Rapidement, puisque MDRC, ça ne dit pas grand-chose — bien que les lettres soient le nom de l'organisation —, nous sommes une organisation de politique sociale sans but lucratif. Nous existons depuis environ 35 ans. En gros, nous évaluons et réalisons des projets d'intervention de démonstration en vue d'aider les particuliers et les familles à faible revenu. Dans le cadre de nos projets, nous évaluons du travail réalisé par d'autres — nous croyons fermement en l'importance d'évaluations très rigoureuses, et d'évaluations aléatoires — ou nous mettons sur pied nos propres interventions, avec de l'aide, puis en faisons l'étude. Ce sont les deux volets de nos activités.
Je suis ici pour vous parler de la première obligation à impact social à avoir été établie, et c'était aux États-Unis, à New York. Il y a eu beaucoup de discussions, dont certaines auraient dû commencer plus tôt, mais nous avons été les premiers à prendre notre élan. C'est une initiative de thérapie comportementale à l'intention des jeunes de 16 à 18 ans qui sont incarcérés à la prison Rikers, à New York. Il s'agit de la plus grosse prison d'Amérique du Nord, très populeuse, et dont la population d'adolescents est énorme.
Avant de vous donner les détails du programme, je vais faire quelques commentaires. Je sais qu'il y a beaucoup de bruit autour du débat sur les obligations Pay-for-Success et les obligations à impact social. Aux États-Unis, quand nous avons lancé le projet et que rien d'autre ne se produisait, c'est l'époque où le débat était le plus acharné, car normalement, les gens débattent des choses sur lesquelles ils en savent le moins. Quand il manque d'information, il y a plus à discuter.
Donc, au début, nous avons entendu deux... et j'ai répondu à des questions venant des deux côtés. Il y avait ceux qui vantaient cela, disant qu'il s'agissait d'une stratégie transformatrice qui permettrait d'obtenir des investissements dans des programmes de prévention, de hausser la responsabilité du gouvernement, d'économiser l'argent du gouvernement et des contribuables et d'améliorer les résultats des populations à risque. C'était une « Superfecta », comme on le dit dans le langage des courses de chevaux.
De l'autre côté, j'entendais autre chose, quand je parlais de notre projet. On disait que ce n'était qu'une stratégie cynique qui visait à privatiser les services, à polir la réputation médiocre des banques tout en volant le gouvernement et le contribuable et à laisser les populations à risque dans le même état, ou dans un plus piteux état. Une solution perdante sur quatre fronts.
Je ne suis pas du genre idéologique. J'évalue des programmes, alors j'essaie d'être davantage comme Joe Friday, dans Dragnet. « Les faits seulement, madame. » Mais j'ai dû répondre à ces questions dès le début. Heureusement, je pense que les choses ont un peu changé et que nous avons commencé à faire certaines de ces choses. Je pense qu'aux États-Unis, on s'entend davantage pour dire: « Voyons si cela peut produire ce qu'ils disent pouvoir produire, puis nous en jugerons. » Donc, n'ai plus à faire face aux critiques les plus stridentes, ni aux énoncés promotionnels. Ce que j'entends davantage maintenant, c'est : « Attendons de voir ce que cela donnera. »
Je dois dire qu'à MDRC, en tant qu'évaluateurs, nous étions réticents à nous lancer là-dedans, au début. Les évaluateurs se penchent de manière très rigoureuse sur les programmes, et nous n'en voyons pas beaucoup qui fonctionnent vraiment. Il n'y a pas beaucoup de programmes qui sont très efficaces. Donc, comment attirer un investisseur qui prendra le risque d'investir dans un projet dont les chances de réussite sont minces? La seule façon, c'est de leur assurer un taux de rendement élevé et de pouvoir compter sur la capacité ou la volonté du gouvernement de payer des taux d'intérêt élevés aux banques.
Nous pensions que cela ne se produirait probablement pas, alors nous nous sommes attaqués à cela avec une bonne dose de scepticisme, tout en gardant quand même l'esprit ouvert comme doit le faire l'évaluateur — donnons une chance au coureur et voyons ce qui se produira.
Notre projet fonctionne maintenant depuis trois ans. Selon les mesures d'évaluation que nous utilisons, nous sommes en voie d'atteindre les objectifs du programme, mais je ne peux pas vous affirmer que c'est ce qui se produira. Le programme a pour but de réduire le récidivisme de 10 % au moins, pour notre population. Le récidivisme, c'est le retour à la prison. Dans notre cas, nous comparons avec un groupe témoin composé d'adolescents du même âge. Je n'ai pas encore les données. Tout ce que j'ai, ce sont les données au sujet de la participation au programme, et cette participation correspond à ce qu'il faut pour que les buts soient atteints si le lien se fait entre ces deux choses comme on s'attend à ce que cela se produise.
Notre partenaire, dans ce projet, est Goldman Sachs. Ils ont consenti un prêt couvrant le coût du programme, mais le prêt est assuré par la Fondation de la famille Bloomberg. Nous sommes l'intermédiaire, alors nous sommes ceux qui veillent à ce que l'entente se fasse, et surtout, ceux qui suivent la performance et choisissent l'intervention du programme.
Nous avons deux fournisseurs de services de bonne réputation dans l'État de New York, soit Osborne Association et Friends of Island, qui s'occupent de l'intervention. Nous avons aussi un partenaire à New York, par l'entremise du service correctionnel, et le bureau du maire qui participe aussi. C'est un partenariat réunissant plusieurs intervenants qui ont des perspectives différentes. Nous avons réussi à travailler plutôt bien ensemble. Les négociations et l'établissement de l'entente ont été complexes. Cela nous a probablement coûté plus que prévu. Travailler avec une banque comporte des frais d'opération. Nous avons dû faire intervenir notre propre avocat de Wall Street pour comprendre le langage. Il a fallu que nous établissions un lien de confiance. Tout le monde a dû le faire. Mais nous en sommes arrivés à un point où nous avons pu lancer le programme. Nous l'avons monté. Nous avons fait un projet pilote. Nous avons travaillé progressivement, et il semble que tout fonctionne plutôt bien.
