FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 10 avril 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Avant de passer à l'ordre du jour, il y a un point que je veux régler. Tout le monde a le budget pour l'étude du projet de loi S-203. Pouvons-nous approuver l'adoption du budget?
La motion est proposée par M. Finnigan.
(La motion modifiée est adoptée [Voir le Procès-verbal])
Le président: Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude de la migration du homard et du crabe des neiges dans le Canada atlantique et les répercussions des changements à la taille de la carapace du homard.
Nous entendrons un bon nombre de témoins aujourd'hui. Certains témoigneront par téléconférence, d'autres par vidéoconférence et un le fera en personne. Il y a beaucoup de noms à côté du témoin présent, mais les autres témoins comparaîtront tous par vidéo ou par téléphone.
Monsieur Fitzpatrick, bienvenue. En tant que pêcheur propriétaire-exploitant indépendant, vous possédez de nombreuses entreprises, mais aucune n'a envoyé de représentant avec vous.
Représentant la Coldwater Lobster Association, nous accueillons par téléconférence Bernie Berry, président, et Heather Mulock, gestionnaire.
Représentant la Prince Edward Island Fishermen's Association, nous accueillons Bobby Jenkins, président; Pat O'Neill, directeur exécutif par intérim; Melanie Giffin, biologiste de la vie marine et planificatrice de projet; et Laura Ramsay, agente de recherche et de liaison.
Nous accueillons par vidéoconférence Andrew Pershing, conseiller scientifique en chef du Gulf of Maine Research Institute.
Nous accueillons par vidéoconférence Arnault Le Bris du Fisheries and Marine Institute of Memorial University of Newfoundland. Je crois qu'il était présent l'autre jour, mais nous avons été interrompus si souvent que nous n'avons jamais eu l'occasion de tenir une réunion.
Je vous souhaite de nouveau la bienvenue, Monsieur, même si c'est par vidéoconférence.
Nous commencerons par les déclarations. La première sera donnée par téléconférence.
Je crois, Monsieur Berry, que c'est vous qui prononcerez la déclaration. Vous avez un maximum de sept minutes.
Bonjour. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au Comité permanent des pêches et des océans au sujet des déplacements du homard.
Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Bernie Berry et je suis le président de la Coldwater Lobster Association.
Je représente environ 200 pêcheurs de homard dans la zone de pêche du homard 34, ou la ZPH 34, qui se trouve au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. La ZPH 34 est la zone de pêche du homard la plus lucrative au Canada. Au cours des cinq dernières années, le débarquement saisonnier moyen était de 55 millions de livres. La ZPH 34 est la source de 40 % des débarquements dans la région des Maritimes et de 25 % des débarquements canadiens.
La Coldwater Lobster Association a été établie en 2014 pour régler certains défis imminents de l'industrie afin de protéger le secteur des pêches et les collectivités côtières pour des générations à venir. L'un des principaux mandats de l'organisme consiste à mener et à superviser des initiatives de recherche scientifique appuyées par l'industrie. Une grande partie de notre travail scientifique, y compris notre programme d'étiquetage des homards dont je vais parler sous peu, est axée sur la collecte d'ensembles de données de base qui pourraient fournir des renseignements utiles sur les nouvelles tendances pouvant avoir une incidence sur l'industrie.
La pêche côtière du homard au Canada est réglementée par des limites de l'effort, dont le permis de pêche à accès limité, le nombre maximal de casiers, la taille des casiers, des saisons définies, la taille de l'embarcation, la taille minimale de la carapace, la remise à l'eau des femelles oeuvées et une fourchette de tailles interdites dans certaines zones de pêche du homard, ZPH. En ce qui concerne la pêche hauturière du homard, elle est gérée par un système de quotas qui accorde la totalité du quota à une entreprise.
Les déplacements du homard sont d'une grande importance pour l'industrie du homard, car ils peuvent aider l'industrie à comprendre les répercussions des changements environnementaux, notamment la hausse de la température de l'eau, les niveaux de salinité et l'acidité, sur les déplacements d'une espèce. Il est impératif que les déplacements des homards de toutes tailles soient examinés pendant que le stock est en bonne santé.
Il faut aussi mettre l'accent sur le déplacement et la fixation des larves de homard aux divers stades de son développement, ainsi que sur le moment et l'endroit où elles se fixent.
Au cours des 30 dernières années, l'endroit dans la ZPH où le homard est pêché a changé considérablement. Dans les années 1970 et 1980, de 90 et 95 % des homards étaient pêchés à une profondeur de 50 brasses ou moins. De nos jours, de 50 à 60 % des homards sont pêchés à une profondeur de 50 brasses ou plus. Il s'agit d'une tendance importante qui mérite d'être soulignée.
Il y a deux ans, la Coldwater Lobster Association a lancé un programme d'étiquetage des homards dans les zones de pêche du homard 33 et 34 au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Le programme a un échantillon de 2 000 homards de taille réglementaire et de taille inférieure à la taille réglementaire. Le taux de recapture de homards étiquetés pour les deux dernières années est d'environ 18 %, ce qui est notable puisque la plupart des programmes d'étiquetage ont généralement un taux moyen de recapture de 10 %. Coldwater Lobster en est actuellement aux étapes préliminaires de l'examen des données brutes sur la repêche visant à déterminer les tendances et les résultats généraux.
Coldwater Lobster participe aussi à un programme d'étiquetage qui étiquettera annuellement 12 000 homards dont la taille est inférieure à la taille réglementaire pendant les trois prochaines années. Les homards sont étiquetés à l'aide d'une étiquette-ruban en T standard qui est placée sous la carapace dans la chair. L'étiquette restera fixée à l'animal pendant de nombreuses mues.
Jusqu'à récemment, le dernier programme d'étiquetage des homards important à être mis en place dans les ZPH 33 et 34 remontait à la fin des années 1980 et au début des années 1990. L'intérêt manifesté à l'égard des déplacements et de la croissance des homards a augmenté au cours des dernières années, comme le prouvent les autres programmes d'étiquetage en cours. Une Première Nation du Nouveau-Brunswick mène un programme d'étiquetage dans la baie de Fundy. Tout récemment, la Atlantic Offshore Lobstermen's Association mène un programme d'étiquetage en eaux américaines.
Selon de récentes études, tout porte à croire que le centre de la biomasse de la plupart des stocks dans le golfe du Maine s'est déplacé de 70 miles vers le nord-est au cours des 10 à 15 dernières années. Cette conclusion est appuyée, par exemple, par le débarquement des prises au Maine. Il y a une décennie, le gros des prises provenait de la moitié sud du Maine. Maintenant, la majorité des prises proviennent du nord du Maine. Un autre fait qui appuie possiblement la conclusion est la situation dans la partie sud de la ZPH 33 qui est en eaux canadiennes; le nombre de prises a grimpé en flèche dans ce secteur, particulièrement en eaux profondes. Cela vient s'ajouter au réchauffement de l'eau et au fait que la biomasse du homard recherche des températures optimales. Il y a aussi le fait que le nombre de prises dans la ZPH 35 a augmenté considérablement au cours des 25 dernières années.
Bien que tous ces effets soient positifs, il y a des preuves que le réchauffement de l'eau a eu un effet néfaste sur les stocks de homard à l'extrémité sud.
Il est essentiel de faire le suivi des déplacements du homard pour déterminer le changement de son comportement, qui est principalement attribuable au réchauffement de l'eau que nous avons observé. Le golfe du Maine est le deuxième plan d'eau en importance au monde en ce qui concerne la rapidité de son réchauffement. Il est essentiel de déterminer où les homards se déplacent, surtout les femelles. Si les femelles oeuvées libèrent leurs oeufs en eau profonde parce que la température dans les aires traditionnelles, c'est-à-dire les hauts-fonds, est devenue trop chaude, il est essentiel de suivre les oeufs et les larves. La direction et la force du courant dans ces nouvelles zones sont différentes de celles dans les zones côtières et pourraient donner lieu à une aire de dispersion différente de celle d'avant.
De nombreuses questions demeurent sans réponse. Les homards se déplacent-ils dans une direction différente en raison de leur nourriture, du manque de nourriture dans certaines zones ou de la température de l'eau? Se pourrait-il que les homards se déplacent en territoire inconnu en raison d'une surpopulation dans certaines zones qui est attribuable à des conditions environnementales favorables ayant entraîné la survie de la totalité des larves de homard, ce qui expliquerait l'abondance de homards que nous avons observée au cours des 20 dernières années?
Il est interdit de pêcher le homard sur le banc de Browns, c'est-à-dire la ZPH 40, depuis environ 40 ans parce que nous croyons qu'il s'agit d'une aire d'alevinage extracôtière pour les homards. En faisant le suivi des homards, nous serons peut-être en mesure de repérer d'autres aires d'alevinage potentielles et de les traiter comme des refuges sûrs ou des zones fermées de façon à aider la biomasse dans les années à venir si les stocks subissent des pressions en raison des changements environnementaux.
Le suivi des déplacements du homard pourrait rendre la pêche du crustacé plus profitable et permettre aux pêcheurs d'attraper des homards de qualité supérieure en fonction de l'endroit et de la saison où ils pêchent. À mesure que les données de Coldwater Lobster sont traitées, il se peut que nous soyons capables de faire une comparaison sommaire aux données recueillies il y a environ 25 ans. Au fil du temps, elles nous montreront les différences dans les déplacements, comme leur rapidité, la distance parcourue et leur direction.
Le biologiste qui travaille pour Coldwater Lobster et un des membres de notre association qui est un pêcheur et un géologue de longue date travaillent actuellement sur l'interprétation des données brutes recueillies et leur intégration dans une plateforme de cartographie par système d'information géographique aux fins d'analyse et d'interprétations approfondies.
Il s'agit d'une période où il est très important que l'industrie et le ministère des Pêches et des Océans collaborent dans le domaine des sciences. Des changements environnementaux se produisent à un rythme sans précédent et nous devons tous agir immédiatement afin de mieux comprendre les changements qui ont eu lieu et qui continueront d'avoir lieu afin de protéger la santé des stocks et la viabilité du secteur des pêches et des collectivités qui l'appuient.
Encore une fois, merci beaucoup.
Merci, Monsieur Berry.
Nous passerons maintenant à la Prince Edward Island Fishermen's Association. Vous avez un maximum de sept minutes.
Je remercie encore une fois le Comité permanent des pêches et des océans d'avoir donné l'occasion à la Prince Edward Island Fishermen's Association de donner une présentation sur le sujet important de la migration du homard et du crabe des neiges dans le Canada atlantique et les répercussions des changements à la taille de la carapace du homard.
