétablissement de l'équilibre de notre écosystème. Aucun membre du MWMC ne cherche à détruire le bar d'Amérique. Ce n'est pas une espèce envahissante. Il a sa place ici, et comme nous en avons un si grand nombre, nous pouvons en pêcher davantage. C'est une excellente occasion pour les pêcheurs à la ligne récréatifs de profiter de la pêche, de la culture et de toutes les autres choses plaisantes qui accompagnent la pêche.
En 2014, nous avons écrit au MPO; vous trouverez la lettre en pièce jointe. Même à l'époque, quand les nombres de poissons ne s'élevaient qu'à 200 000 environ, nous avons demandé un certain nombre de choses. Nous avons demandé qu'il soit permis de garder tout bar pêché de 55 centimètres ou plus. Cela éliminerait la catégorie de 2013 selon laquelle les pêcheurs à la ligne avaient de la difficulté à attraper un poisson qu'ils pouvaient garder. Nous avons aussi demandé que tout bar pêché en eaux sans marée puisse être capturé puisque ce poisson se nourrit d'autres poissons dans la région. Nous avons demandé que la limite quotidienne soit établie à au moins quatre poissons par jour, ce qui, selon le MWMC, ramènerait la population à un niveau plus sain pour l'ensemble de l'écosystème. Nous avons demandé qu'une personne puisse en avoir au moins 12 en sa possession. Cela permettrait à ce que la pêche se poursuive d'une façon durable. Nous avons demandé que les hameçons sans barbe soient obligatoires, ce qui permettrait aux pêcheurs à la ligne de continuer à remettre à l'eau les prises sans que celles-ci ne subissent des blessures excessives. Enfin, nous avons demandé que la saison soit ouverte le 15 avril et fermée le 15 novembre chaque année.
Depuis lors, la population a continué de croître. Par conséquent, le MWMC estime que nos Premières Nations le long de la rivière devraient peut-être recevoir un permis de pêche commerciale durable, ce qui contribuerait à réduire la population et à rétablir l'équilibre de notre écosystème.
Une autre chose qui est totalement déséquilibrée, c'est notre population de phoques. Là encore, je préconise la chasse selon l'abondance. Le MWMC n'encouragerait jamais la destruction d'une espèce pour en sauver une autre, mais nous estimons qu'il doit y avoir un équilibre. À l'heure actuelle, la population de phoques est disproportionnée.
Il est présentement question de permettre la chasse et la vente de la carcasse entière dans divers marchés. Le MWMC est d'avis que la Première Nation d'Eel Ground de Miramichi, qui est un intervenant du MWMC par le truchement de son affiliation à Anqotum, soit autorisée à chasser le phoque ici dans la baie Miramichi et, si elle ne désire pas le faire, que d'autres organismes en mesure de mener cette chasse soient autorisés à le faire.
Très rapidement, au sujet de la protection des ressources: nous avons besoin de beaucoup plus. La Miramichi s'étend sur 12 000 kilomètres carrés. Nous avons besoin de plus de personnel. Nous avons besoin de patrouilles mixtes comportant des membres des forces provinciales d'application de la loi. Les gardes des Premières Nations ont besoin d'une formation supplémentaire pour être admissibles à participer aux patrouilles mixtes. Nous avons besoin de technologie. Il y a toutes sortes de choses, comme les drones. Comme vous pourrez le constater aujourd'hui, les agents sur le terrain sont en plein milieu de la nature. Les téléphones cellulaires ne fonctionnent pas. Les agents ont besoin de téléphones satellite pour pouvoir demander de l'aide et envoyer et recevoir des messages. Nous avons besoin de meilleurs programmes d'éducation pour les collectivités. Peut-être qu'un de ces programmes pourrait être un programme de surveillance de la rivière.
Merci beaucoup de m'avoir invitée. J'espère sincèrement que cela contribuera à faire croître notre population de saumons.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez de présenter au Comité nos préoccupations concernant le secteur de la rivière Restigouche.
Je m'appelle David LeBlanc et je suis président directeur général du Conseil de gestion du bassin versant de la rivière Restigouche inc., un organisme qui a été fondé en 2002. Je suis originaire de Matapédia, un village reconnu pour sa pêche au saumon et situé au confluent des rivières Matapédia et Restigouche, deux rivières de renommée mondiale. Je suis biologiste de formation et je travaille au sein de cet organisme depuis 2007. Le Conseil de gestion du bassin versant de la rivière Restigouche oeuvre à la concertation, à la conservation et à la protection du saumon du bassin versant de la rivière Restigouche, incluant les rivières Matapédia et Patapédia au Québec, ainsi que les rivières Kedgwick, Little Main Restigouche et Upsalquitch, au Nouveau-Brunswick.
Le conseil d'administration est composé de 19 personnes représentant les Premières Nations, les camps de pêche, le public, la foresterie, l'écotourisme, les gestionnaires d'eaux publiques et autres organisations oeuvrant dans le domaine connexe au nôtre.
Le bassin versant de la rivière Restigouche est un territoire interprovincial d'environ 10 000 kilomètres carrés, situé dans une proportion de 60 % au Nouveau-Brunswick et de 40 % au Québec. Le saumon de la rivière Restigouche est une ressource alimentaire importante pour les Premières Nations de Listuguj au Québec et de Eel River Bar au Nouveau-Brunswick.
Au niveau de la pêche sportive dans le bassin versant de la rivière Restigouche, selon une étude socio-économique de l'Université du Nouveau-Brunswick réalisée en 2010, la pêche récréative dans le secteur privé génère annuellement 11,2 millions de dollars et l'équivalent de 535 emplois saisonniers.
Quant aux enjeux dans le bassin versant de la rivière Restigouche, même si nous sommes conscients qu'il y a d'autres enjeux importants en mer et en estuaire, je laisserai le soin à d'autres groupes, nommément à la Fédération du saumon atlantique que vous recevrez cet après-midi, de vous transmettre les préoccupations liées aux migrations maritimes.
En tant qu'organisme de gestion de rivières, le conseil s'occupe principalement des enjeux qui touchent aux éléments du cycle du saumon en eau douce. Je concentrerai donc le reste de mon exposé sur les principaux enjeux observés dans notre bassin versant.
Nous observons depuis quelques années une accentuation des changements du régime hydrologique causés par les changements climatiques et un manque de planification de la gestion forestière en fonction des bassins versants.
Des impacts notables sont observés aux niveaux de l'érosion des berges, de l'apport de sédiments et de débris dans les rivières ainsi que la création d'obstacles infranchissables au niveau des ponceaux de diamètre insuffisant et des embouchures de tributaires. Nous recommandons que des approches visant à avoir des modèles de gestion forestière par bassin versant, telle que l'approche des aires équivalentes de coupe au Québec, soient adoptées pour les rivières à saumon du Nouveau-Brunswick.
Le manque de ressources en protection et en conservation est un enjeu important pour le bassin versant de la rivière Restigouche. La fermeture à Kedgwick du bureau de conservation et de protection du ministère de Pêches et Océans Canada et le déplacement des ressources de ce bureau à l'extérieur de la région font en sorte qu'aucun agent des pêches n'est aujourd'hui affecté à travailler à l'intérieur de notre bassin versant. En conséquence, très peu de patrouilles sont déployées et les délais de réponse de plusieurs heures donnent lieu à des pertes de géniteurs au profit de braconniers.
Nous recommandons que chaque bassin versant de rivières à saumon d'importance, comme la Restigouche, soit doté sur son territoire d'un bureau de conservation et de protection de Pêches et Océans Canada. Le système de recrutement pour combler les postes vacants devrait être allégé et des partenariats devraient être conclus, entre autres avec les Premières Nations, pour assurer un plus grand nombre d'agents sur le terrain.
Selon nous, il y a une sous-estimation des besoins en reproducteurs dans le calcul de l'établissement des seuils de conservation, ce qui donne lieu à une surestimation de l'état des stocks actuels. Nous notons que les cibles de gestion actuelles ne tiennent pas compte de la totalité des habitats pour juvéniles pouvant être utilisés pour les premières années du cycle de vie du saumon. Pour mieux représenter les cibles de gestion, nous recommandons une mise à jour des cibles de nombre d'oeufs requis par unité d'habitat ainsi qu'une mise à jour des habitats potentiels.
Hier, sur la rivière Kedgwick, un des principaux tributaires du bassin versant, j'ai participé au décompte annuel des saumons. Ce décompte visuel se fait en apnée. Je peux vous confirmer que nous nous situons encore à 50 % des seuils de conservation dans la rivière Kedgwick. L'an dernier, ce taux était de 49 %. Donc, la situation demeure critique même en considérant qu'on sous-estime les habitats disponibles.
C'est une situation problématique et critique, non seulement pour la rivière Miramichi, ce qui est souvent mentionné, mais aussi de plus en plus pour la rivière Restigouche.
Nous pensons qu'il faut augmenter la collaboration entre les secteurs qui s'occupent des sciences et ceux qui s'occupent des habitats au sein du ministère des Pêches et des Océans afin d'aborder les problèmes de fragmentation des habitats. Nous observons que les données recueillies lors des inventaires de densité des juvéniles par Pêches et Océans Canada ne sont pas utilisées pour identifier les problèmes d'obstruction.
Je vais vous expliquer la situation à cet égard. Il se fait des inventaires sur le terrain. On note qu'il y a des habitats qui, historiquement, étaient utilisés par les juvéniles, mais lorsqu'il y a absence de saumon, il n'y a pas de communication avec la section de Pêches et Océans Canada qui s'occupe des habitats pour indiquer que certains habitats historiquement utilisés ne le sont pas présentement. Il n'existe pas de processus mis en place pour lier la science aux actions relatives à l'habitat et à la gestion. Nous croyons que les indices sur les données de densité ainsi qu'une augmentation du nombre de sites pour évaluer la présence ou l'absence de juvéniles devrait permettre de localiser les obstacles comme les ponceaux, les chutes trop élevées, les barrages de castors et les embâcles de bois. Un programme de suivi devrait être développé pour assurer la connectivité des habitats.
L'augmentation potentielle du transport ferroviaire d'hydrocarbures sans étude d'impact complète cause un risque accru pour l'habitat du saumon. Par exemple, dans notre bassin versant, le projet de Chaleur Terminals à Belledune, qui prévoit le transport quotidien de 220 wagons d'hydrocarbures provenant de l'Alberta, va transiter à proximité des rivières Matapédia et Restigouche sur une distance de 70 kilomètres. Aucune étude d'impact de ce projet n'a été réalisée par le gouvernement du Québec.
La présence de plus de prédateurs d'une plus grande diversité en eau douce pose un risque pour le saumon atlantique. Depuis quelques années, nous observons davantage de cormorans et de bars rayés dans la rivière Restigouche. Il y a même des phoques. La présence de phoques à plus de 125 kilomètres de la mer a été notée en 2015. En 2016, on a confirmé que des bars rayés ont été capturés pour la première fois dans les rivières Matapédia et Restigouche. Nous pensons qu'un contrôle des prédateurs pourrait dans certains cas favoriser le rétablissement des stocks.
