FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 janvier 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon retour à tous, et bonne année 2018. J'espère que ce sera une très belle année productive pour vous tous sur le plan professionnel et, bien sûr, personnel.
Nous poursuivons notre étude sur les zones de protection marine au titre de la Loi sur les océans, conformément à l'article 108(2) du Règlement.
Au programme d'aujourd'hui, nous entendrons nos témoins durant la première heure, et la seconde heure sera consacrée aux travaux du Comité. Quelqu'un a mentionné qu'il se peut que nous ayons besoin de plus de temps avec les témoins — nous en recevons trois aujourd'hui. La première partie est censée se terminer à 9 h 45, mais si cela vous convient, je vais la prolonger quelque peu, peut-être même jusqu'à 10 heures, au besoin.
Ai-je la permission du Comité pour procéder ainsi?
Des voix: D'accord.
Le président: La discussion sur les travaux du Comité devrait durer probablement moins d'une heure, alors nous pouvons prolonger la première partie à notre convenance.
Je vous souhaite un bon retour et, comme je l'ai dit, nous allons poursuivre notre étude.
Je tiens à remercier nos témoins d'être des nôtres ce matin. Nous recevons Larry McKinney, directeur exécutif du Harte Research Institute for Gulf of Mexico Studies, de la Texas A&M University à Corpus Christi. Merci de vous être déplacé pour être parmi nous aujourd'hui — c'est une bonne distance, je dois dire. En passant, bienvenue dans l'hiver canadien.
Oui, comme M. Liepert le signale, il ne fait pas trop froid.
Nous accueillons Paul Lansbergen, président du Conseil canadien des pêches.
Nous recevons également, par vidéoconférence, Sabine Jessen, conseillère nationale du Programme des océans de la Société pour la nature et les parcs du Canada. Elle se joint à nous depuis Washington, D.C.
Merci d'être là, madame Jessen. D'abord, pouvez-vous nous entendre?
Bien. Nous pouvons vous entendre, nous aussi.
Normalement, chaque organisation dispose de 10 minutes pour faire un exposé. Évidemment, vous n'avez pas besoin d'utiliser tout votre temps de parole. Ensuite, nous passerons à la période des questions, avec des interventions de chaque parti — le parti au pouvoir, l'opposition officielle et le Nouveau Parti démocratique.
Monsieur McKinney, nous allons commencer par vous. Êtes-vous titulaire d'un doctorat, par hasard?
Je vous remercie.
Je tiens d'abord à présenter mes excuses à l'interprète. Je suis un Texan qui parle vite, avec un accent, d'autant plus que mon temps de parole est limité. Je vais essayer de faire de mon mieux.
Je vous remercie de l'honneur que vous me faites en m'invitant à témoigner sur cet important sujet: les aires marines protégées, ou AMP comme on dit couramment.
Au cours de mes 50 années de carrière, j'ai abondamment travaillé sur ce dossier. En effet, j'ai consacré la moitié de ma carrière à la gestion des ressources et l'autre moitié à la recherche universitaire, notamment dans le domaine des aires marines protégées, et j'en ai acquis une perspective unique. Dans le peu de temps qui m'est alloué, je compte vous faire part de certains constats que j'ai faits dans l'espoir qu'ils pourront éclairer les futures mesures d'aménagement et de gestion des AMP au Canada. Je suis à la fois honoré et touché de témoigner devant vous aujourd'hui. J'ai d'abord été tenté de décliner poliment votre invitation, car je ne voyais pas quelle contribution un biologiste de la vie marine du Texas avait à apporter à l'un des plus grands pays maritimes du monde, un pays reconnu pour la qualité de son régime de gestion et de conservation des océans. Il est vrai que je possède une certaine expérience de la question en ce qui a trait au golfe du Mexique et ses environs, mais cela me semble bien loin de ce qui se passe ici, et pas qu'en matière de distance.
Lorsque j'étais gestionnaire des pêches à l'Agence des parcs et de la faune du Texas, la TPWD, qui est l'un des plus grands organismes de conservation non fédéraux, j'ai créé des douzaines d'AMP. La plupart, mais pas toutes, visaient à protéger des aires de croissance pour des espèces commerciales. J'ai mis en place un réseau d'AMP désignées comme zones de recherche scientifique d'État ayant pour objectif principal de protéger des habitats particuliers. J'ai également établi l'une des AMP les plus controversées à avoir été proposées au Texas. Même si je n'ai jamais créé une AMP interdisant la pêche récréative, j'en ai créé une où l'utilisation d'embarcations à propulsion était interdite. Au Texas, seule la question du contrôle des armes à feu suscite peut-être plus de controverse. J'y suis parvenu grâce au processus que j'avais mis en place lorsque je travaillais à la TPWD, que j'ai qualifié de « réglementation adaptative » par égard au principe de la gestion adaptative sur lequel j'ai modelé ma démarche.
Ce processus partait du principe voulant qu'il soit inconcevable de ne pas agir, qu'il faille constituer un règlement selon les meilleures données disponibles et que celui-ci doive être assorti d'objectifs explicites et clairement définis. Ce processus comprenait la réalisation d'un examen approfondi et continu destiné à assurer un suivi régulier des mesures convenues, ainsi que la consultation des parties intéressées, l'examen du règlement par la Commission en temps opportun et une disposition de temporisation exigeant de la Commission qu'elle prenne des mesures concrètes pour le maintien de l'AMP. En fin de compte, nous avons pu procéder à la temporisation de cette AMP parce que l'Assemblée législative de l'État a adopté une loi en s'appuyant sur les leçons que ce processus nous avait enseignées. Cette loi protège maintenant plusieurs millions d'acres d'herbiers au Texas.
Cette aventure nous a appris deux importantes leçons. D'abord, nous avons mis au point un modèle de création et de gestion d'AMP qui a été accepté à la fois par les intervenants en environnement et par les intervenants des pêches. Nous nous sommes assurés que l'industrie de la pêche, tant locale que nationale, était régulièrement consultée, ce qui nous a valu un vaste soutien politique. Ensuite, grâce à la confiance que nous avions ainsi gagnée, nous avons obtenu le soutien des pêcheurs à la ligne et de l'industrie pour faire adopter la loi, la première du genre à être promulguée dans le golfe du Mexique, dans le but de protéger de vastes zones d'habitat marin. Cela n'aurait pas été possible sans le large soutien des intervenants.
Les événements survenus en Californie, à commencer par la promulgation de la Loi sur la protection de la vie marine de 1999, ont presque enrayé toute nouvelle démarche d'aménagement d'AMP au Texas. La controverse entourant l'aménagement et la mise en oeuvre subséquente d'AMP au titre de cette loi a fait en sorte que les gestionnaires des pêches, moi y compris, ont perdu l'usage de cet outil. Cette controverse a enflammé la colère des pêcheurs commerciaux et sportifs qui ont vivement réagi parce qu'on les avait exclus de ce processus et que, selon bon nombre d'entre eux, on les avait bernés dans ce dossier.
Les AMP peuvent être un excellent outil de gestion, mais si on les utilise dans une visée particulière — pour éliminer une pêche, par exemple —, au lieu de s'en servir comme d'un outil de gestion à caractère scientifique, les conséquences négatives peuvent se faire sentir pendant des années. En gestion des pêches, la création d'une AMP sert parfois un objectif évident, comme celui de protéger des lieux de frai et des aires de croissance. La plupart du temps, c'est à ces fins que j'ai utilisé cette désignation. Cependant, pour qu'une AMP constitue un outil de gestion efficace des pêches, d'autres subtilités de la biologie et de l'écologie des pêches exigent une évaluation plus approfondie et l'établissement d'objectifs clairs. Le temps nous manque pour débattre de l'efficacité des AMP en tant que stratégie de gestion des divers aspects des pêches, mais j'aimerais néanmoins citer une étude relativement récente, évaluée par les pairs, qui a été publiée en 2014 par Buxton et ses collaborateurs pour illustrer mon propos.
Ces chercheurs ont étudié le concept voulant que le débordement de poissons des réserves marines soit favorable pour la pêche. En effet, l'interdiction de pêche dans une zone donnée entraînerait la production d'un excédent de poissons qui gagneraient les zones adjacentes, ce qui améliorerait les pêches autour de l'AMP. Il s'agit d'une valeur largement reconnue des AMP sans prélèvement. Ces chercheurs ont conclu que les bienfaits de ce débordement ne sont décelables que lorsque les stocks sont largement épuisés, bien souvent en l'absence de mesures classiques de contrôle des pêches. Ils ont en outre conclu que les réserves situées sur des territoires où les pêches font l'objet d'une saine gestion sont peu susceptibles de produire des retombées nettes attribuables au débordement. Or, je crois que l'on peut qualifier de « saine » la gestion des pêches au Canada.
J'ai constaté que les pratiques habituelles de gestion des pêches permettent d'atteindre presque n'importe quel objectif de gestion des pêches à l'intérieur d'une AMP, à moins que l'objectif soit simplement de mettre fin à la pêche récréative. Cette constatation concorde avec l'énoncé de politique sur les aires marines protégées de l'Association internationale des agences du poisson et de la faune sauvage, qui plaide fortement en faveur d'un processus ouvert et transparent faisant du modèle de conservation de l'Amérique du Nord son principe directeur. Cette politique recommande fortement qu'au moment d'aménager une AMP, la gestion des pêches soit laissée aux soins d'experts. Tous les organismes responsables de la gestion des ressources dans les provinces canadiennes sont membres de l'Association.
