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Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui et vous suis reconnaissante de l'intérêt soutenu que vous portez au travail du Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement, qui oeuvre pour enforcer l'équité, l'ouverture et la transparence des mécanismes d'acquisition du gouvernement fédéral.
En attendant la nomination d'un nouvel ombudsman de l'approvisionnement, on m'a attribué, à titre d'ombudsman de l'approvisionnement adjointe, des responsabilités particulières de façon à assurer la continuité des activités du bureau. Il s'agit de mesures provisoires, puisqu'un processus concurrentiel a été lancé le printemps dernier pour trouver un remplaçant à la suite de l'annonce du départ à la retraite du premier ombudsman de l'approvisionnement, M. Shahid Minto, qui a eu une carrière longue et éminente dans la fonction publique fédérale.
J'ai à mes côtés M. Paul Morse, actuellement conseiller principal responsable des examens des pratiques d'approvisionnement au sein des ministères et organismes.
Je suis heureuse de vous rencontrer aujourd'hui pour parler des activités récentes de notre bureau et, en particulier, des marchés dans le domaine de la construction. Notre bureau a pour mandat d'examiner les pratiques en matière d'approvisionnement des ministères pour évaluer leur équité, leur ouverture et leur transparence, recommander des améliorations, examiner les plaintes précises sur l'attribution et l'administration des marchés et de fournir des services de règlement extrajudiciaire en cas de différends contractuels. La loi stipule également que l'ombudsman de l'approvisionnement doit assumer toute responsabilité ou fonction liée aux pratiques en approvisionnement des ministères qui peut être attribuée par décret du gouverneur en conseil ou du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.
Notre bureau est devenu pleinement opérationnel en mai 2008. Il s'appuie sur des principes de base, notamment l'indépendance et la neutralité.
Notre bureau a non seulement un mandat prescrit par la loi qui ne peut être modifié que par le Parlement, mais nous avons pris d'autres mesures pour garantir notre indépendance dans nos activités quotidiennes. Par exemple, nous avons conclu un protocole d'entente avec TPSGC en vertu duquel ce dernier nous fournit des services généraux essentiels contre rémunération. Nous sommes chargés de la gestion de nos propres risques, des communications et des services juridiques. Nous choisissons également les pratiques d'approvisionnement à examiner, sauf instruction expresse du ministre. Dès que notre rapport annuel est terminé, il est remis au ministre et déposé au Parlement.
La neutralité est en outre l'un de nos principes essentiels. Nous ne sommes ni des lobbyistes des fournisseurs ni des défenseurs de l'État. Notre but est de stimuler les discussions et de garantir la compréhension objective des intérêts et des préoccupations du gouvernement, des fournisseurs et des parlementaires.
En exécution de notre mission d'examen des plaintes relatives à l'attribution et à l'administration des marchés, nous avons répondu à 1 093 demandes depuis mai 2008. Environ 67 p. 100 d'entre elles portaient sur l'approvisionnement.
Néanmoins, beaucoup de plaintes reçues sur l'attribution des marchés ne répondent pas aux critères d'examen du règlement qui nous régit, ce qui signifie que nous ne pouvons mener d'enquête officielle. Nous suivons alors notre modèle opérationnel, qui consiste à inviter les fournisseurs à nous faire part de leurs problèmes et de nous permettre de les régler rapidement par des voies informelles.
Tant les fournisseurs que les fonctionnaires bénéficient ainsi d'une démarche de collaboration, sans que le processus d'approvisionnement ne soit interrompu ni que la qualité soit compromise, et de telle manière que les parties préservent de bonnes relations professionnelles en vue de futurs marchés d'approvisionnement. Si la démarche informelle reste infructueuse et que la plainte répond aux critères définis dans le règlement concernant l'ombudsman de l'approvisionnement, nous procédons alors à une enquête officielle. Jusqu'à maintenant, sept enquêtes officielles ont été menées.
