FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 30 novembre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour tout le monde.
Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 17 octobre, nous étudions le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, qui a franchi l'étape de la deuxième lecture.
Pour commencer, j'aimerais dire bonjour à nos invités d'aujourd'hui, non pas nos témoins, mais nos collègues. Nous recevons M. Stetski encore une fois. Nous accueillons également aujourd'hui, M. Blaine Calkins. Enfin, le dernier mais non le moindre, M. Robert Sopuck. Merci d'être venus.
Passons maintenant à nos invités.
Nous accueillons ce matin, par vidéoconférence, Natalie Ban, professeure agrégée de l'École d'études environnementales de l'Université de Victoria. Nous entendrons également Rodolphe Devillers, professeur au département de géographie de l'Université Memorial de Terre-Neuve. Enfin, le dernier mais non le moindre, encore une fois, un témoin que nous connaissons bien et qui connaît certainement bien lui aussi les membres du Comité, un homme dont le nom est souvent mentionné, Boris Worm, professeur de biologie à l'Université Dalhousie.
Merci à tous les témoins de s'être levés si tôt ce matin pour se joindre à nous, et je remercie en particulier Mme Ban. Il est cruellement tôt sur la côte Ouest.
Comme vous le savez, nous allons écouter vos déclarations préliminaires de 10 minutes, après quoi nos collègues vont commencer à vous poser des questions.
Madame Ban, commencez, je vous en prie.
Bonjour. C'est un honneur d'avoir été invitée à témoigner devant vous aujourd'hui.
Je travaille depuis 14 ans dans le domaine des sciences de la conservation marine, plus précisément en ce qui a trait à la conception et à l'efficacité des zones de protection marines, les ZPM. J'ai d'ailleurs témoigné au sujet des ZPM devant votre Comité, en mai. Merci de m'avoir invitée de nouveau.
Aujourd'hui, je vais parler des modifications proposées et recommander que l'on apporte des changements supplémentaires à la Loi sur les océans. Je vais parler des données scientifiques probantes, sur lesquelles mes commentaires s'appuient, et je vais, pour terminer, vous remettre un mémoire écrit où sont inclus tous les articles scientifiques examinés par des pairs qui étayent mon point de vue.
Pour commencer, je tiens à féliciter le gouvernement au pouvoir d'avoir proposé ces modifications au projet de loi C-55 qui vise à améliorer la Loi sur les océans. Je suis favorable aux principaux changements que ce projet apportera à la Loi sur les océans. Il est très important, en particulier, d'avoir ajouté des mesures provisoires ou de geler l'empreinte, si l'on veut que les consultations concernant les études ainsi que les études sur les ZPM proposées puissent avoir lieu en l'absence d'une dégradation supplémentaire des écosystèmes.
Les mesures visant à clarifier les amendes et à augmenter la capacité des organismes d'exécution de la loi sont les bienvenues, en particulier parce qu'elles donnent l'occasion aux garde-pêches autochtones de jouer un rôle. Les modifications de la Loi fédérale sur les hydrocarbures permettraient au ministre d'interdire de nouvelles activités pétrolières et gazières et d'annuler des titres. C'est excellent, étant donné que les activités pétrolières et gazières sont par nature étrangères à toute durabilité et qu'elles ne sont pas compatibles avec la conservation de la biodiversité. Il faudrait apporter des modifications similaires aux lois sur les accords commerciaux si l'on veut que l'approche soit partout la même, au Canada.
Enfin, l'intégration du principe de précaution dans cette loi constitue également un très grand pas en avant.
J'aimerais proposer cinq recommandations clés supplémentaires visant à modifier la Loi sur les océans qui feraient de nouveau du Canada un chef de file dans le domaine, comme il l'était quand la Loi sur les océans a été adoptée.
Ma première recommandation serait d'ajouter des normes de protection minimales à la Loi sur les océans. Je sais que de nombreux témoins ont parlé au Comité de l'importance des normes de protection minimales. Je ne veux pas m'étendre sur le sujet, mais je voulais tout simplement exprimer mon appui et ajouter un point supplémentaire. Nous n'avons pas souvent l'occasion de modifier des lois, et c'est pourquoi nous ne devrions pas rater l'occasion de discuter des normes de protection minimales. De plus, on craint que l'absence de normes minimales n'entraîne une réduction des protections dans tous les systèmes des zones protégées du Canada, sur terre et sur mer.
Je suis directrice du conseil d'administration du Conseil canadien des aires écologiques, un organisme sans but lucratif qui aide les Canadiens à mettre en place et à gérer le grand réseau des zones protégées représentatives de la diversité de la nature canadienne des milieux terrestre et aquatique. Le conseil d'administration est formé de représentants des milieux fédéral, provincial et municipal responsables des zones protégées de leur territoire respectif, et de représentants des milieux universitaires, comme moi. Les intervenants des sphères de compétence terrestres craignent que des normes de protection trop faibles des océans auraient comme conséquence inattendue d'abaisser la barre en ce qui concerne la protection des terres.
Ma deuxième recommandation viserait à ajouter l'exigence de créer des zones entièrement protégées. Vous en avez déjà entendu parler, et il existe des documents scientifiques qui appuient les avantages pour la biodiversité de ZPM solidement protégées. J'ai moi-même, dans le cadre de mes travaux récents, montré que les ZPM où sont permises des pêches d'intensité variable et d'autres activités dommageables réussissent moins bien à assurer la conservation de la biodiversité que des zones où la protection est complète. Les zones de protection marines complètes nous sont nécessaires, car elles nous permettent de comprendre les répercussions des pêches et des autres activités sur les écosystèmes marins. Autrement dit, elles deviennent un site-témoin pour qui veut comprendre les répercussions de l'activité humaine sur les océans.
Ma troisième recommandation serait d'ajouter une disposition sur la création de réseaux. Comme vous le savez, les pratiques exemplaires relatives à la conception des ZPM consistent à établir des réseaux plutôt que des ZPM indépendantes, et c'est de fait le but visé dans bien des régions du Canada. Si l'on encourage ainsi la création de réseaux de ZPM, c'est que l'on reconnaît que la représentation est une justification légitime, et même essentielle, des ZPM. La Loi sur les océans devrait faciliter la création de réseaux de ZPM en prévoyant des dispositions visant à créer un réseau plutôt que de créer des ZPM individuelles.
Ma quatrième recommandation serait d'ajouter un mécanisme de cogestion avec les peuples autochtones et de reconnaissance des zones protégées autochtones. Nous avons là une occasion inédite d'utiliser les ZPM pour faciliter la réconciliation avec les peuples autochtones. Les peuples autochtones avec qui j'ai travaillé expriment beaucoup d'inquiétude quant à la santé des océans, et se disent très curieux d'explorer les ZPM comme moyen de participer à la gestion des milieux marins. La cogestion des ZPM, la gestion mixte, suppose un partage équitable des pouvoirs, ce qui est vu comme une occasion à la fois de revitaliser les pratiques culturelles et de rétablir des espèces qui ont une importance culturelle.
La Loi sur les océans peut servir de support à une véritable gestion mixte des territoires marins autochtones, dans le cadre d'une collaboration d'égal à égal des nations, si c'est ce que désirent les peuples autochtones. La planification du réseau de ZPM, dans la biorégion du nord du plateau continental de la Colombie-Britannique est un très grand pas dans cette direction. Si elles sont établies en collaboration avec les peuples autochtones, les ZPM peuvent assurer la conservation du milieu écologique, fournir des débouchés culturels, assurer la sécurité alimentaire et jouer un rôle dans la réconciliation. De plus, on pourrait modifier la Loi sur les océans pour y reconnaître de manière explicite les zones protégées autochtones et les zones de conservation communautaires. Il n'existe à l'heure actuelle aucun outil légal qui permet d'établir des zones de protection maritimes autochtones. Il faudrait pour cela s'en remettre aux décisions des peuples autochtones.
Ma dernière recommandation de modification de la Loi sur les océans serait d'assurer un financement suffisant pour la gestion et le respect des ZPM. La création de ZPM n'est qu'une première étape de la gestion de nos océans en vue de la protection de la biodiversité. Une fois qu'elles seront créées, les ZPM exigeront des ressources humaines et financières, car il faut assurer leur bonne gestion, de même que l'application de la loi, l'éducation et la sensibilisation. Une étude récente a révélé que les ZPM disposant d'un personnel adéquat avaient une incidence près de trois fois plus grande que celles qui n'étaient pas suffisamment dotées en personnel. Les aires de conservation des sébastes, en Colombie-Britannique, sont un bon exemple. Il ne s'agit pas à proprement parler de ZPM, mais le mécanisme de gestion de l'espace est similaire.
Dans le cadre d'une étude effectuée récemment par l'un de mes étudiants, près du quart des personnes interrogées ont admis avoir pêché illégalement sans le vouloir dans ces aires de conservation des sébastes. Cette infraction était principalement due à l'ignorance. Environ le quart de ces personnes n'avaient jamais entendu dire que de tels lieux existaient, et moins de 1 % d'entre elles étaient au courant de l'ensemble des règles sur les activités permises et interdites dans ces aires. La plupart de ces répondants n'avaient jamais rencontré un agent d'exécution de la loi, et nous parlons ici de la partie sud des îles Gulf, dans le Sud de la Colombie-Britannique, une région très peuplée. La sensibilisation et l'éducation sont donc des éléments essentiels à la réussite des ZPM. Les agents d'exécution de la loi, qu'ils soient rattachés au MPO ou à d'autres parties intéressées, doivent avoir les moyens de faire leur travail comme il le faut, à défaut de quoi ces zones ne réussiront pas à protéger la biodiversité.
Un autre aspect important qui concerne les ressources, c'est qu'il faudra dédommager les utilisateurs des océans qui perdent une possibilité de gagner leur vie, et je ne parle pas seulement des industries pétrolières et gazières, les seules que le projet de loi actuel mentionne. Ce sont mes collègues du conseil d'administration du Conseil canadien des aires écologiques qui m'ont signalé cela; ils travaillent dans les milieux terrestres à la création et la gestion des zones protégées à l'échelle fédérale et aux échelons des provinces et des territoires. Le dédommagement est une simple réalité quotidienne, quand on travaille à la création de zones protégées terrestres. Les organismes achètent des terrains, dédommagent les détenteurs de permis de coupe et renoncent aux impôts fonciers et sur le capital, tandis que les fiducies foncières achètent des terrains, remettent des reçus pour don de bienfaisance et vont même jusqu'à racheter les droits relatifs au sous-sol, et l'Agence du revenu du Canada va radier toutes les recettes fiscales, tout cela pour faciliter la création d'une zone protégée.
Un des avantages clés sur le plan écologique, c'est que ces dédommagements, ou ce rajustement structurel, peuvent faciliter une meilleure protection de sites de meilleure qualité. La réalité politique, c'est qu'il est difficile d'obtenir l'appui des collectivités à l'égard de ZPM bien protégées, là où elles sont le plus en demande, parce que les collectivités craignent de perdre un moyen de subsistance. Les collectivités ne peuvent pas toujours envisager les avantages potentiels à long terme au-delà des répercussions négatives à court terme. Le dédommagement représente donc la reconnaissance implicite du fait que les zones protégées procurent des avantages à tout le monde, même si elles imposent un fardeau disproportionné à quelques-uns.
Il y a un modèle qui réussit bien à mobiliser les collectivités à l'égard des activités liées à la conservation, et c'est le Coast Fund de la forêt pluviale de Great Bear, une source de financement pour des activités qui soutiennent une économie durable axée sur la conservation. On pourrait créer un fonds semblable dans les régions où les réseaux des ZPM favorisent l'engagement dans la conservation des milieux marins des collectivités, autochtones ou non, qui dépendent de la côte.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter un exposé aujourd'hui; je répondrai avec plaisir à vos questions.
Madame Ban, merci beaucoup.
Mes chers collègues, nous allons presque littéralement faire à peu près la moitié du tour de la planète, en partant de Victoria pour aller à St. John's, Terre-Neuve; c'est la moitié de la Terre. Il y en a qui le pensent, et je fais partie de ces gens-là.
Monsieur Devillers, vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président, merci aussi aux membres du Comité, de m'avoir invité à participer à votre étude des modifications de la Loi sur les océans et de la Loi fédérale sur les hydrocarbures.
J'enseigne la géographie à l'Université Memorial de Terre-Neuve. Je travaille dans le domaine des sciences depuis une vingtaine d'années et je me spécialise dans les méthodes géographiques qui peuvent nous aider à comprendre et à gérer nos océans. Mon expertise a trait entre autres aux sciences de la conservation, et en particulier à la conception de zones de protection marines et de réseaux de ZPM, de même qu'à l'évaluation de leur efficacité.
Quand j'ai témoigné devant votre comité, en juin dernier, je participais en même temps à Ottawa à un atelier qui portait justement sur ce sujet: les révisions possibles de la Loi sur les océans. Cet atelier réunissait des représentants de Pêches et Océans Canada, du secteur industriel du Canada et d'organismes sans but lucratif de défense de l'environnement. Une foule d'excellentes recommandations ont été réunies pendant cet atelier, et je vous encourage vivement à consulter le rapport que vient de publier l'un des organisateurs, la West Coast Environmental Law Association.
