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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 028 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 juin 2014

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Chers collègues, je déclare la 28e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale ouverte. Aujourd'hui, nous allons entendre de nouveaux témoins dans le cadre de notre étude sur la finance sociale.
    Pour notre première heure, nous avons deux témoins. Nous recevons sur place le conseiller principal de MDRC, David Butler. Nous entendrons aussi par vidéoconférence, de Cambridge, au Massachusetts, M. Jeffrey Liebman, directeur du Laboratoire d'assistance technique en obligation à impact social de l'Harvard Kennedy School.
    C'est bien cela, monsieur? Est-ce que vous nous entendez bien?
    Tout à fait. C'est formidable. Merci beaucoup. Nous vous remercions d'avoir fait l'effort d'être avec nous à distance.
    Chacun de vous aura 10 minutes pour présenter son exposé, après quoi nous consacrerons le reste de l'heure aux questions des membres du comité, lesquels représentent les deux côtés de la Chambre des communes.
    Nous allons commencer par M. Butler.
    Vous avez un maximum de 10 minutes, monsieur.
    Voulez-vous dire que j'aurais pu faire cela par vidéoconférence, que j'aurais pu traîner au lit et rester à la maison? Vous ne m'avez pas dit ça.
    Eh bien, disons que, maintenant que vous êtes là, autant continuer.
    D'accord.
    Rapidement, puisque MDRC, ça ne dit pas grand-chose — bien que les lettres soient le nom de l'organisation —, nous sommes une organisation de politique sociale sans but lucratif. Nous existons depuis environ 35 ans. En gros, nous évaluons et réalisons des projets d'intervention de démonstration en vue d'aider les particuliers et les familles à faible revenu. Dans le cadre de nos projets, nous évaluons du travail réalisé par d'autres — nous croyons fermement en l'importance d'évaluations très rigoureuses, et d'évaluations aléatoires — ou nous mettons sur pied nos propres interventions, avec de l'aide, puis en faisons l'étude. Ce sont les deux volets de nos activités.
    Je suis ici pour vous parler de la première obligation à impact social à avoir été établie, et c'était aux États-Unis, à New York. Il y a eu beaucoup de discussions, dont certaines auraient dû commencer plus tôt, mais nous avons été les premiers à prendre notre élan. C'est une initiative de thérapie comportementale à l'intention des jeunes de 16 à 18 ans qui sont incarcérés à la prison Rikers, à New York. Il s'agit de la plus grosse prison d'Amérique du Nord, très populeuse, et dont la population d'adolescents est énorme.
    Avant de vous donner les détails du programme, je vais faire quelques commentaires. Je sais qu'il y a beaucoup de bruit autour du débat sur les obligations Pay-for-Success et les obligations à impact social. Aux États-Unis, quand nous avons lancé le projet et que rien d'autre ne se produisait, c'est l'époque où le débat était le plus acharné, car normalement, les gens débattent des choses sur lesquelles ils en savent le moins. Quand il manque d'information, il y a plus à discuter.
    Donc, au début, nous avons entendu deux... et j'ai répondu à des questions venant des deux côtés. Il y avait ceux qui vantaient cela, disant qu'il s'agissait d'une stratégie transformatrice qui permettrait d'obtenir des investissements dans des programmes de prévention, de hausser la responsabilité du gouvernement, d'économiser l'argent du gouvernement et des contribuables et d'améliorer les résultats des populations à risque. C'était une « Superfecta », comme on le dit dans le langage des courses de chevaux.
    De l'autre côté, j'entendais autre chose, quand je parlais de notre projet. On disait que ce n'était qu'une stratégie cynique qui visait à privatiser les services, à polir la réputation médiocre des banques tout en volant le gouvernement et le contribuable et à laisser les populations à risque dans le même état, ou dans un plus piteux état. Une solution perdante sur quatre fronts.
    Je ne suis pas du genre idéologique. J'évalue des programmes, alors j'essaie d'être davantage comme Joe Friday, dans Dragnet. « Les faits seulement, madame. » Mais j'ai dû répondre à ces questions dès le début. Heureusement, je pense que les choses ont un peu changé et que nous avons commencé à faire certaines de ces choses. Je pense qu'aux États-Unis, on s'entend davantage pour dire: « Voyons si cela peut produire ce qu'ils disent pouvoir produire, puis nous en jugerons. » Donc, n'ai plus à faire face aux critiques les plus stridentes, ni aux énoncés promotionnels. Ce que j'entends davantage maintenant, c'est : « Attendons de voir ce que cela donnera. »
    Je dois dire qu'à MDRC, en tant qu'évaluateurs, nous étions réticents à nous lancer là-dedans, au début. Les évaluateurs se penchent de manière très rigoureuse sur les programmes, et nous n'en voyons pas beaucoup qui fonctionnent vraiment. Il n'y a pas beaucoup de programmes qui sont très efficaces. Donc, comment attirer un investisseur qui prendra le risque d'investir dans un projet dont les chances de réussite sont minces? La seule façon, c'est de leur assurer un taux de rendement élevé et de pouvoir compter sur la capacité ou la volonté du gouvernement de payer des taux d'intérêt élevés aux banques.
    Nous pensions que cela ne se produirait probablement pas, alors nous nous sommes attaqués à cela avec une bonne dose de scepticisme, tout en gardant quand même l'esprit ouvert comme doit le faire l'évaluateur — donnons une chance au coureur et voyons ce qui se produira.
    Notre projet fonctionne maintenant depuis trois ans. Selon les mesures d'évaluation que nous utilisons, nous sommes en voie d'atteindre les objectifs du programme, mais je ne peux pas vous affirmer que c'est ce qui se produira. Le programme a pour but de réduire le récidivisme de 10 % au moins, pour notre population. Le récidivisme, c'est le retour à la prison. Dans notre cas, nous comparons avec un groupe témoin composé d'adolescents du même âge. Je n'ai pas encore les données. Tout ce que j'ai, ce sont les données au sujet de la participation au programme, et cette participation correspond à ce qu'il faut pour que les buts soient atteints si le lien se fait entre ces deux choses comme on s'attend à ce que cela se produise.
(1535)
    Notre partenaire, dans ce projet, est Goldman Sachs. Ils ont consenti un prêt couvrant le coût du programme, mais le prêt est assuré par la Fondation de la famille Bloomberg. Nous sommes l'intermédiaire, alors nous sommes ceux qui veillent à ce que l'entente se fasse, et surtout, ceux qui suivent la performance et choisissent l'intervention du programme.
    Nous avons deux fournisseurs de services de bonne réputation dans l'État de New York, soit Osborne Association et Friends of Island, qui s'occupent de l'intervention. Nous avons aussi un partenaire à New York, par l'entremise du service correctionnel, et le bureau du maire qui participe aussi. C'est un partenariat réunissant plusieurs intervenants qui ont des perspectives différentes. Nous avons réussi à travailler plutôt bien ensemble. Les négociations et l'établissement de l'entente ont été complexes. Cela nous a probablement coûté plus que prévu. Travailler avec une banque comporte des frais d'opération. Nous avons dû faire intervenir notre propre avocat de Wall Street pour comprendre le langage. Il a fallu que nous établissions un lien de confiance. Tout le monde a dû le faire. Mais nous en sommes arrivés à un point où nous avons pu lancer le programme. Nous l'avons monté. Nous avons fait un projet pilote. Nous avons travaillé progressivement, et il semble que tout fonctionne plutôt bien.
    C'est une obligation à impact social, alors si ça fonctionne — c'est-à-dire si le résultat est une baisse de 10 % du récidivisme dans notre population —, l'investisseur est remboursé. Si cela dépasse 10 %, l'investisseur peut faire de l'intérêt, jusqu'à concurrence de 20 %. C'est l'intérêt, et c'est le taux maximum. Nous verrons si ça se rend là. Un évaluateur externe, le Vera Institute — une organisation très respectée d'évaluation de la justice pénale — se charge d'évaluer le programme. Nous allons examiner les effets sur le récidivisme au bout d'un an, puis au bout de deux ans. Il y a une chose que nous jugeons très importante, à propos des obligations à impact social, et qui est quelque peu différente des modèles de paiement en fonction de la performance: c'est que la mesure du succès n'est pas le résultat. Il n'est pas question de l'obtention d'un résultat donné. C'est plutôt un effet prédéterminé, ce qui signifie que l'effet du programme est meilleur que s'il n'y avait pas eu de programme, sans l'intervention, ou que la population se tire mieux d'affaire. Cela veut donc dire que vous devez établir un point de comparaison sous la forme d'un groupe témoin, si vous le faites de manière vraiment scientifique et rigoureuse, ou d'un quelconque groupe témoin légitime.
    Pour moi, c'est une avancée majeure. Pendant des années, nous avons eu des contrats axés sur le paiement en fonction de la performance qui se fondaient sur les résultats, mais il est facile de manipuler les résultats. Si vous servez une population qui va plus vraisemblablement réussir, d'après vous, vous obtiendrez les résultats établis, mais cela ne vous dira pas si vous avez changé les choses ou non. L'idée est donc de réaliser une évaluation de l'effet net. Je pense que la plupart des obligations à impact social qui sont proposées comportent ce type d'évaluation.
    J'ajouterais aux leçons apprises qu'il est difficile d'avoir un contrat restrictif comportant des modalités très claires. Si vous essayez d'imposer cela pour un programme qui doit être appliqué dans un contexte flexible et changeant, il peut être difficile de concilier les deux. L'une des grandes difficultés que nous avons rencontrées, c'est que nous avions un nombre prédéterminé de personnes à servir, mais en fin de compte, le nombre de personnes en prison ne relève pas du contrôle du programme ou du service correctionnel. Nous avons donc intégré dans cela toutes sortes de formules sur la façon de traiter avec des nombres réduits, mais cela signifiait qu'il fallait renégocier et refaire le budget. C'est une des complications que nous avons eues. Je pense que nous avons réussi à déterminer comment y arriver, et nul doute qu'il y a des avantages à opter pour une solution qui dit: « Voici les objectifs à atteindre, et vous devez vous en tenir à cela. » Mais c'est une tension et une difficulté du programme.
    Je pense que je vais m'arrêter ici. Je dirai tout simplement que nous devrions avoir les résultats préliminaires une année passé le mois d'août, puis que nous aurons nos résultats finaux en 2016. Le remboursement est prévu pour la fin de 2017. L'un des problèmes, avec ces projets, c'est qu'il faut accumuler le succès, l'effet au fil du temps, pour que le gouvernement réalise assez d'économies pour pouvoir payer l'investisseur.
(1540)
    La dernière chose que je tiens à dire, c'est que c'est une erreur à mon avis de croire que les obligations à impact social ne se limitent qu'aux projets qui nous font économiser de l'argent. C'est l'élément central jusqu'à maintenant, mais il y a beaucoup d'autres objectifs possibles qui seraient souvent plus importants pour aider la population ciblée, mais qui ne nous feraient pas nécessairement économiser. Donc...
    Excusez-moi, monsieur Butler. Je vous remercie infiniment. Nous vous remercions de votre exposé. Je sais très bien que vous en auriez encore à dire, mais je vais devoir vous interrompre ici. Vous avez un peu dépassé le temps imparti.
    C'est bon.
    Je sais que vous allez avoir l'occasion de continuer d'exposer votre pensée pendant la période des questions des membres.
    Nous allons donner la parole à M. Liebman.
    Je vous remercie beaucoup de votre contribution à l'étude d'aujourd'hui, monsieur. Vous avez jusqu'à 10 minutes.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'inviter à me joindre à vous à distance aujourd'hui.
    Je sais que vous avez déjà entendu plusieurs témoignages sur la finance sociale en général et sur la technique des obligations à impact social. Ma particularité, c'est de diriger depuis deux ans une équipe qui offre de l'assistance bénévole à huit gouvernements d'État et à deux administrations municipales des États-Unis sur l'aspect gouvernemental des projets.
    Notre rôle consiste essentiellement à aider ces administrations à analyser correctement les coûts et les avantages des projets, à réfléchir très fort au type d'évaluations qu'elles veulent mettre en place et probablement surtout, à décider quand il convient ou non de mener un projet d'obligation à impact social. Il y a sûrement autant de projets que nous avons analysés et que les gens ont décidé de ne pas mener à bien, sur notre recommandation, qu'il y en a qui ont été retenus.
    Les administrations avec lesquelles nous travaillons qui décident de mener ce genre de projet à bien utilisent cet outil pour réorienter divers domaines stratégiques, dont l'éducation de la petite enfance, l'itinérance, la prévention du diabète et plus couramment, la récidive chez les ex-contrevenants. J'aimerais profiter des quelques minutes dont je dispose ici pour vous porter à réfléchir à deux choses, vraiment, que la plupart des administrations américaines qui utilisent cet outil essaient d'accomplir.
    D'abord, elles cherchent à mieux arrimer les bons services aux bons clients. Ensuite, elles veulent générer des données factuelles sur les programmes qui fonctionnent et devraient être élargis, d'une part, et ceux qui ne fonctionnent pas et auraient besoin d'être réformés ou remplacés, d'autre part.
    Comme vous le savez probablement déjà, selon le modèle le plus commun des obligations à impact social, le gouvernement signe un contrat pour la prestation de services sociaux avec un fournisseur local, ou parfois avec une équipe de fournisseurs, puis le gouvernement paie la totalité de la facture ou presque en fonction des résultats obtenus, comme une hausse de l'emploi de 10 %, une réduction des récidives de 30 % ou une réduction de 50 % des consultations aux urgences. Le rendement est évalué rigoureusement, comme M. Butler vient de le dire, par comparaison des résultats dans la population touchée avec les résultats d'un groupe de comparaison, pour que l'incidence du projet puisse être évaluée.
    Si le programme n'atteint pas les cibles de rendement minimales, le gouvernement et les contribuables ne paient pas, et les paiements augmentent au-dessus du seuil minimal, jusqu'à un maximum préétabli. Ce genre de projet génère parfois des économies pour le gouvernement, qui se trouve à réduire ses dépenses en mesures réparatrices et à payer pour des résultats documentés. Ces économies peuvent contrebalancer la totalité du coût des projets. Parfois, elles en compensent une partie, mais pas au complet.
    Pour vous donner un exemple lié aux travaux du comité, prenons celui d'un programme qui aiderait les jeunes hommes à se sortir du système de justice pour mineurs. Nous savons que si on ne les aide pas à faire la transition, quelque 60 % de ces jeunes hommes se retrouvent en prison dans les cinq années suivantes. Outre les coûts sociaux des nouveaux crimes qu'ils commettent, ce taux de récidive élevé entraîne des coûts financiers élevés pour le gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui se trouve à payer pour les incarcérer.
    Selon un modèle d'obligation à impact social, le gouvernement signerait un contrat avec un fournisseur de services sociaux afin d'aider ces jeunes hommes dans leur transition hors du système de justice pour mineurs. Le gouvernement ferait ensuite le suivi du taux de récidive, c'est-à-dire du pourcentage de jeunes qui ont participé au programme et qui ont été incarcérées de nouveau — et le comparerait aux statistiques sur un groupe de personnes qui n'ont pas participé au programme. Ensuite, à un moment prédéterminé, il évaluerait l'effet de l'intervention par rapport aux postulats de base et calculerait ses paiements en fonction du nombre de nuitées en détention évitées et peut-être d'autres éléments, comme les revenus fiscaux supplémentaires découlant d'un taux d'emplois accrus.
    Selon ce modèle, il s'écoule généralement plusieurs années entre la prestation de services et le moment où les résultats peuvent être mesurés et par conséquent, où les paiements peuvent être versés aux fournisseurs de services. Le rôle des investisseurs privés dans ce genre de projet est donc de combler cet écart entre-temps. Les investisseurs privés sont là pour fournir des fonds de fonctionnement aux fournisseurs de services sociaux afin qu'ils puissent offrir des services en amont, dans l'attente d'être remboursés plus tard, lorsque les résultats auront été prouvés.
    Aux États-Unis, il y a quatre projets d'obligations à impact social qui se traduisent déjà par des services. Trois d'entre eux s'inscrivent dans le cadre de programmes de justice pénale et visent des ex-contrevenants, dans le but de réduire le taux de récidive et d'augmenter le taux d'emploi. Le quatrième est un projet d'intervention préscolaire. J'aimerais toutefois vous parler un peu plus en détail de l'un des projets contre la récidive, celui de l'État de New York.
