FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 3 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité permanent des pêches et océans en ce lundi 3 octobre.
Après notre récent déplacement à Terre-Neuve-et-Labrador, nous allons entendre des témoignages sur l'étude des stocks de morue du Nord.
Avant cela, cependant, permettez-moi d'indiquer que le comité de liaison nous demande des précisions concernant les déplacements que le Comité entend effectuer. Nous ne sommes, bien sûr, pas en mesure de répondre de manière précise, car nous ne pouvons pas savoir où en seront les études après le mois de janvier. Je vous demande donc ceci.
Ai-je le consentement unanime du Comité pour réserver en fin de séance 10 minutes consacrées à l'établissement d'une liste d'étude, afin de voir un peu ce que nous envisageons de faire une fois achevée notre étude sur l'habitat et le MPO?
Ce que je vous demande concerne donc les études que nous allons entreprendre ensuite. Si je vous demande cela, c'est...
Oui. Outre les trois études que nous avons prévues, pourriez-vous me donner quelques idées? Nous n'avons pas à arrêter une liste définitive, mais simplement émettre quelques idées sur les questions que nous pourrions aborder. Le comité de liaison pourra alors se faire une idée des déplacements que nous envisageons d'effectuer en 2017.
Ai-je le consentement unanime du Comité?
Des voix: D'accord.
Le président: Très bien, nous y consacrerons donc 10 minutes en fin de séance. Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer à nos témoins.
Nous accueillons Brett Favaro, chercheur scientifique à l'Institut des pêches et de la mer de l'Université Memorial de Terre-Neuve. Je suis heureux de vous revoir. M. Favaro a en effet déjà eu l'occasion de comparaître devant le Comité. Nous l'avons accueilli plusieurs fois déjà, notamment lorsqu'il nous a entretenus des études consacrées à la morue. Son dernier témoignage remonte, je crois, à 2005.
Nous accueillons en outre M. Jeffrey Hutchings, titulaire de la chaire commémorative Killam, Pêches et océans, au Département de biologie de l'Université Dalhousie. J'espère que c'est bien cela.
Nous accueillons aussi Alan Sinclair, coprésident du sous-comité des poissons marins, qui participe à la séance par vidéoconférence, à partir de Nanoose Bay.
Nous souhaitons également la bienvenue à Joshua Laughren, directeur exécutif d'Oceana Canada, et à Robert Rangeley, directeur des sciences d'Oceana Canada. Nous vous retrouvons avec plaisir, car, vous non plus, ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant le Comité.
Chacun va donc disposer de 10 minutes pour nous présenter un exposé.
Brett, vous avez la parole.
Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invité à prendre la parole devant lui aujourd'hui. C'est à chaque fois un honneur de comparaître devant vous.
Je voudrais vous entretenir aujourd'hui de l'avenir de la pêche à la morue du Nord. Je m'appelle Brett Favaro, et je suis chercheur scientifique à l'Institut des pêches et de la mer de l'Université Memorial. Mon travail consiste à construire et mettre à l'épreuve du matériel de pêche conçu pour avoir l'impact le plus faible possible sur l'environnement tout en permettant aux pêcheurs de travailler efficacement et en toute sécurité.
Je précise d'emblée que ce que je vais vous dire doit beaucoup à mes étudiants de troisième cycle, à mes collaborateurs et aux pêcheurs côtiers qui ont accueilli, voire hébergé, nos recherches, et en particulier Aubrey et Marie Payne, de l'île Fogo. Je signale par ailleurs l'appui financier que nous ont accordé le Centre canadien d'innovations des pêches, le ministère des Pêches et de l'Aquaculture du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, la Research and Development Corporation de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que les autres organisations dont le nom figure sur la diapositive.
Nous savons tous que l'effondrement des stocks de morue du Nord est une des plus grandes tragédies économiques et environnementales de l'histoire du Canada. Mais, pour la première fois depuis le moratoire, il semblerait qu'on commence à voir les premiers signes d'un rétablissement des stocks. Je ne vais pas dire grand-chose de la santé des stocks de morue, car c'est un sujet qui sera traité à fond par mes collègues du monde scientifique qui prendront la parole après moi. Ce dont je tiens à vous entretenir aujourd'hui c'est du mode de pêche à adopter en cas de réouverture de la pêche à la morue.
La viabilité de la pêche dépend en effet en partie des techniques employées. L'emploi de filets maillants, de palangres, de chaluts ou de divers autres engins de pêche, est cause d'impacts sur l'environnement. Cela dit, tous les engins de pêche n'entraînent pas pour l'environnement les mêmes conséquences. Le filet maillant, par exemple, est largement utilisé à Terre-Neuve-et-Labrador. Avant le moratoire, une grande partie des prises de morue était due à l'emploi de ce type d'attirail.
Or, l'emploi du filet maillant est problématique, car ce ne sont pas seulement les morues qui se font prendre. Il est fort probable, lorsque vous mettez à l'eau un filet maillant, que vous allez prendre des tas de choses que vous ne souhaitiez pas prendre, des oiseaux de mer ou des phoques, par exemple. Toutes sortes d'espèces marines se font prendre en même temps. Deuxièmement, la perte d'un filet en mer entraîne ce qu'on appelle la pêche fantôme. J'entends par cela les animaux qui sont pris et qui meurent dans ces filets qui se promènent comme cela dans la mer. C'est une mauvaise affaire pour les pêcheurs, mais c'est également une mauvaise affaire pour l'environnement. Le troisième problème, le plus épineux, peut-être pour le secteur de la pêche, est que lorsque vous ramenez votre filet, il y a de bonnes chances que le poisson qui y est pris se soit sensiblement dégradé.
En effet, le compte à rebours commence dès que le poisson se fait prendre dans le filet maillant. Il se débat, est attaqué sous l'eau par des prédateurs et des charognards, et finit par mourir avant même que vous puissiez le sortir de l'eau. Il est donc très difficile d'assurer aux prises une qualité uniforme et, comme je vous l'expliquerai dans un instant, cela entraîne un certain nombre de conséquences économiques.
J'en viens maintenant au sujet dont je tiens à vous entretenir aujourd'hui. Au début des années 2000, mon collègue, Phillip Walsh, a entrepris de faire adopter par les pêcheurs de l'île Fogo, pour remplacer les filets maillants, un engin de pêche appelé le pot. Ce pot est essentiellement un casier muni d'un appât et posé sur le fond marin. Depuis longtemps, les pêcheurs canadiens utilisent le casier pour divers autres types de pêche. C'est ainsi, par exemple, qu'en Colombie-Britannique, on utilise les casiers pour la pêche à la crevette nordique et à la morue charbonnière. À Terre-Neuve-et-Labrador, on utilise les casiers pour la pêche au crabe des neiges.
Or, on s'est aperçu ces dernières années, que le casier est aussi un excellent moyen de pêcher la morue. Vous pouvez voir, sur cette photo, un des premiers types de casiers, de type terre-neuvien. C'est un casier grand et lourd, qui, pendant plusieurs années, a été utilisé par certains pêcheurs de l'île Fogo pour pêcher la morue. Ce type de casier donnait d'assez bons résultats, mais il coûtait cher et prenait un peu trop de place à bord de petits bateaux. Nous avons donc entrepris de trouver un type de casier tellement efficace du point de vue économique et environnemental que les pêcheurs auraient tout intérêt à en privilégier l'usage. Nous nous sommes dit que si un tel casier n'existait pas, nous l'inventerions.
Vous pouvez voir sur la diapositive un des casiers que nous avons conçus et construits. Entre l'été 2015 et l'été 2016, nous avons mis à l'essai cinq modèles de casiers à bord de bateaux de pêche de l'île Fogo, y compris des casiers légers de type norvégien avec des mailles de diverses grosseurs, et puis ce modèle-ci que vous avez sous les yeux. C'est un engin de pêche très pratique, car il est escamotable. Ici, vous pouvez en voir trois empilés l'un sur l'autre, sur le pont arrière d'un bateau de pêche. Remarquez, en haut de chaque casier, des petits flotteurs qui ressemblent un peu à des beignes. Lorsque le casier est lancé à la mer, le flotteur tire vers le haut la partie supérieure du casier et le casier s'ouvre pour permettre au poisson de s'y introduire.
Une fois escamotés, les casiers prennent peu de place. Vous pouvez voir là, dans cette petite remorque, plus de 30 casiers de différents types, empilés les uns sur les autres. Là, c'est un casier léger de type norvégien, à larges mailles. Cela permet aux poissons plus petits de s'échapper. Cette photo montre une prise assez typique, environ 30 poissons d'une longueur moyenne d'environ 60 centimètres. Mais ce qui fait l'avantage de ce type d'attirail ce n'est pas la quantité de poissons pris, mais sa qualité. En effet, le poisson pris dans un casier ne meurt pas. Il est encore vivant et en bon état lorsque le casier est vidé, et les pêcheurs peuvent alors vendre leur prise à des bons restaurants qui leur paient le plein prix.
Notez la comparaison par rapport à cette photo d'une morue prise dans un filet maillant. La photo a été prise la semaine dernière au Labrador par Phillip Meintzer, un de mes étudiants de troisième cycle. Voyez combien la morue a été meurtrie, abîmée au moment de sa capture. Ce poisson ne rapportera pas beaucoup à la criée.
On peut, certes, prendre avec un filet maillant du poisson de qualité, à condition, toutefois, de ne pas laisser le filet trop longtemps dans l'eau. Or, le pêcheur peut, pour une foule de raisons, laisser ses filets dans l'eau plus longtemps qu'il n'est bon de le faire. Si, par exemple, les filets sont à l'eau lorsque survient une tempête, il peut ne pas être possible, pour des raisons de sécurité, de sortir les filets le jour même. Le poisson peut donc rester pris dans les filets pendant des jours, ce qui fait que la prise sera en mauvais état, son prix étant réduit d'autant.
Mais la qualité de la prise dépend également de la manière dont le poisson est traité après sa capture. Vous pouvez nous voir, sur ces images, à bord du bateau de pêche, en train de saigner le poisson dans un bain d'eau glacée. Sur cette photo, vous voyez le poisson qui a été saigné et vidé, puis mis sur glace avant d'être acheminé vers l'usine de traitement. C'est comme cela qu'il faut s'y prendre si l'on veut obtenir le meilleur prix.
Je vais maintenant vous montrer une vidéo qui illustre l'utilisation du casier.
Lorsque j'entame un projet, la première chose que je fais, c'est de fixer à l'attirail de pêche une caméra sous-marine afin de mieux comprendre ce qui se passe sous l'eau lors de l'immersion de l'engin. Dans cette photo, vous voyez tout notre attirail, et au milieu, le casier de type norvégien. Le casier est photographié de haut.
Nous sommes là, au large de l'île Fogo, à environ 40 mètres de profondeur. Cette séquence a été filmée quelques minutes après l'immersion du casier. On a un peu de mal à voir en raison du contraste, mais vous pouvez apercevoir plusieurs morues tournant autour du casier, une d'entre elles se trouvant déjà dans la partie supérieure. Vous pouvez voir que le casier comporte une entrée à gauche et à droite, et que les morues cherchent à y pénétrer.
Cette séquence a été tournée environ 20 heures après l'immersion du casier. Comme vous voyez, une trentaine de morues sont prises dedans. Vous pouvez les voir nager dans la partie supérieure du casier. Quelle que soit la direction du courant, les poissons qui se trouvent pris, s'orientent de manière à nager contre le courant. Je précise que les morues prises dans le casier sont encore vivantes et qu'elles ne seront tuées qu'après avoir été remontées à bord.
Vous allez, dans quelques instants, voir le casier ramené à la surface. Ces images sont très fortes, car elles nous permettent de voir comment fonctionne le casier immergé.
Là le poisson est ramené à la surface. J'ai doublé la vitesse des images qui montrent le casier remonté à la surface et ramené à bord.
Ce n'est qu'à partir de ce moment-là, que le poisson commence à exhiber un comportement perturbé, nageant de manière plus agressive, cherchant sans doute à s'échapper. La vidéo montre qu'ils ne parviennent que rarement à se libérer. Vous voyez que des bulles commencent à s'échapper des morues au fur et à mesure qu'elles approchent de la surface de l'eau.
Au cours de l'été, nous avons répété de multiples fois cette expérience au large de l'île Fogo et nous avons pu nous faire une très bonne idée de ce qui arrive lorsqu'un casier est immergé.
Là, nous sommes encore sous l'eau, mais je vais nous faire remonter à la surface.
Dans ces images-là, nous survolons un bateau de pêche qui se sert de casiers. Vous apercevez un casier de style terre-neuvien, remonté à la surface et ramené à bord. Cela vous donne une idée de comment l'on fait pour sortir les casiers de l'eau. Regardez bien le poisson qui a été pris, en l'occurrence une grosse morue qui se trouve dans la partie supérieure du casier.
Là, c'est la bôme du bateau, qui sert à remonter les casiers pour les sortir de l'eau.