Permettez-moi de commencer cette déclaration en réitérant une mise en garde que j'avais faite pendant mon témoignage précédent. Il ne faut pas confondre les objectifs d'Aichi, de 10 %, et l'objectif réel de la protection de la biodiversité marine. Ces deux objectifs peuvent être assez différents. En fait, dans un article publié il y a seulement deux semaines, M. Venter, un scientifique de l'Université de Northern British Columbia, révèle que, globalement, les zones de protection terrestre sont souvent situées dans des régions caractérisées par une faible valeur économique et qu'elles n'étendent pas leur protection aux régions où l'on trouve des concentrations élevées d'espèces menacées. Les océans du Canada ne font pas exception à la règle, et cela vaut aussi pour bon nombre des zones qui ont contribué récemment à la cible provisoire de 5 %.
Nous créons souvent des ZPM dans des régions à faible valeur économique, où les gens ne sont pas prêts à faire les choix difficiles qui s'imposent pour assurer la réussite. Notre gouvernement ne peut pas prendre ses décisions uniquement en se fondant sur les régions. Il doit contrôler les progrès du Canada à l'aide d'un ensemble de paramètres plus complexe.
Il est prouvé que les zones de protection marines sont un outil de gestion utile qui contribue au maintien de la santé des océans. Je comprends que certains membres du Comité se préoccupent des répercussions de ces zones sur l'économie et sur l'emploi. Ce sont des préoccupations valables, mais permettez-moi de vous rappeler ce qui arrive lorsque la santé des océans décline.
En 1992, plus de 20 000 habitants de Terre-Neuve-et-Labrador ont perdu leur emploi en raison du moratoire sur la morue; je répète, 20 000 personnes. C'est la plus importante mise à pied de masse de l'histoire du Canada. Et c'est ce qui arrive lorsque les décisions donnent la préséance à la croissance à court terme sur la durabilité à long terme. La santé des océans décline partout dans le monde, y compris au Canada. Nous devons nous assurer que ce qui s'est produit à Terre-Neuve-et-Labrador ne se produira plus jamais, et des zones de protection marines efficaces ont un rôle important à jouer à cet égard.
En ce qui concerne le projet de loi C-55, vous vous souviendrez peut-être de la lettre que j'ai cosignée en juin dernier avec tous les scientifiques des milieux marins du pays, y compris Mme Ban et M. Worm, qui participent à la séance d'aujourd'hui. Cette lettre avait été envoyée aux ministres LeBlanc et McKenna.
Notre première recommandation consistait à modifier la Loi sur les océans pour y inclure des niveaux de protection minimale relativement aux ZPM, comme cela se fait pour les parcs terrestres. Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de procéder à un examen plus approfondi de la Loi sur les océans. C'était une loi inédite, il y a 20 ans, mais elle comporte de nombreuses lacunes que nous devons combler si nous voulons que les ZPM canadiennes servent concrètement à protéger la biodiversité et les écosystèmes marins.
Les changements proposés dans le projet de loi C-55 sont un bon point de départ puisqu'ils visent à aider le gouvernement à atteindre ses cibles, mais ils ne seront pas suffisants, à long terme. Je vais vous parler de quatre grands aspects auxquels il faudrait voir, à mon avis.
Premièrement, il faudrait que la Loi sur les océans fournisse une définition claire de ce qu'est une ZPM. Comme je l'ai dit la dernière fois que j'ai fourni un témoignage, je crois que le seul choix logique serait d'adopter la définition actuelle de l'Union internationale pour la conservation de la nature, l'autorité internationale en la matière.
La Loi sur les océans devrait dresser une liste explicite des activités qui devraient être interdites dans toutes les ZPM visées par la Loi sur les océans du Canada, comme l'a dit Mme Ban dans son dernier témoignage. C'est ce qu'on appelle les « normes minimales ». Le ministre LeBlanc, je crois, est en train de mettre sur pied un comité consultatif sur cette question. J'espère que les scientifiques du milieu universitaire, qui ont une expertise touchant les ZPM, participeront à ce processus ainsi qu'à l'examen des données scientifiques qui étayent ce conseil.
De nombreuses recommandations de l'UICN méritent déjà d'être examinées, et il ne manque pas de documentation au sujet des répercussions négatives de nombreuses activités humaines sur les environnements marins. Les activités qu'il serait possible de soumettre à un examen comprennent les activités liées au pétrole et au gaz, la pêche au chalut de fond et l'exploitation minière des grands fonds marins.
Je tiens à souligner d'abord que la Loi sur les parcs nationaux du Canada devrait exiger que les ZPM maintiennent l'intégrité écologique. En deux mots, il faudrait considérer qu'il s'agit de parcs marins. La Loi sur les océans devrait également déterminer un nombre minimum de zones où toute prise est interdite, pour chaque ZPM et pour l'ensemble du réseau, en s'appuyant pour ce faire sur les recommandations internationales.
Mon témoignage précédent s'appuyait sur un certain nombre d'études scientifiques prouvant que les zones où toute prise est interdite avaient tendance à profiter beaucoup plus aux écosystèmes marins.
Enfin, et c'est peut-être mon point le plus important, la Loi sur les océans devrait établir un processus clair à l'appui de la gestion adaptative de ces ZPM. De manière générale, les ZPM créées en vertu de la Loi sur les océans ne sont jamais modifiées, même s'il existe amplement de données scientifiques prouvant que la ZPM ne fonctionne pas, dans sa conception actuelle. Nous devons apprendre et nous devons laisser place aux améliorations. La culture et le contexte actuels font qu'il est très difficile, en pratique, d'apporter les changements nécessaires.
Une étude publiée plus tôt cette année par le Fonds mondial pour la nature-Canada a révélé que la moitié des espèces canadiennes ont diminué de volume au cours des 45 dernières années. Le déclin moyen de ces espèces est de 83 %. C'est une donnée alarmante qui montre clairement que les mesures de gestion actuelles n'arrivent pas à prévenir le déclin rapide de la faune du Canada. Comme l'a dit Kevin Stringer, sous-ministre délégué de Pêches et Océans Canada, pendant notre atelier, nous avons là une occasion qui n'est donnée qu'une fois par génération de faire progresser les choses dans le dossier de la protection et de la gestion des océans. Je vous encourage vivement à ne pas la laisser passer.
Merci de m'avoir invité à vous donner mon opinion sur les défis clés liés à la Loi sur les océans et à la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Merci, monsieur Devillers.
Nous nous déplaçons légèrement vers l'ouest, vers Halifax.
Monsieur Worm, vous avez déjà comparu devant nous; il n'y a pas de quoi être nerveux. Encore une fois, merci de vous joindre à nous.
Merci, monsieur le président, et merci au Comité de m'avoir invité encore une fois à comparaître à titre de témoin.
Puisque j'ai déjà présenté un exposé en mai, j'aimerais aborder les choses sous un angle légèrement différent aujourd'hui. J'ai toujours aimé présenter des données, car elles constituent un bon point de départ pour notre discussion.
J'aimerais que vous preniez la deuxième diapositive de mon document, « Impacts humains sur terre et dans la mer ». Cette carte a été créée la semaine dernière seulement, et c'est la première fois que nous pouvons voir, grâce à une résolution spatiale très précise de 50 kilomètres sur 50 environ, l'ensemble des impacts des activités humaines sur la terre et dans l'océan. Il s'agit, si vous voulez, de l'empreinte environnementale des activités humaines sur terre et dans la mer.
J'aimerais attirer votre attention sur deux choses. Premièrement, les impacts — je parle ici de tous les impacts, des pêches à l'exploitation minière, pétrolière et gazière, en passant par les changements climatiques et la pollution — ont tendance à être répartis de façon bien plus égale sur l'eau que sur terre. Sur terre, ils semblent se concentrer davantage dans les régions très peuplées. Dans l'océan, les impacts semblent plus éparpillés, et cela exige une stratégie de conservation différente.
La deuxième chose sur laquelle je veux attirer votre attention, c'est le fait que, dans l'océan, il n'y a que très peu de zones où l'impact est faible, contrairement à ce qui se passe sur terre. On observe par contre un peu partout dans l'océan des impacts qui vont de moyens à élevés, ce qui exige une protection des actifs biologiques et socioéconomiques marins contre les dommages éventuels.
Même si nous disposons pour la toute première fois de ce niveau sans précédent de résolution spatiale, qui nous permet de planifier efficacement notre utilisation des océans, nous sommes devant une grande incertitude quant aux répercussions déjà subies par les actifs que nous essayons de protéger. Cette incertitude est la raison même pour laquelle nous avons besoin d'une police d'assurance mondiale pour protéger ces actifs. Nous assurons tous les actifs de valeur que nous possédons, alors nous pouvons bien faire la même chose pour les océans.
Les zones de protection marines et les autres modes de gestion de l'espace qui réussissent à éliminer certains des impacts sur l'océan, ou qui les limitent à certaines régions, constituent cette police d'assurance. Comme vous le voyez sur la carte de la diapositive suivante, le Canada ne fait toujours pas sa part en ce qui concerne cette police d'assurance. Heureusement, nous nous sommes déjà engagés devant les autres pays à assurer une protection de 10 % d'ici 2020 et, ainsi, combler notre retard par rapport au reste du monde.
Permettez-moi de pousser un peu plus loin l'analogie avec une police d'assurance; à la diapositive suivante, si vous voulez bien la prendre, j'énumère les principales caractéristiques d'une police d'assurance efficace et digne de confiance, comme celle que vous choisiriez personnellement pour votre résidence ou votre automobile. Cette police doit être contractée en temps opportun. Vous devez assurer votre automobile dès que vous l'achetez. Elle serait bien sûr rentable, c'est-à-dire qu'elle vous permet de réduire vos coûts au minimum. Vous voulez aussi une police complète qui couvre tous les dommages que votre automobile pourrait causer et la responsabilité des blessures causées à autrui.
Vous voulez aussi une police bien gérée par une compagnie digne de confiance, qui possède le personnel et les fonds nécessaires pour s'acquitter de son obligation, soit assurer vos actifs. Vous voulez une police transparente et vous voulez des normes claires. Vous voulez savoir exactement à quoi vous vous engagez.
De plus, si nous prenons une police d'assurance, c'est parce qu'elle représente une protection contre l'incertitude à laquelle nous faisons tous face, dans notre vie. Nous ne sommes jamais certains de voir notre maison en proie aux flammes — c'est en fait extrêmement peu probable —, et pourtant nous assurons notre maison pour faire face à cette mince éventualité.
Qu'est-ce qui rend le projet de loi C-55 efficace ou qu'est-ce qui le rendrait encore plus efficace? Si l'on suit cette métaphore, je crois qu'il s'agirait de rendre le processus de création des ZPM plus rapide. Ainsi, dès que nous constatons qu'une zone possède une importante valeur biologique ou que cette valeur biologique ou cet actif fait face à des menaces indues ou est endommagé par diverses activités, nous pouvons prendre des mesures afin de le protéger. C'est très important.
Quelle approche de conservation marine est la plus rentable? Il s’agit de protéger de grandes zones ayant une valeur biologique. Si on pense aux économies d’échelle, il est plus rentable de protéger de grandes zones que de petites zones, comme la cible de 10 % nous permet seulement de faire.
Il faut une approche exhaustive. Mme Ban et M. Devillers ont fait valoir que, en matière de planification, une approche par réseau ou par écosystème, plutôt qu’une approche de protection décousue, serait plus avantageuse dans le cadre d’un plan exhaustif. Ce n’est pas dit explicitement dans la Loi sur les océans actuelle.
Nous avons dit qu'il fallait donner les ressources appropriées si l'on veut s'assurer que ce sera bien géré. Il est clair qu'il faut encore améliorer cet aspect, mais, selon la proposition du projet de loi C-55, toute cette affaire sera plus transparente car on aura établi des règles de base et des processus clairs relativement à la création des ZPM. Toutefois, il nous manque encore, comme les autres témoins l'ont souligné, les normes minimales que nous exigerions d'une police d'assurance personnelle. Enfin, il faut tenir compte de l'incertitude, qui est, je le répète, la raison même de ce que nous faisons, et j'ai été absolument ravi de voir que le projet de loi C-55 prévoyait une approche axée sur le principe de précaution.
De manière générale, je crois que c'est un bon pas en avant. En conclusion, il nous reste d'autres pas à faire pour atteindre une efficience, une transparence et une clarté accrues dans le processus des ZPM. Il est plus que temps. J'aimerais souligner que c'est quelque chose que demandent tous les gens concernés par ce processus, y compris les utilisateurs des ressources, lesquels ont bien sûr besoin d'une sécurité en matière de planification pour savoir ce qu'est exactement et ce que n'est pas une ZPM. À cette fin, je crois que des normes minimales complètes sont nécessaires, de façon qu'on ne se pose pas de questions quant à ce que signifie une ZPM, au moins, puisque ce n'est actuellement pas bien défini dans la Loi sur les océans.
J'aimerais beaucoup parler également de l'approche des écosystèmes, qui devrait normalement étayer le mode de gestion des océans et dont il n'est pas explicitement question dans le projet de loi C-55 ou dans ce qui concerne la gestion des zones de protection marines. Je vais vous donner un bref exemple; ici, à l'Ocean Frontier Institute de Dalhousie, nous travaillons sur un projet qui vise à assurer l'avenir des zones de protection marines en tenant compte des changements climatiques et de la façon dont les changements climatiques pourraient affecter nos réseaux de zones protégées et les actifs que nous essayons d'assurer. Lorsque les actifs se déplacent ou changent en réaction aux changements climatiques, dont certains sont prévisibles, et d'autres, incertains, nous devons avoir à la fois les outils juridiques et scientifiques... et les outils de planification nécessaires pour prendre le pouls de la situation. Et cela nous manque, actuellement, alors que nous avons impérativement besoin d'une telle approche des écosystèmes, à mon avis, et il faudrait que la Loi sur les océans en parle.