C'est une obligation à impact social, alors si ça fonctionne — c'est-à-dire si le résultat est une baisse de 10 % du récidivisme dans notre population —, l'investisseur est remboursé. Si cela dépasse 10 %, l'investisseur peut faire de l'intérêt, jusqu'à concurrence de 20 %. C'est l'intérêt, et c'est le taux maximum. Nous verrons si ça se rend là. Un évaluateur externe, le Vera Institute — une organisation très respectée d'évaluation de la justice pénale — se charge d'évaluer le programme. Nous allons examiner les effets sur le récidivisme au bout d'un an, puis au bout de deux ans. Il y a une chose que nous jugeons très importante, à propos des obligations à impact social, et qui est quelque peu différente des modèles de paiement en fonction de la performance: c'est que la mesure du succès n'est pas le résultat. Il n'est pas question de l'obtention d'un résultat donné. C'est plutôt un effet prédéterminé, ce qui signifie que l'effet du programme est meilleur que s'il n'y avait pas eu de programme, sans l'intervention, ou que la population se tire mieux d'affaire. Cela veut donc dire que vous devez établir un point de comparaison sous la forme d'un groupe témoin, si vous le faites de manière vraiment scientifique et rigoureuse, ou d'un quelconque groupe témoin légitime.
Pour moi, c'est une avancée majeure. Pendant des années, nous avons eu des contrats axés sur le paiement en fonction de la performance qui se fondaient sur les résultats, mais il est facile de manipuler les résultats. Si vous servez une population qui va plus vraisemblablement réussir, d'après vous, vous obtiendrez les résultats établis, mais cela ne vous dira pas si vous avez changé les choses ou non. L'idée est donc de réaliser une évaluation de l'effet net. Je pense que la plupart des obligations à impact social qui sont proposées comportent ce type d'évaluation.
J'ajouterais aux leçons apprises qu'il est difficile d'avoir un contrat restrictif comportant des modalités très claires. Si vous essayez d'imposer cela pour un programme qui doit être appliqué dans un contexte flexible et changeant, il peut être difficile de concilier les deux. L'une des grandes difficultés que nous avons rencontrées, c'est que nous avions un nombre prédéterminé de personnes à servir, mais en fin de compte, le nombre de personnes en prison ne relève pas du contrôle du programme ou du service correctionnel. Nous avons donc intégré dans cela toutes sortes de formules sur la façon de traiter avec des nombres réduits, mais cela signifiait qu'il fallait renégocier et refaire le budget. C'est une des complications que nous avons eues. Je pense que nous avons réussi à déterminer comment y arriver, et nul doute qu'il y a des avantages à opter pour une solution qui dit: « Voici les objectifs à atteindre, et vous devez vous en tenir à cela. » Mais c'est une tension et une difficulté du programme.
Je pense que je vais m'arrêter ici. Je dirai tout simplement que nous devrions avoir les résultats préliminaires une année passé le mois d'août, puis que nous aurons nos résultats finaux en 2016. Le remboursement est prévu pour la fin de 2017. L'un des problèmes, avec ces projets, c'est qu'il faut accumuler le succès, l'effet au fil du temps, pour que le gouvernement réalise assez d'économies pour pouvoir payer l'investisseur.
La dernière chose que je tiens à dire, c'est que c'est une erreur à mon avis de croire que les obligations à impact social ne se limitent qu'aux projets qui nous font économiser de l'argent. C'est l'élément central jusqu'à maintenant, mais il y a beaucoup d'autres objectifs possibles qui seraient souvent plus importants pour aider la population ciblée, mais qui ne nous feraient pas nécessairement économiser. Donc...
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'inviter à me joindre à vous à distance aujourd'hui.
Je sais que vous avez déjà entendu plusieurs témoignages sur la finance sociale en général et sur la technique des obligations à impact social. Ma particularité, c'est de diriger depuis deux ans une équipe qui offre de l'assistance bénévole à huit gouvernements d'État et à deux administrations municipales des États-Unis sur l'aspect gouvernemental des projets.
Notre rôle consiste essentiellement à aider ces administrations à analyser correctement les coûts et les avantages des projets, à réfléchir très fort au type d'évaluations qu'elles veulent mettre en place et probablement surtout, à décider quand il convient ou non de mener un projet d'obligation à impact social. Il y a sûrement autant de projets que nous avons analysés et que les gens ont décidé de ne pas mener à bien, sur notre recommandation, qu'il y en a qui ont été retenus.
Les administrations avec lesquelles nous travaillons qui décident de mener ce genre de projet à bien utilisent cet outil pour réorienter divers domaines stratégiques, dont l'éducation de la petite enfance, l'itinérance, la prévention du diabète et plus couramment, la récidive chez les ex-contrevenants. J'aimerais profiter des quelques minutes dont je dispose ici pour vous porter à réfléchir à deux choses, vraiment, que la plupart des administrations américaines qui utilisent cet outil essaient d'accomplir.
D'abord, elles cherchent à mieux arrimer les bons services aux bons clients. Ensuite, elles veulent générer des données factuelles sur les programmes qui fonctionnent et devraient être élargis, d'une part, et ceux qui ne fonctionnent pas et auraient besoin d'être réformés ou remplacés, d'autre part.
Comme vous le savez probablement déjà, selon le modèle le plus commun des obligations à impact social, le gouvernement signe un contrat pour la prestation de services sociaux avec un fournisseur local, ou parfois avec une équipe de fournisseurs, puis le gouvernement paie la totalité de la facture ou presque en fonction des résultats obtenus, comme une hausse de l'emploi de 10 %, une réduction des récidives de 30 % ou une réduction de 50 % des consultations aux urgences. Le rendement est évalué rigoureusement, comme M. Butler vient de le dire, par comparaison des résultats dans la population touchée avec les résultats d'un groupe de comparaison, pour que l'incidence du projet puisse être évaluée.