(1545)
    Le projet de l'État de New York cible les contrevenants à risque élevé qui sortent des prisons d'État. Il consiste à faire un tri et à retenir à peu près la moitié de la population à risque élevé de récidive qui sort de prison. Il lie ensuite ces personnes, qui représentent la plus grande priorité, aux services les plus intensifs. Le programme particulier auquel ils sont inscrits est offert par le Center for Employment Opportunities, qui offre des engagements d'environ 4 mois dans des emplois subventionnés de transition, puis accompagne les gens afin qu'ils obtiennent un emploi permanent. Le modèle de base est d'essayer de trouver un emploi le plus vite possible à la personne après sa sortie de prison.
    La clé ici, c'est que comme vous le savez, dans n'importe quel type de population prioritaire, il y a toutes sortes d'individus différents qui ont probablement besoin de toutes sortes de services différents. Le but du projet de l'État de New York est d'utiliser des données pour essayer de voir quelles personnes devraient être renvoyées vers quels services, et plus particulièrement, on veut que les personnes à risque élevé aient accès aux services les plus dispendieux et aux interventions les plus intensives.
    Il s'agit d'un projet pilote d'obligation à impact social, mais l'espoir est que ce modèle d'arrimage des bons clients avec les bons services prenne de l'ampleur, et pas seulement pour ce service en particulier. D'autres fournisseurs de service vont s'y joindre et avec le temps, ils vont mieux cerner quels clients diriger vers quels services.
    Je dirais que d'après notre travail avec 10 administrations différentes au cours des dernières années, nous avons observé trois façons dont le modèle des obligations à impact social améliore le rendement de l'administration.
    Il améliore d'abord la prise de décisions au sein de l'administration. Ce modèle apporte une grande discipline de marché au processus décisionnel pour ce qui est de déterminer quelles interventions reproduire à plus grande échelle et financer davantage, parce que seules les interventions dont le bilan est assez solide pour réussir à attirer des investisseurs privés peuvent être financés selon ce modèle. Les projets dirigés par une équipe de gestion trop peu talentueuse ou qui ne se fondent pas vraiment sur des preuves sont moins susceptibles d'attirer des ressources.
    La deuxième chose qui ressort de ce modèle, c'est qu'il aide les gouvernements à réaffecter leurs ressources de réparation vers la prévention, de sorte qu'on n'attend plus les mauvais résultats pour en absorber les coûts; ce modèle permet aux administrations, même en période de contraintes budgétaires, de hausser leurs investissements et d'investir dans la prévention qui, en plus d'améliorer les résultats, a de bonnes chances de leur faire économiser de l'argent à long terme, puisqu'elles n'auront pas à payer pour des mesures de réparation.
    Le dernier avantage de ce modèle — et je pense que c'est le plus important —, c'est qu'il permet aux administrations d'établir des ententes de collaboration pluriannuelles beaucoup plus efficaces avec des fournisseurs de services pour s'attaquer aux problèmes sociaux complexes. Il est très difficile, selon les techniques classiques de budgétisation et de contrat de s'attaquer à un problème qui nécessite un effort soutenu pendant quatre à six ans. Les leaders politiques qui ont lancé le projet partent. Les cycles de budget annuels sont tels qu'il est difficile de convaincre les fournisseurs de s'engager à long terme et qu'en général, il est difficile d'établir un objectif commun pour que tout le monde continue d'avancer dans le même sens en vue d'un certain objectif.
    Ce genre de contrat semble permettre au gouvernement de s'attaquer plus efficacement aux problèmes complexes grâce à l'aide de fournisseurs de services privés et de le faire dans un horizon de quatre à six ans, ce qui correspond souvent au temps qu'il faut pour ouvrir une brèche dans un problème social.
    Pour conclure, je tiens à préciser que nous sommes encore au stade de l'expérimentation de cette technique. Comme je l'ai dit, il n'y a que quatre projets en cours aux États-Unis. Nous sommes en train d'en préparer 12 autres avec nos partenaires gouvernementaux.
    Il faut aussi prendre conscience du fait que cet outil est très bien adapté à certaines circonstances, mais qu'il y en a bien d'autres dans lesquelles il ne convient pas. Il faut donc déterminer avec soin quand l'utiliser et quand ne pas l'utiliser, et il faut concevoir les projets attentivement. Il serait tout à fait possible d'élaborer un projet qui ne ciblerait pas la bonne clientèle, dans lequel le fournisseur de services pourrait ne cibler que la crème et non les personnes ayant le plus besoin des services. Il n'est pas évident non plus de mesurer les bons résultats, et je pense que ce modèle pourrait vraiment être néfaste s'il n'est pas mis en oeuvre avec prudence.
(1550)
    La principale leçon à tirer, c’est qu'aux États-Unis, cet outil permet à certains gouverneurs et maires novateurs de s’attaquer à des problèmes qui n'auraient pas pu être abordés par l’entremise des mécanismes traditionnels. Mais il en est encore au stade expérimental et nous devons apprendre comment l’utiliser, et savoir s’il entraînera vraiment de meilleurs résultats que les autres outils dont dispose le gouvernement.
    Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Liebman et monsieur Butler, nous vous remercions de votre contribution aujourd’hui.
    Nous allons passer à la première série de questions. Monsieur Richard, vous avez la parole en premier.
    Je vous remercie tous deux de votre présence, réelle ou virtuelle.
    La plupart de mes questions s’adressent à M. Butler, mais j’aimerais commencer par vous, monsieur Liebman... ou est-ce professeur Liebman?
    Professeur, monsieur, comme vous le voulez.
    D’accord.
    Monsieur Liebman, vous avez dit avoir participé à l’évaluation d’un certain nombre de projets pour divers ordres de gouvernement. Je suppose que vous avez aussi réalisé certaines recherches universitaires, et que vous avez comparé ce modèle aux modèles plus traditionnels. Est-ce exact? Est-ce que c’est ce que vous avez fait dans le cadre de vos recherches universitaires?
(1555)
    Oui. La recherche se poursuit, parce que nous procédons à la mise à l’essai du modèle...
    M. Blake Richards: C'est bien.
    M. Jeffrey Liebman: ... mais j’étudie certainement la question.
    Vous avez parlé de trois domaines pour lesquels ce modèle serait utile ou potentiellement utile, selon vous, notamment celui de la prévention. Notre étude vise le financement social aux fins de la prévention de la criminalité. J’aimerais qu’on parle de ce domaine, de la prévention.
    Vous avez parlé de quatre projets auxquels vous participez d’une manière ou d’une autre, qui sont en cours. Pouvez-vous nous faire part des premiers résultats de ces projets ou des recherches que vous avez réalisées, pour faire une comparaison avec les modèles plus traditionnels?
    C’est une excellente question. C’est important de dire que ces projets sont assez nouveaux; nous devrons donc patienter avant d’en connaître les résultats finaux. Il faut les offrir pendant quelques années, puis attendre encore quelques années pour voir si les personnes récidivent; ensuite, nous en saurons plus. Nous en sommes encore à cette étape.
    Toutefois, j’ai appris trois choses au sujet du modèle, que je ne savais pas il y a six mois. Tout d’abord, leur mise en oeuvre est possible. M. Butler disait tout à l’heure qu’au début du projet, il ne savait pas s’il serait possible d’obtenir l’argent des investisseurs, en raison du risque. Nous savons maintenant que c’est possible. Si l'on emprunte cette voie et qu’on met sur pied un bon projet, on peut le mettre en œuvre et offrir des services. C’est la première chose que nous avons apprise.
    Ensuite, nous avons appris que les gouvernements qui ont pris part à ces projets ont décidé d’en faire d’autres. Ils auraient pu, une fois le processus terminé, dire « Très bien, nous avons réalisé un projet, mais nous n’en ferons pas d’autres. C’était trop difficile. » Mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Lorsqu’ils ont commencé la prestation des services offerts dans le cadre des projets de prévention de la récidive, l’État de New York et le Massachusetts ont immédiatement annoncé qu’ils réaliseraient d'autres projets de ce genre. Ces outils leur permettent de faire ce qui était impossible avec les outils traditionnels. Le Massachusetts a annoncé la mise sur pied d’un projet pour les sans-abri et d’un projet d’alphabétisation des adultes, et depuis la mise en œuvre du projet de prévention de la récidive, l’État de New York a annoncé la mise sur pied d’un projet sur le diabète et d’un autre dans le domaine de la petite enfance. C’est la deuxième chose que nous avons apprise.
    Je crois que la troisième chose que nous constatons sur le terrain  — et j’aimerais savoir si M. Butler est d’accord avec moi —, c’est qu’en raison de l’attention qu’accorde le secteur privé aux projets, lorsque des problèmes surviennent, comme cela arrive dans tous les projets, on constate une urgence de les régler, ce qui n’est pas toujours le cas dans le secteur public, du moins selon mon expérience.
    Je crois qu’on se concentre sur les résultats et que l’argent en jeu a une incidence sur la façon dont les services sont offerts sur le terrain.
    Très bien. Merci beaucoup. Cela nous est très utile.
    Monsieur Butler, j’aimerais vous poser des questions également. Vous avez parlé de votre projet Rikers Island, de son organisation, etc. Pouvez-vous nous donner une idée du temps nécessaire à la mise sur pied du projet? Je ne crois pas vous avoir entendu dire combien de temps cela avait pris.
    Ensuite, si possible, j’aimerais que vous nous disiez combien de temps il vous a fallu pour trouver des investisseurs et des fournisseurs de services que les investisseurs voulaient... Bien sûr, ils doivent être à l’aise les uns avec les autres, et je me demande combien de temps cela a pris. Maintenant que le cadre est établi, est-ce qu’il sera plus facile de mettre sur pied les prochains projets rapidement?
    La ville de New York avait déjà songé à ce projet avant qu'on décide d'y participer. Certains travaux préliminaires ont été faits avant notre arrivée, ce qui nous a facilité la tâche, ou qui a du moins accéléré les choses. Néanmoins, je dirais qu'entre le moment où nous avons entrepris la collaboration avec la ville de New York et la phase pilote du projet, il s'est passé environ un an. Nous avions beaucoup de travail à faire au cours de cette année.
    La plus importante était probablement de déterminer les coûts et les économies, la liste de conditions, qui est l'élément essentiel du processus. Nous ne voulions pas parler aux investisseurs tant que le gouvernement n'avait pas accepté notre proposition. Heureusement, la ville de New York dispose de bonnes données sur le coût des lits et de la récidive, et nous avons fait preuve de diligence raisonnable en ce qui a trait au rendement des investissements relatifs aux interventions axées sur les aptitudes cognitives.
    En réunissant ces deux éléments — mais il nous a tout de même fallu trois mois —, nous avons pu mettre sur pied un projet crédible que nous pouvions présenter sur le marché. Sa mise à l'essai en valait le coup, et nous pensions pouvoir atteindre les résultats souhaités. Au début du processus, nous avons réalisé un projet pilote de quatre à six mois, qui visait la prestation du projet à demi échelle. Je dois dire que même au-delà de la phase pilote, nous avons remanié le projet. Avant le lancement complet, on ne peut pas vraiment...
    Donc oui, il y a eu une période assez longue avant la mise en oeuvre complète du projet.
(1600)
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Richards.
    Maintenant que le cadre et le modèle sont en place, croyez-vous que la mise en oeuvre des prochains projets sera plus facile et plus rapide, puisque vous avez cette expérience?
    Je crois que oui, mais j'émets une certaine réserve. Ces projets me semblent tous assez différents. Cela dépend du type d'intervention, des partenaires, de l'association de sociétés philanthropiques et d'employeurs privés, mais je dirais qu'en général, oui, nous pourrons le faire plus rapidement.
    Merci beaucoup, messieurs Richards et Butler. C'était intéressant.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos deux témoins.
    Ce que vous avez réussi à faire... Au début, on disait qu'il y avait peu de projets du genre au Canada. Maintenant, vous me dites qu'il y en a peu aux États-Unis. Ces projets sont donc peu nombreux.
    Je crois que M. Butler parlait du Superfecta; on se concentre ici sur le perdant, en quelque sorte. Le gouvernement tente de maximiser les gains possibles, et nous voulons savoir qui est le perdant. C'est utile de voir les choses de cette façon.
    Vous avez tous les deux dit que vous travailliez avec les marges, comme les taux de récidive ou de criminalité élevés, et que vous tentiez de les réduire.
    Comme ces taux sont plus faibles au Canada qu'aux États-Unis, est-ce qu'il y a moins de place pour ces projets? Je ne m'attends pas à ce que vous connaissiez la situation canadienne, mais je vous demande d'accepter cette hypothèse et de me dire si vous croyez qu'il y a une différence possible entre le Canada et les États-Unis.
    Dans presque tous les projets auxquels nous avons participé, nous nous sommes concentrés sur les personnes qui avaient les plus grands besoins ou qui présentaient les risques les plus élevés. Pour un projet d'intervention dans le domaine de la petite enfance, on ciblera les quartiers où les enfants de la maternelle accusent certains retards, et on y concentrera les ressources. S'il s'agit d'un projet de prévention de la récidive, on se concentrera sur les personnes les plus à risque de retourner en prison.
    Souvent, lorsqu'on tente de concevoir un projet en fonction de l'ensemble de la population qu'on pourrait desservir, c'est un échec sur le plan économique. Il faut cibler les personnes qui en ont le plus besoin.
    Si ce que vous dites est vrai, alors vous n'avez pas vraiment à améliorer vos programmes. Si vous dites qu'il n'y a pas vraiment d'incidence marginale possible, alors le statu quo est acceptable pour vous. Je ne crois pas que c'est ce que vous voulez dire.
    Il me semble qu'on fait toujours une comparaison avec la situation actuelle, mais je ne crois pas que vous diriez que vous ne pouvez pas faire mieux, que vous ne pouvez pas améliorer les programmes, que vous ne pouvez pas atteindre de meilleurs résultats. Le Canada est un pays formidable, mais est-ce que c'est de l'utopie?
    Non, je ne dirais pas cela. Nous avons un groupe qui s'appelle Circles of Support, qui travaille avec les délinquants sexuels à risque élevé. Il s'agit d'un partenariat avec le gouvernement, mais pas d'un projet d'obligation à impact social. Le groupe affiche un taux de réussite de 80 % de non-récidive. C'est spectaculaire.
    C'est spectaculaire, en effet.
    Il y a donc des exemples de projets qui n'utilisent pas les obligations à impact social.
    J'aimerais vous poser une question sur deux sujets. Bien sûr, le gouvernement investit des fonds. Si les projets fonctionnent et donnent de meilleurs résultats, alors le gouvernement investit plus de fonds. Je me demande quelle est la valeur ajoutée ici. Pourquoi le gouvernement ne pourrait-il pas offrir le même programme et atteindre les mêmes bons résultats? Pourquoi le gouvernement paie-t-il 20 % d'intérêt à un autre organisme pour atteindre des résultats qu'il aurait pu atteindre lui-même? Quelle est la valeur ajoutée?
    Je ne sais pas trop quoi répondre. Aux États-Unis, nous avons depuis longtemps d'excellents programmes à petite échelle financés par des organisations philanthropiques, qui ont fait l'objet d'évaluations et ont entraîné de bons résultats. Mais, dans la plupart des cas, le gouvernement ne les a pas adoptés parce qu'il craignait qu'ils ne fonctionnent pas à grande échelle. Ce processus permet d'atténuer certains risques associés à la mise en oeuvre complète des projets.
    C'est un risque légitime, parce que nous ne savons pas si les projets fonctionneront lorsqu'ils seront déployés à plus grande échelle.
    Dans ces cas-ci, l'investisseur assume les coûts initiaux. Le gouvernement les rembourse seulement si le projet est une réussite. Le cas échéant, le gouvernement, et non l'investisseur, récolte le fruit d'un programme qui a été évalué et a fait ses preuves.
(1605)
    Allez-y, monsieur Liebman.
    Je crois que M. Butler a bien répondu à la question.
    Mais je crois que vous avez raison: l'outil ne vise pas les programmes comme celui que vous avez décrit tout à l'heure, qui est remarquable et qui fonctionne très bien. Il vise plutôt les secteurs où l'on n'obtient pas les résultats souhaités, qui nécessitent une meilleure collaboration avec les fournisseurs de services pour obtenir de meilleurs résultats. C'est là où l'outil est utile.