J'espère que cela vous donne une idée assez précise de la pêche au casier. Cet été, nous nous sommes aperçus qu'avec 25 casiers, nous pouvions, en une seule journée, prendre tout le quota de la semaine. Ces nouveaux casiers, plus légers, ne coûtent pas cher, et peuvent être utilisés facilement et en toute sécurité. J'ajoute que cette technique de pêche a suscité un large appui populaire. Chaque semaine, nous recevons des douzaines d'appels de pêcheurs des diverses régions de la province qui s'intéressent à cet attirail. Ces casiers sont d'une utilisation souple qui permet de les employer à bord de grands bateaux ou d'embarcations plus petites. Ils permettent la capture de poissons en quantités commerciales tout en assurant la qualité des prises, le pêcheur obtenant pour son poisson un meilleur prix que pour le poisson attrapé au moyen de techniques moins viables. En utilisant du fil biodégradable, on permet aux poissons pris dans un casier qui s'est perdu dans l'eau de s'échapper.
En tant que biologiste spécialiste de la conservation, j'apprécie beaucoup le fait que ce mode de pêche réduit les ravages parmi les oiseaux marins et autres espèces marines à corps volumineux. Si le filet maillant devait à nouveau être utilisé à Terre-Neuve-et-Labrador, ces espèces en subiraient les conséquences.
Avant de terminer, je voudrais insister sur deux choses. La première est que, tant du point de vue de la conservation que du point de vue économique, si l'on rouvre la pêche à la morue, il faudra privilégier la qualité par rapport à la quantité. On ne peut pas mettre en place un système qui oblige le pêcheur à faire d'énormes prises de mauvaise qualité simplement pour gagner sa vie. Un tel système n'est pas viable du point de vue de la conservation, mais il n'est pas viable non plus du point de vue économique. Nos travaux démontrent que le casier permet une pêche de grande envergure axée sur la qualité. Vous devriez, lorsque vous aurez à prendre des décisions portant sur la gestion de la pêche à la morue, privilégier l'emploi du casier.
Le deuxième conseil que je voudrais formuler concerne la nature des stocks de morue. Je précise que, selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (le COSEPAC), il s'agit effectivement d'une espèce en voie de disparition. Même s'il semble qu'il y a actuellement dans les eaux canadiennes plus de morues qu'à une époque récente, les stocks de morue demeurent infiniment plus faibles qu'ils ne l'ont jamais été. La réouverture de la pêche va devoir se faire peu à peu. Ce n'est pas parce que les morues sont actuellement plus nombreuses qu'il y a 10 ans que l'on peut se permettre de s'attaquer à elles et en pêcher plus que ne le permet l'état actuel des stocks.
La plus récente évaluation des stocks des morues de l'Atlantique a été effectuée par le COSEPAC en 2010, sur la base de données remontant à 2007. Il serait utile de voir le COSEPAC procéder à une nouvelle évaluation, afin de donner aux divers paliers de gouvernement et acteurs de ce secteur, une idée précise de la santé et de l'état des stocks de morue du Nord afin que les décisions qui seront prises reposent sur des données scientifiques rigoureuses.
Permettez-moi d'insister sur deux choses qui me paraissent essentielles. D'abord, de privilégier, dans la pêche à la morue, la qualité des prises et de voir dans l'utilisation du casier le moyen d'y parvenir. Deuxièmement, de demander au COSEPAC de procéder à une nouvelle évaluation des stocks de morue du Nord et d'assurer que, dans les décisions qu'ils seront appelés à prendre, les responsables tiennent pleinement compte de cette nouvelle évaluation.
Je vous ai exposé aujourd'hui les nombreux avantages de la pêche au casier. D'après moi, cet attirail permettrait de relancer de manière durable la pêche à la morue. Il m'incombe, en tant que scientifique, de rappeler que le meilleur moyen d'assurer la rentabilité du secteur de la pêche est d'assurer la suffisance des stocks.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Favaro.
Je tiens à féliciter les cinéastes. C'est une vidéo formidable. Bravo à tous. Je tiens, au nom du Comité, à féliciter les preneurs d'images.
Nous sommes, dans tous ces travaux de recherche, nos propres cinéastes. Toutes ces séquences vidéo ont été tournées lors de nos travaux.
Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole dans le cadre de l'étude que vous menez actuellement sur la morue du Nord.
Ma relation avec la morue du Nord remonte au début des années 1960, lorsque, avec mon père et ma grand-mère, je me rendais à pied chez M. George Temple, au bas de Bull Arm, Sunnyside, dans la baie de Trinité. Mes travaux scientifiques sur la morue du Nord n'ont par contre vraiment commencé qu'en 1992, deux années après la fin de mon doctorat à Memorial.
Depuis lors, j'ai rédigé plus de 70 articles scientifiques publiés dans des revues à comité de lecture, sur des sujets aussi divers que l'écologie, le cycle de vie, la reproduction, la génétique, l'histoire des pêcheries et la biologie des populations de morue du Nord. En 1997, j'ai présenté devant votre Comité un exposé sur la morue du Nord et, ainsi que votre président l'a rappelé, j'ai comparu à nouveau à St. John's, en 2005.
Les premiers documents attestant la pêche à la morue à Terre-Neuve ne remontent qu'à 1504, mais il est à peu près certain que l'on y pêchait déjà la morue vers la fin des années 1400. D'après les calculs qui ont pu être effectués, jusqu'à la fin des années 1700, les prises annuelles atteignaient moins de 100 000 tonnes, mais entre les années 1830 et la fin des années 1960, les prises ont généralement varié entre 200 000 et 300 000 tonnes par an.
Ce volume de prises, qui semblait pouvoir durer, assorti d'un certain nombre d'hypothèses concernant les quantités pouvant être durablement pêchées, veut dire que le stock reproducteur de morue du Nord devait, entre la fin des années 1700 et le milieu des années 1900, s'élever à 1 ou 1,5 million de tonnes. Or, aujourd'hui, on l'évalue à 300 000 tonnes.
Suite à l'arrivée des chalutiers venant d'Europe à la fin des années cinquante et le début des années soixante, les prises ont atteint, en 1968, le chiffre record de 810 000 tonnes avant de s'effondrer radicalement en 1977, année où le Canada a porté à 200 milles marins les limites de sa juridiction nationale en matière de pêche. En partie contrôlées par les quotas de pêche établis par le Canada, après le pic de 1977, les prises ont augmenté petit à petit pour atteindre environ 270 000 tonnes en 1988, avant l'instauration du moratoire.
On vient de nous parler de nouvelles techniques, mais depuis 500 ans qu'on pêche la morue, il y a eu bien des innovations techniques. Pendant les trois premiers siècles, on pêchait surtout la morue du Nord avec des hameçons, munis ou non d'appât, soit à partir d'assez gros bateaux dans les Bancs soit, dans les eaux littorales avec des bateaux plus petits. En 1790, les Français ont introduit la palangre, c'est-à-dire la pêche au chalut, une ligne de fond garnie de multiples hameçons munis d'un appât.
Le filet à morue ou filet maillant a fait son apparition vers le milieu des années 1800, suivi après cela, dans les années 1870, de la nasse à morue. Le chalutage de fond est apparu juste avant le début du XXe siècle. Il y a d'abord eu les chalutiers latéraux à vapeur, puis, vers la seconde moitié du XXe siècle, les chaluts de fond traînés par des chalutiers-usine congélateurs.
C'est entre la fin des années 1950 et le milieu des années 1970 que ces méthodes de pêche de plus en plus efficaces, apparues progressivement au cours des siècles, ont eu sur la morue du Nord l'impact le plus lourd, entraînant une énorme surpêche qui, au début des années 1990, a provoqué l'effondrement des stocks.
On estime qu'à l'instauration du moratoire, les stocks de morue du Nord avaient déjà baissé de 99 % par rapport à la situation du début des années 1960. Cela a représenté un affaissement sans précédent d'un stock de poissons benthiques longétifs.
Cet effondrement massif des stocks attire notre attention sur un des préceptes de la biologie des populations. C'est aussi une des raisons qui expliquent pourquoi le rétablissement des stocks est si lent et incertain. En effet, les petites populations sont plus vulnérables que les grandes aux perturbations soudaines, qu'elles soient dues à des phénomènes naturels ou à l'activité humaine. Autrement dit, après l'instauration du moratoire, cet épuisement sans précédent des stocks de morue du Nord, a empêché à l'espèce de se reproduire face à des conditions environnementales auxquelles la morue avait pu résister à une époque où elle était beaucoup plus nombreuse. Plus le stock de morue du Nord diminuait, moins l'espèce était capable de s'adapter aux nouvelles conditions environnementales.
Les recherches en ce domaine semblent indiquer que les stocks de poisson réduits à moins de 10 % de leur niveau maximum mettent longtemps à se rétablir, si tant est qu'ils parviennent à le faire. Or, l'épuisement des stocks de morue du Nord a largement dépassé ce seuil.
Le degré d'épuisement agit sur le rétablissement des stocks, mais il est probable que la pêche ait elle aussi joué un rôle dans tout cela. Le moratoire de 1992 a, certes, sensiblement limité la pêche, mais cela n'a pas mis fin aux prises. Entre 1993 et 2009, les prises de morue du Nord se sont élevées à environ 3 000 tonnes par an.
Ce chiffre ne semble peut-être pas très important, mais s'agissant d'une population épuisée, les conséquences peuvent être considérables.
C'est ainsi, par exemple, qu'en 1998, soit six ans après le moratoire, on a autorisé, pour la morue du Nord, une pêche commerciale dirigée. La pêche était limitée, les quotas de pêche étant relativement peu importants par rapport aux quotas en vigueur dans les années 1980. Mais, du point de vue scientifique, ce n'est pas le quota de pêche qui compte, mais le volume des prises par rapport aux stocks.
Selon moi, cette pêche limitée, qui s'est déroulée de 1988 à 2002, a tué dans l'oeuf les premiers signes de rétablissement. Si cette réouverture mal inspirée des pêches a quelque chose à nous enseigner, c'est que les quotas de pêche doivent s'inscrire dans le cadre d'un plan de gestion qui fixe des objectifs précis, et des règles claires, quantitatives, transparentes se justifiant au regard des données scientifiques.
Les objectifs en matière de rétablissement des stocks et les règles limitant le volume des prises sont deux éléments essentiels d'un plan de gestion des pêches crédible et conçu de manière à permettre, à terme et de manière durable, un volume correct de prises. Or, 20 ans après l'effondrement des stocks de morue, ces éléments ne sont pas encore en place, notamment en ce qui concerne la morue du Nord. En ce qui concerne les stocks de morue canadienne relevant entièrement de la juridiction du Canada, les seules règles contrôlant le volume des prises sont hélas ouvertes à des interprétations multiples qui les rendent difficiles à faire respecter. En effet, selon les règles actuellement en vigueur, lorsque, dans la sous-division 3Ps, les stocks de morue sont inférieurs à leur niveau de référence « la priorité pourrait être donnée à la pêche dirigée, qui sera permise ou non, dans une certaine mesure ». Puis, d'autres règles prévoient que « la pêche dirigée ne doit pas être autorisée si le déclin inférieur [à la limite] est important et elle ne doit pas se poursuivre pour une longue période sans preuve que le rétablissement aura lieu dans un délai raisonnable ».
Vous voyez là de nombreux mots susceptibles de diverses interprétations. De telles ambiguïtés ne permettent vraisemblablement pas d'agir de manière efficace dès les premières difficultés constatées. Il est intéressant de comparer la manière dont est formulée cette règle régissant les prises de morue dans la sous-division 3Ps à un récent effort international engagé par des organismes de gestion des pêcheries afin de renforcer l'intégrité scientifique des règles régissant l'exploitation, au large de la Norvège, du plus grand stock de morue au monde.
Il est, selon moi, essentiel, pour parvenir à des taux de capture durables, d'adopter des règles de contrôle et des objectifs de pêche scientifiques rigoureux. Sans cela, ni la société, ni le secteur en question ne pourra savoir si le niveau des prises envisagé permettra effectivement d'atteindre dans les délais prévus l'objectif que l'on s'est fixé. Sans objectif chiffré et sans règles limitant le volume des prises, il n'y a pas moyen de vérifier l'efficacité des mesures de gestion et de rendre compte des résultats obtenus. On renforcerait sensiblement les efforts en vue du rétablissement des stocks de morue du Nord en adoptant un plan de redressement crédiblement adapté aux exigences de la science et entièrement conforme aux bonnes pratiques internationales telles que celles adoptées par la pêche commerciale aux États-Unis et dans l'Union européenne. De telles mesures devraient bien sûr se conformer en tous points à la politique canadienne en matière de pêches durables. Or, cette politique n'est pas actuellement mise en oeuvre aussi rapidement qu'on le souhaiterait.
Cette recommandation, fondée sur des données scientifiques, comporte de très sensibles avantages du point de vue de la communication. Pour obtenir la certification en matière de pêches durables, une stratégie de gestion doit en effet être scientifiquement crédible aux yeux de la communauté internationale. Or, cette certification revêt de plus en plus d'importance dans les divers secteurs de l'industrie du poisson et des fruits de mer. Les pays qui, pour la gestion des pêches, mettent en oeuvre des stratégies transparentes comportant des objectifs chiffrés sont mieux à même de vérifier l'efficacité des mesures qu'ils prennent.