Ensuite, pour terminer, je crois qu'il nous manque des efforts dignes de ce nom visant à protéger 10 % des eaux canadiennes en en faisant des zones de protection marines. Il faut que ce soit mieux intégré avec les autres outils de planification des océans, les outils de gestion des pêches et les autres outils de planification maritime qui sont mentionnés dans la Loi sur les océans, la Loi sur les pêches et les autres lois pertinentes. Cette planification exhaustive ou intégrée des espaces maritimes n'est pas aujourd'hui, et de loin, aussi étendue qu'elle pourrait l'être. En matière de conservation et de planification des milieux marins, notre approche est toujours compartimentée, mais je crois que, puisque nous envisageons l'océan comme un tout et que nous nous efforçons de protéger des actifs contre toute une gamme de menaces, de dommages potentiels ou de problèmes, cette approche intégrée en matière de planification des espaces marins est nécessaire et doit figurer dans la Loi sur les océans.
Sur ce, je remercie le Comité de m'avoir invité encore une fois à témoigner, et je vais avec plaisir répondre à vos questions.
Merci, monsieur Worm.
Merci à vous tous.
Encore une fois chers collègues, avant de passer aux questions, vous voyez bien que tous nos invités témoignent par vidéoconférence. Nous éviterions beaucoup de confusion si vous posiez vos questions en précisant la personne à qui vous les posez.
Cela dit, monsieur McDonald, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les trois témoins de comparaître par vidéoconférence ce matin.
J'ai une question à laquelle vous pourriez probablement répondre tous les trois, puisque vous avez tous dans diverses mesures abordé le sujet. Vous pourriez peut-être répondre dans l'ordre où vous avez fait vos exposés, ce matin, et il sera plus facile de savoir qui répondra en premier, en deuxième et en troisième.
Vous avez parlé des zones de protection marines, d'une application plus stricte de la loi, des amendes importantes qui peuvent être infligées à ceux qui ne respectent pas les règles. Quelle est la bonne façon d'agir, dans une zone de protection marine, puisque les contrevenants peuvent se trouver près de la rive et d'autres, beaucoup plus loin, puisque ce n'est pas comme une zone de protection terrestre, on ne peut pas l'entourer d'une clôture? Vous dessinez sur l'eau une ligne imaginaire en disant que certaines choses sont interdites dans ce périmètre. Quelle est la bonne façon de faire?
Si une application accrue de la loi fait partie de la réponse et permet de maintenir les zones protégées, quelle sera la bonne façon de faire pour protéger spécifiquement les zones de protection marines?
J'ai deux ou trois idées à ce propos, et je suis convaincue que mes collègues en ont aussi.
La première chose, c'est que vous devez viser la conformité plutôt que l'exécution de la loi, idéalement. Vous voulez que les gens qui utilisent l'océan sachent où se trouvent les ZPM. C'est relativement facile dans le cas des pêcheries commerciales, parce qu'elles ont déjà l'habitude des zones de pêche interdites. Elles ont des systèmes qui leur montrent où se trouvent les délimitations. C'est beaucoup plus difficile dans le cas des pêcheurs sportifs et des petits pêcheurs, qui ne connaissent peut-être pas ces délimitations, et des autres utilisateurs potentiels. Il existe de plus en plus de technologies qui peuvent nous aider à ce chapitre. Dans l'étude dont j'ai parlé, sur les zones de conservation des sébastes, les pêcheurs sportifs nous ont dit et répété qu'ils aimeraient bien avoir une application qui leur dise à quel moment ils pénètrent dans un de ces périmètres et à quel moment ils en sortent. Cette technologie existe sûrement et doit pouvoir servir.
Ensuite, en ce qui concerne l'application de la loi, il faut disposer de la capacité adéquate, mais aussi des technologies qui permettent de savoir — à l'aide de satellites, de systèmes d'identification automatique, de diverses autres technologies comme les systèmes de surveillance des navires — à quel moment les bateaux se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur des zones. On peut aussi savoir, en observant les modèles de mouvements, s'ils sont en train de pêcher ou s'ils font d'autres activités qu'ils ne sont pas censés faire. Nos nouvelles technologies facilitent vraiment l'application des lois dans les zones de protection marines.
Je suis d'accord.
En réalité, nous n'avons rien fait d'autre que d'établir les modèles mondiaux des pêches et des autres utilisations humaines. Ça peut se faire au Canada et ça peut aussi se faire dans le reste du monde, grâce aux systèmes d'identification automatique. En fait, de nos jours, l'exécution de la loi se fait à partir d'un bureau. Cela ne se fait plus avec des bateaux et des hélicoptères comme avant, parce que nous pouvons voir à peu près tout ce qui se passe. Cette technologie a beaucoup évolué au cours des deux ou trois dernières années. Elle est accessible partout dans le monde, aujourd'hui. Elle est même utilisée dans des pays en voie de développement. Ici, elle est couramment utilisée. Le monde a changé, depuis que nous pouvons observer toutes ces activités. Il a changé même par rapport à il y a trois ou quatre ans.
Mes collègues ont presque tout dit, mais [Difficultés techniques].
J'ai travaillé à cela il y a quelques années, dans le cadre d'un projet de collaboration avec le MPO, et cette technologie évolue très rapidement. J'ajouterais peut-être quelque chose que mon collègue n'a pas mentionné, à savoir que de nombreux bateaux ne sont pas encore équipés de ces technologies. Les systèmes d'identification automatique sont la plupart du temps installés sur de grands bateaux. Les systèmes de surveillance des navires, qui servent dans le domaine des pêches, sont installés sur une partie seulement de la flotte. Le MPO devrait peut-être à l'avenir revoir certains règlements et se demander s'il n'y a pas lieu de cibler un plus grand nombre de navires ou des navires plus représentatifs de la flotte.
Merci.
Monsieur Devillers, vous avez parlé du moratoire sur la morue de 1992 en disant qu'il avait entraîné la plus importante mise à pied de l'histoire du Canada, puisqu'elle avait touché 20 000 personnes. Comme je viens de Terre-Neuve, j'en ai été témoin et j'observe toujours ses répercussions dans nombre des collectivités qui vivaient principalement de la pêche à la morue. Le printemps prochain, cela fera 26 ans que le moratoire sur la morue a été annoncé. Pourquoi le stock ne s'est-il pas rétabli? Qu'avons-nous fait qu'il ne fallait pas faire et qui a nui à leur rétablissement?
De toute évidence, nous n'avions pas fait ce qu'il fallait faire puisque les stocks étaient en si mauvais état qu'il a fallu déclarer un moratoire, mais pourquoi n'avons-nous pas fait ce qu'il faudrait faire, pendant les 26 années qui viennent de s'écouler, pour rétablir les stocks et assurer la viabilité de la pêche commerciale?
C'est une question très complexe. Je ne suis pas un scientifique spécialisé en morue. M. Worm pourrait peut-être vous donner une meilleure réponse.
Je peux dire cependant que la pêche est une des grandes causes de l'effondrement des stocks, même si elle n'est pas la seule cause. Le rétablissement a été limité par les conditions environnementales. Pendant un certain nombre d'années, les océans n'offraient pas des conditions aussi favorables pour la morue, et c'est peut-être ce qui a empêché le rétablissement. Si j'ai bien compris le problème, il y a plusieurs causes à ce phénomène, entre autres l'environnement, les prises accessoires de certaines pêcheries et aussi le fait que certaines proies nécessaires aux morues avaient elles aussi de la difficulté à se rétablir, dans cet écosystème.
La grande leçon que nous avons tirée de cela, c'est que les stocks ne se rétablissent pas dès que nous cessons de presser le système. Je crois que c'est une leçon importante à comprendre. Quand nous mettons de la pression sur un écosystème, nous ne devons pas nous attendre à ce qu'il revienne à son état naturel en 5 ou 10 ans. Parfois, nous le détruisons complètement et parfois, il lui faudra des décennies pour se rétablir. Et c'est pour cette raison que nous devons faire très attention à ce que nous sommes en train de faire à l'échelle du pays, car nous savons que l'écosystème est très fragile.
Permettez-moi d'ajouter rapidement qu'il s'agit d'une bonne étude de cas, à mon avis. Étant donné que la pêche était autorisée sur 100 % des secteurs de pêche, les stocks sont tombés à un niveau si bas que le rétablissement immédiat était impossible. Nous en avons justement discuté avec Jeff Hutchings, hier soir, ici même. Il a reçu le prix Huntsman, cette année. Il soulignait qu'il existe une corrélation étroite entre l'importance de l'effondrement des stocks d'une espèce et la rapidité de son rétablissement, et il a précisé que le seuil était d'environ 10 % de la biomasse. Si les stocks tombent à un niveau inférieur à ce seuil, ils pourraient ne jamais se rétablir, ou s'ils se rétablissent, il leur faudra beaucoup de temps. Si nous mettons un frein à l'effondrement avant le seuil de 10 %, les stocks pourraient se rétablir plus rapidement, ce que montrent des preuves générales.
Je tiens à souligner que, si nous avions assuré cet actif incroyablement précieux grâce à un réseau de zones de protection marines dès cette époque, l'effondrement n'aurait pas été aussi catastrophique, et le rétablissement aurait probablement été bien plus rapide, puisqu'une partie des stocks aurait eu droit à une protection, dans ces zones.
Madame Ban, vous avez déclaré que l'exploitation gazière et pétrolière au large n'est pas compatible avec la conservation de la biodiversité. Pourriez-vous me donner un exemple spécifique pour appuyer cette déclaration?
Bien sûr, et je vais aussi vous faire parvenir un des documents scientifiques dont je me suis servi.
Par exemple — laissez-moi voir —, il y a un article signé par Ellis et ses collègues en 2012 où il est question d'une étude sur les rejets de résidus de forages pétroliers et gaziers et certains de problèmes que cela a causés dans les milieux benthiques. L'article montrait que les effets se faisaient sentir à six kilomètres à la ronde, et on parle bien des rejets de résidus de forages pétroliers et gaziers. On s'inquiète beaucoup des grandes répercussions que pourraient avoir ces activités pétrolières et gazières, au-delà du site de forage proprement dit, et de leurs effets sur les milieux marins environnants, en particulier les milieux benthiques, tout ce qui se trouve sur le plancher océanique.
Je vais vous faire parvenir cet article, vous pourrez en prendre connaissance.
Bien sûr, nous savons tous que les plateformes de forage peuvent aussi être un refuge pour certaines espèces, qui en font leur habitat.
Madame Ban, puisqu'il en est question, seriez-vous prête à recommander l'élimination complète de l'exploitation pétrolière et gazière au large, dans l'Est du Canada?
À long terme, en particulier vu les problèmes que pose le changement climatique, je crois que nous allons devoir évoluer vers un système sans combustible fossile. Donc, à long terme, je dirais oui. À court terme, je crois que nous devons adopter un point de vue très pratique sur la façon dont nous pouvons nous orienter vers une économie qui n'a pas besoin autant des combustibles fossiles. Nous ne pourrons pas éliminer complètement, bien sûr, l'utilisation du pétrole ni du gaz, mais je suis convaincue...
Excusez-moi. C'est que la plupart des gens n'ont pas la chance de faire partie de la fonction publique, comme certains d'entre nous. Laissez-moi donner quelques statistiques à propos de l'Est du Canada. Dans le Canada atlantique, un endroit où il y a très peu d'emplois, environ 10 000 emplois à temps plein sont directement liés à l'exploitation pétrolière et gazière. À Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, l'industrie pétrolière et gazière paie environ 2 milliards de dollars en redevances chaque année, et je tiens pour acquis qu'une partie de cet argent sert à soutenir les universités.
Je suis très content que vous ayez été très honnête et directe en ce qui concerne votre désir de voir disparaître, à long terme, l'exploitation pétrolière et gazière dans l'Est du Canada. C'est tout à votre honneur. Il faut du courage pour affirmer ce genre de conviction. Je suis profondément en désaccord avec vous, mais je tenais à saluer votre honnêteté.
Vous avez insisté sur le fait que la pêche est une activité dommageable. Je suis moi-même passionné de pêche à la ligne, et il y a environ quatre millions d'autres pêcheurs à la ligne au Canada. Bon nombre d'entre eux pratiquent leur sport en eaux salées, et la philosophie de la remise des prises à l'eau est très répandue. Dans ces circonstances, je me demande quel genre de dommages, concrètement, la pêche récréative avec remise à l'eau pourrait bien causer dans une zone de protection marine?
Tout dépend des espèces. Reprenons l'exemple que j'ai mentionné plus tôt à propos des sébastes. Les sébastes, par exemple, sont des poissons dont la vessie natatoire est fermée. Lorsqu'on les remonte des profondeurs où ils vivent, disons, à 40, à 60 ou même à 30 mètres de profondeur, leur vessie natatoire prend de l'expansion, et ils ne peuvent plus redescendre. Dans le cas du sébaste, le taux de mortalité est environ de 90 à 95 %, même si vous essayez de remettre votre prise à l'eau. Il existe des études sur le taux de mortalité chez diverses espèces; pour certains poissons, ce n'est pas un problème, mais pour d'autres espèces, si.
