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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 038 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 23 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues et témoins.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Paul Sauvé et M. Michel Dorval, qui ont dix minutes pour faire une déclaration.
    Je donne d'abord la parole M. Sauvé.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Paul Sauvé.
    J'aimerais d'emblée demander à votre comité d'arrêter le chronomètre pour mon temps de parole, car nous venons d'apprendre, il y a une vingtaine de minutes, le décès du père de Michel Dorval, Jean Dorval. Michel, qui m'accompagne aujourd'hui, avait demandé, par mon intermédiaire, que votre comité reprenne ses travaux vendredi, mais cela a été refusé. Je me permets donc de vous demander de respecter une minute de silence, pour marquer le décès, il y a une vingtaine de minutes, de son père qui était âgé de 85 ans.
    Chers collègues, je vous demande de respecter une minute de silence.
    [Observation d'une minute de silence.]
    Le président: Merci.
    Monsieur Sauvé, avant de vous laisser la parole, je dois la donner à M. Coderre, qui veut invoquer le Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais que le témoin soit assermenté ce matin.

[Traduction]

    C'est au comité d'en décider.
    Les membres du comité veulent-ils que le témoin soit assermenté? Oui.
    Merci.

[Français]

    Je, Paul Sauvé, jure de dire dans mon témoignage la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Ainsi Dieu me soit en aide.

[Traduction]

    Merci, monsieur Sauvé.
    Merci, monsieur Dorval.
    Nous vous écoutons.
    Me permettez-vous de présenter mes diapositives en format Power Point, que vous voyez déjà à l'écran?
    Il n'y a pas de problème.
    LM Sauvé Corporation de maçonnerie canadienne est une entreprise familiale qui a été fondée il y a 54 ans et qui pratique l'art de la maçonnerie dans tout le Canada. Elle a été fondée par mon grand-père, Albert, qui l'a ensuite laissée à mon père, Maurice. L'entreprise a réalisé beaucoup de projets de construction au Canada, notamment celui de la restauration de l'immeuble du SCRS à Montréal en 2004. Nous avions reçu la cote de sécurité et toutes les approbations nécessaires à Travaux publics pour obtenir ce contrat de 5,2 millions de dollars.
    Vous avez ici une illustration du projet de restauration de la tour Saint-James à Montréal, qui a duré de 2001 à 2006. C'est l'une des églises les plus prestigieuses et les plus intéressantes d'un point de vue historique au Canada, et c'est notre entreprise qui l'a restaurée grâce à d'importants partenariats public-privé avec le gouvernement du Québec et la ville de Montréal.
    Cette diapositive vous montre la Compagnie de la Baie d'Hudson, le plus important grand magasin du Canada, et le deuxième au monde. Nous avons obtenu un contrat de 29 millions de dollars pour restaurer tous les édifices de prestige et les bâtiments historiques de cette enseigne au Canada.
    Encore aujourd'hui — malgré les difficultés que nous avons rencontrées avec la perte de cet important contrat ici, sur la Colline, et celui de l'hôtel de ville de Montréal —, nous avons des projets dans l'ensemble du pays et des bureaux de Montréal à Victoria. Malgré les difficultés que nous avons rencontrées — et je tiens à faire taire les rumeurs selon lesquelles nous aurions déclaré faillite et aurions disparu de la circulation, ce qui est absolument faux —, nous poursuivons nos activités normales. J'aimerais vous rappeler ce que nous avons fait l'été dernier. Je vais vous montrer certains de nos projets à Toronto, à Winnipeg, à Montréal, à Vancouver et à Victoria.
    Permettez-moi de vous expliquer ce qui s'est passé au sujet du projet de l'église Saint-James et de la grave injustice dont est victime mon entreprise puisqu'elle doit assumer à elle seule les dépassements de budget de 4,7 millions de dollars. Normalement, ces dépassements de budget auraient dû être partagés entre toutes les parties en cause, y compris le gouvernement du Québec et la ville de Montréal.
    Cette diapositive vous montre l'inauguration du projet en 2004. Vous y voyez Jacques Chagnon, ministre de la Sécurité publique, et toute une brochette de ministres du gouvernement du Québec, ainsi que le maire de Montréal, Line Beauchamp, Jean-Marc Fournier et quelques autres personnalités.
    J'aimerais vous expliquer pourquoi nous avons jugé bon de faire appel à un lobbyiste pour ce projet de restauration de la tour. En 1994, le révérend Arlen Bonnar est devenu partenaire dans le projet de restauration de l'église Saint-James, mais il n'a pas assumé sa part des dépassements de budget de 4,7 millions de dollars. Or, j'ai appris qu'il avait récemment reçu près de 1 million de dollars du gouvernement du Québec, mais il n'a rien remboursé à mon entreprise.
    Comme vous pouvez l'imaginer, avec un dépassement de budget de 4,7 millions de dollars pour le projet de l'église Saint-James, nous avons été obligés de solliciter l'aide de nos partenaires financiers.
    J'aimerais faire taire certaines rumeurs qui circulent à mon sujet et au sujet de ma famille à propos du rôle de la FTQ, et plus précisément de ses « partenaires », les Hells Angels.
     Après cette perte sèche de 4,7 millions de dollars, nous avons dû demander de l'aide à l'un des fonds de pension les plus réputés du Canada, et c'est à ce moment-là que nous sommes tombés sous la coupe de ce fameux gentleman qui a récemment été arrêté.
    Je vais maintenant vous parler du projet de l'hôtel de ville de Montréal. D'après ce qu'on m'a dit, le maire de Montréal pensait que la restauration de l'hôtel de ville nous aiderait à nous remettre à flot. Nous avons donc présenté une soumission concurrentielle, et même si nous avons dû exploiter pas mal d'échappatoires pour obtenir le contrat, c'est nous qui nous sommes qualifiés suite à un appel d'offres national.
(0850)
    Après avoir remporté ce contrat, nous avons appris que l'une des entreprises en lice — pour la construction du toit — avait été disqualifiée dans le processus d'appel d'offres mais avait dû être réintégrée dans l'équipe. Cette entreprise, Three Stars Roofing, était, oh surprise, partenaire ou de mèche avec le clan Rizutto, dont vous avez vu des images dans la presse la semaine dernière. Il y a donc un lien direct entre le crime organisé, les gros entrepreneurs syndiqués, et les politiciens.
    J'affirme publiquement aujourd'hui que, au dire de certains membres de ce clan, trois conseillers actuels de la ville de Montréal, ainsi que le maire lui-même, sont directement liés à toute cette controverse.
    J'aimerais maintenant revenir en 1994 et vous parler du projet de la Tour de la paix pour vous expliquer pourquoi nous avons dû embaucher un lobbyiste, ce qui constitue, à mon avis, l'une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui.
    En 1994, j'étais beaucoup plus jeune, et je suis venu sur la Colline parlementaire avec mon père pour présenter une soumission dans le cadre de l'un des premiers projets qui devaient se réaliser, la restauration de notre magnifique Tour de la paix. En déposant notre soumission en avril 1994, à 10 h 30 précises à la Place du Portage à Hull, le préposé nous a dit que la date butoir avait été reportée d'une dizaine de jours à cause du tournoi de golf de Fuller Construction. Une dizaine de jours plus tard, à l'ouverture des soumissions, c'est Fuller Construction qui a remporté le contrat. Fuller travaillait avec Carleton Steel. Bobby Watt a suscité toute une controverse, et Richard Moore, qui travaille pour la société MHPM, laquelle est partenaire de Travaux publics dans le programme de restauration de tous les édifices parlementaires, était alors président de Fuller Construction.
    Imaginez-vous un petit gars du Québec qui débarque sur la Colline parlementaire... C'est donc la raison pour laquelle, 15 ans plus tard, nous avons décidé d'embaucher un lobbyiste. On nous a suggéré plusieurs noms au Parti conservateur: Le Mas des Oliviers, le siège du Parti conservateur au Québec; François Pilote, le meilleur ami de notre premier ministre du Québec, Jean Charest; le sénateur Claude Nolin; Gilles Varin; et Hubert Pichet. Nous avons obtenu le contrat, manifestement parce que nous avions payé ce qu'il fallait et aussi parce que nous étions qualifiés.
    Voici ce que nous avons découvert ensuite. L'organigramme rassemble de nombreux intervenants: Travaux publics; MHPM; Richard Moore, alors président de Fuller Contracting et maintenant représentant de MHPM dans les locaux de Travaux publics, qui divulgue notre offre à un concurrent et se vante de vouloir nous piquer le marché; les architectes Arcop, pas de collaboration; Revay, mêmes ingénieurs. Nous n'avions aucune chance de nous en sortir, nonobstant toutes les autres difficultés dont je vous ai parlé il y a un instant.
    Je vais vous donner certaines des raisons pour lesquelles Travaux publics a jugé que nous n'étions pas à la hauteur. Il nous a fallu attendre huit semaines après notre arrivée sur la Colline — c'est-à-dire deux mois — pour que l'électricité soit enfin amenée dans nos latrines et dans nos baraques de construction; pendant sept mois, nous avons eu des querelles concernant l'échéancier; nous avons pris un retard d'un mois parce qu'on nous avait donné des plans erronés qui nous ont amenés à construire un tunnel parce qu'on nous avait dit qu'il n'y en avait pas, alors qu'il y en avait un; il y a eu aussi deux mois de retard à cause de dossiers égarés et aucune solution pour y remédier; il y a eu aussi bien sûr la lenteur de la procédure de paiement des factures, ce qui nuisait considérablement à notre trésorerie et qui nous a amenés aux graves problèmes financiers que nous avons connus récemment; enfin, il y a eu toutes sortes de fermetures de routes, ce qui ne nous a pas aidés.
    C'est alors que le médiateur est intervenu. Embauché par Travaux publics, c'était le meilleur ami de Norm Glouberman, le président du cabinet d'architectes Arcop. M. Howie Clavier s'est rendu à l'hôtel de ville et a clairement laissé entendre que la Couronne demanderait à notre société de cautionnement, La Capitale, de terminer les travaux. Étant donné qu'il y avait des cautionnements réciproques entre les deux projets, il était évident que celui de l'hôtel de ville en subirait aussi le contrecoup. Donc, en nous retirant le projet sur la Colline, on nous retirait aussi, par ricochet, celui de Montréal, à cause des cautionnements réciproques. Bref, on nous retirait de ce fait les deux plus gros projets que nous avions à l'époque, à part celui de la Compagnie de la Baie d'Hudson.
(0855)
    Mesdames et messieurs, le plus tragique ici ce n'est pas d'avoir embauché un lobbyiste. Le plus tragique, c'est que tout ce projet, qui a été indûment compliqué par quelques employés de Travaux publics, ou simples consultants, en est arrivé à coûter environ 6 milliards de dollars, alors qu'il n'aurait dû en coûter qu'à peine 1 milliard.
    Nous avons la capacité de le démontrer, mais on nous a empêchés de le faire. On ne nous en a jamais donné la chance.
    Toute cette affaire a été une leçon d'humilité pour moi. Je suis prêt, maintenant, à répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci, monsieur Sauvé.
    Chers collègues, avant de donner la parole à M. Coderre, j'aimerais vous demander l'autorisation de distribuer le texte de la déclaration qui vient d'être faite, car il est uniquement en anglais.
    Ai-je votre permission?
    Des voix: Non.
    Le président: Donc, c'est non.
    Je ne sais pas si c'est un rappel au Règlement, mais pour la gouverne des membres du comité, j'aimerais qu'on demande à M. Sauvé, étant donné le nombre d'accusations qu'il a lancées au cours de sa déclaration, s'il a des documents à l'appui de ces accusations.
    Avant de laisser M. Sauvé vous répondre, je vous signale que ce point en particulier, ces points sont disponibles dans les deux langues et que, par conséquent, on peut les distribuer. La question est donc réglée.
    Ce sont les documents à l'appui?
    Oui, on peut les distribuer.
    Pendant que le greffier s'en occupe, je vais donner la parole à M. Coderre pour huit minutes.
(0900)

[Français]