Nous suivons la même démarche à l'égard des différends contractuels pour tenter de parvenir à un règlement extrajudiciaire. Nous tentons de résoudre les problèmes par des moyens informels avant d'enclencher le processus officiel. Depuis mai 2008, nous avons reçu 16 demandes et 60 p. 100 d'entre elles ont été traitées de façon informelle. Nous nous efforçons de faire connaître notre bureau et les services que nous offrons auprès de nos intervenants. Nos activités de communications visent aussi bien les responsables des achats du gouvernement que le monde des fournisseurs. Nous assistons à une grande variété d'ateliers et de conférences, ainsi qu'à d'autres événements, afin de mieux faire connaître le bureau et les services qu'il offre. Nous avons également eu des rencontres avec des associations nationales d'approvisionnement, des associations professionnelles, d'autres bureaux d'ombudsman et des bureaux régionaux de divers ministères afin de discuter de sujets d'intérêt mutuel.
Dans le cadre de notre mission d'examen des pratiques ministérielles en approvisionnement pour en évaluer l'équité, l'ouverture et la transparence, nous avons procédé à neuf examens et deux études depuis mai 2008.
Nous pensons qu'un examen en particulier réalisé l'an dernier pourrait intéresser le comité. Il s'agit d'un examen des pratiques d'approvisionnement des ministères et organismes ayant trait aux avenants aux contrats de construction, connus sous le nom d'« autorisations de modification ».
De par leur nature, les projets de construction comportent des risques, Afin de réduire au minimum l'effet de ces risques, les autorités contractantes comme les maîtres d'oeuvre doivent s'assurer qu'un cadre de gestion solide est en place pour gérer le processus de modification des marchés de travaux de construction.
Travaux publics et Services gouvernementaux a participé à notre examen, puisqu'il est le principal intervenant dans les domaines de la construction et de la gestion de biens immobiliers du gouvernement du Canada et que, jusqu'à tout récemment, il était le principal acheteur des services de construction pour tous les ministère et organismes fédéraux, sauf le ministère de la Défense nationale.
Notre examen portait également sur les bureaux régionaux du ministère des Pêches et des Océans, de Parc Canada et de la Gendarmerie royale du Canada, puisque ces ministères et organismes jouent à présent un rôle plus important dans l'acquisition de leurs services de construction.
Nous avons constaté que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada avait cerné les risques liés aux avenants aux contrats de construction et élaboré des procédures détaillées, des outils et des programmes de formation pour gérer ces risques. Il met autant de soin à conclure les avenants qu'à adjuger de nouveaux marchés. Le cadre du ministère est conçu pour favoriser l'équité, l'ouverture et la transparence et protéger les fonds publics, tout en se conformant à tous égards aux règles pangouvernementales en matière de modifications contractuelles.
Nous avons recommandé aux participants que les politiques et les procédures soient suffisamment détaillées pour guider et encadrer le personnel intervenant dans le processus et comprennent une matrice des rôles et responsabilités respectifs.
Nous avons également été préoccupés de voir que les participants à notre examen n'avaient pas des systèmes suffisamment souples, contrairement à Travaux publics, pour réagir en temps opportun à la nécessité d'avenants contractuels. Ils s'exposaient ainsi à des réclamations pour retard de la part de l'entrepreneur, de même qu'à des irrégularités et des dérogations à leurs propres procédures. Nous leur avons recommandé d'effectuer des évaluations de risque et d'envisager d'adapter à leurs propres fins les mécanismes d'approbation préalables des modifications contractuelles de Travaux publics et Services gouvernementaux.
La tenue de statistiques sur les catégories et les types de modifications apportées aux marchés et sur leur nombre constituent des indicateurs de performance utiles, et permettent de déceler les problèmes systémiques dans la planification et la gestion des contrats de construction. Nous avons recommandé aux organisations examinées de se doter de la capacité de générer des rapports à ce sujet, de façon à pouvoir analyser les tendances et améliorer les processus.
