J'aimerais vous présenter mes collègues: M. Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, Analyse économique et financière; M. Sahir Khan, directeur parlementaire adjoint du budget, Analyse des dépenses et des revenus; M. Peter Weltman, qui travaille pour M. Khan et est le principal auteur de l'étude sur l'infrastructure; et M. Ashutosh Rajekar, principal auteur de notre étude sur la réforme de la détermination de la peine.
Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents, mesdames et messieurs les députés. Merci de nous avoir invités aujourd'hui à parler de trois sujets: le gel des budgets de fonctionnement ministériels, décrété dans le budget de 2010; le rapport concernant la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, que mon bureau a rendu public en juin 2010; et la mise à jour de mon bureau sur le Fonds de stimulation de l'infrastructure, le FSI.
Dans l'exposé que j'ai fait le 12 avril dernier sur le gel des budgets de fonctionnement ministériels, décrété dans le budget de 2010, je vous ai parlé de trois choses importantes, qui sont toujours pertinentes dans le contexte de l'étude de votre comité.
La situation financière est difficile. Même si le Canada se tire relativement bien d'affaire à cet égard, par rapport à d'autres pays, les parlementaires se voient confrontés à deux grandes vagues de fond. Le gouvernement fédéral accusera brièvement d'importants déficits budgétaires, causés par le fléchissement de l'économie et la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures de relance économique. Ensuite, les coûts augmenteront en raison du départ à la retraite des baby-boomers qui recevront des prestations pour aînés et qui auront besoin de soins de santé, de la diminution des revenus budgétaires, attribuable au ralentissement de la croissance de la main-d'oeuvre disponible.
[Français]
Deuxièmement, l'assainissement des finances publiques implique toujours des choix difficiles. Afin d'éviter la répétition — insoutenable à long terme — de déficits budgétaires importants, les parlementaires pourraient donc devoir choisir entre hausser les taxes et impôts, réduire les paiements de transfert législatifs et, enfin, limiter les dépenses directes de programmes.
Troisièmement, il serait stratégiquement opportun, voir nécessaire de faire un examen plus rigoureux des prévisions budgétaires. Les améliorations apportées récemment à l'information sur la gestion des dépenses et la mise en oeuvre de leur examen stratégique permettent un degré de transparence fiscale inégalé et font que le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires et, en fait, tous les comités permanents qui participent à l'examen des activités ministérielles sont mieux armés pour appuyer les décisions du gouvernement.
[Traduction]
Concernant le Service correctionnel du Canada, le SCC, et le gel de son budget de fonctionnement, le gouvernement du Canada a établi une nouvelle cible budgétaire pour le taux de croissance des dépenses de fonctionnement dans le budget de 2010. Dans ce nouveau régime, les ministères devront répartir les fonds au niveau interne pour absorber l'augmentation de 1,5 p. 100 des salaires annuels dans la fonction publique en 2010-2011. De plus, les budgets de fonctionnement des ministères pour 2011-2012 et 2012-2013 seront gelés aux niveaux de 2010-2011.
Même s'il est prévu qu'en général, les budgets de fonctionnement de 2010-2011 des ministères et des organismes ressembleront à ceux de l'année précédente, les budgets de certains ministères vont davantage augmenter ou diminuer que ceux des autres. Par exemple, malgré le gel des dépenses de fonctionnement, les dépenses du SCC devraient augmenter en moyenne de 12,8 p. 100 durant les deux prochaines années. Comme le dit le SCC dans son rapport sur les plans et les priorités, c'est surtout en raison de l'augmentation du personnel et des dépenses en capital relatives à la détention des délinquants. Au cours des deux prochaines années, on embauchera plus de 4 100 employés à temps plein, une augmentation de 25 p. 100.
Les parlementaires doivent tenir compte de certaines choses à ce sujet. Selon nous, les mesures de compression des dépenses de fonctionnement présentées dans le budget de 2010 ne sont pas tout à fait claires. Vous devez savoir que, sur le plan financier, les cibles budgétaires proposées comportent des risques. Les économies sont-elles réalisables ou encaissables? Dépendent-elles de niveaux raisonnables de la demande de programmes ou de services? Les reports de coûts liés au gel des dépenses de fonctionnement pourraient-ils entraîner des conséquences budgétaires? Si les nouvelles politiques d'un ministère exigent une augmentation considérable des dépenses, les autres ministères devront-ils compenser cette augmentation par une réduction équivalente de leurs niveaux de référence?
Par ailleurs, vous devez connaître les risques et les conséquences pour la rapidité, la qualité ou les coûts des services offerts aux Canadiens. À long terme, les changements dans le personnel, les processus ou les fonds disponibles pourraient-ils entraîner des risques et des conséquences pour la capacité du gouvernement de fournir des services? D'après nous, le Parlement doit obtenir des informations et des analyses structurées au moment où il en a besoin pour examiner les risques et les conséquences des mesures de compression budgétaire.