    Bonjour, monsieur Sauvé.
    Je rappelle aux membres du comité que c'est exactement pour cette raison que je voulais que le témoin prête serment sur la Bible. Alors, il y va de son propre honneur.
    J'aimerais aborder trois sujets. De toute façon, on est ici pour deux heures, alors on va avoir du temps en masse. Évidemment, il y a la question de l'argent, celle du contrat et celle du cocktail.
    Juste avant de commencer, j'aimerais savoir une chose: avez-vous reçu des menaces visant à vous dissuader de vous présenter ici?
    M. Paul Sauvé: Non.
    L'hon. Denis Coderre: Personne ne vous a menacé?
    Non.
    À l'époque de l'affaire de l'hôtel de ville, vous aviez reçu des menaces. Vous aviez des gardes du corps. Vous n'avez reçu aucune menace depuis?
    Depuis que j'ai rendu la chose publique, et je crois que c'était la meilleure chose qui devait être faite...
    Répondez simplement par oui ou par non.
    La réponse, c'est que je n'ai pas reçu de menaces.
    Parfait.
    J'aimerais revenir sur la question des 140 000 $, car vous avez mentionné des noms plus tôt. Vous avez parlé de M. Pilote, de M. Pichet, ancien candidat conservateur dans La Pointe-de-l'Île et maintenant adjoint du sénateur Nolin. Vous avez parlé du sénateur Nolin et de M. Varin. Je remarque que vous avez fait votre premier paiement à Gilles Varin le lendemain même du lancement de l'appel d'offres. En ce qui vous concerne, y a-t-il un lien de cause à effet entre les 140 000 $ et l'obtention du contrat?
    Oui.
    De ces 140 000 $, est-ce que vous avez réparti des montants? Par exemple, avez-vous dit que 25 p. 100 de cet argent irait à Gilles Varin et qu'un autre pourcentage pourrait aller aux personnes que vous avez mentionnées dans votre présentation PowerPoint? Comment les 140 000 $ étaient-ils vraiment divisés? Est-ce que des quotes-parts étaient déterminées?
    J'ai entendu M. Varin dire à plusieurs reprises qu'il se promenait dans les corridors à la fois de l'hôtel de ville et du Parlement avec des bottines de feutre, alors je présume qu'il distribuait cet argent. Par contre, M. Varin était payé selon un système de provision, soit un retainer. Donc, je ne peux pas dire, sans avoir été capable de pister cet argent, où exactement il est allé.
    Selon vous, M. Varin vous a dit qu'il y aurait division de ces 140 000 $ entre des personnes à Ottawa?
    C'est ce qu'il réclamait, oui.
    Est-ce qu'il a dit à qui il donnait de l'argent? Est-ce qu'il en a donné, par exemple, au sénateur Nolin, à M. Pichet, à M. Pilote? Comment cela fonctionnait-il?
    Ce qu'il a dit, c'est qu'il avait des liens très étroits avec Hubert Pichet et avec le sénateur Nolin.
    Vous ne l'avez pas vu vous-même, vous n'avez pas de preuve qu'il a donné cet argent?
    Ce qu'il a dit, c'est que des gens travaillaient pour lui à Ottawa, à l'intérieur même de la Chambre.
    Quand on a reçu M. Varin, il a dit que, finalement, il était seulement votre conseiller stratégique, que tout ce qu'il avait fait, c'était de donner un dépliant pour la job. Donc, ce n'est pas vrai?
    Ce n'est pas vrai du tout.
    Comment s'est passée votre petite rencontre au Mas des Oliviers, que vous appelez respectueusement le quartier général des conservateurs au Québec?
    C'était assez particulier. À l'arrière du restaurant, Hubert Pichet est apparu, avec un laissez-passer parlementaire, et M. Varin m'a demandé de changer de table. Je n'étais pas très à l'aise. Lorsque je m'y suis assis, M. Pichet s'est tout de suite mis à parler de la problématique des entreprises de construction au Québec, de leur difficulté à obtenir des contrats sur la Colline du Parlement. Il disait que les choses allaient changer, et que c'était grâce à ses efforts et à ceux de certains autres que ça allait se faire.
    Que voulez-vous dire par « problématique »?
    C'est-à-dire que c'était un cercle fermé, qu'il était très difficile d'obtenir des contrats comme entrepreneur du Québec, que c'était pratiquement impossible d'obtenir des contrats sur la Colline du Parlement.
    Quand on vous a demandé de changer de place, on vous a amené dans un coin plus discret, j'imagine?
    C'est ça.
    Il n'est pas seulement venu vous saluer, et ça n'a pas duré seulement cinq ou dix minutes.
    Il n'y avait pas de hasard dans cette rencontre.
    Ainsi, une rencontre entre Gilles Varin, Hubert Pichet et vous avait été planifiée.
    Oui, tout à fait. M. Varin avait expressément dit qu'il allait être là.
    Vous a-t-on parlé de Bernard Côté?
    Oui, on m'a parlé de Bernard Côté.
    Avez-vous rencontré Bernard Côté?
    Oui, j'ai rencontré Bernard Côté.
    Bernard Côté était à l'emploi du ministre Michael Fortier, à l'époque?
(0905)
    C'est ça.
    Vous a-t-il dit qu'il allait vous aider?
    Ça s'est passé lors d'une autre rencontre au même restaurant, où il a indiqué clairement qu'il y avait un problème, soit celui de la barrière législative posée par la loi qui régit les syndicats et qui empêche les échanges entre le Québec et l'Ontario. Il a aussi indiqué que des mesures seraient mises en place pour faire en sorte que les entreprises du Québec soient plus souvent invitées à faire des travaux sur la Colline du Parlement.
    Autrement dit, il vous a dit que si vous l'aidiez, vous auriez des contrats.
    Il a dit que les choses allaient changer sur la Colline du Parlement et qu'avec l'arrivée du régime conservateur, il serait possible d'obtenir des contrats, effectivement.
    Il vous a donc dit qu'avec les conservateurs, le Québec aurait sa juste part, et que vous auriez votre contrat.
    C'est ça.
    Vous a-t-on parlé d'argent à ce moment-là?
    Non.
    Ce n'était donc pas seulement de la philosophie. C'était vraiment...
    Ce n'était pas de la philosophie. M. Varin était clairement au centre de cette collecte de fonds.
    Quand vous avez payé ces 140 000 $, est-ce que c'était un pot-de-vin, pour vous?
    M. Varin exprimait à toute heure qu'il se promenait à la fois à l'hôtel de ville de Montréal et dans les corridors du Parlement avec des bottines de feutre. Je pense qu'il fallait être imbécile pour ne pas penser qu'il y avait peut-être de l'argent qui dérivait à gauche et à droite. Oui, j'ai pensé qu'il y avait probablement des sommes qui étaient versées.
    Dans le reportage de Marie-Maude Denis à Radio-Canada, vous avez dit que c'était une somme de 140 000 $, mais que vous aviez donné 70 000 $ en boni. Autrement dit, vous avez obtenu le contrat, donc il y a eu un petit montant supplémentaire.
    En fait, l'entente que M. Varin voulait conclure incluait 25 000 $ en prime pour avoir fait la courte liste, et 275 000 $ pour avoir obtenu le contrat, pendant tout le contrat.
    C'est un nouveau chiffre. C'est 140 000 $ pour l'ensemble de l'oeuvre, plus 275 000 $.
    C'était 300 000 $ en tout.
    S'il dit qu'il n'a reçu que 118 000 $, c'est parce que vous n'étiez pas satisfait de ses services?
    En fait, M. Varin, malgré ses grands édifices tentaculaires, ne livre pas. On a eu toute la misère du monde, à l'hôtel de ville de Montréal. Ses contacts ne sont pas à la hauteur. Il en va de même ici, sur la Colline du Parlement. C'est un organisme bidon, quant à moi.
    C'est donc avec M. Varin que vous croyiez obtenir le contrat à l'hôtel de ville de Montréal et ici.
    M. Varin était sous contrat, de façon générale, et il faisait des efforts sur les deux fronts, effectivement.
    Avez-vous rencontré des fonctionnaires?
    Pendant la période du contrat, ou avant la période du contrat?
    Avant.
    Pas à ma connaissance.
    Vos démarcheurs étaient donc des conservateurs.
    C'est ça.
    Ainsi, en aucun temps vous n'avez rencontré de fonctionnaires avant l'obtention du contrat.
    Des appels ont été faits au bureau de Robert Wright, afin de savoir quand l'appel d'offres devait être lancé, afin de se positionner en fonction de l'obtention des cahiers des charges, pour ne pas manquer la date.
    Qui a appelé Robert Wright?
    Je crois que c'était quelqu'un de notre bureau. C'était peut-être Éric Beaumier, je ne me souviens pas.
    D'accord.
    Parlons du moment où vous avez obtenu le contrat. On s'est rendu compte qu'il y a eu des changements, à trois reprises, avant l'obtention de ce contrat. Voyez-vous un lien de cause à effet entre les interventions de M. Varin et des autres, et le fait que vous avez pu obtenir le contrat?
    Je ne sais pas. Je pense qu'une des modifications avait trait au fait que nous exécutons nos propres travaux de maçonnerie depuis près de 60 ans. C'est dans le sang familial.
    Un des changements demandés était d'avoir la capacité de faire ce travail. On savait qu'il y avait une tendance monopolistique sur la Colline du Parlement. En effet, il y avait une entreprise qui était très reconnue. On a demandé cette modification parce que, après tout, nous sommes toujours une entreprise de maçonnerie. À mon avis, ce changement pouvait nous donner un coup de pouce en nous permettant d'avoir une meilleure approche budgétaire, afin de pouvoir offrir un meilleur prix aux contribuables. Pour ce qui est des deux autres changements, je ne saurais pas vous répondre.
(0910)
    Merci, monsieur Sauvé.
    Madame Bourgeois, vous avez la parole et vous disposez de huit minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sauvé, bonjour. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je tiens à vous dire que j'apprécie énormément le courage dont vous faites preuve en venant ici, sur la Colline du Parlement, pour nous parler de ce qui se passe entre nos murs. Merci beaucoup.
    Je voudrais d'abord savoir une chose. À la suite de l'obtention du contrat sur la Colline du Parlement, vous avez organisé un cocktail. Avez-vous l'habitude d'organiser ce genre d'événement pour remercier les gens qui vous aident à obtenir des contrats?
    J'en ai organisé quelques-uns. J'en ai organisé un, entre autres, pour une personne que j'estime être un ami, M. André Boisclair. Tout jeune, j'ai participé à plusieurs cocktails, parce que mon père était très actif au sein du Parti libéral du Canada et au sein du Parti libéral du Québec. J'ai donc vu très jeune les rouages, mais ce n'était pas une chose à laquelle j'étais habitué.
    À propos du cocktail où M. Paradis était présent, qui vous a dit que vous deviez organiser un cocktail pour remercier les gens?
    C'est un dénommé Gilles Prud'Homme, qui était organisateur dans le comté de Bourassa. Il a souligné fortement qu'il serait utile de donner un coup de pouce au Parti conservateur, puisque, au Québec, il était difficile pour ses membres d'effectuer une collecte de fonds.
    M. Prud'Homme vous a-t-il suggéré les noms des personnes à inviter?
    M. Prud'Homme avait un petit réseau. Il avait suggéré les noms de quelques personnes qui sont venues. Je dirais que la plupart des personnes, à l'exception de ceux et celles qui sont arrivés par surprise au cours de la soirée, sont venues à la suite d'appels que j'ai faits et que d'autres ont faits, afin de s'assurer de la présence des personnes.
    Vous dites que des gens sont arrivés par surprise. Ces gens étaient-ils invités par M. Prud'Homme ou par des gens du Parti conservateur?
    Je ne sais pas. Je sais que les frères Broccolini, qui ont une très grande entreprise de construction, étaient au rendez-vous et ont monopolisé le ministre pendant presque tout le temps qu'il était présent.
    Avez-vous pu discuter du contrat que l'on vous avait octroyé avec le ministre?
    J'ai discuté avec lui pendant peut-être 180 secondes, parce que c'est tout le temps qu'il m'a alloué. J'ai eu peu d'occasions de lui parler.
    D'accord.
    Ce fameux cocktail a eu lieu au restaurant Da Enrico. Connaissez-vous M. Da Enrico?
    Non, c'était un bien piètre établissement. C'était de très mauvais goût. Je n'ai pas choisi cet établissement.
    Qui l'a choisi?
    Je crois que c'était M. Prud'Homme ou son épouse.
    C'est quelqu'un qu'il connaissait bien. M. Prud'Homme était-il proche de ce propriétaire?
    Il disait que c'était un organisateur conservateur notoire et qu'il était un peu isolé. Il a dit que tant qu'à organiser un événement, il serait utile de le faire à cet endroit.
    Avez-vous obtenu d'autres contrats du gouvernement fédéral?
    Pas depuis. On s'est fait évincer pour être remplacés par une société de caution dont le siège social est à Québec et qui se nomme La Capitale. Par contre, avant tout ce mauvais épisode, nous avions eu plusieurs contrats de la Couronne, entre autres pour l'édifice du SCRS, la grande douane à Montréal, le Complexe Guy-Favreau, etc.
    Depuis toute cette affaire, est-ce que vous avez eu d'autres rencontres ou d'autres discussions avec des entrepreneurs qui auraient eu affaire à Gilles Varin, à M. Pichet, au sénateur Nolin ou peut-être aux conservateurs tout simplement?
    Non. Vous savez, lorsque des épisodes de ce genre surviennent, on est un peu victimes d'ostracisme de la part de l'ensemble de l'industrie et d'un ensemble politique aussi, pour y avoir un peu grandi. Je n'ai donc pas eu de pourparlers avec qui que ce soit.
    Je voudrais revenir sur la question du montant que M. Varin a obtenu de vous. On se rend compte que, après que vous ayez obtenu le contrat, à la fin de mai, il y a eu des versements, dont un de près de 28 200 $, et plusieurs autres de 11 287 $. Est-ce que ce sont des versements que vous avez faits à M. Varin?
(0915)
    Je n'ai pas la liste devant moi, mais si c'est issu des états financiers de nos entreprises, ce serait le cas, en effet.
    Ces montants, entre le 15 juin...
    Si vous me le permettez, madame Bourgeois, on a copie des chèques avec leur endossement et la feuille comptable faisant la liste de tous les chèques émis, avec la demande de paiement à l'arrière. On a la demande de paiement de M. Varin, le chèque qui a été émis par LM Sauvé et le chèque retourné après avoir été endossé. Il en manque uniquement deux: les deux premiers. On ne les trouve pas, parce que le dossier est allé chez le syndic de faillite.
    Si on peut les déposer, je ne sais pas si vous l'accepteriez...
    Oui, je l'apprécierais beaucoup, mais entre-temps, je voudrais savoir...
    C'est en français exclusivement, par contre.
    Ce que je veux savoir, c'est que...
    C'est toujours le même problème.
    À un certain moment, M. Varin nous disait qu'il n'avait touché que 118 000 $, je crois, de votre entreprise. Par contre, lorsqu'on fait...
    Excusez-moi, madame Bourgeois, mais M. Coderre invoque le Règlement.
    Ce n'est qu'une simple intervention qui ne réduira pas le temps alloué à ma collègue.
    Un chèque ne peut pas être bilingue. Les chèques peuvent-ils être déposés afin que l'on puisse connaître la source du revenu? J'aimerais bien voir cela, monsieur le président.