Cette recommandation visant l'établissement, en matière de contrôle des prises, de repères et de règles scientifiquement crédibles, exige que l'on laisse les sciences jouer un plus grand rôle que celui qui leur est actuellement dévolu. On pourrait, par exemple, comme l'ont fait les États-Unis et l'Europe, s'en remettre entièrement à la science pour fixer à la fois les points de référence cible et la limite des prises.
Après cela, une discussion entre les diverses parties prenantes devrait permettre de fixer, pour le volume des prises, des règles chiffrées, claires et conformes aux données de la science.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous livrer ces quelques réflexions. C'est très volontiers que je répondrai aux questions que les membres du comité pourraient vouloir me poser.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Hutchings.
Pourrais-je vous demander quelques précisions. Est-ce bien à 1 504, que remontent les premières prises de morue documentées?
Nous ne pouvons pas l'affirmer, mais c'est la première fois que des documents signalent la présence de bateaux de pêche dans les eaux de Terre-Neuve.
Voilà qui est intéressant. Vous nous avez également dit que c'est au large de la Norvège que se trouve le plus important stock de morue du Nord, ou de morue tout simplement?
Le plus grand stock de morue du monde. La pêche a essentiellement lieu au large des côtes nord de la Norvège, dans la mer de Barents.
On entend par morue du Nord uniquement la morue des unités de gestion 2J, 3K et 3L, c'est-à-dire dans le Banc Hamilton, au sud du Labrador jusqu'à la moitié nord des Grands Bancs. Ce ne sont que ces morues-là qu'on appelle morue du Nord.
Bon, je vous remercie.
Je tenais à ce que cela soit précisé.
Nous allons maintenant passer la parole à Oceana, représenté par M. Laughren.
Vous avez 10 minutes pour intervenir, ou moins si vous le souhaitez.
Je vous remercie de cette occasion de prendre la parole devant vous.
Je m'appelle Josh Laughren, et je suis directeur exécutif de Oceana Canada. Je suis accompagné de Bob Rangeley, directeur scientifique d'Oceana.
Notre organisation a été créée en 2015 en tant qu'organisme de bienfaisance indépendant. Nous faisons partie du principal groupe international se consacrant entièrement à la protection des océans. Nous estimons que le rétablissement des océans du Canada permettra de renforcer les communautés côtières, de multiplier les avantages que l'on peut tirer de la pêche, tant sur le plan économique que sur le plan alimentaire, et de protéger à l'avenir nos sources d'alimentation.
Les produits de la mer sont un pan important de toute solution du problème alimentaire que pose une population de plus en plus nombreuse. L'élevage des fruits de mer ne prend pas beaucoup d'eau douce, ne produit guère de dioxyde de carbone, n'occupe pas de terres arables, et les protéines maigres et saines qu'ils nous offrent coûtent moins à la livre que le boeuf, le poulet, l'agneau ou le porc. Si l'on s'en occupait correctement, nos océans pourraient, chaque jour et durablement, produire presque un milliard de repas nourrissants.
Cette opinion quant à la valeur alimentaire des produits de la mer fait de nous des partisans du poisson, certes, mais aussi des partisans de la pêche. J'ai avec moi des copies d'un rapport que nous avons récemment publié sous le titre « Une prise de conscience ». On vous en a distribué un résumé, mais, pour ceux que cela intéresse, j'ai également avec moi le rapport scientifique complet. C'est, d'après nous, l'analyse la plus complète et la plus actuelle des stocks de poissons du Canada. N'hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions à cet égard.
Permettez-moi de vous citer quelques faits sur lesquels s'accordent à peu près tous ceux qui ont pris la parole jusqu'ici devant le comité. On aperçoit actuellement les signes d'un rétablissement, encore fragile mais général, des stocks de morue du Nord. On doit cela en partie à l'abondance de capelans et à une amélioration des conditions environnementales. C'est un signe encourageant.
La pêche à la morue ne redeviendra pas ce qu'elle était dans le passé, et nous allons devoir opter pour la qualité et non la quantité. Les stocks ne se situent actuellement qu'à un tiers environ du point de référence limite, et rien ne permet de penser qu'ils continueront à se rétablir au même rythme. Nous devons donc tout faire pour protéger le rétablissement des stocks alors même que nous réfléchissons au type de pêcherie qu'il sera possible d'exploiter à l'avenir. Il s'agit là de points sur lesquels nous devrions parvenir à nous entendre.
Comment procéder? Comment assurer que la pêche se rétablira comme nous le voudrions? Permettez-moi quatre observations, après quoi je voudrais formuler cinq recommandations.
La première, qui correspond à ce que M. Hutchings nous disait tout à l'heure, c'est que 25 ans après le moratoire, nous ne disposons toujours pas de plan de redressement des stocks de morue. Au début de ces audiences, les représentants du MPO ont dit qu'un plan de redressement existait bien, mais ils ont alors expliqué que si la procédure d'élaboration d'un tel plan était effectivement engagée, aucun délai n'avait encore été fixé. Or, nous sommes ici nombreux, je pense, Bob, moi-même, et le rapport de la Société royale du Canada, à réclamer depuis plus de 10 ans l'élaboration d'un tel plan.
Si vous consultez tant les documents scientifiques que les documents de gestion, vous vous apercevrez que nous n'avons toujours pas mis en place les éléments essentiels d'un plan de redressement, et que nous n'avons pas encore fixé les objectifs, les délais ainsi que les règles régissant le volume des prises. Nous n'avons pas, par ailleurs, intégré les exigences dictées par le principe de précaution, même celles que prévoient les plans de gestion intégrée des pêches de poissons de fond dans les sous-divisions 2J, 3K et 3L. Le MPO n'a pas fixé, pour les zones qui se trouvent dans un état « critique », celles qui constituent une zone de « prudence » ni même les zones « saines », le point de référence de la limite supérieure. Il n'a pas fixé non plus le volume des prélèvements pour chaque zone, ni établi de règles de décision prédéterminées.
Je voudrais maintenant consacrer quelques instants au point de référence de la limite supérieure. C'est en l'occurrence un peu compliqué, mais il est, scientifiquement, possible de le faire. Nous nous sommes engagés à fixer un tel point dans le cadre de l'accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. La fixation d'un tel point est par ailleurs exigée aux fins de la certification par la Marine Stewardship Council. C'est une question épineuse car elle nous impose des décisions difficiles quant au point de référence historique à retenir aux fins du plan de redressement, par exemple.
Vingt-cinq ans plus tard, étant donné que nous n'avons pas encore fixé de point de référence cible, doit-on conclure que le MPO a décidé de ne pas fixer un tel point? Si j'insiste sur le fait que nous n'avons pas encore fixé de point de référence supérieur, c'est parce qu'il s'agit là de quelque chose lourd de conséquences. Je précise que sans point de référence supérieur, c'est le point de référence inférieur ou le point de référence limite qui va servir de cible pour le redressement des stocks. C'est ce que vous ont dit des représentants du MPO qui ont en effet évoqué ce point, le point que nous n'étions justement pas censés atteindre. Or, selon les représentants en question, c'est à ce point là que l'on peut envisager la réouverture de la pêche, même si celle-ci doit se faire petit à petit. C'est également ce que disent ceux qui, citant l'estimation du modèle du MPO, affirment que nous pourrions — et nous l'avons entendu dire — sensiblement augmenter les prises dès aujourd'hui sans vraiment risquer d'affaiblir les stocks. On ne nous dit rien, cependant, des conséquences que cela entraînerait quant à l'ampleur des stocks que nous souhaiterions atteindre.
On se rapproche dangereusement de la définition classique de la surpêche durable qui revient à donner peu de chances aux stocks épuisés de jamais se reconstituer, ce qui fait qu’ils sont loin de remplir leur rôle potentiel sur le plan économique et écologique.
Donc, atteindre un point de référence inférieur, le point de référence limite, pas un objectif de rétablissement, est finalement ce qui définit le succès dans ce type de pêche. Il y a fort à parier, selon nous, que sans objectif de rétablissement approprié en place, les pressions sur le ministre pour augmenter la pêche seront pratiquement inexorables avant même que le stock atteigne ce point de référence limite inférieur. Si cela se produit, nous risquons de nouveau de laisser passer cette chance de vraiment ramener la pêche à un bon niveau.
Nous n’avons pas de plan de reconstitution des stocks parce que la Loi sur les pêches n’en prévoit pas. Le Canada a peu de plans de reconstitution officiels, malgré un engagement politique à en adopter. Dans plusieurs cas, par exemple, pour la morue et le tambour rouge, nous autorisons encore des pêches dirigées avec des prélèvements sur des stocks qui se trouvent dans cette zone critique. La raison en est assez simple: contrairement à ce qui se passe dans certains autres pays, la loi canadienne ne nous impose pas de reconstituer des stocks qui font l’objet d’une surpêche.
Les recommandations à la FAO, les rapports de la Société royale du Canada et des études menées dans d’autres pays montrent tous que le rétablissement est plus efficace lorsqu’un plan de reconstitution est prévu par la loi et qu’il est automatiquement déclenché à des stades prédéfinis.
Je sais que plus tard cet automne, ce comité tiendra des audiences sur l’intégration de mécanismes de protection modernes dans la Loi sur les pêches. Nous soutenons que le comité ne pourrait vraiment recommander de meilleure mesure pour reconstituer les stocks appauvris de morue et d’autres poissons que de modifier la Loi sur les pêches de manière à y inclure une obligation de les reconstituer. Nous espérons pouvoir comparaître devant le comité par la suite pour en parler au moment opportun.
La gestion de la morue du Nord est toujours opaque. Il est en fait impossible à quiconque d’autre qu’un expert déterminé de comprendre l’état de la morue du Nord, les prévisions actuelles, la façon dont le MPO gère la pêche actuelle, ses objectifs et comment il prend ses décisions.
Je sais que le MPO a fait remarquer que tous les documents scientifiques sont du domaine public, ce qui est vrai, mais si on y regarde de plus près, on ne peut consulter le plan de gestion intégré des pêches que sur demande. Il faut savoir à qui s’adresser pour cela et il faut vraiment fouiller dans tous les rapports et les plans de gestion du Secrétariat canadien de consultation scientifique, le SCCS, sur plusieurs années, faire des concordances avec quelques-uns des cadres nationaux, juste pour déterminer quels sont les objectifs, quelles sont les lacunes ou même pour savoir s’il existe en fait un plan de reconstitution ou si un point de référence supérieur a été fixé.
Souvent, des données clés utilisées dans le processus décisionnel ne sont pas divulguées, comme ce qu’on a appelé la liste de contrôle des pêches et qu’on appelle, paraît-il maintenant, l’enquête sur la pêche durable, qui n’a pas encore été rendue publique.
Nous sommes vraiment encouragés, reconnaissons-le, par les engagements à la transparence formulés dans la lettre de mandat du ministre. Le ministère a commencé à prendre des mesures pour mieux organiser l’information de façon publique, et nous demandons la publication de toute urgence de l’enquête sur la pêche durable ou de la liste de contrôle, que nous espérons obtenir.
Il semblerait, enfin, que nous ayons cinq à dix ans pour formuler une vision et un plan et pour le mettre en œuvre pour l’avenir de cette pêche. On nous dit que si les tendances positives actuelles se maintiennent — et avec la rude année que connaît le capelan, rien ne garantit que ce sera le cas —, la morue du Nord pourrait atteindre les deux tiers du point de référence limite en trois ans. Autrement dit, il s’écoulera probablement de cinq à dix ans avant que le stock sorte de la zone critique et que nous devions vraiment penser à augmenter les prises.
Évidemment, nous voudrions, comme tout le monde, que les choses aillent plus vite, mais le bon côté, c’est que nous avons au moins cinq ans pour mettre en œuvre un plan de reconstitution qui décrit le genre de pêches qui est bénéfique pour les collectivités de Terre-Neuve-et-Labrador.
Il a été souligné maintes fois qu’il y a beaucoup de morue sur le marché mondial et que pour être compétitifs, nous devons mettre l’accent sur la durabilité et sur la qualité, pas sur la quantité. Nous avons entendu un excellent exposé aujourd’hui à ce sujet, en particulier en ce qui concerne les années à casiers à morue et à morue de ligne. C’est ce type même d’années à faible impact qui devrait être vivement encouragé dans une nouvelle pêche.
Nous reconnaissons que l’innovation s’accompagne de coûts de transition quantifiables et que de nouveaux investissements seront probablement nécessaires, mais ils seront très rentables. Si cinq à dix ans semblent long, ça ne l’est pas vraiment. Vingt-cinq ans se sont déjà écoulés et nous voulons profiter de l’urgence et de l’ambition que suscitent ces signes positifs de rétablissement pour encourager la science et l’investissement afin de constituer les pêches durables que veulent les collectivités côtières et que réclame le marché mondial.
Les observations sur l’absence de plan de reconstitution, de transparence, sur le manque de nécessité d’un plan de reconstitution et sur la possibilité que nous avons d’élaborer le plan des pêches futures nous amènent à cinq brèves recommandations particulières. Dans chaque cas, ces recommandations sont conformes aux engagements déjà pris par le ministère mais pas encore suivis d’effet.
Premièrement et de toute évidence, élaborer un plan de reconstitution fondé sur les données scientifiques les plus fiables qui comprenne des points de référence cibles, des échéanciers et des règles de contrôle, et respecter ce plan tant que de nouvelles données fiables n’amèneront pas à le modifier.