Ayant donné un aperçu de notre bureau, de son mandat et de l'examen d'une pratique d'approvisionnement apparentée aux questions soulevées lors de vos audiences, je dois préciser que notre bureau n'a pas examiné de marchés portant sur la rénovation des édifices de la colline du Parlement, ni celui adjugé à LM Sauvé.
Pour conclure, je voudrais remercier de leurs efforts les employés dévoués du Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement. Ils font preuve quotidiennement de diligence dans tous les aspects de leur travail afin d'augmenter la confiance des Canadiens envers l'équité, l'ouverture et la transparence des marchés publics.
Mon collègue et moi-même répondrons volontiers aux questions que le comité pourrait avoir.
Merci.
Dans le processus d'approvisionnement, l'objectif de l'acheteur est d'optimiser les ressources, c'est-à-dire d'obtenir le meilleur travail possible au prix le plus bas. Pour ce faire, les gouvernements et les grandes entreprises établissent généralement des procédures officielles, avec le plus souvent le recours à des appels d'offres concurrentiels. Ces procédures comprennent habituellement des contrôles pour assurer que les employés de l'organisation agissent dans l'intérêt de l'employeur.
Aussi efficace que soient ces systèmes, ils laissent inévitablement une certaine marge de vulnérabilité à la fraude. La fraude en matière d'approvisionnement consiste principalement de la part du fournisseur à délibérément surfacturer le client, souvent par collusion entre le fournisseur et des employés ou mandataires corrompus de l'organisation victime. Les facteurs donnant lieu à ces vulnérabilités sont nombreux, mais voici les trois principaux.
Premièrement, les contrôles peuvent souvent être contournés par des employés qui sont de connivence entre eux ou avec des acteurs externes. Deuxièmement, des cadres supérieurs ont souvent le pouvoir de déroger aux contrôles en des points de décision cruciaux. Troisièmement, à mesure que les systèmes de contrôle deviennent plus bureaucratiques et complexes, on atteint un point de rendement décroissant au-delà duquel toute complexité ou lourdeur administrative supplémentaire augmente le nombre d'occasions de frauder. Les vulnérabilités à la fraude existent à tous les stades du processus, comme nous allons le voir.
J'attire l'attention du comité sur la diapositive trois dans la documentation que j'ai fournie et dont j'espère que le greffier l'a distribuée aux membres. En est-il bien ainsi?
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Dans la diapositive trois, nous voyons que le processus d'acquisition est scindé en étapes clairement définies. Les démarcations entre les étapes vont varier d'une organisation à l'autre, mais le point important pour mon propos d'aujourd'hui est que chaque étape comporte ses propres risques de fraude.
À l'étape de la détermination des besoins, l'objectif de l'employé ou du mandataire corrompu est d'établir un besoin pour une dépense qui est en réalité inutile ou de gonfler le montant de la dépense nécessaire, dans l'intention de transférer l'avantage au fournisseur favorisé. La diapositive quatre de votre document montre quelques manières de procéder au stade de la détermination des besoins. Sachez, en parcourant cette diapositive et celles qui la suivent, que nombre des manoeuvres indiquées peuvent être le fait d'un employé qui n'est pas nécessairement situé très haut dans la hiérarchie de l'organisation. Elles peuvent être le fait d'employés de niveau tout à fait subalterne.
Lors de la deuxième étape, celle de l'énoncé des travaux et des spécifications, l'objectif est de faire en sorte que, dans toute la mesure du possible, les spécifications correspondent aux ressources ou aux produits du fournisseur favorisé, ou que le marché puisse lui être accordé au moyen d'un mécanisme non concurrentiel ou à fournisseur exclusif. Les diapositives cinq et six montrent certaines façons de procéder pour cela. Là encore, il n'est pas nécessaire d'être haut placé dans la hiérarchie pour effectuer certaines de ces manoeuvres.
À l'étape de la préqualification, l'objectif est de limiter le bassin de fournisseurs potentiels de manière à favoriser le fournisseur préféré. Si vous jetez un coup d'oeil sur la diapositive sept, vous verrez certaines des façons de s'y prendre pour cela.