Depuis plusieurs années, nous avons vu le gouvernement du Canada réduire les ressources humaines au sein de Pêches et Océans Canada, ce qui a eu des impacts négatifs sur la gestion, la protection et la coordination d'actions bénéfiques au saumon atlantique. Nous sommes cependant encouragés par le réinvestissement récent du MPO dans les ressources humaines, entre autres par le processus visant l'établissement d'un plan conjoint de recherche sur le saumon de l'Atlantique.
Nous avons également été bénéficiaires du Programme de partenariats relatifs à la conservation des pêches récréatives. Nous croyons que ce programme devrait être maintenu et valorisé.
Le fonds de dotation du gouvernement du Canada géré par la Fondation pour la conservation du saumon atlantique et dont les intérêts sont investis dans des projets relatifs au saumon atlantique est un autre bel exemple de stratégie qui aide les différents groupes comme le nôtre à réaliser plusieurs projets par année. Une majoration des investissements dans ces programmes et dans l'embauche de ressources en gestion, en habitat, en protection, en recherche et dans le fonds de dotation ne pourrait qu'améliorer l'état des stocks de saumon atlantique, dans la mesure où ces investissements sont orientés vers des actions concrètes.
J'ajouterai quelques points par rapport aux notes d'allocution que j'ai transmises.
Parlons des droits liés aux pêches alimentaires pour le bassin versant de la rivière Restigouche pour le stock du Nouveau-Brunswick. Les pêches alimentaires sont les seules permises pour Listuguj et Eel River Bar dans notre région. On croit qu'il devrait y avoir une inclusion des Premières Nations dans le suivi, la gestion et la protection des populations. On devrait intégrer les Premières Nations à ces processus. Des programmes devraient être mis en place pour développer les capacités, tant au niveau de la protection que du suivi des stocks. Le MPO devrait avoir des partenariats et effectuer des suivis serrés pour encourager les Premières Nations à développer et à adopter des plans de pêche durables. Je pense, par exemple, à la communauté de Listuguj, qui opère un plan de pêche de façon autonome depuis 1993. Le MPO devrait également assurer un suivi pour assurer le respect des ententes et des licences élaborées avec les Premières Nations.
Pour terminer, la réduction des budgets en recherche, en protection, en conservation et en sciences est souvent vue comme un moyen facile de diminuer les dépenses gouvernementales à court terme, mais cela ne tient pas compte des impacts à moyen et long terme.
Malheureusement, de nos jours, nous vivons les conséquences des coupes budgétaires des dernières années et des mesures draconiennes de gestion mises en place. Mentionnons la remise obligatoire à l'eau de toutes les captures dans les Maritimes et, à présent, la remise à l'eau des grands saumons dans la plupart des rivières du Québec. Ces mesures créent une baisse d'achalandage marquée des pêcheurs sportifs.
Dans la région de la Restigouche, l'année dernière, il y a eu une diminution d'environ 35 % en ce qui concerne les eaux publiques et une diminution de 31 %, cette année, au Québec. Cette situation résulte en un manque à gagner et des pertes de revenu importantes au sein d'organismes locaux et d'entreprises qui risquent, à leur tour, de diminuer leurs investissements en recherche et en protection.
Je vous remercie.
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Merci de nous accueillir aujourd'hui. Cela a été une décision impromptue pour nous de venir ici. Nous venions tout juste d'apprendre la tenue de cette séance. Je m'appelle Sonja Wood, et vous avez ici mon époux, Chris Mansky. Nous venons de la Nouvelle-Écosse, et nous représentons le groupe Friends of the Avon River. La rivière Avon est en partie dans le bassin des Mines et en partie dans la baie de Fundy.
L'équipe gouvernementale responsable de la gestion du saumon atlantique sauvage dans la baie de Fundy a désigné la rivière Avon comme une rivière de la baie de Fundy visée par le rétablissement. L'équipe de rétablissement de l'arrière-baie de Fundy a désigné ainsi 42 rivières. La rivière Avon est l'une d'entre elles. La rivière Avon est un immense bassin hydrographique ayant des affluents qui sont aussi des rivières productrices de saumon: la Ste-Croix, la Cogmagun, la Kennetcook et la Halfway.
Le problème de la rivière Avon, c'est que c'est la seule rivière du Canada dans laquelle aucun poisson ne passe. Lisa Isaacman a étudié le problème et l'a confirmé dans une étude en 2002. Nous savons que c'est une rivière productrice de saumon et qu'elle a une importance cruciale dans la reproduction du saumon. Il n'y a aucun passage pour les poissons dans ce bassin hydrographique, ce qui représente un stress immense pour le saumon atlantique sauvage.
Depuis 2004, je suis présidente du conseil du groupe Friends of the Avon River. Nous avons demandé aux responsables fédéraux des pêches de lancer une étude d'impact environnemental approfondie et exhaustive sur ce bassin hydrographique. Quand la jetée a été construite en 1968, aucune évaluation de la rivière n'a été faite ni de la façon dont cette structure nuirait aux espèces vivant dans ce bassin hydrographique.
Le nombre de saumons atlantiques sauvages, sa population et son déclin nous inquiètent beaucoup, mais nous nous inquiétons beaucoup aussi au sujet de l'anguille américaine. La rivière Avon a une importance cruciale dans la reproduction des anguilles américaines femelles qui fait en sorte que les nombres ne diminueront pas. Cette barrière empêche les espèces d'accéder aux habitats essentiels pour poursuivre leur cycle de vie, et elles finissent essentiellement par mourir dans ce canal boueux.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le désastre de la rivière Avon a commencé en 1968 quand la jetée a été construite. Il y a eu le long du bassin hydrographique une érosion rapide qui a essentiellement détruit 16 marais de transition entre l'eau douce et l'eau de mer. Le bouchon boueux est remonté de la Ste-Croix, qui est essentiellement une rivière morte maintenant. Aucun saumon n'accède à cette rivière.
La rivière Kennetcook est aussi bouchée par ce lit de boue et de limon, le résultat d'une érosion de quelque 50 ans le long du bassin hydrographique. Ce bouchon est descendu dans la Cogmagun, et dans la Halfway, et il cause réellement un désastre dans le bassin hydrographique entier de la rivière Avon.
Ce qui nous inquiète le plus, c'est que nous n'avons jamais vu une étude quelconque effectuée le long de cette rivière. Nos supplications ont été vaines. De nombreux gouvernements nous ont écoutés, puis ils ont rejeté nos préoccupations et fermé les yeux. Nous avons d'énormes projets industriels qui se déroulent dans le bassin des Mines présentement. Nous avons des projets d'énergie marémotrice. Alton Gas s'apprête à déverser de la saumure salée dans la rivière Shubénacadie. Un énorme projet d'élargissement d'autoroute est en cours à la rivière Avon et, à ma connaissance, on prévoit la construction d'un pont à six voies, pas pour un passage libre des poissons, mais simplement pour la circulation.
Nous ne voulons pas que tout cela se produise sans qu'une étude d'impact environnemental ne soit faite à ce stade. Voilà pourquoi nous avons lancé la pétition, qui a été présentée le 21 septembre au gouvernement fédéral, demandant l'exécution de cette étude exhaustive du bassin hydrographique en vue de la détermination d'un moyen de réduire l'impact de ce problème.
Nous avons travaillé étroitement avec l'équipe de rétablissement de l'arrière-baie de Fundy. Nous avons participé à de nombreuses réunions avec Sentinelles Petitcodiac. À notre avis, on pourrait utiliser certaines portions du modèle établi en 2007 sur la rivière Petitcodiac pour accélérer le projet le long de la rivière Avon. Il faudra procéder à un peu plus de recherches pour la rivière Avon, parce que celle-ci n'a jamais eu de passage pour les poissons; il y aura donc un peu plus de travail à faire.
Cependant, on pourrait accélérer les choses en utilisant le modèle établi sur la Petitcodiac. Nous recommandons que cela soit envisagé sérieusement maintenant avant qu'un projet d'autoroute quelconque ne soit mis en oeuvre, ou avant que n'importe quel autre projet ne soit entrepris dans le bassin des Mines. Nous espérons que le principe d'« aucune perte nette » du gouvernement soit pris en compte ici. Si nous allons créer la pagaille, nous pourrions peut-être faire quelque chose pour régler ce problème.
La rivière Avon était appelée auparavant la « Grande rivière du saumon ». La population de saumon qui remontait cette rivière était si garnie que, quand on arrivait à la zone de transition entre l'eau douce et l'eau de mer, la rivière était tellement remplie de poissons qu'il était possible de la traverser sur le dos des saumons. C'est ce qu'on disait. Cette année, nous avons compté 20 saumons atlantiques sauvages dans ce bassin hydrographique, et nous craignons qu'ils n'arrivent pas à traverser la barrière de la jetée. Cette barrière, à notre avis, est une barrière illégale, et nous estimons qu'il est temps de faire quelque chose à ce sujet. Il y a des espèces en péril. Nous savons que c'est une rivière à laquelle l'équipe de rétablissement de l'arrière-baie de Fundy a accordé la priorité, et elle fait partie de la liste des rivières dont elle supervise le rétablissement. Nous demandons que cette évaluation environnementale exhaustive soit menée immédiatement.
Merci de nous avoir écoutés. Nous apprécions la possibilité d'être ici.
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Je vous remercie de l’invitation.
Je vais passer en revue le document qui a été distribué. J’indiquerai les pages à mesure pour que vous puissiez suivre.
La page 2 présente un aperçu de la Fédération du saumon Atlantique, la FSA. Je ne vais pas m’y arrêter, car je pense que certains de nos membres ont déjà témoigné devant ce Comité.
Je vais passer directement à la page 3 et commencer par là. Les politiques et les positions de notre organisation reposent sur des connaissances scientifiques. Nos capacités de recherche sont reconnues à l’échelle internationale, nous travaillons en collaboration avec des partenaires locaux, nationaux et d’autres pays pour contrer les menaces qui pèsent sur le saumon sauvage de l’Atlantique.
Nous participons à toutes sortes de forums scientifiques, y compris à des groupes de travail, comme le Conseil international pour l'exploration de la mer, le CIEM, qui prodigue des conseils à l’Organisation pour la conservation du saumon de l’Atlantique Nord, l’OCSAN.
Je consacrerai quelques minutes à deux de nos priorités en matière de recherche, à savoir la recherche océanographique et, dans le domaine de l’aquaculture, les interactions entre le saumon sauvage et le saumon d’élevage.
À la page 4, je commencerai par la localisation maritime. Les taux de mortalité du saumon de l’Atlantique en mer ont doublé par rapport à ceux des années 1970 et 1980. La mortalité en mer est un des plus grands problèmes auxquels soit confronté le saumon de l’Atlantique aujourd’hui. Il est essentiel d’avoir des descriptions complètes des déplacements et de la répartition géographique des individus en mer pour comprendre l’interaction des animaux avec leur environnement.