Je décèle bon nombre de ces principes, sous forme résumée, dans la stratégie et les documents de fond concernant les AMP du Canada et je recommande vivement qu'ils soient respectés. Ces principes, tout comme la politique de l'Association, reconnaissent qu'il est possible d'établir des AMP efficaces sans restreindre la pêche récréative ayant une faible incidence et que la collaboration avec les pêcheurs à la ligne et les acteurs de l'industrie crée d'ardents défendeurs tout disposés à soutenir les mesures de conservation.
Après avoir pris ma retraite de la TPWD, j'ai accepté le poste de directeur administratif au Harte Research Institute for Gulf of Mexico Studies. Le HRI fait partie de la Texas A&M University-Corpus Christi, située à l'embouchure de la Laguna Madre, sur la côte Sud du Texas. Le HRI et moi-même travaillons activement à l'aménagement d'AMP, et nous utilisons le modèle Harte en matière de recherche multidisciplinaire pour trouver des solutions scientifiques aux problèmes observés dans le golfe du Mexique. Nous estimons que les personnes font partie de l'environnement et que pour être efficaces et durables, les solutions aux problèmes environnementaux doivent faire appel aux personnes. Or, pour ce qui est des AMP, notre capacité à départager les sciences des politiques est compromise par la controverse qui entoure maintenant ces questions.
J'espère que le Canada pourra éviter les faux pas que nous avons commis aux États-Unis — pour notre plus grande perte, si vous voulez mon avis. La conservation du milieu marin ne devrait pas être une source de discorde. Les pêcheurs sportifs ont à coeur la conservation des océans et ils donneront leur appui même à des mesures qu'ils estiment leur être défavorables. Il suffit de leur présenter des arguments convaincants et un processus cohérent et transparent. Si le temps me l'avait permis, j'aurais pu donner de nombreux exemples pour illustrer mon propos. J'ai d'ailleurs présenté plusieurs d'entre eux récemment, soit le 24 octobre 2017, lorsque j'ai témoigné devant le Congrès américain au sujet de l'avenir de la pêche récréative dans notre pays.
Pour conclure, j'aimerais soumettre quatre recommandations à votre attention.
Premièrement, je vous recommande vivement d'intégrer les principes de l'énoncé de politique sur les aires marines protégées de l'Association internationale des agences du poisson et de la faune sauvage à vos processus d'aménagement de mise en oeuvre d'AMP. Ces principes représentent la somme de la sagesse et de l'expérience de certains experts de la conservation parmi les plus éminents, dont des experts du Canada.
Deuxièmement, si la création d'une AMP avec interdiction de pêche récréative est proposée, il convient d'en étudier attentivement le mérite scientifique au moyen d'un examen par les pairs qui en garantira l'impartialité. Le cas récent des décisions guidées par des intérêts en vue de créer des AMP sans prélèvement nous enseigne que cet examen est nécessaire pour réduire la possibilité de controverse entourant une mesure de conservation grandement nécessaire.
Troisièmement, la plupart des questions touchant les pêches à l'intérieur des AMP peuvent être réglées à l'aide des outils de gestion et des stratégies d'application en place. Comme j'ai pu le constater, 80 à 90 % des pêcheurs à la ligne suivront les règles sans protester s'ils en connaissent la nature et l'objectif.
Enfin, assurez-vous que votre démarche de création d'AMP prévoit un processus de consultation défini et sérieux permettant aux pêcheurs sportifs et aux acteurs de l'industrie de donner leur avis sur la question. Vous verrez qu'ils seront vos meilleurs alliés pour ce qui est de la conservation. Si vous leur donnez la chance de participer à un processus transparent et d'influer sur ce processus, ils feront tous les sacrifices voulus pour que cette entreprise soit couronnée de succès.
Je vous remercie infiniment de m'avoir invité à témoigner devant vous.
Je vous ai remis, en annexe à mon mémoire, une copie des documents auxquels j'ai fait allusion. Je serai certainement heureux de répondre aux questions à mesure que le dossier progressera.
Merci encore, monsieur le président.
Merci, monsieur McKinney. Nous vous en sommes reconnaissants.
Passons maintenant à M. Lansbergen; vous disposez d'au plus 10 minutes.
J'en ai pour moins de 10 minutes.
Merci de me donner l'occasion de témoigner devant vous ce matin. Il s'agit d'une étude importante qui permettra de déterminer l'orientation future du Canada pour l'établissement d'aires marines protégées ainsi que l'élargissement de son réseau d'AMP.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais me présenter brièvement. Je travaille au Conseil des pêches depuis peu et je suis un nouveau venu dans le secteur. J'ai commencé à la fin de novembre, après 15 ans de carrière dans l'industrie forestière. Depuis le peu de temps que j'oeuvre dans le secteur des pêches, j'ai tout de même remarqué des similarités avec l'industrie forestière.
La durabilité est primordiale pour les deux secteurs et, dans les deux cas, le Canada est un chef de file mondial, à bien des égards, en ce qui concerne la certification de la durabilité par une tierce partie.
La différence la plus évidente, ou ce qui vient compliquer les choses dans le secteur des pêches, c'est que les poissons se déplacent, contrairement aux arbres. Comme vous pouvez le deviner à partir de cette observation très technique, et dans le contexte des témoignages de mes deux collègues, je dois préciser que j'ai une formation en économie, et non en sciences.
J'ai d'ailleurs remis un mémoire à la greffière. Je suis désolé de ne pas l'avoir terminé à temps pour que ce soit traduit par notre organisme ou par les traducteurs du Comité, mais sachez que le document est déposé si vous voulez y jeter un coup d'oeil pour plus d'information.
Le Conseil canadien des pêches est le porte-parole du secteur des pêches depuis 1915. Ses membres sont répartis dans tout le pays, sur les trois côtes, et leurs activités englobent aussi les eaux intérieures. On y trouve des entreprises de toutes les tailles — petites, moyennes ou grandes —, ainsi que des entreprises autochtones. Elles s'occupent de la transformation du poisson, et certaines d'entre elles font aussi de la pêche.
La préoccupation première du secteur des pêches tient à la façon dont le Canada établit un équilibre entre la volonté de conservation et les avantages socioéconomiques que nous tirons de notre précieux écosystème océanique et de nos ressources halieutiques. Lorsque nous discutons de cette question, nous ne devons pas oublier que le Canada aide à nourrir la population mondiale et à répondre à la demande d'aliments à haute teneur en protéines, et le poisson en est une source viable.
Les recommandations que je souhaite faire au nom du Conseil canadien des pêches reconnaissent et appuient les éléments existants des processus destinés à établir des AMP et à élargir leur réseau. Toutefois, nos recommandations visent surtout à améliorer les efforts déployés pour trouver le juste milieu entre la conservation des aires marines et les avantages socioéconomiques.
Il sera de plus en plus difficile d'atteindre cet équilibre à l'avenir, et cela nécessitera des efforts accrus de la part de toutes les parties: du gouvernement, de l'industrie et des autres intervenants.
Ma première recommandation est de prendre des décisions fondées sur des données scientifiques, qui reconnaissent le rôle du secteur des pêches dans la gestion durable des pêches et sa contribution à la santé de l'écosystème océanique. Comme vous le savez bien, l'approche du ministère des Pêches et des Océans en matière de gestion durable et responsable des pêches repose sur des données scientifiques. Le ministère applique une approche de précaution, qui tient compte des questions liées à l'écosystème et qui est basée sur le risque.
Par ailleurs, je le répète, le Canada est un chef de file mondial pour ce qui est d'adopter la certification, par une tierce partie, de la gestion durable des pêches. Nous utilisons la norme du Marine Stewardship Council, qui est le modèle par excellence ou la norme principale. En 2014 , même si cela peut sembler un peu désuet, les deux tiers des prises canadiennes provenaient de pratiques de pêche certifiées par le MSC. Cela représente presque tous les stocks importants et environ 80 % des aliments produits par notre industrie des pêches.
Si nous tenons compte du contexte mondial, où seulement environ 10 % des pêches sont certifiées, nous avons là de quoi être fiers. J'aimerais donc que vous nous considériez comme des partenaires en matière de conservation, et non comme des adversaires.
Ma deuxième recommandation est d'intégrer les considérations socioéconomiques, ce qui reconnaît l'importance économique de notre secteur et de nos utilisateurs. L'industrie canadienne des fruits de mer crée environ 80 000 emplois directs, surtout dans les collectivités côtières et rurales, et elle représente près de 7 milliards de dollars en exportations. L'industrie compte une forte présence au Canada atlantique et au Québec, suivis de la Colombie-Britannique, du Nunavut et de certaines régions de pêche en eau douce au Manitoba et dans les Grands Lacs. Nos membres sont souvent d'importants employeurs au sein de leurs collectivités, car ils fournissent des emplois et créent une base économique pour d'autres entreprises locales.