À l'étape de l'appel d'offres, l'objectif est de faire en sorte que le fournisseur favori obtienne le contrat en limitant ou en sabotant la concurrence. Il existe de nombreuses façons d'y parvenir et elles ont été utilisées dans le passé. Elles sont énumérées dans les diapositives huit et neuf.
Au moment de l'évaluation des soumissions et des propositions, l'objectif est de veiller à ce que le marché soit adjugé au fournisseur favorisé. Si une entrevue de sélection fait partie du processus, l'employé corrompu s'en servira pour discréditer les concurrents et faire paraître sous un bon jour le fournisseur favorisé. J'indique certaines façons de s'y prendre pour cela aux diapositives 10 et 11.
Nous approchons de la fin du parcours, avec l'étape de la négociation, où l'objectif est d'infléchir le processus de façon à donner une deuxième chance au fournisseur favorisé et de rendre le marché plus avantageux pour lui. J'indique comment cela peut être fait à la diapositive 12.
À l'étape de l'adjudication du marché, l'employé ou le mandataire corrompu va s'efforcer d'exempter le fournisseur favorisé, et maintenant gagnant, des clauses prévoyant des pénalités, des vérifications et d'autres dispositions établissant la responsabilité de l'entrepreneur qui figureraient normalement dans un contrat. Un autre objectif à ce stade est de préparer le terrain à des surfacturations des travaux ultérieurs.
Une fois le contrat officiellement attribué, le fournisseur est habituellement en mesure, même sans la collusion d'employés corrompus à l'intérieur, de se livrer à des pratiques frauduleuses qui accroîtront ses bénéfices aux dépens de l'acheteur.
J'ai ajouté quelques notes sur les mesures pouvant être prises pour prévenir ce genre d'abus, mais je crois que le temps qui m'est alloué est presque écoulé. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir.
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Les contrôles ont leur place et sont nécessaires, mais les contrôles peuvent être contournés par la collusion ou par des dérogations décidées par la haute direction.
Pour ce qui est de la complexité, vient un moment où le système devient tellement complexe que les occasions de fraude se multiplient. Par exemple, il y a ce que l'on appelle l'effet aval. Si vous avez trop de personnes dans le circuit, et si un employé corrompu réussi à commettre un crime, les employés en aval ne sauront pas que quelque chose cloche. Par exemple, antérieurement à l'appel d'offres, un employé corrompu peut effacer de la base de données les coordonnées de fournisseurs qualifiés, si bien qu'ils ne recevront pas la demande de proposition ou l'appel d'offres. Si le bassin des fournisseurs a été restreint de cette manière, de telle façon que seuls les fournisseurs favorisés et quelques autres manifestement non qualifiés reçoivent les DDP, les responsables de l'évaluation des offres n'en sauront rien et ils iront de l'avant comme si tout était en ordre.
Pour ce qui est des méthodes de prévention, il y a la ségrégation des tâches. Il y a aussi l'exécution de vérifications parallèles à des moments critiques. Par exemple, avant le lancement d'une demande de proposition, une personne indépendante examine le registre des modifications à la base de données pour vérifier qu'aucune modification intempestive n'a eu lieu. Également, à ce stade, un organisme indépendant peut effectuer une vérification des antécédents d'une liste restreinte de soumissionnaires, ainsi que de leurs dirigeants et membres du conseil d'administration.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Hollander, merci d'être parmi nous si tôt le matin —, heure de Vancouver. Ce n'est pas de votre faute, mais j'aurais beaucoup apprécié qu'on vous entende tout au début de cette enquête. Car les éléments que vous nous soumettez sont très intéressants et auraient probablement pu guider nos questions aux divers témoins de façon différente.