Mon bureau a produit un rapport concernant Ie projet de loi sur l'adéquation de la peine et du crime pour donner suite à la demande du député d', qui voulait connaître l'impact qu'aurait la nouvelle loi sur le système correctionnel partout au Canada. Le rapport ne parle pas des avantages qu'aurait la loi sur le plan politique.
Brièvement, cette loi modifierait le Code criminel en limitant le crédit que peut accorder un juge pour le temps passé en détention présentencielle. En général, un juge ne pourrait généralement pas accorder davantage qu'un crédit d'un jour pour chaque jour passé en détention présentencielle. Toutefois, si et seulement si les circonstances le justifient, un juge pourrait accorder un crédit maximal d'un jour et demi pour chaque jour passé en détention présentencielle.
Je dois mentionner quatre choses importantes. La Loi sur l'adéquation de la peine et du crime aura une incidence considérable sur le système correctionnel partout au Canada. Les parlementaires devraient se demander si le cadre financier et le budget tiennent pleinement compte de l'augmentation des coûts liés à cette loi. Ils devraient également s'intéresser au manque de transparence du gouvernement du Canada concernant l'augmentation de ces coûts. Enfin, les parlementaires devraient se préoccuper de l'impact qu'aura cette loi sur les activités et les coûts des provinces et des territoires.
Au cours de notre enquête, nous avons éprouvé un certain nombre de difficultés, comme nous l'avons mentionné dans notre site Internet. Si l'on exclut la communication que nous avons eu avec le SCC au tout début et décrite sur notre site Internet, nous n'avons pas pu organiser de rencontre avec les représentants du Service correctionnel du Canada, malgré nos demandes répétées. De plus, nous n'avons pas pu vérifier les prévisions, les hypothèses ou la méthodologie utilisées par le gouvernement concernant les divers chiffres rendus publics. Une grande partie des données utilisées pour produire notre rapport sont tirées des enquêtes annuelles du Centre canadien de la statistique juridique, de Statistique Canada et des services correctionnels des provinces et des territoires.
Pour simplifier les choses, les modifications apportées à la loi entraîneraient l'augmentation de la durée des séjours en prison et du nombre de détenus. L'augmentation de la population carcérale aurait un impact considérable sur les coûts de fonctionnement et d'entretien, les coûts en immobilisations annuelles pendant le cycle de vie des établissements et les coûts de construction ou d'agrandissement d'établissements correctionnels.
Mon bureau a utilisé un modèle financier simple et un modèle de simulation probabiliste pour évaluer l'impact du projet de loi C-25. Il a également fait appel à un comité d'examen indépendant formé d'experts des affaires correctionnelles, de la justice, de la gestion des installations et des immobilisations, des statistiques et des modèles financiers.
[Français]
En prenant les données statistiques disponibles pour l'exercice 2007-2008 comme échantillon étalon, le DPB a estimé qu'au cours de cet exercice, le projet de loi , s'il avait été en vigueur, aurait eu l'impact suivant sur le système correctionnel fédéral.
Il y avait dans les établissements fédéraux quelque 8 600 détenus condamnés qui ont passé en moyenne 560 jours en détention avant de bénéficier d'une libération conditionnelle, d'une libération sous surveillance communautaire, d'une libération d'office, etc. Ils avaient déjà purgé quelque 160 jours en détention provisoire quand ils ont finalement été condamnés à la détention dans un centre fédéral.
Le projet de loi , s'il avait été en vigueur au cours de l'exercice 2007-2008, aurait prolongé la peine moyenne d'environ 160 jours, ce qui l'aurait portée à environ 720 jours, ou près de deux ans. Il aurait en moyenne grossi la population carcérale de quelque 3 800 détenus.
Selon les estimations communiquées par le SCC au Parlement, les frais de fonctionnement et d'entretien annuels moyens par détenu dans les établissements fédéraux étaient de 147 000 $.
Par conséquent, en supposant un taux d'occupation stable de 90 p. 100, le projet de loi aurait fait grimper les frais de fonctionnement et d'entretien, et les dépenses d'immobilisation de 620 millions de dollars par année.
Étant donné que le SCC ne disposait que de quelque 14 800 cellules pour loger les détenus sous responsabilité fédérale, le même taux d'occupation de 90 p. 100 aurait obligé le gouvernement fédéral à dépenser 1,8 milliard de dollars sur cinq ans pour agrandir ses pénitenciers ou en construire de nouveaux, soit quelque 360 millions de dollars par année.
La dépense supplémentaire totale aurait donc été de 620 millions de dollars, plus 360 millions de dollars, soit près de 1 milliard de dollars.
En supposant que le SCC aurait renoncé à agrandir ses pénitenciers et à en construire de nouveaux, le projet de loi l'aurait quand même forcé à dépenser 620 millions de dollars de plus en frais de fonctionnement et d'entretien.