La mise au point de transpondeurs électroniques qui emmagasinent des données sur l’environnement des poissons permet d’étudier les migrations vers la mer et le comportement des poissons à grande échelle. La FSA participe depuis 20 ans au développement de ces transpondeurs électroniques, en collaboration avec des partenaires de l’industrie, et c’est ainsi que nous sommes maintenant en mesure de suivre les poissons dans l’océan.
Depuis 2003, nous utilisons la télémétrie acoustique pour suivre le saumon à sa sortie de différentes rivières du golfe du Saint-Laurent. Ce programme global de suivi a entre autres pour objectif de pouvoir mieux suivre les populations nord-américaines de saumon dans les estuaires, le long de la côte nord-américaine jusqu’au Labrador et aux côtes du Groenland. Nous identifions des habitats critiques et les zones d’alimentation en mer. Nous déterminons l’impact des prédateurs et des proies sur les étapes de la vie marine du saumon. Nous évaluons les taux de mortalité par stade de développement et par zone. Nous établissons des corrélations entre les déplacements des poissons et les variables environnementales, notamment les courants et la température de l’eau. Nous étudions de près les modifications de l’écosystème dues au climat.
Ce projet, qui est le projet de recherche océanographique le plus exhaustif qui soit mené sur le saumon sauvage de l’Atlantique, se concentre sur les migrations et la survie des tacons et des charognards, qui sont des saumons qui ont frayé, autrement dit les saumons après le frai. Le saumon de l’Atlantique peut frayer plusieurs fois. Ils retournent dans l’estuaire pour regagner l’océan, se remettent en état et reviennent dans la rivière. Nous marquons ces poissons et nous les suivons.
Ces données concernent les bassins hydrographiques et dans l’Atlantique Nord. Ce projet permet le meilleur examen global de ce qui se passe dans les estuaires et dans l’océan. Il est essentiel de connaître la répartition et les comportements migratoires du saumon sauvage de l’Atlantique dans l’océan, car ces connaissances fourniront la base et les paramètres des mesures de conservation et de restauration futures dans le développement de stratégies de gestion et de conservation.
Je ne m’attarderai pas sur la diapo 5. Nous pourrons y revenir si vous avez des questions par la suite. Il s’agit d’une carte qui montre sur quelles zones du golfe du Saint-Laurent nous nous concentrons. Depuis 2003, nous marquons les poissons, principalement dans la Grande Cascapédia, la Restigouche, et les bras nord-ouest et sud-ouest de la Miramichi. Vous pouvez voir le nombre de transpondeurs électroniques posés sur les animaux. Chacun de ces transpondeurs suit un poisson, de sorte que nous avons des données sur plus de 2 500 tacons et plus de 400 charognards.
Nous plaçons une couverture de récepteurs à la limite des eaux de marées pour mesurer la survie de tous les poissons étiquetés qui quittent l’eau douce. Nous installons cette couverture à l’entrée des estuaires et dans les avant-baies, la baie de Miramichi, la baie des Chaleurs, pour mesurer la survie durant le passage dans les baies et les estuaires. Comme vous le voyez, dans le golfe du Saint-Laurent, nous avons des récepteurs qui couvrent le détroit de Belle Isle et le détroit de Cabot, pour mesurer la survie durant le passage dans le golfe du Saint-Laurent.
Nous utilisons également des étiquettes émettrices. J’en parlerai.
À la diapo 6, vous voyez toutes sortes de choses que nous avons découvertes. Je me concentrerai seulement sur deux ou trois aujourd’hui. La première est que la survie des tacots étiquetés, pendant leur migration depuis la zone d’eau douce au printemps, est très élevée. C’est une fois qu’ils ont gagné les estuaires et la baie que les problèmes commencent. Cependant, nous avons découvert que dans les estuaires et les baies, et nous parlons de la baie de Miramichi et de la baie des Chaleurs, le taux de survie est en baisse et se situe entre 60 et 75 % environ, ce qui est suffisant selon nous. Toutefois, depuis 2011 environ, la survie des tacons de la Miramichi chute littéralement quand ils entrent dans l’estuaire et avant qu’ils quittent la baie de Miramichi. Le taux de survie est inférieur à 30 %, voire proche de 25 %. Quelque chose ne va pas.
En dehors des tacons, nous travaillons également en collaboration avec le MPO pour suivre le bar rayé dans ce réseau. Nous comparons les données, superposons les tracés et nous constatons que bon nombre des tacons que nous étiquetons et suivons depuis 2011 finissent dans l’estomac de bars rayés. Les étiquettes posées sur des tacons se retrouvent donc dans des bars rayés. Nous disposons en fait de données qui montrent que le bar rayé influe considérablement sur la survie des tacons dans la baie de Miramichi.
Nous constatons également que la survie des tacons est assez élevée dans le golfe du Saint-Laurent, ce qui donne à penser que les gros problèmes surviennent au-delà du golfe, une fois dans la mer du Labrador et au large des côtes du Groenland.
Nous avons également découvert qu’une fois dans l’océan, les tacons que nous étiquetons dans les différentes rivières commencent à se déplacer en groupe, à former des bancs. Ils traversent le détroit de Belle Isle — la zone de passage vers le golfe du Saint-Laurent — pratiquement ensemble sur une période d’environ deux semaines tous les ans. Il s’agit d’une zone critique que nous devons protéger et surveiller.
C’est tout ce que je dirai de la localisation acoustique pour l’instant. Je vous communiquerai volontiers d’autres renseignements plus tard, mais je tiens à parler des autres sujets.
Je veux parler des étiquettes émettrices détachables que nous utilisons sur les saumons adultes après le frai. Ces étiquettes enregistrent la température et la profondeur de l’eau. Ces poissons nous permettent, en fait, d’obtenir des données quotidiennes. Si vous regardez la carte, vous pouvez voir le parcours du poisson numéro 136027. On suit ses déplacements quotidiens. Les grands cercles représentent les profondeurs. Ces poissons plongent jusqu’à 600 mètres de profondeur. Nous commençons à savoir où vont les plus grands saumons jour après jour, où ils meurent et, dans certains cas, ce qui les tue.
Qu’allons-nous faire de toutes ces données? Notre série chronologique — nous disposons maintenant de 10 années de données — nous permet de comprendre les tendances. Ainsi, j’ai mentionné la perte de tacons dans l’estuaire de la Miramichi. Nous allons continuer de mettre l’accent sur les interactions entre prédateurs et proies, en particulier dans la baie estuarienne, et de nous intéresser aux cormorans dans la baie des Chaleurs.
Tout comme nous identifions les zones migratoires et les habitats critiques, nous identifierons ce que nous appelons les zones de « trafic », c’est-à-dire d’interaction entre prédateurs et proies, et les paramètres environnementaux qui relient tout l’ensemble. Nous devons étiqueter plus de saumons et les suivre sur de plus grandes distances.
En 2016, nous comptons choisir une rivière au Labrador et y étiqueter des tacons. Nous comptons commencer à étiqueter des saumons au large du Groenland et les suivre jusque dans leurs eaux d’origine, et nous prévoyons évidemment de poser plus de réseaux de récepteurs dans la mer du Labrador et au large des côtes du Groenland.
Pour ce qui est des recommandations, il est essentiel que le MPO définisse des mesures de gestion pour équilibrer et protéger les populations de saumon sauvage de l’Atlantique et de bar rayé. Debbie Norton l’a très bien expliqué. Nous voulons un équilibre. Nous ne sommes pas contre le bar rayé, mais il faut un équilibre.
Il faut plus de financement fédéral de la recherche et de l’innovation pour élargir le suivi en milieu marin. C’est ce qui ressort des recommandations du comité consultatif ministériel et aussi de la lettre de mandat du premier ministre au MPO, qui prévoit de:
Réinjecter des fonds à l’appui des programmes de science et de contrôle océanographiques du Canada dans le but de protéger la santé des stocks halieutiques […] Travailler de concert avec les provinces […], les nations autochtones et d’autres intervenants pour assurer une meilleure gestion commune de nos trois océans.
Par exemple, le nouveau plan conjoint de recherche sur le saumon de l’Atlantique, qui a vu le jour en juin dernier, se révélera selon nous utile. Nous avons des réunions à Moncton aujourd’hui et demain. Je vous en dirai volontiers plus à ce sujet, si vous le souhaitez.
Nous recommandons également de soutenir la Collaboration for Atlantic Salmon Tomorrow, CAST. Je ne sais pas si vous connaissez CAST, mais ce sont des projets de recherche et d’amélioration novateurs réunis en un seul programme qui pourrait servir de modèle pour d’autres rivières à saumon de l’Atlantique où les populations sont à risque. La localisation maritime est un des éléments de CAST. Je n’en dirai pas plus pour l’instant sur ce programme, mais j’enverrai volontiers des renseignements plus tard ou j’en donnerai en cas de questions.
Ce que fait, entre autres, la FSA, quand elle reçoit ses données, c’est de les communiquer ouvertement au MPO et aux décideurs. Nous faisons examiner nos données par des pairs, mais nous estimons qu’il est important de les communiquer à mesure que nous les recevons pour que des décisions de gestion puissent être prises en temps opportun.
Plus de 20 partenariats ont participé ou participent au programme de suivi.
Je vais consacrer la prochaine minute et demie à un tout autre sujet, l’élevage de saumon, autrement dite la salmoniculture.
Une industrie aquicole durable sera très intéressante sur le plan économique pour le Canada. Pour être intéressante à long terme, elle doit être durable sur le plan social, écologique et économique. Cependant, les interactions entre les saumons sauvages et les saumons échappés des élevages posent toutes sortes de problèmes importants. Il existe de nombreuses études évaluées par les pairs sur les interactions entre saumons sauvages et d’élevage, et la FSA fait partie de bon nombre de ces publications. Nous serions plus que ravis de vous les communiquer.
Les plus grandes menaces dans le cas des élevages qui utilisent des parcs à filet ouverts, ce sont les maladies, les parasites et les évasions de saumon. Lorsque des saumons s’échappent et se retrouvent dans les réseaux hydrographiques, il se produit une pollution génétique ou une introgression génétique. La FSA possède les connaissances et les compétences voulues pour aider à régler ces problèmes.
La FSA travaille entre autres sur la démonstration de la faisabilité économique, biologique et technique de systèmes de confinement fermés installés à terre.
Je vais passer maintenant aux deux diapos suivantes. Sur la première, vous voyez la rivière Magaguadavic, qui arrose le Sud-Ouest du Nouveau-Brunswick. Nous y avons un système en place pour surveiller les saumons sauvages et les saumons d’élevage échappés qui pénètrent dans cette rivière. Vous voyez les tendances dans le temps. En tout, 99 % de ces poissons entrent dans la rivière. Il s’agit de saumons d’élevage échappés qui n’ont pas d’origine. Autrement dit, l’industrie ne signalant pas qu’ils se sont échappés, nous ne savons pas d’où ils viennent. Ces poissons ont introgressé ou frayé avec des saumons sauvages dans la rivière. Il y a un article qui explique que ces poissons ont détruit la population sauvage dans cette rivière en particulier.