    C'est ce que je crois aussi.
    J'aimerais maintenant aborder la question de la reddition de comptes.
    Les projets visent des populations à risque d'une certaine façon, par leur nature, surtout dans le domaine de la justice pénale, où l'on travaille avec des personnes qui ont d'importants besoins sociaux. De qui relèvent les projets? Si une personne juge qu'elle n'a pas été bien traitée dans le cadre du programme ou si elle n'a manifestement pas été bien traitée, comment règle-t-on le problème?
    Au Canada, les projets gouvernementaux sont associés à des mécanismes de reddition de comptes. L'enquêteur correctionnel est un agent du Parlement qui surveille ce qui se passe.
    Qu'en est-il de la reddition de comptes associée à ces projets?
    Monsieur Liebman, vous pouvez répondre en premier.
    C'est une très bonne question.
    Lorsqu'on met sur pied ces projets, le gouvernement détermine les conditions du contrat et décide de le conclure ou non. On peut établir les mécanismes de reddition de comptes que l'on veut dans les contrats. En règle générale, on tente de ne pas énoncer de directives précises quant à la prestation des services. On veut permettre une certaine souplesse, dans la mesure où les projets permettent d'atteindre des résultats. Mais il n'y a aucune raison de ne pas prévoir des dispositions pour protéger les populations contre des résultats nocifs, s'il s'agit d'une priorité.
    Les mécanismes de reddition de comptes traditionnels dont vous parlez s'appliquent au gouvernement; ils ne s'appliquent pas aux organismes de bienfaisance ni aux organisations philanthropiques. Par exemple, nous avons l'enquêteur correctionnel qui agit en tant qu'agent du Parlement. Il examine seulement les activités des organismes publics. Il n'a pas le pouvoir d'examiner les activités des organismes privés ou philanthropiques.
    Je vois.
    Aux États-Unis, nous utilisons principalement cet outil dans les domaines déjà visés par les services sociaux du gouvernement, offerts par des fournisseurs de services sans but lucratif. Souvent, même dans ces circonstances, le gouvernement établira des protections — le droit de procéder à une enquête ou à une vérification, ou peu importe — et ces dispositions peuvent très bien être intégrées à un contrat de paiement à la réussite.
    Brièvement, monsieur Butler, y a-t-il quelque chose de votre côté?
    Oui, en tant qu'intermédiaire dans ce projet, c'est une de nos responsabilités. Nous surveillons beaucoup ce qui se fait sur le terrain. Nous parlons aux participants au programme. Il n'y en a pas eu beaucoup, heureusement, mais si les gens ont des plaintes à formuler au sujet du service — s'ils estiment qu'ils ne sont pas traités équitablement —, nous avons la responsabilité d'essayer de régler le problème, que ce soit par l'intermédiaire du service correctionnel municipal, du bureau du maire, etc. C'est l'une des façons dont nous mettons en oeuvre ces mesures de contrôle.
    Très bien. Merci, monsieur Butler.
    Monsieur Payne, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici, soit en personne ou à distance.
    Je trouve cet aspect vraiment intéressant, surtout parce que je constate que l'on innove. À mon avis, en ce qui concerne la finance sociale, c'est plutôt positif. Il semble que nous établissons des liens entre divers secteurs, ce qui permettra, espérons-le, d'obtenir de meilleurs résultats.
    Je me demande si vous pourriez, tous les deux, nous parler de la souplesse des fournisseurs de services et de la possibilité d'adapter le programme en fonction des gens.
    Commençons par vous, monsieur Butler.
    Notre projet n'est pas adapté aux gens. Essentiellement, il s'agit d'une intervention uniforme offerte à tous. C'est un cours de thérapie cognitivo-comportementale visant à modifier la façon de penser. Il est possible de tenir compte des besoins des gens, mais le cours offert dans le cadre de ce programme est préétabli.
    Cela dit, nous avons dû, en collaboration avec le fournisseur de services, apporter malgré tout des ajustements à cette intervention en fonction de la population carcérale de l'établissement. Nous avons dû faire des changements, mais nous voulions aussi faire des essais sur quelque chose de simple dont les effets sont faciles à mesurer, quelque chose qui ne comportait pas trop d'éléments de programme complexes — surtout parce qu'il s'agissait du premier — et qui avait démontré son efficacité dans le passé.
(1610)
    Monsieur Liebman.
    Dans le cas de certains modèles mis à l'essai — je pense en particulier au modèle de Roca qui est utilisé avec les jeunes hommes, au Massachusetts —, ce sont des modèles spécifiquement conçus en fonction de l'emplacement et en fonction des services dont les gens ont besoin. Certains individus ont besoin de services d'éducation avant d'avoir des services de formation à l'emploi. D'autres sont prêts à occuper un emploi immédiatement. Je pense que plusieurs fournisseurs de services réussissent très bien à cerner quels services doivent être offerts et à qui ils doivent être offerts.
    Je dirais que dans certains cas, la conception même des projets — où le gouvernement réfère une population donnée aux fournisseurs de services plutôt que d'obliger les fournisseurs de services à recruter eux-mêmes les gens — incite les fournisseurs de services à mieux comprendre en quoi leur modèle est la solution qui convient et à savoir ce qu'ils peuvent faire pour bonifier le modèle existant pour servir la population qui leur a été assignée.
    On observe donc cette souplesse dont vous parlez, mais je pense que ce modèle incite les fournisseurs de services à créer ce genre de choses parce qu'ils doivent produire des résultats. Ils doivent donc trouver des solutions novatrices qui donneront de meilleurs résultats.
    Merci.
    Monsieur Butler, en ce qui concerne votre programme, vous avez indiqué être à deux ans d'atteindre vos objectifs et de réduire le récidivisme de 10 %, et vous avez parlé d'une évaluation de l'effet net. Je me demande si vous pourriez nous donner plus d'informations à cet égard. Quel genre de contrôles utilisez-vous pour vous assurer que vous obtenez réellement les résultats souhaités?
    En fait, l'évaluation de l'effet net, qui est réalisée par un organisme d'évaluation indépendant et non par nous, est relativement facile. On utilise les données concernant le nombre de jours dans le programme. Lorsque les gens sortent de prison, ils font l'objet d'un suivi pendant deux ans. On compte le nombre de personnes qui retournent en prison et aussi la durée de la peine d'emprisonnement. Ces chiffres sont comparés au groupe témoin, soit une population du même âge, pendant la période de cinq ans précédente. Donc, c'est assez simple.
    Toutefois, dans une telle situation, comment fait-on pour savoir si l'on est en voie d'atteindre ces objectifs? Nous cherchons à savoir si le programme est mis en oeuvre correctement, parce que nous savons qu'il a donné des résultats dans le passé. Il doit donc être mis en oeuvre comme il se doit. Ensuite, nous vérifions le niveau de participation. À quelle étape du programme les gens se rendent-ils? Combien terminent le programme? Combien se rendent à l'étape 3 ou à l'étape 7 du programme? Nous avons des analyses fondées sur ces données qui nous permettent de dire si les gens sont sur le point de réussir. Mais, on ne sait jamais. En fin de compte, la comparaison pourrait nous surprendre.
    Voilà comment nous procédons.
    Monsieur Liebman, vous avez aussi parlé des services à la petite enfance et de l'itinérance. Avez-vous des détails sur les programmes auxquels vous avez recours et qui nous donneraient une indication des populations en cause? Quels sont les résultats auxquels vous vous attendez? Quels genres de mesures sont mises en place pour vous assurer d'atteindre ces objectifs?
    C'est une excellente question. En ce qui concerne les programmes pour la petite enfance, divers États ont créé deux types de programmes très différents. L'un d'entre eux est véritablement axé sur la petite enfance, soit de six mois avant la naissance jusqu'à l'âge de deux ans. L'objectif est de s'assurer que la mère a une grossesse en santé. Les premières données recueillies portent sur le taux de naissances où l'on observe une insuffisance de poids à la naissance. Nous espérons réduire les coûts des soins de santé en réduisant le taux de faible poids à la naissance et aussi réduire les coûts médicaux au cours des deux premières années de vie parce que les enfants sont nés en meilleure santé.
    Il y a donc une série de projets axés sur la petite enfance et on vise principalement l'obtention de ce genre de résultats en santé, du moins à court terme. Il y a ensuite l'autre type d'intervention liée à la petite enfance, qui s'adresse aux enfants d'âge préscolaire, tout juste avant leur entrée à l'école, où nous tentons d'offrir des soins de santé de qualité aux enfants des collectivités défavorisés. En nous assurant que les enfants arrivent à l'école en y étant préparés plutôt qu'en accusant un retard par rapport aux autres enfants, nous espérons réduire ce que nous appelons les dépenses en éducation spécialisée liées aux efforts de rattrapage une fois qu'ils sont à l'école.
    Ce qui distingue ces deux genres de projets des projets sur le récidivisme, c'est que certains de leurs effets se font sentir à bien plus long terme. L'idée est d'aider les enfants lorsqu'ils ont cinq ou six ans dans l'espoir qu'ils vivent beaucoup de bonnes choses; plus tard, ils seront moins susceptibles de commettre des crimes à l'adolescence, moins susceptibles de devenir des décrocheurs au secondaire et plus susceptibles d'avoir un meilleur revenu. S'ensuivent alors des discussions avec les gouvernements pour savoir s'ils veulent aussi payer pour ces résultats à long terme en se basant sur des résultats à court terme ou s'ils veulent profiter des économies qui découlent des mesures prises au cours des quelques premières années de vie.
    Voilà ce que l'on fait par rapport à la petite enfance. Je ne veux pas utiliser tout votre temps. Je peux aussi vous parler de l'itinérance, si vous voulez, ou nous pouvons passer à une autre question.
(1615)
    Nous allons passer à une autre question. Toutefois, j'imagine que vous aurez l'occasion d'en parler.
    Nous passons maintenant à M. Easter, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, c'est une discussion intéressante. J'aimerais revenir sur le dernier point de M. Liebman sur la petite enfance et les enfants d'âge préscolaire, qui sont des domaines dans lesquels je n'aurais pas cru que la finance sociale puisse jouer un rôle. Nous pouvons regarder les programmes liés à la petite enfance mis en place au pays. Le Québec en compte beaucoup. À l'Île-du-Prince-Édouard, il existe un programme appelé CHANCES qui s'adresse aux enfants de zéro à six ans. Il connaît beaucoup de succès chez les familles à faible revenu et il y a des résultats positifs, que l'on observe depuis plus de 20 ans.
    Comment appelle-t-on les deux programmes dont vous avez parlé? Je pourrais faire des recherches à leur sujet.
    Vous parlez des interventions précises?
    Oui.
    Les États qui ont choisi d'aller dans cette voie auront recours aux appels d'offres pour déterminer quels fournisseurs seront retenus. Aux États-Unis, il y a divers fournisseurs dans ce secteur et leurs programmes ont fait l'objet d'évaluations très rigoureuses. Le plus connu est le Nurse-Family Partnership, dont les études ont fait l'objet de trois essais randomisés contrôlés, mais il en existe d'autres. Vous pourriez demander à votre personnel de faire un suivi avec moi à ce sujet. Je peux vous envoyer un courriel et vous donner plus de détails à ce sujet.
    En ce qui concerne les enfants d'âge préscolaire, les interventions menées dans l'année précédant l'entrée à l'école, elles ont tendance à être propres à un État ou à une ville. Il existe des modèles, mais je ne crois pas qu'on leur ait donné un nom comme on l'a fait pour les programmes liés à la petite enfance.
    Nous communiquerons avec vous et ferons un suivi à cet égard. Pour revenir sur la question de la prévention de la criminalité, quelle est la population de la prison de Rikers et quel est le pourcentage ciblé par ces programmes?
    Notre population est composée de jeunes de 16 à 18 ans qui, dans l'État de New York, l'un des deux États des États-Unis qui ont ce point en commun, sont traités comme les adultes. L'autre est la Caroline du Nord; je ne crois pas que nous ayons beaucoup d'autres choses en commun.
    Il s'agit d'un programme axé sur la saturation, ce qui signifie que nous essayons d'intervenir auprès de chaque jeune de ce système carcéral pendant au moins six jours, car il s'agit du temps dont nous avons besoin pour communiquer avec eux et pour leur donner une dose de cette intervention thérapeutique. Nous fonctionnons de cette façon parce que la ville était convaincue que si l'on n'intervenait pas à grande échelle, si cela ne s'appliquait pas à tout le monde, obtenir un effet spectaculaire serait très peu probable. Les responsables municipaux croyaient aussi qu'il serait très difficile d'être sélectifs et d'offrir le programme seulement à certains jeunes et non aux autres. Ils voulaient vraiment intervenir à grande échelle, ce qui est complexe, mais nous avons été capables de... Nous en sommes à plus de 80 %. L'objectif est peut-être de 100 %, mais nous sommes à 80 %, ce qui est plutôt rare dans le domaine. Essayer d'être plus ambitieux était une bonne idée.
    Pour ce qui est du financement, quelle est la part du secteur privé? Quelle est la part du gouvernement ou de l'administration municipale? Le savez-vous?
    Initialement, ce programme était entièrement financé par le secteur privé, par la fondation et la banque. On parle d'un budget de 9,6 millions de dollars sur quatre ans.
    Pour revenir aux trois points, cela m'a impressionné. Si cela peut fonctionner et améliorer le processus décisionnel de l'État, je crois que cela nous serait fort utile en ces parages, monsieur le président. Aider le gouvernement à consacrer des ressources à la prévention plutôt qu'à des mesures correctives est une bonne idée, comme l'est celle d'autoriser le gouvernement à conclure des accords de collaboration avec d'autres sources. Ce sont des objectifs tout à fait formidables.
    Quant à savoir où vous en êtes par rapport aux programmes qui sont en place jusqu'à maintenant, je ne crois pas que vous puissiez encore nous dire dans quelle mesure ils ont donné des résultats positifs ou non, mais lorsque le programme est conçu et que la structure financière est établie pour les mesures dont vous parlez, les adaptez-vous en cours de route? Le programme est-il en changement perpétuel ou vous en tenez-vous au programme que vous avez établi? Est-il adapté au fur et à mesure, lorsque vous constatez des problèmes et que des changements devraient être apportés? Des idées?
(1620)
    Dans notre cas, nous nous sommes adoptés, mais nous avons établi un juste équilibre entre l'adaptation et la conformité, parce que nous essayons de respecter un modèle de programme précis qui a fait ses preuves dans le passé. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'apporter trop de modifications pourrait nous entraîner en territoire inconnu. Nous essayons donc d'établir cet équilibre et je pense que nous avons réussi. Les résultats en feront foi.
    Je suppose que ce sera ma dernière question, monsieur le président.
    Dans vos expériences dans l'ensemble du pays, il s'agit pour vous deux de nouveaux outils et d'innovations au sein du système de justice pénale dont l'objectif est la prévention. Existe-t-il une coordination dans l'ensemble du pays? Les gouvernements sont parfois maîtres dans l'art de réinventer la roue. Y a-t-il une collaboration quelconque aux États-Unis ou est-ce le chaos accompagné d'une bonne part d'expériences?
    Je pense qu'il y a un peu de tout, mais dans notre modèle, le modèle du Laboratoire d'assistance technique en obligation à impact social de la Harvard Kennedy School, la collaboration en parallèle avec 10 administrations nous permet d'obtenir cet enrichissement mutuel. Nous réunissons les gens que nous avons placés sur le terrain pour aider les États ou les villes, mais aussi les fonctionnaires du gouvernement auxquels ils rendent des comptes. Nous organisons des réunions une ou deux fois par année pour parler des leçons apprises et nous tenons aussi régulièrement des conférences téléphoniques pour qu'ils puissent nous faire part de leurs expériences.
    Nous essayons de mettre en place un réseau, mais certains projets ont des caractéristiques qui leur sont propres; les diverses administrations apprennent de nouvelles chevilles ou doivent composer avec un élément totalement nouveau. Je pense qu'il y a une combinaison de facteurs, mais nous faisons de notre mieux pour transmettre nos apprentissages. Manifestement, comparaître devant le comité fait partie de l'effort auquel nous tentons de participer.
    Merci beaucoup, monsieur Liebman.