[Traduction]
Les besoins financiers totaux du SCC au niveau fédéral selon le deuxième modèle financier sont présentés au tableau 3 de l'annexe de mon exposé. Ils comprennent l'augmentation des besoins financiers pour la mise en oeuvre de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime.
Les derniers rapports sur les plans et les priorités du SCC indiquent un niveau de référence annuel d'environ 2,5 milliards de dollars pour 2010-2011, 2,9 milliards de dollars pour 2011-2012 et 3,1 milliards de dollars pour 2012-2013. Si l'on compare ces chiffres aux prévisions de mon bureau, on observe un écart annuel d'environ un milliard de dollars.
Toutefois, si on ne tient compte que des composantes de fonctionnement et d'entretien -- soite le F et E --, les prévisions due mon bureau sont proches du niveau de référence annuel du SCC. On pourrait en conclure que le SCC veut placer plusieurs détenus dans une même cellule au lieu d'investir dans la construction ou l'agrandissement d'établissements.
Si le gouvernement du Canada choisissait de ne pas agrandir ses établissements correctionnels ni d'en construire de nouveaux, il faudrait tout de même répondre aux besoins financiers accrus en raison des nouvelles dépenses de fonctionnement et d'entretien découlant de l'augmentation de la population carcérale. Cela dit, il convient de remarquer que le nouveau niveau de référence du SCC ne permet pas de savoir si l'on tient compte des mesures législatives proposées, comme le projet de loi .
Voici certaines questions que devraient examiner les parlementaires.
Lorsque les parlementaires ont débattu et voté le projet de loi , ils n'en connaissaient pas l'impact financier. Les parlementaires devraient demander l'estimation des coûts qu'entraînerait la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, les principales hypothèses, l'analyse de sensibilité, le modèle de capitalisation, la méthodologie et les sources de données.
Les parlementaires jugeront peut-être utile de demander le même genre d'informations et d'analyses financières pour les prochaines mesures législatives; ces renseignements leur permettraient d'effectuer une étude minutieuse des prévisions budgétaires du gouvernement et d'avoir une meilleure compréhension des répercussions et des risques du cadre financier.
Pour ce qui est de notre mise à jour sur le Fonds de stimulation de l'infrastructure, le FSI, notre troisième et dernier point, nous avons évalué le rendement en tenant compte de la troisième série de rapports de progrès et de réclamations, reçus en date du 31 mars 2010. Ces rapports portaient sur 3 486 réclamations et 2 902 projets, soit 74 p. 100 de tous les projets liés au FSI.
Mon bureau a constaté un décalage notable entre les dates de début et de fin des projets et les prévisions initiales. Cette tendance fait ressortir des risques éventuels pour les résultats du FSI. Par exemple, les projets pourraient ne pas être achevés à l'échéance du 31 mars 2011, et des fonds fédéraux seraient éventuellement inutilisés.
Mon bureau a élaboré un modèle de haut niveau pour prévoir les résultats du FSI. Dans le meilleur des cas, tous les projets seraient terminés à l'échéance du programme. Dans une perspective plus réaliste, 936 projets ne seraient pas achevés à l'échéance, et 293 millions de dollars seraient inutilisés. Dans le pire des cas, 1 814 projets ne seraient pas achevés, et le gouvernement fédéral se retrouverait avec une somme de 500 millions de dollars non dépensée.
Des membres de mon personnel se sont réunis avec des représentants d'Infrastructure Canada, qui ont désapprouvé certaines méthodes de prévision. J'encourage ce genre d'intervention. Je crois que cela est propice au débat et à la discussion.
À l'automne 2010, une fois la quatrième série de rapports d'étape rendu publics par Infrastructure Canada, mon bureau fournira une nouvelle mise à jour sur le rendement qui comprendra une mise à jour de l'analyse des fonds inutilisés prévus. Il fera également connaître les conclusions de son enquête sur les prestataires du FSI, réalisée au cours de l'été.
Voici certaines choses dont devraient tenir compte les parlementaires.
Les données sur les réclamations que mon bureau a reçues d'infrastructure Canada contiennent des incohérences qui influent sur la pertinence et la fiabilité de notre analyse du rendement. Outre que de nombreux projets n'ont pas encore fait l'objet de rapports, ces incohérences empêchent pour le moment de tirer des conclusions dignes de foi sur le rendement du programme.
Les parlementaires pourraient exercer une meilleure surveillance et le rendement de programme pourrait être supérieur si un régime de production de rapports plus systématique était mis en place, un régime qui serait doté de mesures incitatives et qui permettrait la présentation de rapports exacts dans les délais requis.
Merci de votre temps et de la patience dont vous avez fait preuve alors que je vous parlais de ces trois sujets complexes. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.