Le Nouveau-Brunswick n’est pas le seul touché. Nous voyons, en effet, les mêmes problèmes à Terre-Neuve. Nous constatons beaucoup d’évasions et de cas d’introgression génétique. Vous avez probablement lu dans la documentation que les scientifiques du MPO commencent à trouver ces données.
Des dizaines de millions en fonds fédéraux sont dépensés pour dédommager l’aquaculture et la salmoniculture à parcs en filets ouverts de maladies telles que l’anémie infectieuse du saumon, ou AIS, et de parasites comme le pou du poisson.
Il y a un manque de transparence pour ce qui est de signaler des évasions et la présence de maladies et de parasites. Il y a, de la part du gouvernement fédéral, un défaut d’application de la loi et de responsabilisation en ce qui concerne les règlements. Une approche régionale, que j’appelle panatlantique, de la réglementation et des pratiques de gestion des élevages est nécessaire.
En ce qui concerne les recommandations, une approche plus cohérente est nécessaire par rapport aux règlements et aux pratiques d’élevage exemplaires dans tout le Canada atlantique et dans l’État du Maine. Nous sommes d’avis que tous les poissons d’élevage devraient porter un marqueur d’identification externe, de manière que s’ils s’échappent et qu’on les retrouve dans un cours d’eau, on puisse savoir que ce sont des poissons d’élevage et les retirer.
Il faut plus de transparence de la part de l’industrie salmonicole au sujet du signalement des évasions, des maladies et des taux de parasites. Il faut plus de responsabilisation et d’application de la loi de la part des organismes de réglementation. Il faut plus de fonds pour la recherche-développement sur le confinement fermé à terre.
Enfin, toutes les activités futures de salmoniculture devraient se faire à terre.
Je vous remercie de votre attention.
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J’ai une déclaration à faire et nous verrons combien de temps il restera après. J’essaierai d’être bref.
Je m’appelle George Ginnish. Je suis le chef de la Première Nation de Natoaganeg, autrement dit d’Eel Ground.
Je vous souhaite la bienvenue ici aujourd’hui sur le territoire non cédé des Micmacs et dans notre district, le septième district de la Nation micmaque de Gespe'gewa'gi.
Natoaganeg se trouve sur la rivière Miramichi dans le Nord du Nouveau-Brunswick, non loin du confluent de la rivière Miramichi Nord-Ouest et de la rivière Miramichi Sud-Ouest. Nous sommes à cinq minutes environ d’ici. Notre communauté a des réserves sur trois bras de la Miramichi.
Je suis chef de ma communauté depuis 20 ans et j’ai siégé au conseil pendant quelques années avant cela.
De plus, je copréside le Mi’gmawe’l Tplu’taqnn qui regroupe les neuf communautés micmaques situées dans ce qui est maintenant le Nouveau-Brunswick. Nous défendons et protégeons ensemble les droits des Micmacs, y compris notre droit de pêcher à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles et à des fins commerciales.
Je préside également le Conseil de district des Micmacs de la côte Nord et notre AAROM, l’Anqotum Resource Management, qui représente huit de nos communautés micmaques pour les questions de pêche, y compris pour renforcer la capacité de participer véritablement aux processus consultatifs et décisionnels utilisés pour la gestion des ressources aquatiques et des océans.
Je m’exprimerai aujourd’hui au nom de toutes ces organisations.
J’ai le soutien aujourd’hui de Devin Ward, qui travaille comme coordonnateur des pêches au Mi’gmawe’l Tplu’taqnn et comme biologiste principal dans le groupe Anqotum.
Nous, les Micmacs, sommes le peuple autochtone de ce territoire et, depuis des temps immémoriaux, nous occupons nos terres ancestrales appelées Mi'kma'ki. Nos terres et nos eaux ancestrales micmaques se trouvent au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve, et elles s’étendent jusque dans le Québec et le Maine.
Notre mode de vie repose sur nos terres, nos eaux et nos ressources qui nous donnent notre nourriture, nos abris et pourvoient à tous les aspects de notre vie quotidienne.
Notre relation avec les terres, les eaux et les ressources fondent notre identité. En tant que peuples autochtones, nous gérons notre pêche depuis des milliers d’années en nous fondant sur les principes micmacs, et le poisson est resté abondant.
Les Micmacs vivent dans tout le réseau de la rivière Miramichi et en dépendent pour leur subsistance physique, spirituelle et culturelle, et leurs moyens d’existence depuis des temps immémoriaux.
Au XVIIIe siècle, les Micmacs ont conclu, de nation à nation, une série de traités de paix et d’amitié avec la Couronne britannique entre 1725 et 1779. Ces traités forment une chaîne d’alliance et les relations découlant des traités entretenues avec la Couronne, que représente le gouvernement du Canada, continuent.
Nous n’avons jamais cédé nos titres sur ces terres et ces eaux, et nos traités sacrés protègent nos droits à l’intendance partagée de nos ressources et du poisson sur tout notre territoire, à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles, et pour gagner notre subsistance.
Nos communautés pêchent différentes espèces pour répondre à leurs besoins et pour gagner leur vie. Notre pêche de subsistance est distribuée aux membres de la communauté, et un certain nombre des membres de notre communauté dépendent du revenu de notre modeste pêche commerciale.
Cinq de nos communautés micmaques figurent parmi les 10 codes postaux les plus pauvres de tout le Canada. Notre pêche est vraiment une question de survie physique, culturelle et spirituelle pour notre peuple.
Une étude menée récemment par l’Université d’Ottawa dans notre communauté montre que 40 % des membres de la Première Nation d’Eel Ground sont en situation d’insécurité alimentaire.
Toutes les espèces sont importantes pour notre peuple, mais le Plamu, ou saumon, revêt une signification particulière pour les Micmacs. Non seulement le saumon est un élément de base de notre alimentation, mais il est intimement lié à nos pratiques culturelles et spirituelles. Il est essentiel pour nous de pouvoir pêcher du saumon pour nourrir nos familles les plus vulnérables, nos enfants et nos aînés. Le sort du saumon de l’Atlantique est d’une importance vitale pour nous.
Après des milliers d’années de gestion durable par les Micmacs, bon nombre des espèces dont nous dépendons, y compris le saumon de l’Atlantique, se retrouvent au bord de l’extinction en moins de 150 ans.
La Miramichi est une des dernières grandes rivières à saumon au Nouveau-Brunswick. Malgré des efforts de conservation importants, notre population de saumons a du mal à tenir et les chiffres des retours sont très faibles depuis quelques années.
Notre communauté en est réduite à une petite pêche alimentaire, sociale et cérémonielle, et nous subissons constamment des pressions pour la suspendre entièrement.
On estime à tout au plus 50 % la survie des saumoneaux qui migrent hors du réseau de la Miramichi. Autrement dit, seule la moitié des jeunes prêts à migrer vers la mer pour devenir adultes atteignent l’océan.
L’espèce subit des pressions de l’exploitation forestière, des changements climatiques, des prédations et d’autres espèces, comme le bar rayé et le phoque.
Le saumon est une espèce qui vit en eaux froides. À cause des températures élevées, plusieurs fosses à saumon se sont fermées cet été. Le gouvernement continue d’autoriser dans nos bassins hydrographiques et nos océans des activités industrielles et d’exploitation des ressources qui menacent le saumon, comme l’exploitation pétrolière en mer, l’installation de câbles sous-marins, la mine de Sisson Brook et l’oléoduc Énergie Est de TransCanada.
La Cour suprême du Canada a confirmé nos droits au poisson à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles dans la décision Marshall en 1999 et notre droit à la pêche commerciale pour en tirer une subsistance convenable. La Cour a également confirmé que seuls de véritables objectifs de conservation peuvent avoir la priorité sur la pêche des Premières Nations, et que la pêche des Premières Nations doit avoir la priorité sur la pêche commerciale et récréative.
Le Canada n’a jamais appliqué la décision Marshall, et la plupart des membres de nos communautés sont dans l’incapacité de tirer de notre pêche une subsistance convenable. Nos communautés restent pauvres, alors que d’autres s’enrichissent.
Le MPO ne tient aucun compte des priorités fixées par la Cour suprême du Canada. Il ne fait pas vraiment participer les Micmacs aux efforts de conservation, et on nous demande continuellement de réduire nos activités de pêche au nom de la conservation.
Par exemple, on continue de vouloir nous faire réduire ou éliminer notre pêche alimentaire, sociale et cérémonielle au saumon de l’Atlantique pour des raisons de conservation. Nous ne sommes pas autorisés à pratiquer une pêche commerciale, alors que la pêche récréative continue sans qu’il n’y ait aucune étude détaillée de l’incidence de la remise à l’eau des captures sur la mortalité des saumons et sur leur population. C’est tout à fait contraire à la priorité imposée par la Cour suprême du Canada.
Autre exemple, l’impact de la prédation des phoques et des bars rayés sur les populations de saumons. Nous avons demandé au MPO d’assouplir la pêche alimentaire autochtone et la pêche commerciale des Micmacs en ce qui concerne le bar rayé et le phoque gris. Comme vous le savez peut-être, un moratoire sur la pêche au bar rayé a été imposé il y a cinq ans parce qu’il n’en restait pas beaucoup. On partait du principe que l’espèce était reconstituée si la population se composait pendant cinq années consécutives d’environ 35 000 adultes se reproduisant. Ce chiffre a été atteint et dépassé. D’après les dernières estimations faites sur une trentaine de kilomètres de rivière se trouvant dans notre territoire ancestral, on compte maintenant plus de 300 000 bars.
Jusqu’ici, nous sommes seulement autorisés à pratiquer une pêche limitée au bar rayé, et nos demandes de pêche commerciale au bar ou de chasse au phoque sont ignorées. Parallèlement, le MPO a assoupli la pêche récréative au bar rayé. Pour une raison quelconque, la pêche récréative est prioritaire sur les droits issus des traités, contrairement à la directive de la Cour suprême du Canada.
En mars 2015, nos communautés ont remis un mémoire sur les quotas au comité consultatif du ministre sur le saumon de l’Atlantique par l’intermédiaire de l’Assemblée des chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick à North Shore. Nous avons remis une copie du mémoire de l’assemblée au comité avec mes notes d’aujourd’hui, et je vous encourage à le lire. Nous demandons que les Micmacs jouent un plus grand rôle dans les mesures de conservation, et des mesures pour rétablir l’équilibre entre les espèces dans notre écosystème, en tenant davantage compte des Premières Nations et des connaissances autochtones pour faire progresser la science.