Deuxièmement, veiller à gérer soigneusement l’existence de proies, en particulier le capelan, et à tenir compte autant que possible dans l’écosystème de considérations telles que la protection de l’habitat et les changements climatiques.
Troisièmement, maintenir les prélèvements de toutes les autres sources au minimum, au moins jusqu’à ce que le stock sorte de la zone critique, puis prendre des décisions conformes aux objectifs de reconstitution que nous avons fixés.
Quatrièmement, rendre la justification des décisions de gestion aussi transparente que possible, y compris en publiant l’enquête sur la pêche durable du MPO ou sa liste de contrôle des pêches.
Cinquièmement, investir et donner la priorité aux engins et aux méthodes de pêche dont il est prouvé qu’ils augmentent la qualité et réduisent les prises accessoires et d’autres impacts.
Nous ne partons pas de zéro, loin s’en faut: il y a les investissements dans le réinvestissement dans la science que nous voyons, un engagement à l’ouverture et à la transparence, le cadre de gestion durable des pêches à mettre en œuvre et le superbe développement de l’entrepreneuriat à Terre-Neuve.
Toutes les expériences menées dans le monde montrent que lorsqu’on suit les données scientifiques, qu’on fixe des objectifs et qu’on s’y tient, les stocks se reconstituent et les gens en retirent les avantages. Nous sommes convaincus qu’il est possible de reconstituer la pêche à la morue du Nord pour contribuer énormément à la santé des collectivités côtières et à l’approvisionnement alimentaire mondial.
Merci.
Je vous remercie, monsieur Laughren, et je remercie votre groupe également. Vous avez déjà comparu devant nous, bien sûr, et nous l’apprécions.
Il est également arrivé au Comité sur la situation des espèces en péril au Canada ou, comme l’appelait M. Favaro plus tôt, le COSEPAC, de témoigner devant nous. Et M. Sinclair se joint à nous depuis Nanoose Bay.
Monsieur Sinclair, vous avez la parole.
Je vous remercie de nous donner l’occasion de participer à cet exercice.
Je copréside le sous-comité des poissons marins du COSEPAC depuis 2010. En fait, le premier rapport que j’ai présenté à ce comité portait sur la morue de l’Atlantique. C’est le dernier rapport que le COSEPAC ait consacré à cette espèce. Avant cela, j’étais scientifique à Pêches et Océans Canada, et j’ai travaillé sur les côtes Est et Ouest. Sur la côte Est, j’ai fait des recherches sur les évaluations des stocks de morue de l’Atlantique. J’ai présidé le sous-comité du poisson de fond du Comité scientifique consultatif sur les pêches canadiennes dans l'Atlantique de 1991 à 1993, et j’ai participé à plusieurs réunions sur l’évaluation zonale des stocks de morue de l’Atlantique.
En ce qui concerne le COSEPAC et son travail sur la morue de l’Atlantique, le COSEPAC en sa forme actuelle a été créé en vertu de l’article 14 de la Loi sur les espèces en péril. Ses évaluations constituent la base scientifique de la Liste des espèces en péril aux termes de la loi. Le COSEPAC a pour mission d’évaluer l’état de conservation des espèces qui pourraient être en péril au Canada et de rendre compte des résultats des évaluations, y compris les raisons et les incertitudes, au Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril, au ministre de l’Environnement et du Changement climatique et au public canadien. Le COSEPAC utilise les meilleures connaissances scientifiques, autochtones et communautaires qui soient pour évaluer les espèces. Le processus d’évaluation est indépendant et transparent.
La Loi sur les espèces en péril, ou LEP, reconnaît que la conservation de la diversité biologique passe par la protection d’entités taxonomiques inférieures à l’espèce. Dans cette optique, le COSEPAC a formulé des lignes directrices pour qu’il soit tenu compte de populations distinctes et importantes sur le plan de l’évolution par rapport à d’autres populations. Le caractère distinct tient à l’isolement reproductif dû à des obstacles physiques ou au comportement, et l’importance sur le plan de l’évolution renvoie à l’adaptation des populations distinctes à des conditions environnementales différentes dans leurs habitats respectifs. L’adaptation à l’isolement préglaciaire en est un excellent exemple. Si on perd ces populations distinctes et importantes, il est peu probable que la dispersion naturelle suffise à les remplacer. La COSEPAC utilise pour ces populations le terme « unité désignable », ou UD.
La gestion des pêches reconnaît également que la structure démographique et les espèces sont divisées en stocks aux fins de gestion. On considère que ces stocks sont autonomes et que la mobilité entre stocks est limitée. Cependant, les stocks de poissons sont généralement moins indépendants que les UD et ils sont donc moins susceptibles de développer des adaptations significatives sur le plan de l’évolution. Dans le cas de la morue de l’Atlantique, pour laquelle les stocks et les UD ont été définis, les stocks ont été combinés en UD et aucun stock n’a été séparé entre des UD.
Cet aperçu du contexte vous aidera à comprendre la suite, c’est-à-dire le calendrier des évaluations de la morue de l’Atlantique par le COSEPAC. Il y a eu trois évaluations. En 1998, l’espèce était considérée comme une seule unité et l’évaluation a conclu qu’il s’agissait d’une espèce préoccupante. Les différents stocks de morue de l’Atlantique avaient considérablement décliné à l’époque, tant en abondance que dans leur répartition, mais l’espèce restait très abondante dans toute son aire de répartition canadienne. Elle ne répondait pas aux critères des espèces menacées, mais sa situation était jugée préoccupante parce que, si cette situation persistait, elle risquait d’être menacée.
Il faut préciser qu’à l’époque, la recherche sur la variabilité génétique et la capacité d’adaptation dans les populations de morue de l’Atlantique en était à ses balbutiements au Canada et que les données disponibles ne permettaient pas de créer plusieurs UD. L’évaluation a été faite de nouveau en 2003, et la morue de l’Atlantique a été évaluée en quatre UD. Ce changement dans la structure démographique reflétait l’immense quantité de données nouvelles sur la variabilité de l’individualité génétique et sur les caractéristiques adaptatives de l’espèce dans toute son aire de répartition canadienne.
L’UD de Terre-Neuve-et-Labrador comprenait la zone de cap Chidley au nord, la côte du Labrador et les Grand Bancs à l’est au large de Terre-Neuve. Il y a trois stocks de morue distincts dans cette zone: le stock du Nord du Labrador, ou stock 2J; la morue du Nord, ou 2J3KL, à laquelle s’intéresse principalement ce comité, à ce que je crois comprendre; et la morue du Sud des Grands Bancs, ou 3NO.
Il existait aussi une UD arctique qui se limitait aux lacs côtiers de la baie Frobisher et de la baie Cumberland. Cet isolement par rapport au reste de la morue de l’Atlantique et les caractéristiques très particulières de son habitat en faisait une UD à la fois distincte et importante par rapport aux autres populations.
Il existe également une UD du Nord laurentien qui comprend deux stocks, celui du banc de Saint-Pierre et celui du Nord du golfe de Saint-Laurent, et l’UD des Maritimes qui comprend cinq stocks dans le Sud du golfe du Saint-Laurent, le détroit de Cabott, l’Est et l’Ouest du plateau néo-écossais et la partie canadienne du banc Georges.
Les UD de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nord laurentien et des Maritimes se distinguaient les uns des autres par des variantes dans plusieurs caractéristiques indiquant d’une part l’individualité, qui est déterminée par la génétique et l’étiquetage, et d’autre part l’importance, qui tient à des caractéristiques biologiques telles que l’âge et la maturité, et qui est également déterminée par d’autres études génétiques.
L’UD de Terre-Neuve-et-Labrador a été évaluée comme étant menacée sur la base d’un déclin de l’abondance estimé à 97 % depuis le début des années 1970 et de 99 % depuis le début des années 1960. Il n’y a eu pratiquement aucune reconstitution des stocks depuis la fermeture de la pêche en 1992 et 1993.
Le gouvernement canadien a décidé de ne pas inscrire l’UD de Terre-Neuve-et-Labrador sur la liste de la LEP, car des initiatives de gestion étaient en place aux termes de la Loi sur les pêches pour favoriser la reconstitution des stocks et réduire les prises.
On s’attendait avec l’inscription des UD sur la liste à des conséquences importantes sur le plan socio-économique et pour les espèces indigènes en raison des réductions dans d’autres pêches, alors qu’il n’était fait aucune mention d’autoriser la pêche en vertu des articles 72 et 73 de la LEP, comme on l’avait fait pour les deux espèces de poisson lorsqu’elles ont été déclarées protégées en vertu de la LEP en 2003.
L’espèce a de nouveau été évaluée en 2010. À ce moment-là, on a évalué la morue en six UD. Comme en 2003, ce changement dans le nombre d’UD, qui est passé de quatre à six, a entraîné une nouvelle accumulation de données sur la structure démographique et l’immunité à partir d’études génétiques.
L’ancienne l’UD arctique a été divisée en deux, soit l’UD des lacs de l’Arctique et l’UD des aires marines arctiques. Les aires marines arctiques comprenaient les eaux marines à l’est et au sud-est de l’île de Baffin, et ces poissons semblaient présenter des caractéristiques génétiques plus proches de celles de la morue au Groenland et dans l’Atlantique Est que de celles d’autres stocks de morue canadiens.
L’UD des Maritimes a été divisée en deux — la nouvelle UD du Sud laurentien comprenait le Sud du golfe du Saint-Laurent, le détroit de Cabot et l’Est du plateau néo-écossais; la nouvelle UD du Sud comprenait l’Ouest du plateau néo-écossais et la partie canadienne du banc Georges. Ces UD se distinguaient par leurs caractéristiques génétiques et par l’âge de maturité.
L’UD de Terre-Neuve-et-Labrador et l’UD du Nord laurentien sont restées telles quelles. Au terme de son évaluation, l’UD de Terre-Neuve-et-Labrador a été considérée comme étant menacée pour les mêmes raisons qu’en 2003. Il y avait eu très peu de changements sur le plan de l’abondance entre les deux évaluations. La population restait très appauvrie et ne montrait guère de signe de reconstitution. Aucune décision n’a été prise quant à l’inscription de l’espèce sur la liste de la LEP, et six années se sont maintenant écoulées depuis cette évaluation.
Le COSEPAC réévalue les espèces menacées tous les dix ans, et la prochaine évaluation de la morue de l’Atlantique aura lieu en 2020.
Merci.
Je vous remercie, monsieur Sinclair. Nous en prenons bonne note.
Nous allons maintenant passer à nos séries de questions.
Permettez-moi de souhaiter la bienvenue au député de Foothills. Je dois dire que voilà un nom de circonscription bien concis.
Je remercie nos témoins de leur comparution aujourd’hui, tant en personne que par vidéo, évidemment. Cette étude est vraiment passionnante jusqu’ici. Nous avons quantité de renseignements venant de toutes parts, certains divergents, d’autres pas, mais je dois dire que c’est vraiment instructif d’aller parler, que ce soit aux fonctionnaires ou aux pêcheurs sur le quai, de ce qu’il advient de notre stock de morue.
Monsieur Favaro, dans bien des endroits cette année, en particulier à Terre-Neuve, nous entendons dire qu’on signale de grandes quantités de poisson. Il est question de poissons de grande taille, ce qui me semble ne pas avoir été la norme dans le passé. Je veux juste vous demander si vous pensez qu’il s’agit d’une anomalie ou d’une tendance qui se dessine et pourquoi.
Je pense que nous devons nous montrer très prudents. C’est mon travail, je suis toujours en mer avec des gens et je parle à des gens à différents endroits. Il est difficile de séparer ce qu’on voit devant soi des tendances générales.
C’est ce que j’essaie aussi d’expliquer aux pêcheurs. Il faut regarder les évaluations de stock, et il faut regarder à grande échelle parce que c’est vraiment difficile. Il y a cette idée de bases de référence qui bougent, et nous voyons maintenant qu’il y a plus de morues et des morues plus grosses. C’est tout simplement parce que, dans notre cadre de référence, il y a une dizaine d’années, il y en avait encore moins. Cependant, si on retourne 30 ou 40 ans en arrière, c’est une toute autre histoire.
Je serais très prudent avant de tenir pour acquis qu’il s’agit d’une tendance ou que tout va bien. Je crois que c’est certainement une bonne nouvelle, mais que nous devons nous montrer très prudents pour la suite.
Peut-être pourriez-vous répondre à cette autre question, monsieur Hutchings.
Dans quelle mesure la prédation freine-t-elle la croissance du stock? Est-ce que nous en faisons assez pour essayer d’équilibrer le système et pour empêcher que les prédateurs ne deviennent trop gros en comparaison de ce qu’ils prélèvent sur le stock? Devrait-il y avoir un équilibre entre les prédateurs et le stock pour permettre à celui-ci de grandir?
Il est parfois difficile de parler d’équilibre. Le terme n’a pas le même sens pour tout le monde dans différents contextes.
Je dirais qu’on peut probablement regarder la situation de deux manières. D’une part, après la réduction massive des stocks, quand nous nous sommes retrouvés avec une relativement petite quantité de morue en comparaison de ce qu’étaient certainement les stocks au début des années 1960, comme je le disais plus tôt, ils sont devenus plus vulnérables et plus à la merci de changements naturels dans l’environnement, comme l’augmentation parfois du nombre de prédateurs dans des secteurs particuliers. Cela dépend aussi de la répartition spatiale de la morue par rapport à ses prédateurs.