[Traduction]

    Donc, pour l'argent...

[Français]

    Ça dépend probablement du nom de la banque qui apparaît sur le chèque. Parfois, les noms sont bilingues. Mais pour ce qui est des montants d'argent, d'habitude c'est bilingue. De toute façon, ce sont des chiffres arabes.
    Alors, qu'on dépose ces documents.

[Traduction]

    Cela me convient. Cela vous convient-il tous?
    Parfait.

[Français]

    Est-ce que je peux continuer?
    Vous avez deux minutes.
    Je veux seulement vérifier quelque chose. M. Varin nous a dit qu'il avait touché environ 118 000 $ de vous. Vous avez obtenu le contrat à la fin de mai, je crois. Entre le 15 juin 2008 et le 15 janvier 2009, plus ou moins 70 000 $ ont été versés à M. Varin. Est-ce vous qui les avez versés?
    Si les sommes sont inscrites à notre chiffrier, la réponse est oui.
    D'accord. Cela veut donc dire que vous auriez versé autour de 140 000 $ à M. Varin?
    À peu près, oui, si ma mémoire est bonne.
    Bon, d'accord.
    Plus tôt, dans votre présentation, vous avez parlé d'architectes qui auraient exercé une espèce de lobbyisme auprès de vous. Gersovitz, est-ce que cela vous dit quelque chose?
    Je connais les architectes du cabinet Fournier Gersovitz Moss et associés architectes. Ils étaient partenaires à parts égales avec le Groupe ARCOP dans la réalisation des travaux pour les deux tours de l'édifice de l'Ouest.
    Ces gens-là avaient-ils demandé qu'il y ait des modifications au contrat initial? Est-ce eux qui ont demandé cela ou vous?
    Je ne crois pas qu'ils aient demandé des modifications. J'ai étudié à Strasbourg et travaillé à des châteaux forts ainsi qu'à la cathédrale de Reims, qui est unique au monde, alors je trouve bien triste la méthodologie empruntée ici, où on encabane des bâtiments dans une structure d'acier et on utilise des empattements contre le gel, des toiles isolantes, du chauffage et de l'humidification, comme si les pierres d'Ottawa étaient plus précieuses que toutes celles se trouvant sur cette terre. C'est le seul endroit de la planète où l'on restaure des monuments de cette façon — et je pense ici au Louvre ainsi qu'aux grandes cathédrales de France et de partout ailleurs en Europe, qui sont probablement des plus précieuses dans le monde.
     Nous avons parlé de la possibilité de nous y prendre autrement, étant donné que c'est ce qu'on fait partout ailleurs au monde. Cependant, compte tenu notamment de la tradition établie par Thomas Fuller Construction, Richard Moore et compagnie, le cabinet de Gersovitz et ARCOP s'y sont opposés avec véhémence. Ces gens n'ont jamais voulu tenter d'innover ou nous laisser prendre des initiatives en vue de bien travailler à un coût beaucoup plus modique.
(0920)
    Merci, monsieur Sauvé et madame Bourgeois.
    Bienvenue au comité, monsieur Petit. Vous disposez de huit minutes.
    Bonjour, monsieur Sauvé.
    Plus tôt, vous nous avez présenté à l'écran un document sur votre compagnie. Vous avez parlé de compagnies qui ne sont pas en faillite, mais j'aimerais savoir laquelle l'est.
    LM Sauvé est en affaires depuis 56 ans. L'entité qui détenait le contrat relatif au Parlement détenait aussi celui portant sur l'hôtel de ville. Malheureusement, à la suite du retrait de ce contrat et de celui relié à l'hôtel de ville, nous avons dû placer cette société, qui appartient au groupe LM Sauvé, sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Nous avons invoqué la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
    Monsieur Sauvé, à quelle date avez-vous commencé à faire affaire avec celui que vous nous avez présenté et qui porte des tatouages, soit M. Normand Ouimet?
    D'abord, monsieur Petit, je n'ai pas fait affaire avec Normand Ouimet. Je me suis adressé à la Banque Nationale du Canada pour préciser les difficultés associées au projet de l'église unie Saint-James. La Banque Nationale du Canada, de même que la Banque Royale du Canada, était impliquée dans le financement du projet de l'église unie Saint-James. Comme notre entreprise était bien établie depuis longtemps et qu'elle avait des assises solides à Montréal et au Québec en général, ces gens nous ont recommandé de faire appel à une institution qui est l'une des seules à accorder des prêts dans l'industrie de la construction. Il s'agit du Fonds de solidarité, qui est un chapitre de la FTQ. Lorsque nous avons fait...
    Un instant, n'allez pas trop vite. Vous dites que le Fonds de solidarité était la seule institution à accorder des prêts dans le domaine de la construction? C'est bien ce que vous dites?
    J'ai dit « l'une des seules ».
    On sait bien qu'au Québec, le Fonds de solidarité, c'est la FTQ. C'est bien de cela qu'on parle?
    Oui.
    Le public nous écoute, il faut qu'il comprenne tout. Je voudrais savoir à quel moment vous avez commencé à faire affaire avec le dénommé Ouimet ou à quel moment il vous a été imposé. Quelle est la date, l'année?
    Je répète, monsieur Petit, que je n'ai pas fait affaire avec Normand Ouimet. Nous avons fait une demande au Fonds de solidarité, la partie de la FTQ qui s'occupe de financement. C'était vers la fin de l'exercice du projet de l'église unie Saint-James, soit en 2004, je pense.
    Monsieur Sauvé, vous avez recours à des maçons dans le cadre de votre travail. Est-ce qu'un bureau de placement, qui est en réalité géré par la FTQ, vous envoie des maçons pour que vous puissiez travailler dans le cadre de certains projets, au Québec?
    Évidemment, le Québec est le seul endroit au pays où l'ensemble de la main-d'oeuvre est soumis à des dispositions légales. Il y a près de 50 ans, à l'époque de MM. Bourassa et Cournoyer, la Commission de la construction du Québec a été mise sur pied, ce qui a eu pour effet de rendre obligatoires la syndicalisation et la détention d'une carte de compétence. Il arrive évidemment qu'on fasse appel aux centrales syndicales et à leurs agences de placement pour obtenir de la main-d'oeuvre, mais je vous dirais qu'à cette époque, la FTQ occupait peu de place sur la scène de l'industrie de la maçonnerie. L'International, un très grand syndicat d'envergure mondiale, comportait plus de membres. Nous faisions rarement appel à la FTQ et plus souvent à l'International.
    Monsieur Sauvé, vous avez fait certaines déclarations à Radio-Canada. Au cours d'une entrevue que vous avez accordée le 16 juin 2009, vous avez mentionné que l'industrie de la construction — j'imagine que vous étiez encore en affaires à l'époque — était infiltrée par les Hells Angels. D'où détenez-vous ce renseignement? En avez-vous vu dans la FTQ? Qu'est-ce que vous dites? C'est vous qui parliez à ce moment-là.
    Monsieur Petit, je répète que nous sommes encore en affaires. J'ai parlé un peu plus tôt de plusieurs projets que nous avons réalisés l'été dernier et d'autres qui sont encore à faire.
     Je n'ai pas la transcription de l'entrevue de Radio-Canada devant moi, mais j'ai vu les dirigeants de la FTQ-Construction — je pense notamment à Jocelyn Dupuis — s'acoquiner de très près avec la société Grues Guay et avec le dénommé Ouimet. C'est du pareil au même, selon moi. C'est une famille.
(0925)
    Est-ce bien ce que vous voulez dire quand vous dites que c'est infiltré non seulement par les Hells Angels, mais aussi par le crime organisé? Est-ce ce dont vous voulez parler, lorsque vous accordez une entrevue à Radio-Canada et que vous dites que la FTQ est infiltrée par le crime organisé et par des Hells Angels? Avez-vous eu connaissance de cela, ou est-ce seulement ce que vous avez entendu à Radio-Canada qui vous fait dire ça aujourd'hui?
    Avez-vous des enfants, monsieur Petit?
    Oui, j'en ai quatre. Ce n'est pas mal, n'est-ce pas?
    Lorsque l'un de vos quatre enfants et vos parents auront été menacés par téléphone, que vos grues auront été incendiées, lorsque vous-même aurez fait l'objet de menaces de mort, que vos voitures auront été vandalisées alors que vous vous y trouviez, je pense que vous serez plus qualifié pour établir que le Québec a un grave problème, que l'industrie qui était jadis un peu mieux régie qu'aujourd'hui l'est probablement trop maintenant. En effet, cela crée des barrières tarifaires et fait en sorte que le crime organisé, qui a des tentacules dans les grands syndicats, dont la FTQ, prolifère dans l'ensemble de l'industrie.
    Monsieur Sauvé, je suis un peu étonné. Vous attaquez la plus grande centrale du Québec, la FTQ, et vous dites qu'elle est infiltrée par les Hells Angels et le crime organisé. C'est ce que vous dites aujourd'hui devant nous. Vous êtes sous serment.
    Je sais que je suis sous serment, et je fais référence aux reportages qui ont eu lieu la semaine dernière ou la semaine d'avant.
    Je parle de vous; laissez faire les reportages. Êtes-vous sûr que la FTQ a bel et bien été infiltrée par les Hells Angels et le crime organisé?
    Je suis convaincu que la FTQ collabore avec les Hells Angels et le crime organisé: la réponse est oui.
    Au cours de la période où vous présentiez des soumissions pour différents contrats, notamment ceux dont vous nous avez parlé, saviez-vous alors ou avez-vous su par la suite si certains de vos employés ou des gens de votre entreprise étaient reliés aux Hells Angels? Y en a-t-il déjà eu dans votre compagnie?
    À ma connaissance, nous n'avons jamais eu d'employés rattachés à des groupes criminels. Lorsque j'ai découvert que des groupes criminels s'attaquaient à nous, j'ai fait une demande d'aide à quelqu'un de ma famille qui est membre de la Gendarmerie royale du Canada. Il m'a donné des conseils afin de me départir de ces gens.
    Merci, monsieur Petit. Votre temps est écoulé.

[Traduction]