Sur le plan mondial, l'OCDE considère l'océan comme une nouvelle frontière économique. Le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture souscrit à cette affirmation, en citant l'OCDE dans son rapport de juin 2017 sur le réseau d'aires marines protégées du Canada. Dominic Barton, le conseiller du ministre des Finances, croit également que le secteur agroalimentaire peut être une source de croissance économique considérable pour le Canada, et l'industrie du poisson et des fruits de mer fait partie de cette possibilité de croissance. Là où les choses se corsent, c'est lorsqu'une pêche particulière est touchée par une AMP. Les répercussions sur les exploitants, qu'il s'agisse de pêcheurs indépendants ou d'entreprises de pêche extracôtière, se font ressentir très rapidement, et il est important de trouver une solution gagnante pour tout le monde.
Notre troisième recommandation est d'adopter une approche souple pour sélectionner le bon outil de conservation selon la situation, que ce soit en vertu de la Loi sur les océans, de la Loi sur les pêches ou de tout autre pouvoir. Il faut une approche souple pour répondre aux divers objectifs de conservation et de protection, tout en permettant une utilisation durable. Même si les AMP peuvent jouer un rôle dans la protection des caractéristiques uniques ou des concentrations élevées de coraux et d'éponges sédentaires ou des zones de biodiversité marine représentative, les données scientifiques les plus récentes révèlent — et je crois que M. McKinney en a parlé — que les AMP peuvent être un instrument mal affûté. Dans le domaine de la conservation et de la gestion des espèces commerciales, nous avons des techniques et des outils plus efficaces pour la gestion des pêches, comme la modification de la configuration des engins de pêche, les rajustements saisonniers, les fermetures temporaires par rotation ou à long terme, ou d'autres moyens. Nous pouvons envisager de nombreuses solutions.
Je devrais aussi mentionner que le Conseil canadien des pêches appuie les efforts du Canada dans les discussions internationales pour permettre une plus grande marge de manoeuvre quand vient le temps de déterminer quelles mesures de conservation du milieu marin sont reconnues dans nos engagements internationaux. Comme je l'ai dit, nous recommandons l'utilisation de la meilleure mesure, qu'elle soit ou non reconnue au regard de nos engagements internationaux.
Je vais terminer là-dessus, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci.
Merci, monsieur Lansbergen. Je vous en suis très reconnaissant.
Nous passons maintenant à Mme Jessen, qui se joint à nous depuis Washington D.C. Êtes-vous titulaire d'un doctorat?
Je cède donc la parole à Mme Jessen, future titulaire de doctorat...
Une voix: Ah, ah!
Le président: ... pour lui permettre de faire son exposé en 10 minutes ou moins.
Merci beaucoup.
Merci, et bonjour à tous.
Je suis vraiment heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour représenter la Société pour la nature et les parcs du Canada, communément appelée la SNAP. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance national qui se consacre à la conservation et qui compte 13 sections réparties dans tout le pays et un bureau national à Ottawa. Nous travaillons depuis plus de 50 ans à conserver les terres publiques et les océans du Canada, en utilisant les meilleures données scientifiques disponibles afin de protéger les zones importantes sur le plan écologique pour les générations à venir.
Nous avons appuyé l'établissement de nombreuses AMP au Canada, notamment l'archipel Gwaii Haanas, les récifs d'éponges siliceuses du détroit d'Hécate et du bassin de la Reine-Charlotte et le banc de Sainte-Anne. Nous avons également contribué à l'adoption de la Loi sur les aires marines nationales de conservation. Il y a certes de quoi célébrer ces réussites, mais nous continuons également à défendre la protection efficace d'autres sites, comme le chenal Laurentien, les îles Scott et le sud du détroit de Georgia. Ainsi, nous collaborons avec les collectivités, les peuples autochtones, les scientifiques, les décideurs et d'autres intervenants pour trouver des solutions fondées sur des données scientifiques et pratiquer un militantisme respectueux.
Nos 13 sections font partie intégrante de leurs collectivités locales. Nous assistons aux activités communautaires. Nous travaillons avec des bénévoles communautaires passionnés pour informer la population et l'amener à participer aux processus de planification et de conception des AMP. Nous nous efforçons de donner une voix à la population en offrant une tribune aux Canadiens afin qu'ils puissent faire part de leurs opinions aux décideurs.
Pour ma part, je travaille sur les AMP depuis plus de 30 ans en participant à tous les aspects de leur établissement — de la sélection des sites possibles jusqu'à l'élaboration de plans de gestion définitifs, en passant par le soutien à la surveillance et à l'application des restrictions liées aux sites établis. J'ai représenté le secteur de la conservation au sein de nombreux comités consultatifs pour des sites précis, en plus de collaborer sur une gamme de questions de politique sur les océans.
Les AMP constituent un outil de conservation marine qui a fait ses preuves. Selon la Convention sur la diversité biologique et l'Union internationale pour la conservation de la nature, ou UICN, les AMP assurent la conservation in situ de la biodiversité. Une foule de preuves scientifiques démontrent que les AMP qui sont rigoureusement protégées favorisent la préservation des espèces vulnérables, le rétablissement et la reconstruction des écosystèmes et des populations ainsi que la production de communautés plus abondantes et plus variées de poissons et d'autres espèces marines. Elles peuvent également procurer des avantages pour la pêche, mais seulement si elles sont bien gérées et rigoureusement protégées.
Selon une récente analyse mondiale menée par M. Graham Edgar, les AMP les plus efficaces sont celles qui bénéficient d'une protection intégrale, c'est-à-dire des zones sans prélèvement qui sont bien contrôlées, de grande taille, arrivées à maturité et isolées. Or, les auteurs ont constaté que 59 % des AMP à l'étude ne possédaient qu'une ou deux de ces caractéristiques et qu'elles ne présentaient aucune différence sur le plan de la biomasse ou de la diversité par rapport aux zones de pêche. De nombreuses études révèlent que les zones partiellement protégées n'offrent que des avantages limités. Elles pourraient aider à prévenir la dégradation future des écosystèmes marins, mais elles sont peu susceptibles d'appuyer le rétablissement des populations.
La SNAP s'est également penchée sur les AMP du Canada, et elle a constaté que moins de 0,1 % du territoire océanique canadien est entièrement protégé. Voilà qui compromet la capacité des océans de fournir les avantages écologiques et économiques que nous recherchons.
Même s'il y a de plus en plus de données scientifiques sur les pratiques exemplaires pour la conception et la gestion des AMP, il n'existe actuellement aucune norme de protection en la matière au Canada. Les niveaux de protection peuvent varier considérablement, allant des zones exemptes de prélèvement pleinement protégées aux zones partiellement protégées à usages multiples, jusqu'aux « parcs sur papier » où il n'y a aucune ou presque aucune réglementation des activités.
Je me trouve en ce moment à Washington, DC, pour travailler avec l'UICN à l'élaboration d'une série de normes internationales pour les AMP, normes qui seront présentées aux pays membres de l'UICN, dont le Canada, ainsi qu'à la Convention sur la diversité biologique.
L'absence de normes de protection pour les AMP au Canada est un obstacle considérable à leur conception et à leur efficacité. En effet, on doit négocier chaque activité pour chaque AMP, même si l'activité pourrait aller directement à l'encontre des objectifs de conservation de l'AMP. Cette situation a nui au processus de consultation, qui traîne en longueur. Cela a également multiplié les conflits et entraîné de très longs processus de désignation pour les AMP au Canada.
Nous appuyons les recommandations formulées par plusieurs scientifiques et protecteurs de l'environnement qui ont témoigné devant vous et qui ont réclamé des normes de protection pour les AMP. Comme je l'ai dit, les mesures de protection pour les AMP du Canada varient considérablement. Par exemple, le banc de Sainte-Anne est visé par des mesures qui protègent entièrement les écosystèmes contre la pêche sur plus de 75 % de la superficie, et les activités pétrolières et gazières sont interdites dans l'ensemble de la zone. Toutefois, dans l'AMP du chenal Laurentien, la proposition actuelle veut que les activités pétrolières et gazières soient autorisées sur 80 % de la superficie.
Comme on l'a mentionné, les études scientifiques confirment clairement qu'une AMP mal protégée n'aboutira pas à des gains en matière de conservation ou à des retombées économiques. En nous appuyant sur les éléments de preuve, nous estimons que les normes de protection devraient interdire le chalutage par le fond, les activités gazières et pétrolières, ainsi que l'exploitation minière en haute mer. Toutes les AMP devraient être gérées selon le principe de l'intégrité écologique et inclure obligatoirement de vastes zones sans prélèvement.
Au cours de la dernière année, nous avons vu le gouvernement déployer des efforts considérables pour atteindre ses objectifs en matière de conservation du milieu marin, notamment en présentant le projet de loi C-55 qui propose des modifications à la Loi sur les océans en vue d'assurer une protection provisoire des sites durant le processus d'examen. Sans ces mesures, certaines activités nuisibles continuent de détériorer les écosystèmes pendant l'aménagement d'une AMP. Il est vrai qu'un gel de l'empreinte pourrait prévenir les dommages causés par de nouvelles activités, mais cela n'empêchera pas les dommages causés par les activités en cours, même lorsqu'il a été prouvé scientifiquement que ces activités présentent des risques considérables pour les valeurs écologiques connues. Par exemple, durant le processus de désignation de l'AMP des récifs d'éponges siliceuses en Colombie-Britannique, les scientifiques ont observé une augmentation des dommages dus aux engins de pêche mobiles qui entrent en contact avec le fond, comme les casiers à crevettes et les palangres flottantes. Les récifs datent de plusieurs milliers d'années, et ils pourraient mettre des centaines d'années à se rétablir des dommages qu'ils subissent, si tant est qu'ils se rétablissent. On savait que les récifs d'éponges siliceuses étaient en danger pendant 15 ans avant qu'ils soient désignés comme une AMP. Plus le processus de consultation sur une AMP est long, plus les espèces et les écosystèmes demeurent menacés.
