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LM Sauvé Corporation de maçonnerie canadienne est une entreprise familiale qui a été fondée il y a 54 ans et qui pratique l'art de la maçonnerie dans tout le Canada. Elle a été fondée par mon grand-père, Albert, qui l'a ensuite laissée à mon père, Maurice. L'entreprise a réalisé beaucoup de projets de construction au Canada, notamment celui de la restauration de l'immeuble du SCRS à Montréal en 2004. Nous avions reçu la cote de sécurité et toutes les approbations nécessaires à Travaux publics pour obtenir ce contrat de 5,2 millions de dollars.
Vous avez ici une illustration du projet de restauration de la tour Saint-James à Montréal, qui a duré de 2001 à 2006. C'est l'une des églises les plus prestigieuses et les plus intéressantes d'un point de vue historique au Canada, et c'est notre entreprise qui l'a restaurée grâce à d'importants partenariats public-privé avec le gouvernement du Québec et la ville de Montréal.
Cette diapositive vous montre la Compagnie de la Baie d'Hudson, le plus important grand magasin du Canada, et le deuxième au monde. Nous avons obtenu un contrat de 29 millions de dollars pour restaurer tous les édifices de prestige et les bâtiments historiques de cette enseigne au Canada.
Encore aujourd'hui — malgré les difficultés que nous avons rencontrées avec la perte de cet important contrat ici, sur la Colline, et celui de l'hôtel de ville de Montréal —, nous avons des projets dans l'ensemble du pays et des bureaux de Montréal à Victoria. Malgré les difficultés que nous avons rencontrées — et je tiens à faire taire les rumeurs selon lesquelles nous aurions déclaré faillite et aurions disparu de la circulation, ce qui est absolument faux —, nous poursuivons nos activités normales. J'aimerais vous rappeler ce que nous avons fait l'été dernier. Je vais vous montrer certains de nos projets à Toronto, à Winnipeg, à Montréal, à Vancouver et à Victoria.
Permettez-moi de vous expliquer ce qui s'est passé au sujet du projet de l'église Saint-James et de la grave injustice dont est victime mon entreprise puisqu'elle doit assumer à elle seule les dépassements de budget de 4,7 millions de dollars. Normalement, ces dépassements de budget auraient dû être partagés entre toutes les parties en cause, y compris le gouvernement du Québec et la ville de Montréal.
Cette diapositive vous montre l'inauguration du projet en 2004. Vous y voyez Jacques Chagnon, ministre de la Sécurité publique, et toute une brochette de ministres du gouvernement du Québec, ainsi que le maire de Montréal, Line Beauchamp, Jean-Marc Fournier et quelques autres personnalités.
J'aimerais vous expliquer pourquoi nous avons jugé bon de faire appel à un lobbyiste pour ce projet de restauration de la tour. En 1994, le révérend Arlen Bonnar est devenu partenaire dans le projet de restauration de l'église Saint-James, mais il n'a pas assumé sa part des dépassements de budget de 4,7 millions de dollars. Or, j'ai appris qu'il avait récemment reçu près de 1 million de dollars du gouvernement du Québec, mais il n'a rien remboursé à mon entreprise.
Comme vous pouvez l'imaginer, avec un dépassement de budget de 4,7 millions de dollars pour le projet de l'église Saint-James, nous avons été obligés de solliciter l'aide de nos partenaires financiers.
J'aimerais faire taire certaines rumeurs qui circulent à mon sujet et au sujet de ma famille à propos du rôle de la FTQ, et plus précisément de ses « partenaires », les Hells Angels.
Après cette perte sèche de 4,7 millions de dollars, nous avons dû demander de l'aide à l'un des fonds de pension les plus réputés du Canada, et c'est à ce moment-là que nous sommes tombés sous la coupe de ce fameux gentleman qui a récemment été arrêté.
Je vais maintenant vous parler du projet de l'hôtel de ville de Montréal. D'après ce qu'on m'a dit, le maire de Montréal pensait que la restauration de l'hôtel de ville nous aiderait à nous remettre à flot. Nous avons donc présenté une soumission concurrentielle, et même si nous avons dû exploiter pas mal d'échappatoires pour obtenir le contrat, c'est nous qui nous sommes qualifiés suite à un appel d'offres national.
Après avoir remporté ce contrat, nous avons appris que l'une des entreprises en lice — pour la construction du toit — avait été disqualifiée dans le processus d'appel d'offres mais avait dû être réintégrée dans l'équipe. Cette entreprise, Three Stars Roofing, était, oh surprise, partenaire ou de mèche avec le clan Rizutto, dont vous avez vu des images dans la presse la semaine dernière. Il y a donc un lien direct entre le crime organisé, les gros entrepreneurs syndiqués, et les politiciens.