Le comité consultatif ministériel a publié son rapport en août 2015. Il a adopté une partie de nos propositions et en a ignoré d’autres. On nous a expliqué que si le comité lui-même ne faisait pas de consultations, nous serions consultés par le MPO sur les recommandations formulées, dont beaucoup concernaient les Premières Nations. Nous avons demandé à rencontrer le ministre pour parler de ce rapport, mais à ce jour, il n’y a eu ni consultation, ni rencontre avec le ministre.
D’autre part, ma comparution devant ce comité aujourd’hui ne libère pas de l’obligation de consulter les Premières Nations et ne satisfait pas aux obligations du Canada découlant des traités. Le MPO doit s’asseoir avec nous dans l’esprit de partenariat découlant des traités et commencer à nous faire participer comme de vrais partenaires aux décisions relatives à l’application des lois sur la conservation, à la gestion et à l’allocation. Nos connaissances autochtones doivent être respectées aux côtés de la science. Le MPO doit respecter le droit énoncé par la Cour suprême du Canada.
Il faut donner aux Micmacs un accès prioritaire à la pêche, qui ne peut être limitée que pour des motifs de conservation réels. Il y va de notre survie même, ni plus ni moins.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président et merci, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous. Je tiens d'abord à vous présenter un exposé, après quoi c'est très volontiers que je répondrai à vos questions en espérant qu'elles seront nombreuses. Ce que je souhaiterais vous dire dépasse de beaucoup ce que je vais pouvoir dire dans les limites du temps qui m'est imparti.
Permettez-moi de commencer en disant quelques mots de notre organisation, Maritime Seal Management Inc., ou MSM. MSM est une organisation à but non lucratif constituée en mai 2014 en vertu de la législation fédérale. L'organisation s'est notamment fixé comme objectifs de mettre en oeuvre toute une série de recommandations formulées par le Secteur des sciences de Pêches et Océans Canada ainsi que les recommandations formulées en 2012 par le Comité sénatorial permanent au sujet des phoques gris; d'élaborer et de mettre en oeuvre dans les provinces des Maritimes une stratégie de gestion responsable de la population de phoques gris, dans le but de protéger la biodiversité de notre écosystème marin et de permettre aux stocks halieutiques de la région de se reconstituer.
Les directeurs-fondateurs de MSM possèdent une somme considérable de connaissances en sciences marines, en prise de décisions au niveau de la direction, en capital-investissement, en matière de banques d'investissement, de stratégie commerciale, de développement des marchés internationaux, et de transformation des produits de la mer, y compris du phoque, ainsi que de la chasse au phoque.
Je voudrais maintenant vous dire quelques mots au sujet d'une proposition que nous avons portée en décembre 2015 devant le ministre des Pêches et des Océans. MSM a constitué un partenariat avec un groupe d'Autochtones du Nouveau-Brunswick qui s'intéresse de près à ce domaine. Avec ce groupe, Aboriginal Conservation and Ecology, auquel je vais me référer en employant son sigle, ACE, nous avons proposé au ministre des Pêches et des Océans une approche globale axée sur la gestion des risques. Il s'agit de permettre la reprise de la chasse aux phoques gris traditionnellement pratiquée par les Autochtones dans les provinces des Maritimes ainsi qu'au Québec.
Notre proposition prévoit non pas une chasse commerciale, mais une chasse de subsistance. Cette chasse donnerait un certain nombre de produits finis ou semi-finis qui seraient alors commercialisés sur plusieurs marchés afin de contribuer au recouvrement des coûts de chasse, de production et de mise en marché, et assurer au programme le financement nécessaire. L'argent qui resterait après le financement du programme et la prise en compte des divers coûts de nos activités serait intégralement versé aux programmes sociaux autochtones, notamment à ceux qui concernent la santé mentale des adolescents et la prévention du suicide, le développement des compétences des jeunes ainsi qu'aux programmes de nutrition à l'intention des Autochtones.
Aux termes de cette proposition, seuls seraient chassés les phoques âgés d'au moins un an. Toutes les parties du phoque seraient utilisées, et rien ne serait gâché. Le niveau des prises serait fixé en fonction d'objectifs écologiques, selon un plan de conservation et de gestion préventive. Les méthodes de chasse seraient affinées afin que tout se passe conformément aux normes internationales reconnues en matière de chasse sans cruauté. Notre organisation, enfin, entend adopter une approche à la fois inclusive, ouverte et transparente comprenant une surveillance scientifique exercée par un collège international de chercheurs indépendants et (ou) d'organisations scientifiques.
Pour vous donner une idée des personnes qui participent à notre organisation et appuient notre proposition, j'ai transmis au greffier un document sous la cote 2. Permettez-moi de vous en lire un paragraphe.
Cette proposition combine les apports de divers experts possédant des dizaines d'années d'expérience dans la commercialisation des produits du phoque, de la mode en général et de la mode autochtone en particulier, de la biochimie, des sciences de la vie, du génie industriel, du comarquage international et du développement des marchés pour les produits de consommation haut de gamme. On entend, pour traiter toutes les parties des phoques capturés, se servir des installations de transformation déjà existantes. Ce projet n'exigera ainsi qu'un faible apport de capitaux nouveaux.
Je voudrais, en dernier lieu, vous dire, dans l'optique de l'analyse décisionnelle, quelques mots au sujet de l'approbation que nous espérons obtenir pour notre projet. Permettez-moi de vous donner lecture de certains des points que nous faisons valoir.
Notre proposition donne au gouvernement du Canada l'occasion de réaliser en même temps plusieurs des objectifs qu'il s'est lui-même fixés, à savoir, créer des emplois, favoriser une pêche sportive et une pêche commerciale biologiquement durable, biodiversifiée et rentable, contribuer à la force, au bien-être et au développement socio-économique des peuples autochtones du Canada.
Il est possible que le public ait quelque mal à comprendre ce que l'on envisage de faire, et si le gouvernement du Canada appuie notre proposition, il se peut qu'il fasse les frais d'une telle incompréhension. Mais le risque éventuel proviendrait surtout de la population des grands centres urbains, tels que l'agglomération de Toronto, où les gens sont très éloignés des pêcheries, tant au niveau géographique, qu'aux niveaux économiques et culturels. Ils sont en effet moins proches de la nature.
MSM et ACE, avec les professionnels spécialisés qui sont leurs partenaires et l'appui d'un certain nombre de célébrités, ont dressé des plans précis et raisonnés destinés à faire comprendre à l'ensemble de la population les avantages culturels, sociaux et écologiques de la pêche au phoque telle que nous l'envisageons. Les mesures prises pour se conformer aux normes en matière de bien-être animal devraient atténuer les risques de critique que pourrait attirer l'approbation de notre projet.
MSM a fait de gros efforts afin de bien comprendre le fonctionnement interne, les priorités d'action, et la complexité du processus décisionnel des organisations qui luttent contre la pêche commerciale du phoque pratiquée par des non-Autochtones. Bon nombre de ces organisations continuent à organiser des campagnes contre la pêche au phoque pour faciliter leurs levées de fonds. Le projet de pêche que propose de mettre en oeuvre MSM comporte plusieurs aspects qui répondent aux principales objections formulées par ces organisations. Leurs critiques et leurs objections visent d'ailleurs essentiellement la pêche commerciale. Notre objectif, qui est de sauver une espèce en péril et de promouvoir la biodiversité, s'aligne parfaitement avec les priorités que se sont fixées les partisans de ces organisations.
Après avoir analysé les positions et les objections des diverses parties intéressées, nous estimons peu probable que les groupes opposés à la chasse au phoque s'opposent à notre projet de chasse. Ils choisiront vraisemblablement de consacrer leurs ressources à des campagnes d'opposition à des activités qu'ils peuvent plus légitimement critiquer. Ils n'ont pas grand-chose à gagner en s'opposant au type de chasse que nous proposons, et risqueraient en outre d'aliéner une partie de leurs partisans ou de diviser les organisations qui les soutiennent.
S'il me reste un peu de temps, je voudrais évoquer une des questions soulevées tout à l'heure lorsque quelqu'un a demandé si les phoques se nourrissent de saumon. Supposons que vous organisiez une fête dans votre jardin et que vous ayez placé sur la table 10 plateaux d'aiglefin fumé et 10 plateaux de pétoncles enrobés d'une tranche de bacon. Vos invités vont vraisemblablement se diriger en premier vers les pétoncles. Or, les phoques sont, comme nous, des mammifères, et ils ont comme nous des préférences alimentaires. Ils préfèrent notamment le poisson gras en raison de sa valeur énergétique et nutritive. Ces jours-ci, ils consomment beaucoup de hareng et de maquereau, qui sont en abondance, mais aussi parce que les pétoncles enrobés de bacon ont tous été mangés. En l'occurrence parce que tout le saumon a été mangé. Si vous êtes un chercheur rattaché au MPO, vous allez peut-être examiner les restes de la fête que vous avez organisée, et conclure que les invités ont modifié leur comportement alimentaire et qu'ils ont tendance à délaisser les pétoncles enrobés de bacon. Je pense, cependant, que si vous apportez de nouveaux plats de pétoncles enrobés de bacon, vos invités reprendront leurs vieilles habitudes et se mettront à nouveau à consommer les mets qu'ils préfèrent. Les phoques étant des mammifères, ils se comportent de la même manière.
Je suis heureux d'avoir pu m'étendre un peu sur ce point. Nous avons beaucoup travaillé à la question avec une équipe de gens formidables. Nous nous y consacrons depuis plusieurs années déjà. Je dirais même que certains de mes collègues y travaillent depuis les années 1980. Nous sommes parvenus à une solution qui nous paraît entièrement viable. Elle repose sur des fondements rationnels et les résultats de recherches approfondies. Nous nous sommes adjoint des partenaires non seulement au Canada, mais dans diverses autres régions du monde. Nous avons, dans de nombreuses provinces du pays, des gens qui participent déjà à notre programme.
La décision d'avaliser notre projet exige simplement un peu de courage, le courage de faire ce que la situation exige. En effet, je ne vois pas comment une personne rationnelle pourrait, dans le cadre de cette discussion sur la conservation et la protection des espèces en péril, nier qu'il convient de rétablir l'équilibre et favoriser la biodiversité. Le risque est que, dans certaines régions du pays, des populations qui comptent beaucoup au plan économique et social ainsi qu'au plan de la démocratie, interpréteront mal ce que nous proposons de faire. Cela va donc exiger, de la part de responsables tels que vous, le courage de faire ce que la situation appelle, en nous aidant à faire ce que la situation exige. Ne pensez pas que vous allez devoir à vous seul défendre notre projet. Nous estimons avoir en cela autant de responsabilités que nos représentants élus et que l'ensemble des Canadiens. Nous prenons cette tâche tout à fait au sérieux et nous avons pris nos dispositions afin de sensibiliser le public et répondre aux inquiétudes qu'il pourrait éprouver. Le processus que nous avons prévu est inclusif, ouvert et transparent. Nous vous serions reconnaissants de transmettre notre projet au Cabinet pour qu'il y soit discuté, car nous avons déjà fait tout ce qu'il était possible de faire auprès des responsables du MPO. Nous avons besoin de votre concours pour que notre projet soit examiné par le Cabinet car c'est de son aval que nous avons besoin. Nous mettons tous nos espoirs en vous.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis le seul francophone au sein de l'association. Ma présentation sera faite en anglais, mais
[Traduction]
au cas où il y aurait des questions.