En un sens, je pense qu’il serait tout à fait raisonnable de considérer que la prédation fait partie des facteurs qui influent sur la mortalité naturelle de la morue en l’absence de pêche. C’est probablement logique dans le cadre de l’histoire naturelle de la morue.
Je trouve intéressant de voir que le stock de morue a sensiblement augmenté au cours de la dernière décennie pour revenir à son plus haut en 25 ans, malgré le fait que ses principaux prédateurs, sans doute les phoques du Groenland, sont également proches de leur niveau d’abondance maximal.
Pour ce qui est de l’incidence de la prédation sur la reconstitution des stocks, il est selon moi crédible, d’un point de vue scientifique, de dire qu’elle a une incidence, qui a probablement été de ralentir cette reconstitution dans le passé, mais je ne crois pas qu’elle l’empêche, étant donné que la morue se trouve sur une trajectoire assez positive par rapport à ce que nous avons vu récemment et étant donné le nombre actuel de phoques du Groenland.
Monsieur Hutchings, est-ce que le gouvernement ou est-ce que le MPO en tant que ministère font ce qu’il faut pour évaluer le stock réel, la biomasse réelle, et est-ce qu’ils le font assez régulièrement pour obtenir de bonnes données, pas seulement sur la morue, mais aussi sur ses principales sources alimentaires? Savons-nous où se situe l’équilibre? Sommes-nous à jour? Faisons-nous le nécessaire pour être bien informés des deux côtés?
Il est difficile parfois de savoir quels efforts il faut consentir pour obtenir plus de données et quelle quantité supplémentaire de données ces efforts permettront d’obtenir.
Depuis 1983, le MPO fait des relevés de recherche à grande échelle sur les poissons de fond dans toute l’aire de la morue du Nord. Ils sont conçus pour la morue. Les équipes s’en sortent plutôt bien pour ce qui est de prélever des échantillons d’autres espèces des profondeurs. Pour revenir à ce que vous disiez, elles s’en sortent moins bien pour ce qui est de prélever des échantillons d’espèces de profondeur intermédiaire. Il faut un autre type de technologie pour échantillonner ces proies indépendamment des pêches, c’est-à-dire sans compter seulement sur les données sur les prises. Tel est le défi. Le MPO dispose de données de relevés acoustiques pour le capelan, par exemple, et il dispose également de données sur les lieux de frai en zone côtière, mais les deux ensembles de données fournissent avec le temps des perspectives conflictuelles. On pourrait prétendre qu’il nous faut peut-être plus de relevés acoustiques. Je crois que cela demanderait un autre investissement de fonds important. Il serait bon, à mon sens, de regarder ce qui se passe dans d’autres pays qui possèdent cette technologie acoustique — je pense ici à la Norvège — et de déterminer dans quelle mesure plus d’investissements de cette nature sont susceptibles de produire le type d’information qui nous permettra de savoir plus précisément ce qu’il en est de l’état de la morue.
Tout cela pour dire qu’à mon avis, vous posez une très bonne question. En fait, c’est le type de question pour laquelle nous aimerions disposer de meilleures données, mais l’océan est grand et il peut se révéler très difficile d’obtenir des données fiables de cette nature.
Monsieur Laughren, pensez-vous que nous devrions élargir la limite actuelle de ce que nous contrôlons, comme la limite des 200 milles? Devrions-nous aller au-delà de cette limite? Qu’en est-il de l’application de ce contrôle? Faisons-nous ce qu’il faut maintenant ou devrions-nous en faire plus?
Gardez-moi la question facile.
Je ne crois pas que ce soit un grand investissement de notre volonté politique à l’heure actuelle. À mon avis, on contrôle mieux l’OPANO en particulier, mais pas sans difficulté. On voit une nette amélioration depuis 10 à 15 ans, grâce au leadership du Canada, selon moi. Nous disposons de nouveaux outils. Voici une grande chance de colmater les brèches. Oceana Canada vient de lancer une campagne de surveillance mondiale des pêches, ce qui met tous les efforts et tous les navires de pêche sur un site public...
Monsieur Laughren, je vais devoir laisser ce colmatage là où il est parce que ce sera votre point final.
Je m’arrête ici. Non, je pense que nous devrions mettre l’accent sur l’application de la politique telle qu’elle est au Canada.
Monsieur Favaro, est-il possible de procéder à une sélection de la morue par taille puisqu’on la remonte vivante? Serait-il possible d’introduire quelque chose comme des catégories de tailles de sorte que les poissons plus grands et de plus grande valeur puissent être relâchés? Ou est-ce que le fait de ramener le poisson de ces profondeurs à la surface entraîne une mortalité importante?
C’est ce qui est, entre autres, intéressant avec les casiers. Il s’agit probablement d’un des engins de pêche les plus contrôlables. Autrement dit, on peut aménager des panneaux d’évasion, on peut modifier la taille de l’entrée, on peut rendre l’entrée rigide ou souple. Si elle est rigide, on fixe une taille maximale pour les animaux qui peuvent entrer dans le casier.
Quant à savoir si le poisson peut survivre et être relâché, cela dépend des espèces. Dans le cas de la morue, on a fait des études de marquage ailleurs dans le monde où la survie était assez bonne, mais cela dépend de la profondeur à laquelle on les pêche.
C’est exactement une des choses qu’on doit reproduire à Terre-Neuve-et-Labrador pour voir dans quelle mesure ils peuvent survivre, quelle est le lien avec la profondeur et quel est le lien avec la taille du poisson. Autrement dit, qui est le plus susceptible de survivre, les petits ou les gros poissons?
En effet, l’idée des catégories de tailles fonctionne très bien pour de nombreuses pêches sportives. Je pense donc que c’est quelque chose à envisager.
Monsieur Laughren, brièvement, est-ce que je vous ai entendu dire — et vous pouvez me corriger — qu’à l’échelle mondiale, la morue est abondante?
D’accord. Combien se vend la morue dans le monde? Quelqu’un en a-t-il une idée? Est-ce que les prix sont élevés, faibles, où se situaient-ils avant ou...?
Je vous en prie, monsieur Hutchings.
Dans certains endroits, les prix n’ont pas bougé depuis les années 1990, mais ailleurs, ils ont beaucoup augmenté.
Depuis le moratoire sur la morue des années 1990, la pêche à la crevette s’est nettement développée au large du Labrador. Monsieur Hutchings, y a-t-il une relation entre le déclin de la morue et l’augmentation de la crevette?
Les données scientifiques les plus fiables tendraient à aller dans le même sens que cette hypothèse.
D’accord, il se pose actuellement une grande question par rapport à la pêche à la crevette au large des côtes avec quota. Si je demandais le prix plus tôt, c’est parce qu’on dirait presque que nous avons le choix entre la morue et la crevette. Nous avons eu le témoignage à la législature précédente de pêcheurs très mécontents qui n’étaient pas trop enchantés du retour de la morue parce qu’ils s’étaient équipés pour la pêche lucrative à la crevette qui fait vivre de nombreuses collectivités. À mon avis, c’est un choix légitime que font les gouvernements.
Selon vous, monsieur Hutchings, la pêche à la crevette mérite-t-elle que nous fassions tout notre possible pour la préserver et a-t-elle un rapport avec la prédation?
Je pourrais vous offrir mon point de vue sur la question, puisque vous me demandez mon opinion. Là où j’achète mon poisson et, en particulier, ma morue, je la paie très cher, tout comme le poisson de très bonne qualité qui vient d’Islande et de Norvège. C’est plus cher que la crevette. On revient à cette question de la qualité et de la qualité du produit. Je pense qu’on peut arriver à un prix élevé qui profite au pêcheur pour un produit de bonne qualité.
L’autre aspect avec la crevette, c’est qu’il s’agit d’une espèce d’eaux froides. Nous voyons cette tendance au réchauffement de l’eau et, dans une certaine mesure, même si nous n’en sommes pas encore certains, ce réchauffement a probablement une incidence sur la crevette.
J’apprécie vraiment cette réponse parce que je crois qu’elle est très importante pour notre étude. Je vous en remercie donc.
Monsieur Hutchings, vous avez dit qu’en 1998, la pêche a été rouverte. Il me semble que cela allait à l’encontre de l’avis des scientifiques. Comment se fait-il que la pêche ait été rouverte de 1998 à 2002?
Je crois, pour être juste, qu’après plusieurs années de fermeture, beaucoup de rapports dans différents endroits, notamment à la baie de la Trinité, et le syndicat attirait l’attention du gouvernement dessus, soulignant que de son point de vue, la santé du stock était meilleure que les données scientifiques du MPO ne l’indiquaient. Ces pressions, qui devaient être considérables, j’imagine, étaient le principal motif de la réouverture de la pêche. Cela ne faisait pas partie d’un contexte de gestion plus global ou d’avis scientifiques, mais c’était intéressant et un peu dommage. Je peux vous dire que pendant ces cinq années, les quotas se situaient entre 4 000 et 9 000 tonnes, ce qui n’est pas grand-chose. Cela ne représente pas beaucoup de poisson par rapport aux 200 000 et 300 000 tonnes qu’on ramenait les autres années. Mais le MPO a fait de très bonnes études de marquage au cours de la même période et, en somme, il a étiqueté beaucoup de morues. Les pêcheurs renvoyaient au MPO les étiquettes trouvées sur les morues qu’ils pêchaient. Le MPO pouvait donc calculer le pourcentage de morue prélevé par cette pêche à petite échelle en comparaison du stock, et il a conclu que ce prélèvement était de l’ordre de 30 à 35 %, ce qui est élevé.
Je dirais donc que c’était cette tension entre la perception de la santé du stock dans certains secteurs de la zone côtière et ce que les données scientifiques du MPO disaient.
Dans son témoignage à la dernière réunion qui a eu lieu ici, M. Brattey a expliqué que la pêche s’est développée sur une centaine d’années et il a rappelé qu’elle est allée jusqu’à 800 000 tonnes. Je crois me souvenir que c’était 600 000 tonnes. Quoi qu’il en soit, la prise maximale était assez considérable.
Monsieur Hutchings, vous avez parlé plus tôt de 200 000 tonnes comme étant le rendement de cette pêche il y a des décennies, et en regardant les données de M. Brattey, je me suis dit que 200 000 tonnes environ seraient le rendement maximal durable une fois le stock pleinement reconstitué.
Je ne vais pas vous demander de chiffre précis, car je sais combien c’est difficile, mais est-ce que c’est proche, d’après vous du chiffre auquel nous aboutirons éventuellement?
Cela dit, vous avez posé une question et vous devriez obtenir une réponse.
Si les conditions actuelles et la productivité de la morue du Nord aujourd’hui persistent dans un proche avenir, étant donné qu’une prise de 200 000 tonnes était manifestement durable à peu près des années 1830 aux années 1960, je dirais qu’il n’est pas exclu de fixer comme objectif que nous souhaiterions atteindre un quota cible de 200 000 tonnes.
Là encore, nous revenons à cette question d’un objectif, mais je pense que beaucoup de données historiques et contemporaines diraient que ce n’est pas impossible.
Sir Humphrey ne tergiversait pas plus dans Yes Minister, mais étant moi-même biologiste des pêches, je comprends bien votre dilemme, vu l’incertitude des données.
Je crois que mon temps de parole est écoulé, monsieur le président. Je vous remercie.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous nos invités, nos témoins, d’être venus et de nous avoir présenté d’excellentes données.
Monsieur Laughren, vous insistez sur une pêche de qualité par opposition à quantité, et vous estimez que le ministère n’a pas vraiment de plan de reconstitution du stock de morue du Nord. Vous avez parlé d’objectifs de reconstitution et de point de référence supérieur, etc. Ensuite, vous nous avez présenté quatre points principaux et vous avez formulé cinq recommandations très précises, que je trouve excellentes. Vous les avez soumises ici, donc j’espère que le comité les prendra en considération et les inclura dans notre rapport, lorsque nous le produirons et que nous examinerons les recommandations. Elles sont, à mon sens, très claires et, comme je le dis, j’espère qu’elles seront retenues. J’encouragerai certainement le comité à les adopter.
Vous demandez, de toute évidence, au ministère d’établir un plan de reconstitution et de l’inclure dans la Loi sur les pêches. Je me demande si d’autres pays dans le monde ont une expérience des plans de reconstitution. Pouvez-vous nous en parler un peu et nous dire où se situe le Canada par rapport à ce type de plans?
Certainement. Tout d’abord, j’attirerai votre attention sur le rapport de la FAO, que je peux vous faire parvenir. Quand la FAO a analysé les stocks reconstitués, elle a relevé quelques points. Dans la majorité des cas, la différence entre les stocks reconstitués et ceux qui ne l’ont pas été résidait dans le fait qu’il existait une obligation légale de procéder à une reconstitution. Il s’agissait d’une vue d’ensemble.
Ensuite, nous savons — et je suis certain que la plupart des membres du comité la savent — qu’aux États-Unis, la loi Magnuson-Stevens est très normative à cet égard et qu’elle exige que des mesures soient prises dans un certain délai lorsqu’on estime qu’il y a surpêche et aussi que des plans de reconstitution soient mis en place lorsqu’on considère que les stocks sont surexploités et épuisés.