Je m'appelle Pat O'Neill et je suis le directeur exécutif par intérim de la Prince Edward Island Fishermen's Association. Aujourd'hui, je suis accompagné de Melanie Giffin, notre biologiste de la vie marine et planificatrice de projet; Laura Ramsay, notre agente de recherche et de liaison; et Bobby Jenkins, notre président, qui possède plus de 40 ans d'expérience dans le secteur de la pêche.
L'industrie du homard est l'industrie de la pêche la plus importante de l'Île-du-Prince-Édouard et chacun des témoins joue un rôle clé dans la gestion, la coordination et l'étude scientifique de l'espèce dans les zones de pêche du homard avoisinantes. Plus de 30 % de tous les homards pêchés au Canada proviennent de l'Île-du-Prince-Édouard et l'industrie de la pêche au homard de l'île est l'un des principaux moteurs économiques de la province. Plus de 9 000 emplois sont liés à cette industrie et elle a une valeur annuelle directe au débarquement de 250 millions de dollars.
En 2018, nous avons observé une hausse des débarquements dans chaque zone de pêche du homard. Nous avons enregistré des débarquements de 19,3 millions de livres dans la ZPH 24, de 11 millions de livres dans la ZPH 26A et de 8,3 millions de livres dans la ZPH 25, ce qui représente une hausse de 2 %, 12 % et 10 % respectivement.
Les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard participent à diverses autres industries de la pêche, dont celle du crabe, du thon, du petit poisson pélagique et d'estuaire, aux coquillages et du poisson de fond. Avec plus de 37 millions de dollars de débarquements, l'industrie du crabe des neiges de l'Île-du-Prince-Édouard est la deuxième industrie en importance, après celle du homard, sur le plan de la valeur au débarquement.
La Prince Edward Island Fishermen's Association est un organisme de pêche multiespèces qui représente environ 1 300 pêcheurs du noyau indépendants. L'association a été créée à de nombreuses fins, notamment pour prendre les mesures nécessaires pour gérer l'allocation de poisson des pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard; pour collaborer avec d'autres intérêts halieutiques dans le Canada atlantique sur l'adoption de méthodes visant à assurer la conservation des espèces menacées et la survie de l'industrie de la pêche; et pour mener des études et des enquêtes sur l'industrie de la pêche et diffuser des renseignements sur celle-ci.
Aujourd'hui, nous vous donnerons un aperçu du point de vue de la Prince Edward Island Fishermen's Association sur le sujet, y compris ses préoccupations particulières.
Des évaluations des stocks de crabe des neiges ont sonné l'alarme sur les changements climatiques et la hausse progressive de la température de l'eau dans le golfe du Saint-Laurent en raison de leurs répercussions connues sur la mue, la migration et le comportement reproducteur du crabe des neiges. À bien des égards, le relevé au chalut, qui inclut des relevés de température au fond à chaque emplacement, est devenu un outil de surveillance important et cohérent pour cette espèce.
L'industrie de la pêche de l'Île-du-Prince-Édouard dépend principalement du homard. Il est essentiel d'avoir un bon programme de surveillance en place pour comprendre les répercussions des changements climatiques sur l'habitat, la biomasse et la mue des homards. À l'heure actuelle, il n'existe aucun financement permanent réservé à cette fin.
Le ministère des Pêches et des Océans a le mandat d'étudier la biomasse des stocks de homard, mais c'est tout. Les pêcheurs de l'Île-du-Prince-Édouard sont préoccupés par d'autres aspects de la population de homards, y compris la capacité de charge de l'espèce — dont les limites relatives à la nourriture et à l'habitat.
L'amélioration des connaissances sur le sujet comprendrait un projet visant à acquérir des connaissances sur la population du crabe commun, qui occupe une place importante dans le régime alimentaire des homards. Le ministère des Pêches et des Océans a fait une proposition relative au projet en collaboration avec la Prince Edward Island Fishermen's Association, mais la demande de financement du projet a été refusée.
Les homards et d'autres espèces mobiles évitent naturellement les habitats inadéquats, c'est-à-dire ceux dont la température, la quantité d'oxygène dissous, le pH, la salinité et la composition chimique de l'eau sont loin d'être idéaux. Les changements climatiques peuvent avoir une incidence sur ces facteurs, de même que les effluents industriels comme le tuyau de déversement dans le détroit de Northumberland qui est proposé pour l'usine de traitement des effluents de Northern Pulp. Le ministère des Pêches et des Océans n'effectue aucune surveillance afin de faire le suivi des changements et de surveiller les départs des homards du secteur.
En ce qui concerne la longueur de la carapace, la longueur minimale fixée par l'Île-du-Prince-Édouard excède celle établie par le ministère en fonction de ses données scientifiques et nous examinons et réévaluons constamment les mesures de gestion afin d'améliorer nos pratiques de pêche du homard. Ce sont les pêcheurs qui ont demandé de leur plein gré les deux dernières hausses de la taille minimale de la carapace dans les zones de pêche du homard 24 et 26A. Les comités consultatifs sur le homard de l'Île-du-Prince-Édouard continuent de travailler avec les pêcheurs pour faire avancer le dossier dans la bonne direction.
La Prince Edward Island Fishermen's Association mène ses propres projets scientifiques en vue d'acquérir des connaissances. Elle travaille avec d'autres organismes comme Lobster Node Incorporated, un groupe d'associations de l'industrie de la pêche du homard, afin d'élargir les connaissances de toutes les provinces de l'Atlantique. Nous mettons au point de nouvelles technologies pour améliorer la collecte de données et nous collaborons étroitement avec la section de la gestion et des sciences du ministère des Pêches et Océans afin de faire tout notre possible pour mieux comprendre la population des homards et les changements qui surviennent.
Nous travaillons en étroite collaboration avec Robert MacMillan, biologiste spécialiste du homard et biologiste principal du gouvernement provincial, sur le programme de surveillance de la ressource de homard. De plus, nous nous efforçons d'inclure tous les pêcheurs dans le partage de renseignements à l'aide d'ateliers sur la qualité et la manipulation des homards, de réunions de comités consultatifs et de présentations de biologistes, entre autres. L'échange de renseignements se fait de haut en bas et de bas en haut.
L'Île-du-Prince-Édouard a aussi ouvert la voie dans la commercialisation du homard en établissant le Lobster Fishers of P.E.I Marketing Board, qui a est financé par une ponction. Ce type d'initiative de financement se trouve seulement à l'Île-du-Prince-Édouard et l'office de commercialisation est exploité séparément de la Prince Edward Island Fishermen's Association.
C'est avec plaisir que nous répondrons à toutes vos questions.
Merci, Monsieur O'Neill.
Passons maintenant à M. Pershing du Gulf of Maine Research Institute. Vous avez un maximum de sept minutes.
Je m'appelle Andrew Pershing et je suis le conseiller scientifique en chef du Gulf of Maine Research Institute à Portland, dans l'État du Maine, aux États-Unis. J'étudie l'océanographie et l'écologie du golfe du Maine depuis plus de 25 ans.
Comme vous le savez, le golfe du Maine est bordé par la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ainsi que les États du Maine, du New Hampshire et du Massachusetts. Les États-Unis et le Canada portent un intérêt commun au bien-être du golfe du Maine. Je suis honoré d'avoir été invité à donner mon point de vue sur les répercussions actuelles et futures des changements climatiques sur les écosystèmes dans l'Atlantique Nord-Ouest, en particulier l'importante industrie de la pêche du homard dans la région.
Les océans ont absorbé plus de 90 % de la chaleur excédentaire piégée sur la planète en raison de la combustion du charbon et du pétrole. À la surface de l'océan, les températures ont augmenté à un taux moyen de 0,01 degré Celsius par année depuis 1982. Cependant, le réchauffement de l'océan n'est pas uniforme. Au cours des 30 dernières années, les eaux qui s'étendent du cap Hatteras à Terre-Neuve se sont réchauffées à un taux presque quatre fois plus élevé que la moyenne mondiale. Par conséquent, la région représente l'une des régions océaniques qui se réchauffent le plus rapidement au monde.
La zone de réchauffement rapide englobe l'aire de répartition naturelle du homard américain. Durant cette période, la répartition des homards a migré vers le pôle à un taux de 11 kilomètres par année. Ce changement coïncide avec l'augmentation spectaculaire des débarquements au Maine, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et la chute marquée du nombre de prises au Rhode Island et à New York.
Il existe deux grands processus qui entraînent des changements dans les aires de répartition des populations animales. D'abord, les animaux individuels peuvent se déplacer activement afin de suivre les conditions environnementales qu'ils préfèrent. Les déplacements actifs sont plus courants chez les grands animaux mobiles. Un bon exemple de ce type de déplacement est le récent changement de l'aire de répartition des baleines noires qui ont passé de leurs aires d'alimentation estivales dans la baie de Fundy à celles dans le golfe du Saint-Laurent. Dans le cas des espèces moins mobiles comme le homard, le changement de leurs aires de répartition découle de différences sur le plan de la reproduction et de la survie. Les homards n'ont pas rampé du Rhode Island au Maine. Les homards du Rhode Island produisent maintenant moins de jeunes et moins d'entre eux survivent, tandis que les homards du Maine et du Canada ont connu une explosion démographique.
La migration des homards vers le nord est axée sur la hausse du taux de reproduction et de survie dans le Nord et la baisse du taux de reproduction et de survie dans le Sud. Le réchauffement joue un rôle important dans cette histoire. Les homards qui sont élevés dans de l'eau chaude grandissent rapidement et arrivent à maturité après quelques années seulement. Malheureusement, les homards de petite taille produisent moins d'oeufs et les homards juvéniles doivent survivre à un éventail de prédateurs. En eau froide, les homards grandissent plus lentement et arrivent à maturité lorsqu'ils sont d'une grande taille.
Lorsque M. Arnault Le Bris et moi avons comparé les populations de homards dans le golfe du Maine à celles dans le sud de la Nouvelle-Angleterre, nous avons réussi à déterminer que la température estivale optimale pour le recrutement des homards est d'environ 16 degrés Celsius. À mesure que les eaux se réchauffent, l'emplacement de ces conditions optimales est passé du Massachusetts dans les années 1990, au Maine et à la Nouvelle-Écosse au début des années 2000 et ensuite à l'est du Maine et au Nouveau-Brunswick dans les 10 dernières années.