[Français]

    Nous passons maintenant à Mme Doré Lefebvre, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Docteur Liebman et monsieur Butler, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. C'est très intéressant.
    Monsieur Butler, j'aimerais vous poser une question.
    On a parlé des intérêts que vous versiez. Les députés de ce côté-ci de la table ont compris que ce taux était de 20 %. Est-ce exact?

[Traduction]

    Non. Veuillez m'excuser si je n'ai pas été clair. Le montant du remboursement est assujetti à un plafond si le projet permet de réduire le récidivisme de 20 %. À ce pourcentage d'efficacité, le profit maximal de l'investisseur serait de 2,1 millions de dollars. L'investisseur ne peut faire plus d'argent.

[Français]

    Il reste que le taux est de 20 %. Je crois que vous avez mentionné que votre programme était de 9,6 millions de dollars. Cela avoisine quand même les 20 %.

[Traduction]

    Oui. Si on fait le calcul en fonction d'un investissement de 9,6 millions de dollars, les investisseurs peuvent obtenir un profit net de 2,1 millions de dollars sur un certain nombre d'années, ce qui, calculé annuellement, n'est pas si différent des autres investissements.
(1625)

[Français]

    Merci.
    Monsieur Liebman, à la fin de votre présentation, vous avez dit être en train d'expérimenter la finance sociale, que c'était un outil adéquat à certains endroits mais qu'à d'autres, ce n'était pas la meilleure solution.
    Pouvez-vous me donner des exemples d'endroits où la finance sociale est une bonne chose et d'autres où vous considérez que ce n'est pas une très bonne idée?

[Traduction]

    C'est une excellente question. Je pense que cet outil fonctionne mieux quand on peut mesurer le résultat désiré et que ce résultat est un indicateur global de ce qu'on essaie de faire. Lorsqu'on peut seulement mesurer une partie de ce que l'on souhaite atteindre comme objectif social et qu'on paie beaucoup d'argent en s'appuyant uniquement là-dessus, il est possible que le rendement soit déformé en fonction de ce qu'on peut mesurer et au détriment d'autres éléments importants.
    Dans un domaine comme celui de la justice pénale, où la réduction de la criminalité et l'imposition de peines d'emprisonnement sont notre principal objectif, je crois que c'est un très bon outil. Cela dit, quand il s'agit d'autres services sociaux, alors que nous essayons peut-être de faire cinq choses différentes, mais que nous pouvons seulement en mesurer une, je crois que cet outil pourrait comporter des risques. Les résultats pourraient être très bons par rapport à ce que nous pouvons mesurer et très mauvais pour ce qui est du reste.

[Français]

    C'est intéressant.
    Monsieur Butler, avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?

[Traduction]

    Je ne sais pas... En fait, je pense que j'aimerais revenir un instant à une autre question que vous m'avez posée, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

[Français]

    Il n'y a pas de problème.

[Traduction]

    Je tiens à signaler que peu importe ce que vous pensez du rendement enregistré par l'investisseur, on prévoit dans ce scénario que les économies nettes des contribuables — c'est-à-dire après avoir absorbé les coûts du programme et payé l'investisseur — dépassent 20 millions de dollars. Si on aborde la question du point de vue des contribuables par rapport au ratio avantages-coûts, le gouvernement profite davantage du taux de rendement élevé que l'investisseur.

[Français]

    Je trouve surprenant que vous disiez cela puisque lorsque nous avons commencé notre étude, un témoin de Washington nous a dit que si elle avait la possibilité de ne pas utiliser la finance sociale, elle ne l'utiliserait pas parce que selon elle, en définitive, cela coûtait plus cher au gouvernement ou aux contribuables, entre autres à cause des intérêts versés aux investisseurs.
    Selon vous, cette déclaration a-t-elle du sens?