L’UE, par sa politique commune de la pêche, s’engage également à reconstituer les stocks. Nous faisons actuellement à une analyse comparative de différents pays du monde et de leurs obligations légales en ce qui concerne la reconstitution des stocks. Elle sera bientôt terminée et j’espère la présenter au comité lorsqu’il examinera la Loi sur les pêches.
Je vous remercie.
Monsieur Sinclair, je vous remercie de votre résumé. Vous avez dit que la prochaine évaluation aura lieu en 2020, mais avez-vous un avis? Pensez-vous que la population de morue du Nord devrait être retirée de la dernière liste des espèces en péril?
Je pense que les récentes indications d’amélioration sont encourageantes, mais qu’on est encore loin d’avoir rétabli cette population. Les augmentations récentes se sont produites sur moins d’une génération de morue, c’est-à-dire sur 10 à 12 ans, ce qui est court. Nous ne savons pas vraiment combien de temps cette tendance persistera et ce qui nous attend. Je crois qu’il est un peu tôt pour en refaire une, mais c’est toujours possible. Ces évaluations peuvent se faire sur une échelle temporelle plus courte, si on le souhaite. Si de nouvelles données importantes doivent être réexaminées par notre comité, il est possible de les porter à notre attention et d’accélérer le processus. Normalement, il faut deux ans pour préparer un de ces rapports. Comme vous l’imaginez, ils sont très gros. Nous sommes en 2016. Si on demande aujourd’hui de réévaluer la morue, le rapport sera sans doute prêt en 2018, mais il y aura de toute façon une évaluation en 2020.
Je vous remercie.
Monsieur Hutchings, vous nous avez dressé un historique très utile. Vous insistez, entre autres, sur un élément que j’estime être très important, à savoir que nous devrions disposer des données scientifiques les plus fiables et qu’elles devraient déterminer les décisions de gestion. Je me demande si vous pourriez nous expliquer brièvement ce que nous, ou le ministère, pourrions faire, selon vous, pour garantir au mieux que les données scientifiques jouent un rôle clé dans la gestion de la morue du Nord.
J’imagine que la première chose à faire serait de regarder ce qui se fait ailleurs — autrement dit, comme je l’indiquais dans mes remarques préliminaires, ce que j’appellerais les pratiques exemplaires à l’échelle internationale. Nous avons en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et aux États-Unis des scientifiques qui ont des procédés pour établir ces points de référence cible et limite en se fondant uniquement sur des données scientifiques. J’ai remarqué — si j’ai bien interprété les observations — que le ministère a déclaré qu’une règle de contrôle des prises serait établie au terme d’une interaction entre le MPO et l’industrie. C’est sans doute raisonnable, mais l’industrie n’est évidemment qu’un des intervenants pour déterminer à quoi pourrait ressembler une telle règle.
Je dévie légèrement.
Ce que je veux dire, pour faire suite à ce que disait Josh, c’est que d’autres pays utilisent de plus en plus des données scientifiques, et je crois que cela devrait beaucoup encourager le gouvernement, le ministère, à leur emboîter le pas.
D’accord.
Pendant les quelques secondes qu’il me reste, je vais adresser à M. Favaro une dernière question sur la souplesse d’utilisation des casiers.
Vous insistez sur une pêche commerciale à valeur ajoutée, en mettant l’accent sur la qualité par rapport à la quantité. Si nous décidions d’augmenter la quantité de morue du Nord pêchée, quelle serait la souplesse d’adaptation de ces casiers, de ce mécanisme ou technique de pêche que vous proposez?
Quand je dis « échelonnable », je veux dire « souple d'utilisation »; on peut pêcher avec un casier ou avec 25 casiers, ce que nous avons fait pour notre étude, ou plus encore. Par exemple, les pêcheurs de crevette tachetée en Colombie-Britannique peuvent avoir 500 casiers sur un bateau. L'action même de la pêche a lieu quand le matériel est dans l'eau; les pêcheurs plongent le matériel dans l'eau, puis reviennent le lendemain pour le retirer, mais la pêche elle-même se fait dans l'eau. Quand je dis « échelonnable », je veux dire que ce n'est pas une chose qui ne convient qu'à la pêche artisanale à petite échelle. Elle peut convenir à cela, mais on peut aussi imaginer un très grand nombre de casiers sur un bateau. Je ne préconise pas une augmentation à grande échelle de la pêche à la morue, mais c'est un des défis auxquels est confronté un biologiste de la conservation. Les gens me disent toujours: « Alors, tu étudies comment pêcher la morue... ». C'est là le défi, n'est-ce pas? Nous essayons de trouver des moyens de le faire avec le moins d'impact possible. Une fois de plus, par « échelonnable », je veux dire que c'est une chose qui peut se faire à petite échelle, ou encore à grande échelle.
Bon; merci beaucoup.
Avant de passer à M. Morrissey, j'aimerais un éclaircissement rapide. Combien de temps ces casiers sont-ils dans l'eau?
Nous faisions un mouillage de 24 heures. J'ai parlé du problème des filets maillants dans un orage, quand il devient impossible de sortir en mer pour retirer les filets. Avec les casiers, nous avons constaté que même en cas d'orage, ceux-ci peuvent rester deux ou trois jours dans l'eau. Les poissons sont encore en bon état quand on les remonte.
Ma question s'adresse à M. Favaro.
Prenons vos études sur les engins de pêche et le fait que l'effondrement de ces stocks est arrivé si radicalement — selon les données présentées par le MPO —, atteignant un niveau très bas en deux ou trois ans, littéralement. Personne n'a désigné une raison en particulier, si je me souviens bien, dans les témoignages... Diriez-vous que les méthodes de capture utilisées avant le moratoire ont eu un impact important?
Deux aspects sont en cause. Premièrement, il y a l'impact direct des engins de pêche — par exemple, les chaluts sur le fond marin —, mais il y a aussi le fait que lorsqu'on s'engage à la pêche en quantité, chaque kilo ou livre de morue capturée ne rapportant que de faibles montants, on est obligé de débarquer d'énormes quantités. Cela signifie que, ayant choisi ce mode de pêche, vous êtes obligé de capturer d'énormes quantités, sinon personne ne va faire de l'argent et vous perdrez votre gagne-pain.
À mon avis, les engins de pêche ont un impact direct, mais il y a aussi l'impact économique de l'utilisation d'engins qui ne produisent pas la meilleure qualité. Je crois que ces deux aspects contribuent ensemble aux problèmes.
Merci.
Cette question s'adresse à quiconque aimerait y répondre, probablement M. Hutchings.
Dans les observations des divers témoins, il semble y avoir un fort accent sur le processus crédible sur le plan scientifique qui doit être entrepris et suivi pour la réouverture de cette pêche. À votre avis, dans quelle mesure ce processus devrait-il intégrer des données provenant des producteurs primaires, ou une interaction avec ces derniers, qui sont les personnes les plus touchées par l'effondrement du stock de morue et qui bénéficieront le plus de l'ouverture de cette pêche? Pouvez-vous commenter là-dessus?
Je peux.
Je prétends que tout ce que la science peut faire dans le traitement de n'importe quelle question, c'est de donner des conseils et de fournir une analyse. Dans la mesure où les résultats de cette analyse sont ouverts et communiqués avec transparence, et dans la mesure où les conseils scientifiques sont présentés clairement aux décideurs, à la société, aux transformateurs de poisson, aux pêcheurs, et ainsi de suite, il est alors possible de déterminer ce qui doit être fait en fonction de ces conseils scientifiques. Dans un sens plus large, je crois que la crédibilité dans l'intégration des conseils scientifiques est fonction en grande mesure de la transparence de ces conseils.
À mon avis, c'est par la science que la limite et les niveaux de référence cible d'une pêche doivent être déterminés. La règle de contrôle des captures que je n'ai pas définie correctement est une règle régissant le degré de pression de la pêche, ou le degré de mortalité par pêche, en fonction de la mesure dans laquelle les stocks sont proches de la limite ou proches de la cible. Cette règle peut prendre plusieurs formes, et, théoriquement, être de nature quantitative. C'est là où, à mon avis, le secteur de la pêche peut intervenir et où la société peut avoir un rôle en disant: « Bon, voici la limite et voici la cible. En combien de temps voulons-nous atteindre cette cible? Pendant combien de temps voulons-nous que les choses se déroulent? » En d'autres termes, dans certaines décisions, la société a un rôle important pour ce qui est de préciser la rapidité avec laquelle un plan de rétablissement ou de restauration se déroulera probablement. Et cela dépend de la mesure dans laquelle tout le monde est au courant des avantages et des inconvénients de procéder présentement à une pêche à grande échelle, ou d'attendre un certain nombre d'années l'augmentation des stocks. Je crois que ce serait à ce niveau que la voix de l'industrie pourrait avoir un poids.
J'ai interrogé un grand nombre d'entre eux, et découvert des renseignements fascinants que, par exemple, le MPO n'a jamais saisis.
L'effort de pêche a changé au fil du temps. J'ai parlé à des pêcheurs côtiers de Bonavista, et le long de la côte sud, et je leur ai demandé comment ils changeaient leur équipement et dans quelle mesure la taille des mailles de leurs filets maillants avait changé avec le temps. Et qu'en était-il de la taille ou de la conception de leurs trappes à morue? Avaient-ils à pêcher de plus en plus loin de la côte? Devaient-ils laisser leurs filets maillants pendant des périodes de plus en plus longues?
Ce n'est qu'en posant de telles questions aux pêcheurs, individuellement, que des tendances se sont dégagées.
Non. Il le fera peut-être, et je prétends que cela devrait faire partie d'un nouveau scénario de gestion, mais le scénario de gestion des années 1970 et 1980 ne comprenait pas une quantification spatiale et temporelle des changements dans les efforts de pêche et des changements dans les engins de pêche.
Je voulais simplement revenir sur ce que M. Hutchings a dit à la fin, c'est-à-dire que quand nous faisons mal les choses, nous opposons la science aux connaissances des gens dans l'industrie.
Ce n'est pas le meilleur endroit. Quand nous faisons bien les choses, nous intégrons les renseignements obtenus des utilisateurs dans notre modèle scientifique, de sorte que la science soit meilleure, et c'est à cela que voulait en venir M. Hutchings à la fin. Mais je ne devrais pas lui mettre les mots dans la bouche.
À mon avis, c'est le meilleur moyen d'aborder les choses, trouver des moyens de plus en plus efficaces d'intégrer ces renseignements, plutôt que d'opposer les uns aux autres.
J'ai une dernière question. Vous dites que la Loi sur les pêches n'exige aucun plan de rétablissement. Je paraphrase ce que vous avez dit. Pourtant, vous avez mentionné la Magnuson-Stevens Fishery Conservation and Management Act des États-Unis en référence. Les États-Unis n'ont-ils pas eux aussi des problèmes de stocks de morue au large de la côte est et d'autres stocks de poisson qui sont effondrés ou presque?
Je crois que les États-Unis ont eux aussi toutes sortes de problèmes au niveau des pêches. Certaines choses vont bien et d'autres vont mal, mais une des choses qu'ils réussissent mieux à faire, c'est le rétablissement des stocks qui ont...
Je suis désolé, mais je vais devoir vous arrêter ici. Je m'excuse.
J'aurais dû être plus clair plus tôt quand j'ai dit que vous devriez lever la main si vous voulez intervenir dans un sujet. C'est l'attention du député que vous devez attirer, parce que ce bloc de temps lui appartient. C'est lui qui a la parole, et ce n'est pas à moi d'intervenir, bien que je vienne de le faire. Désolé.
M. Doherty, vous avez cinq minutes; allez-y, je vous en prie.
C'est une excellente question à laquelle la réponse est compliquée, parce qu'à l'heure actuelle, nous sommes dans la phase prototype d'un grand nombre de casiers. Nous les construisons à la main. Il n'est pas impossible qu'on arrive à en ramener le prix à quelques centaines de dollars. Cela dépend de l'endroit où ils sont construits. Vous voulez les faire construire en Chine et les importer? Vous voulez tenter de les construire localement? Ce sont là toutes sortes de questions dont les réponses sont un facteur ici.
Et ça, c'est après que nous ayons établi exactement le type de casier que nous voulons utiliser pour une pêche comme celle-ci, et là encore il y a beaucoup d'options.
Monsieur Favaro, j'ai vu votre vidéo et moi aussi j'aimerais vous féliciter de ces talents de cinématographie. Combien de temps avez-vous passé sur des bateaux à l'île Fogo et avec des pêcheurs à Gander?
Nous passons une ou deux semaines par année là-bas, et nous avons une équipe de recherche installée là pendant un peu plus longtemps que cela. Nous nous rendons sur les lieux à l'ouverture de la pêche commerciale, pendant cette période, mais nous y allons à d'autres moments de l'année aussi simplement pour prendre contact avec les pêcheurs locaux et voir quelles sont leurs priorités.
Bon.
Monsieur Hutchings, j'ai la même question pour vous. Combien de temps avez-vous passé sur les bateaux en mer avec les pêcheurs locaux?
Bon. Merci.