[Français]
vous pourrez les poser dans l'une ou l'autre des deux langues officielles et je me ferai un plaisir d'y répondre.
J'aimerais noter deux choses que je n'ai pas incluses dans mon document. Il s'agit de commentaires qui ont été faits ou auxquels on n'a pas répondu. Le premier portait sur la notion de catch and release.
[Traduction]
Je suis également président de la Cheticamp River Salmon Association. Je crois pouvoir dire qu'elle a été au Canada la première rivière de pêche avec remise à l'eau. Elle est située dans un parc national et a été désignée comme rivière de pêche avec remise à l'eau en 1988. Je ne sais pas si d'autres rivières étaient ainsi désignées à l'époque. Depuis 28 ans qu'elle est sous ce régime, il semble qu'aucun poisson ne soit mort de la pêche.
La rivière se trouve dans le Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton. Il s'agit évidemment d'une rivière d'eau froide, où la pêche se pratique plutôt au printemps et à l'automne. Elle est surtout fréquentée par des pêcheurs expérimentés. Si tout le monde s'en tient aux règles, la pêche avec remise à l'eau n'entraîne pas la mort du poisson. Dans le cas de certaines rivières, les études font état d'un nombre de poissons morts allant de 0 à 5, mais en 28 ans, on n'en a relevé aucun cas dans la rivière Cheticamp.
Une autre question a été posée au sujet de l'aquaculture dans la baie de Fundy. Personne n'y a répondu sur le moment car, à part Sonja Wood, les groupes représentés ici exercent tous leurs activités dans le golfe du Saint-Laurent. Or, dans le golfe du Saint-Laurent, il n'y a pas d'aquaculture. Le secteur aquacole est pour l'essentiel installé dans la baie de Fundy, sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse ainsi que sur la côte sud de Terre-Neuve.
Je n'en dirai pas plus. J'aurais quelques observations à ajouter, mais j'espère que vos questions feront ressortir des éléments complémentaires.
La Nova Scotia Salmon Association a été créée en 1963 par des membres influents de la communauté des pêcheurs à la ligne de la Nouvelle-Écosse. Il s'agit d'un organisme charitable enregistré, sans but lucratif. Elle compte environ 1 100 membres et les 22 membres de son conseil d'administration sont issus de toutes les régions de la province. C'est la principale organisation bénévole oeuvrant pour la gestion raisonnable et la conservation des populations de saumon sauvage de l'Atlantique et de truite en Nouvelle-Écosse. J'insiste sur le fait que son conseil d'administration comprend des représentants de toutes les régions de la province. Environ 23 organisations lui sont affiliées. La Cheticamp River Salmon Association, que je préside, est membre de la Nova Scotia Salmon Association, elle-même affiliée à la Fédération du saumon de l'Atlantique.
Les principales questions locales qui retiennent l'attention de la NSSA sont les conséquences de la pluie acide sur les rivières de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse, dans la région des hautes terres du sud de la province; l'impact que l'aquaculture en milieu ouvert ou en cage maritime peut avoir sur le saumon sauvage de l'Atlantique, encore une fois dans la baie de Fundy et le long de la côte atlantique; les conséquences de l'activité humaine tant passée qu'actuelle sur l'habitat du poisson dans les rivières et les cours d'eau; et la quasi-disparition du saumon sauvage à l'intérieur de la baie de Fundy. Cette population qui s'élevait à 40 000 il y a seulement une génération, s'est aujourd'hui effondrée ainsi que vous avez pu récemment l'apprendre. Dans mon exposé, je vais m'en tenir au projet d'atténuation des conséquences des pluies acides.
Regardez la carte. On y voit les zones de la Nouvelle-Écosse touchées par les pluies acides. Voyez la correspondance géologique. Les formations géologiques sont à cet égard défavorables puisqu'il s'agit essentiellement de roc. Lorsque les flux et les courants d'air allant d'ouest en est atteignent la côte atlantique, ils charrient ces pluies acides en provenance des zones industrialisées des États-Unis. L'air remonte le long de la côte atlantique et frappe cette région en particulier.
Le projet d'atténuation des conséquences des pluies acides est basé à West River Sheet Harbour. Il s'agit essentiellement d'un doseur de chaux, et comme vous pouvez le voir d'après la photo à la page suivante, l'équipement est à peu près de la taille d'un semi-remorque. Le doseur est installé à West River Sheet Harbour, situé à environ 30 kilomètres en amont. Depuis 10 ans, il déverse chaque jour une quantité précise de chaux.
En 2005, la NSSA a lancé un ambitieux projet de rétablissement d'une des rivières atteintes par les pluies acides. Après une étude préalable approfondie menée par un comité comprenant des représentants de la NSSA, l'ASF, Trout Nova Scotia, Nova Scotia Power, et les gouvernements fédéral et provincial, il a été décidé de lancer le projet pilote sur la rivière West. La NSSA a commandé la rédaction d'un rapport qui a été confiée à M. Atle Hindar, chercheur norvégien réputé spécialiste des stratégies de chaulage permettant de lutter contre les conséquences des pluies acides. Pendant les 10 premières années du projet, le fonctionnement du doseur à chaux a été entièrement assuré par des bénévoles de la NSSA.
Jusqu'en 2015, le projet a été financé essentiellement par les levées de fonds de la NSSA — il y a chaque année deux levées de fonds, un tournoi de golf et un dîner. Les 10 premières années de chaulage, d'entretien et de fonctionnement ont coûté près d'un million de dollars.
[Français]
Le grand objectif est le suivant.
[Traduction]
Le projet d'atténuation des conséquences des pluies acides sur la rivière West est un projet expérimental qui sert aussi de projet témoin. Nous avons concentré nos efforts sur ce bassin hydrologique, car nous sommes à la recherche de méthodes permettant d'atténuer les conséquences des pluies acides.
La chose peut paraître assez simple: il suffirait ainsi de verser de la chaux dans l'eau afin de rééquilibrer le pH. Nous nous sommes cependant aperçus que le pH n'est qu'un des facteurs en cause — le principal certes —, mais d'autres facteurs très importants interviennent également. Vous avez peut-être entendu parler de cela. Il y a aussi, en effet, l'infiltration d'aluminium dans l'eau des rivières, les sols vidés de leurs agents-tampons ne jouant plus leur rôle de filtrage. L'aluminium charrié par les pluies s'infiltre dans les rivières, affectant les nageoires des petits poissons qui ont alors du mal à survivre lors du passage à l'océan. C'est un autre des phénomènes que nous avons pu constater.
Nous avons également mené, de concert avec nos partenaires, des expériences afin de trouver une réponse aux problèmes qui limitent actuellement le rétablissement de nos rivières que devrait normalement permettre l'ajout de chaux. La situation est compliquée. Les enseignements que nous avons tirés de nos travaux sur la rivière West vont être intégrés à un plan de rétablissement des rivières de Nouvelle-Écosse et du Maine touchées par les pluies acides. Le nord-est du Maine partage en effet avec la Nouvelle-Écosse certaines caractéristiques géologiques.
En 2016, nous oeuvrons de concert avec un nouveau partenaire, et avons, après 10 ans, fini par obtenir de nouvelles sources de financement. Pendant longtemps, nous avons, en effet, tout fait nous-mêmes. En 2016, la province de la Nouvelle-Écosse nous a accordé un financement annuel de 100 000 $. Elle nous a par ailleurs accordé 300 000 $ pour nous permettre d'engager un chercheur scientifique chargé de la gestion du projet. Nous étions pour ainsi dire au bout de nos ressources. Pourquoi tout cela a-t-il pris si longtemps? Au départ, nous avions prévu deux ans de travaux, mais étant donné que nous effectuions nos recherches avec des bénévoles et un budget minuscule, tout a pris plus longtemps que prévu.
Mais la province nous a également apporté une aide. Nous effectuons maintenant une partie du chaulage par hélicoptère, là encore dans le bassin hydrologique de la rivière West. Il s'agit, toujours, de trouver des techniques permettant de désintoxiquer la rivière, puis d'utiliser ce que nous avons pu apprendre là pour aller faire la même chose ailleurs.
Le MPO s'est en outre joint à nous pour construire et installer une barrière de dénombrement des poissons adultes. Pendant 10 ans, en effet, nous n'avions pas la moindre idée du nombre de poissons qui revenaient. Et enfin, avec l'aide du MPO et d'autres partenaires... La Fondation pour la conservation du saumon atlantique a, elle aussi, joué un rôle important, tout comme votre propre programme de partenariats relatifs à la conservation des pêches récréatives.
Citons parmi les autres bailleurs de fonds la Nova Scotia Liquor Corporation pour le programme Adopt a Stream. La NSLC accorde en effet, chaque année, 100 000 $ à notre programme Adopt a Stream. Elle s'est engagée à nous verser, sur 10 ans, un million de dollars pour aider à financer ce programme. Pendant 10 ans, ce projet n'a pu être mené qu'à l'aide de la Fondation pour la conservation du saumon atlantique, le PPCPR, et divers projets étudiants.
Et puis, le gouvernement fédéral a décidé de s'impliquer en plus du PPCPR... J'ai d'ailleurs, la semaine dernière, conclu avec l'APECA un accord qui nous octroie une importante subvention pour l'achat d'un deuxième doseur de chaux, qui doit être installé sur le bras Killag de la rivière West. Le premier doseur à chaux ne devrait en fait pas être installé là où il est, mais nous n'avions pas à l'époque accès à un autre site. Le bras Killag se prête mieux à cette installation et nous y avons désormais accès. Nous espérons que les deux doseurs vont nous permettre de mener à bien nos recherches dans les quelques années à venir.
Que la NSSA demande-t-elle au juste au gouvernement fédéral? Nous voudrions que le MPO et les autres organismes fédéraux, y compris Environnement Canada, s'impliquent directement dans le projet d'atténuation des conséquences des pluies acides piloté par la NSSA, et qu'ils investissent dans ses infrastructures, y compris au niveau de la gestion et de l'administration. Nous avons, jusqu'ici, obtenu des financements pour certains aspects de notre travail, mais rien en ce qui concerne la gestion et l'administration.
Cela nous permettrait d'engager des collaborateurs à temps plein qui s'occuperaient de la mise en oeuvre de nouveaux projets. Nous pourrions alors financer de nouvelles initiatives, permettant ainsi aux divers organismes à but non lucratif de contribuer à l'activité du MPO, qui a pour mission de protéger l'habitat du poisson contre les conséquences des pluies acides.
Je vous remercie.
[Français]
Merci beaucoup.