Cependant, étant donné que nous parlons d'un changement attribuable à des différences de survie, nous devons aussi tenir compte de la pêche. Dans le cadre de notre étude de modélisation, M. Le Bris et moi avons comparé les stratégies de gestion utilisées dans le sud de la Nouvelle-Angleterre à celles utilisées dans le golfe du Maine. Jusqu'à récemment, l'industrie de la pêche du homard dans le sud de la Nouvelle-Angleterre était seulement assujettie à une limite minimale de la taille des homards, mais celle du Maine est assujettie depuis longtemps à une limite minimale et maximale. Cette stratégie et la convention de marquer les femelles oeuvées d'une encoche en forme de « V » ont été promues par des générations de pêcheurs de homard du Maine qui souscrivaient à l'hypothèse que la protection des gros homards garantirait de gros stocks de géniteurs et appuierait un recrutement élevé.
Nos calculs appuient l'hypothèse. Nous avons découvert que l'absence d'une limite maximale sur le plan de la taille a accentué l'effet du réchauffement dans le Sud, ce qui a transformé une réduction modérée en effondrement. Parallèlement, la protection des homards de grande taille a accentué l'avantage du récent réchauffement pour le Maine.
Mais qu'en est-il de l'avenir? Selon les prévisions climatiques, la température des eaux de l'Atlantique Nord-Ouest continuera d'augmenter à une vitesse supérieure à la moyenne. D'ici 2050, la température des eaux dans notre région aura probablement grimpé de 1,5 degré Celsius. À ces températures, l'Ouest du golfe du Maine, la plate-forme Néo-Écossaise et le Sud du golfe du Saint-Laurent deviendront moins accueillants pour les homards. Lorsque nous intégrons ce taux de réchauffement dans notre modèle, le nombre de homards dans le golfe du Maine diminue jusqu'au niveau observé aux alentours de l'an 2000. L'élimination de la protection des homards de grande taille entraînerait une baisse plus prononcée. Un des messages les plus importants dans notre récent rapport est que la protection des gros homards matures permet d'accroître la résilience de la population.
Dans le cadre de notre étude, nous avons appliqué notre modèle jusqu'en 2050. Après 2050, le sort du homard dépendra des émissions mondiales de carbone. Si les émissions de carbone sont réduites comme le prévoit l'Accord de Paris, le Maine et le Canada atlantique conserveront probablement leurs précieuses industries de la pêche. Cependant, si le niveau des émissions demeure le même, la taille des industries de la pêche diminuera.
Nos résultats à l'égard du homard soulignent un grand thème qui s'est dégagé du rapport « Fourth National Climate Assessment » qui a été publié en automne dernier. Dans le chapitre portant sur les océans et les ressources marines, mes collègues et moi avons mis l'accent sur le fait qu'une saine gestion des pêches peut aider les entreprises de pêche à accroître leur résilience aux changements climatiques. Nous avons également déterminé que la réduction des émissions de carbone a des avantages économiques clairs pour les entreprises de pêche. Il s'agit d'un thème qui est couvert dans tous les chapitres du récent rapport américain sur l'évaluation nationale du climat.
Tandis que vous vous penchez sur les politiques pour l'avenir de l'industrie de la pêche du homard et du crabe des neiges au Canada, je vous encourage à tirer des leçons des expériences des États-Unis dans ce domaine et à vous demander à quel point vos politiques seront efficaces dans un océan plus chaud.
Merci.
Passons maintenant à M. Le Bris du Fisheries and Marine Institute of Memorial University of Newfoundland. Vous avez un maximum de sept minutes.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui au sujet de l'écologie et des pêches du homard et du crabe des neiges.
Je me nomme Arnault Le Bris. Je suis chercheur scientifique au Fisheries and Marine Institute de l'Université Memorial de Terre-Neuve. En tant qu'écologiste des pêches, j'étudie des questions qui ont trait à l'industrie de la pêche et à la gestion durable des ressources marines.
Dans le cadre de mes recherches en cours sur une variété d'espèces marines, y compris le homard, je collabore avec les associations de pêcheurs des quatre provinces du Canada atlantique et du Québec, des représentants des secteurs côtier et hauturier et des scientifiques fédéraux de trois centres régionaux de Pêches et Océans Canada.
[Français]
Dans cette présentation, je vais aborder trois idées. La première est le concept de mouvement du homard et du crabe des neiges. La deuxième est le problème de la taille de la carapace du homard. La troisième, qui est la plus importante, à mon avis, est la nécessité de faire des prévisions pour l'avenir.
[Traduction]
Parlons d'abord du mouvement du crabe des neiges et du homard.
On observe deux types de mouvement chez les adultes: les mouvements saisonniers et les mouvements le long de la côte. La migration saisonnière entre les eaux peu profondes et les eaux plus profondes est bien documentée, tant pour le homard que pour le crabe des neiges. Il est vrai que ce type de déplacements modifie la répartition des ressources au fil des saisons. Toutefois, le homard ou le crabe des neiges ne change alors pas de zone de pêche.
Le deuxième type de mouvement chez les adultes a lieu le long de la côte. Il pourrait entraîner des changements de zones de pêche. Cependant, selon l'ensemble des travaux de marquage qui ont été menés jusqu'à maintenant, il semble y avoir très peu de ces changements dans le cas du homard et du crabe des neiges. En effet, ces espèces parcourent des dizaines de kilomètres le long de la côte, une distance qui peut couvrir plusieurs ports de pêche, mais qui est rarement suffisante pour rejoindre différentes zones de pêche. C'est d'ailleurs ce qu'ont démontré les études récentes du groupe de recherche sur le homard.
Le deuxième sujet que je soulève porte sur les tailles minimales et maximales de la carapace au débarquement pour la pêche au homard.
Dans l'ensemble du Canada atlantique, des tailles minimales au débarquement sont imposées à la pêche au homard. L'objectif est de permettre aux homards de se reproduire au moins une fois avant d'être pêchés. Cependant, la plupart des tailles minimales au débarquement sont inférieures à la longueur à laquelle 50 % des individus atteignent la maturité. Ainsi, seule une minorité des homards se reproduisent avant d'être vulnérables à la pêche. Accroître la taille minimale, comme l'Île-du-Prince-Édouard l'a fait récemment, augmente les possibilités que les homards se reproduisent. Cette mesure accroît la production d'oeufs et renforce ainsi la résilience des pêches pour faire face aux changements futurs de l'écosystème.
Une autre façon de stimuler la production d'oeufs est de protéger les homards de grande taille, particulièrement les femelles. La fécondité augmente de façon exponentielle selon la taille. Par exemple, une femelle ayant une carapace de 85 millimètres produit environ 10 000 oeufs alors qu'une autre ayant une carapace de 110 millimètres produit environ 50 000 oeufs. On parle donc d'une quantité environ cinq fois plus grande. La protection des femelles de grande taille présente un autre avantage: elles se reproduisent plus souvent. Pour protéger les femelles reproductrices, il est possible de prendre toute une série de mesures de conservation, y compris l'imposition d'une taille maximale, la remise à l'eau des femelles oeuvées, le marquage par encoche en V et la sélectivité des engins de pêche.
Comme l'a dit mon collègue Andrew Pershing, notre travail a démontré que l'utilisation de diverses mesures de conservation dans le Maine a amplifié le récent boom provoqué par la température.
Le Canada n'impose pas de tailles maximales. Cependant, l'effet combiné des périodes de pêche, du marquage par encoche en V dans certaines régions et de la sélectivité généralement basse des pièges pour les individus de grande taille permet de conserver une partie des femelles de grande taille. Cela dit, on ne sait pas exactement combien de ces femelles se trouvent dans les eaux. Bien sûr, l'imposition de tailles minimales et maximales entraîne un grand nombre de conséquences économiques, particulièrement en ce qui concerne les marchés. Je ne suis toutefois pas un expert dans ce domaine.
La troisième question est la nécessité d'anticiper l'avenir.
J'ai une diapositive à vous présenter, mais je ne sais pas si elle s'affiche à l'écran. Je voulais vous montrer une figure qui résume les débarquements dans la zone de pêche 34, dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, de 1892 à 2016. Les débarquements dans cette région sont très représentatifs des débarquements de homards en général dans le Maine et le Canada atlantique. Selon les données de la figure, malgré quelques soubresauts, les débarquements ont été relativement stables pendant environ 100 ans, et la situation a changé dans les 20 dernières années. Assez subitement, depuis 20 ans, nous observons une hausse marquée des débarquements de homards.
Cette situation soulève deux importantes questions. D'abord, quelles sont les causes de cette hausse rapide? Ensuite, que nous réserve l'avenir? Répondre à la première question nous aide à réfléchir à la seconde.
Dans nos travaux précédents, nous avons démontré que le réchauffement des océans à grande échelle favorise le recrutement dans les régions nordiques comme le Maine, les Maritimes et possiblement le Québec et Terre-Neuve, comme certains signes semblent l'indiquer aujourd'hui. Cependant, nous ne comprenons pas pleinement le mécanisme selon lequel la température influe sur le recrutement. Est-ce en raison de changements dans les aliments disponibles pour les larves de homard? Parle-t-on d'effets directs sur la croissance et la survie? Est-ce plutôt à la suite de changements touchant les prédateurs de l'écosystème?
Il faut mieux comprendre les effets des changements climatiques et des écosystèmes sur le processus de recrutement ainsi que les répercussions de la prédation sur la mortalité des homards juvéniles et adultes. Selon moi, c'est le cas non seulement pour le homard, mais également pour le crabe des neiges et même pour la crevette.
Pêches et Océans Canada fait un excellent travail pour évaluer l'état des ressources. La prochaine étape, qui est loin d'être simple, est de mieux comprendre les mécanismes du climat et des écosystèmes qui stimulent la productivité des stocks de poissons. Quelques études sont réalisées sur le sujet, mais il faut accroître nos capacités scientifiques sur ces questions. C'est particulièrement vrai si nous espérons pouvoir un jour prévoir la productivité des pêches.
J'en viens à mon dernier point. Compte tenu de la figure que je devais vous présenter, j'espère que tout le monde réalise que nous nous trouvons dans une situation inédite. Ce n'est pas la norme. Le débarquement actuel de homards au Canada n'est pas la norme, et il ne faut pas l'oublier.