M. Laughren et M. Rangeley, je vous pose la même question. Combien de temps avez-vous passé sur l'eau avec les pêcheurs locaux?
M. Hutchings, vous dites que c'est la science seulement qui devrait déterminer les limites de capture. N'êtes-vous pas d'avis que nous devrions parler aux pêcheurs locaux et consulter les pêcheurs locaux, les collectivités locales qui dépendent économiquement des stocks de poisson?
Je crois que nous devrions établir des quotas, sachant quelles sont les cibles et sachant quels sont les paramètres de ce que nous tentons d'accomplir pour une pêche.
Les pêcheurs ont-ils un rôle? Absolument, mais comme je l'ai mentionné dans ma réponse à M. Morrissey, je crois que la science et les avantages et les inconvénients d'un quota supérieur ou inférieur dans n'importe quelle circonstance devraient être clairs pour tout le monde, pour que tout le monde puisse juger de l'adéquation de la décision.
Bon. Cette question a été soulevée à maintes reprises durant les témoignages que nous avons entendus avant aujourd'hui, et aujourd'hui. Vos organismes ont-ils étudié le capelan et ses effets sur les stocks de morue? Y en a-t-il parmi vous qui ont étudié le capelan?
Je suis désolé, je ne sais pas qui a mentionné que nous pouvons entrevoir une autre mauvaise année ou mauvaise saison avec le capelan. C'est probablement un aspect que nous devrions examiner pour déterminer comment il influera sur notre stock de morue du Nord.
Monsieur Sinclair, ai-je bien compris? Avez-vous mentionné qu'à ce stade il n'y a pas eu de rétablissement important depuis le moratoire de 1992-1993, ou s'agissait-il du rapport de 2003?
Oui, il s'agissait des rapports antérieurs du COSEPAC de 2003 et 2010.
On a observé à l'époque qu'il n'y avait eu aucune augmentation considérable de la population. De toute évidence, les choses ont changé.
Un de nos invités peut-il nous dire si la température de l'eau au large de la Norvège est plus chaude ou plus froide?
Vraiment? Est-elle plus froide qu'au large de Terre-Neuve? Il nous a été dit dans un témoignage la semaine dernière qu'en raison du courant-jet, ou quelque chose du genre, la température est plus chaude qu'au large de Terre-Neuve.
Cela dépend de l'endroit en Norvège. Elle est capturée le long du sud de la Norvège qui a des températures incroyablement chaudes, presque trop chaudes, 20 ou 22 degrés en été. Si on remonte vers le nord, bien sûr... Les eaux se réchauffent, certainement, comme elles le font ici. Dans l'absolu, il est difficile d'avoir une température marine plus froide que dans la baie de la Trinité en mars.
C'était un peu frisquet la semaine dernière aussi.
J'ai une autre question, celle-ci à l'intention de notre groupe de témoins. Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles la Norvège s'est rétablie tellement plus vite que nous?
Je peux vous donner une perspective.
Tout d'abord, le déclin du stock n'a pas été tout à fait le même. Il a été d'environ 10 % de sa taille maximale.
Deuxièmement, la Norvège a décidé de ralentir la pêche quand le stock de morue — et nous n'en avons pas beaucoup parlé aujourd'hui — avait encore une structure des âges et des tailles importante. Malheureusement, au Canada, nous avons continué à pêcher indéfiniment, et nous avons restreint de plus en plus la structure des âges et des tailles de la morue, à tel point qu'après le moratoire, il était difficile de trouver une morue de 9 ou 10 ans, bien que ce poisson puisse vivre jusqu'à 24 ou 25 ans.
Je voulais simplement appuyer ce que M. Hutchings a dit. Je suis du même avis que lui pour ce qui est de son explication de l'écart entre ce qui s'est passé en Norvège et ce qui s'est passé au Canada.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Doherty.
Au fait, pour le compte rendu, je précise que tant M. Doherty que moi-même portons quelque chose en peau de phoque aujourd'hui. Je voulais simplement le signaler.
Bon, M. Sopuck aussi.
Madame Jordan, vous avez cinq minutes; allez-y, je vous en prie.
Merci, monsieur le président.
Je remercie chaleureusement nos invités aujourd'hui. J'ai trouvé tout cela très intéressant.
Monsieur Favaro, je commence par vous pour ce qui est des filets maillants par opposition aux casiers. Vous avez beaucoup parlé de la qualité du poisson quand vous le remontez à la surface. Qu'en est-il du nombre? Est-il possible de capturer le même nombre de poissons avec un casier qu'avec le filet maillant?
Simplement parlant, le quota des navires de pêche de l'île Fogo est de 2 000 livres par semaine. Nous capturions 2 000 livres par jour. Et parfois, si nous étions un peu plus efficaces, nous aurions pu le faire en moins d'un jour. La différence n'est pas énorme dans le travail en cause.
Par ailleurs, il faut beaucoup moins d'effort pour ramener les casiers à bord. On les tire, on les secoue, et le poisson en sort. Avec les filets maillants, il faut recueillir tous les poissons à la main, surtout quand ils y ont été pendant trop longtemps. Les poissons peuvent rester pris dans le filet. Ils peuvent y être écrasés. Il y a toutes sortes de difficultés qui peuvent survenir. Quand on étudie ces différents engins de pêche, on en examine l'utilisabilité en conditions réelles, ainsi que dans des conditions idéales.
Pour répondre à votre question, nous étions en mesure d'atteindre un volume de captures suffisant pour les pêcheurs avec qui nous travaillions.
Bon.
Je poursuis sur le sujet du filet comparativement au casier; vous avez parlé un peu de la pêche fantôme avec les filets maillants. Est-ce un problème avec les casiers? J'ai déjà vu des casiers d'autres pêches échoués sur le rivage. Cela ne pourrait-il pas arriver pour ce poisson également?
Pour atténuer ce problème, on peut utiliser un panneau biodégradable. On peut insérer de la ficelle qui se décomposera après être restée dans l'eau trop longtemps. Si on perd le casier, celui-ci s'ouvrira alors et les poissons pourraient en sortir. Cela ne veut pas dire que l'accumulation de déchets dans le fond de l'océan n'est pas un problème, parce qu'elle l'est certainement, mais c'est un impact qu'on peut atténuer.
Bon, merci.
Mes prochaines questions s'adressent à M. Hutchings et M. Laughren qui ont tous deux parlé de la science de la même façon. Je crois qu'un de vous a dit qu'on ne devrait se fonder sur une science plus solide que quand nous mettrons en oeuvre des quotas, avec la réouverture de la pêche.
Parlez-vous d'activités scientifiques indépendantes? Parlez-vous d'activités scientifiques du MPO? Une combinaison des deux? Reprenez-moi si j'ai mal compris, mais j'ai l'impression que vous n'êtes pas emballés par la science du MPO jusqu'à présent. Aurait-on davantage intérêt à avoir un examen indépendant de la pêche?
Il y a 20 ou 25 ans, j'aurais probablement dit que l'examen par le MPO de ses travaux scientifiques n'était pas aussi transparent qu'il aurait dû l'être. Aujourd'hui, cependant, je crois que les examens scientifiques du MPO sont assez ouverts et assez transparents. Il incorpore l'industrie, le syndicat et les universitaires. Je crois qu'il pourrait peut-être utiliser les ONG plus qu'il ne l'a fait par le passé.
Essentiellement, à mon avis, un examen de cette nature aurait pour résultat que la science, par le truchement d'une variété de modèles, produirait une estimation des niveaux de référence cible. Diverses cibles sont utilisées à l'échelle internationale et à l'échelle nationale, et il peut y avoir une certaine incertitude associée à leur nature, mais l'élément clé de ces types de rencontres, c'est que ces cibles sont examinées par des pairs. En d'autres termes, si elles doivent être démolies, les moyens de le faire sont là, et si des hypothèques inappropriées sont avancées, les gens en entendront parler.
Théoriquement, on finit par obtenir des conseils ou des recommandations scientifiques fondés sur les meilleurs renseignements disponibles, et les méthodes utilisées pour obtenir ces conseils ont été dûment approuvées.
Merci.
Cette question peut s'adresser à quiconque aimerait y répondre. Voilà maintenant 25 ans que nous avons le moratoire, et je sais qu'avec l'augmentation actuelle des stocks, un certain nombre de pêcheurs à Terre-Neuve estiment que nous pourrions peut-être envisager une pêche commerciale. À vous écouter, j'ai l'impression que nous n'en sommes pas encore là, que nous ne sommes pas prêts à ouvrir de nouveau la pêche commerciale. Ces stocks n'ont pas atteint un niveau durable. Ai-je raison de supposer cela?
Comme je le dis depuis un certain temps déjà, tout dépend de ce que la société veut, et c'est là qu'intervient la notion de cible. Si nous voulions simplement la pêche à petite échelle de 5 000 tonnes ou de 10 000 tonnes par année, nous sommes en mesure de le faire maintenant, mais si nous souhaitons une pêche de 100 000 tonnes ou de 200 000 tonnes de poisson, cela influera sur nos décisions concernant la rapidité avec laquelle nous pouvons augmenter les quotas.
Merci, monsieur le président.
Nous avons des poissons dans le sud de l'Alberta. Les nôtres sont dans des rivières, mais j'apprécie de faire partie de cette discussion également.
Monsieur Laughren, je vois que vous vouliez intervenir ici aussi. J'ai regardé les documents que vous avez fournis. Estimez-vous que la pêche à la morue est épuisée au Canada? Ai-je raison de dire cela? Vous voudriez peut-être nous en dire davantage sur le niveau actuel de la pêche à la morue à votre avis.
Je cite les propos de bons scientifiques comme M. Hutchings et les travaux du MPO selon lesquels ce niveau est à un tiers du point de référence limite qui avait été établi. Il est à 90 % et plus par rapport au stade de l'épuisement, sur le plan historique. Je crois que c'est une assez bonne représentation pour n'importe qui.
Monsieur Sinclair, j'aimerais passer à vous. Je lisais certains de vos documents, et vous avez mentionné le rapport Recent Declines in Cod Species Stocks in the Northwest Atlantic. Vous avez mentionné que la recherche au niveau de ces mécanismes sera onéreuse, longue, difficile et sera peut-être même un échec. Vous mentionnez que les mécanismes environnementaux qui influent sur le recrutement de la morue ne sont pas clairs.
On a entendu dire beaucoup aujourd'hui que les activités scientifiques à l'appui de l'évaluation de la santé de nos stocks sont difficiles. Est-ce toujours le cas, ou y a-t-il des moyens maintenant qui ont amélioré les activités scientifiques à l'appui de l'évaluation de la santé de nos stocks de morue?
Je crois que les études dont il est question ici, qui se poursuivent pour la morue du Nord depuis 1983 et pour d'autres stocks de morue ailleurs au Canada depuis le début des années 1970, ont été très efficaces. Leur conception statistique est efficace pour les espèces comme la morue. Elles fonctionnent bien pour d'autres espèces comme l'aiglefin et la goberge et d'autres poissons du genre.
Ces études recueillent un trésor de renseignements, elles sont menées de façon constante année après année et sont enviées par d'autres pays. Il leur a fallu 10 ans avant de devenir utiles et avant que nous ne commencions à comprendre les données recueillies et comment les interpréter efficacement, et je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un aujourd'hui qui suggérerait de s'en défaire.
De plus, nous mettons au point des méthodes statistiques bien plus efficaces et puissantes nous permettant de traiter la masse de données que nous avons sur les stocks de poisson. Nous avons de nouvelles techniques hydroacoustiques qui nous permettent d'avoir une plus grande couverture de la colonne d'eau, et nous disposons aussi de dispositifs vidéo et de véhicules télécommandés servant à comprendre le comportement des poissons dans la nature. Ces technologies sont disponibles, et le deviennent de plus en plus.
Le MPO travaille fort pour suivre cette technologie. Peut-être qu'il pourrait être plus avancé, mais je persiste à croire que nous en apprenons de plus en plus dorénavant.
Le plus grand problème que je peux entrevoir — et cela a toujours été un problème avec lequel nous continuons à nous débattre —, c'est de pouvoir prédire ce qui se produira dans cinq ans. Savoir combien de nouveaux poissons seront produits chaque année est une des plus grandes incertitudes. C'est ce qu'on appelle le recrutement. Cet aspect est le Saint-Graal de la science d'évaluation des stocks de poisson depuis des décennies, en fonction du nombre de géniteurs présents et des conditions environnementales. C'est une chose très difficile à maîtriser.
Nous savons maintenant comment surveiller les conditions et les analyser dans une perspective historique pour nous donner une idée de ce que nous pouvons attendre du rétablissement, par exemple. Il est encore très difficile de produire des projections précises.
Vous avez parlé d'incapacité ou peut-être même d'inefficacité pour ce qui est de prédire les facteurs environnementaux entrant dans l'évaluation de la santé des stocks de morue. Êtes-vous toujours d'avis qu'il est presque impossible d'évaluer et de prédire l'aspect environnemental, ou avons-nous fait des progrès à cet égard également?
Je n'ai pas vu beaucoup de progrès à ce niveau. Je suis aussi un peu loin des choses ces jours-ci. Peut-être que les autres scientifiques dans la salle pourraient avoir une opinion là-dessus, mais d'après ce que j'ai vu, c'est encore un grand défi.