Au cours de la dernière décennie, nous avons constaté une volonté mondiale d'établir des AMP. Des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis, le Mexique, le Chili et les Palaos ont créé de vastes AMP efficaces. Après des années de lents progrès, le Canada se dépêche de rattraper son retard afin d'atteindre les objectifs internationaux, alors qu'il tire de l'arrière par rapport à beaucoup de pays au chapitre de la superficie des AMP. En effet, la plupart de nos AMP sont de petite taille, et les normes de protection actuelles sont faibles.
Ces deux dernières années, le Canada a augmenté la superficie protégée, dont le pourcentage est passé de 1 à 7 %, selon les données du ministère des Pêches et des Océans. Soulignons toutefois que ce chiffre comprend également bon nombre des fermetures de pêches en vigueur et celles récemment annoncées comme « autres mesures », au lieu d'être désignées comme des AMP, et que moins de 1 % de ces zones bénéficient d'une protection intégrale sans prélèvement. Il ne faut pas oublier que même si nous protégeons 10 % des océans du Canada contre toute activité d'extraction, il reste que 90 % du territoire océanique demeure ouvert à l'exploitation commerciale. Par conséquent, pour remédier à la situation, il faut changer considérablement le rythme d'intervention et les normes du Canada si nous tenons à protéger nos écosystèmes océaniques et à préserver des espèces comme les épaulards résidents du Sud sur la côte de la Colombie-Britannique et les baleines noires de l'Atlantique Nord qui dépendent d'écosystèmes sains.
Les modifications proposées par le gouvernement à la Loi sur les océans constituent un bon point de départ, et nous sommes heureux que votre comité ait ajouté l'« intégrité écologique » comme critère pour l'établissement des AMP. Après avoir demandé ces améliorations pendant des années, la SNAP est heureuse de voir que des protections provisoires et des mesures ont également été prévues pour appuyer l'interdiction d'activités pétrolières et gazières. De plus, nous nous réjouissons que le ministre LeBlanc ait annoncé son intention d'établir un groupe consultatif ministériel sur les normes de protection pour les AMP.
Nous commençons à peine à rattraper la communauté internationale. Le Canada aura bientôt l'occasion de faire preuve de leadership mondial dans le domaine de la conservation des océans lors de sa présidence du G7. Nous exhortons le gouvernement à encourager les pays du G7 à adopter la résolution de l'UICN adoptée en 2016 par 100 pays au Congrès mondial de la conservation à Hawaii, résolution qui demande la protection de 30 % des territoires océaniques d'ici 2030. Une telle mesure serait sensée non seulement sur le plan écologique, mais aussi sur le plan économique. Dans son rapport sur l'économie, la gestion et les politiques concernant les AMP, l'OCDE cite une récente étude mondiale menée par Brander et ses collaborateurs, publiée en 2015; selon leurs calculs, les retombées totales des services écosystémiques d'une couverture de 10 % par des AMP se situent entre 600 et 900 milliards de dollars américains. L'étude révèle également que, lorsqu'on fait passer l'étendue des zones sans prélèvement à 10 % et à 30 %, les avantages sont supérieurs aux coûts.
En apportant des améliorations aux lois canadiennes régissant les AMP, en prenant des mesures de protection plus rigoureuses et en augmentant le nombre de zones protégées, nous pouvons faire en sorte que le Canada soit un chef de file international et que les Canadiens profitent des avantages offerts par des océans sains et productifs pendant des générations à venir.
Merci encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Merci, madame. Nous vous en sommes reconnaissants. Madame Jessen, nous reviendrons à vous durant la période des questions.
À titre d'explication pour nos témoins, dans la série de questions à venir, chaque parti aura l'occasion d'intervenir. Au début, les premières interventions seront chacune de sept minutes.
Comme vous le savez, un de nos témoins se joint à nous par vidéoconférence. Je rappelle à mes collègues que s'ils veulent poser des questions à Mme Jessen, ils devraient commencer par dire son nom afin qu'elle sache qu'on lui parle parce que cela peut créer parfois une certaine confusion.
Avant de commencer, je tiens à transmettre publiquement nos voeux de prompt rétablissement à notre cher collègue, M. Todd Doherty, qui est hospitalisé en ce moment à la suite d'une chirurgie. Ce qu'on avait découvert au début de son opération à la vésicule biliaire s'est révélé bien plus grave, si vous avez suivi l'actualité. Je vais simplement lire une citation d'un article de la CBC, où il dit: « On ne peut pas aider les autres si on n'est pas en bonne santé. » Je crois que c'est un bon conseil, non seulement pour les politiciens, mais pour tout le monde.
Todd, nous vous souhaitons la meilleure des chances, et nous vous reverrons bientôt, c'est sûr. Merci aussi pour ces sages paroles.
Cela dit, nous recevons également M. Liepert comme remplaçant; il représente la circonscription de Calgary Signal Hill. Est-ce exact?
J'en suis sûr; c'est dans toutes les assiettes, dans tous les restaurants.
M. Lansbergen a soulevé un bon point lorsqu'il a parlé de la différence entre les forêts et les poissons. Je peux dire en toute honnêteté, ayant moi-même travaillé sur la gestion des pêches ou des dossiers semblables pendant de longues années, qu'on n'aurait aucune difficulté à gérer les poissons si seulement ils pouvaient arrêter de se déplacer. Ce serait beaucoup mieux, n'est-ce pas?
Je cède maintenant la parole à Mme Jordan pour commencer; vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Monsieur McKinney, merci beaucoup de votre exposé fort intéressant. Dans votre témoignage, vous avez dit avoir créé des douzaines d'AMP, surtout pour protéger des aires de croissance et des espèces commerciales. Pratiquait-on la pêche commerciale dans ces zones? Vous avez surtout parlé des pêcheurs à la ligne et de la pêche sportive. Un des problèmes auxquels nous faisons face en ce qui concerne les AMP, c'est le nombre de pêcheurs commerciaux qui seront touchés. Avez-vous dû tenir compte de la pêche commerciale, en plus de la pêche à la ligne et de la pêche sportive, ou s'agissait-il uniquement de la pêche sportive?
Non, les aires de croissance étaient avant tout pour les espèces commerciales. Dans notre État, l'industrie de la crevette occupe une grande place, et il y a en a deux types: la pêche côtière qui se fait dans nos baies et nos estuaires, et la pêche extracôtière, c'est-à-dire là où les crevettes vont lorsqu'elles deviennent adultes. Le problème avec la pêche côtière, c'est que les pêcheurs sont très surcapitalisés et qu'ils doivent pêcher partout où cela est possible et tendent leurs filets partout où ils le peuvent. C'est pour cette raison qu'ils capturaient des crevettes de très petite taille issues des aires de croissance, mais incapables de se rendre en haute mer.
Nous avons donc mené une étude qui a duré environ cinq ans afin de comprendre où se trouvaient les plus importantes aires de croissance. En fin de compte, nous les avons toutes fermées et réaménagées. Nous avons un programme permanent de surveillance. Nous avons l'un des meilleurs programmes de surveillance au monde, avec 30 ans de données en continu. Maintenant, nous en sommes plutôt à quelque chose comme 45 ans, et nous avons été en mesure de déceler des changements très rapides sur une période d'un an concernant les populations de ces aires de croissance, ce qui nous a permis d'ajuster la superficie de ces aires.
Veuillez me pardonner cette longue réponse.
Ne vous inquiétez pas, c'était très bien. Merci.
Je ne sais pas si vos aires marines protégées sont aménagées comme les nôtres. Sont-elles permanentes? Font-elles l'objet d'un examen périodique au bout de quelques années afin d'établir si elles peuvent être rouvertes? Leur fermeture est-elle plutôt catégorique et définitive?
Non, toutes nos aires marines protégées sont sujettes à caducité et leur statut doit éventuellement être réaffirmé. La période de sursis est habituellement de cinq ans. Nous avons eu une AMP qui a joui d'une protection qui s'est étirée sur 10 ans. Nous veillons en cela à ce que le personnel de l'Agence puisse faire son travail, qu'il puisse recueillir des données sur une base régulière afin de prouver que la protection est toujours nécessaire.
Oui, il y en a eu deux. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, l'une d'elles est une AMP que nous avons créée à cause des embarcations à moteur qui passaient avec leurs hélices sur les zones herbeuses de faible profondeur — la majorité de nos eaux sont peu profondes —, créant des traces qui menaçaient d'éroder ces fonds. En voilà une que nous avons mise en place, et en dedans de cinq ans, les autorités étaient convaincues que cela allait fonctionner, que la mesure était efficace. Ils ont donc décidé d'appliquer cette loi à l'ensemble de l'État. Nous avons par conséquent pu laisser aller progressivement ce statut d'AMP, puisque la protection qui lui était propre s'appliquait désormais à l'ensemble de notre État, qui couvre sept millions d'acres.