    Monsieur Martin, vous avez huit minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sauvé, je vous remercie d'avoir témoigné avec franchise. C'est très important pour nous que vous soyez venu librement nous parler de tout cela.
    Je suis désolé, monsieur Dorval, que notre comité n'ait pas pu accéder à votre demande, étant donné que vous venez de perdre un être cher. Je vous présente toutes mes condoléances.
    Monsieur Sauvé, la situation que vous venez de nous décrire est la pire que nous aurions pu imaginer. Vous avez parlé de trafic d'influence, de corruption, de pots-de-vin et d'infiltration par la pègre non seulement de l'industrie en général, mais jusque sous notre nez, ici, dans l'édifice de l'Ouest. Ce qui est encore plus inquiétant, si j'ose dire, ce sont les dépassements de budget. Notre comité cherche avant tout à s'assurer que les deniers publics qui ont été consacrés à la restauration de notre patrimoine historique, c'est-à-dire les édifices du Parlement, ont été dépensés à bon escient.
    J'espère que nous aurons le temps de revenir sur les dernières diapositives de votre présentation où vous dites, en qualité de professionnel, que les travaux de construction sur la Colline parlementaire coûtent plus de 10 fois ce qu'ils devraient coûter. C'est justement ce que j'avais moi-même constaté lorsque je suis arrivé à Ottawa comme menuisier, car j'avais jusque-là passé toute ma vie dans l'industrie de la construction. À Ottawa, tout semble coûter 10 fois plus cher à construire qu'à Winnipeg. Par exemple, nous construisons des hôpitaux entiers à Winnipeg pour 200 millions de dollars, avec des salles d'opération, des câblages (347 volts), enfin tous ces petits détails techniques compliqués, mais ici à Ottawa, ça nous aurait coûté 320 millions de dollars rien que pour construire un petit édifice pour le comité. On a dû annuler le projet à cause de l'explosion des coûts, mais je commence à comprendre pourquoi.
    Ce qui m'inquiète le plus, moi et les autres membres du comité, c'est qu'en ce moment même, Travaux publics est sans doute en train de distribuer d'autres contrats pour ce projet de 6 milliards de dollars.
    Monsieur le président, notre comité a adopté une motion réclamant un moratoire sur tous les projets de rénovation des édifices du Parlement. Je vous demande de transmettre au Parlement la motion que nous avons adoptée et qui recommande un moratoire complet sur tous les travaux de rénovation, tant que nous n'avons pas l'assurance que ces contrats ne font pas l'objet de corruption, de pots-de-vin, de lobbying illégal et de trafic d'influence.
    Je dis cela parce que notre comité a entendu le témoignage de ce fameux Varin, qu'en fait nous n'aurions pas dû laisser partir. Nous aurions dû le faire mettre aux arrêts ici même, parce qu'il nous a ouvertement menti au sujet de ce qu'il a fait pour vous, monsieur Sauvé, car en réalité, c'est quelqu'un à Travaux publics qui se fait payer pour bidouiller les appels d'offres afin que le cahier des charges corresponde à la soumission qu'on veut gagnante.
    J'ai noté ce que vous avez dit, à savoir que « nous avons eu le contrat... parce que nous avions payé ce qu'il fallait ». Êtes-vous vraiment convaincu que c'est parce que vous avez donné cet argent à Varin que vous avez eu le contrat?
(0930)
    Ayant été témoins de toute la mascarade autour du projet de la Tour de la paix en 1994, et étant rentrés à Montréal tout penauds, nous étions bien obligés, cette fois-ci, d'essayer de nous y prendre différemment. J'aimerais bien croire que c'est à cause de nos compétences et de la qualité du travail réalisé par mon grand-père, mon père et moi-même que nous avons obtenu ce contrat, mais je crois que c'est aussi à cause, et surtout à cause, du fait que nous avons embauché un lobbyiste.
    Donc, oui, nous avons eu le contrat parce que nous avons payé ce qu'il fallait.
    Personne ne remet en question la qualité de votre travail, mais ça me rend malade de voir que, pour obtenir des contrats à Ottawa, il faille graisser la patte de certaines personnes, en l'occurrence celle d'un lobbyiste conservateur bien branché.
    Avez-vous embauché Varin parce qu'il avait des accointances au Parti conservateur? Ça ne vous aurait pas avancé à grand-chose d'embaucher un lobbyiste ayant des accointances avec le NPD, je suppose, ou avec le Bloc. Soit dit sans vous offenser...
    Une voix: Oh, oh!
    M. Pat Martin: Est-ce parce que Varin vous a dit qu'il avait des accointances avec les conservateurs que vous l'avez retenu comme lobbyiste?
    On nous a fortement conseillé d'embaucher Varin parce qu'il avait de solides accointances avec le gouvernement conservateur, et que c'était tout à fait la personne indiquée pour ce genre de contrats d'infrastructure.
    Saviez-vous qu'il avait été condamné cinq fois pour fraude et corruption ?
    Je n'en avais aucune idée. On me l'a présenté comme un membre du Régiment de Maisonneuve, et j'ignorais complètement, à l'époque, qu'il avait un tel passé.
    La plupart des contribuables seraient horrifiés d'apprendre par quoi il faut passer pour obtenir un contrat de Travaux publics. C'est un environnement commercial complètement pourri, et vous dire que je suis déçu est un euphémisme. Tout ça me donne la nausée, d'autant plus que ça vient de l'industrie de la construction. Nous avions toujours pensé qu'avec une saine concurrence, on réussirait à optimiser chaque dollar investi, mais vous venez de nous expliquer qu'il faut graisser des pattes avant de pouvoir entrer dans le jeu. C'est bien cela?
    J'ai voulu vous montrer que l'obtention d'un contrat coûte tellement cher que ça ne vaut plus la peine de faire une soumission. Si l'on tient compte des lois du travail, des salaires horaires et du coût des matériaux dans notre industrie — et ce n'est pas seulement au Québec. Cela se produit également ailleurs, dans les zones les plus peuplées du pays.
    Je sais. Il y a une enquête en cours en Colombie-Britannique en ce moment. Ce sont les Hells Angels qui font la loi sur le marché du travail en Colombie-Britannique, nous le savons.
    Ça ne vaut donc plus la peine de présenter une soumission. La culture ambiante fait non seulement grimper les pots-de-vin... Au Québec, il faut compter 5 p. 100 de la valeur de l'appel d'offres, et pour ici, Varin m'a demandé 3 p. 100.
    Trois pour cent, c'était ce qui avait été convenu?
(0935)
    Oui.
    Une commission de 3 p. 100...
    Oui, il s'attendait à une commission de 3 p. 100.
    C'est illégal. C'est infect. Ça m'a tout l'air d'être des infractions au Code criminel. Je ne vous critique pas. Pour pouvoir rester en affaires... j'ai rencontré récemment des entrepreneurs de la Colombie-Britannique qui abandonnaient justement ce secteur d'activité pour les mêmes raisons. La corruption a atteint un tel niveau qu'il faut soit jouer le jeu, soit accepter de ne jamais avoir de contrats. Il y a un type qui m'a dit qu'il avait soumissionné pour 130 contrats l'an dernier et qu'il en avait remporté deux, alors qu'il a une grosse entreprise de deuxième ou de troisième génération. Tout ça parce qu'il ne veut pas traiter avec les Hells Angels. Mais ça c'est une autre histoire.
    Ce qui me préoccupe...
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Martin.
    Dans ce cas, je vais en profiter pour vous poser une question, monsieur le président. Pourquoi n'avez-vous pas transmis au Parlement la motion adoptée par notre comité recommandant un moratoire sur tous les projets de construction tant que nous n'aurons pas mis de l'ordre dans tout ce fatras?
    [Note de la rédaction: inaudible] ... je suis au courant de la motion. Vous devriez reposer votre question à la fin de notre réunion lorsque nous aborderons d'autres points.
    Merci, monsieur Martin.
    Monsieur Regan, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Sauvé, je vous remercie de venir nous rencontrer.
    J'aimerais moi aussi présenter mes excuses à monsieur Dorval.
    Monsieur Sauvé, vous avez déclaré que, plusieurs semaines avant que Christian Paradis ne devienne ministre des Travaux publics, M. Varin vous avait annoncé cette nomination. C'est vrai? Il le savait donc à l'avance?
    Excusez-moi, monsieur, mais je n'ai pas entendu votre question.
    Vous avez déclaré, il y a quelque temps, que M. Varin vous avait dit, plusieurs semaines avant le remaniement ministériel, que M. Fortier allait quitter le ministère et que M. Paradis serait le nouveau ministre des Travaux publics. C'est exact?
    Varin m'avait alors dit qu'il y aurait un remaniement ministériel et qu'il y aurait un nouveau ministre des Travaux publics, en effet.
    Vous a-t-il indiqué que Paradis serait le nouveau ministre?
    Je ne suis pas sûr. Il semblait très au courant qu'il y aurait un remaniement ministériel, que M. Fortier allait quitter son poste et qu'il serait fort probablement remplacé par un ministre du Québec.
    Bien. Pourriez-vous nous donner une copie de tous les courriels que vous avez échangés avec Travaux publics?
    Pardon?
    Pourriez-vous donner au comité une copie de tous les courriels que vous avez échangés avec Travaux publics?
    Très certainement.
    Merci beaucoup.
    Pour ce qui est du rôle de M. Varin, pensez-vous qu'il réponde à votre définition du mot « lobbying »?
    Oui.
    Merci.
    Qui vous a dit de vous adresser à M. Varin, que c'était le type qu'il vous fallait?
    L'un des administrateurs de notre entreprise était un certain Claude Sarrazin; c'était un conservateur, je crois, tout au moins de conviction, et c'est lui qui nous a conseillé de contacter Gilles Varin et qui l'a fait venir à mon bureau.
    Pensez-vous que M. Sarrazin ait touché une partie de la somme que vous avez versée?
    Non. À l'époque, les membres du conseil d'administration recevaient des jetons de présence pour chacune des fonctions auxquelles ils devaient assister, mais je ne pense pas qu'il ait reçu quoi que ce soit de la somme en question.
    Bien, merci.
    Une fois que vous avez obtenu le contrat, M. Varin vous a conseillé d'organiser un cocktail comme activité de financement pour le Parti conservateur afin de remercier le gouvernement de vous avoir donné ce contrat. Est-ce exact?
    C'est Prud'homme qui nous a conseillé d'organiser une ou plusieurs activités de financement, et de commencer par un cocktail dans le comté de Bourassa auquel assisterait l'honorable ministre des Travaux publics.
    Et l'objectif était essentiellement de remercier le Parti conservateur de vous avoir octroyé ce contrat.
    Oui.

[Français]

    À cette époque, quel était le rôle de Gilles Prud'Homme dans l'association des conservateurs du comté de Bourassa?
    C'est une très bonne question. Il s'est présenté à moi comme étant un organisateur du parti, autorisé à recueillir des fonds pour la cause du Parti conservateur du Canada. Je n'ai pas vraiment posé de questions. Il semblait être impliqué dans l'élection dans le comté de Bourassa, avec une dame dont j'oublie le nom et qui a été défaite. Il était porte-parole pour la collecte de fonds au Québec.
(0940)
    Ainsi, Gilles Prud'Homme serait un des contacts de Gilles Varin au Parti conservateur. Est-ce exact?

[Traduction]

    Monsieur Regan, je suis désolé, mais...
    [Note de la rédaction: inaudible]
    Oh, c'est vrai. Je ne parle pas assez fort, mais vous savez, ça aide de mettre les écouteurs.

[Français]

    Gilles Prud'Homme était un des contacts de Gilles Varin au Parti conservateur, n'est-ce pas?
    Gilles Prud'Homme connaissait Gilles Varin, mais je ne crois pas que c'était son contact officiel. Les deux hommes se connaissaient, c'était clair.

[Traduction]

    Donc, manifestement, M. Varin était chargé de collecter des fonds pour son parti et c'est pour cela qu'il vous a demandé d'organiser le cocktail pour collecter des fonds. Qui vous a donné les noms des personnes à inviter? Quelqu'un a dû vous dire: « Vous devriez appeler un tel et un tel pour l'inviter au cocktail. » Qui est cette personne?
    Varin avait une liste qu'il m'a proposée. Prud'homme avait lui aussi sa petite liste, mais c'était très... C'est comme ça que ça s'est passé. J'ai appelé quelques personnes, notamment des gens qui participaient au projet et qui avaient certainement intérêt à venir rencontrer le ministre, et elles ont toutes dit oui.
    Merci, monsieur Regan.
    Merci, monsieur Sauvé.

[Français]