:
Je tiens d'abord à préciser que je pourrais, après mon exposé, remettre au greffier les informations dont je vais faire état, car je sais que les autres intervenants ont transmis une copie de leur exposé.
Je m'appelle Sydney Paul et j'exerce, au sein de la Première Nation de Kingsclear, les fonctions de coordinatrice des consultations. Je suis accompagnée de Gordon Grey qui, lui aussi, s'occupe des consultations auxquelles participe la Nation de Kingsclear.
Je tiens à remercier le Comité permanent des pêches et des océans d'avoir invité des représentants des Mi'gmag à prendre la parole devant vous. Je précise que nous nous trouvons actuellement sur le territoire traditionnel non cédé des Mi'gmag.
Nous prenons la parole au nom des six communautés malécites du Nouveau-Brunswick. Dans notre exposé, nous n'entendons pas dresser une liste exhaustive des inquiétudes que la nation des Malécites éprouve en ce qui concerne le saumon sauvage de l'Atlantique. Seule une large consultation permettrait de comprendre pleinement les priorités et les inquiétudes ressenties à cet égard par la nation des Malécites. Je précise qu'aucun aspect de notre exposé ne doit être considéré comme limitant, définissant ou abrégeant la possibilité, pour les Malécites, de faire ultérieurement état de renseignements supplémentaires. Notre exposé ne préjuge en rien l'utilisation traditionnelle de la ressource que représente pour nous le saumon sauvage de l'Atlantique et (ou) de nos droits ancestraux ou issus de traités.
Depuis des temps immémoriaux, nous avons entretenu avec le saumon un rapport de mutualité, mais cette relation a presque entièrement disparu du territoire des Malécites. La loi nous interdit actuellement de pêcher le saumon sur nos terres ancestrales.
Je tiens à préciser que nous n'avons eu que peu de temps pour nous préparer à cette séance et que, par conséquent, l'exposé que nous vous présentons ne peut pas rendre intégralement compte des problèmes et des préoccupations des Malécites.
Nous sommes les Wolastoqiyik, c'est-à-dire le peuple de la Wolastoq, qui veut dire belle rivière. En français, c'est le fleuve Saint-Jean. Notre nom traduit la relation profonde que nous entretenons avec la rivière. Nous sommes le peuple de la belle rivière. Cette relation, qui nous lie au fleuve depuis des milliers d'années, anime notre langage, notre culture, nos traditions et notre société. On ne saurait expliquer en 10 minutes l'importance de ce lien intime et inexplicable qui existe entre la rivière, le saumon de l'Atlantique et notre peuple. Il faudrait en effet pour cela tout un travail d'initiation concernant l'importance de notre culture et des droits qui nous sont reconnus à l'article 35 de la Constitution. Selon nos traditions orales, nous sommes liés aux terres de la Wolastoq depuis des temps immémoriaux et nos chroniques traditionnelles relatent les étapes de la dégradation environnementale de notre système fluvial depuis l'arrivée des Européens.
Pour rendre compte en quelques mots de la relation que nous entretenons avec le saumon de l'Atlantique, et pour replacer dans son contexte le combat que nous menons pour protéger notre manière de vivre traditionnelle, je voudrais vous donner lecture d'un extrait tiré des écrits de l'historien Jason Hall. Ces lignes figurent dans l'étude que nous menons actuellement sur l'utilisation traditionnelle des terres des Malécites.
En 1840, Moses Perley, l'agent des Indiens du Nouveau-Brunswick, a recommandé la construction d'une digue à l'embouchure de la rivière Tobique. Il s'agissait de détruire la principale source d'alimentation des Malécites afin de les obliger de s'adonner à l'agriculture et de s'assimiler à la population des colons. Ce n'est qu'en 1953 cependant que l'idée avancée par Perley s'est concrétisée avec la construction d'un barrage hydroélectrique sur la rivière Tobique. Avant cela, cependant, des barrages avaient été élevés sur la rivière Aroostook, en 1923, et à Grand Falls en 1931. Après le barrage de la rivière Tobique, un barrage a été construit à Beechwood, en 1958, et à Mactaquac en 1968.
Or, ces barrages ont eu, et continuent d'avoir des conséquences déplorables sur notre culture et notre société. Ils ont inondé nos villages, nos cimetières, les champs dans lesquels nous cultivions, par exemple, des têtes de violon, ainsi que des sites qui revêtent pour nous une grande importance culturelle. Ces barrages continuent à décimer la population de saumon de l'Atlantique qui vit dans notre système fluvial, au point où nos membres ne peuvent plus entretenir par nos cérémonies traditionnelles et la saga de notre peuple, tout ce qui nous liait à la pêche au saumon dans le fleuve Saint-Jean.
Je voudrais maintenant vous donner lecture d'un passage qui figure dans l'étude sur l'utilisation traditionnelle des terres que nous sommes en passe d'achever. Ces propos ont été tenus par un de nos membres au cours d'une entrevue.
Lorsqu'ils ont construit le barrage, ils ont anéanti notre mode de vie. Nous avions, dans notre communauté, des aires de jeu naturelles. Il y avait l'eau, les îles où poussaient des têtes de violon, des piscines naturelles. Nous avions même une installation de pompage. L'été, en fin de semaine, les gens s'y rendaient en famille. Nous jouions au ballon dans cette réserve. Je me souviens de nos guides, les femmes les plus âgées, qui avaient toute leur place. Elles étaient là assises à pêcher, certaines avec une simple canne, d'autres ayant un moulinet [...].
Il s'agit là d'extraits de ce qu'ils ont dit.
Elles pêchaient là jusqu'au crépuscule. Or, après la construction du barrage, tout cela a pris fin. Ce mode de vie et ce mode de subsistance ont disparu.
Comme nous le dit le passage que je viens de citer, c'est tout un mode de vie qui a disparu. Je ne peux plus pêcher le saumon dans les eaux où pêchaient mes ancêtres, et il est très peu probable que je puisse transmettre à mes enfants ce savoir traditionnel. Les barrages et les industries telles que l'industrie forestière abrogent les droits ancestraux et issus de traités au titre desquels nous pêchions le saumon sauvage de l'Atlantique.
On propose pour notre territoire un projet de développement des ressources qui, selon nous, va ravager encore plus l'habitat du saumon. Cela nous inquiète tellement que nous avons engagé le Canadian Rivers Institute pour mener une étude sur le saumon. Nous avions espéré que la simple possibilité que ce projet entraîne pour le saumon des conséquences dommageables suffise à y faire obstacle, mais cela ne semble pas être le cas.
Selon votre rapport, l'amélioration de l'habitat est le principal moyen de maintenir et, éventuellement, de restaurer les stocks de saumon. Depuis 2008, dans le cadre de la stratégie des pêches autochtones, le Conseil de conservation de la Nation des Malécites oeuvre de concert avec les communautés malécites pour recueillir sur l'habitat du saumon les données nécessaires. Cette collecte de données s'effectue dans le cadre des activités de mise en valeur des cours d'eau, des analyses de la qualité de l'eau et des relevés effectués dans le passage du bassin hydrologique. Les renseignements ainsi recueillis ont permis à notre communauté de savoir si nos cours d'eau étaient effectivement capables d'abriter les populations de salmonidés. Les membres de notre communauté participent activement à la gérance environnementale de notre territoire dans l'espoir de créer pour le saumon un habitat viable.
Un passage pour la migration du poisson est actuellement en construction sur la rivière Tobique. Cela devrait permettre de réduire la mortalité chez le saumon de l'Atlantique et l'anguille d'Amérique. Les Malécites reconnaissent les efforts que le MPO a engagés pour qu'un passage à migration soit établi en aval, mais rien ne semble se faire à Beechwood et à Mactaquac. On nous a dit qu'on y installerait là aussi un ouvrage de franchissement pour les poissons, mais en quoi est-ce urgent? L'ouvrage de franchissement du barrage de Mactaquac est actuellement une écloserie piscicole, le saumon de l'Atlantique étant alors convoyé par camion jusqu'à la rivière Tobique.
Le barrage de Mactaquac, situé à côté de ma communauté de Kingsclear, défraye actuellement la chronique, Énergie NB devant décider, avant la fin de l'année, laquelle de quatre options possibles sera choisie. Les Malécites ont déjà fait savoir à Énergie NB qu'ils préfèrent la troisième solution, c'est-à-dire la restauration du fleuve. Selon Patrick Polchies, un des conseillers de la Première Nation de Kingsclear, la disparition du barrage serait l'événement culturel le plus marquant de notre génération, et contribuerait énormément à la réconciliation avec notre peuple.
Les Malécites estiment, en effet, que la disparition du barrage améliorerait très sensiblement l'habitat. Or, c'est justement un des objectifs des recommandations formulées par le Comité. Le peuple malécite s'inquiète d'ailleurs de voir la pêche sportive figurer parmi ces recommandations. Selon votre rapport, le taux de mortalité sera faible si l'on respecte les bonnes pratiques, mais les stocks de saumon de l'Atlantique ont tellement diminué que ces bonnes pratiques ne suffiront pas, selon nous, à assurer la conservation. Selon l'arrêt Sparrow, les peuples autochtones du Canada possèdent le droit inhérent de pêcher à des fins de subsistance et à des fins sociales et rituelles. Or, ce droit l'emporte sur la pêche récréative ou sportive, et ce type de pêche ne devrait pas être autorisé avant la reconstitution de populations viables.
Je tiens à dire, pour conclure, que les Malécites sont profondément préoccupés par la situation actuelle du saumon sauvage de l'Atlantique. Notre savoir et le lien historique que nous entretenons avec ce poisson sont des éléments essentiels de la reconstitution de sa population dans notre fleuve. Nous voulons participer pleinement à son rétablissement. Or, jusqu'ici, les préoccupations dont nous avons fait part n'ont pas été prises en compte de manière satisfaisante par le MPO, et nous n'estimons pas avoir avec ce ministère des rapports satisfaisants. Le gouvernement fédéral doit associer les Premières Nations aux décisions touchant le rétablissement du saumon de l'Atlantique. Depuis des temps immémoriaux, nous entretenons avec lui de puissants liens culturels et on ne saurait sous-estimer l'étendue de notre savoir traditionnel. Nous voulons oeuvrer de concert avec ceux qui peuvent nous aider à récupérer, sur notre territoire traditionnel, les droits que nous avons envers le saumon.
Woliwon.
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L'initiative CAST, et je vais vous la décrire très brièvement pour ceux qui ne connaissent pas bien le programme CAST, est portée par des partenaires industriels, des universitaires, le MPO, la Fédération du Saumon Atlantique, d'autres ONG et des Premières Nations. Il y a toute une série de projets qui sont prévus pour le bassin de la Miramichi. Les projets proposés pour ce bassin vont servir de modèles, de programmes novateurs grâce auxquels les connaissances acquises seront utilisées dans d'autres bassins hydrographiques.