Merci. J'ai une dernière question à vous poser.
Nous reconnaissons tous la valeur de la pêche récréative et de la pêche commerciale. Votre processus est-il venu de la base? Est-ce que ce sont les pêcheurs qui sont venus vous voir pour vous dire qu'il était temps de commencer à protéger ces zones, ou si l'impulsion est venue d'en haut? Nous avons entendu divers témoignages à l'échelle du pays à propos de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas, et nous avons remarqué que lorsque le mouvement pro-protection vient de la base, les collectivités semblent beaucoup mieux disposées à accepter les changements nécessaires. Je voulais simplement savoir si c'est aussi ce que vous avez constaté.
Oui, dans une certaine mesure. C'est un mélange de tout cela. Chaque année, notre programme, notre division des pêches, passe en revue toutes les données scientifiques que nous recueillons sur une base régulière et fait différentes propositions, certaines pour la création d'AMP, d'autres pour réglementer la pêche. Ensuite, nous nous astreignons à un processus complexe en vertu duquel les parties prenantes sont invitées à examiner ces propositions et à proposer des modifications pour certaines règles. À la fin du processus, les propositions retenues sont un amalgame de ce que notre personnel scientifique a mis de l'avant et de ce que la collectivité nous a signalé.
Il y a un peu des deux.
Merci.
Monsieur Lansbergen, soyez le bienvenu. Je vous félicite pour votre nouvel emploi; vous aviez l'habitude d'être au Comité de l’agriculture et des forêts et vous voilà à celui des pêches.
C'est toujours important de travailler pour les ressources naturelles.
Vous avez parlé abondamment de la viabilité des pêches. Au cours des derniers mois, nous avons entendu divers témoignages affirmant que la viabilité n'est pas un objectif suffisant. Ce n'est pas suffisant de chercher à garder quelque chose au même point; il faut viser la croissance. À quoi des pêches viables devraient-elles ressembler?
C'est une bonne question. Je ne suis pas tout à fait certain de savoir quoi répondre pour l'instant. Comme vous l'avez dit, chacun a sa propre idée là-dessus. Pour nous et, assurément, pour le secteur des pêches, il s'agit de s'assurer que nous n'abîmons pas les stocks de poissons, que les stocks sont viables. Les stocks doivent être au moins stables, voire augmenter.
Je crois que ce qui compte encore plus, c'est la façon de faire. Nous procédons conformément aux règles et règlements du ministère des Pêches et des Océans ainsi qu'en fonction de notre propre obligation morale de ne pas endommager les océans et de les laisser à nos enfants dans un meilleur état qu'ils ne le sont aujourd'hui. La façon d'y arriver constitue toujours un défi. Il est très facile d'évoquer des exemples passés où nous avons fait fausse route, mais il est très difficile de s'assurer que nous ne commettrons pas les mêmes erreurs pour la suite des choses.
Du reste, si je me fie à mon expérience dans l'industrie forestière, nous pouvons toujours croire que nous faisons ce qu'il y a de mieux en fonction de la science et de l'information dont nous disposons, mais Dame Nature ne manquera pas de nous rappeler que c'est elle qui commande et qu'elle n'hésitera pas à changer la donne. C'est ce qui est difficile.
Merci.
Madame Jessen, j'aimerais m'adresser à vous pour un instant. Vous avez beaucoup parlé d'autres pays qui ont créé des aires marines protégées et qui ont connu beaucoup de succès à cet égard.
Des gens du Royaume-Uni — des professeurs — nous ont dit que le fait d'avoir des aires marines protégées était une très bonne chose, mais que la mise en application de cette protection n'était pas au rendez-vous. C'est un problème puisqu'il ne suffit pas de dire « voilà ce que nous avons fait et voilà vos limites ». Vous devez être en mesure de faire respecter ces limites, ces aires protégées.
Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet? Nous entendons parler de tous ces pays qui disent avoir fait quelque chose de formidable en atteignant les pourcentages cibles, mais peuvent-ils voir une différence à long terme si rien n'est fait pour veiller à ce que ces limites soient respectées, que ces aires soient bel et bien protégées?
Assurément, le contrôle de l'application des restrictions est un élément clé de la gestion à long terme des aires marines protégées. Il y a plusieurs aspects à cela et différentes façons de procéder. Je sais qu'en Australie, on fait des inspections à vol d'oiseau, et les bateaux de pêche sont désormais tenus de transporter une panoplie d'outils électroniques qui permettent de veiller à ce qu'ils n'entrent pas dans les AMP. L'avancement des technologies fait en sorte que nous disposons de plus en plus de moyens pour contrôler le respect des aires marines protégées.
Merci, monsieur le président.
J'ai parlé à M. Doherty. J'ai été en contact avec lui, dans une certaine mesure. Il se remet tranquillement, mais disons qu'il passe un moment difficile. Merci de le souligner.
J'aimerais d'abord m'adresser à M. McKinney et à M. Lansbergen. Si l'on compare les pêches canadiennes et nord-américaines, sont-elles mieux gérées qu'ailleurs dans le monde, notamment dans les pays en développement ou dans les pays sous-développés qui ne disposent peut-être pas du même régime de gestion que le nôtre? Les AMP sont-elles plus nécessaires ou plus efficaces dans ces régions où la gestion des pêches est moins serrée qu'ailleurs? J'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.
Vous m'en voyez ravi. Je vais commencer. La réponse simple est oui, absolument. Nous sommes chanceux — tant au Canada qu'aux États-Unis — d'avoir élaboré nos méthodes de gestion de la faune en nous basant sur le modèle nord-américain, un modèle qui s'est transformé au cours des 130 ou 140 dernières années.
J'ai étudié les pêches de partout dans le monde, et je peux vous dire que nos pêches sont parmi celles qui sont les mieux gérées. On n'a qu'à regarder ce que nous avons comme régime et toutes les ressources que nous affectons à cet égard pour voir que ce constat tient de l'évidence.
Cela est attribuable avant tout aux fondements de ce modèle, c'est-à-dire au fait que nous considérons les ressources halieutiques et la faune comme étant des ressources de fiducie publique qui doivent être gérées de manière scientifique et qui doivent être accessibles à tous. C'est comme pour n'importe quelle autre approche. Elle a eu ses hauts et ses bas au fil des ans, mais, sur le plan de la conservation, elle a donné lieu à certaines des victoires les plus significatives au monde.
D'une certaine façon, la protection resserrée est déjà là. Cette protection a-t-elle une incidence accrue sur les pays où la gestion est moins serrée qu'ici et où les pressions en matière de pêche sont moins axées sur des espèces particulières?
Absolument, et j'ai travaillé dans beaucoup de ces régions, notamment en Méso-Amérique, en Amérique du Sud et dans d'autres pays — et même au Mexique, dans une certaine mesure. Le problème, c'est qu'il n'y a pratiquement pas de moyens d'assurer l'application. Vous ne pouvez pas compter sur les outils de gestion habituels, alors c'est la façon la plus facile d'approcher la question, de faire seulement cela.
Dans des endroits comme ceux-là, où l'on pourrait déplorer l'absence de ce que nous appelons une « gestion classique des activités de pêche », cette protection peut effectivement s'avérer être un outil particulier et un outil utile.
Je vais insister sur la réputation qu'a notre gouvernement et le ministère des Pêches et des Océans, sur la gestion des pêches et sur les principes qui la sous-tendent, ainsi que sur notre feuille de route en matière d'accréditation de tierces parties. Encore une fois, si je me fie à mon expérience dans l'industrie forestière, l'accréditation de tierces parties fournit une illustration de notre façon de fonctionner, qui va bien au-delà de ce que prescrit la loi.
Dans le secteur de la pêche, le leadership dont nous avons fait montre en adoptant l'accréditation de tierces parties rend compte de notre succès. Sommes-nous parfaits? Non. Pouvons-nous faire mieux? Oui. Les AMP ont-elles un rôle à jouer pour assurer une meilleure protection de certains aspects de notre écosystème marin? Je dirais que oui. Le défi consiste à trouver l'équilibre entre la conservation et les avantages économiques que procure, en ce qui me concerne, le secteur de la pêche commerciale.
Merci.
Madame Jessen, vous avez fait mention des épaulards résidents du Sud dans le contexte des AMP. J'aimerais que vous me disiez si vous pensez qu'une AMP avec un périmètre linéaire pourrait aider à protéger une espèce qui circulerait en dedans et en dehors de ce périmètre.
Récemment, j'ai rencontré des intervenants qui s'intéressent de près à l'épaulard résident du Sud. Ils ont identifié des zones historiquement reconnues comme aires d’alimentation estivales pour cet épaulard, mais qui ont été bloquées. Au cours des deux dernières années, les épaulards ne s'y rendent plus parce que la nourriture n'est plus au rendez-vous.
Quel serait l'avantage de transformer cette zone en AMP?