Bien sûr, mais c'est possible de réglementer le matériel utilisé pour la pêche récréative. Par exemple, le genre d'équipement utilisé pour pêcher le sébaste pourrait être interdit, mais il pourrait y avoir de la pêche de surface à la traîne pour le saumon, par exemple, au large des côtes de la Colombie-Britannique.
Je suis moi-même biologiste halieutique, incidemment. Le taux de mortalité chez le saumon de l'Atlantique, par exemple, lorsqu'il est pêché à l'hameçon est pratiquement nul. Pour les autres salmonidés, le taux est d'environ 5 %. C'est pour cette raison que je crois que ce genre de déclaration générale doit être appuyée par des faits. L'année dernière, nous avons reçu un témoin qui était très bien informé de la situation en Californie, où il y a un très grand nombre de ZPM. Les zones de protection marine se trouvent toutes dans des zones de pêche de premier ordre, et les collectivités rurales et éloignées qui ont besoin du tourisme pour survivre ont été touchées durement par les politiques de ce genre.
Madame Ban, vous avez aussi abordé le sujet de la cogestion avec les collectivités autochtones — et c'est très bien —, mais vous avez complètement fait fi des autres collectivités côtières qui devraient peut-être faire partie d'un programme de cogestion. Ne croyez-vous pas que ces collectivités méritent aussi d'être prises en considération?
Selon moi, tous les intervenants du milieu des océans devraient participer à la gestion des zones de protection marine. Quand j'ai parlé des collectivités autochtones, je voulais préciser qu'elles ont effectivement des droits constitutionnels qui sont protégés au Canada, et c'est pourquoi il est particulièrement important de les faire intervenir au même titre que le gouvernement, et pas seulement comme de simples intervenants.
Bien sûr. Je représente un certain nombre de collectivités des Premières Nations dans ma propre circonscription. Je représente l'ensemble de mes citoyens, et je crois que tous méritent d'être pris en considération.
M. Devillers, l'un des témoins de l'Université Simon Fraser — je crois que c'était l'année dernière — nous a parlé de la défense des espèces pélagiques migratoires et de la façon dont les zones de protection marine pouvaient protéger les espèces pélagiques à forte migration grâce à des zones désignées, par exemple, dans le milieu de l'océan où certaines espèces pourraient se rendre pour une courte période avant de partir.
C'est une excellente question, et on est justement en train d'étudier activement le sujet ici au Canada et à l'étranger. Il est clair que la migration de certaines espèces dépasse de beaucoup les limites des zones de protection, mais cela ne veut pas dire qu'il est impossible de déterminer les endroits précis qui ont une importance dans le cycle de vie de ces espèces. Je parle des endroits pour le frai, l'alevinage et tout le reste. Donc, voilà la stratégie actuelle: essayer de déterminer quels sont les endroits qui ont une importance spécifique dans le cycle de vie de certaines espèces, tout en acceptant qu'il est quasiment impossible de protéger toutes les espèces existantes.
Pour en revenir à vous, madame Ban, pouvez-vous nous parler de la protection des habitats benthiques? Je crois savoir qu'il existe une ZPM afin de protéger les récifs d'éponges au large des côtes de la Colombie-Britannique. Je suis fortement en faveur des efforts de conservation orientés dans un but très précis. Bien évidemment, cette communauté benthique mérite d'être protégée, mais ne pourrions-nous pas, par exemple, autoriser la navigation commerciale dans cette zone? Je ne suis pas au courant de la profondeur de l'eau là-bas, mais il demeure probablement assez évident que la navigation commerciale est cruciale pour l'économie de la Colombie-Britannique, et, à dire vrai, pour l'économie du Canada. Ma province transporte de grandes quantités de blé et de canola par voie maritime à partir des ports de la Colombie-Britannique, et la navigation commerciale est de la plus haut importance.
Donc, pourquoi ne pourrions-nous pas avoir une zone de protection marine afin de protéger la communauté benthique et en même temps permettre la navigation commerciale d'y circuler afin de soutenir l'économie?
En autant que je sache, c'est exactement ce qui se passe avec les zones de protection marine de récifs d'éponges. Je ne crois pas que la navigation y soit interdite, parce que, comme vous l'avez dit, les bâtiments ne font que passer en surface dans la zone.
Concrètement, tout dépendrait de l'objectif de la ZPM. Il faudrait aussi vérifier si le bruit des navires pourrait être un problème pour certaines espèces. Cela n'affecte pas les éponges, alors dans ce cas, je ne crois pas qu'il y a vraiment de problème .
Je vous remercie beaucoup d'être ici avec nous aujourd'hui.
Ce que vous avez dit correspond en grande partie aux témoignages que le comité de l'environnement a recueillis quand nous avons préparé le rapport sur l'objectif de 10 % de zones de protection marine et de 17 % d'aires terrestres.
À l'époque où j'étais le gestionnaire régional de Kootenay au ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique, il y avait des fleuves et rivières où, dans certaines zones, la pêche était strictement interdite, où il y avait des zones de protection, etc. à un point tel que des agents de conservation de l'Alberta ont refusé de venir y pêcher parce qu'ils étaient certains que ce serait enfreindre la loi.
D'un point de vue réglementaire et écologique, quel est l'avantage d'avoir des zones de protection marine étendues plutôt qu'un ensemble de petites zones?
J'aimerais que Mme Ban réponde en premier, s'il vous plaît.
D'accord.
L'un des avantages des grandes zones de protection est qu'elles englobent davantage d'espèces simplement parce qu'elles sont plus vastes. Donc, elles permettent de protéger de plus grands endroits, davantage d'espèces, et de types d'habitats. Puisque la zone est plus grande, cela permet aussi d'offrir une protection qui assure la continuité et la connectivité.
J'ajouterais aussi, toutefois, que dans un grand nombre de pays, les zones entièrement protégées, même lorsqu'elles sont très petites, se sont révélées être très efficaces. À dire vrai, pour certains types d'habitats en particulier, les petites zones, même s'il peut être plus difficile de les faire respecter lorsqu'il y en a beaucoup, peuvent être efficaces pour protéger l'environnement.
Merci.
Monsieur Devillers, le ministre des Pêches du Canada a établi des zones interdites dans cinq zones de protection marine seulement jusqu'ici. La proportion des zones interdites est minuscule en comparaison de la superficie totale des zones de protection marine.
Vous avez mentionné plus tôt que l'objectif est d'avoir des océans sains. Je me demandais si vous pouviez nous parler un peu des avantages économiques d'établir des zones interdites dans les zones de protection marine.
Oui, les zones interdites ont fait couler beaucoup d'encre dans le milieu scientifique au cours des 15 ou 20 dernières années. Un certain nombre d'études ont conclu qu'elles comprennent une multitude d'avantages, y compris, par exemple, une augmentation substantielle de la biomasse, ce qui fait que le poids des poissons dans une zone interdite est considérablement plus élevé que dans une zone partiellement protégée. À un moment donné, les poissons peuvent quitter la zone pour se rendre dans les eaux environnantes. On appelle cela l'effet d'entraînement. Il existe des études à ce sujet, et cela se produit dans un grand nombre d'environnements. Si vous utilisez des zones interdites pour renforcer la protection, alors vous augmentez la possibilité — les chances — que la population va croître et que la biomasse va augmenter. Donc, cela contribue à un écosystème sain qui aura un impact favorable sur les eaux environnantes.
Ce n'est pas une question facile. Encore une fois, je ne peux qu'émettre des suppositions. Je suis convaincu qu'un certain nombre de zones hautement protégées bien placées auraient pu avoir un effet positif, bien sûr, puisque des études des scientifiques halieutistes avaient déjà déterminé où se trouvaient les endroits importants pour la morue. Est-ce que cela aurait empêché l'effondrement de leur stock? Là, c'est une question plus complexe, à laquelle je n'ai pas de réponse.
Monsieur Worm, peut-être pourriez-vous aussi tenter d'y répondre. Après quoi, j'aurais une autre question de portée plus générale pour vous.
Pour reprendre mon exemple de police d'assurance, je suis persuadé que ce n'est pas sans faille. Tout dépend de l'endroit où se trouvent ces zones. Si elles sont établies dans un endroit où il n'y a pas de morue, alors, bien sûr, cela n'aura aucun effet sur ces poissons. Si elles sont établies dans certains habitats où il y a de la morue et où cette espèce se reproduit peut-être — je parle des habitats critiques où les espèces se regroupent et où tout leur cycle de vie se déroule —, alors c'est certain qu'il y aura un effet positif.
D'après ce que j'en sais, dans le Canada atlantique, les réseaux de zones de protection planifiés actuellement protègent en partie les habitats de frai et de reproduction de la morue justement pour cette raison: pour éviter l'effondrement éventuel de leur stock. C'est donc hors de tout doute un outil que nous pourrions utiliser pour protéger cette ressource précieuse.
Votre carte du monde faisant état des zones de protection marine a retenu mon attention. Du côté de la terre, l'un des principes écologiques est d'essayer de relier les zones de protection terrestre par des corridors.
Croyez-vous que cela fonctionnerait avec les milieux marins? Le Canada devrait-il déployer des efforts à ce chapitre avec d'autres pays?
Voilà une question extraordinaire. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il n'y a rien de mieux actuellement que nous pouvons faire en ce qui concerne la planification des zones de protection.
Je reviens justement des îles Galápagos, où cette idée est justement à l'étude. Leurs petites zones de protection sont maintenant liées entre elles, et la région a entamé des discussions avec la Colombie et le Costa Rica pour établir des corridors vers les zones de protection des îles Cocos et de l'île de Malpelo, où vivent un grand nombre des mêmes espèces, la plupart desquelles sont surexploitées et en très grand danger d'extinction, comme le requin baleine, par exemple.
D'autres pays ont aussi repris cette idée tirée de la conservation terrestre pour leurs propres zones de protection marine. Cependant, ce n'est pas encore le cas du Canada.
J'aimerais revenir au sujet des normes minimales de protection. Comme vous le savez, le ministre a décidé de se pencher sur cette question. Un groupe a aussi été établi pour l'étudier également.
Certaines interdictions ont été recommandées, et je vais rapidement les énumérer, parce que j'aimerais savoir si vous croyez que d'autres devraient figurer dans la liste. Cela concerne les normes minimales de protection pour les ZPM.
Les interdictions actuellement recommandées concernent l'exploration pétrolière, gazière et minière, l'exploitation des grands fonds marins, les projets de développement éoliens ou marémoteurs, l'aquaculture à cages en filet, le chalutage par le fond et le rejet de déchets dans l'océan.
Je pose la question à tous: croyez-vous qu'il y a quelque chose qui devrait peut-être être ajouté à la liste relativement aux normes minimales de protection, ou est-ce assez exhaustif?
Commençons par Natalie, si vous le voulez bien.
Oui, je crois qu'il s'agit d'une liste assez exhaustive. Je dirais que les choses qui devraient être interdites sont celles qui endommagent l'intégrité structurelle de ces écosystèmes. C'est ce que représente la liste que vous avez fournie. Vous pourriez devoir examiner d'autres types d'équipement de pêche pour voir s'il y a assez de données probantes témoignant de dommages potentiels. Par exemple, même le fait de déposer des pièges au fond de l'océan peut briser les coraux et les éponges d'une région.
On devra peut-être également examiner de près d'autres équipements afin de voir s'ils doivent faire partie de normes minimales de protection.
Merci, monsieur Stetski. Je suis désolé, nous devons nous arrêter ici.
Madame Jordan, vous avez sept minutes, allez-y.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'être ici aujourd'hui. Je sais qu'il est terriblement tôt sur la côte Ouest. Madame Ban, je vous remercie particulièrement de vous être levée tôt pour nous parler aujourd'hui.
J'ai des questions pour vous trois. Je vais commencer par Mme Dan.
Lorsque vous avez parlé de vos cinq recommandations, la deuxième portait sur des aires entièrement protégées sans aucune pêche. Si je comprends bien, en ce qui concerne les aires marines protégées, cela dépend de ce que l'on protège. Si on protège une zone benthique vulnérable, pourquoi ne pourrait-on pas pêcher à la palangre ou pêcher le thon? On peut capturer d'autres poissons dans zone sans toucher le fond de l'océan.
Votre deuxième recommandation m'inquiète un peu. J'aimerais que vous nous l'expliquiez davantage, s'il vous plaît.
Il y a nombre de liens entre les différentes profondeurs de l'océan. Même si on protège seulement le système benthique ou le plancher océanique de la pêche, certaines activités pratiquées dans la colonne d'eau, dans la partie supérieure de la colonne, pourraient avoir une incidence sur l'intégrité de l'ensemble de l'écosystème. Si on retire une quantité importante de biomasse, une partie de celle-ci peut comprendre les prédateurs ou les gros poissons qui mangent les poissons de la zone benthique. Nombre de ces liens pourraient être brisés si on permet la pêche dans des parties de la colonne d'eau, même si on protège le benthos.
C'est ce que les données scientifiques montrent. Les études scientifiques ont démontré que les zones où on ne pratique pas du tout la pêche ni aucune autre activité d'extraction sont plus efficaces pour ce qui est d'augmenter la biomasse, de protéger la biodiversité et ainsi de suite.
Cela ne signifie pas qu'il faut faire de toutes les ZPM des zones à ne pas exploiter, mais seulement que nous devons protéger complètement une partie de notre système de ZPM.