Si le programme n'atteint pas les cibles de rendement minimales, le gouvernement et les contribuables ne paient pas, et les paiements augmentent au-dessus du seuil minimal, jusqu'à un maximum préétabli. Ce genre de projet génère parfois des économies pour le gouvernement, qui se trouve à réduire ses dépenses en mesures réparatrices et à payer pour des résultats documentés. Ces économies peuvent contrebalancer la totalité du coût des projets. Parfois, elles en compensent une partie, mais pas au complet.
Pour vous donner un exemple lié aux travaux du comité, prenons celui d'un programme qui aiderait les jeunes hommes à se sortir du système de justice pour mineurs. Nous savons que si on ne les aide pas à faire la transition, quelque 60 % de ces jeunes hommes se retrouvent en prison dans les cinq années suivantes. Outre les coûts sociaux des nouveaux crimes qu'ils commettent, ce taux de récidive élevé entraîne des coûts financiers élevés pour le gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui se trouve à payer pour les incarcérer.
Selon un modèle d'obligation à impact social, le gouvernement signerait un contrat avec un fournisseur de services sociaux afin d'aider ces jeunes hommes dans leur transition hors du système de justice pour mineurs. Le gouvernement ferait ensuite le suivi du taux de récidive, c'est-à-dire du pourcentage de jeunes qui ont participé au programme et qui ont été incarcérées de nouveau — et le comparerait aux statistiques sur un groupe de personnes qui n'ont pas participé au programme. Ensuite, à un moment prédéterminé, il évaluerait l'effet de l'intervention par rapport aux postulats de base et calculerait ses paiements en fonction du nombre de nuitées en détention évitées et peut-être d'autres éléments, comme les revenus fiscaux supplémentaires découlant d'un taux d'emplois accrus.
Selon ce modèle, il s'écoule généralement plusieurs années entre la prestation de services et le moment où les résultats peuvent être mesurés et par conséquent, où les paiements peuvent être versés aux fournisseurs de services. Le rôle des investisseurs privés dans ce genre de projet est donc de combler cet écart entre-temps. Les investisseurs privés sont là pour fournir des fonds de fonctionnement aux fournisseurs de services sociaux afin qu'ils puissent offrir des services en amont, dans l'attente d'être remboursés plus tard, lorsque les résultats auront été prouvés.
Aux États-Unis, il y a quatre projets d'obligations à impact social qui se traduisent déjà par des services. Trois d'entre eux s'inscrivent dans le cadre de programmes de justice pénale et visent des ex-contrevenants, dans le but de réduire le taux de récidive et d'augmenter le taux d'emploi. Le quatrième est un projet d'intervention préscolaire. J'aimerais toutefois vous parler un peu plus en détail de l'un des projets contre la récidive, celui de l'État de New York.
Le projet de l'État de New York cible les contrevenants à risque élevé qui sortent des prisons d'État. Il consiste à faire un tri et à retenir à peu près la moitié de la population à risque élevé de récidive qui sort de prison. Il lie ensuite ces personnes, qui représentent la plus grande priorité, aux services les plus intensifs. Le programme particulier auquel ils sont inscrits est offert par le Center for Employment Opportunities, qui offre des engagements d'environ 4 mois dans des emplois subventionnés de transition, puis accompagne les gens afin qu'ils obtiennent un emploi permanent. Le modèle de base est d'essayer de trouver un emploi le plus vite possible à la personne après sa sortie de prison.
La clé ici, c'est que comme vous le savez, dans n'importe quel type de population prioritaire, il y a toutes sortes d'individus différents qui ont probablement besoin de toutes sortes de services différents. Le but du projet de l'État de New York est d'utiliser des données pour essayer de voir quelles personnes devraient être renvoyées vers quels services, et plus particulièrement, on veut que les personnes à risque élevé aient accès aux services les plus dispendieux et aux interventions les plus intensives.
Il s'agit d'un projet pilote d'obligation à impact social, mais l'espoir est que ce modèle d'arrimage des bons clients avec les bons services prenne de l'ampleur, et pas seulement pour ce service en particulier. D'autres fournisseurs de service vont s'y joindre et avec le temps, ils vont mieux cerner quels clients diriger vers quels services.
Je dirais que d'après notre travail avec 10 administrations différentes au cours des dernières années, nous avons observé trois façons dont le modèle des obligations à impact social améliore le rendement de l'administration.
Il améliore d'abord la prise de décisions au sein de l'administration. Ce modèle apporte une grande discipline de marché au processus décisionnel pour ce qui est de déterminer quelles interventions reproduire à plus grande échelle et financer davantage, parce que seules les interventions dont le bilan est assez solide pour réussir à attirer des investisseurs privés peuvent être financés selon ce modèle. Les projets dirigés par une équipe de gestion trop peu talentueuse ou qui ne se fondent pas vraiment sur des preuves sont moins susceptibles d'attirer des ressources.
La deuxième chose qui ressort de ce modèle, c'est qu'il aide les gouvernements à réaffecter leurs ressources de réparation vers la prévention, de sorte qu'on n'attend plus les mauvais résultats pour en absorber les coûts; ce modèle permet aux administrations, même en période de contraintes budgétaires, de hausser leurs investissements et d'investir dans la prévention qui, en plus d'améliorer les résultats, a de bonnes chances de leur faire économiser de l'argent à long terme, puisqu'elles n'auront pas à payer pour des mesures de réparation.