Assurément, les ressources alimentaires de cette espèce doivent être protégées. Grâce aux recherches effectuées par les scientifiques qui étudient l'épaulard résident du Sud, nous connaissons maintenant l'habitat vital de cette espèce. Les scientifiques ont défini une région sur laquelle les baleines dépendent lorsqu'elles sont dans le détroit de Georgie. Cela pourrait les aider si nous assurions une meilleure protection d'une partie de cette région et si nous tentions d'atténuer les répercussions de certaines activités qui se déroulent dans cet habitat vital pour eux.
Bien entendu, les épaulards vont circuler à l'intérieur et à l'extérieur de cette zone, et c'est une partie de ce qui arrivera, mais le fait de protéger certains éléments de leur habitat est vraiment important.
Nous avons aussi des espèces terrestres qui se déplacent, et nous avons quand même recours à des aires particulières pour les protéger, comme c'est le cas pour les ours et les loups qui se déplacent sur de grandes distances. Nous avons constaté que les aires protégées peuvent aussi aider considérablement ces espèces.
Les aires marines protégées n'offriraient pratiquement aucune protection pour les espèces nourricières, dont, au premier chef, le saumon quinnat, qui ne reste dans ce secteur que pour un temps limité. La décroissance de cette population est attribuable à d'autres facteurs. Je voudrais donc que vous m'expliquiez comment une aire protégée de taille modeste pourrait faire une différence pour les épaulards, attendu qu'ils ne vont plus à cet endroit en raison de l'absence de nourriture.
Ils ne peuvent pas protéger nécessairement tous les éléments, et beaucoup d'autres mesures devront être prises pour protéger les stocks de saumon quinnat, notamment en ce qui a trait à sa pêche. Une pléthore de relations croisées sont en jeu, et il y a un certain nombre de choses qui menacent les épaulards à part... Il y a la question de la nourriture, certes, mais aussi le bruit et la navigation.
D'accord.
Pour nos deux autres témoins ici présents, surtout pour M. McKinney, vous avez souligné le fait que ces vastes zones sans prélèvement ont une incidence ou des avantages moindres lorsque les pêches environnantes sont mieux gérées. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
Je crois que cela vient de textes scientifiques que j'ai consultés à ce sujet. Dans mon exposé, j'ai cité une étude qui s'est penchée là-dessus.
À mon avis, ce qu'il faut retenir c'est que si vous avez accès à ce que nous pourrions appeler des outils de « gestion classique des activités de pêche » et que vous avez les moyens de les faire appliquer — c'est une combinaison des deux, je crois —, vous pouvez accomplir tout ce que vous voulez quant au rétablissement ou au maintien des stocks, à l'interdiction de pêcher ces espèces ou à la fermeture de ces secteurs.
C'est ce que les données scientifiques que j'ai consultées m'ont permis de constater.
Très bien. Je crois que votre question s'adressait à nos deux témoins sur place, n'est-ce pas?
Monsieur Lansbergen, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, rapidement?
Merci, monsieur le président.
Comme je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire, je souhaite une bonne année aux membres du Comité.
Je remercie nos témoins de leur présence. Il s'agit d'un important sujet.
Monsieur McKinney, je vais commencer par vous. À votre avis, quels sont les facteurs qui ont le plus d'effets négatifs sur les pêches et l'écosystème marin du Canada?
Eh bien, je ne me présenterais pas comme un expert sur la situation du Canada, mais les pêches sont ce qu'elles sont partout dans le monde, et le facteur qui a le plus d'impact est habituellement la surpêche. Dans ces régions, il y a eu de la surpêche ou une détérioration de l'habitat. Je suis pratiquement certain que ces deux problèmes sont ceux auxquels doivent faire face tant les biologistes canadiens que les biologistes américains.
Merci.
Vous avez indiqué que vous avez élaboré un modèle de consultation. Vous serait-il possible de nous transmettre des détails sur la manière dont ce modèle pourrait fonctionner pour que nous ayons l'information par écrit? Avez-vous un lien vers l'information ou pourriez-vous nous envoyer un document?
Je peux le faire. En fait, cela forme une partie importante du témoignage que j'ai livré devant le comité du Sénat américain, au cours duquel nous avons longuement traité de la question. Ce témoignage a été consigné par écrit, et je vous le transmettrai avec plaisir.
Oui, nous avons entendu bien des commentaires de la part de témoins sur la consultation, notamment sur le fait qu'il importe de procéder adéquatement. Il nous serait donc utile d'avoir ces renseignements.
Je terminerai en revenant sur le fait que vous avez indiqué qu'au cours de votre mandat, vous n'avez jamais interdit la pêche sportive dans une zone. Je pense toutefois que vous avez interdit la pêche commerciale à certains endroits. Est-ce exact?
Oui, monsieur. De fait, j'ai également interdit la pêche sportive dans certaines zones, mais pas en raison de ses répercussions. Dans les zones commerciales, l'instauration d'aires marines protégées visait à protéger principalement des aires de croissance de la crevette, notre espèce la plus importante, car c'est à ces endroits que les oeufs se posent et que les jeunes larves grandissent. Voilà pour la facette commerciale de l'affaire.
En ce qui concerne la pêche sportive, nous n'avons pas établi des aires marines protégées pour mettre fin à la pêche, mais bien pour tenter de contrôler le passage des bateaux à propulsion en eaux peu profondes, où ils détruisent les zostères. Nous nous sommes donc attaqués au problème sous cet angle. Les gens ont pu continuer de pêcher dans les zones touchées, mais ne peuvent pas y utiliser de gros bateaux puissants et détruire les zostères.
D'accord, merci.
Madame Jessen, je vous remercie de votre travail et de votre témoignage.
Nous savons, comme vous l'avez fait remarquer, il me semble, que le gouvernement a proposé de protéger 7 % des océans du Canada. Vous avez toutefois parlé d'une protection complète, soulignant que le Canada protège moins de 0,1 % des océans. Ai-je bien compris?
Mme Sabine Jessen: Oui.
M. Fin Donnelly: Pouvez-vous m'expliquer la différence entre ce que vous appelez une protection complète et la protection de 7 % proposée par le gouvernement?
Oui, volontiers.
Par « protection complète », je veux dire que toutes les formes de pêches et d'utilisations industrielles seraient interdites dans une aire. D'après l'analyse que nous avons réalisée jusqu'à maintenant, cette protection s'applique dans environ 1 % des océans du Canada. Nous considérons qu'il est possible d'offrir une meilleure protection des zones que le gouvernement a ciblées jusqu'à maintenant.
Il nous reste encore à effectuer une analyse plus détaillée, après quoi nous publierons un autre rapport cette année. Nous communiquerons avec vous quand nous le ferons, mais l'information que nous vous donnons aujourd'hui se fonde sur notre bref examen des aires concernées.
D'accord. Pourriez-vous vous assurer de nous transmettre cette analyse détaillée pour que nous en ayons un exemplaire?
D'accord.
Il a été question de la surveillance et de l'application de la loi, et de l'importance que revêtent ces activités. Comme vous avez fait référence à d'autres pays du monde, pourriez-vous nous donner des exemples d'activités de surveillance et d'application de la loi qui soient efficaces et rentables?
Je pourrais certainement vous communiquer des renseignements à ce sujet. J'ai l'intention de remettre un mémoire écrit avec toutes les références utiles, et je pourrais certainement étudier cette question plus en profondeur.
Excellent.
En guise d'observation finale sur les normes minimales, vous avez indiqué que vous vous réjouissez que la ministre ait annoncé l'établissement d'un comité sur les normes de protection minimales. Que voudriez-vous dire actuellement à ce comité et au gouvernement sur ces normes minimales et sur leur importance future, étant donné que ce comité sera mis sur pied quelque part dans l'avenir, espérons-le?
Il est intéressant qu'une rencontre ait lieu actuellement à Washington afin d'examiner la question en profondeur et de formuler des recommandations plus détaillées. Nous réfléchissons à la question depuis longtemps, et il ne fait aucun doute que les activités de type industriel n'ont pas leur place dans nos aires protégées, que ce soit sur terre ou en mer. Dans ces aires, nous avons détecté des activités qui détruisent l'habitat et dont nous savons qu'elles ont des répercussions sur la vie marine. Il faudrait au moins interdire le chalutage par le fond. En outre, nous considérons que l'exploitation pétrolière et gazière et l'aquaculture des poissons osseux sont incompatibles avec l'atteinte des objectifs des aires marines protégées.
Nous aimons fort l'idée de gérer ces aires de manière à en assurer l'intégrité écologique à long terme en les protégeant. C'est la norme que nous utilisons dans les parcs nationaux, et nous sommes d'avis qu'elle devrait s'appliquer à l'océan également.
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Monsieur McKinney, le concept de réglementation adaptative m'intéresse grandement. Nous aimons tous travailler en nous fondant sur les meilleurs renseignements disponibles, mais l'océan est profond, mystérieux et je ne sais quoi d'autre encore. Bien souvent, nous devons nous rabattre sur le principe de précaution selon lequel nous devrions nous abstenir de faire quelque chose si nous pensons que nous ne devrions pas le faire.
Comment assurer un juste équilibre à cet égard? Le principe de précaution nous sert-il de béquille simplement parce que nous ne disposerons jamais d'assez de renseignements pour agir?