D'accord. Merci.
Nous avons beaucoup entendu parler des aires de conservation du sébaste au cours de l'étude sur les ZPM et maintenant dans le cadre du projet de loi C-55. Je crois comprendre qu'elles ne font pas partie des cibles du gouvernement, soit 5 % d'ici la fin de l'année en cours et 10 % d'ici 2020, pourtant elles semblent un moyen de conservation très efficace.
Savez-vous pourquoi ces aires ne font pas partie des cibles du gouvernement?
Je ne connais pas les détails.
Je sais qu'elles sont actuellement protégées par des fermetures des pêches, qui sont beaucoup plus faciles à éliminer que les zones de protection marine. C'est peut-être une des raisons. Différentes activités sont effectivement autorisées dans ces zones. Je ne connais pas la justification précise de Pêches et Océans Canada pour ne pas les inclure.
D'accord.
Monsieur Devillers, ma prochaine question s'adresse à vous.
Vous avez affirmé que vous aimeriez qu'il y ait une définition plus claire des ZPM et voudriez utiliser celle de l'UICN.
Croyez-vous que, au Canada, avec les peuples autochtones, nous pourrions adopter cette définition? Je ne sais pas comment on peut justifier les deux. Pourriez-vous nous en parler un peu plus, s'il vous plaît?
Je ne suis pas avocat, mais je crois que la définition de l'UICN respecte nombre de droits autochtones. Les différentes catégories de ZPM qui sont reconnues par l'UICN tiennent effectivement compte des droits des peuples autochtones de pêcher dans certains contextes. Je ne crois pas que les deux définitions sont en opposition.
À mon avis, la définition actuelle de l'UICN interdirait la pêche également aux peuples autochtones. Est-ce que cela a changé?
Je vois que vous secouez la tête tous les trois, alors je vous remercie de votre réponse. J'avais l'impression que la définition de l'UICN interdisait tout type de pêche. C'est la raison pour laquelle elle m'inquiétait.
Monsieur Worm, le changement climatique est un sujet sur lequel probablement peu de gens possèdent une expertise.
Ce qui m'inquiète à propos des ZPM, c'est que les espèces se déplacent en raison des changements climatiques. Nous l'observons sur la côte Est avec les homards qui se dirigent vers des eaux plus froides. Si nous établissons une ZPM, en tenant compte des changements climatiques, nous pourrions perdre une zone de pêche très lucrative en raison du déplacement des espèces à l'intérieur ou à l'extérieur d'une ZPM, alors comment pouvons-nous nous adapter à cette situation dans l'avenir?
Je crois que c'est une excellente question et, comme je l'ai dit, j'étudie cet aspect en collaboration avec le MPO parce que tout le monde reconnaît le problème. Il s'agit d'un problème que nous n'avons pas résolu sur le plan scientifique, en soi. Je vous rappelle que seules certaines ressources se déplaceront. D'autres demeureront où elles se trouvent. Par exemple, la zone de protection marine du Gully protège un canyon sous-marin qui ne se déplacera pas d'ici un million d'années, alors nous pouvons le protéger. Certaines structures d'habitat demeureront en place, mais vous avez tout à fait raison, d'autres se déplaceront. L'industrie reconnaît également cela. Il faut s'y adapter d'une manière souple. Nous étudions actuellement la façon dont l'habitat peut s'adapter, la façon dont les espèces de poisson que nous étudions peuvent elles-mêmes s'adapter ainsi que la façon dont nous pouvons intégrer au système des mesures de prévoyance.
Le MPO et les intervenants à l'échelle internationale n'ont aucunement envie d'assouplir les limites des ZPM et de les rendre mobiles, alors je crois que nous devrons travailler avec des ZPM définies et des zones tampons ou d'autres outils de gestion, comme des désignations d'habitats essentiels flexibles qu'on peut déplacer. Je souligne qu'un défi de gouvernance se pose également ici parce que certains de ces changements peuvent se produire très rapidement.
Un exemple très bouleversant est le déplacement au cours d'une année de presque toute la population de baleines noires sur la côte Est de la baie de Fundy vers le golfe du Saint-Laurent. Ces baleines sont bien protégées dans la baie de Fundy, mais pas dans le golfe du Saint-Laurent. Il y a eu des conséquences catastrophiques cette année pour cette population. La gouvernance doit s'adapter à ces changements très rapides que nous observons dans l'eau. Il se passe la même chose sur la terre, bien sûr, mais c'est particulièrement visible ces jours-ci dans l'eau. Un processus de planification a besoin d'outils pour tenir compte de cela, et ces outils sont actuellement conçus ici et ailleurs.
Quelques-uns d'entre vous ont mentionné le fait d'avoir assez de financement. Je ne suis pas vraiment certaine de la façon dont on peut inscrire cela dans la loi, car ce que nous faisons actuellement, c'est examiner le projet de loi C-55. Si vous parlez de programmes, vous devez avoir les ressources adéquates pour financer ce que vous intégrez à la loi, alors il est très difficile de s'assurer que le financement fasse partie de la loi. Je voulais seulement mentionner ce point parce que je ne crois pas que l'on puisse en réalité désigner certains programmes et les inscrire dans la loi sans vraiment avoir les ressources adéquates connexes. Je tenais simplement à signaler cet aspect.
Certainement. Merci, monsieur le président.
Monsieur Devillers, vous avez mentionné un certain nombre de questions concernant la raison pour laquelle les stocks de morue ne reviennent pas, mais je ne vous ai pas entendu parler de prédation. Était-ce un oubli ou vouliez-vous vraiment dire que la prédation n'empêche pas le rétablissement des stocks de morue?
Encore une fois, je ne suis pas biologiste de la vie aquatique. Je ne peux pas quantifier la prédation de la morue. C'est un facteur qui a été mentionné et étudié. Ce que je sais, c'est qu'il y a différents arguments pour et contre, alors je présume que la prédation fait partie du problème. Cela explique en partie la raison pour laquelle les stocks de morue ne se rétablissent pas, mais je ne crois certainement pas, en tant qu'expert en conservation, qu'il s'agit de la principale cause.
Vous avez également mentionné que 83 % des espèces sont en déclin depuis un certain nombre d'années. Pourriez-vous nous dire s'il s'agit d'espèces benthiques, d'espèces pélagiques, de mammifères, de stocks de poissons ou de mollusques et de crustacés? Je crois qu'il pourrait être utile au Comité d'avoir un peu plus de statistiques.
Avez-vous des renseignements aussi détaillés?
Je n'ai pas ces chiffres, mais je peux donner des précisions. La diminution de 80 % concernait... Au Canada, nous avons un certain nombre d'espèces terrestres et marines, et 50 %, plus ou moins, d'entre elles ont subi une diminution. Chez ces espèces, on a constaté une diminution moyenne de 83 %.
C'est la constatation générale d'un rapport du Fonds mondial pour la nature publié en 2017. Ce rapport — je l'ai lu il y a quelques semaines — fournit des statistiques détaillées par région et par type d'espèces. Par exemple, je crois que, pour les pêches de la côte Est et de cette région, c'était environ une diminution d'environ 47 %. Je ne peux pas fournir les chiffres exacts, car je n'ai pas le rapport avec moi, mais ils existent.
Nous pouvons également les trouver.
La prochaine question s'adresse à vous trois. Essayez de répondre rapidement si vous le pouvez. Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la désignation des écozones qui sont largement acceptées par le ministère des Pêches et des Océans ou par d'autres membres de la communauté scientifique? À votre avis, les limites des écozones marines du Canada sont-elles adéquates?
Madame Ban.
À ce que je sache, elles sont adéquates. Je n'ai entendu aucun contre-argument, mais ce n'est pas une question que j'ai examinée de près.
Je suis rigoureusement le processus de planification ici sur la côte Est. Je ne connais pas le processus de planification de la côte Ouest. Je dirai qu'il s'agit d'environ 15 années de travail, et on tient compte de plus de 100 couches d'information biologique et socioéconomique.
Un oui ou un non rapide serait très utile. Je sais que vous savez ce que... je veux juste obtenir un oui ou un non rapide. Êtes-vous en général satisfait que les...?
Je suis satisfait des écozones à l'échelle nationale. Je ne suis pas aussi satisfait des écozones au sein de chaque région du MPO.
J'ai une brève question complémentaire à cet égard. Croyez-vous que, lorsque la cible de 10 % sera atteinte pour les zones de protection marine, il faudrait établir une répartition parmi les écozones qui existent à l'heure actuelle en s'assurant que 10 % de chaque écozone soit pris en compte dans la protection?
Monsieur Worm et monsieur Devillers, désirez-vous formuler un bref commentaire à ce sujet?
Allez-y, monsieur Worm.
Je crois que la représentation est importante, et tout réseau de zones de protection marine qui essaie de protéger toutes les ressources que nous avons doit être représenté et étendu dans les écozones. Oui.
D'accord, mesdames et messieurs. Nous allons nous arrêter ici.
Monsieur Worm, madame Ban et monsieur Devillers, je vous remercie beaucoup.
Très rapidement, allez-y, madame Jordan.
Monsieur Worm, pourriez-vous féliciter de notre part M. Hutchings d'avoir reçu le prix Huntsman, s'il vous plaît?
Au nom de tous, veuillez transmettre nos félicitations à M. Hutchings.
Nous reprendrons nos travaux dans quelques minutes après une courte pause. Nous commencerons dès que nous aurons démarré la vidéoconférence avec nos invités.
Encore une fois, merci à nos témoins.
Bon retour à tous, pour la deuxième heure de l'analyse du projet de loi C-55. Merci à tous.
N'oubliez pas que, à la fin de la séance, nous consacrerons cinq minutes aux affaires du Comité. Vous avez peut-être remarqué que nous avons légèrement dépassé l'horaire. Je fournirai une explication un peu plus tard, mais passons d'abord à nos témoins.
Tout d'abord, ils viennent tous les deux de la côte Ouest du pays, alors je le dis et je le répète, merci beaucoup à nos deux témoins de vous être levés à l'aube afin de vous joindre à nous, ici, qui sommes à l'heure normale de l'Est. Vous nous rendez un grand service, et nous l'apprécions.
Cela dit, nous recevons Peter Lantin, président du Conseil de la nation haïda. Vous êtes à Skidegate. Merci de vous joindre à nous.
Nous recevons également la chef Marilyn Slett, conseillère en chef du Heiltsuk Tribal Council. Merci de vous joindre à nous ce matin depuis Bella Bella.
Parfait.
Nous vous accordons jusqu'à 10 minutes pour une déclaration préliminaire. Vous n'avez pas à utiliser les 10 minutes, si vous ne le désirez pas. Ensuite, nous passerons aux questions des députés ici.
Nous allons commencer par vous, monsieur Lantin, vous avez 10 minutes.
Bonjour à tous. Le soleil n'est même pas encore levé ici à Haida Gwaii, mais c'est toujours un privilège de mettre les choses en contexte au nom de ma nation, ici, sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique.
Je m'appelle kil tlaats 'gaa Peter Lantin et je suis le président et le porte-parole officiel de la nation haïda. La nation haïda appuie le projet de loi C-55. Nous avons une expérience unique à communiquer parce que nous avons établi deux zones de protection dans la section de l'océan qui fait partie de notre territoire et que nous avons par la suite travaillé conjointement à gérer ces zones avec le gouvernement du Canada. Nous allons également proposer des modifications visant à renforcer le projet de loi afin de protéger les intérêts et les droits de la nation haïda, mais avant de faire cela, je souhaite présenter brièvement Haida Gwaii et la nation haïda.
Le territoire de la nation haïda comprend les îles de Haida Gwaii et les eaux environnantes, qui comprennent l'ensemble de l'entrée Dixon; la moitié du détroit d'Hécate, au nord et au sud; le bassin de la Reine-Charlotte, jusqu'à mi-chemin de l'île de Vancouver; et s'étend vers l'Ouest au-delà de la zone économique exclusive de 200 milles marins.
La terre et la mer de Haida Gwaii sont notre patrie depuis des temps immémoriaux. Les traditions orales de la nation haïda racontent notre origine des océans entourant Haida Gwaii. Comme l'a dit un aîné: « Nous sommes sortis de l'océan partout à Haida Gwaii. Nous pouvons pointer cet endroit et dire que c'est là que nos ancêtres sont sortis de l'océan. »
Le nom que nous avons donné à ces îles, Haida Gwaii, signifie « îles du peuple ». Comme nous vivons sur un territoire qui comprend plus de 150 îles, nous ne sommes jamais bien loin de l'océan dans notre quotidien. Plus de 25 % des terres des îles sont à moins de un kilomètre de l'océan, et aucun endroit ne se trouve à plus de 20 kilomètres de la mer. Nous avons plus de 4 000 kilomètres de passages et de rivages insulaires. Le lien continu entre la mer et les montagnes fait partie intégrante de l'héritage et de l'identité culturelle de la nation haïda.
L'influence de l'océan sur le territoire de Haida Gwaii est omniprésente dans la vie, la culture et l'histoire de la nation haïda. Chaque village haïda est soigneusement choisi selon l'abondance des poissons et des fruits de mer et sa géographie marine. On choisit des havres bien protégés pour les sites accessibles à l'année ou durant l'hiver et des endroits plus exposés pour les camps estivaux saisonniers. Les riches ressources de la mer fournissent à la nation haïda nombre de ses aliments et de ses médicaments. Les animaux marins, des plus communs jusqu'aux créatures surnaturelles, occupent une part importante de l'art et de la conception haïdas et de nos armoiries familiales.