À la page 5 de votre présentation, il est question de la « Rédaction de l'énoncé des travaux et des spécifications ». Croyez-vous qu'il peut y avoir place à divers abus si l'on impose des restrictions tellement spécifiques à un contrat qu'il ne peut y avoir qu'un seul soumissionnaire au bout du compte?
J'essaie de comprendre, car des témoins nous ont dit que la réfection de la tour de l'édifice de l'Ouest était tellement spécifique, compliquée et particulière que cela restreignait le nombre de soumissionnaires potentiels. J'aimerais que vous m'expliquiez la différence entre ce point: « Définir des spécifications ou des énoncés de travaux qui ne correspondent qu'aux produits et aux capacités d'un seul entrepreneur (“personnalisation“», et ce que nous ont dit les architectes, la difficulté, la complexité, ainsi de suite.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Hollander, madame Trombetti, monsieur Morse, merci de vous être joints à nous ce matin.
Je vais commencer par adresser mes questions à M. Hollander. Merci de vous être levé si tôt et de vous être joint à nous par vidéoconférence et d'avoir prélevé ce temps sur vos vacances. On dirait presque que vous êtes député, avec des horaires de ce genre.
Je vais vous poser quelques questions plutôt directes. J'ai un peu d'expérience, particulièrement de la gestion de projets dans le domaine du développement d'applications logicielles, et je connais donc très bien le processus de gestion des changements, et vous avez indiqué que c'est l'un des domaines où la corruption et la collusion peuvent effectivement intervenir.
Vous nous avez apporté quelques renseignements assez étonnants dans vos diapositives sur les possibilités. Je vais vous demander, d'un point de vue général, la distance entre le sommet de la hiérarchie, tel qu'un cadre supérieur — et je songe là surtout au gouvernement fédéral, car c'est là où se situe mon rôle comme parlementaire. Je suppose que lorsque vous faites vos études, vous vous intéressez aussi bien aux acquisitions du secteur public que du secteur privé. N'est-ce pas?
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Je crois qu'ils le font dans la mesure de leurs moyens limités, mais si l'on parle de détection de la fraude en général, nous constatons que les mécanismes internes ne sont pas réellement les meilleurs et les plus efficaces possibles.
Si je puis vous référer de nouveau à votre documentation — et j'espère que vous ne m'en voulez pas de vous y renvoyer sans cesse — nous pouvons regarder la détection initiale de la fraude dans les organismes gouvernementaux au Canada. C'est la diapositive numéro 27, et la source de ces renseignements est une brochure publiée, un rapport de l'Association of Certified Fraud Examiners. Il est disponible en anglais et en français et j'ai indiqué le lien à votre greffier, et je ne sais donc pas si vous avez cela ou non. Quoi qu'il en soit, si vous regardez la manière dont la fraude est initialement détectée par les organismes gouvernementaux, dans 48 p. 100 des cas de fraude examinés la source de l'information est un tuyau. Les mécanismes de vérification internes, pour leur part, n'ont détecté que 28 p. 100 des cas.
Donc, à mon avis, la meilleure façon de maîtriser ce problème, ne serait pas nécessairement de renforcer les mécanismes de détection internes mais plutôt d'encourager les employés d'une organisation et les employés des fournisseurs à dénoncer s'ils en ont l'occasion, car nous mettons ainsi à notre disposition les connaissances des personnes qui sont en première ligne et savent ce qui se passe. Je pense, en tant qu'ancien fonctionnaire, que ceux qui travaillent dans le service public sont au courant de ce qui se passe. Dans l'ensemble ils veulent faire le meilleur travail possible dans l'intérêt public. Ils n'aiment pas quand on prend des raccourcis, ils sont fâchés lorsqu'ils voient d'autres mal agir. S'il existait un mécanisme leur permettant de dénoncer sans se faire couper la tête, beaucoup le feraient.
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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par Mme Trombetti, puis M. Morse.