J'affirme publiquement aujourd'hui que, au dire de certains membres de ce clan, trois conseillers actuels de la ville de Montréal, ainsi que le maire lui-même, sont directement liés à toute cette controverse.
J'aimerais maintenant revenir en 1994 et vous parler du projet de la Tour de la paix pour vous expliquer pourquoi nous avons dû embaucher un lobbyiste, ce qui constitue, à mon avis, l'une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui.
En 1994, j'étais beaucoup plus jeune, et je suis venu sur la Colline parlementaire avec mon père pour présenter une soumission dans le cadre de l'un des premiers projets qui devaient se réaliser, la restauration de notre magnifique Tour de la paix. En déposant notre soumission en avril 1994, à 10 h 30 précises à la Place du Portage à Hull, le préposé nous a dit que la date butoir avait été reportée d'une dizaine de jours à cause du tournoi de golf de Fuller Construction. Une dizaine de jours plus tard, à l'ouverture des soumissions, c'est Fuller Construction qui a remporté le contrat. Fuller travaillait avec Carleton Steel. Bobby Watt a suscité toute une controverse, et Richard Moore, qui travaille pour la société MHPM, laquelle est partenaire de Travaux publics dans le programme de restauration de tous les édifices parlementaires, était alors président de Fuller Construction.
Imaginez-vous un petit gars du Québec qui débarque sur la Colline parlementaire... C'est donc la raison pour laquelle, 15 ans plus tard, nous avons décidé d'embaucher un lobbyiste. On nous a suggéré plusieurs noms au Parti conservateur: Le Mas des Oliviers, le siège du Parti conservateur au Québec; François Pilote, le meilleur ami de notre premier ministre du Québec, Jean Charest; le sénateur Claude Nolin; Gilles Varin; et Hubert Pichet. Nous avons obtenu le contrat, manifestement parce que nous avions payé ce qu'il fallait et aussi parce que nous étions qualifiés.
Voici ce que nous avons découvert ensuite. L'organigramme rassemble de nombreux intervenants: Travaux publics; MHPM; Richard Moore, alors président de Fuller Contracting et maintenant représentant de MHPM dans les locaux de Travaux publics, qui divulgue notre offre à un concurrent et se vante de vouloir nous piquer le marché; les architectes Arcop, pas de collaboration; Revay, mêmes ingénieurs. Nous n'avions aucune chance de nous en sortir, nonobstant toutes les autres difficultés dont je vous ai parlé il y a un instant.
Je vais vous donner certaines des raisons pour lesquelles Travaux publics a jugé que nous n'étions pas à la hauteur. Il nous a fallu attendre huit semaines après notre arrivée sur la Colline — c'est-à-dire deux mois — pour que l'électricité soit enfin amenée dans nos latrines et dans nos baraques de construction; pendant sept mois, nous avons eu des querelles concernant l'échéancier; nous avons pris un retard d'un mois parce qu'on nous avait donné des plans erronés qui nous ont amenés à construire un tunnel parce qu'on nous avait dit qu'il n'y en avait pas, alors qu'il y en avait un; il y a eu aussi deux mois de retard à cause de dossiers égarés et aucune solution pour y remédier; il y a eu aussi bien sûr la lenteur de la procédure de paiement des factures, ce qui nuisait considérablement à notre trésorerie et qui nous a amenés aux graves problèmes financiers que nous avons connus récemment; enfin, il y a eu toutes sortes de fermetures de routes, ce qui ne nous a pas aidés.
C'est alors que le médiateur est intervenu. Embauché par Travaux publics, c'était le meilleur ami de Norm Glouberman, le président du cabinet d'architectes Arcop. M. Howie Clavier s'est rendu à l'hôtel de ville et a clairement laissé entendre que la Couronne demanderait à notre société de cautionnement, La Capitale, de terminer les travaux. Étant donné qu'il y avait des cautionnements réciproques entre les deux projets, il était évident que celui de l'hôtel de ville en subirait aussi le contrecoup. Donc, en nous retirant le projet sur la Colline, on nous retirait aussi, par ricochet, celui de Montréal, à cause des cautionnements réciproques. Bref, on nous retirait de ce fait les deux plus gros projets que nous avions à l'époque, à part celui de la Compagnie de la Baie d'Hudson.
Mesdames et messieurs, le plus tragique ici ce n'est pas d'avoir embauché un lobbyiste. Le plus tragique, c'est que tout ce projet, qui a été indûment compliqué par quelques employés de Travaux publics, ou simples consultants, en est arrivé à coûter environ 6 milliards de dollars, alors qu'il n'aurait dû en coûter qu'à peine 1 milliard.