Le dernier avantage de ce modèle — et je pense que c'est le plus important —, c'est qu'il permet aux administrations d'établir des ententes de collaboration pluriannuelles beaucoup plus efficaces avec des fournisseurs de services pour s'attaquer aux problèmes sociaux complexes. Il est très difficile, selon les techniques classiques de budgétisation et de contrat de s'attaquer à un problème qui nécessite un effort soutenu pendant quatre à six ans. Les leaders politiques qui ont lancé le projet partent. Les cycles de budget annuels sont tels qu'il est difficile de convaincre les fournisseurs de s'engager à long terme et qu'en général, il est difficile d'établir un objectif commun pour que tout le monde continue d'avancer dans le même sens en vue d'un certain objectif.
Ce genre de contrat semble permettre au gouvernement de s'attaquer plus efficacement aux problèmes complexes grâce à l'aide de fournisseurs de services privés et de le faire dans un horizon de quatre à six ans, ce qui correspond souvent au temps qu'il faut pour ouvrir une brèche dans un problème social.
Pour conclure, je tiens à préciser que nous sommes encore au stade de l'expérimentation de cette technique. Comme je l'ai dit, il n'y a que quatre projets en cours aux États-Unis. Nous sommes en train d'en préparer 12 autres avec nos partenaires gouvernementaux.
Il faut aussi prendre conscience du fait que cet outil est très bien adapté à certaines circonstances, mais qu'il y en a bien d'autres dans lesquelles il ne convient pas. Il faut donc déterminer avec soin quand l'utiliser et quand ne pas l'utiliser, et il faut concevoir les projets attentivement. Il serait tout à fait possible d'élaborer un projet qui ne ciblerait pas la bonne clientèle, dans lequel le fournisseur de services pourrait ne cibler que la crème et non les personnes ayant le plus besoin des services. Il n'est pas évident non plus de mesurer les bons résultats, et je pense que ce modèle pourrait vraiment être néfaste s'il n'est pas mis en oeuvre avec prudence.
La principale leçon à tirer, c’est qu'aux États-Unis, cet outil permet à certains gouverneurs et maires novateurs de s’attaquer à des problèmes qui n'auraient pas pu être abordés par l’entremise des mécanismes traditionnels. Mais il en est encore au stade expérimental et nous devons apprendre comment l’utiliser, et savoir s’il entraînera vraiment de meilleurs résultats que les autres outils dont dispose le gouvernement.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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C’est une excellente question. C’est important de dire que ces projets sont assez nouveaux; nous devrons donc patienter avant d’en connaître les résultats finaux. Il faut les offrir pendant quelques années, puis attendre encore quelques années pour voir si les personnes récidivent; ensuite, nous en saurons plus. Nous en sommes encore à cette étape.
Toutefois, j’ai appris trois choses au sujet du modèle, que je ne savais pas il y a six mois. Tout d’abord, leur mise en oeuvre est possible. M. Butler disait tout à l’heure qu’au début du projet, il ne savait pas s’il serait possible d’obtenir l’argent des investisseurs, en raison du risque. Nous savons maintenant que c’est possible. Si l'on emprunte cette voie et qu’on met sur pied un bon projet, on peut le mettre en œuvre et offrir des services. C’est la première chose que nous avons apprise.
Ensuite, nous avons appris que les gouvernements qui ont pris part à ces projets ont décidé d’en faire d’autres. Ils auraient pu, une fois le processus terminé, dire « Très bien, nous avons réalisé un projet, mais nous n’en ferons pas d’autres. C’était trop difficile. » Mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Lorsqu’ils ont commencé la prestation des services offerts dans le cadre des projets de prévention de la récidive, l’État de New York et le Massachusetts ont immédiatement annoncé qu’ils réaliseraient d'autres projets de ce genre. Ces outils leur permettent de faire ce qui était impossible avec les outils traditionnels. Le Massachusetts a annoncé la mise sur pied d’un projet pour les sans-abri et d’un projet d’alphabétisation des adultes, et depuis la mise en œuvre du projet de prévention de la récidive, l’État de New York a annoncé la mise sur pied d’un projet sur le diabète et d’un autre dans le domaine de la petite enfance. C’est la deuxième chose que nous avons apprise.
Je crois que la troisième chose que nous constatons sur le terrain — et j’aimerais savoir si M. Butler est d’accord avec moi —, c’est qu’en raison de l’attention qu’accorde le secteur privé aux projets, lorsque des problèmes surviennent, comme cela arrive dans tous les projets, on constate une urgence de les régler, ce qui n’est pas toujours le cas dans le secteur public, du moins selon mon expérience.
Je crois qu’on se concentre sur les résultats et que l’argent en jeu a une incidence sur la façon dont les services sont offerts sur le terrain.
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Monsieur le président, chers membres du comité, je vous remercie d'accueillir ma collègue Sarah et moi.
Nous représentons MaRS Discovery District, à Toronto. Notre centre met l'accent sur les débouchés en matière de finance sociale, principalement au Canada.
Nous participons à de nombreuses activités de recherche, de sensibilisation ou de développement liées à ce modèle d'investissement relativement nouveau qui marie les objectifs financiers aux objectifs sociaux. Nos clients vont des gouvernements aux investisseurs, mais la majorité de notre travail est axé sur les entreprises sociales qui cherchent de nouvelles façons de recueillir des fonds pour mener leurs activités.
Je précise que depuis 2010, nous avons publié plusieurs rapports sur l'investissement social qui pourraient vous intéresser. Je vais les rendre accessibles au public et, après cet exposé, je vais également remettre un mémoire aux fins de cette étude, si c'est une chose sur laquelle vous vous penchez.
Un centre d'innovation comme MaRS s'intéresse à l'investissement social pour quelques principales raisons.
Premièrement, en particulier dans le contexte financier actuel, les budgets du gouvernement font l'objet d'importantes contraintes. Mentionnons notamment que la capacité du gouvernement à répondre aux besoins en matière de services sociaux d'une population vieillissante est inadéquate et, chose importante, que sa capacité à mettre l'accent sur la prévention et à la financer dans toute une gamme de domaines est limitée. Plus que jamais, le gouvernement a besoin de partenariats pour exploiter les actifs d'autres secteurs afin d'améliorer les retombées sociales pour les collectivités du Canada.