Grâce aux conditions favorables de l'écosystème et aux efforts soutenus de toute l'industrie, les prises atteignent des niveaux records et les prix sont très bons. C'est fantastique, et j'espère sincèrement que la situation durera aussi longtemps que possible. Cependant, que se passera-t-il si les prises se mettent à enregistrer des baisses de 20 ou 30 %? Qu'arrivera-t-il aux milliers de pêcheurs et travailleurs d'usine ainsi qu'aux centaines de localités de pêche qui dépendent presque exclusivement de ces ressources uniques? Il faut en parler le plus tôt possible.
Merci, monsieur Le Bris.
Nous passons maintenant à M. Fitzpatrick, qui disposera d'un maximum de sept minutes.
Je n'ai pas préparé de présentation comme telle.
Je me nomme Alfred Fitzpatrick. Je suis un propriétaire-exploitant indépendant de petits bateaux de la côte sud de Terre-Neuve, dans la péninsule Burin. Je viens d'une région où la pêche au homard représente la grande majorité des revenus. C'est au moins 80 % de mon gagne-pain. D'autres pêcheurs autour de moi en dépendent entièrement.
Dans les zones 11 à 14 le long de la côte sud et de la côte ouest de Terre-Neuve, on a observé des hausses marquées des débarquements de homards. Toutefois, je crois qu'il s'agit toujours de moins de 10 % des débarquements au Canada. Au cours des dernières années, nous avons vu d'importantes hausses, et c'est pourquoi je suis heureux de pouvoir participer à cette étude.
Cela dit, de l'autre côté de la péninsule Burin, que nous appelons la zone 10, les débarquements de homards ont chuté à presque zéro. Au début des années 1990, les débarquements étaient semblables à la baie Fortune, la zone 11, et à la baie Placentia. Je ne sais pas si la situation est attribuable à l'industrie, aux changements climatiques ou à une modification des températures ou des courants, mais les débarquements de la baie Placentia ont soudainement dégringolé: ils sont pratiquement nuls. La baie Fortune, quant à elle, a suivi la tendance à la hausse du reste de la côte sud-ouest.
Je peux toutefois dire que nous voyons un grand nombre de très petits homards portant des oeufs. De nombreux collègues plus âgés dans la région affirment que l'ampleur du phénomène est inédite. Je me demande si d'autres zones de pêche du homard dans le Canada atlantique vivent la même chose.
Est-ce normal? Est-ce de bon augure? Pour d'autres stocks, on dit que si de petits individus commencent à frayer et à produire des oeufs, comme dans le cas de la morue, c'est que l'espèce est à risque. Je suis donc ici aujourd'hui avec plus de questions que de réponses, ce qui n'est pas inhabituel pour moi.
C'est tout. Vous pouvez me poser des questions. Je me ferai un plaisir d'y répondre, si je possède les connaissances nécessaires ou si j'ai de l'information à ajouter. Si ce n'est pas le cas, je m'en remettrai à quelqu'un qui a un peu plus d'expérience que moi.
Merci, monsieur Fitzpatrick. Espérons que vous obtiendrez aujourd'hui des réponses aux questions que vous avez soulevées et des renseignements sur la situation que vous avez décrite.
Nous passons maintenant aux questions, en commençant par le côté du gouvernement. Monsieur Fraser, vous avez au plus sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à tous d'être présents aujourd'hui pour participer à cette importante étude.
J'aimerais poser une question à Bernie Berry. Je représente la circonscription de Nova-Ouest, et je connais très bien Bernie. Je suis au courant de l'excellent travail de la Coldwater Lobster Association. Bien évidemment, il s'agit d'une industrie incroyablement importante pour l'ensemble du Canada atlantique, en particulier pour le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, où elle est l'épine dorsale de notre économie.
Je suis reconnaissant du travail que votre association et vous faites, Bernie. Les changements et les effets observés dans la population de homards vivant dans les eaux près de notre côte sont extrêmement importants. Il est crucial que nous comprenions ce qui se passe exactement dans ces eaux. J'ai trouvé intéressant d'en apprendre davantage sur les déplacements du homard en fonction des températures, de la crue des eaux et de la salinité.
Vous avez parlé de certaines données dont vous disposez, mais j'aimerais confirmer quelque chose. Vous avez dit, si j'ai bien compris, que de 90 à 95 % des débarquements dans les années 1970 avaient lieu en eaux peu profondes, mais qu'ils sont maintenant dans les eaux profondes. J'imagine que ce changement s'explique par le fait que les homards se déplacent pour trouver des eaux plus fraîches. Est-ce exact, Bernie?
C'est une partie de l'explication. Il y a aussi le fait que la biomasse est beaucoup plus importante. Les homards se rendent donc dans différents endroits pour trouver de la nourriture et d'autres choses du genre. Comme je l'ai souligné, la zone de pêche du homard 34, comme la plupart des zones dans les années 1970 et 1980, servait à la pêche côtière traditionnelle. Tous les homards se trouvaient dans ces hauts-fonds sableux de 50 brasses de profondeur. Le fond était dur et rocailleux.
Maintenant, comme je l'ai dit plus tôt, de 50 à 60 % des pêches ont lieu dans des eaux profondes avec un fond vaseux. C'est une source de nourriture. Je crois que les homards avaient tout simplement besoin de se disperser. La population de homards était si imposante qu'ils ont dû se déplacer vers d'autres endroits, ce qui est une bonne nouvelle. La flotte s'est étendue. Elle couvre maintenant... Je ne suis pas certain du nombre de kilomètres carrés de la zone de pêche du homard 34, mais c'est la plus grande du Canada atlantique. Je crois que sa superficie est de 70 000 à 80 000 kilomètres carrés. Chose certaine, étant donné l'augmentation de la taille des bateaux, cette situation a été très avantageuse principalement parce que la flotte est dispersée aujourd'hui.
Les homards se déplacent vers les eaux profondes, que ce soit en raison des sources de nourriture, de la taille de la biomasse ou d'autres questions du genre, comme vous l'avez soulevé, monsieur Fraser. Lorsque la saison est ouverte, à l'automne, la majorité des homards se trouvent maintenant en eaux profondes.
Oui. Vous avez aussi parlé de l'aire de croissance du homard dans le banc de Brown. En effet, la zone de pêche du homard 40 est fermée parce qu'elle est considérée comme un lieu de reproduction. Dans vos remarques, vous avez soulevé la possibilité qu'il y ait d'autres zones ou aires de croissance. Elles pourraient être encore plus importantes pour assurer la viabilité à long terme des stocks.
Avez-vous autre chose à ajouter à ce sujet? Existe-t-il des données en ce moment qui justifient l'examen d'autres zones?
Non. Je pense que ce sera notre objectif. Nous nous pencherons sur cette question en procédant au marquage et au suivi des homards. Il existe peut-être d'autres aires. Nous ne le savons tout simplement pas.
Comme je l'ai dit, la fermeture du banc de Brown allait un peu de soi. L'information était disponible à l'époque. Il était simple de la fermer. La situation a toutefois changé au fil du temps. Je crois qu'il y a eu quelques initiatives de marquage dans le banc de Brown dans les années 1980. À mon avis, même les homards du banc de Brown ont changé leurs habitudes.
Je reviens sur le fait qu'il faut effectuer ce type de travail en continu. On ne peut pas prendre une pause de 20 ans, ce qui s'est malheureusement passé, du moins dans la zone de pêche du homard 34. Au fil du temps, il serait judicieux de déterminer une autre zone, comme la zone 40, que nous pourrions protéger en cas de besoin.
Le Fonds des pêches de l'Atlantique a soutenu certaines organisations axées sur la collaboration entre l'industrie et le gouvernement afin d'enrichir les données et les recherches scientifiques. Je sais que vous avez participé à une partie de ces initiatives.
Avez-vous d'autres recommandations à faire au Comité afin que le gouvernement appuie plus efficacement l'industrie pour lui permettre d'effectuer une partie de ce travail?
Ce qui importe vraiment, c'est d'avoir une collaboration entre les deux milieux. On ne peut pas travailler en vase clos comme dans le passé. Il y avait très peu de collaboration, du moins dans notre secteur. Nous devons nous concentrer sur la surveillance de la température, la fixation des larves et les questions du genre. Il serait peut-être temps d'étendre le groupe de recherche sur le homard, qui est une bonne occasion pour le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse. En ce moment, la région ne participe pas au projet.
Une autre organisation, la Southwest Lobster Science Society, a un programme de collecte de données. Elle compte tout près de 1 000 membres. Ils se concentrent principalement sur les prises accessoires. C'est l'organisation dont je parlais plus tôt. Nous faisons partie de la Science Society et nous allons marquer 12 000 homards de taille inférieure à la longueur réglementaire. Le projet est déjà en cours. Nous espérons pouvoir suivre 12 000 homards dans les eaux cette année et pendant deux ans.
D'accord.
Monsieur Pershing, je m'adresse à vous un instant. J'ai trouvé vos observations très utiles. Je souligne que vous avez parlé d'une hausse marquée des naissances chez les homards. De toute évidence, les homards se dispersent de différentes manières, mais je suppose que c'est le cas dans les régions nordiques du golfe du Maine ou près du Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse.
Plus particulièrement, vous avez dit que nous pourrions tirer des leçons de la situation au Rhode Island et à New York et des déplacements du homard vers le nord.
Vous avez parlé des émissions de carbone qui sont responsables du réchauffement des eaux et de l'importance d'atteindre les cibles de l'Accord de Paris.
Êtes-vous d'avis que ces questions sont directement liées à la viabilité à long terme des stocks de homard qui sont actuellement dispersés dans l'ensemble du golfe du Maine?
Oui. Je crois que l'étude des homards l'indique clairement. La situation est semblable pour la morue. C'est aussi le cas sur la côte Ouest. À mon avis, les pêches deviennent une façon très intéressante de réfléchir aux défis associés aux changements climatiques.
J'en reviens à l'un des messages que nous voulions transmettre dans le cadre du témoignage aujourd'hui, mais aussi dans d'autres travaux que nous avons faits: il faut penser à deux périodes de temps. Il y a les répercussions du réchauffement dans les 30 prochaines années, qui sont déjà essentiellement en marche. Les climatologues parlent de « l'engagement » que nous avons déjà pris envers un climat plus chaud dans l'avenir. Il y a ensuite les conditions après le milieu du siècle, soit après 2050. C'est sur cette période que les décisions sur les émissions de carbone ont vraiment des effets.
En ce qui concerne une grande partie des sujets de discussion aujourd'hui et les adaptations qui ont lieu dans l'industrie et la gestion des pêches, les acteurs du secteur peuvent prendre de nombreuses mesures afin de se préparer en vue du réchauffement des eaux pour préserver les pêches. Toutefois, au-delà d'un certain point, ils n'ont aucun contrôle. C'est là où les gouvernements nationaux devront intervenir.