Pour toutes ces raisons, la protection de notre territoire marin et des espèces qui s'y trouvent est un des mandats clés du Conseil de la nation haïda depuis sa création en 1974, il y a plus de 40 ans maintenant. Les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique ont ensuite collaboré pour concevoir les désignations de zones de protection de la nation haïda, comme Gwaii Haanas, Duu Guusd et le mont sous-marin Bowie (Sgaan Kinghlas), de même que des conservatoires provinciaux. Nous avons travaillé avec le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique en vue de protéger les régions vulnérables du territoire haïda. Nous participons à la planification marine depuis 2006, d'abord avec le gouvernement du Canada et plus récemment, avec celui de la Colombie-Britannique, en vertu du plan marin de Haida Gwaii et de plans d'aménagement du territoire.
La cogestion a fourni un mécanisme permettant d'équilibrer les intérêts de la Couronne et ceux de la nation haïda en permettant aux parties de collaborer au chapitre de la gestion et de la planification et de travailler pour atteindre des objectifs communs tout en maintenant leur compétence et leurs pouvoirs respectifs.
Je vais maintenant formuler certaines des recommandations de la nation haïda en ce qui concerne les amendements du projet de loi. Nous appuyons les modifications proposées de la Loi sur les océans et de la Loi sur les hydrocarbures, mais nous émettons sept recommandations pour renforcer le projet de loi proposé en nous fondant sur notre expérience en matière de cogestion des deux zones marines de notre territoire. Les zones marines du mont sous-marin Bowie (Sgaan Kinghlas) et Gwaii Haanas auraient grandement bénéficié d'une protection provisoire et d'un calendrier accéléré, qui ne sont pas possibles sous le régime de la Loi sur les océans en vigueur.
La zone de protection marine du mont sous-marin Bowie (Sgaan Kinghlas), ou la ZPM SK-B, a été sélectionnée dans le cadre d'un projet pilote du MPO aux fins de désignation d'une ZPM vers 1998, mais il n'y avait aucune protection fédérale jusqu'à ce que la zone soit désignée en tant que ZPM sous le régime de la Loi sur les océans, en 2008. Il a fallu 10 ans. Le retard s'explique en partie par le besoin de conclure un accord de cogestion entre la nation haïda et le gouvernement du Canada.
On dit que la zone marine et terrestre Gwaii Haanas est un des trésors écologiques et culturels du monde. Le gouvernement fédéral a annoncé son intention de protéger la zone marine Gwaii Haanas en 1988 à la signature de l'accord South Moresby. Le renforcement de la zone marine Gwaii Haanas n'a pas été protégé par la législation fédérale avant 2010, année où l'Entente marine Gwaii Haanas a été signée et où le gouvernement du Canada et la nation haïda ont approuvé un plan de gestion provisoire.
On prévoit en 2018 un plan de gestion intégré final concernant la terre, la mer et les personnes. Gwaii Haanas n'est pas une ZPM désignée en vertu de la Loi sur les océans, mais notre expérience en matière de cogestion à Gwaii Haanas est pertinente en ce qui a trait aux modifications de la Loi sur les océans que nous recommandons.
Je vais maintenant parler des sept recommandations.
La première recommandation, qui concerne un enjeu considérable actuellement pour nos cogestionnaires de la zone de protection marine, est l'absence de pouvoir pour ce qui est de gérer, de restreindre et de fermer les pêches. Nous devons permettre aux conseils de gestion coopérative de gérer les zones de protection marine. Conformément aux aires marines nationales de conservation et aux zones de protection marine, on continue de gérer les pêches sous le régime de la Loi sur les pêches. Les activités de pêche doivent plutôt être conformes aux objectifs de gestion et, dans le cas de Haida Gwaii, respecter l'entente conclue entre le gouvernement du Canada et la nation haïda. Cela permettra d'éviter un litige futur et de réduire les pêches qui sont non viables ou qui entraînent la dégradation des habitats vulnérable. La capacité de gérer les pêches doit être explicite dans la Loi sur les océans et ne devrait pas être contournée par un règlement.
Notre deuxième recommandation est que le projet de loi comprenne des articles distincts sur les principes de durabilité, y compris la gestion axée sur l'écosystème et le principe de précaution. Même si on mentionne le principe de la précaution dans les attendus de la Loi sur les océans actuellement en vigueur, on n'indique d'aucune manière la façon dont il devrait être appliqué. On devrait appliquer le principe de la précaution dans le cadre de l'évaluation de toutes les activités menées dans une zone de protection marine. Ces deux principes, ainsi que d'autres, sont énoncés dans les lois traditionnelles haïdas et nos processus de planification de l'utilisation des ressources marines.
La troisième recommandation est que nous voyions d'un bon oeil les nouvelles dispositions du ministre des Ressources naturelles du Canada ou de la ministre des Affaires autochtones et du Nord visant à interdire les activités pétrolières et gazières ou à annuler les intérêts pétroliers et gaziers d'une entreprise dans une zone de protection marine provisoire. Toutefois, les restrictions devraient aller plus loin.
Quant à notre quatrième recommandation, nous appuyons les recommandations de la West Coast Environmental Law dans les secteurs qui correspondent aux mandats confiés par les citoyens haïdas pour empêcher des activités particulières. Nous cherchons à obtenir, Loi sur les océans, des normes de protection minimale contre l'exploration et l'exploitation pétrolières, gazières et minières, les parcs éoliens et les projets de développement marémoteurs, l'aquaculture à cage en filet et le chalutage dans des zones de protection élevée, ce qui signifie les catégories un, deux, trois et quatre de l'Union internationale pour la conservation de la nature, l'UICN.
Pour ce qui est de notre cinquième recommandation, nous appuyons également les autres recommandations de la West Coast Environmental Law, comme reconnaître que l'intégrité écologique est la principale priorité pour les zones de protection marine et les ZPM provisoires. Ensuite, il faut appliquer les catégories de l'UICN aux zones de protection marine à des fins de cohérence. La nation haïda en Colombie-Britannique a utilisé ces catégories dans le plan marin de Haida Gwaii. Enfin, nous recommandons de fermer aux activités d'extraction, y compris aux pêches commerciales et récréatives, une partie importante des zones de protection marine assorties d'un niveau élevé de protection.
Notre sixième recommandation est de reprendre la recommandation de la West Coast Environmental Law et de la nation Heiltsuk selon laquelle on doit enchâsser dans le projet de loi un énoncé explicite qui confirme que rien dans le projet de loi ne limite les droits des peuples autochtones protégés par la Constitution.
Enfin, nous sommes d'accord avec la recommandation de la West Coast Environmental Law selon laquelle le projet de loi exige une reconnaissance explicite des droits de gouvernance autochtone et de la cogouvernance des zones de protection marine. Cela existe déjà dans d'autres pays et est soutenu par la Déclaration des Nations unies sur le droit des peuples autochtones. L'UICN fournit un mécanisme pour reconnaître les aires de conservation autochtones et communautaires.
Il y a également un appui à cet égard au Canada. On a indiqué que les aires protégées autochtones représentaient une possibilité pour le Canada dans le rapport Un nouveau modèle de leadership partagé dans l'Arctique de Mary Simon, représentante spéciale de la ministre à l'égard du leadership dans l'Arctique. Selon Mme Simon, « Le principe des aires protégées autochtones repose sur l'idée d'une zone protégée qui tient explicitement compte de la vision autochtone de ce qu'est un territoire fonctionnel et qui met en pratique cette vision. »
En conclusion, la nation haïda a donné un nouveau souffle à la mise en oeuvre de notre vision pour un paysage marin fonctionnel et pris les premières mesures à cet égard. Un mécanisme pour reconnaître les aires protégées autochtones sous le régime de la Loi sur les océans ou d'autres lois canadiennes fournirait un autre tremplin vers la réconciliation des espaces marins tout en atteignant ou en dépassant les cibles en matière de protection marine.
Je veux vous remercier de votre temps ce matin.
Nous vous remercions du vôtre, monsieur. Merci beaucoup. Nous allons revenir à vous dans quelques instants.
En attendant, nous allons passer à la déclaration préliminaire de la chef Marylin Slett, allez-y.
Bonjour. Je m'appelle Marilyn Slett. Je suis la conseillère en chef du Conseil tribal Heiltsuk, qui est composé des dirigeants élus de la nation Heiltsuk. Les Heiltsuks remercient le Comité de cette occasion d'aborder les modifications qu'on propose d'apporter à la Loi sur les océans.
Le peuple Heiltsuk vit sur la côte centrale de la Colombie-Britannique et récolte des ressources marines depuis des milliers d'années. Selon les preuves archéologiques, nos pêches remontent à il y a 14 000 ans. La récolte est essentielle à notre santé et à notre bien-être et est au coeur de notre culture. Nous dépendons des poissons et de la santé de leurs eaux.
Les Heiltsuks appuient l'augmentation des pouvoirs du gouvernement pour la création de zones de protection marines — ZPM —, même provisoires, mais seulement s'ils servent à créer des ZPM provisoires et permanentes afin de protéger des aires marines, surtout dans les zones littorales qui ont été désignées prioritaires dans nos propres plans d'utilisation du milieu marin. Même si la Loi sur les océans lui conférait des pouvoirs lui permettant de créer des ZPM, l'ancien gouvernement fédéral ne l'a pas fait de manière significative et transparente. Les Heiltsuks font confiance au gouvernement fédéral non seulement pour qu'il utilise sérieusement ses pouvoirs de création de ZPM provisoires afin de geler les niveaux d'activité, mais aussi pour qu'il envisage véritablement d'établir des limites supplémentaires en ce qui a trait à ces ZPM.
L'imposition immédiate de limites supplémentaires aidera à réduire les préjudices qui découlent des activités actuelles. De nombreuses ressources marines sont surexploitées par les pêcheurs commerciaux et récréatifs, au point qu'elles auront besoin de plus qu'un simple gel aux niveaux d'activité actuels.
Les Heiltsuks ont sept recommandations à formuler pour l'amélioration du projet de loi C-55. Elles portent principalement sur le rôle des nations autochtones comme les Heiltsuks dans le processus décisionnel mené au titre de la Loi sur les océans, ainsi que dans l'application des nombreuses ZPM supplémentaires qui, nous l'espérons, seront créées sur nos territoires traditionnels. Les Heiltsuks recommandent également une transparence accrue des processus du gouvernement fédéral.
Dans une note documentaire présentée par les Heiltsuks hier, nous avons donné deux exemples qui illustrent la fragilité de nos zones de récolte traditionnelles et comment elles sont endommagées par l'activité industrielle et commerciale. Le premier exemple, ce sont les dommages récemment causés à l'une de nos plus importantes zones de récolte. En octobre 2016, le Nathan E. Stewart a coulé et a déversé environ 110 000 litres de diesel et d'huile de graissage. Nous récoltons au moins 25 espèces alimentaires dans la zone du déversement. Un an plus tard, cette zone est toujours fermée à la pêche par les Heiltsuks et fermée à la pêche aux bivalves par le MPO.
Un deuxième exemple, c'est l'incidence des pêches commerciales et récréatives sur nos récoltes de crabe traditionnelles. Au cours des dernières décennies, et surtout au cours des dernières années, les récoltes de crabe ont diminué de façon marquée. Nous ne récoltons qu'une fraction de nos prises du passé. Des navires commerciaux — qui peuvent exploiter environ 200 pièges en même temps — pêchent dans de nombreuses zones de récolte traditionnelles, qui sont tout simplement dépouillées de crabes.
En 2008, les quatre nations autochtones de la côte centrale, y compris les Heiltsuks, ont dit au Canada qu'ils ne pouvaient pas récolter suffisamment de crabes pour répondre à leurs besoins de base. Nous demandons au MPO de fermer des zones à la pêche au crabe depuis environ neuf ans. Il a fallu de nombreuses rencontres, et il a fini par être question de litiges, avant que le ministère accepte de fermer seulement une zone — celle de Troup Passage —, à la fin de 2016.
Les crabes ne sont qu'une des espèces qui sont menacées. Les activités industrielles et commerciales déciment des stocks qui font partie de notre mode de vie depuis des milliers d'années. Le temps est venu pour le gouvernement fédéral d'utiliser des outils différents, comme les ZPM, pour protéger les ressources marines.
Actuellement, seulement une zone de protection marine est située près du territoire des Heiltsuks. Il s'agit de la zone des récifs d'éponges dans le détroit d'Hecate et du détroit de la Reine-Charlotte. Toutefois, les Heiltsuks exercent des pressions pour la création d'un plus grand nombre de zones. Je crois savoir que d'autres témoins ont mentionné le plan d'utilisation du milieu marin des Premières Nations de la côte centrale, qui a été élaboré avec la province de la Colombie-Britannique. Il désigne déjà 17 % de cette zone à des fins de protection.
Les Heiltsuks ont besoin que des mesures soient prises. Ils attendent avec impatience un processus de réconciliation qui comprendrait l'autonomie gouvernementale, notamment la cogestion des ressources marines. Jusqu'à ce que cela se produise, nous avons sept recommandations à formuler aux fins de l'amélioration du projet de loi C-55.