Deuxièmement, les gouvernements, ainsi que les donateurs, déploient de plus en plus d'efforts pour que les normes de rendement portent davantage sur les résultats que sur la production de rapports. Pour mesurer les changements sociaux, on accorde la priorité à des paramètres adéquats, mais ils sont encore difficiles à respecter. De nombreux consommateurs et beaucoup de particuliers qui font des dons demandent de la transparence à l'égard des pratiques environnementales et sociales des organisations, mais la normalisation de la reddition de comptes pose encore des difficultés.
Heureusement, il existe de nouveaux outils, de nouveaux acteurs et une nouvelle façon de réfléchir à la manière de s'attaquer aux problèmes sociaux à l'aide d'approches axées sur le marché. Une nouvelle sorte d'investisseurs envisagent des mécanismes de financement complémentaires grâce auxquels davantage d'approches philanthropiques traditionnelles pourraient être employées. Les moyens d'améliorer les conditions sociales tout en obtenant un rendement financier sont intéressants pour eux.
Nous avons bon espoir qu'avec une certaine intermédiation entre les fonctions liées à l'offre et à la demande, et une sensibilisation constructive aux occasions et aux risques, de nouvelles possibilités d'investissement pourraient permettre de changer les choses à l'égard de nombreux enjeux de politique sociale du Canada, y compris la prévention du crime.
Notre centre a une stratégie globale pour examiner l'investissement à retombées sociales au Canada. Nous avons des initiatives très concrètes, comme le SVX, qui établissent des liens entre les entreprises sociales à la recherche de capitaux et des investisseurs qui ont l'argent nécessaire. Nous certifions la conformité des entreprises qui acceptent de mesurer leur rendement et d'en faire rapport à l'aide de critères sociaux. Nous donnons des conseils sur l'élaboration de nouveaux produits financiers, y compris les obligations à impact social, qui, à ma connaissance, suscitent un vif intérêt dans le cadre de cette étude. Nous formulons également des conseils stratégiques et participons à des discussions sur l'élaboration de politiques globales par le truchement du groupe de travail sur l'investissement social appuyé par le G8.
J'ai déjà mentionné que nous publions beaucoup de recherches, qui sont accessibles au public, et que nous exerçons un leadership éclairé.
Dans les premiers jours du centre, nous avons constaté qu'il n'y a pas qu'une seule approche pour régler le problème de l'accès au capital auquel font face les entreprises sociales à but lucratif ou non lucratif, ce qui est important à savoir. Nous appuyons donc un éventail d'initiatives qui canalisent les efforts de manière à accroître le capital disponible à des fins sociales ainsi que les retombées sociales intentionnelles que l'on peut mesurer.
Nous y parvenons entre autres en analysant de manière soutenue l'utilisation des obligations à impact social. Jusqu'à preuve du contraire, je pense qu'il est juste de dire que cet outil pourrait servir dans les domaines de la prévention où il est possible d'économiser de l'argent ou d'améliorer la prestation de services. Les organismes sans but lucratif désirent examiner avec nous les obligations à impact social étant donné qu'elles représentent un modèle de revenus qui permet de financer une croissance plus forte ou de soutenir la prestation de services, et les investisseurs sociaux sont attirés par le dynamisme qui découle de l'association des résultats au rendement financier.
Notre centre a un programme d'accélération qui vise à déterminer s'il est possible d'utiliser cet outil pour résoudre les problèmes de domaines précis. Il analyse les interventions qui pourraient améliorer les résultats dans ces domaines, et si les conditions sont remplies, il aide à élaborer les ententes de partenariat multisectoriel nécessaires pour les déclencher.
Même si notre centre est agnostique par rapport aux enjeux, c'est-à-dire que toutes les retombées sociales et environnementales sont vues d'un bon oeil, les obligations à impact social sur lesquelles il se penche actuellement relèvent de trois domaines d'activités: le diabète, l'hypertension et les logements supervisés pour les sans-abri aux prises avec des problèmes de santé mentale.
Nous n'avons pas encore confirmé ou infirmé le modèle dans un de ces domaines, et, bien franchement, il est en général bien trop nouveau pour pouvoir parvenir à une conclusion définitive ou générale. Nous sommes toutefois déterminés à apprendre si les obligations à impact social pourraient être utilisées pour soutenir la croissance lorsque le gouvernement n'a pas les ressources lui permettant de reproduire à grande échelle une intervention qui donnent des résultats; pour aider le gouvernement à passer du financement d'activités à l'octroi de mandats; pour abattre les cloisons qui existent entre les organismes gouvernementaux qui cherchent à obtenir sensiblement les mêmes résultats pour des segments de populations semblables; et pour récompenser les organismes sans but lucratif qui obtiennent des résultats positifs sur le plan social.
Nous sommes toutefois conscients des défis réels ou perçus de l'investissement à retombées sociales et des obligations à impact social. Dans un scénario idéal, le gouvernement poursuivrait des projets de grande envergure de manière à financer adéquatement la prévention et ce qui fonctionne dans des domaines donnés. Dans le cas des obligations à impact social, c'est souvent plus coûteux, ou certainement plus complexe, de financer un fournisseur de services que d'offrir une subvention directe ou de faire un don. Mais pour en revenir aux contraintes financières, cet outil pourrait être utilisé lorsque le gouvernement n'a pas les ressources pour mettre à l'essai, faire croître ou reproduire des programmes novateurs. Il pourrait également servir un autre cadre de reddition de comptes, qui pourrait s'avérer plus propice à l'obtention de résultats.
Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, qui va décrire de manière plus détaillée certains des avantages potentiels.
Merci de nous avoir invités à témoigner.
Adam a donné un aperçu général du milieu de la finance sociale et de notre travail à cet égard au MaRS Centre for Impact Investing. Je vais me contenter de décrire brièvement les avantages que ces outils peuvent offrir au gouvernement.