D'abord, je ferai un commentaire. Je trouve assez particulier que, dans votre document d'ouverture, le document de présentation du Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement, vous ayez tant de louanges à faire à l'endroit de TPSGC. On sait que TPSGC a toujours eu des difficultés à gérer les risques. Il a d'ailleurs été dénoncé par la vérificatrice générale du Canada. On peut nommer des dossiers. On peut parler de TPG, par exemple. On peut parler aussi du fameux dossier qu'on n'a pas eu le temps d'étudier, soit le dossier Royal LePage. On peut parler du dossier d'informatique relatif aux petites et moyennes entreprises, qu'a étudié ce comité.
Je trouve donc assez particulier que vous encensiez TPSGC qui, semble-t-il, a fait des efforts. Cependant, je me demande jusqu'à quel point vous n'êtes pas en conflit d'intérêts pour la simple raison que vous avez fait des ententes avec TPSGC, et vous n'avez pas les mains libres.
Lorsque...
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Merci, monsieur le président.
Pour continuer avec vous, monsieur Hollander, je suppose que tout le monde a droit à son opinion personnelle, et ce qui vient d'être évoqué n'était que l'opinion d'une personne et non pas l'énoncé d'un fait.
Quoi qu'il en soit, je veux apporter un petit rectificatif. Les députés d'en face ont dit que des changements apportés aux préqualifications dans les documents d'appel d'offres ont favorisé le soumissionnaire gagnant. C'est vrai dans un cas. Dans l'autre cas, cela a plutôt représenté un obstacle et le seul changement apporté concernant la personne à qui le contrat a été adjugé était que l'entrepreneur général était autorisé à faire une partie du travail de maçonnerie lui-même.
En clair, le changement qui a bénéficié à la société Sauvé était que celle-ci était autorisée à faire elle-même le travail de maçonnerie au lieu d'engager un sous-traitant pour cela. De toute évidence, LM Sauvé était connu pour sa capacité à mener à bien de gros travaux de maçonnerie. Il importe que cela se sache.
J'aimerais savoir, madame Trombetti, si vous avez en main des éléments de preuve, ou si quelqu'un vous a communiqué des éléments indiquant qu'il y aurait eu une quelconque intervention politique dans les marchés de rénovation de l'édifice de l'Ouest.
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Oui, et c'est bien là où je voulais en venir. Nous n'avons aucune preuve d'une ingérence politique dans les contrats de rénovation de l'édifice de l'Ouest.
Nous apprécions certainement les deux témoignages que nous avons entendus aujourd'hui. Nous apprécions vos contributions, car il est important que les gouvernements à tous les paliers examinent les pratiques en matière de passation de marchés afin que les contribuables bénéficient toujours du meilleur prix et de la meilleure contrepartie pour leur argent.
J'aimerais passer en revue certaines de vos suggestions. Le ministère et le gouvernement ont en fait déjà entrepris de concrétiser nombre des suggestions que vous avez formulées ce matin, monsieur Hollander. Il existe manifestement le désir et la nécessité d'assurer la transparence et de mieux garantir aux contribuables qu'il n'y a pas d'irrégularités au sein des ministères. Nombre des mesures que vous avez préconisées ont en fait déjà été prises sous le régime de la Loi fédérale sur la responsabilité.
Plus précisément, maintes possibilités de fraude, dont vous dites qu'elles peuvent intervenir aux différents stades, ne s'appliquent pas réellement au marché qui nous occupe. Vous dites qu'au stade de la décision de réaliser un projet il existe une possibilité d'intervention irrégulière.
En l'occurrence, il ne fait aucun doute que l'édifice de l'Ouest s'effrite. Peu contesteraient la nécessité de réparer la maçonnerie de l'édifice de l'Ouest.
Dans le contexte de notre étude d'aujourd'hui, auriez-vous des mesures à proposer qui ne sont pas couvertes par la Loi fédérale sur la responsabilité ou que nous devrions prendre pour assurer que tous les éléments soient en place pour les travaux à venir. Chaque gouvernement veut garantir aux contribuables que le meilleur usage soit fait de leur argent, mais nous devons nous en tenir au sujet d'aujourd'hui.