Premièrement, les Heiltsuks souhaitent qu'il soit reconnu que d'autres nations côtières et eux-mêmes n'ont jamais cédé leur compétence sur leurs territoires marins. Les Heiltsuks recommandent que le pouvoir du gouvernement de désigner des ZPM soit exercé avec le consentement des nations autochtones directement touchées.
Deuxièmement, les Heiltsuks recommandent que la Loi sur les océans prévoie expressément qu'elle ne mine en rien le pouvoir inhérent qu'exercent les nations autochtones sur leurs territoires marins traditionnels.
Troisièmement, les Heiltsuks recommandent que les nombreux motifs de création de ZPM prévus au paragraphe 35(1) comprennent expressément la conservation et la protection des ressources de pêche autochtones.
Quatrièmement, les Heiltsuks recommandent que le pouvoir du gouvernement de prendre des règlements au titre du paragraphe 35(3) soit étendu afin de permettre la création de règles qui exigent la transparence et la participation des nations autochtones au processus relatif aux ZPM. L'actuelle Loi sur les océans ne prévoit ni transparence ni approche de gouvernement à gouvernement quant à la façon dont on pourrait envisager la création de ZPM, procéder à un examen ou désigner de telles zones.
Les Heiltsuks recommandent qu'un pouvoir formel soit conféré au gouvernement afin qu'il puisse prendre des règlements régissant la façon dont le ministre reçoit et évalue l'information relative à des ZPM potentielles et à d'autres de ces zones, divulgue les renseignements relatifs à des ZPM potentielles et à d'autres de ces zones aux collectivités autochtones et au public et établit des tribunaux consultatifs ou autres afin d'évaluer et d'examiner des ZPM potentielles et désignées et de formuler des recommandations à leur sujet. En outre, ces règlements rendraient exécutoires les accords de cogestion conclus entre le gouvernement fédéral et les collectivités autochtones, régiraient les décisions au sujet de la création de ZPM et du travail connexe et exigeraient que le gouvernement consulte les collectivités autochtones côtières et obtiennent leur consentement relativement à la désignation ou à la modification de ZPM potentielles ou autres.
Ces règlements constitueraient un pas en avant, conformément à l'article 18 de la DNUDPA — la Déclaration des Nations unies sur les droits de peuples autochtones —, qui est ainsi libellé:
Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis [...]
Cinquièmement, les Heiltsuks sont favorables à toute mesure recommandée par la West Coast Environmental Law. Les Heiltsuks appuient certaines dispositions minimales pour les ZPM, comme des limites automatiques à l'exploration et à l'exploitation pétrolières ou minières.
Les Heiltsuks sont favorables à une certaine limite automatique imposée aux pêches commerciales et récréatives. Notre capacité de procéder à nos récoltes traditionnelles est entravée par la surpêche due à l'activité commerciale et récréative. À notre avis, le pouvoir discrétionnaire du gouvernement fédéral en matière de conservation est totalement inefficace.
Les Heiltsuks appuient une déclaration faisant de l'intégrité écologique la grande priorité. Les Heiltsuks recommandent également une déclaration selon laquelle la deuxième priorité du gouvernement est la protection des pêches autochtones. Cette déclaration respecterait le principe enchâssé dans la loi selon lequel, après la conservation, la pêche autochtone doit être la grande priorité.
Sixièmement, les Heiltsuks recommandent une disposition qui autoriserait expressément le ministre à désigner toute organisation autochtone en tant qu'agent d'application de la loi au titre de la Loi sur les océans. On reconnaîtrait ainsi le rôle des nations autochtones dans l'application des ZPM qui se situent dans leurs territoires traditionnels.
Septièmement, le projet de loi C-55 prévoit des amendes, mais seul le Canada pourrait intenter des poursuites. Afin d'accroître le rôle des nations autochtones dans la gestion de leurs territoires marins, les Heiltsuks recommandent qu'il leur soit permis d'intenter des poursuites privées ou, autrement, qu'on leur donne le droit de poursuivre les contrevenants au civil et de réclamer des sommes comparables aux amendes proposées dans le projet de loi C-55.
Les amendes imposées au civil pourraient être versées dans des fonds environnementaux locaux et régionaux afin qu'on puisse payer les mesures d'application de la loi passées et futures prises par des nations autochtones, les activités de conservation, comme des études d'impact et des projets de restauration, et les recherches sur les conditions de base des diverses ZPM. Les droits des Autochtones en matière d'exécution de la loi, si leur application est financée par les pollueurs et les autres contrevenants, permettraient une intervention rigoureuse à cet égard par les peuples qui sont les plus intéressés par la protection des ressources marines.
Je ne fais que conclure, maintenant.
La modification de la Loi sur les océans est une occasion pour le Canada de mettre en œuvre son engagement à l'égard de la DNUDPA, non seulement en permettant au gouvernement de protéger les ressources marines, mais aussi en reconnaissant le rôle des nations autochtones dans la gestion de leurs propres territoires marins et dans l'application des mesures de protection.
Giaxsixa. Merci.
Merci, madame Slett. J'apprécie beaucoup cet exposé.
Nous passons maintenant à notre série de questions. Nous allons commencer par M. Hardie, pour sept minutes, s'il vous plaît, du côté du gouvernement.
Merci, monsieur le président. Merci à tous de vous être levés très tôt sur la côte Ouest. Remarquez, je suppose que, si vous partiez en bateau, vous seriez déjà debout, de toute manière, n'est-ce pas?
Monsieur Lantin et madame Slett, je veux que vous imaginiez que vous êtes ministre des Pêches et des Océans. À quoi voudriez-vous réfléchir avant de juger qu'une zone doit faire l'objet d'une protection provisoire? Qu'est-ce qui déclencherait votre décision d'exercer les pouvoirs que vous conférerait le projet de loi C-55? Qui voudrait commencer?
C'est une question très intéressante. J'essaie de dire que, si j'étais ministre, je serais un ministre autochtone, bien entendu.
De notre point de vue, historiquement, on a cherché à protéger les endroits où des infractions sont commises, où nous croyons que les droits des Autochtones sont bafoués à l'intérieur de nos territoires traditionnels. Voilà les zones que nous voulons protéger, de notre point de vue, en collaboration avec le gouvernement du Canada et la Couronne.
Mais, en ce qui concerne la Nation haïda, nous avons notre propre processus d'établissement de zones protégées. Il est davantage fondé sur notre histoire culturelle et sur notre présence dans ces zones afin de perpétuer notre culture, dans l'avenir. Au fil du temps, les intérêts liés à la pêche commerciale et d'autres intérêts empiètent sur beaucoup de ces zones, et on ne tient pas compte de nos droits au moment de prendre ces décisions. De mon point de vue, c'est vraiment là-dessus qu'il faut fonder les décisions concernant les zones qui devraient être protégées.
Si j'étais ministre des Pêches, je réfléchirais aux conséquences pour les pêches et les écosystèmes et je chercherais à collaborer avec les collectivités autochtones afin de renouveler cette relation et de favoriser la réconciliation.
On croit souvent qu'une fois que quelque chose est mis en place de façon provisoire, il est diablement difficile de le retirer. Pas plus tard qu'il y a deux ou trois ans, nous avons célébré le 100e anniversaire d'une mesure provisoire appelée l'impôt sur le revenu des particuliers, au Canada. Encore une fois, voici la même question, posée différemment. Si vous étiez ministre, avant de retirer la protection provisoire d'une zone, et sans nécessairement aller dans l'autre sens pour en faire une aire marine pleinement protégée, à quoi penseriez-vous? Que voudriez-vous voir se produire?
Nous allons commencer par Mme Slett, cette fois-ci.
Assurément, on en revient à la raison pour laquelle nous désignons ces zones de façon provisoire ou permanente. Nous devons étudier les conséquences sur les pêches. Nous devons nous assurer que la zone en question est saine et que l'écosystème peut encaisser toute autre conséquence.
Je ne suis pas certain. Si vous le pouvez, clarifiez la question encore une fois. Je suis un peu confus quant à ce que vous voulez savoir.
Le projet de loi C-55 permet au ministre de créer des zones de protection provisoires, pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans. Quelles conditions voudriez-vous voir pour rouvrir la zone, essentiellement, comme elle l'était avant la mise en place de la mesure provisoire, à la fin des cinq années?
D'accord, nous allons passer à autre chose. L'autre jour, un de nos témoins a mentionné le chalutage par le fond en tant qu'activité industrielle destructrice. Êtes-vous d'accord avec cette définition?
On fait signe que oui, d'accord.
Beaucoup des dommages écologiques qui ont été causés par ces industries et ces pratiques ne sont pas très bien connus. Il s'agit de régions très éloignées. Souvent, le fait d'assurer une présence dans ces régions et de comprendre ce qui s'y passe a été sous-estimé, dans le passé. Je pense que c'est là où nous, en tant que membres de la collectivité locale qui sommes chez nous à ces endroits...
La présence dans ces régions est cruciale, tout comme la compréhension des dommages qui sont causés par ces activités. D'une certaine façon, cela se passe dans notre cour. Pourquoi ne pas conclure un partenariat avec nous et mieux comprendre ce que nous voyons et ressentons, ici?
Si nous envisageons la prise d'une mesure provisoire, actuellement, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, permettrait à la plupart des activités qui étaient en cours l'année précédente de se poursuivre. Toutefois, nous avons également entendu des témoins affirmer que certaines pêches se font beaucoup par rotation, alors une pêche pourrait ne pas avoir eu lieu depuis deux ans ou peut-être encore plus.
Cette tendance est-elle évidente dans vos régions? Y a-t-il des pêches qui se font sur rotation, qui pourraient ne pas avoir lieu pendant deux ou trois ans?
Allez-y, monsieur Lantin.
Je pense que nous sommes tous deux dans la même situation en ce qui a trait à la pêche par rotation. Essentiellement, il s'agit d'espèces sédentaires, et la panope du Pacifique fait partie des principales. La présence de ce mollusque à Haida Gwaii suit un cycle de trois ans. Je sais que la même situation s'applique sur le territoire des Heiltsuks. Il y a des exemples de cette situation sur nos territoires, c'est certain.
L'un des défis que doit relever un gouvernement fédéral consiste à promulguer des lois qui s'appliquent uniformément à l'ensemble du pays, mais nous devenons de plus en plus sensibles au fait que la situation n'est pas la même dans toutes les régions du pays. Avez-vous des conseils à nous donner quant à la meilleure façon de tenir compte de ces différences au moment de rédiger ou d'appliquer la loi, si nous regardons la côte Est, la côte Ouest, la côte Nord, les Grands Lacs, etc.?
Madame Slett.
En ce qui concerne votre question précédente, si les limites sont encore requises dans les zones provisoires, alors elles devraient s'y appliquer.
Pour ce qui est de votre deuxième question, qu'il s'agisse de la côte Est ou de la côte Ouest ou de quelque chose qui s'applique à l'échelle nationale, le MPO devrait s'adresser à nos collectivités. Nous avons fait un important travail de planification, et nous connaissons nos régions. Les lois doivent s'appliquer aux régions, à nos régions côtières, et cela donne encore plus de raisons au gouvernement de consulter plus directement nos collectivités et de collaborer avec elles.
Merci, monsieur le président.
Je vous ai entendu présenter un témoignage très intéressant, et je veux vous en remercier. J'ai eu le privilège de voyager dans le Nord avec le Comité quand il menait une étude avant le dépôt du projet de loi. Nous avons entendu des témoignages très semblables de certaines collectivités inuites qui se trouvent là-bas en ce qui concerne la préservation de leur utilisation traditionnelle des ressources dans le contexte de la mise en place potentielle d'une zone de protection marine.
Le principal problème dont j'ai entendu parler concernait les consultations. Généralement, et je m'adresse à chacun d'entre vous, si vous pouvez me donner brièvement votre opinion personnelle... je n'ai pas besoin que vous répétiez ce qui est enchâssé dans la loi ou dans la Constitution quant à la tenue de consultations. Je veux savoir ce que veulent dire les consultations pour vous, personnellement, ou pour la majorité des gens que vous représentez.
Nous pouvons commencer par M. Lantin.
À Haida Gwaii, nous avons une histoire très étoffée en ce qui a trait aux consultations. Je pense que nous connaissons tous l'arrêt Haida qui établit l'obligation de consulter les Premières Nations et de prendre des mesures d'accommodement à leur égard. À nos yeux, les consultations se situent sur un spectre continu. Nous voyons le processus suivre son cours. Il mène au bout du compte à une prise de décision. La Nation haïda a conclu des accords de gestion collaborative au titre desquels on ne lui demande pas de participer à des consultations; ses représentants discutent avec deux autorités, et ils prennent conjointement des décisions collectives. À nos yeux, il s'agit vraiment du but de la DNUDPA. C'est la nature même du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Il s'agit vraiment du processus décisionnel. Voilà le genre de consultations qui est une réalité quotidienne dans notre monde.
Oui. Il s'agirait de discuter avec nous d'une manière significative, pas seulement de nous parler, mais de tenir ce dialogue respectueux qui tient compte de nos points de vue et de nos droits dans le cadre du travail que nous faisons ensemble.
Récemment, je crois que le Conseil tribal Heiltsuk a reçu de l'argent au titre du Fonds d'aide financière aux participants pour la tenue de certaines consultations. Le rapport qui a été présenté est arrivé devant le Comité longtemps après que la décision a été prise. Je me demande seulement ce qu'ont ressenti les gens qui siègent à votre conseil à cet égard.