[Traduction]

    Je pense que tout gouvernement qui accepte une telle entente doit engager de nouveaux comptables et de nouveaux avocats. On ne devrait pas l'accepter. Personne ne devrait consentir à cet arrangement dans lequel le gouvernement finira par perdre de l'argent, n'est-ce pas?

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup de votre temps et de votre contribution. La présidence vous est certainement reconnaissante d'avoir tenu compte de ses échéanciers et d'avoir facilité un peu son travail. Merci.
    Comme je le disais, nous vous sommes profondément reconnaissants d'avoir pris le temps et de vous être donner la peine de venir témoigner. Bienvenue au pays de vos voisins du Nord, qui vous offriront leur merveilleuse hospitalité. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre brièvement nos travaux le temps que nos prochains témoins s'installent.
(1625)

(1630)
    Reprenons.
    Pour la deuxième heure de notre étude sur la finance sociale, nous sommes très heureux d'accueillir deux témoins. Du MaRS Discovery District, nous avons Adam Jagelewski, qui est codirecteur, et Sarah Doyle, qui est conseillère de direction principale.
    Vous savez évidemment de quelle façon nous procédons. Vous aurez chacun jusqu'à 10 minutes. Vous pouvez utiliser votre temps comme vous le voulez, que ce soit en le partageant ou séparément. Nous passerons ensuite aux questions.
    Vous avez la parole.
(1635)
    Monsieur le président, chers membres du comité, je vous remercie d'accueillir ma collègue Sarah et moi.
    Nous représentons MaRS Discovery District, à Toronto. Notre centre met l'accent sur les débouchés en matière de finance sociale, principalement au Canada.
    Nous participons à de nombreuses activités de recherche, de sensibilisation ou de développement liées à ce modèle d'investissement relativement nouveau qui marie les objectifs financiers aux objectifs sociaux. Nos clients vont des gouvernements aux investisseurs, mais la majorité de notre travail est axé sur les entreprises sociales qui cherchent de nouvelles façons de recueillir des fonds pour mener leurs activités.
    Je précise que depuis 2010, nous avons publié plusieurs rapports sur l'investissement social qui pourraient vous intéresser. Je vais les rendre accessibles au public et, après cet exposé, je vais également remettre un mémoire aux fins de cette étude, si c'est une chose sur laquelle vous vous penchez.
    Un centre d'innovation comme MaRS s'intéresse à l'investissement social pour quelques principales raisons.
    Premièrement, en particulier dans le contexte financier actuel, les budgets du gouvernement font l'objet d'importantes contraintes. Mentionnons notamment que la capacité du gouvernement à répondre aux besoins en matière de services sociaux d'une population vieillissante est inadéquate et, chose importante, que sa capacité à mettre l'accent sur la prévention et à la financer dans toute une gamme de domaines est limitée. Plus que jamais, le gouvernement a besoin de partenariats pour exploiter les actifs d'autres secteurs afin d'améliorer les retombées sociales pour les collectivités du Canada.
    Deuxièmement, les gouvernements, ainsi que les donateurs, déploient de plus en plus d'efforts pour que les normes de rendement portent davantage sur les résultats que sur la production de rapports. Pour mesurer les changements sociaux, on accorde la priorité à des paramètres adéquats, mais ils sont encore difficiles à respecter. De nombreux consommateurs et beaucoup de particuliers qui font des dons demandent de la transparence à l'égard des pratiques environnementales et sociales des organisations, mais la normalisation de la reddition de comptes pose encore des difficultés.
    Heureusement, il existe de nouveaux outils, de nouveaux acteurs et une nouvelle façon de réfléchir à la manière de s'attaquer aux problèmes sociaux à l'aide d'approches axées sur le marché. Une nouvelle sorte d'investisseurs envisagent des mécanismes de financement complémentaires grâce auxquels davantage d'approches philanthropiques traditionnelles pourraient être employées. Les moyens d'améliorer les conditions sociales tout en obtenant un rendement financier sont intéressants pour eux.
    Nous avons bon espoir qu'avec une certaine intermédiation entre les fonctions liées à l'offre et à la demande, et une sensibilisation constructive aux occasions et aux risques, de nouvelles possibilités d'investissement pourraient permettre de changer les choses à l'égard de nombreux enjeux de politique sociale du Canada, y compris la prévention du crime.
    Notre centre a une stratégie globale pour examiner l'investissement à retombées sociales au Canada. Nous avons des initiatives très concrètes, comme le SVX, qui établissent des liens entre les entreprises sociales à la recherche de capitaux et des investisseurs qui ont l'argent nécessaire. Nous certifions la conformité des entreprises qui acceptent de mesurer leur rendement et d'en faire rapport à l'aide de critères sociaux. Nous donnons des conseils sur l'élaboration de nouveaux produits financiers, y compris les obligations à impact social, qui, à ma connaissance, suscitent un vif intérêt dans le cadre de cette étude. Nous formulons également des conseils stratégiques et participons à des discussions sur l'élaboration de politiques globales par le truchement du groupe de travail sur l'investissement social appuyé par le G8.
    J'ai déjà mentionné que nous publions beaucoup de recherches, qui sont accessibles au public, et que nous exerçons un leadership éclairé.
    Dans les premiers jours du centre, nous avons constaté qu'il n'y a pas qu'une seule approche pour régler le problème de l'accès au capital auquel font face les entreprises sociales à but lucratif ou non lucratif, ce qui est important à savoir. Nous appuyons donc un éventail d'initiatives qui canalisent les efforts de manière à accroître le capital disponible à des fins sociales ainsi que les retombées sociales intentionnelles que l'on peut mesurer.
    Nous y parvenons entre autres en analysant de manière soutenue l'utilisation des obligations à impact social. Jusqu'à preuve du contraire, je pense qu'il est juste de dire que cet outil pourrait servir dans les domaines de la prévention où il est possible d'économiser de l'argent ou d'améliorer la prestation de services. Les organismes sans but lucratif désirent examiner avec nous les obligations à impact social étant donné qu'elles représentent un modèle de revenus qui permet de financer une croissance plus forte ou de soutenir la prestation de services, et les investisseurs sociaux sont attirés par le dynamisme qui découle de l'association des résultats au rendement financier.
    Notre centre a un programme d'accélération qui vise à déterminer s'il est possible d'utiliser cet outil pour résoudre les problèmes de domaines précis. Il analyse les interventions qui pourraient améliorer les résultats dans ces domaines, et si les conditions sont remplies, il aide à élaborer les ententes de partenariat multisectoriel nécessaires pour les déclencher.
(1640)
    Même si notre centre est agnostique par rapport aux enjeux, c'est-à-dire que toutes les retombées sociales et environnementales sont vues d'un bon oeil, les obligations à impact social sur lesquelles il se penche actuellement relèvent de trois domaines d'activités: le diabète, l'hypertension et les logements supervisés pour les sans-abri aux prises avec des problèmes de santé mentale.
    Nous n'avons pas encore confirmé ou infirmé le modèle dans un de ces domaines, et, bien franchement, il est en général bien trop nouveau pour pouvoir parvenir à une conclusion définitive ou générale. Nous sommes toutefois déterminés à apprendre si les obligations à impact social pourraient être utilisées pour soutenir la croissance lorsque le gouvernement n'a pas les ressources lui permettant de reproduire à grande échelle une intervention qui donnent des résultats; pour aider le gouvernement à passer du financement d'activités à l'octroi de mandats; pour abattre les cloisons qui existent entre les organismes gouvernementaux qui cherchent à obtenir sensiblement les mêmes résultats pour des segments de populations semblables; et pour récompenser les organismes sans but lucratif qui obtiennent des résultats positifs sur le plan social.
    Nous sommes toutefois conscients des défis réels ou perçus de l'investissement à retombées sociales et des obligations à impact social. Dans un scénario idéal, le gouvernement poursuivrait des projets de grande envergure de manière à financer adéquatement la prévention et ce qui fonctionne dans des domaines donnés. Dans le cas des obligations à impact social, c'est souvent plus coûteux, ou certainement plus complexe, de financer un fournisseur de services que d'offrir une subvention directe ou de faire un don. Mais pour en revenir aux contraintes financières, cet outil pourrait être utilisé lorsque le gouvernement n'a pas les ressources pour mettre à l'essai, faire croître ou reproduire des programmes novateurs. Il pourrait également servir un autre cadre de reddition de comptes, qui pourrait s'avérer plus propice à l'obtention de résultats.
    Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, qui va décrire de manière plus détaillée certains des avantages potentiels.
    Merci de nous avoir invités à témoigner.
    Adam a donné un aperçu général du milieu de la finance sociale et de notre travail à cet égard au MaRS Centre for Impact Investing. Je vais me contenter de décrire brièvement les avantages que ces outils peuvent offrir au gouvernement.
    Comme on vous l'a probablement déjà dit un million de fois, la finance sociale est essentiellement un concept simple. C'est une approche de gestion financière visant à obtenir des retombées sociales ou environnementales en même temps qu'un rendement financier, qui peut correspondre au capital investi ou à une somme qui s'ajoute à un rendement nominal.
    Un large éventail de partenariats et d'outils tombent dans cette catégorie, et les obligations à impact social n'en constituent qu'un seul. Dans certains cas, le gouvernement doit faciliter ou catalyser l'établissement de relations, qui seront par la suite essentiellement entretenues entre un investisseur socialement responsable et une entreprise sociale, qui peut être un organisme sans but lucratif ou à but lucratif, ou une coopérative.
    Ce qui est intéressant pour le gouvernement, c'est que ces relations peuvent mener à l'investissement de capitaux privés dans des services sociaux ou des entreprises qui contribuent à améliorer les conditions sociales et économiques de particuliers et de leurs collectivités. Comme nous l'avons appris du monde des affaires, il faut du capital pour mettre en pratique à grande échelle de bonnes idées, ce qui est également vrai dans le contexte social.
    Dans le domaine de la prévention du crime, on peut trouver ces bonnes idées à divers endroits, que ce soit dans un projet de formation professionnelle visant la réintégration d'ex-délinquants sur le marché du travail, dans la pratique d'un établissement de santé mentale qui consiste à combattre certaines des causes profondes de la criminalité ou dans un programme d'éducation préscolaire conçu en fonction du principe de l'enseignement. Ce ne sont que quelques exemples parmi d'autres, mais je pense qu'il y a beaucoup de possibilités.
     De nombreux fournisseurs de services hors pair ont des programmes efficaces qui bénéficient déjà de fonds publics et de dons de philanthropes. C'est fantastique, et cela devrait continuer. L'investissement social peut toutefois représenter une source supplémentaire de financement, qui peut aider à mettre de nouvelles idées à l'essai, à encourager l'innovation et à appliquer à grande échelle les approches les plus efficaces.
    Comme nous l'avons dit, les obligations à impact social ne sont qu'un outil parmi d'autres. Je vais prendre un peu plus de temps pour parler de leurs avantages, car c'est le modèle dans lequel le gouvernement intervient plus directement en tant que bailleur de fonds.
    Il existe trois principaux avantages du point de vue du gouvernement. Le premier, c'est que dans le cas des obligations à impact social, le paiement est effectué en fonction des résultats. C'est un peu différent de la façon de procéder qu'on utilise habituellement pour les subventions gouvernementales. Donc, au sujet du paiement en fonction des résultats, même si cela peut prendre d'autres formes, c'est seulement dans le cas des obligations à impact social que les plus petits fournisseurs de services peuvent jouer un rôle. Les plus grands fournisseurs de services ont les ressources nécessaires pour conclure ce genre de contrats sans devoir s'adresser à des investisseurs pour répondre à leurs besoins de liquidités, tandis que les petits fournisseurs doivent d'abord fournir les fonds.
    Le fait de mettre l'accent sur les résultats favorise la collaboration entre les fournisseurs et aide à combler les lacunes en matière de services. Cela entraîne également une évaluation et une collecte de données rigoureuses. Les obligations à impact social sont donc conçues de manière à ce que les données soient recueillies en fonction des résultats.
    Trois parties sont concernées par l'incitatif et la structure de responsabilité uniques de ces obligations; elles se demandent mutuellement des comptes et cherchent toutes à atteindre les objectifs sur lesquels elles se sont entendues dans le contrat au début de l'entente. Les objectifs peuvent parfois représenter des économies nettes pour le gouvernement, même si ce n'est pas nécessairement toujours le cas.
    Le deuxième avantage majeur, c'est que les obligations à impact social donnent aux fournisseurs de services sans but lucratif un accès à des fonds de roulement sur une plus longue période, ce qui peut leur accorder une marge de manoeuvre pour innover et s'adapter à mesure qu'ils reçoivent de nouveaux renseignements pendant la durée de l'entente. Une de fois plus, cela ne correspond pas tout à fait à la norme respectée dans les accords de financement du gouvernement, dont les exigences en matière de rapports sur les résultats plutôt que sur le rendement et les critères exigeants concernant l'adaptation aux nouveaux renseignements peuvent étouffer l'innovation.
    La troisième raison que j'aimerais souligner est que le risque financier des obligations à impact social est efficacement transféré aux investisseurs plutôt que d'être assumé par le gouvernement. On peut utiliser les obligations à impact social pour mettre à l'essai des approches novatrices qui n'ont pas fait leurs preuves ou, ce qui a plus souvent été le cas jusqu'à maintenant, pour appliquer à grande échelle ou reproduire une approche qui a connu du succès. Cela dit, même dans de tels cas, l'approche reproduite ou appliquée à plus grande échelle comporte certains risques, qui peuvent être transférés aux investisseurs, ce qui permet au gouvernement de ne payer que lorsque les objectifs sont atteints.
    Pour terminer, j'aimerais signaler qu'à mon avis, le jury n'a pas encore décidé si les obligations à impact social sont un bon outil pour mettre à l'essai des innovations qui pourraient ensuite, lorsqu'elles donnent les résultats escomptés, faire l'objet d'un modèle de financement direct, ou si elles peuvent plutôt donner à elles seules de meilleurs résultats compte tenu de leur incitatif et de leur structure de responsabilité uniques. Je pense que nous ne savons pas encore à quoi nous en tenir à cet égard.
    Nous savons que ce ne sont pas tous les problèmes qui peuvent être réglés à l'aide d'obligations à impact social, et qu'il faut s'en servir en pleine connaissance de cause. Il s'agit d'un nouvel outil, et comme l'a souligné Adam, il n'a pas encore fait ses preuves. Cela dit, nous pensons qu'il y a du potentiel et qu'il est justifié de se pencher sur la question.
    Dans le contexte plus vaste de la finance sociale, de nombreuses activités qui n'ont rien de neuf donnent lieu à des partenariats novateurs et permettent depuis un certain temps d'améliorer le bien-être des collectivités.
(1645)
    Le gouvernement pourrait prendre des mesures conçues pour favoriser davantage ce genre d'activités. Il pourrait également aider à canaliser des capitaux privés vers des priorités telles que la prévention du crime, pour laquelle il souhaite qu'on en fasse davantage. Je peux en parler de manière plus détaillée si vous souhaitez en apprendre davantage. On pourrait notamment réduire les tracasseries administratives et créer un environnement plus propice à cela. On pourrait catalyser les capitaux privés, un peu comme on l'a fait pour le capital de risque, par le truchement de fonds d'investissement ou de mesures de bonification du crédit.
    Je vais m'arrêter ici et répondre aux questions.
    Merci.
    Je vous remercie tous les deux de vos exposés.
    Nous allons maintenant entamer une première série de questions.
    Monsieur Norlock, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Par votre entremise, je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je suis heureux que vous ayez mentionné l'aversion pour le risque qu'éprouvent — pour de bonnes raisons — les gouvernements. La première, c'est que l'argent des contribuables a une grande valeur pour nous. Nous nous soucions beaucoup de son utilisation et nous voulons nous assurer que tout ce que nous faisons a des retombées positives. La deuxième raison est assez évidente, bien sûr: une allée nous sépare. Si nous ne faisons pas de bons investissements, l'opposition officielle ne nous lâchera pas d'une semelle, ce qui n'est pas une mauvaise chose, dans une démocratie.
    Voilà pourquoi je pense que les obligations à impact social sont une bonne chose, et ce, pour deux raisons. Premièrement, le gouvernement ne risque aucunement de perdre son propre argent si les résultats ne sont pas satisfaisants; quelqu'un d'autre assume le risque, mais profite aussi des avantages. Corrigez-moi si je me trompe, mais au bout du compte, les contribuables sont les véritables bénéficiaires, car non seulement ils ne paient ni pour un programme boiteux, ni pour un programme réussi, mais ils vivent aussi dans un monde meilleur. Autrement dit, ici, notre étude porte sur la finance sociale dans le cadre de la prévention du crime au Canada; donc, si nous pouvons réduire la criminalité, nous réduisons...
    Un témoin précédent — de l'opposition, je crois — a dit essentiellement que l'on doit mesurer davantage que les résultats; on doit mesurer en fait l'impact social. Il ne s'agit pas seulement de réduire la criminalité, mais de rendre son quartier plus sûr et plus paisible, et d'améliorer ainsi la qualité de vie des Canadiens.
    Diriez-vous que c'est juste? Aimeriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Oui, je pense que c'est juste. L'une des choses qui plaisent à propos des obligations à impact social et des outils de finance sociale en général, c'est qu'ils sont axés sur les résultats.
    Le terme « résultats » ne doit pas être interprété de façon restrictive. Par exemple, dans l'étude sur le logement supervisé que nous sommes en train d'effectuer relativement aux obligations à impact social, nous nous penchons sur les effets que pourrait avoir, dans la vie d'une personne, une intervention visant à fournir des services de logement et de soutien. Ce pourrait être la participation au marché du travail, la réduction de la criminalité ou l'amélioration de la santé. Divers résultats positifs pourraient découler d'une intervention donnée.
    Quand nous examinons ces outils, je pense que l'important, c'est de tenir compte de tous ces effets de façon globale. Il arrive fréquemment que les gouvernements envisagent d'avoir recours aux obligations à impact social en partie, comme vous le dites, pour réduire les coûts. Cela signifie vérifier en aval quels seront les effets d'une intervention sur le plan de la réduction des coûts des soins de santé ou du nombre de personnes emprisonnées, par exemple.
(1650)
    Merci beaucoup.
    Si je vous disais la raison pour laquelle, de ce côté-ci, le gouvernement se penche sur des enjeux comme le financement social... Ce n'est pas nécessairement uniquement les obligations à impact social, mais l'ensemble du financement social. La raison pour laquelle nous le faisons, c'est que nous savons que les gouvernements disposent de fonds limités. Nous savons que nous allons probablement dépenser davantage pour les soins de santé et pour d'autres choses.
    Nous examinons donc l'une de nos grosses dépenses... autrement dit, ce qui entraîne des coûts très importants pour l'économie, comme la criminalité. Je ne parle pas seulement des activités criminelles, mais du coût total de la criminalité, de toutes ses conséquences sociales, ce pour quoi nous utilisons ces précieux dollars. Nous ne voulons pas augmenter ce budget — nous savons que d'autres budgets vont augmenter, que nous le voulions ou non — et nous voulons continuer de réduire la criminalité.
    Je vais vous donner un exemple, même si je n'aime pas dire à quand cela remonte. Quand j'étais un jeune policier, nous étions plus intéressés à attraper les méchants, mais au fond, j'avais l'impression — cela en choquera peut-être certains...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Rick Norlock: ... que je voyais cela dans le contexte de la réduction des coûts pour la société.
    Je voudrais vous demander, monsieur Butler, si vous vous rappelez que dans les années 1980, le Bronx, à New York, n'était pas un endroit où il faisait bon vivre. La Ville de New York a voulu changer les choses en ce qui concerne ses logements sociaux, les « cités d'habitation », comme on les appelait, notamment dans le Bronx. Parallèlement, évidemment, le taux de criminalité montait en flèche. Ils se sont penchés sur les causes de la criminalité et ils ont trouvé trois choses: l'analphabétisme; le fait que les gens qui commettent des crimes ne possèdent pas de propriété; et le fait que les gens qui commettent des crimes graves commettent aussi des crimes mineurs, comme traverser la rue hors des passages réservés. C'est à cette époque, si vous vous rappelez, qu'ils interpellaient les piétons fautifs. C'était terrible, mais ils résolvaient ainsi beaucoup de crimes.
    Ils ont donc éduqué les gens, leur ont offert un métier. Grâce à leur métier, les gens ont pu s'acheter un logement. Par la suite, puisqu'ils étaient maintenant propriétaires, ils désapprouvaient le comportement de leurs voisins, qui tentaient d'endommager les appartements. Le taux de criminalité a baissé, et aujourd'hui, dans certains secteurs du Bronx, il y a des endroits où il fait bon vivre.
    Je me demande si vous pourriez transposer cela dans ce qui serait une obligation à impact social, disons, dans certains des secteurs de logements sociaux du Canada, où nous savons, en particulier dans la RGT, qu'il existe une forte criminalité.
    Je vous remercie de nous avoir donné cet exemple.
    L'une des choses que nous examinons, en ce qui concerne l'obligation à impact social, c'est sa capacité de s'attaquer à un problème d'une façon globale. Vous avez parlé de l'alphabétisation, du mode de vie transitoire de ces gens dans la collectivité, puis de leur capacité à trouver un emploi. Selon les formes traditionnelles de financement pour les initiatives de ce genre, on adopte habituellement une approche très cloisonnée. Grâce à la méthode employée pour les obligations à impact social, les organisations avec lesquelles on travaille ont la capacité de fournir chacune de ces mesures de soutien d'une manière personnalisée, si leur conception est adéquate. C'est en soi un modèle avantageux comparativement aux formes traditionnelles de financement.
    C'est la partie cruciale. Je voulais vous demander quel est votre intérêt dans tout cela. Parce que les gens ne viennent pas simplement offrir des services sans rien obtenir en retour. Ce que vous dites, c'est que si c'est bien conçu... Ai-je raison de dire que vous pourriez en faire la conception? Le gouvernement vous informerait qu'il a un gros problème dans... Je n'aime pas nommer ce quartier de Toronto, alors je vais...
    Monsieur Norlock...
    Cela commence par un « S » et finit par « borough ». Nous irions vous voir au sujet de ce problème et vous trouveriez une solution avantageuse pour tout le monde.
    Eh bien, je ne suis pas ici pour faire la promotion de notre organisation. Je pense que l'obligation à impact social ou les mécanismes de finance sociale pourraient être mis en place par divers acteurs. Ce que je dis, c'est que s'il y a un acteur qui peut agir à titre d'intermédiaire et offrir ce soutien global, on devrait en tenir compte.
    Ce qu'il faut, ce sont de nouvelles compétences, la capacité de négocier ces nouveaux résultats et d'en arriver à un rendement sensé en fonction du remboursement. Il faut de nouveaux modèles financiers. Il faut aussi une compréhension de la population cible, ce qu'une organisation n'a pas nécessairement. Il faut des mesures de reddition de comptes et la capacité d'assurer le suivi et la mesure du rendement au fil du temps. Voilà les choses pour lesquelles une organisation intermédiaire pourrait être utile.
(1655)
    Merci, monsieur Norlock.
    Merci, monsieur Jagelewski.
    Monsieur Rousseau, s'il vous plaît...