    Monsieur Lemay, vous disposez de cinq minutes.
    Tout d'abord, j'aimerais offrir mes condoléances à Me Dorval.
    Monsieur Sauvé, êtes-vous un habitué du restaurant Le Mas des Oliviers?
    Non.
    À combien de reprises y êtes-vous allé?
    J'ai rencontré Gilles Varin au restaurant Le Mas des Oliviers peut-être trois ou quatre fois au maximum, puisqu'il est là pratiquement tous les midis.
    C'est la raison pour laquelle vous dites que Le Mas des Oliviers, où on vous avait invité, est le quartier général du Parti conservateur.
    C'est un peu une farce à Montréal, parce que c'est un endroit de réseautage. En effet, plusieurs membres du Parti conservateur fréquentent cet endroit.
    Selon vous, M. Varin est-il un lobbyiste?
    Oui.
    Selon vous, il était clair que vous alliez rencontrer un lobbyiste.
    C'est exact.
    M. Varin vous a-t-il demandé 25 000 $ pour que vous fassiez partie de la courte liste en vue du contrat de la tour?
    M. Varin a suggéré qu'il en coûterait un montant d'environ 300 000 $ pour l'ensemble de l'oeuvre, et que pour qu'on fasse la courte liste, il aimerait recevoir un paiement ou un retainer, en quelque sorte, de 25 000 $.
    Il s'occupait donc de faire modifier la courte liste pour que vous puissiez y paraître, à condition de lui verser 25 000 $.
    Je ne pourrais pas dire ça.
    Je ne connais pas la magie qui a été faite en arrière-scène, et je ne suis pas certain, à ce jour, qu'elle ait été bénéfique pour ce qui est des modifications qui ont été apportées dans le cahier des charges, ou l'addenda.
    D'accord.
    Toutefois, vous avez fait partie de cette courte liste, et vous avez versé 25 000 $.
    Effectivement.
    Parfait.
    Pour ce qui est du cocktail avec M. Paradis, en 2009, saviez-vous que ce dernier allait être présent?
    Tout à fait.
    J'attire votre attention sur un extrait de vos notes, qu'on a eu l'amabilité de nous fournir. C'est intéressant: « Cocktail de financement, circonscription de Bourassa, organisé par LM Sauvé, présence du ministre Paradis. » C'est ici que ça devient intéressant: « M. Paradis exige un remboursement de 5 400 $ pour son manteau de cachemire de chez Holt Renfrew. »
    C'est vous qui avez écrit cela. C'est quoi, cette histoire?
    C'est un fait cocasse. C'était un restaurant pas très chic et pas de très bon goût. Le ministre, qui avait accroché son manteau à un portemanteau, s'est aperçu, vers la fin de la soirée, qu'il s'était fait voler son paletot qui était en cachemire.
     Normalement, je n'aurais pas porté attention à ce fait. Il faut dire qu'à ce moment-là, la Couronne nous devait 1 972 000 $, et elle traînait dans ses paiements. Malgré tout cela, contre vents et marées, je continuais à croire que ce contrat se résorberait. Or le lendemain, à mon grand désarroi, son aide de camp m'a téléphoné pour me rappeler qu'il avait perdu son manteau, qu'il se l'était fait voler.
(0945)
    Excusez-moi de vous interrompre, mais qui est-ce?
    Je ne connais pas son nom. C'est un jeune aide de camp qui l'accompagnait, avec son chauffeur et son garde du corps.
    Cette personne m'a appelé pour me demander de rembourser le manteau et pour me dire qu'une certaine taille était disponible chez Holt Renfrew. J'ai perdu patience, et je lui ai rappelé que j'espérais que la soirée de la veille, hormis cet événement, leur avait plu. Je lui ai raccroché la ligne au nez, quoi. En fait, j'étais très insulté. J'étais même pas mal indigné.
    Vous dites ne pas avoir eu beaucoup de temps pour parler avec M. Paradis, parce qu'il était passablement occupé avec la famille Broccolini. Je vous prends au mot, et ce qui m'intéresse, ce sont les 180 secondes que vous avez eues avec le ministre, selon vos dires. À quoi ont-elles servi? De quoi vouliez-vous parler avec le ministre?
    J'aurais aimé parler, en fait, de ce que je croyais être non pas une injustice, mais une erreur grave que de dépenser tout cet argent de façon fortuite. Selon moi, le gouvernement conservateur, qui devrait agir en toute simplicité et de façon directe, aurait pu s'inscrire dans une nouvelle vague, adopter une nouvelle approche et mettre à bas toute cette paperasserie sur la Colline, faire des choses honorables et de bon goût dans l'industrie de la construction sur la Colline.
    Je n'ai pas eu le temps de parler de la loi. J'ai eu 180 secondes.
    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Marc Lemay: Je vais pouvoir y revenir?
    Le président: Oui.
    Monsieur Petit, vous avez huit minutes.
    Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Gourde.
    Je reviens sur ce dont je parlais tout à l'heure quand j'ai été interrompu.
    Monsieur Sauvé, je suis surtout très intéressé à ce que vous avez dit. En 2009, vous avez eu des problèmes avec certaines personnes liées au crime organisé. Selon ce que vous avez dit à la télévision par la suite, soit quelques mois plus tard, c'était lié à la grande centrale de la FTQ, laquelle aurait été infiltrée par les Hells Angels ou le crime organisé.
    Soutenez-vous cela encore aujourd'hui?
    Je soutiens quoi, monsieur Petit?
    Soutenez-vous que la FTQ est liée au crime organisé et infiltrée par les Hells Angels?
    J'ai vu Jocelyn Dupuis, qui était président de la centrale syndicale à l'époque, et Normand Ouimet souper ensemble pour discuter de l'industrie de la construction. Avant cette rencontre, Jocelyn Dupuis m'a dit clairement que sans le protectorat et l'aide de gens comme Ouimet, il serait très difficile sur le terrain d'avoir autant d'adhésion de la part de membres émergents dans le domaine de la construction qui s'associent à la FTQ.
    Donc, oui, je maintiens que la FTQ et les Hells Angels ont entretenu, dans la longue histoire de la construction au Québec, des liens étroits.
    Monsieur Sauvé, êtes-vous au courant d'un communiqué émis par la FTQ le 24 septembre 2008, à l'époque où vous commenciez à avoir des problèmes avec le dénommé Ouimet et la FTQ? Connaissez-vous ce communiqué du 24 septembre 2008?
    Non, je ne l'ai pas devant moi.
    Puis-je lire quelque chose?
    Le 24 septembre 2008, le président M. Michel Arsenault, son secrétaire général René Roy et les vice-présidents de la centrale ont émis un communiqué. Je cite le journal La Presse du 25 septembre 2008: « La Fédération des travailleurs du Québec a exhorté ses membres, hier, non seulement à voter pour le parti de Gilles Duceppe, mais aussi à travailler pour les candidats bloquistes sur le terrain. »
    Pensez-vous que je vais vous croire? Ces gens sont honnêtes. Quelle est la part de vérité dans vos propos? Dites-vous encore aujourd'hui que la FTQ a dans ses rangs des membres de la pègre et du crime organisé? Je connais ces gens, et jamais ils n'auraient accepté ça. Est-ce que vous maintenez ça, aujourd'hui, devant nous?
(0950)
    Monsieur Petit, je suis un peu déçu de vous voir ramener le débat sur l'échiquier politique dans ce cadre-ci. Tout d'abord, il faudrait rectifier les dates, quant au moment où nous avons éprouvé de sérieuses difficultés financières. Le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal, de concert, ont décidé de ne pas payer pour le dépassement des coûts, ce qui a pesé très lourd sur les épaules de notre entreprise. Cela se déroulait entre 2004 et 2006. C'est à cause de cela que l'on a fait une demande d'aide au Fonds de solidarité FTQ et que des gens comme Dupuis et Ouimet sont entrés en scène.
    Si votre question a pour but de savoir si on érige un édifice politique pour me pousser dans une direction ou chercher à ce que je m'érige contre un syndicat, la réponse est non.
    J'ai vécu ce que j'ai vécu. Ma famille a dû subir des pressions indescriptibles. Malgré toutes ces tempêtes, je suis ici aujourd'hui pour répondre à vos questions et à celles de vos collègues. Il est clair pour moi, et ça ne date pas d'hier, qu'au Québec, il y a des liens directs entre la FTQ et les Hells Angels. Si la FTQ ne veut pas faire la lumière là-dessus, c'est son problème et pas le mien.
    Je l'ai vu et je l'ai vécu. À la suite de cette demande d'aide et l'arrivée de gens comme Ouimet, j'ai vu la productivité sur mes chantiers quintupler; c'était le jour et la nuit. J'ai vu des problèmes avec la CSST disparaître, des officiers de la Commission de la construction du Québec ne plus apparaître pour freiner nos chantiers. Il n'y a pas de coïncidence.
    Selon moi, ça fait partie d'un cercle — un cercle qui est étanche. Les gens qui sont là ont des pratiques collusoires et ça a une influence extrêmement négative non seulement sur le Québec, mais aussi sur l'ensemble du pays. Je peux vous dire que ça a eu une influence extrêmement négative sur ma personne et sur les membres de ma famille.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Coderre, vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sauvé, je reviens sur la question du manteau de M. Paradis qui coûtait 5 400 $ chez Holt Renfrew. S'il avait voulu encourager les entreprises de son comté, il aurait pu trouver quelque chose de moins cher et ça aurait été de très bonne qualité.
    Bref, était-ce Marc Carrière qui a appelé?
    Je crois que oui.
    C'était donc l'adjoint de M. Paradis.
    Il y a beaucoup d'argent dans vos affaires. L'argent a-t-il circulé pendant le cocktail?
    Les contributions qui ont émané des appels que j'ai faits à Glouberman, Gersovitz, Clavier et d'autres ont toutes été faites par chèque. Je n'ai pas vu d'enveloppes, ni d'argent liquide qui aurait été versé lors de cette soirée.
    Gilles Prud'Homme est bien celui qui essaie de faire un mauvais parti à Jacques Duchesneau présentement. C'est le président de l'association conservatrice de Bourassa. Qui sont ses amis? Vous avez vu une liste. Qui a appelé? Il semble être très proche de certaines entreprises de construction.
    Je pense qu'il a appelé beaucoup de gens qui n'ont pas payé. Je pense qu'entre autres, les frères Broccolini, à ma connaissance, ne l'avaient pas fait.
    Écoutez, je ne saurais pas vous dire. La salle était petite. Le ministre est entré, il était en retard, il s'est fait accaparer d'abord par Glouberman pendant cinq ou sept minutes, peut-être dix. Ensuite, il a sillonné la salle, il a fait le tour. J'ai eu droit à peine à trois minutes de son temps.
    Qui sont les amis de M. Prud'Homme? Pour moi, ce n'est pas clair.
    M. Broccolini nous a dit que c'était M. Padulo qui lui avait vendu le billet. C'est le propriétaire du restaurant Da Enrico.
    Pour votre part, vous ne savez pas qui étaient les amis de Gilles Prud'Homme?
    Je n'en ai aucune idée.
    D'accord. On va avoir le temps d'y revenir plus tard.
     Une question me brûle les lèvres depuis le début. Quand vous aviez des difficultés financières, vous avez été infiltré par les Hells Angels, et vous vous en êtes sorti. Pour vous refaire, vous avez fait affaire avec Gilles Varin afin d'obtenir un contrat ici, notamment. C'est ce que je comprends. Il vous fallait un cautionnement, et c'est la compagnie L'Unique assurances générales qui vous l'a fourni.
     Compte tenu de toutes vos difficultés, comment avez-vous pu obtenir un cautionnement de la compagnie L'Unique assurances générales? Celle-ci a bien dû faire des vérifications pour déterminer si vous aviez des problèmes sur le plan de votre sécurité tant financière que personnelle. Expliquez-moi ça. C'est une question de néophyte.
(0955)
    Dans l'ensemble de cette structure qu'est la belle industrie de la construction, au Québec comme ailleurs, il y a une complicité très étroite entre les acteurs financiers, soit les banquiers, les prêteurs et les sociétés d'assurances. Le projet de l'église unie Saint-James, qui a fait couler beaucoup d'encre et a coûté, comme je le disais plus tôt, tout près de 5 millions de dollars à ma famille et aux créanciers impliqués dans le projet, a terni la réputation financière de l'entreprise.
     Par contre, dans la vie, il faut se lever, travailler, continuer, et c'est ce que nous avons fait. Pour obtenir les cautionnements et être en mesure d'avancer, il a fallu offrir des garanties en liquide à la Commission de la capitale nationale. C'est une situation un peu rare. Normalement, sur parole et en présentant le bilan, nous obtenons des cautionnements. Toutefois, comme notre dossier était entaché par l'affaire de l'église unie Saint-James, il y avait une perte énorme...
    Vous aviez des difficultés. D'où venait cet argent? Est-ce que des gens de l'extérieur vous ont aidés à obtenir un cautionnement?
    Non, pas du tout. Le conseil de famille s'est réuni. On était au seuil d'une récession. On savait que de grands chantiers allaient être mis en oeuvre à Montréal, notamment. Il fallait donc se brancher sur des travaux du domaine public. Nous avons donc puisé à même nos réserves pour pouvoir mettre des garanties sur la table afin de satisfaire la Commission de la capitale nationale.
    On parle beaucoup des Hells Angels et de leur présence dans le milieu de la construction, de la maçonnerie. Ils doivent obtenir des cartes de compétence pour pouvoir travailler dans le domaine de la maçonnerie. Est-ce qu'ils apprennent ce métier en prison? Ils sont donc bien compétents! Est-ce que c'est dû à l'Institut Leclerc?
    Répondez très brièvement.
    Je sais qu'un dénommé Guy Dufour, qui était représentant syndical à la FTQ, tentait en vain d'entrer dans notre entreprise de façon à favoriser les membres de la FTQ. Comme je le disais plus tôt, nous faisions plutôt affaire à cette époque avec le plus gros syndicat d'Amérique, soit l'International. Guy Dufour a été arrêté, je pense, dans le cadre de l'opération Diligence, menée par la Sûreté du Québec.
    Les motards et leurs représentants à la FTQ ont fait du travail de tranchée pour court-circuiter les efforts de la Commission de la construction du Québec et obtenir des cartes de compétence de façon tronquée. Je pense que c'est l'une des résultantes de cette enquête. Le temps dira ce qu'il en est du reste. Toutefois, il est clair que sur les chantiers de construction, plusieurs personnes court-circuitent le système afin de se faire valoir en tant que travailleurs compétents.
    Merci, monsieur Sauvé.
     Monsieur Gourde, vous disposez de cinq minutes.
     Bonjour, monsieur Sauvé.
    Le 28 août 2008, le quotidien Le Devoir a publié un article intitulé « Portrait — LM Sauvé ou les aléas d'une petite entreprise familiale en transition  ». Vous avez précisé une chose au journaliste, en parlant du contrat d'Ottawa. Voici ce qu'on peut lire:
Le plus récent contrat est celui de 8,9 millions pour la réfection de l'édifice de l'Ouest du parlement canadien, un contrat qui a été « obtenu par appel d'offres et sans aucune implication politique », ajoute-t-il.
    Ce sont vos propos mêmes qui sont rapportés dans l'article. Aujourd'hui, vous semblez contredire ce que vous avez dit au journaliste. Quelle version doit-on prendre en considération?
    Quelle est votre question, monsieur Gourde?
    Le 28 août 2008, Le Devoir a publié un portrait d'entreprise. Il s'agissait de la vôtre. Je cite vos propos rapportés par le journaliste:
Le plus récent contrat est celui de 8,9 millions pour la réfection de l'édifice de l'Ouest du parlement canadien, un contrat qui a été « obtenu par appel d'offres et sans aucune implication politique », ajoute-t-il.
    C'est ce que vous avez dit au journaliste. Vous parliez du contrat relatif à l'édifice de l'Ouest. Aujourd'hui, vous semblez contredire ce que vous avez dit au journaliste du quotidien Le Devoir, le 28 août 2008. Quelle version le comité doit-il prendre en considération?
    Monsieur Gourde, on ne peut pas toujours croire ce qui est interprété par un journaliste et repris par sa plume. Je n'ai pas l'article devant moi. Je n'ai donc pas de commentaire à faire sur cette question.
(1000)
    En ce qui concerne les affirmations que vous faites, tous les autres témoins semblent dire que le contenu de l'article est conforme à la réalité. Aujourd'hui, vous affirmez le contraire dans le cadre de votre témoignage. Vous êtes donc en porte-à-faux par rapport aux autres témoins qui sont venus parler de ce dossier devant ce comité.
    Monsieur Gourde, je suis bien à l'aise sur ma chaise. Je ne me sens pas en porte-à-faux. Je ne veux pas vous contredire, mais je ne comprends pas le sens de votre interrogatoire.
    Je voulais simplement savoir si vous étiez d'accord sur le contenu de l'article. Vous m'avez répondu que vous ne vous en rappeliez pas. Ça va.
     Au début de votre allocution, vous avez dit que votre père était actif au sein du Parti libéral. Est-ce qu'il s'agissait du Parti libéral provincial ou du Parti libéral fédéral, ou encore des deux?
    Pendant de longues années, mon père, avec mon grand-père Albert, qui était chef maçon à l'Oratoire Saint-Joseph à l'époque du frère André — frère Bessette —, a d'abord été militant pour l'Union nationale. Il y a longtemps de cela. Par la suite, avec l'arrivée de M. Lesage, on a eu besoin d'aide notamment pour la rédaction des lois devant régir l'industrie de la construction. Ça remonte à plus d'une cinquantaine d'années. Les circonstances ont fait qu'à cette époque, les libéraux étaient au pouvoir au Québec.
    Dans le même article du quotidien Le Devoir, vous disiez avoir créé au sein de votre entreprise un conseil d'administration destiné à vous aider à prendre de bonnes décisions. Vous y aviez nommé M. Alexandre Trudeau. S'agit-il du frère de M. Justin Trudeau, donc du fils de Pierre Elliott Trudeau?
    Il s'agit en effet du fils de M. Pierre Elliott Trudeau, ancien premier ministre du Canada.
    S'il siégeait au conseil d'administration, c'est que vous le connaissiez bien. Avait-il des relations dans le monde de la construction? Pouvait-il vous donner de bons conseils? Pourquoi siégeait-t-il à votre conseil d'administration?
    Certainement pas parce qu'il était libéral. Je crois qu'il était complètement apolitique. C'était un homme très intelligent, qui avait beaucoup à offrir, notamment en rapport avec ses voyages, ce qu'il avait vécu en Afrique et ses reportages à propos de grandes injustices. Il avait connu un terrain rugueux et il était apte à nous guider.
    À vous orienter vers des contrats à l'étranger, au Canada? À vous conseiller?
    En effet, il a été question de se tourner vers l'extérieur du Canada, notamment vers l'Europe. Son réseau de contacts et son influence étaient importants.
    Dans le cadre d'un autre article, monsieur Sauvé, vous avez dit qu'en venant travailler sur la Colline du Parlement, vous aviez développé l'envie de venir à Ottawa toutes les semaines. Vous avez même songé à devenir candidat du Parti libéral du Canada. Vous avez rencontré M. Coderre afin de lui expliquer que vous étiez intéressé. Comment les choses se sont-elles passées? Est-ce que ça a été productif?