N'êtes-vous pas au courant de cette histoire?
C'était dans le cadre de l'initiative Great Bear des Premières Nations côtières. Le rapport avait été distribué aux membres par le comité des pêches le 3 janvier 2017, soit trois semaines après que certains membres du Comité ont présenté leurs recommandations aux fins du rapport. Le mémoire a été distribué 17 jours plus tard, le 20 janvier. L'argent qui vous a été envoyé au titre du fonds d'aide aux participants... le mémoire qui a été renvoyé ne pouvait être utilisé, même si on a fait des tentatives dans le but de prolonger l'étude du Comité afin d'en tenir compte. Ce doit être une source de frustration, j'en suis sûr.
Oui, c'est certain. Nous travaillons d'arrache-pied pour réunir les renseignements d'une manière significative qui représente nos collectivités — les Heiltsuks et les Haïdas —, comme nous l'avons fait aujourd'hui, notre importance et le rôle que jouent nos ressources marines pour nos collectivités. Nous sommes un peuple de navigateurs, et le travail que nous faisons est très lié à cela. Lorsque nous avons l'occasion de fournir des renseignements au Canada, au moment où le pays prend ses décisions dans le cadre de son travail, nous voudrions vraiment que nos efforts soient pris en considération.
Je pense que vous avez tout à fait raison à ce sujet. Je sais que c'est frustrant parce que le fait de ne même pas avoir la capacité de présenter un rapport qui sera pris en considération, c'est bien loin du droit de participer. Toutefois, ce sont des choses qui arrivent, je suppose, de temps à autre.
J'ai des questions plus vastes à poser.
Dans les situations où une nation autochtone a des revendications territoriales qui ne sont pas réglées, la création d'une zone de protection marine dans certaines régions situées sur un territoire revendiqué pourrait entraîner des problèmes complexes. Que penseriez-vous, ou que penseraient les gens que vous représentez, ou bien certaines des autres Premières Nations situées sur la côte du Pacifique, de la création d'une ZPM dans une région revendiquée? Selon vous, comment fonctionnerait la relation entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations dans ce contexte?
Nous travaillons avec nos voisins. Les Premières Nations côtières travaillent ensemble depuis 17 ans, et, depuis, nous avons créé et formé un groupe rassemblant les peuples de la côte centrale appelé la Central Coast Indigenous Resource Alliance. Nous travaillons ensemble sur la planification de l'utilisation du milieu marin, et nous travaillons en collaboration avec nos voisins.
Je pense que, dans le cas de la Nation haïda, nous avons la chance de vivre sur un archipel isolé, et nous n'avons aucune revendication territoriale proprement dite à Haida Gwaii. Toutefois, nous nous préparons actuellement à aller devant les tribunaux relativement à une affaire de titre ancestral pour les terres de Haida Gwaii, ce qui nous a obligés à interagir avec toutes les nations côtières, et principalement avec les Tsimshians. Nous devons régler des différends. C'est comme la réconciliation entre le Canada et les Premières Nations. En tant que nations autochtones, nous avons une histoire riche. Les Heiltsuks et nous, nous nous sommes longtemps fait la guerre. Nous venons tout récemment, au cours des dernières années, de signer un traité de paix dans un contexte moderne afin de dire que c'est notre histoire, mais que nous allons régler nos différends aujourd'hui pour l'atteinte d'un but commun. Je pense que la protection de notre environnement a toujours été un dénominateur commun partout où nous allons.
La réconciliation doit avoir lieu entre les Premières Nations également, et les Heiltsuks et nous participons à ces efforts de manière proactive.
Y a-t-il des membres de l'une ou l'autre de vos nations qui sont actuellement titulaires de permis de pêche commerciale ou détenteurs de quotas, ou bien les bandes détiennent-elles elles-mêmes les quotas?
Peut-être que je vais commencer, cette fois-ci.
Nous sommes titulaires de quelques permis qui sont gérés par la Nation haïda. Pour ce qui est de nos pêcheurs, c'est une histoire très tragique. Le côté nord de Haida Gwaii était occupé principalement par une collectivité et une nation de pêcheurs, et nous avons été chassés de l'industrie il y a maintenant probablement 20 ou 30 ans.
Nous ne pouvons pas changer notre nature. Les gens utilisent encore l'eau, alors on a encore l'ambition de retourner sur l'eau, de former toute une nouvelle génération de pêcheurs et de renforcer les capacités. Nous essayons de changer toute cette histoire et de reprendre notre place dans l'industrie.
Peu de gens possèdent des permis au sein de la Nation haïda pour l'instant.
Merci.
Je participe à la conservation dans les parcs provinciaux et à la gestion des poissons et de la faune en Colombie-Britannique depuis 37 ans, et je vais commencer par vous remercier ainsi que les autres Premières Nations de votre leadership à de nombreux égards relativement à la conservation en Colombie-Britannique, que ce soit les nations Ktunaxa et Jumbo, dans ma circonscription de Kootenay—Columbia, la protection de l'île Moresby, la création d'une entente de cogestion pour Gwaii Haanas ou la présence de gardiens autochtones sur le terrain qui s'assurent que les efforts de conservation se poursuivent dans la forêt pluviale Great Bear. Je veux vraiment commencer par vous remercier tous les deux sincèrement.
Maintenant, pour passer à ma question, selon un rapport produit en 2014 par un certain M. Edgar concernant les zones de protection marine, un grand nombre de ces zones dans le monde sont impossibles à distinguer, d'un point de vue écologique, des zones ouvertes à la pêche. Le rapport révèle que 79 % de l'échantillon mondial des aires protégées n'atteignait pas les seuils relatifs à la gestion de base. On manquait de personnel et de financement pour accomplir une surveillance et une application de la loi efficaces. Même si le fait que nous établissons des zones de protection marine pour respecter notre engagement international peut sembler être une bonne chose, sans ressources appropriées, ces désignations pourraient bien franchement ne servir à rien.
De quelles ressources aurons-nous besoin pour faire appliquer la réglementation relative aux zones de protection marine — celles que nous allons créer et peut-être même celles que vous aidez déjà à gérer — à l'intérieur de vos territoires? À votre avis, le projet de loi C-55 devrait-il être amendé de manière à prévoir des options explicites pour la délégation des pouvoirs de surveillance et d'application de la loi à des gardiens autochtones dans ces régions?
Je voudrais que vous répondiez tous les deux.
Excellent.
Assurément, dans notre collectivité, nos gardiens travaillent en collaboration avec la nation autochtone côtière voisine. Pour faire appliquer ces ZPM et faire en sorte qu'elles soient pleinement réalisées sur nos territoires traditionnels, nous devons travailler et nous organiser pour que nos gardiens autochtones possèdent ce pouvoir d'application de la loi. Nous travaillons beaucoup pour leur offrir une formation, mais il faudrait davantage de ressources également pour mettre en oeuvre cette initiative d'une manière réelle et significative.
Le manque de ressources nécessaires pour vraiment faire le travail est tout à fait préoccupant. Nous gérons nos aires protégées depuis maintenant un certain temps, et vous avez raison de dire qu'il n'y a pas beaucoup de ressources qui nous permettent de nous rendre sur place pour faire le travail.
Ce dont il faut se rendre compte, c'est que les Premières Nations vont faire le travail de toute manière. Nous trouvons un moyen d'affecter nos propres ressources. Voilà l'équilibre dont nous n'entendons pas vraiment parler dans le contexte canadien. Vous entendez parler des Premières Nations qui veulent protéger leurs territoires et les conserver, mais, ce qui se passe sur le terrain, en réalité, c'est que nous tentons de trouver cet équilibre, et que nous nous rendons compte du fait que nous avons besoin de ressources pour faire le travail.
Depuis 20 ans, notre but est de puiser dans nos propres revenus les ressources nécessaires pour faire le travail. Mont sous-marin Bowie (SGaan Kinghlas) se trouve très loin au large des côtes. Il faut s'y rendre pour effectuer la surveillance, les travaux scientifiques et toutes les tâches liées à la gestion d'une aire protégée, et nous ne pouvons pas dire que nous n'allons pas faire le travail parce qu'il n'y a pas de ressources, alors il nous incombe d'en trouver.
C'est difficile, mais il faut faire preuve de créativité. Si des amendements étaient apportés au projet de loi afin qu'il prévoit l'affectation de ressources pour qu'on puisse s'acquitter adéquatement des responsabilités qu'entraînent les zones de protection marine, alors, nous appuierions tout à fait ces amendements.
Selon vous, qu'est-ce que le ministère des Pêches et des Océans doit faire différemment, ou mieux, pour garantir la réussite des zones de protection marine sur votre partie de la côte?
Je crois vraiment qu'il devrait compter sur nous. L'approche de gestion collaborative que nous avons adoptée repose sur les efforts concertés de deux parties, mais aussi sur les connaissances locales. Fiez-vous aux données probantes locales que nous compilons.
Comme elle est devant les tribunaux pour une affaire de titre, la nation haïda compile essentiellement des données probantes depuis 15 ans afin de prouver son droit de propriété. Ces données témoignent de l'histoire incroyable de nos aînés sous la forme de dépositions de vive voix. Je pense que le fait de compter sur les personnes qui comprennent la situation, c'est la clé, à nos yeux.
Il est certain que les ressources dont on a besoin pour mettre en oeuvre adéquatement un programme de gardiens autochtones dotés des pouvoirs d'application de la loi...
Nos collectivités parlent également des capacités du centre d'intervention maritime dirigé par des Autochtones, et elles étudient diverses manières d'apporter des améliorations à cet égard, alors, il s'agit d'un autre aspect à prendre en considération.
Les zones de protection marine autochtones constituent-elles une voie vers la réconciliation, qui fait partie des priorités du gouvernement actuel?
Madame, vous pouvez commencer.
Oui. Nous pouvons procéder collectivement, en collaboration, comme nous l'avons décrit dans les déclarations que nous avons faites ici aujourd'hui, ainsi que dans notre mémoire, en collaboration avec nous, et pas pour nous. Il s'agirait assurément d'un moyen de progresser.
Oui. À nos yeux, la réconciliation repose sur la coexistence. Je pense donc que c'est ce que nous tentons de faire, de mettre en place ce modèle de coexistence nous permettant de travailler ensemble, et il s'agit vraiment de reconnaître le pouvoir de chacun. Je pense que cette façon de faire nous a été imposée dans le passé, mais la nation haïda règle des différends depuis 40 ans. Dans certaines parties de Haida Gwaii, nous changeons les choses, et il s'agit de nous reconnaître les uns les autres comme des égaux, et je pense que c'est vraiment le but de la réconciliation.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux chefs de leur présence devant nous ce matin.
Je souhaite peut-être revenir sur l'une des questions qui ont été posées plus tôt. Nous parlons de consulter les Premières Nations, et ça n'est jamais suffisant. Nous l'avons entendu tout au long des témoignages présentés dans le cadre de cette étude. Nous savons qu'il doit y avoir une amélioration sur ce plan.
Comme le ministre est là, comment évalueriez-vous les consultations comparativement à celles du passé? Allons-nous dans la bonne direction, autrement dit?
J'aimerais que vous répondiez tous les deux à cette question.
Oui, je crois que la situation s'améliore. Selon moi, il faut que les consultations soient significatives, et je pense que Mme Slett en a parlé. J'aime bien l'exemple où on coche une case, puis qu'on prend tout de même une décision, mais je crois qu'on est sur la bonne voie. Selon moi, nous avons besoin de beaucoup plus de temps que la période qui nous est accordée pour procéder aux consultations. Je pense que, ce que les gens ne savent pas vraiment, c'est tout le travail qu'on effectue pour se préparer à participer aux consultations.
Au cours de notre histoire... le renforcement des capacités nécessaires pour faire le travail dépend d'abord et avant tout — pour nous — d'une plus longue période pour nous préparer... parce que nous avons des équipes techniques et des avocats. Nous sommes un gouvernement très solide qui n'est pas vraiment connu du monde.
Je pense qu'on va dans la bonne direction, mais qu'il faut assurément aller plus loin.
Merci.
Je vais simplement intervenir encore une fois, car la période dont je dispose est très courte.
Pensez-vous qu'une cache pour nourriture et de cérémonie pourrait être compatible avec des ZPM interdites à la pêche?
Nous avons écrit cela dans notre mémoire... si c'est durable, oui.
Simplement pour revenir sur votre question antérieure au sujet des consultations, je ne pense pas que ce soit vraiment quelque chose que nous devrions évaluer pour l'instant. Toutefois, je suis d'accord avec M. Lantin sur le fait qu'il y a eu des améliorations, mais il y a toujours des progrès à faire. Selon moi, nous avons clairement formulé dans notre mémoire ce que nous voudrions voir du point de vue des consultations.
Merci beaucoup, tout le monde.
Désolé, monsieur Finnigan, je dois m'en tenir à cela. Nous ne sommes pas arrivés à tenir une série de questions complète. Nous avons manqué de temps.
Je veux remercier nos invités. Peter Lantin, président du Conseil de la nation haïda, merci beaucoup.
Marilyn Slett, du Conseil tribunal Heiltsuk, merci beaucoup. J'espère que la prochaine fois que je vous reverrai, ce sera en personne, puisque ma nièce est enseignante dans votre région. Elle souhaite que je m'y rende très bientôt. Je suppose que je vous verrai à ce moment-là. J'ai hâte d'aller à Bella Bella.
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