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Si le comité veut bien m'y autoriser, je pourrais vous parler de manière hypothétique, faisant abstraction de tout cas particulier.
Supposons qu'un entrepreneur pense que je jouis d'influence politique — ce qui n'est certainement pas le cas — et vient me voir pour me demander de faire en sorte qu'un contrat lui soit proposé en me disant que j'en serais bien récompensé. Je pourrais dire: « Certainement, j'aurai besoin d'un montant initial pour graisser quelques roues — 100 000 $ à 150 000 $ aideraient ». Je prends l'argent de la personne et je lui reviens deux semaines plus tard. Je lui dis que la combine est en place et qu'il lui faut faire une soumission au rabais. Que son prix soit même inférieur à son propre coût, et on veillera à ce qu'il ait raison, car une fois qu'il aura décroché le marché, les autorisations de modifications viendront et ce sera alors très lucratif. D'ailleurs, je pense que quiconque a jamais travaillé dans le milieu de la construction dirait que ce qui rapporte vraiment, ce sont les extras.
Ce qui se passerait alors pourrait être très intéressant, car je pourrais également dire que, lorsque les ordres de modification commenceront à tomber, j'aimerais toucher 3 p. 100 tout de suite, plus, une fois qu'il aura son contrat, de manière à me récompenser — je veux qu'il rembourse certaines de mes dettes politiques en organisant un événement de financement. Bien. Cela pourrait se faire, mais voici le coup de théâtre pour rendre la chose encore plus intéressante.
Supposons que j'empoche l'argent de l'entrepreneur, mais que je ne fasse rien pour lui. Je me contente de prendre les billets, de les plier en deux et de les mettre dans ma poche. Je n'ai jamais rendu visite à quelque personne que ce soit d'importance. Je n'ai fait que lui livrer le message.
Il fait une offre qui est inférieure à ses propres coûts — une offre tellement basse que c'en est presque choquant. Il va naturellement obtenir le marché. Il pense que je l'ai aidé, alors il va organiser pour moi l'événement de financement. Il obtient le contrat. Si les autorisations de modifications commencent à entrer, il va bien s'en sortir. Il me paye mes 3 p. 100, et moi, je m'en sors bien. C'est gagnant, gagnant.
Si les autorisations de modifications ne rentrent pas, alors c'est tant pis. J'ai toujours mes 140 000 $ initiaux. L'entrepreneur sera peut-être déçu, mais il ne peut pas vraiment aller à la police et lui dire qu'il a versé un pot-de-vin et qu'il n'a pas reçu ce qu'il pensait acheter.
Voilà donc un scénario possible, parmi plusieurs. Encore une fois, nous sommes ici très loin de tout cas particulier réel.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins de leurs témoignages aujourd'hui. C'est plutôt intéressant. Je ne sais trop si vous êtes arrivés ici un peu trop tôt ou un peu trop tard dans le processus. Je vous suis néanmoins reconnaissant de vos commentaires.
Je trouve cette série de dialogues tout à fait irrésistible.
J'aimerais rappeler aux collègues, si je le peux, en guise d'introduction, que le Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement a, en fait, été créé par l'actuel gouvernement en 2006, et que l'objet visé était, précisément, de renforcer la confiance des Canadiens à l'égard du processus d'approvisionnement. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Minto. J'aimerais également rappeler aux collègues, afin qu'il n'y ait en la matière aucune confusion, que son départ à la retraite a été tout à fait volontaire et, ajouterais-je, bien mérité. Nous le remercions pour son service dans le domaine.
Si vous permettez, madame Trombetti, vous espériez faire un commentaire après que mon collègue du Bloc québécois vous ait posé une question quant au conflit d'intérêt potentiel par rapport à Travaux publics. J'ai été ému par vos observations. Vous avez dit, dans votre déclaration liminaire, que la neutralité est l'un de vos principes essentiels, et que vous n'êtes ni des lobbyistes des fournisseurs, ni des défenseurs de l'État. Et cela me parle. Vous avez demandé l'occasion de répondre. Puis-je vous en donner l'occasion maintenant?