C'est quelque chose qu'il est important de garder à l'esprit quand nous élaborons des plans de gestion des pêches, quand nous ne connaissons pas l'avenir, tout comme lorsque nous faisons des investissements et parlons de la façon dont les gens gèrent leurs finances personnelles. Il faut se couvrir, et ne pas faire des choses qui soient trop radicales et pourraient compromettre l'avenir.
Je suppose qu'il est aussi difficile pour nous d'influencer ce côté des choses. Malgré le fait que nous ayons un moratoire sur les prises, nous ne pouvons avoir un impact sur l'aspect environnemental.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
La semaine dernière, nous faisions tous partie du comité en déplacement et nous sommes allés à Terre-Neuve, puis avons fini par une séance sur le saumon à Miramichi. Nous avons aussi visité l'île Fogo, et les pêcheurs dans cette collectivité nous ont dit qu'il y avait beaucoup de poissons dans la région, et beaucoup de morue.
Ma question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous. Les populations de poisson migrent-elles? Si on avait une gestion contrôlée dans cette région particulière, cela aurait-il une influence sur les stocks? Si on réduisait la population à un certain niveau, cela aurait-il une influence sur les stocks ailleurs? Autrement dit, pouvons-nous faire une microgestion de chaque région selon les stocks? Je demande donc, les poissons migrent-ils?
À mon avis, vous venez de mettre le doigt sur la question scientifique clé concernant la morue du Nord, c'est-à-dire, est-ce que sa population est une seule unité, ou se compose-t-elle de plusieurs unités? Nous avons de très bonnes raisons de croire que dans certaines régions, la morue ne migre pas plus loin au large des côtes, qu'elle demeure dans les eaux littorales toute sa vie, alors que d'autres morues viennent d'eaux plus au large des côtes vers les eaux littorales pour se nourrir au cours de l'été, puis repartent de nouveau.
Je crois que c'est réellement une question clé sur le plan scientifique, et nous avons de plus en plus les outils génétiques nous permettant de le faire. C'est ce qui se fait en Norvège présentement. Ils peuvent pêcher une morue en Norvège et faire ce qui s'appelle une « analyse génomique » pour déterminer si elle vient de la mer du Nord ou du littoral norvégien, ou d'ailleurs encore. Je suppose que dans 5 ou 10 ans, nous en saurons beaucoup plus.
J'ai le fort sentiment, sachant ce que je sais au sujet de la biologie de la morue, que la morue du Nord est composée d'un certain nombre d'unités reproductrices différentes plus petites que 2J3KL, mais savoir combien il y en a et quelle est leur taille, ça c'est une autre question.
J'ai un point à ajouter là-dessus, très rapidement. La façon dont nous procédons à ce type de recherche importe beaucoup. Quand nous sommes sur l'île Fogo, nous parlons aux membres de la collectivité et les laissons participer à la recherche. Les laisser participer est un excellent moyen d'aider les gens à développer leur propre littératie scientifique. C'est à ce niveau je crois que les gens comme nous, les universitaires, sommes un peu plus agiles que peut-être les institutions comme le MPO, parce qu'il est très facile pour nous d'aborder les pêcheurs et de les faire participer à nos projets. J'insiste sur cet aspect d'activités scientifiques et de participation des citoyens, parce qu'il ne suffit pas de savoir: nous devons faire en sorte que tout le monde sache et comprenne. Il sera beaucoup plus facile de gérer le stock si nous faisons cela.
Merci.
Monsieur Laughren, vous avez dit dans votre livre que nous disposons maintenant de matériel tellement spécialisé que vous pouvez surveiller les flottilles de pêche pour vous assurer qu'elles respectent la loi. D'après ce que vous avez entendu, nous pouvons veiller à l'application de la loi, mais cela dépend du pavillon du navire, du pays. Autrement dit, nous pouvons être la police, mais pas le juge. Comment savons-nous si la communauté internationale respecte les lois et, si des membres sont arrêtés, s'ils prennent des mesures pour corriger la situation?
C'est une excellente question.
Tout cela repose beaucoup, certainement, sur une coopération entre pays. Si le bateau est dans les eaux territoriales, on peut faire beaucoup plus, évidemment, que s'il était en dehors des eaux territoriales.
Nous avons de plus en plus d'outils. En utilisant le SAI et la surveillance satellite, on peut dire où sont les navires et s'ils semblent pêcher. On peut repérer le navire et le désigner pour un suivi, y compris quand il entre au port, tant nos propres ports que les autres. Ce sont des outils qui vous aident à faire appliquer la loi, mais l'océan est tellement grand et étendu. Notre performance s'améliore, mais cela restera manifestement un défi.
Nous parlions des casiers. Nous voyons beaucoup de pêcheurs de l'île Fogo qui utilisent encore la ligne. Je crois que c'est aussi une bonne méthode. Ils saignent le poisson, lui coupent la tête, et le plongent dans la glace immédiatement. Ils produisent de la qualité. Sur l'île Fogo, les pêcheurs savent que c'est l'avenir de leur collectivité.
Si les casiers sont la réponse, et si nous pouvions les faire tous adopter des casiers, qu'est-ce qui les motiverait? Y a-t-il des programmes qui pourraient aider tous les pêcheurs à cesser d'utiliser les filets maillants, tout d'abord, puis à adopter soit la ligne, soit les casiers. À mon avis, les casiers semblent le moyen le plus efficace. Quelle est votre opinion là-dessus, monsieur Favaro?
La ligne à main a certainement un rôle du côté artisanal des choses, les pêcheurs obtenant un bon prix pour leur poisson qu'ils vendent à de bons restaurants.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a attribué 2 millions de dollars à ce que j'appelle son « fonds de développement du poisson de fond ». C'est ce qui a financé en partie nos travaux sur les casiers. Je crois que les retombées économiques seront évidentes, le pêcheur pouvant obtenir deux fois plus d'argent par livre pour le poisson capturé par casier, à condition d'avoir clairement précisé ce qu'il en a fait après la capture. C'est très important. Il y a certainement du travail à faire pour la normalisation de cela et faire en sorte que tout le monde soit conscient de la façon dont le poisson est traité et dont il est conservé à bord du bateau pour obtenir cette très haute qualité.
Nous commençons tout juste à étudier un peu plus les aspects économiques de cela, également, et nous produisons presque un plan d'entreprise de navire de pêche, déterminant de quoi cela aurait l'air pour un navire de pêche par casiers comparativement à ceci ou cela. Je crois que les chiffres se révéleront très favorables pour les casiers si l'on examine les choses sous cet angle.
Merci, monsieur Finnigan, et merci à vos invités.
Monsieur Donnelly, c'est votre tour pendant trois minutes.
Monsieur Laughren, comment le ministère pourrait-il envisager équitablement la science, les connaissances des pêcheurs locaux et de la collectivité, les connaissances des Premières Nations et les connaissances de la communauté de conservation dans l'élaboration de plans de rétablissement, la détermination de cibles et la détermination de plans de gestion? Autrement dit, savez-vous s'il y a quelque part de bons modèles venant d'autres pays, ou même de provinces ou territoires du Canada?
Ce n'est pas mon domaine de spécialité, mais je suis sûr qu'il y a un grand nombre de modèles.
J'aime beaucoup ce que M. Hutchings a dit. La question de savoir combien il y a de poissons relève de la science. La question des retombées sur la population des différents niveaux de capture est une question qui relève de la science. Une fois qu'on sait cela, la discussion devient un débat de politique publique éclairé. Cela étant, quel niveau de capture voudrions-nous viser?
Je crois qu'il y a un élément de « rendre à César ce qui est à César » ici, où la science éclaire le débat, mais en fin de compte, c'est un débat de politique publique au sujet de ce que nous sommes disposés à accepter et à ne pas accepter. C'est ce genre d'interaction.
Encourageriez-vous le Comité à envisager des modèles inclusifs comme celui-ci, et à inclure ces différents intérêts?
Tout à fait, et je crois que le MPO le fait de mieux en mieux également.
Je me tourne vers mes collègues ici pour voir si quelqu'un a un bon exemple qui pourrait illustrer exactement cela.
J'allais mentionner le savoir autochtone. Une importante initiative est en cours concernant les systèmes de connaissances autochtones et occidentaux sur les poissons au Canada. Cette initiative porte le nom de « Fish-WIKS ». Elle porte sur les poissons et le savoir autochtone.
Les participants à cette initiative ont constaté que le MPO n'arrive pas à incorporer aisément les connaissances à partir d'observations des Autochtones. Ils essaient d'incorporer cela dans la science du rétablissement. De fait, au cours de notre symposium, pour lequel vous avez une carte à vos bureaux, nous examinerons cette question.
Je crois que la même chose s'applique à la contribution d'autres sortes d'observations au processus scientifique. M. Hutchings a mentionné comme exemple la distribution spatiale.
Cette contribution est précieuse.
Merci.
Je reviens à la question de M. Morrissey concernant les plans de rétablissement américains; monsieur Laughren, comme vous n'avez pas eu assez de temps, vous pourriez peut-être prendre une minute pour nous parler des exemples de ces pêches ayant des plans de rétablissement. Je m'y intéresse.
Bien sûr. Bob m'a aidé là-dessus. Dans notre rapport scientifique, nous avons mentionné un certain nombre d'études de cas, comme celle du pétoncle géant de l'Atlantique aux États-Unis, qui a connu un rétablissement assez rapide. L'aiglefin du banc de Georges est un autre exemple qui me vient à l'esprit, cette espèce ayant connu un rétablissement très rapide une fois que le plan de rétablissement a été mis en vigueur. L'espadon est un autre exemple.
Au Canada, nous avons le flétan de l'Atlantique. Il ne nous suffit pas de regarder seulement ailleurs pour trouver de bons exemples de rétablissement, mais si l'on tient compte de tous les éléments en cause, ce rétablissement est plus susceptible de se produire s'il y a un mandat législatif.
Oui. Merci beaucoup.
Je recommanderais aussi que vous communiquiez avec le secteur de la pêche du poisson de fond en Colombie-Britannique. C'est une pêche très complexe. Elle a une plus grande diversité d'espèces que celle de l'Atlantique. Elle a la même composition d'engins de pêche et de divers problèmes, mais ce secteur a accompli des progrès remarquables en tant qu'unité pour ce qui est de mettre en place des plans de gestion des pêches très efficaces.
Du côté des chalutiers de pêche hauturière, il y a couverture à 100 % par des observateurs, couverture payée en grande partie par le secteur lui-même. Il y a des dispositifs de vidéosurveillance sur les engins de pêche fixes. Les pêcheurs se rencontrent et parlent entre eux des façons de prendre en compte toutes les prises. À mon avis, c'est une très grande réussite.
Un autre exemple, la Fondation David Suzuki. Ses membres ont « gelé » en quelque sorte la superficie des zones de pêche au chalut. Ils ont déterminé les zones de pêche au chalut de fond, et seules les zones qui ont déjà été utilisées beaucoup le sont encore. C'est un exemple très encourageant et probablement peu connu dans le monde.
Permettez-moi de couper un instant. Il nous reste cinq à huit minutes. Je ne crois pas qu'on pourrait commencer un autre tour de questions. Nous venons de finir deux tours complets.
Au risque de reprendre l'expression de tous les hôtes de jeux télévisés, voulez-vous faire un tour éclair très rapidement s'il y a un ou deux points nécessitant un éclaircissement?
Monsieur Donnelly, allez-y.
J'allais simplement conclure en reprenant l'observation de M. Hutchings selon laquelle, de toute évidence, la structure des âges et des tailles est importante.
Bon. Je laisserai cela tel quel, peut-être comme le désire le Comité.
Monsieur Morrissey, allez-y, mais très rapidement.
Pouvez-vous décrire un tout petit peu plus le plan de gestion du flétan de l'Atlantique qui a réussi et dont vous avez parlé?
Le flétan de l'Atlantique a connu une énorme croissance. Il y a eu de grands efforts de bonne gestion visant la réduction des captures accessoires et de la surpêche dans la plateforme néo-écossaise; c'est donc un exemple de réussite.
Nous avons parlé du réchauffement des eaux et c'est ce qui nous a été dit tout au long des témoignages. Nous ne savons pas ce qui est arrivé, réellement, mais nous savons que le réchauffement des eaux a eu un certain effet. Si les eaux en Norvège sont plus chaudes qu'ici... un grand nombre d'espèces est touché. Diriez-vous que nous aurions tout intérêt à consacrer nos fonds à faire en sorte le plus rapidement possible que le réchauffement climatique ne se produise pas? Des mesures comme celles que nous avons prises aujourd'hui pour la réduction des émissions de carbone seraient-elles de bonnes mesures pour aider les stocks de poisson?
Oui. La chose qui est de loin la plus importante à faire pour nos océans serait de limiter le changement climatique.
Je remercie nos invités.
Monsieur Favaro, monsieur Hutchings, monsieur Laughren, monsieur Rangeley et, bien sûr, monsieur Sinclair qui s'est joint à nous à partir de la côte Ouest; c'était un plaisir de vous accueillir tous.
Merci à tous nos témoins.
Nous allons nous arrêter quelques instants, puis nous reviendrons pour poursuivre la séance à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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