Comme on vous l'a probablement déjà dit un million de fois, la finance sociale est essentiellement un concept simple. C'est une approche de gestion financière visant à obtenir des retombées sociales ou environnementales en même temps qu'un rendement financier, qui peut correspondre au capital investi ou à une somme qui s'ajoute à un rendement nominal.
Un large éventail de partenariats et d'outils tombent dans cette catégorie, et les obligations à impact social n'en constituent qu'un seul. Dans certains cas, le gouvernement doit faciliter ou catalyser l'établissement de relations, qui seront par la suite essentiellement entretenues entre un investisseur socialement responsable et une entreprise sociale, qui peut être un organisme sans but lucratif ou à but lucratif, ou une coopérative.
Ce qui est intéressant pour le gouvernement, c'est que ces relations peuvent mener à l'investissement de capitaux privés dans des services sociaux ou des entreprises qui contribuent à améliorer les conditions sociales et économiques de particuliers et de leurs collectivités. Comme nous l'avons appris du monde des affaires, il faut du capital pour mettre en pratique à grande échelle de bonnes idées, ce qui est également vrai dans le contexte social.
Dans le domaine de la prévention du crime, on peut trouver ces bonnes idées à divers endroits, que ce soit dans un projet de formation professionnelle visant la réintégration d'ex-délinquants sur le marché du travail, dans la pratique d'un établissement de santé mentale qui consiste à combattre certaines des causes profondes de la criminalité ou dans un programme d'éducation préscolaire conçu en fonction du principe de l'enseignement. Ce ne sont que quelques exemples parmi d'autres, mais je pense qu'il y a beaucoup de possibilités.
De nombreux fournisseurs de services hors pair ont des programmes efficaces qui bénéficient déjà de fonds publics et de dons de philanthropes. C'est fantastique, et cela devrait continuer. L'investissement social peut toutefois représenter une source supplémentaire de financement, qui peut aider à mettre de nouvelles idées à l'essai, à encourager l'innovation et à appliquer à grande échelle les approches les plus efficaces.
Comme nous l'avons dit, les obligations à impact social ne sont qu'un outil parmi d'autres. Je vais prendre un peu plus de temps pour parler de leurs avantages, car c'est le modèle dans lequel le gouvernement intervient plus directement en tant que bailleur de fonds.
Il existe trois principaux avantages du point de vue du gouvernement. Le premier, c'est que dans le cas des obligations à impact social, le paiement est effectué en fonction des résultats. C'est un peu différent de la façon de procéder qu'on utilise habituellement pour les subventions gouvernementales. Donc, au sujet du paiement en fonction des résultats, même si cela peut prendre d'autres formes, c'est seulement dans le cas des obligations à impact social que les plus petits fournisseurs de services peuvent jouer un rôle. Les plus grands fournisseurs de services ont les ressources nécessaires pour conclure ce genre de contrats sans devoir s'adresser à des investisseurs pour répondre à leurs besoins de liquidités, tandis que les petits fournisseurs doivent d'abord fournir les fonds.
Le fait de mettre l'accent sur les résultats favorise la collaboration entre les fournisseurs et aide à combler les lacunes en matière de services. Cela entraîne également une évaluation et une collecte de données rigoureuses. Les obligations à impact social sont donc conçues de manière à ce que les données soient recueillies en fonction des résultats.
Trois parties sont concernées par l'incitatif et la structure de responsabilité uniques de ces obligations; elles se demandent mutuellement des comptes et cherchent toutes à atteindre les objectifs sur lesquels elles se sont entendues dans le contrat au début de l'entente. Les objectifs peuvent parfois représenter des économies nettes pour le gouvernement, même si ce n'est pas nécessairement toujours le cas.
Le deuxième avantage majeur, c'est que les obligations à impact social donnent aux fournisseurs de services sans but lucratif un accès à des fonds de roulement sur une plus longue période, ce qui peut leur accorder une marge de manoeuvre pour innover et s'adapter à mesure qu'ils reçoivent de nouveaux renseignements pendant la durée de l'entente. Une de fois plus, cela ne correspond pas tout à fait à la norme respectée dans les accords de financement du gouvernement, dont les exigences en matière de rapports sur les résultats plutôt que sur le rendement et les critères exigeants concernant l'adaptation aux nouveaux renseignements peuvent étouffer l'innovation.
La troisième raison que j'aimerais souligner est que le risque financier des obligations à impact social est efficacement transféré aux investisseurs plutôt que d'être assumé par le gouvernement. On peut utiliser les obligations à impact social pour mettre à l'essai des approches novatrices qui n'ont pas fait leurs preuves ou, ce qui a plus souvent été le cas jusqu'à maintenant, pour appliquer à grande échelle ou reproduire une approche qui a connu du succès. Cela dit, même dans de tels cas, l'approche reproduite ou appliquée à plus grande échelle comporte certains risques, qui peuvent être transférés aux investisseurs, ce qui permet au gouvernement de ne payer que lorsque les objectifs sont atteints.
Pour terminer, j'aimerais signaler qu'à mon avis, le jury n'a pas encore décidé si les obligations à impact social sont un bon outil pour mettre à l'essai des innovations qui pourraient ensuite, lorsqu'elles donnent les résultats escomptés, faire l'objet d'un modèle de financement direct, ou si elles peuvent plutôt donner à elles seules de meilleurs résultats compte tenu de leur incitatif et de leur structure de responsabilité uniques. Je pense que nous ne savons pas encore à quoi nous en tenir à cet égard.
Nous savons que ce ne sont pas tous les problèmes qui peuvent être réglés à l'aide d'obligations à impact social, et qu'il faut s'en servir en pleine connaissance de cause. Il s'agit d'un nouvel outil, et comme l'a souligné Adam, il n'a pas encore fait ses preuves. Cela dit, nous pensons qu'il y a du potentiel et qu'il est justifié de se pencher sur la question.