Merci, monsieur Fraser. Votre temps de parole est écoulé.
Nous passons du côté des conservateurs. M. Arnold disposera d'un maximum de sept minutes.
Vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Je vais aborder la question d'un autre point de vue. En général, lorsque je parle de migration d'espèces, il s'agit de mouvements saisonniers ou de déplacements en fonction de l'âge. Je crois que c'est M. Fraser qui a proposé l'idée d'étudier la migration du homard et du crabe des neiges.
Je serais curieux de savoir s'il peut clarifier le sujet exact de l'étude pour nous tous, s'il s'agit de migration, de réinstallation, de redistribution ou de déplacement de l'aire de répartition du homard, ou encore de migration saisonnière ou d'un autre type de mouvement.
L'objectif était de suivre ou de déterminer la dispersion des homards pour savoir s'ils migrent d'un endroit à un autre ou si les mouvements des homards ou des larves ont un effet sur les lieux où nous les retrouvons. Après tout, nous savons qu'ils se déplacent vers le nord depuis les dernières années.
Je ne crois pas que l'étude porte sur un volet en particulier, qu'il s'agisse du passage des homards d'une zone de pêche à une autre, des déplacements entre les eaux fraîches et les eaux plus chaudes, comme l'a dit M. Berry, ou des mouvements vers les eaux profondes. À mon avis, ce sont tous des aspects de la même idée.
Je voudrais donc signaler que l'étude ne porte pas vraiment sur la migration. Ce sujet inclut, par exemple, le saumon de l'Atlantique qui se rend en mer puis revient au bercail ou l'oie blanche qui migre vers le nord et le sud chaque année. Nous parlons plus d'un déplacement de l'aire de répartition, d'une réinstallation du homard, que de migration, malgré le terme utilisé dans la description de l'étude.
Nous avons eu une discussion au moment de définir l'étude. À mon avis, j'ai très clairement expliqué les paramètres que je proposais avant que les termes à utiliser soient choisis.
Il est parfois difficile de résumer toute l'étendue d'une étude dans un titre. Si la définition du mot « migration » n'était pas suffisamment large pour englober tout ce dont j'ai parlé, j'espère que l'on comprend mieux maintenant ce que je voulais dire.
D'accord. C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Je n'ai manqué que quelques réunions du Comité, et la motion a été présentée à l'une d'entre elles. Je voulais simplement faire en sorte que le sujet soit bien clair pour moi et pour tous les autres membres du Comité. Il semble que nous étudions la réinstallation ou la redistribution du homard et du crabe des neiges, et pas nécessairement leurs courants migratoires.
Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins qui sont ici aujourd'hui. Qu'arriverait-il si la répartition du homard revenait aux modèles d'installation qui représentaient, si j'ai bien compris, la normale jusqu'à tout récemment? Que se passerait-il si nous retournions à la situation d'il y a quelques années?
À mon avis, si nous revenions à ces conditions — je présume que vous dites qu'il y aurait aussi une réduction du nombre de homards —, ce serait tout simplement néfaste pour l'économie locale et les pêcheurs. Je m'en tiendrai à la zone de pêche du homard 34. Si nous retournions aux prises des années 1970 et du début des années 1980, les conséquences seraient très négatives, à moins que nous changions tout le processus de commercialisation des homards.
En ce moment, dans la zone 34, les prises moyennes par titulaire de permis sont de 50 000 à 53 000 livres. C'est une moyenne. Si on remonte à 20 ans plus tôt, elles se situaient probablement dans les 30 000 livres. Une telle chute n'augurerait rien de bon, si je comprends bien votre question. Du moins, il faudrait améliorer la commercialisation afin de permettre l'obtention d'un prix beaucoup plus élevé pour la qualité et d'autres considérations du genre. Ce pourrait certainement compenser en partie la baisse des prises. Cela dit, il serait très inquiétant si, au cours d'un certain nombre d'années, les homards retournaient où ils étaient auparavant, dans les eaux d'une profondeur de 50 brasses ou moins. Ce serait un signe que quelque chose cloche.
D'accord. Autrement dit, on a souvent laissé entendre que ce changement dans la répartition des homards pouvait être attribuable aux changements climatiques ou au réchauffement des océans. Ce n'est donc pas forcément négatif pour votre industrie, si je comprends bien.
Non. Jusqu'à présent, nous avons pu tirer avantage des changements environnementaux. À l'avenir, nous pourrions toutefois constater des effets moins bénéfiques, mais pour l'instant, nous bénéficions des effets du réchauffement des eaux. Cela a permis à une plus grande proportion de larves de homard de survivre et cela a donné lieu à des conditions plus favorables. Jusqu'à maintenant, tout va bien; c'est l'avenir qui nous inquiète.
Merci, Mel.
Quelqu'un pourrait-il nous parler des taux de croissance ou de maturité du homard relativement à la température de l'eau?
Je peux répondre à cette question.
Nous avons mené une étude il y a trois ans sur l'effet de la température de l'eau et de la pêche sur la taille et la maturité du homard. À notre avis, lorsqu'il fait plus chaud, le homard grandit un peu plus vite. Il a tendance à atteindre sa maturité plus rapidement et à avoir des oeufs plus petits. Cela découle de la température. Il peut aussi s'agir d'une conséquence de la pression de la pêche. Si la pression exercée par la pêche est forte, on aura tendance à pêcher les plus gros homards. Il ne restera ensuite que les homards de plus petite taille. La température et la pêche peuvent donc faire en sorte que les homards atteignent leur maturité plus rapidement, à une taille plus petite, ce qui se traduit par une diminution de la production d'œufs au sein de la population.
Merci, monsieur le président.
Je vais tout d'abord m'adresser à vous, monsieur Pershing. Pourriez-vous nous expliquer comment et pourquoi le Canada devrait collaborer avec les États-Unis en ce qui concerne la migration du homard et du crabe des neiges?
On peut aborder la question de différentes façons. Premièrement, je ne crois pas que nous comprenions très bien la structure des stocks de homard. À l'heure actuelle, une partie des oeufs qui sont relâchés au Canada dériveront jusqu'aux États-Unis. Les États-Unis auraient donc intérêt à s'assurer que les stocks de homard au Canada sont en bonne santé, car cela pourrait favoriser le recrutement du homard dans notre région. Certains modèles océanographiques le confirment.
En revanche, lorsqu'on parle de ces espèces qui se déplacent vers le nord à mesure que les eaux se réchauffent, il faut savoir que les gènes nécessaires à la survie d'un homard dans des eaux plus chaudes se trouvent actuellement dans les homards qui vivent dans les eaux américaines. Je pense donc que le Canada a intérêt à s'assurer que les stocks de homard des États-Unis sont en bonne santé, car ils contiennent les gènes dont leurs homards auront besoin à l'avenir.
C'est une excellente question.
Je ne suis pas un expert en ce qui a trait aux discussions politiques qui se tiennent actuellement. Je sais que le homard est une pêche unique dans cette région et qu'il semble très bien géré.
On peut pêcher un homard, le mesurer et le remettre à l'eau, et on sait qu'il va survivre, contrairement à une morue qui est capturée dans un filet. On peut en faire davantage à l'égard de la gestion du homard.
J'ai été ravi d'apprendre que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard songeaient à modifier les limites de taille. Ils souhaitent prendre les devants pour s'assurer de renforcer la résilience de cette population.
Monsieur Le Bris, quelles seraient vos principales recommandations pour faire en sorte que la pêche canadienne du homard et du crabe des neiges continue d'exister et de prospérer à l'avenir?
Je pense que Pêches et Océans Canada, de plus en plus en collaboration avec l'industrie — ce qui est une très bonne chose — fait du bon travail pour ce qui est d'estimer la quantité de homards ou de crabes des neiges qui se trouvent dans les eaux.
Par ailleurs, au point de vue des lacunes scientifiques, je pense que nous ne comprenons pas vraiment l'impact sur l'écosystème. Par exemple, en ce qui concerne le crabe des neiges, nous ne connaissons pas les répercussions de la morue et des autres prédateurs sur cette espèce. C'est la même chose pour le homard. Je ne crois pas que nous ayons une bonne idée de l'impact de la prédation sur les bébés homards. Je pense notamment au bar rayé de la rivière Miramichi et à ses effets sur les bébés homards.
Je pense qu'il faut essayer de mieux comprendre dans quelle mesure l'écosystème influe sur l'abondance de ces espèces — le nombre et la variété des prédateurs ainsi que les sources de nourriture. Nous pensons que la température joue un rôle important dans l'expansion de la population de homards, mais qu'arrive-t-il si c'est un changement relatif au plancton, une espèce de niveau inférieur dans la chaîne alimentaire, qui explique pourquoi il y a une meilleure survie? Nous commençons à mieux comprendre le phénomène, mais nous devons absolument chercher à mieux comprendre l'écosystème et l'interaction entre l'environnement et les espèces.
Monsieur O'Neill, pourriez-vous nous dire quelles seraient vos principales recommandations dans le cadre de cette étude? Quels sont les priorités et les résultats que vous aimeriez voir en tête de liste?
Je vous remercie de me poser la question, mais je crois que je vais m'en remettre à Mmes Melanie Giffin et Laura Ramsay, qui sont des scientifiques. De plus, M. Jenkins a 40 ans d'expérience comme pêcheur. Je pense qu'ils seraient tous mieux placés que moi pour répondre.
Je suis d'accord avec Arnault pour dire qu'il faut mieux comprendre l'écosystème.
Je sais qu'à l'une de vos séances précédentes, M. Matthew Hardy avait parlé du projet de collecteurs de homards.
J'aimerais revenir sur ce que le témoin du Maine a dit tout à l'heure au sujet de la collaboration. Sachez que, ce vendredi, nous tenons une réunion collaborative à laquelle participeront des représentants du Canada et des États-Unis, à propos des collecteurs de larves, du nombre de bébés observé et peut-être de certains des changements écosystémiques dont Arnault a parlé et des particularités que nous pouvons relever dans les différentes zones. Je pense que nous faisons un excellent travail de collaboration à cet égard.