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie Mme Doyle et M. Jagelewski de leur présence parmi nous.
    Je représente une région rurale qui longe la frontière entre le Canada et les États-Unis. Les types de crimes y sont assez variés. Cela va du trafic d'êtres humains à la contrebande de cigarettes, au trafic d'armes, à la contrefaçon, etc. C'est le genre de crimes qui sont commis chez nous. Toutefois, il y a aussi tous les autres types de crimes que l'on retrouve dans les grands centres urbains, comme ceux faits par les petits gangs, le vol et toutes sortes de choses comme celles-là.
    L'un des programmes de prévention de la criminalité, qui visait surtout les adolescents, a bien fonctionné. Le décrochage scolaire était un véritable problème en milieu rural. On s'est aperçu que lorsqu'on pouvait faire assez tôt de la prévention à cet égard, les jeunes avaient bien entendu moins tendance à se tourner vers la criminalité, vers différents types de consommation et vers des problèmes de ce genre.
    Vous avez justement parlé d'une approche holistique. Quels genres d'investissement pourraient être profitables pour tous les partenaires, les fonds d'investissement philanthropiques, etc.? Quels types de partenariat pourraient être favorisés pour contrer différents types de crime?
    Les problèmes en milieu rural ne sont pas les mêmes que dans le Grand Toronto, par exemple.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, il existe de nombreux outils, mais aucun n'est une panacée. Je pense qu'il est important d'examiner le problème, puis de déterminer quels outils pourraient le régler, plutôt que de prendre tout de suite le marteau et de chercher le clou à enfoncer. Selon le type de problème et les interventions possibles pour le régler, je pense qu'une obligation à impact social est assurément un outil intéressant pour faciliter les partenariats et le genre d'approche globale dont vous parlez.
    Un exemple pourrait être utile. Je suis sûre que vous avez entendu parler de l'obligation à impact social de Peterborough, visant à réduire le taux de récidive au Royaume-Uni. Je crois que ce qui est le plus intéressant à propos de ce modèle, et dont on a parlé plus tôt cette année dans le rapport RAND, c'est le fait qu'en assumant la fonction d'intermédiaire, l'entreprise Social Finance U.K. a permis de regrouper entre 5 et 10 fournisseurs de services, qui avaient différents mandats. Certains travaillaient dans le domaine de la santé mentale. Certains offraient des programmes à la sortie. Certains aidaient les anciens délinquants à trouver un emploi. Certains étaient axés sur le logement. Aucun d'eux n'avait officiellement partagé des données ou pu dire qu'ils travaillaient avec le même client ou la même personne.
    Dans le cadre du modèle d'obligations à impact social, Social Finance a contribué à créer des ententes en matière d'échange de renseignements et de mise en commun des données entre toutes ces organisations, en décelant les lacunes dont personne n'était au courant dans la prestation de services et en permettant aux fournisseurs de se concentrer sur les interventions clés requises pour chaque client. C'est donc devenu une intervention axée sur le client. Ils voyaient le prisonnier lorsqu'il était encore en prison, ils le rencontraient à sa sortie, et ils savaient que cette personne parlait à tel fournisseur pour le logement, à tel autre pour l'emploi, et ainsi de suite. La prestation des services et les résultats s'en sont trouvés grandement améliorés.
    Ce genre d'approche globale avec divers partenaires et une communauté est possible grâce à un modèle d'obligations à impact social.