Dans le contexte plus vaste de la finance sociale, de nombreuses activités qui n'ont rien de neuf donnent lieu à des partenariats novateurs et permettent depuis un certain temps d'améliorer le bien-être des collectivités.
Le gouvernement pourrait prendre des mesures conçues pour favoriser davantage ce genre d'activités. Il pourrait également aider à canaliser des capitaux privés vers des priorités telles que la prévention du crime, pour laquelle il souhaite qu'on en fasse davantage. Je peux en parler de manière plus détaillée si vous souhaitez en apprendre davantage. On pourrait notamment réduire les tracasseries administratives et créer un environnement plus propice à cela. On pourrait catalyser les capitaux privés, un peu comme on l'a fait pour le capital de risque, par le truchement de fonds d'investissement ou de mesures de bonification du crédit.
Je vais m'arrêter ici et répondre aux questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Par votre entremise, je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
Je suis heureux que vous ayez mentionné l'aversion pour le risque qu'éprouvent — pour de bonnes raisons — les gouvernements. La première, c'est que l'argent des contribuables a une grande valeur pour nous. Nous nous soucions beaucoup de son utilisation et nous voulons nous assurer que tout ce que nous faisons a des retombées positives. La deuxième raison est assez évidente, bien sûr: une allée nous sépare. Si nous ne faisons pas de bons investissements, l'opposition officielle ne nous lâchera pas d'une semelle, ce qui n'est pas une mauvaise chose, dans une démocratie.
Voilà pourquoi je pense que les obligations à impact social sont une bonne chose, et ce, pour deux raisons. Premièrement, le gouvernement ne risque aucunement de perdre son propre argent si les résultats ne sont pas satisfaisants; quelqu'un d'autre assume le risque, mais profite aussi des avantages. Corrigez-moi si je me trompe, mais au bout du compte, les contribuables sont les véritables bénéficiaires, car non seulement ils ne paient ni pour un programme boiteux, ni pour un programme réussi, mais ils vivent aussi dans un monde meilleur. Autrement dit, ici, notre étude porte sur la finance sociale dans le cadre de la prévention du crime au Canada; donc, si nous pouvons réduire la criminalité, nous réduisons...
Un témoin précédent — de l'opposition, je crois — a dit essentiellement que l'on doit mesurer davantage que les résultats; on doit mesurer en fait l'impact social. Il ne s'agit pas seulement de réduire la criminalité, mais de rendre son quartier plus sûr et plus paisible, et d'améliorer ainsi la qualité de vie des Canadiens.
Diriez-vous que c'est juste? Aimeriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Si je vous disais la raison pour laquelle, de ce côté-ci, le gouvernement se penche sur des enjeux comme le financement social... Ce n'est pas nécessairement uniquement les obligations à impact social, mais l'ensemble du financement social. La raison pour laquelle nous le faisons, c'est que nous savons que les gouvernements disposent de fonds limités. Nous savons que nous allons probablement dépenser davantage pour les soins de santé et pour d'autres choses.
Nous examinons donc l'une de nos grosses dépenses... autrement dit, ce qui entraîne des coûts très importants pour l'économie, comme la criminalité. Je ne parle pas seulement des activités criminelles, mais du coût total de la criminalité, de toutes ses conséquences sociales, ce pour quoi nous utilisons ces précieux dollars. Nous ne voulons pas augmenter ce budget — nous savons que d'autres budgets vont augmenter, que nous le voulions ou non — et nous voulons continuer de réduire la criminalité.
Je vais vous donner un exemple, même si je n'aime pas dire à quand cela remonte. Quand j'étais un jeune policier, nous étions plus intéressés à attraper les méchants, mais au fond, j'avais l'impression — cela en choquera peut-être certains...
Des voix: Oh, oh!
M. Rick Norlock: ... que je voyais cela dans le contexte de la réduction des coûts pour la société.
Je voudrais vous demander, monsieur Butler, si vous vous rappelez que dans les années 1980, le Bronx, à New York, n'était pas un endroit où il faisait bon vivre. La Ville de New York a voulu changer les choses en ce qui concerne ses logements sociaux, les « cités d'habitation », comme on les appelait, notamment dans le Bronx. Parallèlement, évidemment, le taux de criminalité montait en flèche. Ils se sont penchés sur les causes de la criminalité et ils ont trouvé trois choses: l'analphabétisme; le fait que les gens qui commettent des crimes ne possèdent pas de propriété; et le fait que les gens qui commettent des crimes graves commettent aussi des crimes mineurs, comme traverser la rue hors des passages réservés. C'est à cette époque, si vous vous rappelez, qu'ils interpellaient les piétons fautifs. C'était terrible, mais ils résolvaient ainsi beaucoup de crimes.
Ils ont donc éduqué les gens, leur ont offert un métier. Grâce à leur métier, les gens ont pu s'acheter un logement. Par la suite, puisqu'ils étaient maintenant propriétaires, ils désapprouvaient le comportement de leurs voisins, qui tentaient d'endommager les appartements. Le taux de criminalité a baissé, et aujourd'hui, dans certains secteurs du Bronx, il y a des endroits où il fait bon vivre.
Je me demande si vous pourriez transposer cela dans ce qui serait une obligation à impact social, disons, dans certains des secteurs de logements sociaux du Canada, où nous savons, en particulier dans la RGT, qu'il existe une forte criminalité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie Mme Doyle et M. Jagelewski de leur présence parmi nous.
Je représente une région rurale qui longe la frontière entre le Canada et les États-Unis. Les types de crimes y sont assez variés. Cela va du trafic d'êtres humains à la contrebande de cigarettes, au trafic d'armes, à la contrefaçon, etc. C'est le genre de crimes qui sont commis chez nous. Toutefois, il y a aussi tous les autres types de crimes que l'on retrouve dans les grands centres urbains, comme ceux faits par les petits gangs, le vol et toutes sortes de choses comme celles-là.