Nous avons la capacité de le démontrer, mais on nous a empêchés de le faire. On ne nous en a jamais donné la chance.
Toute cette affaire a été une leçon d'humilité pour moi. Je suis prêt, maintenant, à répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Sauvé, je vous remercie d'avoir témoigné avec franchise. C'est très important pour nous que vous soyez venu librement nous parler de tout cela.
Je suis désolé, monsieur Dorval, que notre comité n'ait pas pu accéder à votre demande, étant donné que vous venez de perdre un être cher. Je vous présente toutes mes condoléances.
Monsieur Sauvé, la situation que vous venez de nous décrire est la pire que nous aurions pu imaginer. Vous avez parlé de trafic d'influence, de corruption, de pots-de-vin et d'infiltration par la pègre non seulement de l'industrie en général, mais jusque sous notre nez, ici, dans l'édifice de l'Ouest. Ce qui est encore plus inquiétant, si j'ose dire, ce sont les dépassements de budget. Notre comité cherche avant tout à s'assurer que les deniers publics qui ont été consacrés à la restauration de notre patrimoine historique, c'est-à-dire les édifices du Parlement, ont été dépensés à bon escient.
J'espère que nous aurons le temps de revenir sur les dernières diapositives de votre présentation où vous dites, en qualité de professionnel, que les travaux de construction sur la Colline parlementaire coûtent plus de 10 fois ce qu'ils devraient coûter. C'est justement ce que j'avais moi-même constaté lorsque je suis arrivé à Ottawa comme menuisier, car j'avais jusque-là passé toute ma vie dans l'industrie de la construction. À Ottawa, tout semble coûter 10 fois plus cher à construire qu'à Winnipeg. Par exemple, nous construisons des hôpitaux entiers à Winnipeg pour 200 millions de dollars, avec des salles d'opération, des câblages (347 volts), enfin tous ces petits détails techniques compliqués, mais ici à Ottawa, ça nous aurait coûté 320 millions de dollars rien que pour construire un petit édifice pour le comité. On a dû annuler le projet à cause de l'explosion des coûts, mais je commence à comprendre pourquoi.
Ce qui m'inquiète le plus, moi et les autres membres du comité, c'est qu'en ce moment même, Travaux publics est sans doute en train de distribuer d'autres contrats pour ce projet de 6 milliards de dollars.
Monsieur le président, notre comité a adopté une motion réclamant un moratoire sur tous les projets de rénovation des édifices du Parlement. Je vous demande de transmettre au Parlement la motion que nous avons adoptée et qui recommande un moratoire complet sur tous les travaux de rénovation, tant que nous n'avons pas l'assurance que ces contrats ne font pas l'objet de corruption, de pots-de-vin, de lobbying illégal et de trafic d'influence.
Je dis cela parce que notre comité a entendu le témoignage de ce fameux Varin, qu'en fait nous n'aurions pas dû laisser partir. Nous aurions dû le faire mettre aux arrêts ici même, parce qu'il nous a ouvertement menti au sujet de ce qu'il a fait pour vous, monsieur Sauvé, car en réalité, c'est quelqu'un à Travaux publics qui se fait payer pour bidouiller les appels d'offres afin que le cahier des charges corresponde à la soumission qu'on veut gagnante.
J'ai noté ce que vous avez dit, à savoir que « nous avons eu le contrat... parce que nous avions payé ce qu'il fallait ». Êtes-vous vraiment convaincu que c'est parce que vous avez donné cet argent à Varin que vous avez eu le contrat?
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Merci, monsieur le président.
Vous savez, il y a beaucoup d'incohérences dans tout ce que vous dites. Tout à l'heure, au début de votre témoignage, vous avez dit que vous ne le connaissiez pas. Apparemment, vous n'aviez pas d'ordinateur pour chercher sur Google qui était M. Varin, mais par la suite vous nous avez dit qu'il avait une certaine réputation.
Vous essayez de nous faire croire que vous n'êtes qu'un pauvre petit entrepreneur, pas trop regardant sur l'éthique, qui n'a pas hésité une seule seconde à graisser des pattes par-ci par-là, jusqu'à ce que vous vous fassiez prendre. Maintenant que vous vous êtes fait prendre, vous vous présentez devant notre comité pour déballer toute votre affaire en prétendant que « tout le monde m'a fait du tort, mais c'est seulement parce que je me suis fait prendre en train de faire une chose stupide ».
La seule preuve que vous nous ayez donnée aujourd'hui démontre que vous vous êtes fait rouler par quelqu'un qui a empoché vos 120 000 $, et qui, selon vos propres termes, est un lobbyiste sans en être un.
À qui, au ministère des Travaux publics, M. Varin a-t-il donné de l'argent?