[Français]

    Croyez-vous que ce serait applicable dans les petites communautés?
    Dans ma circonscription, il y a des municipalités de 500 ou de 3 000 habitants. Certes, il y a des regroupements régionaux, mais ce sont de très petites communautés. Sans doute à cause de la frontière qui se trouve à proximité, des gens de ces municipalités sont très impliqués dans toutes sortes de crimes. Il y a même des vols de données informatiques.

[Traduction]

    Au MaRS, cela fait quelques années déjà que nous travaillons sur les obligations à impact social ou les modèles de finance sociale. Je pense que ce qui me fascine le plus, c'est que la discussion au sujet de cet outil a déclenché une discussion sur les nouvelles formes de partenariats. Toutes sortes de gens nous posent des questions, des très petites aux très grandes organisations, tant dans les régions rurales qu'urbaines. Je crois que nous mettons moins l'accent sur l'outil même et le mécanisme financier requis et davantage l'accent sur les partenariats multisectoriels qui visent à atteindre ces résultats très ruraux dont vous parlez.
    Dans votre collectivité — j'ai grandi dans une très petite collectivité —, vous avez peut-être un employeur qui a des liens avec des jeunes à risque et un autre prêt à mobiliser des ressources au profit d'un organisme sans but lucratif ou d'une organisation. Un partenariat stratégique est donc formé afin d'améliorer les résultats dans cette collectivité, et il est possible que l'on ait envisagé cela dans l'optique d'une obligation à impact social. A-t-on créé une obligation à impact social? Probablement pas, mais cela viendra peut-être.
    Je pense que cet outil a suscité un changement de mentalité et a porté de nombreuses personnes à réfléchir à la façon de concilier les intérêts — il peut s'agir d'un investisseur, d'un organisme à but non-lucratif ou d'une société — et à avoir recours à ce modèle d'une manière plus perfectionnée.
(1700)

[Français]

    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste deux minutes.
    D'accord.
    Est-ce justement à cet égard que vous intervenez? Sur le terrain, collaborez-vous avec les différents organismes qui offrent des services de prévention contre la criminalité pour régler les problèmes et pour faire, bien sûr, des investissements?

[Traduction]

    Quelqu'un doit le faire. Nous avons une très petite équipe. Nous sommes un groupe en plein essor, qui tente de trouver un moyen pour que cela fonctionne dans le contexte canadien. Je pense qu'il y aura de plus en plus d'organisations qui concluront des ententes avec les organisations dont vous parlez et dont je parle. Notre centre entend mettre l'accent sur ce type de partenariats.
    Merci, monsieur Rousseau.
    Monsieur Maguire, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre exposé. Vous nous avez fourni de très bons renseignements sur toute la question des obligations à impact social et de la lutte contre la criminalité au moyen de ces nouveaux programmes.
    Vous avez parlé des nouvelles formes de partenariats. On nous a également dit qu'il existe des paramètres concrets de réussite. J'aimerais que vous nous en parliez plus en détail en fonction des points de références que vous avez. Pouvez-vous nous parler de la nécessité et de l'utilité de fournir des données factuelles sur les programmes dans ces secteurs, qui montreraient que les résultats sont positifs sur le plan de la prévention de la criminalité?
    Selon moi, il est clair que des preuves sont nécessaires. Actuellement, les gouvernements dépensent beaucoup d'argent dans les programmes de subventions et de contributions, et généralement, les évaluations reposent sur les résultats à court terme, comme le nombre de personnes qui sont entrées, le nombre de personnes qui sont restées pendant toute la durée du programme, le nombre de bureaux achetés, et ce genre de chose.
    La transition vers la finance sociale et les obligations à impact social se fait en partie par une transition vers la mesure des résultats à plus long terme et essentiellement les choses dont les gouvernements et les gens se soucient. Je dirais que nous ne mettons pas suffisamment l'accent là-dessus. Ces outils sont utiles notamment parce qu'ils permettent de mettre davantage l'accent sur le suivi et la mesure du rendement. Cela peut mener à des effets de rétroaction très importants qui nous apprendront ce qui fonctionne. Après avoir utilisé ces outils, nous pourrons vérifier ce qui est arrivé ensuite et déterminer si un programme doit être élargi ou maintenu dans l'avenir. C'est très utile.
    En ce qui concerne la façon de mesurer ces résultats, je pense que cela dépendra vraiment du problème et de l'intervention requise. Pour une obligation à impact social, par exemple, on voudra idéalement obtenir un résultat binaire, pour savoir soit que c'est arrivé, soit que ce n'est pas arrivé, étant donné qu'un paiement sera fait en fonction du résultat. Ce n'est pas nécessairement quelque chose que l'on peut faire à chaque fois.
    Il est clair qu'il existe certains problèmes liés à la mesure du rendement, mais il y a de plus en plus d'organisations au Canada et à l'étranger qui mettent en place divers types de paramètres pour mesurer l'impact social des services et des programmes sociaux, ainsi que l'impact social des entreprises dans ce secteur.
(1705)
    Merci.
     Je suis d'accord avec l'observation de M. Norlock au sujet des résultats. Vous avez parlé de trois secteurs: le diabète, l'hypertension et les groupes pour sans-abri. Il y en a d'autres. Un autre résultat est l'incidence qu'il est possible d'avoir sur la vie des gens. Ne proviennent-ils pas du milieu de la criminalité? De toute évidence, cela fait partie de l'objectif, c'est-à-dire de faire en sorte qu'ils réintègrent la population active, qu'ils se remettent à travailler. Je crois que c'est le résultat le plus important dans tout cela, c'est celui que nous devrions viser.
    Mme Doyle, en répondant à une autre question il y a une minute, vous avez parlé de santé mentale. Il y a de nombreux scénarios à envisager à cet égard. Pouvez-vous nous parler plus longuement des progrès qui pourraient être réalisés grâce aux programmes de ce type et établir des parallèles avec ceux du domaine de la santé mentale, par exemple?
    Je peux commencer, et je laisserai Adam continuer.
    Une étude que vous connaissez tous sans doute est celle qui a été réalisée dans le cadre du projet Chez soi/At Home, qui s'est penché sur la question du logement et de l'itinérance, en accordant une importance particulière aux enjeux de santé mentale. C'est quelque chose que nous examinons attentivement dans le contexte d'une étude de faisabilité sur l'obligation à impact social.
    Or, je crois qu'une intervention dans ce domaine n'est pas directement liée à la prévention de la criminalité, mais j'estime que le fait de remonter à la source de certains de ces problèmes, si l'on peut dire, donnera de bien meilleurs résultats que si nous attendons que les crimes se matérialisent avant de s'en inquiéter.
    Je crois que c'est un domaine qui a un réel potentiel. Les résultats découlant de l'étude Chez Soi/At Home sont très importants. La démarche nous a fourni suffisamment de données pour commencer à examiner les avantages des interventions pour les personnes touchées et pour les collectivités qu'elles habitent, ainsi que les économies réalisées par le gouvernement lorsqu'il a recours à ce type d'intervention.
    Nous constatons qu'il y a assurément de la place pour envisager une obligation à impact social. Je crois que cela aurait beaucoup de répercussions très positives dont la réduction de la criminalité, mais aussi, par exemple, dans les domaines de la santé et de la participation au marché du travail.
    Adam pourrait parler de cela plus en détail.
    Je crois que c'est très bien comme ça, Sarah.
    Vous avez parlé des trois domaines qui pouvaient être touchés: la santé, la justice et, à plus long terme, l'emploi.
    Merci.
    Je crois que l'un des groupes sociaux pour lesquels toute cette question de la finance sociale risque d'avoir le plus d'impact est celui des Autochtones. Pouvez-vous nous dire un mot sur le capital que ce phénomène pourrait libérer pour les jeunes à risque de ces populations — voire pour toute la communauté —, et sur l'effet extrêmement positif que cela pourrait avoir pour la communauté autochtone?
    Dans une vie antérieure, j'ai travaillé un peu avec les Autochtones. Je crois qu'il y a ici une très belle occasion de se focaliser sur de vrais résultats dans ce domaine. J'aimerais faire plus de recherche sur la façon dont nous pourrions canaliser de nouvelles sources de capital et aligner les intérêts des différentes parties afin d'améliorer la situation des Autochtones.
    Nous savons que les enfants autochtones sont trop souvent placés. Nous savons que nous pouvons améliorer les problèmes de santé et que cela peut s'appliquer aux Autochtones. Nous savons aussi que les femmes sont surreprésentées dans le système de justice pénale. Tous ces aspects s'accompagnent de coûts considérables et ont des répercussions très importantes du point de vue social pour les personnes concernées. C'est un domaine qui, selon moi, nécessite un examen plus approfondi.
    Pour ce qui est d'évaluer l'ampleur de l'investissement que cela pourrait créer, je n'ai pas de chiffre à vous donner, mais je peux vous dire que nos échanges avec les investisseurs nous indiquent qu'ils sont de plus en plus emballés par la place qu'on leur fait, et qu'ils aimeraient trouver des façons de mettre à profit leurs compétences en matière de finance — et, dans une certaine mesure, leur sens des affaires — afin de régler certains de ces problèmes.
    Merci, monsieur Maguire. Merci à nos invités.
    Passons maintenant à M. Easter.
    Merci, monsieur le président.
    Soyez les bienvenus.
    Monsieur le président, si M. Norlock est considéré comme étant à gauche, je m'inquiète à propos de l'étiquette que l'on donnera à tous ceux qui restent.
    La seule réponse que vous aurez pour l'instant de la présidence est la suivante: un certain nombre des personnes ici présentes ont les cheveux gris et un certain nombre n'ont plus de cheveux, des traits que l'on associe bien souvent à la sagesse. Or, je crois que nos invités sont d'une autre génération et qu'ils font un excellent travail pour déboulonner ce mythe.
    Vous avez toujours la parole, monsieur Easter.
(1710)
    Merci, monsieur le président.
    Je dois avouer que votre enthousiasme fait plaisir à voir. Je crois qu'il fait germer des idées sur ce que certains de ces nouveaux concepts pourraient apporter.
     D'après ce que j'ai pu comprendre, vous n'avez pas d'expérience quant aux effets des obligations d'impact social sur la prévention de la criminalité, mais vous connaissez bien d'autres aspects de la finance sociale.
    Sarah, vous avez dit que nous devions d'abord cerner le problème et trouver l'outil. Où en sommes-nous à cet égard? Faudrait-il regarder du côté du système carcéral lui-même, ou nous intéresser à la prévention de la criminalité chez les jeunes?
    Je crois que la prévention de la criminalité et la réduction du taux de récidive sont assurément les deux domaines par lesquels il faut commencer. Cela ne restreint pas les choix tant que ça. L'obligation d'impact social ou l'outil de la finance sociale s'applique à cette gamme relativement réduite d'interventions axées sur la prévention.
     Il n'est pas ici question d'un réaménagement de la prestation des services essentiels. Il est question des aspects où le gouvernement peut intervenir pour prévenir les résultats négatifs. Ce sont les domaines où ces outils pourraient s'appliquer.
    Je crois que l'une des façons de rendre cet outil disponible dans la boîte à outils serait de créer un fonds spécial axé sur les objectifs. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler du fonds d'innovation du ministère du Travail et des Pensions du Royaume-Uni. Ils ont ensuite mis sur pied un fonds dont les capitaux seraient attribués en fonction de la réalisation de ces objectifs, puis ils ont attendu que le marché propose des solutions.
    Je crois que ce serait une façon très intéressante de trouver quel outil convient à quel problème.
    Je crois que là où je voulais en venir, c'est que les deux exposés précédents — et de nombreux autres qui nous ont été présentés — semblaient porter sur la diminution de la récidive, mais je crois que nous devrions tout d'abord mettre l'accent sur la réduction de la criminalité. En tenant compte de ce qu'il en coûte pour entretenir un prisonnier dans un pénitencier — sans parler de ce qu'il en aura coûté pour l'y envoyer — ainsi que du coût du système carcéral proprement dit et des pertes économiques causées par la diminution de la productivité, la solution qui consiste à prévenir la criminalité à la base est la meilleure des solutions.
    Voyez-vous des domaines où la finance sociale pourrait être utile à cet égard? Avec l'autre groupe, nous avons parlé de certains programmes d'apprentissage préscolaire, programmes qui avaient bel et bien été mis en place en vertu d'une entente signée en 1996, mais qui ont été mis de côté. Croyez-vous qu'il serait judicieux d'envisager ces domaines sous l'angle de la finance sociale pour arriver à prévenir la criminalité?
    Je me contenterai de reprendre ce que Sarah a dit, à savoir que le gouvernement aura accès à une gamme de plus en plus vaste d'outils. Nous aurons de plus en plus besoin de bourses ou d'argent d'origine philanthropique pour financer des programmes innovateurs, et il sera peut-être effectivement de bon conseil de se focaliser sur les programmes de prévention de la criminalité ou de contrôle des comportements agressifs chez les très jeunes.
    Il se peut qu'il existe une entreprise à vocation sociale qui travaille à la mise au point d'une technologie prometteuse. Je ne sais pas à quoi cette technologie pourrait ressembler, mais il y a peut-être quelqu'un, quelque part, qui est en train d'en concevoir une qui pourrait prêter main-forte dans ce domaine. Le financement de cette technologie serait peut-être un débouché intéressant pour un investisseur.
    Il y a ce fonds pour les résultats qu'a décrit Sarah, et nous nous ferons une joie de vous fournir de plus amples renseignements à ce sujet.
    Je conseillerais toutefois de ne pas voir cette solution comme une panacée. Il existe déjà des interventions et des programmes dont nous pouvons nous inspirer. L'un de ces programmes est financé par le Centre national de prévention du crime. Il s'agit du programme Stop Now and Plan, ou SNAP, qui vise à déceler les comportements agressifs chez les moins de 12 ans. Comparativement à l'application de mesures correctives, le fait de s'attaquer aux racines du problème, d'intervenir tôt et d'appuyer les programmes qui s'emploient à cette tâche est une façon très sensée d'aborder cette question que vous appelez la prévention de la criminalité.
(1715)
    Pouvez-vous expliquer comment fonctionne la finance sociale dans ces domaines où vous y avez eu recours — que ce soit le diabète, l'hypertension ou quoi que ce soit d'autre? Nous pourrions appliquer ces renseignements à d'autres domaines, mais pour l'instant, dites-nous comment cela fonctionne dans ces deux domaines.
    Bien sûr. À l'heure actuelle, il y a deux avenues possibles pour développer une obligation d'impact social ou quelque arrangement en matière de finance sociale. D'abord, il y a ce que nous appelons l'approche de haut en bas. En bref, vous savez qu'un programme comme le SNAP fonctionne, mais vous n'avez pas l'argent nécessaire pour l'étendre à l'ensemble du pays. Vous vous mettez donc à la recherche d'investissements privés qui pourront vous aider à faire cela. Il pourrait s'agir d'une simple demande de propositions invitant les soumissionnaires à expliquer comment ils s'y prendraient pour réaliser ce déploiement à l'échelle du pays. Vous pourriez confier à SNAP la tâche de trouver cet investissement, de négocier la teneur des résultats, d'amasser le capital et de réaliser le déploiement, ou permettre à un organisme intermédiaire de travailler avec lui à cette fin. Ou vous pourriez opter pour l'approche de bas en haut.
    Cela signifie que vous pourriez demander à une organisation qui cherche à diversifier ses sources de revenus d'approcher un organisme intermédiaire en tenant les propos suivants: nous sommes en mesure de réaliser un tel nombre de résultats et nous aimerions trouver une façon de générer plus de revenus à cet égard; vous, l'organisme intermédiaire, pourriez faire l'analyse des coûts et avantages pour le gouvernement et préparer une proposition à cet effet à l'intention du gouvernement. D'une façon ou de l'autre, vous devez établir le coût des résultats recherchés et trouver une façon de payer pour ces résultats par l'intermédiaire d'un mécanisme donné.
    Merci beaucoup, monsieur Jagelewski.
    Passons maintenant à Mme Doré Lefebvre.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Doyle et monsieur Jagelewski, je vous remercie d'être ici parmi nous aujourd'hui.
    Je vais vous poser une question que je pose à presque tous les témoins qui viennent témoigner devant le comité.
    Il y a quelque chose qui revient souvent dans les présentations de la part des différents témoins au sujet de la finance sociale. La plupart des gens considèrent qu'on peut se servir de la finance sociale à certains endroits, mais qu'à d'autres, il vaut mieux ne pas s'en servir.
    Selon vous, la finance sociale peut-elle être utilisée dans tous les programmes gouvernementaux? Y a-t-il des programmes dans lesquels on ne devrait pas utiliser la finance sociale? Par contre, y en a-t-il où on devrait vraiment l'utiliser?