Il serait probablement juste de le dire.
J'aborde toujours ces questions, qu'il s'agisse des aires marines protégées ou de la gestion des pêches, de manière très linéaire, comme le feraient la plupart des scientifiques. Quel est l'objectif? Que cherche-t-on à accomplir? Que tente-t-on de protéger? Je commence ainsi, puis je commence à prendre du recul. Si nous pouvons définir notre objectif, alors comment pouvons-nous l'atteindre?
On peut en arriver à adopter une approche reposant sur le principe de précaution, je présume, mais j'ai constaté qu'il faut démontrer que quelque chose a besoin de protection. C'est la toute première chose à faire. Que faut-il protéger? Il faut le définir. C'est par cela que je commence.
J'ai quelques anecdotes à raconter. Je me souviens qu'il y a une vingtaine d'années, peut-être plus, le poisson à la cajun est devenu à la mode, et en l'espace d'un an à peine, on a appris par les médias que l'espèce utilisée connaissait un déclin marqué et était menacée. S'agit-il d'un phénomène courant?
Tout d'abord, cela s'est-il produit? Avez-vous observé d'autres exemples de ce phénomène?
Cela s'est effectivement produit en Louisiane. C'est un chef célèbre prénommé Paul, dont le nom de famille m'échappe, qui a lancé cette mode. Je gérais les pêches à l'époque, et il a commencé en utilisant un poisson appelé sébaste, qui appartient à la classe des sciaenidés. La valeur marchande de ce poisson s'est envolée, et nous avons dû nous pencher sur le problème. Heureusement, comme je l'ai indiqué, nous possédons une base de données très longue, colligée en continu, laquelle contient des renseignements sur l'état des poissons, et nous avons immédiatement remarqué que cette mode avait des répercussions sur le sébaste, particulièrement sur les spécimens reproducteurs.
Nous avons alors pris la mesure la plus draconienne que notre commission ait jamais prise: nous avons décommercialisé, si l'on peut dire, le sébaste et en avons fait un poisson réservé exclusivement à la pêche sportive.
Aux États-Unis, mais peut-être pas ici, au Canada, il existe une distinction, car les États, le Texas dans le cas présent en raison de son statut antérieur, peuvent gérer les pêches jusqu'à 12 miles du rivage, après quoi la gestion revient aux organismes fédéraux. À l'époque, l'organisme fédéral n'a rien fait, mais nous avons agi dans notre État. Les organismes fédéraux ont fini par emboîter le pas, imposant une limite stricte et interdisant la pêche commerciale de ce poisson.
J'ignore si cela répond à votre question, mais c'est exactement ce qui s'est passé.
Vous avez indiqué que vous vous êtes intéressés aux inquiétudes des pêcheurs et aux préoccupations environnementales, soulignant que des tensions naturelles surgiront avec les organismes dont les approches reposent sur un objectif précis.
Cela étant dit, je m'adresserai à Mme Jessen. Ma question n'est peut-être pas juste, mais je la poserai quand même.
Le gouvernement a évidemment pour devoir de tenter d'aborder les choses en écoutant toutes les parties afin d'atteindre essentiellement un équilibre raisonnable. Pour ce faire, il doit utiliser un processus équitable, car il doit composer avec des gens qui gagnent leur vie dans des communautés qui dépendent ou dépendaient de certaines activités, tout en devant être rapide afin d'agir très promptement.
D'après votre expérience et les observations que vous avez faites au fil du temps dans les AMP, où se trouve cet équilibre? Comme je l'ai indiqué, ce n'est peut-être pas une question juste, mais répondez-moi de votre mieux.
Je pense que jusqu'à maintenant, nous avons pris beaucoup de temps pour consulter les parties prenantes afin de recueillir des informations et des données scientifiques pertinentes. Cela nous a pris beaucoup de temps. Un grand nombre de parties prenantes sont présentes à la table à chacun des sites; nous avons donc amplement l'occasion de discuter de la question avec elles.
J'ai lu certains témoignages livrés par d'autres parties concernées, et je ne pense pas qu'il existe de consensus à cet égard; cependant, quand il faut de 10 à 15 ans, dans certains cas, pour établir une aire marine protégée au Canada, je vois mal comment cela pourrait prendre plus de temps. Je pense qu'il serait préférable de prendre moins de temps, car certains endroits sont menacés et certaines aires vraiment importantes doivent être protégées, mais ne le sont pas pendant que nous discutons de la question.
Je me tournerai maintenant vers vous, monsieur Lansbergen. Plutôt que d'agir dans l'urgence quand une aire est visiblement menacée, votre organisation considérerait-elle qu'il faudrait assurer un examen constant de toute la question, en s'appuyant sur des observations et des renseignements de citoyens? Étudieriez-vous toutes les données nécessaires, renforçant peut-être également la capacité du MPO pour qu'il surveille mieux les stocks de poissons?
Devrions-nous adopter une approche englobant l'océan en entier au lieu d'attendre que des zones soient menacées? Comment cela fonctionnerait-il?
Je suppose que oui, dans un monde idéal, mais je pense que vous constateriez très vite qu'il peut s'avérer très difficile d'affecter suffisamment de ressources pour pouvoir intervenir, ce qui explique pourquoi nous n'avons pas encore agi.
Je conviendrais avec Mme Jessen que le processus a été long jusqu'à maintenant, et je doute que quiconque soit satisfait ou heureux de la situation.
Le défi vient du secteur des pêches, je suppose, particulièrement quand les répercussions sont plus importantes sur les pêcheurs de la côte que sur les pêcheurs hauturiers. Le secteur de la pêche hauturière est davantage composé de grandes entreprises qui auraient la capacité de participer de manière bien réfléchie à ces types de consultations, et ce, de façon continuelle ou à long terme.
Quand on examine le secteur de la pêche côtière, on constate qu'il est très fragmenté et que la situation est très difficile pour les pêcheurs indépendants, lesquels possèdent pour la plupart des entreprises familiales qu'ils peinent à exploiter au quotidien. Il leur sera très difficile de respecter toutes les exigences des divers ordres de gouvernement. Ils n'ont pas nécessairement la même formation scientifique, mais ils possèdent une expérience considérable, car la plupart d'entre eux prennent de l'âge. Ils forment ainsi une des mains-d'oeuvre les plus âgées.
Je pense que la situation est tout simplement très difficile. Comment accommoder les divers intéressés pour veiller à ce qu'ils participent véritablement aux consultations et à ce que le processus progresse à un rythme raisonnable?
Merci, monsieur Hardie.
Mesdames et messieurs, le temps nous permet de poser encore deux questions environ. Nous accorderons donc la parole à M. Miller pour cinq minutes, puis à M. McDonald, si vous n'avez pas d'objection à ce que je modifie l'ordre des intervenants.
Monsieur Donnelly, voudriez-vous avoir quelques instants à la fin pour poser une très brève question?
Cela convient-il à tous?
Des députés: Oui.
Le président: D'accord, merci.
Monsieur Miller, vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup.
Je remercie les témoins de comparaître.
Comme je ne dispose que de cinq minutes, je tenterai de faire vite.
Monsieur McKinney, quel est l'objectif principal d'une AMP? Répondez brièvement, je vous prie.
Cet objectif consiste à adopter des règlements spéciaux à des fins particulières en ce qui concerne tout un éventail de problèmes, dans le but de tenter de conserver ou de protéger une espèce ou un habitat.
Merci.
Vous avez déjà répondu à ma prochaine question. Est-il nécessaire d'interdire la pêche sportive dans une AMP? Vous avez clairement répondu que ce n'est pas le cas, contrairement à ce que Mme Jessen a indiqué.
Pourriez-vous nous expliquer le genre de données scientifiques dont on a besoin avant d'établir une AMP ou tout autre type de zone de protection? Par cette question, je cherche à savoir si, dans les AMP que vous avez contribué à établir, quelqu'un a déterminé que l'on assurerait une protection de 5 ou 10 %. Avez-vous déjà procédé ainsi? Cela ne me semble pas une manière très scientifique de faire les choses.
Vous avez posé une série de questions, auxquelles je m'assurerai de répondre.
Ici encore, quand on examine les aires marines protégées, la première étape consiste à fixer son objectif. Qu'essaie-t-on d'accomplir? Une fois l'objectif déterminé, on sait de quels renseignements on a besoin, qu'on s'intéresse à un habitat ou à une espèce en particulier. Ensuite, il faut bien entendu voir de quelles informations on dispose à ce sujet et prendre des mesures appropriées. Du point de l'échéancier, je pense que c'est à cette étape que nous arrivons.
Pardonnez-moi: quelle était votre dernière question?
Quand les gens avec qui vous collaboriez ont décidé qu'il fallait établir une AMP, avez-vous déjà fixé un chiffre sans justification ou vous êtes-vous toujours appuyés sur des données scientifiques?
Eh bien, si on établit des pourcentages, il me semble logique d'avoir en tête un objectif, qu'il faut énoncer. Je ne pense pas qu'il convienne de fixer tout bonnement des pourcentages. Je ne dis pas que ceux qui utilisent des pourcentages ne voient pas les choses de cette façon. Mais je ne me contenterais certainement pas d'établir un certain pourcentage. Il ne faudrait pas procéder ainsi à moins d'avoir un objectif précis, un but que l'on tente d'atteindre et une raison de croire que ce pourcentage a une incidence, habituellement en s'appuyant sur des données scientifiques.