Un des projets proposés est le renforcement de la population adulte. C'est un programme de renforcement saumoneau-saumon. Il consiste à capturer des saumoneaux sauvages au printemps, lorsqu'ils se dirigent vers l'océan, à les placer dans l'écloserie de saumons de Miramichi, installation que, je crois, vous allez visiter demain, à élever ces poissons jusqu'à ce qu'ils atteignent leur taille adulte, pour les remettre ensuite à l'eau dans la rivière.
Ce n'est pas un projet novateur, mais ce n'est qu'une expérience. La Fédération du Saumon Atlantique tient à s'assurer qu'il s'agit bien d'une expérience et non pas d'un programme complet d'empoissonnement. Pour la première fois, une telle initiative d'empoissonnement fera l'objet d'une évaluation à grande échelle.
Nous allons examiner la façon dont ce poisson interagit dans l'écloserie, à partir du moment où il y arrive jusqu'au moment où il quitte l'écloserie. Nous allons faire beaucoup de suivi sur ces poissons, pour voir comment ils apprennent à choisir des partenaires parmi les saumons sauvages, comment leurs descendants interagissent, tout cela entre le moment où les saumoneaux quittent la rivière et celui où ils y reviennent une fois atteint l'âge adulte. Nous voulons être sûrs qu'il s'agit bien d'une expérience, d'une expérience contrôlée, parce que nous ne connaissons pas encore quels pourraient en être les résultats. Nous voulons être sûrs qu'aucun dommage ne sera causé à la rivière pendant cette étape.
C'est une expérience novatrice dans le sens où le poisson ne passe pas beaucoup de temps dans l'écloserie. C'est une étape novatrice, parce que, d'une façon générale, avec les programmes d'écloserie, lorsque les poissons passent beaucoup de temps dans celle-ci, ils ont ensuite du mal à se réadapter une fois lâchés dans la nature. Il s'agit de réduire le temps passé dans l'écloserie. Il s'agit en fait de voir si cela va vraiment renforcer la population de saumon sauvage pendant que nous cherchons les raisons du déclin de ce stock. C'est une solution temporaire, et ce devrait être une initiative à court terme. Une fois terminée cette expérience, nous l'étudierons pour déterminer si les résultats sont positifs. Si c'est le cas, c'est une solution que l'on pourrait avoir en réserve pour la Miramichi, si cela était nécessaire.
À l'heure actuelle, il n'est pas vraiment nécessaire de lancer un programme d'empoissonnement, mais c'est une solution que l'on peut avoir en réserve, si elle fonctionne bien, et que l'on pourrait peut-être utiliser dans d'autres bassins hydrographiques. D'autres projets semblables sont en cours à l'heure actuelle, il y en a un dans la baie de Fundy, mais c'est un stock qui avait été complètement décimé de sorte qu'il ne risque pas de nuire à quoi que ce soit. On a également lancé un programme semblable sur le fleuve Saint-Jean, en amont de Tobique.
C'est tout ce que je voulais dire. Si vous souhaitez poser des questions ou demander des précisions, cela ne me gêne pas.
Il semblerait tout à fait logique d'essayer de gérer le système d'une façon globale, de ne pas examiner de façon isolée une espèce plutôt qu'une autre, et de faire en sorte que les connaissances scientifiques et traditionnelles des Premières Nations soient prises en compte, dans le cadre de ces discussions. Cela est un aspect important de ces discussions; il ne suffit pas d'organiser une réunion de temps en temps, parce que cela ne permet pas de parler aux gens qui prennent vraiment les décisions. Après 149 ans, nous espérons toujours que nous pourrons parler d'un processus qui donnera de bons résultats et que nous ferons partie de tout cela. C'est quelque chose de considérable.
Le saumon est une espèce extrêmement importante pour nous; nous avons par ailleurs constaté que les stocks d'achigan avaient explosé ces cinq dernières années. Il semblerait logique que le MPO parle avec les Premières Nations qui se trouvent sur ce fleuve ainsi qu'aux autres groupes d'utilisateurs et examine la question de la prédation, ce qu'il est possible de faire dans ce système, dans ce bassin hydrographique, dans le but d'améliorer l'habitat du saumon et d'augmenter les retours. Si cela se fait, ce serait bon pour tout le monde.
Il y a des choses que l'on pourrait faire et que nous ne faisons pas à l'heure actuelle. Il y a la pêche commerciale en haute mer que les Premières Nations... Nous n'avons aucun contact avec la NASCO et nous ne participons pas aux discussions internationales. Nous devrions sans doute y participer pour nous intégrer à cette stratégie plus vaste.
Je ne peux pas m'empêcher de penser au passé. Mon grand-père a eu un permis de pêche au saumon pendant une très courte période. C'est environ deux ans après que la pêche a été arrêtée. Au cours des années 1950 et 1960, il devait se rendre en cachette à la rivière pour nourrir sa famille. Alors que notre tribu, notre peuple, utilise cette ressource, de façon viable, depuis des milliers d'années. Être obligé d'agir ainsi, et voir l'activité commerciale qui s'exerce sur cette rivière, sans que nous en fassions partie en dit long sur la situation économique de nos collectivités. Nous n'avons pas eu cette possibilité.
Cela ne fait que quelques années que nous parlons de Marshall — la mise en oeuvre initiale —, mais il y a encore tellement de choses à faire pour en arriver à une subsistance raisonnable, pour que nos demandes s'appliquent à toutes les espèces, à l'ensemble du bassin hydrographique et ne se limitent pas à une seule espèce.
Dans notre cas, le saumon est à côté de chez nous. Il y en a. Lorsque les gens ont faim, ils vont le pêcher. Tant que sa conversation n'est pas en danger, je vais continuer à les inciter à le pêcher.
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Absolument. Nous allons commencer par parler des méthodes de récoltes comme telles. La méthode qui est actuellement préconisée selon le système du MPO consiste essentiellement à les abattre. Il s'agit d'une procédure en trois étapes, qui consiste à les abattre, les palper, puis les saigner, ce qui est très bien. Ce que nous avons proposé, en nous fiant à des essais sur le terrain réalisés par certains chasseurs, c'est un système de trappage des phoques gris lorsqu'ils sont hors de l'eau. Cela accroîtrait l'efficacité de la récolte. Cela permettrait de prendre un bien plus grand nombre d'animaux et de les garder dans un espace clos sans les tuer. Cela permet une récolte plus sélective, une récolte plus contrôlée.
Ensuite, il y a différentes méthodes envisageables à ce stade pour récolter et traiter les animaux. L'on peut envisager d'utiliser des armes à feu, comme cela se fait traditionnellement. L'on peut envisager d'utiliser l'électricité, ce qui constitue une méthode de récolte internationalement reconnue comme étant sans cruauté. L'on peut envisager le recours à du gaz CO2, qui a également fait l'objet de nombreux essais et qui est largement approuvé comme méthode de récolte sans cruauté.
En fait d'usage et de réalisation de la valeur, on en fera du petit lard, des peaux, et ce que nous appellerons, par souci de simplicité, les restes.
Le petit lard est de loin la partie de l'animal qui a le plus de valeur. Le petit lard contient de l'huile riche en oméga-3. Il s'agit d'un type d'oméga-3 unique qui est présent uniquement chez les mammifères marins et dans le lait humain. Un des composés s'appelle DPA, ou acide docosapentaéonïque. Il s'agit d'un oméga-3 unique qui peut être dérivé. Vous pouvez le faire assez efficacement à comparer aux autres méthodes de dérivation d'oméga-3 de poissons. Il y a un marché liquide dans le monde. Le prix de l'huile de phoque sur le marché a bondi au cours des 18 derniers mois. Il y a vraiment beaucoup plus de demandes que d'offres sur le marché. Je dis que le petit lard est la partie qui a le plus de valeur parce qu'il s'agit de la partie de laquelle il est le plus facile de dériver de la valeur et c'est celle pour laquelle il y a le marché liquide de produit de base le plus clair.
Au deuxième rang des sous-produits ayant le plus de valeur, il y aurait les peaux. Il y a de nombreuses options. Nous regroupons nos options et ce que nous aimons faire des peaux en trois catégories: les produits autochtones traditionnels, les produits autochtones contemporains, et les produits grand public. Parmi les produits grand public, on trouve le secteur des chaussures, vêtements et accessoires de mode. L'on fabrique certains produits de très grande valeur dans cette catégorie. Un de nos partenaires de projet entrepreneurial est un dénommé Bernie Halloran, qui est un chic type. Il est souvent considéré comme le parrain des produits du phoque. Personne au Canada ne travaille avec le phoque depuis aussi longtemps que lui. C'est très bon pour nous de l'avoir comme partenaire. Il a naturellement accès à de nombreux marchés. Il a une capacité de production et une expérience et des compétences considérables. Il est vraiment notre partenaire et l'homme de la situation pour ce qui concerne les produits contemporains.
Nous avons une créatrice de mode renommée et acclamée par la critique qui est métisse, Angela Demontigny. Elle est assez habile à fabriquer aussi bien des produits autochtones traditionnels que des produits autochtones contemporains. Nous aimerions travailler avec elle dans le cadre d'un programme où nous inviterions d'autres créateurs autochtones — peut-être des aspirants créateurs — à participer. Il y a un vaste éventail de produits envisageables qui peuvent être utilisés.
Dans le cadre de notre programme, étant donné la façon dont nous envisageons de démarrer, dans une certaine mesure, ces produits seraient utilisés comme des modèles dans le cadre de nos campagnes de sensibilisation à ce que nous faisons et aux raisons écologiques, aux traditions culturelles et aux traditions autochtones qui sous-tendent la récolte. Cela représente de la valeur sous la forme d'une atténuation des risques et d'une conscientisation. La valeur économique tirée de la vente de ces produits fait naturellement aussi partie de l'équation.
Pour ce qui est des restes, ce qui comprend la viande, les os, le sang et les organes — toutes les parties du phoque — il existe des débouchés possibles pour ces sous-produits. Par exemple, on peut les utiliser comme appât dans le contexte des pêches au homard et au crabe, ce qui est intéressant parce que cela réduirait la pression sur les stocks de hareng. Vous obtenez en quelque sorte un double avantage ici. En même temps que vous avez réduit la population, vous avez créé un nouveau produit d'appâtage. Des essais ont été faits avec le phoque comme appât pour le homard et le crabe dans le sud du golfe du St-Laurent, et ces essais ont donné des résultats prometteurs.
Subsidiairement, vous pourriez envisager, par exemple, de produire du fertilisant liquide, pour lequel il existe un marché croissant. Nous avons examiné cela, et il semblait viable d'utiliser le produit pour produire de la matière humique à usage agricole.
Il y a de nombreuses options. Toutes les parties de l'animal pourraient être utilisées dans le cadre de n'importe laquelle de ces trois dernières options, puis, évidemment, la viande pourrait rejoindre le marché de l'alimentation, qui représente un des avantages nutritionnels que ce que nous avons proposé procurerait aux Autochtones et à d'autres.