[Traduction]

     Comme je l'ai déjà dit, je crois que les enjeux qui fonctionneraient le mieux avec l'outil de la finance sociale sont ceux qui ont trait à la prévention. Je ne crois pas que l'on puisse confier le fonctionnement d'un hôpital à un outil de ce genre. Il y en a peut-être qui vous diront que cela est possible, mais je ne suis pas de ce nombre.
    Je crois que c'est vraiment dans la prévention que ce procédé a le plus de potentiel, car l'accent y est mis sur les résultats à long terme et c'est justement ce que visent les programmes de prévention.
    Je crois que le travail de n'importe quel ministère ou presque comporte une partie de prévention. Je ne crois pas qu'un seul domaine stratégique soit exclu. Mais je pense que certaines personnes perçoivent la finance sociale comme de la privatisation déguisée ou comme une autre façon pour le gouvernement de dissimuler la réduction des dépenses générales dans les affaires sociales. Je ne crois pas que ces critiques de l'outil soient justes. Que ces rumeurs courent au même moment que nous parlons de ces outils est une autre paire de manches, je présume.
     L'idée qui sous-tend la finance sociale n'est pas que le gouvernement devrait laisser tomber la prestation des services sociaux. Je crois qu'il s'agit plutôt du fait que l'on a de plus en plus recours à des partenariats multisectoriels pour appuyer l'optimisation des ressources gouvernementales, et qu'en mettant l'accent sur les résultats, tout le monde est gagnant. Vous avez de meilleures chances de réaliser les résultats qui importent aux personnes que vous desservez, des résultats qui, au final, sont financés par l'argent du gouvernement et des contribuables.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais je pense que je retirerais la prestation des services essentiels des enjeux discutés. Je ne pense pas que cela va remplacer les prestations d'assistance sociale. Je ne crois pas que cela va remplacer les hôpitaux ou les écoles, mais j'estime que cela pourrait aider à garder les enfants à l'école et à réduire les taux de décrochage. Cela ne se substituera pas à la direction des pénitenciers, mais pourrait aider à réduire le nombre de personnes qui aboutissent en prison. Donc, je crois que c'est cet aspect de la prévention qui doit retenir notre attention lorsque nous nous penchons sur ces outils.
(1720)
    Étant donné la grande nouveauté du modèle, il y a beaucoup d'idées qui circulent au sein des gouvernements et du secteur social en général.
    C'est bien d'avoir toutes ces idées, mais je crois qu'il faut à un moment donné démontrer l'utilité ou l'inutilité du modèle. En ce qui nous concerne, nous avons recours à des études de faisabilité. Si l'étude de faisabilité indique que cela ne peut pas fonctionner, nous ne serons pas trop déçus, car nous pourrons partager cette information avec d'autres intervenants du secteur et leur dire que ce modèle ne fonctionne pas un domaine donné. Nous pourrons par conséquent raccourcir ou allonger cette liste selon le type d'étude qui aura été menée.
    Sarah a parlé des choses du point de vue du gouvernement, mais nous devons nous rappeler qu'il y a un autre intervenant dans une obligation d'impact social, c'est-à-dire l'investisseur. Il est important pour lui de choisir le domaine dans lequel il souhaite investir son argent, ou de trouver le domaine qui l'intéressera. Si un domaine particulier ne suscite aucun intérêt chez lui, on peut présumer qu'il sera très difficile pour qui que ce soit d'amasser de l'argent dans ce domaine.
    L'un des avantages de l'obligation d'impact social est aussi une fonction contraignante, et c'est la nécessité d'avoir une entente qui plaît aux trois parties prenantes.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, très brièvement.

[Français]

    Je serai très brève, monsieur le président.
    J'aimerais simplement mentionner qu'il est extrêmement rafraîchissant de voir des jeunes personnes de l'autre côté de la table. Je me sens bien épaulée et entourée. Cela me fait du bien de voir des jeunes personnes intelligentes qui viennent témoigner devant le comité.
    C'est tout. Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Richards, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous suis reconnaissant à tous les deux d’être venus.
    Je veux revenir sur une question que mon collègue, M. Maguire, était en train de vous poser vers la fin de son intervention. Il a affirmé que les Autochtones canadiens formaient un groupe sur lequel la notion de finance sociale et de travail avec des partenaires pourrait avoir un effet très bénéfique.
    Je suis certainement d’accord. Selon moi, il ne fait aucun doute que cette idée a un grand potentiel, et vous semblez aussi être d’accord avec lui à ce sujet.
    Je tiens simplement à revenir là-dessus et à développer un peu plus le sujet, parce que je crois effectivement que, selon toute probabilité, l’idée offre de nombreuses possibilités. Je songe aux partenariats que bon nombre de nos réserves des Premières Nations ont établis avec des sociétés, des entreprises socialement responsables ou non, et d’autres organisations. Je pense à la réserve des Premières Nations qui se trouve dans ma circonscription. Ses membres font déjà équipe avec un certain nombre de parties externes — des entreprises et des sociétés — pour tirer parti de possibilités de développement économique.
    Je crois qu’il doit être possible d’élargir les relations et les partenariats déjà établis. Je sais que bon nombre d’entreprises, en particulier les grandes sociétés, mettent en oeuvre des initiatives de responsabilité sociale. Il doit y avoir une façon de relier ces concepts et de créer quelque chose de très bénéfique pour les collectivités des Premières Nations de notre pays.
    Je me demande si vous pourriez simplement nous en dire un peu plus à ce sujet et nous communiquer d’autres réflexions, idées ou suggestions.
    Je ne sais pas si je vais ajouter quelque chose à ce que vous venez juste de déclarer, mais je peux peut-être ajouter un peu de couleurs à ce tableau. Chaque année, je fais partie des conférenciers de la conférence sur les fiducies et les fonds de dotation autochtones. Je pense que c’est ainsi que la conférence s’appelle, du moins, je l’espère. Il s’agit essentiellement d’un groupe de membres de conseils de bande des quatre coins du pays qui se rencontrent, qui examinent diverses possibilités d’investissement et façons dont ils peuvent investir les fonds qu’ils détiennent et qui en discutent par la suite. Et le fait est qu’ils ne peuvent pas trouver d’investissements à impact, et j’entends par là des investissements qui ont des effets positifs sur leurs propres collectivités. Ils sont forcés d’investir leurs fonds dans des marchés ou à l’étranger. Ne serait-il pas merveilleux de pouvoir leur donner l’occasion d’investir dans leurs propres collectivités?
    Les sociétés d’exploitation des ressources sont un autre élément de cet enjeu, et vous l’avez mentionné. De plus en plus souvent, elles s’adressent à nous, et elles sont frustrées. Elles ont conclu des ententes sur les répercussions et les avantages, et elles aimeraient avoir l’occasion de trouver de nouvelles façons de canaliser leurs capitaux de manière à ce qu’ils apportent des avantages économiques et sociaux à ces collectivités, sans être simplement perçues comme l’envoi d’un chèque, des façons qui utiliseraient en fait les ressources dont elles disposent d’une manière très positive.
    Nous connaissons donc des intervenants qui sont très motivés à investir de manière constructive. Par conséquent, nous devons trouver une façon d’organiser cela.
(1725)
    Quelles prochaines étapes suggéreriez-vous que nous franchissions? Je pense en particulier à l’idée de pouvoir s’appuyer sur les partenariats et travailler avec nos collectivités autochtones. Souhaiteriez-vous formuler ne serait-ce que des observations générales? Je pense qu’il me reste seulement quelques minutes. Aimeriez-vous formuler des observations à ce sujet en particulier ou en général? Selon vous, quelles sont les prochaines mesures que nous pourrions prendre? Où suggéreriez-vous que nous allions ensuite?
    Je le répète, je ne crois pas que nous souhaitions réinventer la roue en ce moment. Il n’est pas nécessaire que nous trouvions une solution miracle qui résoudra tous nos problèmes. Je pense que nous devons commencer par un objectif restreint et trouver une intervention que nous savons efficace. Il y a quelques programmes de développement des compétences et de formation des Autochtones offerts en Colombie-Britannique qui ont fait leurs preuves. Pourquoi n’examinons-nous pas ces programmes? Pourquoi ne les scrutons-nous pas à la loupe afin de déterminer vraiment ce qui fonctionne? Et pourquoi ne commençons-nous pas à parler aux sociétés minières et gazières afin de déterminer si elles aimeraient investir dans la collectivité et avoir recours à un projet pilote en ne perdant pas de vue qu’il s’agit un peu d’une expérience et que nous allons consulter autant que possible les membres de la collectivité afin que le projet soit adapté à leur culture et que tous les membres souscrivent à une nouvelle façon de procéder?
    Formidable. Je vous remercie infiniment de votre réponse. Je vous en suis reconnaissant ainsi que de toutes les observations que vous avez formulées aujourd’hui et de l’aide que vous nous avez apportée. Vos témoignages nous ont été très utiles, et je vous sais gré d’être venus.
    Merci, monsieur Richards.
    Au nom du comité, la présidence aimerait certainement remercier M. Jagelewski et Mme  Doyle. Je peux vous assurer que vos contributions sont non seulement instructives, mais aussi les bienvenues. Nous vous sommes assurément reconnaissants de votre enthousiasme, de votre intérêt et des grandes connaissances que vous avez acquises à ce sujet, compte tenu de votre — je ne dirai pas « jeune » — âge. Nous sommes grandement impressionnés par vos compétences. Merci infiniment.
    La séance est levée.
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