Je ne dirai pas « non » où que ce soit, mais dans les dossiers auxquels j'ai travaillé, je pense que la levée graduelle de la protection fait en sorte que l'on porte attention à ce que l'on tente d'accomplir dans les AMP. Il faut également continuer de s'intéresser essentiellement aux organismes qui sont peut-être responsables de la question, à ceux qui recueillent des données et des renseignements qui justifieraient le maintien ou l'élimination d'une AMP pour veiller à ce qu'ils disposent des ressources et du temps nécessaires pour continuer d'étudier la question et de justifier le besoin.
Beaucoup de déclarations sont faites ou ont été faites selon lesquelles les ZPM sont essentiellement une solution aux problèmes d'habitat et de gestion des pêches, problèmes qui n'existent peut-être pas vraiment. Comment fait-on pour distinguer entre des données scientifiques fiables et non fiables?
L'idée, à la base, c'est d'avoir recours à de la littérature scientifique évaluée par les pairs. Les chances sont meilleures que l'information qu'elle contient a été examinée de façon objective. On commence par ce genre de littérature avant de passer à la prochaine étape. Parfois, ces informations ne sont pas disponibles. Il ne reste plus alors qu'à avoir recours à un processus transparent où tous les intervenants à la table étalent leurs connaissances et leurs données de façon transparente pour permettre aux autres de l'examiner. Parfois, il faut procéder ainsi.
Dans le cadre du processus de création de ZPM, avez-vous déjà eu à composer avec des groupes externes ou des groupes ou organisations en particulier qui tentaient essentiellement de détourner le processus, disons? Si oui, qu'avez-vous fait?
Oui. Pour le type de ZPM avec lesquelles j'ai travaillé, les pêches commerciales tentaient toujours de détourner le processus. Bien entendu, à savoir si elles savaient qu'elles allaient devoir composer avec des aires de croissance... Cela s'est déjà produit. Ce qu'il faut faire, essentiellement, c'est de s'assurer que tous les intervenants à la table disposent du même temps et du même accès. C'est ce que nous faisons. Nous tentons simplement de savoir qui sont les intervenants et donnons accès à chacun.
J'aurais une dernière question à vous poser. Selon votre expérience avec les ZPM et les pêches en général, avez-vous eu connaissance d'un cas où la pêche récréative était le principal prédateur ou la principale raison de l'effondrement ou de l'effondrement possible d'une pêche? À votre connaissance, y a-t-il déjà eu un tel cas? Nous savons tous ce que peut faire la surpêche commerciale, mais la pêche récréative...
Non. Selon mon expérience, les problèmes de surpêche sont davantage associés à la pêche commerciale qu'à la pêche récréative. C'est ce que j'ai pu constater. Je ne dirai pas que le problème n'existe pas ailleurs, mais, heureusement, je n'ai pas eu à composer avec cette situation.
Merci, monsieur le président. J'aurais quelques questions brèves à poser et je partagerai le reste de mon temps d'intervention avec M. Finnigan.
Monsieur Lansbergen, est-ce que certains de vos membres oeuvrent dans l'industrie de l'aquaculture?
Non. Enfin, jusqu'à ce qu'un de nos membres se lance dans une coentreprise avec une entreprise d'aquaculture. L'industrie a une association distincte.
D'accord.
Je sais pertinemment que vous représentez la flottille hauturière qui pêche au large de nos côtes. Quelle est la plus petite taille de flottilles que vous représentez? Représentez-vous des pêcheurs qui ont une flottille de moins de 40 navires, disons, et qui participent davantage à la pêche côtière qu'à la pêche extracôtière?
Pour être bien honnête avec vous, j'ignore combien de nos membres possèdent des navires pour la pêche côtière. Bien entendu, nos membres qui disposent d'une usine de traitement côtière sont alimentés par des pêcheurs plus petits, si cela répond à votre question.
Dans une certaine mesure, oui.
Vous représentez davantage des pêcheurs ayant des navires plus grands pour la pêche extracôtière, même si leur récolte est traitée sur la côte. Vous ne représentez pas vraiment les pêcheurs côtiers qui vivent dans les communautés et qui dépendent de la pêche.
Il est clair que la capacité de récolte de nos membres qui pratiquent la pêche extracôtière serait plus importante.
Merci à tous d'avoir accepté notre invitation. J'aimerais vraiment interroger chacun des témoins, mais je sais que mon temps est limité.
Monsieur Lansbergen, votre expérience dans le secteur forestier est importante pour moi. Pour tout vous dire, j'appuie les pêches dans ma région, car il s'agit d'un moteur économique majeur. Toutefois, certains diraient que la meilleure pratique de gestion forestière n'est peut-être pas durable, que plutôt que d'avoir une forêt, nous avons maintenant un jardin où nous nous concentrons sur une seule espèce que nous souhaitons récolter. Quel est le rapport avec l'océan?
Nous souhaitons protéger certaines grandes espèces, et elles sont évidentes, comme la baleine noire qui vit des moments difficiles, mais il y a également beaucoup de petits organismes qui sont eux aussi importants, mais que nous ne voyons pas toujours.
Comment votre expérience dans le secteur forestier se compare-t-elle avec ce que nous tentons de faire dans les océans?
C'est une bonne question.
D'abord, en ce qui a trait aux pratiques forestières, au Canada, nous menons nos activités dans une forêt neutre et bon nombre de pratiques de gestion et une grande partie de la planification vise à imiter la dynamique naturelle. La récolte se fait de façon à imiter les perturbations naturelles pour ainsi conserver le caractère naturel de la forêt. C'est très différent de ce qui se fait ailleurs. On pourrait certainement débattre de la réussite de cette façon de faire.
Les pêches sont encore quelque chose de relativement nouveau pour moi. Il m'est donc difficile de vous donner une réponse détaillée. Selon ce que j'ai pu constater, nous nous débrouillons plutôt bien dans la gestion des stocks individuels. Est-ce que nous adoptons une approche détaillée et holistique à la façon dont les stocks individuels interagissent avec d'autres espèces dans le même habitat? Mes connaissances sont encore insuffisantes pour vous donner une réponse précise.
Je vais vous poser une question complémentaire. Vous avez parlé du MSC. Je crois comprendre que le MSC fait un excellent travail pour s'assurer que les récoltes sont durables. Toutefois, certains diraient que la récolte de certains des produits certifiés par le MSC n'est pas durable, comme le chalutage pour la pêche des concombres de mer et des pétoncles. Que peut-on faire pour nous assurer que le sceau représente une récolte durable?
À mon avis, les normes de certification doivent être jugées selon leur valeur intrinsèque. Si le conseil de la certification est régi de façon indépendante et que ses normes sont élaborées dans le cadre d'un processus ouvert, transparent et informé, les gens accepteront ces normes et auront confiance en celles-ci. Les gens ne seront pas d'accord sur toute la ligne; ils auront toujours une plainte à formuler selon laquelle les normes ne sont pas assez bonnes, qu'elles ne répondent pas à leurs attentes. Nous avons tous des perspectives individuelles.
Le simple fait que nous ayons au Canada des niveaux de certification aussi robustes, alors que seulement 10 % des pêches en océan sont certifiées selon une norme quelconque, en dit beaucoup sur notre rendement solide.
Merci, monsieur le président.
J'allais laisser environ 30 secondes à chaque témoin pour nous formuler une dernière recommandation ou un dernier commentaire.
Monsieur McKinney, puisque vous nous avez formulé plusieurs recommandations dans le cadre de votre témoignage, des recommandations très utiles, je vais d'abord laisser la parole à Mme Jessen. Auriez-vous un dernier commentaire ou une dernière recommandation à nous formuler?
Je crois que le Canada pourrait certainement en faire plus pour accroître la protection de nos ZPM, et je suis heureuse de voir que ce dossier suscite davantage d'attention. Nous devons vraiment commencer à mettre sur pied un réseau de zones de protection marine et nous éloigner de cette approche de site par site. Il s'agit potentiellement d'une autre façon d'accélérer le processus. Nous avons beaucoup d'information sur les océans pour nous permettre d'y arriver.
Je crois qu'il s'agit pour le Canada de se présenter en tant que leader international sur la question.
En résumé, j'encourage toutes les parties concernées, le gouvernement et l'industrie à travailler avec nous et d'autres intervenants afin d'accroître les efforts pour trouver une solution gagnante pour tous dans un délai raisonnable de façon à ce que nous puissions tous contribuer à l'atteinte de l'objectif global.
Je tiens à remercier tous nos témoins.
Monsieur McKinney, merci d'être venu d'aussi loin que de l'Université Texas A&M pour témoigner.
Merci à M. Lansbergen du Conseil canadien des pêches et, bien entendu, à Mme Jessen, de la Société pour la nature et les parcs du Canada, qui sera bientôt docteure. Nous vous souhaitons la meilleure des chances dans ce processus. Encore une fois, merci.
Madame et messieurs les membres du Comité, nous allons maintenant demander à tout le monde de quitter la salle afin d'aborder les travaux du Comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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