Pour ce qui est de la surveillance, je conviens qu'il faut examiner les choses dans une perspective écosystémique. À mon avis, il faut bien comprendre l'évolution des larves de homard et déterminer s'il y a un changement dans le phytoplancton. Nous constatons aujourd'hui ce changement, avec la présence des baleines noires de l'Atlantique Nord. Certaines données indiquent que ces larves de homard se nourrissent des mêmes types de copépodes que les baleines noires de l'Atlantique Nord. C'est peut-être ce qui explique l'augmentation soudaine du nombre de larves de homard à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est à cet endroit que l'on a recensé le plus grand nombre de bébés homards. Cette situation peut être étroitement liée au fait que ces baleines noires de l'Atlantique Nord se nourrissent ici des mêmes proies.
Je pense qu'il faut comprendre l'écosystème dans son ensemble et surveiller la température... même si nous ne pouvons rien faire pour empêcher les changements de température. Nous devons avoir ces renseignements et savoir ce qui est en train de changer et l'incidence de ces changements sur nos pêches.
À mon avis, ce sont là deux des principaux éléments. Je ne sais pas si Laura a quelque chose à ajouter.
J'aimerais poser une brève question.
Monsieur Fitzpatrick, en quoi le fait de pêcher en eaux profondes a-t-il une incidence sur la pêche et sur les coûts de la pêche?
Dans la région où je pêche, ce n'est pas vraiment un problème. Nous pêchons à bord de petits bateaux relativement près de la côte. Toutefois, dans d'autres régions du Canada atlantique où il faut pêcher en eaux plus profondes, je suppose qu'il faut utiliser un plus gros bateau, qui consomme plus de carburant et qui doit être doté d'un équipage plus nombreux. Cela pourrait évidemment se répercuter sur les résultats financiers de l'entreprise.
Il n'y a pas grand-chose d'autre que je puisse dire.
Lorsqu'on parle d'une approche écosystémique, cela vaut pour beaucoup d'autres espèces à Terre-Neuve, comme le crabe et la morue. Quel que soit le poisson que nous pêchons, nous devons commencer à avoir une vue d'ensemble.
Je vais dire quelque chose qui risque de déplaire à certains. Si nous n'examinons pas l'ensemble de l'écosystème, notamment les répercussions de ce que nous faisons, comme l'activité sismique en haute mer... Nous constatons un déclin important du phytoplancton et du zooplancton, et cela a une incidence sur le capelan, ce qui menace la chaîne alimentaire dans son ensemble. Les phoques sont également à blâmer. Personne ne veut en parler, mais de mon point de vue en tant que pêcheur, les phoques ont un impact important sur l'écosystème dans son ensemble, y compris sur les homards. Les phoques aiment les mollusques et les crustacés autant que nous.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Merci, monsieur Johns. Votre temps est écoulé.
Je vais maintenant céder la parole à un député ministériel, M. Morrissey, mais tout d'abord, monsieur Johns, je vous demanderais de prendre place au fauteuil, car je dois m'absenter.
Ma question s'adresse possiblement à vous, madame Giffin. On a recueilli plus tôt le témoignage d'un expert, soit celui de M. Le Bris, au sujet de la protection des homards femelles de grande taille. Les femelles de grande taille produisent cinq fois plus d'oeufs que les femelles de petite taille. En tant que biologiste, êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
En tant que biologiste, je conviens qu'il faut protéger les femelles de grande taille, et nous respectons une fourchette de tailles réglementaire à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons mis en place un mécanisme visant à les protéger.
Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut répondre?
Vous admettrez donc aussi que, pour permettre à la population de croître, l'un des éléments les plus importants est de laisser plus de femelles de grande taille dans leur habitat?
D'après les données scientifiques et les chiffres obtenus, ce qu'on nous a dit au sujet du homard s’inscrivant dans la fourchette de tailles réglementaire, de l'imposition d'une taille maximale et de tout ce qui dépasse cette taille, c'est que cela avait très peu d'incidence. Si l'on prend les chiffres réels, pour l'année 2017, dans le cadre de 25 sorties, nous avons remis à l'eau 48 homards femelles qui se situaient dans cette fourchette de tailles. Si l'on tient compte de la taille maximale, il n'y aurait eu que six homards de plus dans ces 25 sorties qui auraient été remis à l'eau. C'est une différence de six homards sur 25 sorties.
Comme biologiste, diriez-vous qu'il est inutile de les laisser dans leur habitat pour favoriser la croissance de l'industrie?
Je ne dirais pas que cela n'a aucune utilité. Je pense qu'il convient de se demander dans quelle mesure cela est important.
D'accord. Merci.
Mon autre question, qui s'adresse encore à Mme Giffin, porte sur les déplacements du homard. Encore une fois, des experts ont témoigné devant le Comité et ont affirmé à quelques reprises que, de façon générale, le homard se déplaçait très peu. La Prince Edward Island Fishermen's Association a-t-elle des documents qui pourraient confirmer ou contester cette information?
Lors de discussions au sein des différentes zones de pêches du homard, les pêcheurs nous disent souvent que les homards qu'ils rejettent nagent vers un autre district. Par exemple, dans la partie sud, entre le Cap-Breton et l'Île-du-Prince-Édouard, on trouve les zones de pêche 26B et 24. La carapace du homard de la zone de pêche 26B serait beaucoup plus grosse que celle de la zone 26A.
Avez-vous des données scientifiques qui viendraient contredire les témoignages que nous avons entendus précédemment?
Non, pas du tout. La plupart des données scientifiques dont nous disposons sont tirées des publications du ministère des Pêches et des Océans. D'après les discussions que nous avons eues avec Amélie Rondeau du MPO, à Moncton, un homard parcourt normalement une distance de 10 à 20 kilomètres. La distance est peut-être un peu plus grande dans la région du golfe parce que le terrain est plus plat, mais il s'agit de lignes imaginaires, et on ne croit pas que les homards parcourent plus que 10 kilomètres.
Diriez-vous que le homard reste dans sa zone et que ses déplacements et la taille de sa carapace ont peu d'impact sur l'état de la ressource dans une zone par rapport à une autre?
D'accord.
Il y a une question que personne n'a abordée. Par conséquent, si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui, vous pourriez la transmettre ultérieurement au Comité par écrit. Une augmentation continue de la taille de la carapace pourrait-elle avoir un impact négatif sur le marché?
Monsieur O'Neill, vous n'en avez pas parlé dans votre allocution; en fait, personne ne l'a fait. La Prince Edward Island Fishermen's Association a-t-elle des documents ou des données qui montreraient l'incidence, négative ou positive, qu'aurait une augmentation continue de la taille de la carapace sur le marché ?
L'un d'entre vous pourrait-il nous en parler?
Je ne suis au courant d'aucune information qui permettrait de répondre à cette question de façon positive ou négative. La gestion de la ressource constitue la principale préoccupation de la Prince Edward Island Fishermen's Association. Au cours des dernières années, on a beaucoup encouragé des hausses de la taille minimale, et jusqu'à maintenant, à mon avis, on n'a relevé aucun impact sur le marché qui ne serait pas attribuable aux forces économiques générales dans le monde.
C'est tout ce que je peux vous dire pour le moment.
Je vais demander à M. Fitzpatrick de répondre à cette question, puis peut-être aussi à M. Jenkins, en tant que président. Vous avez entendu tout à l'heure un expert dire que le débarquement actuel de homards n'était pas la norme dans le Canada atlantique. Êtes-vous d'accord? Évidemment, c'est ce que nous montrent les données. Sur quoi le Comité devrait-il insister ou se pencher pour qu'à l'avenir, ce qui n'est pas la norme le devienne?
Pour Terre-Neuve, à mon avis, comme l'un des messieurs l'a dit plus tôt, nous profitons de cette tendance ou de ce qu'on considère comme une migration vers le nord. Nos débarquements augmentent d'année en année dans la plupart des zones. J'ignore si c'est attribuable aux changements climatiques, à la répartition de la nourriture, à la température de l'eau ou s'il s'agit simplement d'un phénomène naturel. Je ne vois pas comment on pourrait le vérifier.
Monsieur Jenkins, quelle recommandation feriez-vous au Comité pour que les débarquements actuels deviennent la norme?
Chose certaine, nous ne voulons pas revenir à la situation des années 1970, à l'époque où j'ai commencé à pêcher. Cela dit, dans les années 1990, alors qu'on s'en tirait très bien, il y a eu à nouveau un effondrement, puis finalement une hausse. Je pense que nous devons continuer à suivre la situation de près. Une chose qui est vraiment importante, c'est la source de nourriture. Je pense que la température et la nourriture sont les principaux facteurs en cause.
Je vous dirais qu'il faut continuer de déployer des efforts de conservation, les adapter au besoin et être à l'affût des signes qui nous indiquent que la situation se détériore. On a adopté l'approche de précaution il y a quelques années à Moncton. On nous disait que le détroit central était très mal en point. Dans le centre du détroit de Northumberland, les débarquements étaient désastreux. Or, la situation s'est beaucoup améliorée ces trois dernières années, au point où c'est probablement l'un des endroits les plus productifs du détroit.
Je n'ai pas toutes les réponses, monsieur Morrissey, mais nous devons surveiller la situation. Nous devons faire un suivi annuel, nous en tenir à nos plans de conservation et être à l'écoute des pêcheurs.
Merci.
J'aimerais revenir à ma dernière question, qui portait sur le taux de maturité dans les eaux plus chaudes. Un ajustement de la taille de la carapace et de la taille des prises pourrait-il remédier au problème, si la maturité du homard est effectivement un problème? Si le homard arrive à maturité plus rapidement dans des eaux plus chaudes, pourrait-on simplement les laisser grossir un peu plus avant de pouvoir les pêcher? Est-ce que cela pourrait résoudre le problème de fécondité à l'avenir?
Monsieur Le Bris.
Je pense que c'est une bonne suggestion.
En ce qui concerne le homard, sachez qu'il y a différents types de gestion. L'une des principales mesures est l'imposition d'une taille minimale. Je pense que c'est un très bon outil. À mon avis, plus l'écart est important entre la reproduction des homards et leur capture, plus il y aura une résilience. Plus l'écart entre la taille minimale et la taille à maturité est grand, meilleure sera la productivité de la population et mieux ce sera pour l'industrie.
Merci beaucoup.
Je vais maintenant poser une question aux pêcheurs ici présents. Y a-t-il des discussions dans le milieu au sujet du marché chinois et de son incidence sur l'industrie de la pêche sur la côte Est du Canada?
À l'heure actuelle, dans l'Ouest canadien, l'exposition du canola se situe à environ 40 p. 100 sur le marché chinois, ce qui semble être une question politique. Avez-vous entendu des préoccupations en ce sens pour d'autres secteurs de l'économie canadienne?
Nous devrions commencer à pêcher le 20 de ce mois-ci.