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Merci beaucoup, monsieur, pour la latitude que m'accorde votre question.
Comme je l'ai mentionné, l'un des moyens de dissuasion les plus efficaces est un mécanisme de rapport, une ligne réservée aux dénonciateurs.
L'une des choses qu'il faut savoir est que, lorsqu'un fraudeur songe à commettre une transgression, il soupèse très soigneusement le risque qu'il court de se faire prendre, et, plus il y a de chances que la personne se fasse prendre, moins il y a de chances qu'elle exécute ce qu'elle avait en tête. Je vous ai déjà parlé du fait que la plupart des cas où il y a eu enquête et constat de fraude avaient été portés à l'attention de l'agence au moyen d'indications. Cela se trouve sur la transparence 27. Nous savons que le fait d'avoir une ligne directe peut être un moyen très efficace de réduire les pertes.
J'attirerais maintenant votre attention sur la transparence 29 dans le paquet. Nous voyons que, là où il y a en place des lignes directes, le pourcentage des cas de fraude d'abord détectés à la suite d'indications est de 47 p. 100, soit près de la moitié, tandis que s'il n'y a aucun mécanisme de signalement par des employés, ni mécanisme de rapport externe, alors seuls environ 34 p. 100 des cas de fraude sont d'abord détectés à la suite d'indications. L'existence, donc, d'une ligne directe augmente sensiblement le niveau.
Si nous passons maintenant à la transparence 30, nous y voyons que les lignes directes ont également un effet sur les pertes médianes attribuables aux fraudes. Dans les organisations qui ont une ligne directe, les pertes médianes attribuables aux fraudes se chiffrent à un tout petit peu plus de 90 000 $ pour une affaire de fraude type. Dans les institutions qui n'ont pas de ligne directe, les pertes médianes attribuables aux fraudes se sont établies à un peu plus de 197 000 $. Le fait d'avoir en place une ligne directe réduit donc vos pertes et diminue également la durée de l'activité frauduleuse.
Si vous regardez la transparence suivante, vous y verrez que, dans le cas des organisations dotées d'une ligne directe, la fraude durait environ 18 mois avant d'être détectée, alors que dans le cas des organisations sans ligne directe, il s'écoulait typiquement deux années avant que la fraude ne soit détectée.
Il est donc important d'avoir en place un mécanisme, et le mécanisme en question devrait probablement être une ligne téléphonique, afin qu'il puisse y avoir cette interaction humaine, qui est si importante dans ce genre de situation. Ce pourrait être appuyé par un personnel d'enquête formé, par une bonne fonction de recherche et de renseignement, et par un processus approprié de gestion de cas.
L'existence du mécanisme devrait par ailleurs être appuyée, premièrement par une sensibilisation des employés, afin que les employés sachent quel comportement est acceptable, quel comportement n'est pas acceptable et comment procéder à un signalement. Enfin, il doit y avoir en place un mécanisme pour veiller à ce que toutes représailles à l'endroit d'un employé qui a fait une dénonciation de bonne foi soient contrées par des sanctions fermes et rapides, pour s'assurer que les employés se sentent raisonnablement confortables avec l'idée de dénoncer et de faire ce qui est dans l'intérêt de la population canadienne.
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Merci, monsieur Hollander.
Il ne nous reste malheureusement plus de temps.
Je souhaite, au nom du comité, remercier M. Morse, Mme Trombetti et M. Hollander.
À ceux d'entre vous qui célèbrent Noël, je vous dis Merry Christmas. À ceux d'entre vous qui ne le font pas, je vous dis Happy Holidays.
Cette séance aura été très utile aux fins des délibérations du comité. Encore une fois, merci de votre temps.
Je vais suspendre quelques minutes la séance, après quoi nous poursuivrons à huis clos.
[ La séance se poursuit à huis clos.]