L'un des programmes de prévention de la criminalité, qui visait surtout les adolescents, a bien fonctionné. Le décrochage scolaire était un véritable problème en milieu rural. On s'est aperçu que lorsqu'on pouvait faire assez tôt de la prévention à cet égard, les jeunes avaient bien entendu moins tendance à se tourner vers la criminalité, vers différents types de consommation et vers des problèmes de ce genre.
Vous avez justement parlé d'une approche holistique. Quels genres d'investissement pourraient être profitables pour tous les partenaires, les fonds d'investissement philanthropiques, etc.? Quels types de partenariat pourraient être favorisés pour contrer différents types de crime?
Les problèmes en milieu rural ne sont pas les mêmes que dans le Grand Toronto, par exemple.
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Je peux commencer, et je laisserai Adam continuer.
Une étude que vous connaissez tous sans doute est celle qui a été réalisée dans le cadre du projet Chez soi/At Home, qui s'est penché sur la question du logement et de l'itinérance, en accordant une importance particulière aux enjeux de santé mentale. C'est quelque chose que nous examinons attentivement dans le contexte d'une étude de faisabilité sur l'obligation à impact social.
Or, je crois qu'une intervention dans ce domaine n'est pas directement liée à la prévention de la criminalité, mais j'estime que le fait de remonter à la source de certains de ces problèmes, si l'on peut dire, donnera de bien meilleurs résultats que si nous attendons que les crimes se matérialisent avant de s'en inquiéter.
Je crois que c'est un domaine qui a un réel potentiel. Les résultats découlant de l'étude Chez Soi/At Home sont très importants. La démarche nous a fourni suffisamment de données pour commencer à examiner les avantages des interventions pour les personnes touchées et pour les collectivités qu'elles habitent, ainsi que les économies réalisées par le gouvernement lorsqu'il a recours à ce type d'intervention.
Nous constatons qu'il y a assurément de la place pour envisager une obligation à impact social. Je crois que cela aurait beaucoup de répercussions très positives dont la réduction de la criminalité, mais aussi, par exemple, dans les domaines de la santé et de la participation au marché du travail.
Adam pourrait parler de cela plus en détail.
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Comme je l'ai déjà dit, je crois que les enjeux qui fonctionneraient le mieux avec l'outil de la finance sociale sont ceux qui ont trait à la prévention. Je ne crois pas que l'on puisse confier le fonctionnement d'un hôpital à un outil de ce genre. Il y en a peut-être qui vous diront que cela est possible, mais je ne suis pas de ce nombre.
Je crois que c'est vraiment dans la prévention que ce procédé a le plus de potentiel, car l'accent y est mis sur les résultats à long terme et c'est justement ce que visent les programmes de prévention.
Je crois que le travail de n'importe quel ministère ou presque comporte une partie de prévention. Je ne crois pas qu'un seul domaine stratégique soit exclu. Mais je pense que certaines personnes perçoivent la finance sociale comme de la privatisation déguisée ou comme une autre façon pour le gouvernement de dissimuler la réduction des dépenses générales dans les affaires sociales. Je ne crois pas que ces critiques de l'outil soient justes. Que ces rumeurs courent au même moment que nous parlons de ces outils est une autre paire de manches, je présume.
L'idée qui sous-tend la finance sociale n'est pas que le gouvernement devrait laisser tomber la prestation des services sociaux. Je crois qu'il s'agit plutôt du fait que l'on a de plus en plus recours à des partenariats multisectoriels pour appuyer l'optimisation des ressources gouvernementales, et qu'en mettant l'accent sur les résultats, tout le monde est gagnant. Vous avez de meilleures chances de réaliser les résultats qui importent aux personnes que vous desservez, des résultats qui, au final, sont financés par l'argent du gouvernement et des contribuables.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais je pense que je retirerais la prestation des services essentiels des enjeux discutés. Je ne pense pas que cela va remplacer les prestations d'assistance sociale. Je ne crois pas que cela va remplacer les hôpitaux ou les écoles, mais j'estime que cela pourrait aider à garder les enfants à l'école et à réduire les taux de décrochage. Cela ne se substituera pas à la direction des pénitenciers, mais pourrait aider à réduire le nombre de personnes qui aboutissent en prison. Donc, je crois que c'est cet aspect de la prévention qui doit retenir notre attention lorsque nous nous penchons sur ces outils.
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Merci, monsieur le président.
Je vous suis reconnaissant à tous les deux d’être venus.
Je veux revenir sur une question que mon collègue, M. Maguire, était en train de vous poser vers la fin de son intervention. Il a affirmé que les Autochtones canadiens formaient un groupe sur lequel la notion de finance sociale et de travail avec des partenaires pourrait avoir un effet très bénéfique.
Je suis certainement d’accord. Selon moi, il ne fait aucun doute que cette idée a un grand potentiel, et vous semblez aussi être d’accord avec lui à ce sujet.
Je tiens simplement à revenir là-dessus et à développer un peu plus le sujet, parce que je crois effectivement que, selon toute probabilité, l’idée offre de nombreuses possibilités. Je songe aux partenariats que bon nombre de nos réserves des Premières Nations ont établis avec des sociétés, des entreprises socialement responsables ou non, et d’autres organisations. Je pense à la réserve des Premières Nations qui se trouve dans ma circonscription. Ses membres font déjà équipe avec un certain nombre de parties externes — des entreprises et des sociétés — pour tirer parti de possibilités de développement économique.
Je crois qu’il doit être possible d’élargir les relations et les partenariats déjà établis. Je sais que bon nombre d’entreprises, en particulier les grandes sociétés, mettent en oeuvre des initiatives de responsabilité sociale. Il doit y avoir une façon de relier ces concepts et de créer quelque chose de très bénéfique pour les collectivités des Premières Nations de notre pays.
Je me demande si vous pourriez simplement nous en dire un peu plus à ce sujet et nous communiquer d’autres réflexions, idées ou suggestions.