On craint de recevoir au début des nouvelles semblables à celles qu'ont reçues les producteurs de canola. Et si c'était le cas, ce serait dévastateur.
Pourriez-vous nous parler de l'exposition du marché par rapport à la Chine? Quelle proportion du produit que vous récoltez se retrouve sur le marché chinois?
Je dirais 40 %. Au moins 40 % de nos produits sont expédiés à l'étranger.
Je suppose que les gens de la Nouvelle-Écosse en sauraient un peu plus, car notre homard est d'abord envoyé en Nouvelle-Écosse, puis est exporté à partir de là. Mais si cela devait se produire, je pense que nous assisterions à une importante réduction du prix. Ce serait dévastateur.
J'aurais une observation à faire.
De toute évidence, nous ne voulons rien perdre sur le marché. La Chine pourrait être une source de préoccupation. Je ne dis pas que c'est un problème à l'heure actuelle, mais ça pourrait l'être.
C'est un marché relativement nouveau par rapport à certains marchés plus anciens, les marchés traditionnels. Nous avons des gens qui travaillent dans le domaine de la transformation et qui n'envoient aucun produit en Chine. Les expéditeurs de homards vivants s'en tirent bien là-bas. Je suis d'accord avec M. Fitzpatrick: nous ne voulons certainement pas que cela se produise. Nous devrons suivre la situation de près.
À mon avis, le produit est suffisamment rare que cela ne se produira pas, et c'est ce que nous allons espérer.
Étant donné qu'on laisse entendre que la répartition géographique et l’évolution de la population de homards et de crabes au Canada atlantique pourraient être bénéfiques à court ou à long terme, pourraient nécessiter certains ajustements dans les zones de pêche ou aux endroits où on utilise de plus gros bateaux de pêche, et ainsi de suite, a-t-on réalisé une analyse ou entendu parler d'une analyse des répercussions que pourrait avoir une taxe sur le carbone, même si le carburant utilisé dans les bateaux de pêche en est exempté? Pour tous les autres articles qui sont achetés et livrés, l'équipement des bateaux de pêche, les casiers et les pots; les prises qui sont expédiées; le coût de la conservation du homard dans une cale à l'eau réfrigérée, par exemple, a-t-on fait une analyse des coûts pour savoir quel serait l'impact réel de cette taxe pour les pêcheurs et si on prévoit une réduction de prix pour couvrir ces coûts?
C'est une excellente question, mais à ma connaissance, aucune analyse des coûts n'a encore été menée à l'Île-du-Prince-Édouard.
Au cas où je n'en aurais pas l'occasion, je vais en profiter pour remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Voilà pour mes 10 secondes.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous nos invités, et en particulier à vous, Alfred, qui venez de ma circonscription de Terre-Neuve-et-Labrador.
Je voudrais m'attarder un peu sur le crabe des neiges.
Bien sûr, vous connaissez bien les défis auxquels nous sommes confrontés cette année, avec la réduction proposée par le MPO du total autorisé des captures pour la pêche du crabe des neiges. Cela a suscité beaucoup d'inquiétude chez les pêcheurs un peu partout dans la province. Toutefois, dans la zone 3Ps, où vous pêchez, vous avez vu une augmentation significative des quotas.
J'aimerais que vous expliquiez au Comité pourquoi c'est le cas et si vous êtes à l'aise avec cette augmentation.
En ce qui concerne le crabe dans la zone 3Ps, la situation remonte à 2016. En raison du faible niveau de pêche, il m'était impossible de pêcher le crabe des neiges. J'ai dû amarrer mon entreprise au quai, et je suis parti dans l'Ouest parce qu'il n'y avait tout simplement pas assez de crabes pour qu'on puisse vivre de cette pêche. En 2017, on a cru que le crabe était revenu. Nous avons vu beaucoup de crabes à carapace molle. Nous avons réduit le niveau de pêche dans la zone 3Ps, soit des réductions de 50 % et de 40 % du quota. Dans la flottille de pêche d'appoint, nous sommes passés de 104 000 à 17 500 livres en fonction des réductions recommandées par le MPO. On pouvait le voir. La situation a commencé à se rétablir l'année dernière, et cette année, nous avons eu une augmentation de 50 %, ce qui était une bonne chose. Nous avions grandement besoin de cette augmentation.
Il faut être prudent. Nous avons fait beaucoup d'efforts, et 3Ps est une petite zone. J'aime penser à ce qui nous attend. J'ai tendance à me tourner vers l'avenir — c'est peut-être mon âge —, et je préfère être prudent plutôt que de faire des bonds trop brusques.
Vous avez traversé des moments difficiles, et on s'inquiète de l'ouverture progressive de la pêche — c'était prudent. Pendant cette période, et même aujourd'hui, est-ce que vous et d'autres pêcheurs donnez des conseils au ministère des Pêches et des Océans sur la gestion des stocks, et est-ce qu'il est à l'écoute ?
Il semble y avoir eu un changement important ces dernières années avec la nouvelle récolte de scientifiques du MPO, si je puis dire, et de gestionnaires. Pendant un temps, les relations ont semblé vraiment bonnes avec les chercheurs principaux du MPO. Ils nous écoutaient, car je crois qu'ils respectaient nos constatations. Je crois qu'ils étaient généralement certains que nous leur disions la vérité. Maintenant, avec les nouveaux chercheurs, on dirait que c'est leur façon de faire ou rien du tout, et je ne dis pas cela pour dénigrer qui que ce soit. Ils nous écoutent, mais ils ne portent pas vraiment attention. Notre opinion ne semble pas peser lourd dans la balance.
On m'a dit il y a quelques années qu'il faudrait 13 ans avant qu’on ne pêche le moindre crabe des neiges dans la zone 3PS. Ils nous ont dit que les carottes étaient cuites, que les réserves étaient épuisées et qu'il ne nous restait rien. Cette année, nous avons eu droit à une hausse de 50 %. À l'époque, nous avions répondu que nous savions que les choses allaient mal, mais que nous ne pensions pas que la pêche disparaîtrait pendant 13 ans. Certains pêcheurs ont vendu leur entreprise sur celle seule affirmation. Ils ont abandonné.
Alfred, selon ce que vous savez maintenant, et selon votre expérience des dernières années, décennies, ou peu importe, que pensez-vous de l'approche de précaution proposée pour l'avenir de la pêche? Pensez-vous que les pêcheurs peuvent contribuer efficacement à la détermination des limites, des points de référence et ainsi de suite?
Oui. Le plus important, pour l'avenir, est sûrement la bonne détermination de ces points de référence. Pour que l'approche de précaution ou AP fonctionne, nous devons collaborer. L'AP vise à constituer une réserve de secours. Nous essayons de constituer une réserve pour les temps difficiles.
Je peux voir comment l'AP sera bénéfique si elle est bien exécutée, mais nous ne pouvons pas fixer la barre trop haut, car certains secteurs de Terre-Neuve n'atteindront jamais la zone critique. Ils ne pourront jamais supporter une population de crabe plus importante qu'en ce moment. Si nous déterminons ensemble les niveaux appropriés, ce qui n'a pas été le cas ces dernières années, nous pourrons bien faire les choses et, espérons-le, obtenir des résultats positifs.
Je crois que je vais poursuivre un peu dans la foulée des questions de M. Rogers. M. Fitzpatrick, vous parliez du principe de précaution. Dans ma province, j'ai pu constater qu’on peut faire preuve de trop de précaution en matière de gestion de la faune. Plutôt que de se fonder sur des données scientifiques et à des statistiques, on se fie à des directeurs régionaux et à l'opinion de certains.
J'aimerais vous donner l'occasion d'élaborer un peu plus, si vous le souhaitez.
Il semble y avoir un écart important entre les données scientifiques et les gestionnaires du MPO. Nous nous rendons à une réunion du MPO. On dispose de données scientifiques, mais on ne semble pas toujours respecter ces données et ce que l'on convient de faire, même si cela semble bénéfique pour les stocks et pour les pêcheurs.
En effet. Je ne prétends pas que nous avons tout le temps raison, mais lorsque les pêcheurs et la science en viennent aux mêmes conclusions et qu'on ne respecte pas ces conclusions, on est en droit de se demander à quoi peuvent bien servir ces réunions en premier lieu.
Quelqu'un d'autre a quelque chose à ajouter au sujet de la prépondérance du principe de précaution lorsque les données scientifiques ne concordent pas nécessairement?
Je crois que M. Fitzpatrick a raison. L'important, c'est que la communauté scientifique et l'industrie fassent avancer les choses. Les tenants de l'approche de précaution doivent suivre l'exemple de la communauté scientifique et de l'industrie, qui est aux premières loges sur l'eau [Difficultés techniques].
Je crois que nous avons perdu le son.
Je vais passer à ma prochaine question. Comme nous le savons tous, il y a eu des fermetures l'an dernier afin de protéger les couloirs migratoires de la baleine noire. Ces fermetures ont été imposées en dépit du fait qu'aucun des cas d'empêtrement ne semble avoir été causé par des engins de pêche au homard. Nous sommes tous heureux d'apprendre qu'aucun décès de baleine noire n'a été signalé l'an dernier.
En tant que pêcheur, comment vous ou vos membres avez-vous vécu ces fermetures?
En ce qui concerne l'Île-du-Prince-Édouard, peu de zones se chevauchaient, mais nous en avons beaucoup discuté avec l'Union des pêcheurs des Maritimes, car certaines de leurs zones chevauchaient les fermetures en vigueur le long des côtes. Nous avons vraiment travaillé en étroite collaboration avec le MPO au cours de la dernière année. Nous avons eu des discussions franches au sujet de ce qui fonctionnait et ne fonctionnait pas, et de ce qui pourrait être amélioré cette année. En toute franchise, je crois que bon nombre de nos recommandations ont été suivies, ce qui était excellent.
Il y a maintenant le différend au sujet de la ligne de 20 brasses et de la ligne de 10 brasses, car la majorité de nos pêcheurs de homard côtiers se tiennent à l'intérieur de la ligne de 20 brasses. Comme, d'habitude, les baleines ne se tiennent jamais à l'intérieur de cette ligne, cela maintient une sorte de barrière naturelle.