[Traduction]

    Je suis désolé, monsieur Sauvé, mais M. Gourde a utilisé tout son temps de parole, et il ne vous en reste pas pour répondre.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Sauvé, j'aimerais qu'on aborde de nouveau la question du cocktail. Selon vous, le ministre Paradis savait-il qu'il participait à un cocktail en présence de personnes, d'entrepreneurs qui avaient obtenu des contrats du gouvernement?
    Je voudrais simplement dire, en réponse à la question de M. Gourde, qu'il y a un excellent candidat libéral dans le comté d'Outremont, où j'habite. L'affaire est donc réglée. À l'époque de M. Mulroney, on m'a demandé de prendre la place de M. Hogue, de votre côté de la clôture. Je n'ai pas accepté.
    Pour ce qui est de votre question, madame Bourgeois, je vous dirai qu'il le savait.
    Qu'est-ce qui vous fait dire cela?
    C'était clair. La salle était remplie de gens provenant du domaine de la construction, entre autres des architectes et des ingénieurs.
    Des gens qui faisaient affaire avec son ministère.
    Oui. Je pense qu'il savait pertinemment où il s'en allait.
    Pour lui, il était clair que ce cocktail était un retour d'ascenseur. Qu'en pensez-vous?
    Il était clair que c'était pour les finances, la caisse de son parti.
    Les entrepreneurs présents avaient tous accès aux contrats de son ministère, notamment pour la réfection des édifices gouvernementaux.
(1005)
    C'est ça.
    Il renvoyait donc l'ascenseur.
    En quelque sorte.
    Monsieur Sauvé, le montant de votre soumission était inférieur de plus ou moins 2 millions de dollars aux montants soumis par vos compétiteurs. Comment se fait-il que vous ayez présenté une soumission de 2 millions de dollars inférieure?
    Notre entreprise peut faire appel à sa propre main-d'oeuvre. Près de 90 p. 100 des travaux qui sont effectués ici devraient être du domaine de la maçonnerie. Or, ce n'est pas le cas, car il y a des questions énormément complexes relatives aux structures et à la mécanique, et ainsi de suite. Cela nous donne à nous, LMS-Canadian Masonry Corp., un avantage concurrentiel, soit celui d'être capable de demander des tarifs beaucoup moins élevés, puisqu'on peut avoir notre propre main-d'oeuvre et faire nos propres travaux. Depuis plus d'un demi-siècle, on a une main-d'oeuvre qui est équipée et formée pour faire du travail de maçonnerie de façon spécifique.
    Ce n'est donc pas dû à des montages financiers particuliers.
    Pas du tout.
    Tout à l'heure, quand vous avez parlé de Fournier Gersovitz Moss et associés architectes, vous avez dit, à moins que je n'aie mal compris, que ces gens étaient habitués de rendre le mécanisme plus complexe. Est-ce que j'ai bien compris?
    Oui, tout à fait.
    Pourriez-vous préciser ce point? Ces gens sont-ils très proches du gouvernement conservateur actuel?
    Je ne sais pas. Par contre, je sais que sur la Colline du Parlement, on a tendance à compliquer les tâches les plus simples. Il ne faut pas se leurrer. Réparer des roches, c'est réparer des roches. Qu'elles soient sur la cathédrale de Reims ou sur le parlement, ce sont des roches. On parle de géologie, de mortier; c'est simple.
    Il y a une tendance ici à rendre cinq fois plus compliquées toutes les tâches, qu'on parle de l'approvisionnement, du travail ou des conservateurs. Et je ne parle pas de politique, mais de gens qui sont censés prendre des décisions sur l'avenir des bâtiments et influencer des choses sur le site à l'aide du répertoire d'information qui existe sur les bâtiments. Tout est compliqué.
    Ainsi, vous nous dites que plus on complique les choses, plus il y a d'entrepreneurs, et plus ça coûte cher aux contribuables. C'est ce que vous voulez dire?
    Plus on complique les choses, plus ça coûte cher.
    Et plus on donne des contrats.
    C'est ça.
    Mon collègue voudrait peut-être poser une question, monsieur le président.
    Il vous reste moins d'une minute.
    J'aurai l'occasion d'y revenir, monsieur le président, bien évidemment. Il nous reste encore un peu de temps.
    Lors du cocktail où M. Paradis était présent, et où son manteau de cachemire est malheureusement disparu, avez-vous rencontré d'autres individus, d'autres entrepreneurs comme vous qui avaient des contrats sur la Colline du Parlement?
    J'ai entendu les frères Broccolini, puisque c'étaient des espèces de tables à pique-nique qui étaient installées dans ce chic établissement...
    Vous ne semblez pas avoir apprécié cela.
    Non.
    J'ai entendu les frères Broccolini parler au ministre pendant plus de 40 minutes de leurs qualifications dans le domaine. Je pouvais entendre qu'ils parlaient strictement de construction et de qualification de leur firme.
    Malheureusement, votre temps est écoulé. Je suis désolé.

[Traduction]

    Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Toujours dans le même ordre d'idées, M. Varin vous a un jour emmené déjeuner et vous avez rencontré Hubert Pichet. Vous avez dit que vous aviez changé de table, mais que cette rencontre avec M. Pichet ne vous semblait pas fortuite. Est-ce exact?
    Elle n'était pas fortuite.
    En avez-vous conclu que cela faisait partie des services pour lesquels vous payiez M. Varin, c'est-à-dire qu'il devait vous présenter à des gens susceptibles de vous aider?
    C'est certainement ce que j'ai pensé.
    Que faisait M. Pichet à l'époque? Pour qui travaillait-il?
    Je n'en sais rien. En fait, il sortait juste des toilettes par une petite porte, et on m'a invité à changer de table. Il avait un laissez-passer de la Couronne, avec une feuille d'érable et son nom dessus.
    Un laissez-passer de la Couronne? Qu'entendez-vous par là, monsieur?
    En fait, je crois que c'était un laissez-passer du Parlement. Je n'ai pas vraiment réussi à lire ce qu'il y avait dessus, mais il avait un cordon rouge autour du cou, avec une sorte de laissez-passer du Parlement.
(1010)
    Je vois. Vous souvenez-vous s'il était rouge?
    Il était rouge, oui.
    Je vois. C'est la couleur des sénateurs.
    Avez-vous payé à Varin sa commission de 275 000 $?
    Non.
    À votre avis, que voulait dire M. Varin lorsqu'il se vantait de se promener au Parlement avec des bottes de feutre? Vous avez dit qu'il avait une démarche très discrète. Lui nous a dit qu'il portait des bottes de feutre lorsqu'il marchait sur la pointe des pieds ou lorsqu'il arpentait les couloirs du Parlement.
    J'espère qu'il n'était pas en pyjama, mais...
    C'est un stratagème qu'utilisent les escrocs quand ils se présentent au tribunal: ils portent un pyjama.
    Je ne peux qu'imaginer ce qu'il faisait. Je connaissais Varin parce que j'avais participé à d'autres contrats, il y a des lustres, à Longue-Pointe et au musée Juste pour rire de Montréal, sur le boulevard Saint-Laurent. C'était le directeur de cabinet de Marcel Masse.
    C'était le directeur de cabinet de Marcel Masse?
    Je crois que oui. Il avait donc la réputation de quelqu'un qui sait livrer la marchandise.
    Je comprends.
    Vous avez dit dans votre témoignage que Bernard Côté s'était dit prêt à vous aider. Saviez-vous à l'époque que c'était l'adjoint de M. Fortier, l'adjoint du ministre?
    Il s'était présenté comme l'adjoint de Michael Fortier. Il s'intéressait davantage au conflit qui opposait le Québec et l'Ontario en ce qui concerne la mobilité de la main-d'oeuvre, et à ce que nous ayons la possibilité, ce qui était notre droit, de participer à des appels d'offres de Travaux publics.
    C'est vrai que le problème perdure, je veux parler de la libre circulation de la main-d'oeuvre.
    En effet.
    Je comprends.
    Je vous remercie de nous parler avec franchise. Je vois que vous faites de votre mieux pour nous expliquer ce qui s'est vraiment passé, monsieur Sauvé. Votre témoignage me paraît très crédible, même si je suis déçu, voire inquiet, de la situation qui prévaut dans l'industrie de la construction. Tout cela est très instructif.
     À ceux qui prétendent qu'un cocktail est une chose tout à fait normale, je dirais que c'est en effet une chose normale lorsqu'il s'agit de fêter l'obtention d'un contrat autour de quelques verres et de quelques canapés, mais que c'est tout à fait autre chose si le cocktail sert à collecter des fonds pour le Parti conservateur.
    On vous avait dit qu'il fallait faire un don au Parti conservateur en reconnaissance du contrat que vous avait donné le gouvernement conservateur. C'est bien cela?
    J'aurais bien aimé avoir l'oreille du ministre pendant plus de trois minutes pour lui parler du conflit de la main-d'oeuvre entre l'Ontario et le Québec, dans l'industrie de la construction, et même pour lui parler de la mauvaise utilisation qui est faite des deniers publics dans les contrats de restauration des édifices de la Colline parlementaire. J'aurais bien aimé pouvoir lui en parler, mais on m'en a empêché.
    Pour ce qui est de la question du manteau, soulevée par M. Lemay, y avez-vous vu une autre tentative d'extorsion de la part du bureau du ministre, à savoir que même si vous avez organisé un cocktail hier soir pour le parti, ce dernier veut encore 5 400 $ pour un manteau dont on ne trouve plus la trace?
    Je me suis senti insulté. J'avais pris des risques pour organiser ce cocktail, et j'avais espéré avoir un entretien de plus de trois minutes pour discuter de choses intelligentes. Pour des raisons indépendantes de ma volonté, ou parce que quelqu'un d'autre en avait décidé autrement, on ne m'a pas accordé plus de trois minutes. Je me suis senti terriblement insulté d'être sommé de payer pour un manteau. Je n'arrivais pas à le croire. Je n'arrivais tout simplement pas à le croire.
    Cela m'aurait vexé aussi.
    Monsieur Warkentin, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Sauvé, vous dites que vous avez embauché M. Varin pour qu'il intervienne auprès du gouvernement fédéral pour que vous obteniez un contrat du gouvernement. Mais vous étiez aussi le plus bas soumissionnaire de cet appel d'offres. Vous prétendez aussi être qualifié pour ce genre de travail. M. Varin a, je suppose, mis à profit vos a priori sur le processus d'appel d'offres pour empocher vos 120 000 $ et disparaître dans la nature. Il portait des chaussures tellement légères qu'il n'a jamais mis les pieds sur la Colline parlementaire. En fait, personne au ministère des Travaux publics, même pas l'adjoint du réceptionniste, ne se souvient d'avoir rencontré cet homme. Il n'a absolument rien fait à Ottawa pour cette somme de 120 000 $. Je peux donc comprendre votre embarras de vous être fait berner de la sorte.
    Vous avez remporté le contrat parce que vous étiez le plus bas soumissionnaire et parce que vous avez pu démontrer que vous étiez qualifié. Je pense que les contrats que vous avez réalisés dans le passé démontraient que vous étiez qualifié. Contrairement à mes collègues d'en face, M. Martin et les députés du Bloc, qui ont constamment remis en question votre capacité à réaliser le contrat, je crois, pour ma part, que vous avez démontré que vous étiez qualifié. Par conséquent, étant donné que vous étiez le plus bas soumissionnaire et que vous étiez qualifié, pourquoi n'êtes-vous pas convaincu que vous avez eu le contrat pour ces deux raisons?
(1015)
    Merci.
    Croyez-vous vraiment que vous ne l'auriez pas eu même si vous aviez été le plus bas soumissionnaire et que vous aviez fait la preuve que vous étiez qualifié?
    Excusez-moi, monsieur Warkentin, mais vous avez fait un long préambule.
    Répondez à la question que je vous ai posée. Estimez-vous que vous étiez qualifié pour ce contrat?
    Oui.
    Pensez-vous que vous étiez le plus bas soumissionnaire?
    Oui.
    Cela n'est-il pas la preuve que vous avez obtenu le contrat parce que vous étiez qualifié et parce que vous étiez le plus bas soumissionnaire?
    Laissez-lui le temps de répondre à chaque question.
    Je n'ai que cinq minutes.
    Est-ce que je peux répondre?
    Bien sûr.
    Vous venez de Peace River, n'est-ce pas?
    Des environs de cette ville, oui.
    Bien.
    Je pense que nous étions plus que qualifiés, et que nous le sommes toujours.
    Savez-vous que vous étiez le plus bas soumissionnaire?
    Le « plus bas soumissionnaire » est le critère qui détermine la décision finale de Travaux publics.
    Vous étiez donc le plus bas soumissionnaire, et vous étiez aussi qualifié pour faire le travail. Par conséquent, on vous a octroyé le contrat. Aujourd'hui, je comprends que vous soyez déçu qu'on vous le retire. Avant de comparaître devant notre comité, vous avez dit que Travaux publics avait divulgué votre offre à vos concurrents. Pouvez-vous nous en donner des preuves, et, deuxièmement, pouvez-vous nous démontrer l'impact que cela a pu avoir sur vos chances d'obtenir ce contrat, puisque de toute façon vous étiez le plus bas soumissionnaire? Personne ne vous a coupé l'herbe sous le pied.
    C'est une bonne question.
    Avez-vous des preuves?
    Ce qu'il faut bien comprendre...
    Avez-vous des preuves de...
    Monsieur Warkentin, ce n'est pas la peine de jouer à l'avocat débutant. Laissez-le répondre.
    Je n'ai que cinq minutes.
    Oui, j'ai des preuves, parce que...
    Pouvez-vous les présenter?
    Si vous m'en laissez le temps, je vais vous répondre.
    J'ai des preuves. Quand je m'en suis rendu compte, nous étions harcelés par Bobby Watt, de RJW Stonemasons, qui avait effectué tout le travail depuis le début de l'appel d'offres et qui, même après que nous avons obtenu le contrat, cherchait à faire du maraudage auprès de nos propres employés.
    En quoi cela prouve-t-il...?
    Je peux finir?
    Bien sûr.
    Lors d'une de ces rencontres, Robert Watt avait sur lui une copie de notre soumission, qui constituait pourtant un document confidentiel qui ne pouvait être divulgué à personne. Lorsque nous lui avons demandé comment il avait obtenu ce document, il a répondu qu'il avait un bateau sur la rivière des Outaouais, tout à côté de chez Richard Moore, le directeur de projets de chez MHPN, dont les locaux sont situés dans l'immeuble du Crowne. Son bureau se trouve sur la rue Sparks.
    J'étais horrifié, à tel point que j'ai appelé le médiateur, Howie Clavier, pour lui demander ce que cela voulait dire. J'ai ensuite appelé Travaux publics, où j'ai parlé avec M. Ezio Dimillio et avec Robert Wright et je leur ai demandé des explications. Ils ont nié avoir divulgué quoi que ce soit. Peu de temps après, Robert Wright a quitté le projet, et une autre personne a pris sa place.
    Voilà la preuve.
    Ce n'est pas une preuve. C'est toute une série de suppositions, et beaucoup de gens nient ce que vous prétendez. C'est vous qui étiez le plus bas soumissionnaire. Personne n'a essayé de vous couper l'herbe sous le pied. Je ne comprends pas comment vous pouvez prétendre que la divulgation de ce document a eu un impact sur le processus d'appel d'offres.
    Merci, monsieur Warkentin.
    Malheureusement, vous n'avez pas le temps de répondre à M. Warkentin.
    Monsieur Coderre, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je comprends l'embarras de mon collègue M. Warkentin. Il a un problème, car il va à la pêche et n'attrape plus de poissons.
    Monsieur le président, on a connu les culottes à Vautrin, maintenant on connaît le manteau à Paradis. Ce sera intéressant pour les nouvelles de ce soir.
    J'aimerais poser quelques questions. Monsieur Sauvé, je vais faire comme dans Les Francs-tireurs: je poserai mes questions en rafale.
    Pour vous, la somme de 140 000 $ constitue-t-elle un pot-de-vin?
(1020)
    Non.
    Vous avez payé quelqu'un afin d'avoir un contrat, mais ce n'est pas un pot-de-vin.
    J'ai payé un lobbyiste qui n'était pas un lobbyiste.
    Par contre, vous saviez que cet argent irait à différentes personnes.
    Je me doutais que cet argent pouvait être distribué, car il l'affirmait lui-même.
    M. Côté vous a-t-il dit qu'il parlait de ce dossier à son ministre?
    M. Côté a mentionné qu'il y avait de grands désaccords et qu'une montagne nous séparait d'un véritable libre-échange entre le Québec et l'Ontario, à cause des mesures législatives liées au domaine de la construction. Il a dit qu'il allait tenter d'aborder le dossier, mais je ne pourrais pas affirmer qu'il n'a pas mentionné le nom de son ministre.
    Avez-vous parlé spécifiquement de votre contrat à M. Côté?
    Oui.
    Vous a-t-il dit qu'il en parlerait à son ministre?
    Je ne me souviens pas qu'il ait dit ça.
    Parlons de la tentative de remboursement pour le manteau. Vous n'avez eu que 180 secondes. D'autres ont 3 600 secondes d'extase, mais vous n'en avez eu que 180. Avez-vous parlé de votre contrat à M. Carrière? Quelqu'un dans le bureau de M. Paradis est-il au courant de votre...
    À défaut d'avoir l'oreille de M. Paradis, puisqu'il était accaparé par les frères Broccolini et occupé à manger une assiettée de pâtes, en arrière, sur la table de pique-nique, je me suis adressé à son aide de camp, celui qui m'a rappelé pour me parler du manteau le lendemain. Je lui ai parlé des grandes difficultés que l'on avait à faire valoir nos droits, en tant que Québécois et en tant qu'entrepreneurs, sur la Colline du Parlement. Nos méthodes, qui sont inspirées d'Europe ou d'ailleurs, n'étaient pas du tout les bienvenues.
    Selon vous, le ministre Paradis avait-il été mis au courant de votre contrat par Marc Carrière?
    J'espère que oui.
    Pensez-vous que Gilles Prud'Homme, qui vous a demandé d'organiser le cocktail en guise de remerciement, est près du milieu de la construction?
    Il me semble être un colporteur. Je pense qu'il a certains contacts dans l'industrie, en effet.
    Selon vous, il a donc des liens avec le milieu de la construction.
    Tout à fait.
    Dans votre présentation PowerPoint, vous avez parlé d'un pot-de-vin de 3 p. 100. Les entrepreneurs doivent, en guise de remerciement, organiser et participer à des activités de financement. Vous avez donc dû payer 3 p. 100 du contrat de 8,9 millions de dollars.
    C'était ainsi que calculait M. Varin, en effet.
    C'est ce que représente la somme de 300 000 $, n'est-ce pas?
    C'est ça.
    Vous avez payé 140 000 $.
    C'est exact.
    Vous avez parlé de la compagnie ARCOP. Selon vous, le gouvernement conservateur a-t-il un système pour attribuer les contrats de TPSGC, notamment, sur la Colline du Parlement?
    Le système est complètement aberrant.
    Je ne veux pas savoir s'il est aberrant, je veux savoir si vous pensez qu'il y a un système.
    Je crois que oui.
    Les gens de ARCOP viennent de l'Ontario, de Toronto plus précisément.
    La compagnie ARCOP est basée à Montréal, mais a des bureaux partout au pays.
    Vous a-t-on dit que le club de remerciement des conservateurs organisait d'autres cocktails de financement?
    M. Prud'Homme semblait indiquer qu'il devait y avoir d'autres événements, que ce serait utile qu'il y en ait d'autres.
    Vous a-t-on dit à quel endroit?
    Après l'histoire du manteau...
    Il n'y avait plus de service au numéro composé.
    Je n'avais plus envie de spaghetti.
    Ni de cachemire.
    Non plus.
    Vous a-t-on demandé d'organiser une campagne de financement pour M. Paradis dans la circonscription de Mégantic—L'Érable?
    Non.
    Vous avez donné une somme de 1 000 $ à M. Pichet. Était-ce en guise de remerciement?
    C'était une contribution. Je ne pourrais pas dire si c'était en guise de remerciement.
    Quand vous lui avez donné cette somme, était-ce pour le remercier ou pour l'encourager?
    Ça faisait partie de ce que l'on devait faire lors de cet événement, ce soir-là. Il fallait faire un chèque et j'ai fait ma contribution.
    Vous avez organisé un souper avec André Boisclair. Avez-vous aussi financé le Parti québécois ou le Bloc québécois?
    Je n'ai pas financé le Parti québécois. André Boisclair m'a demandé, il y a plusieurs lunes, de lui donner un coup de pouce. J'ai reçu une trentaine d'invités chez moi, à ma résidence.
    Des gens qu'on connaît?
    Merci, monsieur Coderre.
    Merci, monsieur Sauvé.

[Traduction]

    Monsieur Calandra, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Vous savez, il y a beaucoup d'incohérences dans tout ce que vous dites. Tout à l'heure, au début de votre témoignage, vous avez dit que vous ne le connaissiez pas. Apparemment, vous n'aviez pas d'ordinateur pour chercher sur Google qui était M. Varin, mais par la suite vous nous avez dit qu'il avait une certaine réputation.
    Vous essayez de nous faire croire que vous n'êtes qu'un pauvre petit entrepreneur, pas trop regardant sur l'éthique, qui n'a pas hésité une seule seconde à graisser des pattes par-ci par-là, jusqu'à ce que vous vous fassiez prendre. Maintenant que vous vous êtes fait prendre, vous vous présentez devant notre comité pour déballer toute votre affaire en prétendant que « tout le monde m'a fait du tort, mais c'est seulement parce que je me suis fait prendre en train de faire une chose stupide ».
    La seule preuve que vous nous ayez donnée aujourd'hui démontre que vous vous êtes fait rouler par quelqu'un qui a empoché vos 120 000 $, et qui, selon vos propres termes, est un lobbyiste sans en être un.
    À qui, au ministère des Travaux publics, M. Varin a-t-il donné de l'argent?
(1025)
    Je ne me suis pas fait prendre à faire quoi que ce soit.
    Ma question est qui...?
    Monsieur le président, pourriez-vous vous assurer qu'il réponde à ma question?
    Je vous prie de reformuler vos remarques.
    Monsieur Calandra, il serait raisonnable que vous laissiez le témoin répondre à votre première question, qui a duré environ une minute et 15 secondes. Laissez M. Sauvé répondre à la première question d'abord, puis vous pourrez réagir.
    Ma première question était la suivante: à qui, au ministère des Travaux publics, M. Varin a-t-il donné de l'argent pour vous faire obtenir le contrat?
    Je ne peux pas vous répondre.
    Avez-vous la preuve qu'il a donné de l'argent à qui que ce soit à Travaux publics?
     Non.
    Quel est le nom de l'adjoint du bureau du ministre Paradis qui vous a demandé 5 400 $ pour le manteau?
    C'était un jeune homme qui...
    Quel est son nom?
     Monsieur, j'ai répondu...
    Je ne vous demande que son nom.
    J'ai déjà dit que je ne me souvenais pas de son nom, mais que c'était un adjoint du Ministre. Il est entré au restaurant avec lui et en est ressorti avec lui.
    Mais vous n'avez ni son nom, ni sa carte, rien.
    Il m'a donné sa carte, mais...
    Vous l'avez perdue.
    Non, je crois que je l'ai encore dans mes dossiers. Comme j'ai pensé que c'était un sous-fifre, je n'ai pas jugé bon de retenir son nom.
    Mais malgré tout, vous vous êtes senti insulté lorsque ce sous-fifre vous a apparemment demandé de payer 5 400 $. Un sous-fifre vous demande quelque chose, et vous en faites toute une montagne. Vous avez organisé un cocktail. Vous avez été vexé de ne pas avoir la chance de parler avec le ministre, mais vous avez invité toutes sortes de gens qui semblent avoir bien profité de votre générosité. Vous vous êtes fait rouler par un type qui n'a jamais été membre du parti, et qui, selon vos propres termes, était un lobbyiste sans en être un.
    Manifestement, ce qui s'est passé, c'est que, plutôt que de miser sur l'excellente réputation que votre père et votre grand-père ont su donner à votre entreprise, vous avez préféré céder à la panique et vous embarquer... Parce que vous n'avez pas remporté l'appel d'offres ou que vous avez été déçu par la façon dont les libéraux vous ont traité en 1994, vous vous êtes dit qu'il y avait peut-être une façon différente de faire les choses. Et en fait, vous avez constaté qu'à cause de la Loi fédérale sur la responsabilité et des changements apportés par notre gouvernement, ça ne vous amenait nulle part.
    J'ai lu dans un article que vous vouliez être candidat dans Outremont. C'est vrai?
    Monsieur Calandra, quelle est votre question?
    J'ai lu dans un article que vous vouliez être le candidat libéral dans Outremont. C'est vrai?
    Ma famille s'est intéressée à plusieurs causes dans le passé. Comme je l'ai déjà dit, j'ai été pressenti, tout comme les membres de ma famille, par tous les partis, parce que nous sommes des gens d'affaires connus de Montréal.
    Qui vous a pressenti pour être le candidat libéral à Outremont?
    L'organisation locale.
    Quel est le nom de la personne qui vous a contacté?
    Je ne m'en souviens pas — Mme Dufresne, peut-être.
    Avez-vous eu l'occasion de parler à M. Coderre, qui était le lieutenant libéral à l'époque?
    Bien sûr.
    Vous a-t-il encouragé à vendre des cartes de membre?
    Jamais.
    Je sais que la tradition libérale est de nommer les candidats. Allaient-ils vous nommer candidat libéral?
    M. Cauchon, qui jouit d'une grande réputation, envisageait à ce moment-là de ne pas revenir en politique. C'était donc une perspective réelle. Mais maintenant, avec du recul, je ne suis pas sûr que ç'aurait été une bonne décision. Je suis donc content que les choses se soient passées ainsi et que j'aie pris la décision de rester dans le secteur de la maçonnerie.
    Cela répond-il à votre question?
    Avez-vous rencontré M. Garneau?
    Non.
    Qui d'autre avez-vous rencontré au Parti libéral? Avez-vous fait des dons au Parti libéral?
    J'en ai probablement fait dans le passé, mais M. Coderre est le seul député que j'ai rencontré au cours des dernières années.
    M. Martin veut invoquer le Règlement.
    Au Canada, vous n'avez pas à dire à qui que ce soit à qui vous versez des dons politiques ou à quel parti politique. C'est indigne de mettre les gens sur la sellette de cette façon.
    Vous n'avez pas à rudoyer le témoin à cause de ses affiliations politiques. J'estime que votre interrogatoire est inapproprié.
(1030)
    Je ne pense pas que cela constitue un rappel au Règlement, monsieur Martin.
    Monsieur Calandra, il vous reste 20 secondes.
    Permettez-moi de résumer la situation, monsieur Sauvé. D'après tout ce que vous nous avez dit aujourd'hui, avec toutes les incohérences de votre témoignage, je me réjouis que vous ne soyez pas ici à titre de député car, monsieur Sauvé, je m'attends à un niveau plus élevé...
    Je voudrais invoquer le Règlement.
    ... de la part de ceux qui comparaissent devant nous. Je ne m'attends pas à accueillir des gens qui essaient de graisser la patte de quiconque pour obtenir...
    Monsieur Calandra, je vous en prie.