Nous avons pris des précautions au cas où les baleines franchiraient cette ligne de 20 brasses. C'est l'un des principaux changements que nous avons pu observer cette année. Nous nous attendions à certains changements, et peut-être que certains navires... en ce qui concerne les baleineaux nés cette année. Nous n'avons vu aucun baleineau dans le golfe cette année, mais nous attendons des nouvelles au sujet de femelles qui pourraient mettre bas sous peu. Nous devons en apprendre davantage au sujet du comportement des baleineaux dans le golfe. D'après notre expérience, il n'y a pas eu beaucoup de chevauchements directs. Nous avons évité toute possibilité de chevauchement direct cette année, ce qui est excellent du point de vue de l'Île-du-Prince-Édouard.
D'accord.
Quelqu'un a parlé plus tôt des déplacements en eaux plus profondes, de l'ordre des 50 brasses. Je ne me souviens pas de qui il s'agissait, mais quelle incidence cela aurait-il sur la pêche en eaux plus profondes, où on n'échappe pas à ces fermetures?
En fait, nous avons été très chanceux dans la ZPH 34 l'an dernier. Il y a eu deux fermetures très près de notre zone de pêche, dont l'une dans le bassin Roseway. Elle s'est produite le dernier jour de notre saison de pêche, mais si elle était survenue deux semaines plus tôt, une petite portion du coin sud-est de la zone aurait été fermée. La même chose s'est produite à notre limite nord. Il y a eu une fermeture au Grand Manan à la mi-juin, soit deux semaines après la fin de notre saison de pêche. Cette fermeture aurait empiété sur la ZPH 34.
Cela aurait pu avoir une incidence, mais nous avons testé différents modèles de technologie de pêche sans cordage, entre autres choses. Nous avons maintenant des hydrophones dans certains secteurs et nous tentons de recueillir des données. À notre avis, la solution repose dans le fait que l'industrie doit être proactive plutôt que réactive. Nous devons tenter d'aller au-devant des événements. Il arrive que l'on soit pris par surprise, mais nous avons tenté de collaborer avec le MPO.
Tout cela est nouveau pour tout le monde, je crois. Nous devons prendre de telles initiatives, surtout en ce qui concerne les baleines, en raison des répercussions négatives que cela pourrait avoir sur les marchés. Il y a aussi la Marine Mammals Protection Act des États-Unis. Nous devons respecter certaines exigences à cet égard et, comme je viens de le dire, être très proactifs pour ne pas être pris de court, travailler de concert avec la communauté scientifique [Difficultés techniques] au meilleur de notre capacité et veiller à ce que nos pêcheurs ne subissent aucun contrecoup.
[Français]
Monsieur Le Bris, lorsque vous étiez ici la semaine dernière, nous avons traité d'un sujet qui n'a pas été abordé aujourd'hui, à savoir l'acidification des eaux. Le phénomène n'est pas le même que dans les années 1970, où les pluies acides étaient en jeu. D'après ce que vous me dites, ce que nous observons maintenant est le résultat des changements climatiques. Le CO2 se mélange et acidifie l'eau, ce qui crée un environnement qui n'est pas nécessairement très sain pour le homard.
Est-ce que vous pouvez nous donner plus de détails là-dessus, s'il vous plaît?
Oui. Je vous remercie.
Le CO2 a deux répercussions, la première étant de créer un effet de serre qui réchauffe l'atmosphère et les océans. Pour ce qui est de la deuxième, il faut savoir que la grande majorité du CO2, soit 70 % ou 75 %, est absorbée par les océans. Une fois que le CO2 entre dans l'eau de mer, il s'y mélange pour créer un atome acide, ou H+, en l'occurrence du carbonate de calcium, ce qui acidifie les océans.
Dans le monde scientifique, on pense que, à l'égard des écosystèmes marins, l'acidification des océans est la bombe à retardement des changements climatiques. On ne comprend pas encore très bien les effets de l'acidification, mais il commence à y avoir beaucoup plus d'études à ce sujet. On pense que, dans 50 ou 100 ans, ce facteur risque d'affecter tous les écosystèmes, dans tous les océans. Certaines régions risquent davantage d'être touchées par l'acidification, principalement les régions comme les nôtres, où il fait plus froid.
Certaines études commencent à montrer l'impact que pourrait avoir la diminution du pH des eaux, soit l'augmentation de leur acidité, sur le homard. On pense qu'il n'y aura pas trop de répercussions sur le homard adulte pendant assez longtemps. Par contre, il peut y en avoir sur les larves. Pour l'instant, on ne comprend pas encore très bien ces répercussions. On pense que c'est sur le phytoplancton et le zooplancton, qui sont vraiment la base de la chaîne alimentaire, que les effets seront les plus prononcés. Cela pourrait perturber tout le reste de la chaîne alimentaire. Il n'y a que 10 ou 20 ans qu'on parle de cela. On commence seulement à comprendre le phénomène, mais à long terme, soit dans 30, 40 ou 50 ans, ce sujet sera vraiment très important.
Merci, monsieur Le Bris.
[Traduction]
Monsieur Pershing, vous surveillez la température de l'eau et nous savons que l'habitat du homard s'est modifié pour diverses raisons. Certains prétendent qu'il s'agit là d'un cycle normal sur une longue période. Disposez-vous de données qui indiqueraient que ce n'est pas le cas? Peut-être qu'il n'y a rien d'anormal. Qu'en dites-vous?
Des cycles naturels suivent leur cours depuis des millénaires partout dans le monde. En rejetant de grandes quantités de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, nous ajoutons des tendances à ces cycles. Le réchauffement que l'on constate depuis quelque temps dans l'Atlantique Nord-Ouest illustre les deux. On constate à la fois une tendance et l'apex d'un cycle de réchauffement qui vient s'ajouter à cette tendance. La combinaison des deux entraîne un réchauffement accéléré, et c'est ce que nous vivons.
Il est certainement possible qu'il se produise un léger refroidissement tandis que nous entrerons peut-être dans une phase plus fraîche d'un des cycles majeurs dans l'Atlantique Nord, mais cette période de refroidissement ne sera pas aussi fraîche que les périodes précédentes dans le passé. À l'heure actuelle, les projections climatiques, surtout les plus récentes, à résolution plus élevée, laissent entrevoir des taux de réchauffement très semblables à ce que nous avons vécu au cours des 15 à 30 dernières années, ce qui signifie que cette région devrait se réchauffer à un rythme environ quatre fois élevé que la moyenne mondiale.
Est-ce que quelqu'un s'oppose à ce que la présidence pose une question? Parfait.
J'aimerais m'adresser à nouveau aux témoins qui sont à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. Je vous avais demandé quelles étaient vos principales recommandations aux fins de cette étude. Je m'excuse de vous avoir interrompu pour poser une question à M. Fitzpatrick, mais souhaitiez-vous ajouter autre chose?
En fait, oui. Nous sommes très inquiets au sujet de la capacité de tolérance de l'espèce. Il y a de nombreuses discussions au sujet de la productivité et de la situation actuelle de la biomasse. En ce moment, la biomasse est très abondante, ce qui est fantastique. Nous ne nous en plaignons pas. Notre inquiétude porte sur la pêche commerciale au crabe nordique, car en dehors de la saison de pêche, le homard se nourrit principalement de crabe nordique. Nous aimerions savoir si l'habitat permet de maintenir le régime naturel de notre population de homard.
C'est une question que nous avons posée au MPO de Moncton. La situation à l'Île-du-Prince-Édouard est quelque peu différente de celle à Terre-Neuve ou au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, disons, en ce sens que nous sommes en quelque sorte une unité autonome dans le golfe. Nos larves restent aux alentours. Elles dérivent un peu, évidemment, selon les courants. Nous collaborons très étroitement avec le MPO. Nous avons d'ailleurs entrepris, avec la collaboration du ministère, une recherche afin de comprendre la capacité de tolérance et de veiller à ce qu'il y ait suffisamment de ressources disponibles pour le homard dans notre secteur. Malheureusement, le MPO a rejeté notre demande de participation au financement d'une étude sur le crabe nordique visant à déterminer s’il y avait suffisamment de nourriture pour cette espèce.
Nous avons été vraiment déçus qu'on rejette notre demande de financement pour quelque chose qui nous apparaît très important, soit d'assurer la viabilité de notre population de homard. Voilà une autre recherche importante que nous aimerions entreprendre: veiller à ce qu'il y ait suffisamment de nourriture pour une population aussi importante.
Vous êtes inquiets au sujet de l'interdépendance des espèces, de l'approche globale de l'écosystème. Est-ce qu'il y a d'autres espèces... Il faudrait manifestement aussi se pencher sur le crabe nordique et ses sources de nourriture. Avez-vous d'autres préoccupations? Estimez-vous que cette absence d'approche globale est la principale lacune?
Oui, j'ai vraiment l'impression qu'il faut examiner tout l'écosystème pour avoir une bonne vue d'ensemble. Nous avons indiqué plus tôt qu'il ne suffit pas de comprendre les changements de température, de pH, de salinité et tous ces éléments qui modifient la chimie de l'eau. Il faut aussi comprendre comment ces transformations s'opèrent en raison des changements climatiques et des enjeux industriels dans le détroit de Northumberland. C'est une approche globale de l'écosystème.
Pour ce qui est du crabe nordique, il s'agit de déterminer si ses sources de nourriture sont suffisantes et ce qui leur arrive. Lorsque nous recueillons des larves de homard, nous faisons de même pour les larves de crabe nordique et le MPO analyse les tendances au sein de cette population.
D'après les données partielles dont nous disposons, il y a lieu de s'inquiéter. C'est pourquoi nous voulons procéder à d'autres recherches.
Partout au pays, les espèces aquatiques envahissantes posent problème. Je crois que le crabe vert pourrait représenter le plus grand risque dans votre région. Est-ce que l'un d'entre vous a des renseignements sur cette espèce et sur ses répercussions sur l'écosystème?
Nous disposons de quelques données au sujet de l'Île-du-Prince-Édouard. La population de crabe vert sera plus ou moins grande d'une année à l'autre, principalement en raison des températures hivernales. Je ne sais pas si Bobby a une meilleure idée de la population exacte, vu qu'il travaille sur l'eau.
On n'en voit pas autant maintenant qu'en 2013-2014, et nous pensons que c'est à cause de l'hiver 2015. Ce fut un hiver vraiment rude et nous croyons que cela a tué une partie de la population. Il semble y en avoir eu un peu plus l'an dernier qu'en 2016-2017, mais il faudra voir comment les choses évoluent.
Nous vous remercions tous d'avoir pris le temps de venir témoigner et de nous faire part de vos importants commentaires. Nous allons définitivement étudier tout cela avant de présenter nos recommandations.
Pour les personnes présentes dans la salle, nous allons poursuivre la séance à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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