[Français]

    Je trouve totalement inacceptable que M. Calandra et les conservateurs tentent de salir la réputation d'un témoin qui, d'après ce que je sais, a prêté serment. Il est ici de bonne foi et répond aux questions. On peut ne pas être d'accord — et je sais que la vérité vous fait mal parce que vous êtes pris là-dedans jusque par-dessus la tête —, mais ça ne donne rien de salir la réputation des gens.

[Traduction]

    Merci, monsieur Calandra.
    Merci, monsieur Coderre.
    Monsieur Calandra, c'est mon devoir de maintenir l'ordre dans ce comité. C'est la deuxième réunion consécutive où vous faites des commentaires irrecevables. Voilà ma décision. Vous n'avez plus la parole.
    M. Paul Calandra: J'invoque le Règlement
    Le président: Vous n'avez pas la parole.
    Je la donne à M. Regan.
    Merci beaucoup, monsieur le président...
    J'invoque le Règlement.
    Vous n'avez pas la parole.
    Monsieur Regan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Sauvé, vous avez parlé de M. Claude Sarrazin, qui fait partie du conseil d'administration de LM Sauvé. S'agit-il du même Claude Sarrazin qui est président de SIRCO Enquête et protection?
    Oui.
    Et qui a aussi des liens avec une entreprise qui s'appelle Formica?
    Pas que je sache.
    Non?
    Non.
    Ça doit être une autre personne.
    Je n'en sais rien.
    Vous n'en savez rien. Très bien, merci.
    Je vous ai demandé tout à l'heure, et vous avez accepté, de nous fournir une copie de tous les courriels que vous aviez échangés avec le ministère des Travaux publics au sujet de la rénovation de l'édifice de l'Ouest. Pourriez-vous également remettre à notre comité une copie des courriels que vous avez échangés avec des consultants au sujet de ce projet?
    Bien sûr.
    Merci beaucoup.
    D'après ce que j'ai compris, M. Prud'homme est ou était président de l'association de circonscription de Bourassa pour le Parti conservateur. Autrement dit, une fois que vous avez obtenu le contrat de 10 millions de dollars... en fait, c'était lui qui s'occupait des campagnes de financement dans cette circonscription, et il vous a demandé d'organiser une activité de financement en échange du contrat de 10 millions que vous veniez d'obtenir avec Travaux publics. C'est comme ça que vous l'interprétez?
    Pouvez-vous répéter votre question?
    Très bien. Reprenons les choses au début. Une fois que vous avez obtenu le contrat de 10 millions de dollars pour faire des travaux de restauration à l'édifice de l'Ouest, vous avez été approchés par M. Prud'homme, président de l'association de circonscription et évidemment responsable des activités de financement. Il vous a demandé de faire des campagnes de financement pour la circonscription, d'organiser des activités à cette fin, en échange du contrat de 10 millions de dollars que vous avait octroyé Travaux publics.
    L'objectif était d'aider le ministre Paradis et la circonscription de Bourassa à augmenter leurs ressources financières.
    En quelque sorte, c'était une façon de dire merci pour le contrat.
    On peut l'interpréter de cette façon, en effet.
    Avez-vous dit que M. Paradis était présent et qu'il savait que les gens qui étaient là étaient des entrepreneurs qui participaient à des projets du gouvernement?
    Vous savez, la salle était remplie d'entrepreneurs, d'architectes et d'ingénieurs. C'était assez évident.
    Vous vous êtes demandé qui inviter à ce cocktail; comment vous y êtes-vous finalement pris?
    En fait, j'ai parcouru mon Rolodex pour savoir qui pourrait être intéressé à y assister et qui serait le plus susceptible d'y contribuer.

[Français]

    Je vais céder la parole à mon collègue.

[Traduction]

    Monsieur Coderre.

[Français]

    Monsieur Sauvé, j'ai ici la liste des contributeurs de l'association de comté conservatrice de la circonscription de Bourassa pour l'année 2009. Évidemment, tout est relié à l'événement. Je vais vous donner des noms et j'aimerais que vous me disiez si ça vient de vous.
     Patrick Bellemare?
    C'est un entrepreneur en construction.
    Est-ce vous qui l'avez appelé?
    C'est M. Varin qui l'a appelé.
    Jean-François Brière?
    C'est un avocat.
    C'est vous qui l'avez appelé?
    C'est moi, en effet.
    M. Alfred Cere?
    C'est un gestionnaire immobilier.
    C'est vous qui l'avez appelé?
    Oui.
    Éric Champagne?
    C'est un architecte.
    C'est vous qui l'avez appelé?
    Oui.
    Votre affaire fonctionnait vraiment bien.
    Howie Clavier?
    Il est architecte et avocat. Il était médiateur dans le cadre du projet. C'est moi qui lui ai téléphoné.
    Et il a accepté avec plaisir?
    Oui.
    M. Richard Courchesne?
(1035)
    À l'époque, il était contrôleur de la comptabilité et directeur financier dans notre entreprise.
    Cameron Forbes?
    C'était le couvreur qui s'occupait du toit de la tour de l'édifice de l'Ouest du Parlement.
    Salvatore Gagliardi?
    Ce nom ne me dit rien.
    Ça ne vient pas de vous?
    Je ne pense pas.
    D'accord.
    Roland Gendron?
    Ce nom ne me dit rien.
    Alexandra Généreux?
    C'était une employée à l'époque.
    Julia Gersovitz?
    C'était l'architecte du projet.
    D'accord.
    Glouberman, il est de ARCOP. C'est bien cela?
    C'est cela.
    Ghislain Houde?
    Ce nom ne me dit rien.
    Jacques Marquis?
    C'était le gestionnaire du portefeuille de la société d'assurances La Capitale, L'Unique.
    D'accord. Et c'est courant que quelqu'un qui se porte caution pour un autre puisse aussi participer?
    Oui.
    Laurent Maurize?
    Ce nom ne me dit rien.
    D'accord.
    André Plourde?
    C'est un gestionnaire immobilier.
    Judith Renaud?
    Ce nom ne me dit rien.
    Nathalie Robitaille?
    Ce nom ne me dit rien non plus.
    Franco Servello?
    Ce nom ne me dit rien.
    Arthur Steckler?
    Je crois que c'est un professionnel quelconque du domaine de la construction, mais je ne pourrais pas vous le dire avec certitude.
    D'accord.

[Traduction]

    J'aimerais poser une autre question.
    Il vous reste 15 secondes.
    Merci, monsieur le président.
    Qu'est-ce qui vous a amené à croire que vous aviez besoin d'embaucher M. Varin?
    Qu'est-ce qui m'a amené à croire...?
    Qu'est-ce qui vous a amené à croire que vous aviez besoin d'embaucher M. Varin pour obtenir un contrat sur la Colline parlementaire?
    Parce que je savais que je n'obtiendrais rien si je n'avais pas un intermédiaire. C'est impossible.
    Qu'est-ce qui vous le faisait penser?
    Merci, M. Sauvé et M. Regan.
    Monsieur Warkentin, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vais continuer dans la même veine.
    Monsieur Sauvé, votre version des faits a changé. Je sais que M. Gourde vous a posé des questions au sujet de l'article paru en 2008... dans le journal Le Devoir, sous la plume de Claude Turcotte. Dans cet article, vous dites, et on vous cite, que vous avez obtenu le contrat sur la Colline sans aucune interférence politique. Cela concorde avec tous les témoignages crédibles que nous avons entendus ici.
    Votre version des faits a changé. Peut-être à cause des circonstances dans lesquelles vous vous retrouvez aujourd'hui. Vous cherchez un ennemi. La situation de votre entreprise s'est manifestement détériorée au cours des dernières années. Les choses ont changé pour vous.
    Aujourd'hui, vous cherchez peut-être un ennemi à blâmer pour les contrats que vous avez perdus, pour les difficultés que connaît votre entreprise, laquelle a été édifiée, génération après génération, par votre grand-père et votre père. Vous avez entrepris un tas de choses, que votre père et votre grand-père n'auraient sans doute jamais envisagées. Vous avez essayé par tous les moyens de maintenir votre entreprise à flot. Aujourd'hui, il semble que vous cherchiez à trouver une raison qui expliquerait la situation dans laquelle vous vous trouvez.
    Pourquoi votre version des faits a-t-elle changé depuis 2008, en ce qui concerne l'obtention du contrat sur la Colline parlementaire?
    Monsieur Warkentin, je suis parfaitement serein et tout à fait à l'aise. Très franchement, la meilleure chose qui ait pu m'arriver, à moi, à ma fille, à ma femme et à ma famille, ça a été de me sortir de toute cette mascarade dans le secteur de la construction.
    M. Chris Warkentin: Très bien...
    M. Paul Sauvé: Laissez-moi finir. Vous m'avez posé une question interminable...
    Je vous ai posé une question précise sur...
    ... qui nécessite une réponse précise.
    J'y arrive.
    Très bien. Le plus tôt sera le mieux, car je n'ai que cinq minutes.
    Si je n'avais pas fait ce que j'ai fait, c'est-à-dire si je n'avais pas dénoncé la brutalité et le comportement carrément incroyable dont font preuve de plus en plus de personnes dans l'industrie de la construction au Québec aujourd'hui, je ne serais pas ici. J'ai fait ce que je...
    Certes, et je l'apprécie à sa juste valeur.
    Non, laissez-moi terminer.
    Mais ce n'est pas l'objectif de notre réunion d'aujourd'hui.
    L'objectif est de répondre à votre question, monsieur.
    C'est exact. J'aimerais donc savoir si vous démentez aujourd'hui ce que vous disiez dans Le Devoir en 2008?
    Je peux vous donner une copie de l'article.
    Monsieur, si vous croyez tout ce que vous lisez et qui a été interprété par une tierce partie... Je ne sais même pas ce qui est écrit dans cet article.
    L'article cite vos propos, quand vous dites que l'obtention de votre contrat n'est due à aucune interférence politique.
    Je ne vois pas à quoi le journaliste fait allusion. Tout ce que je sais, c'est que nous avons embauché Varin. Nous l'avons payé, nous avons été retenus sur la liste restreinte et nous avons finalement eu le contrat. C'est tout ce que je sais.
    Et vous étiez le plus bas soumissionnaire. De plus, vous avez prétendu être qualifié, et Travaux publics a jugé que vous étiez qualifié.
    Monsieur, nous sommes qualifiés, encore aujourd'hui. La Couronne a choisi de nous remplacer par une société de cautionnement qui ne réussit même pas à finir les travaux.
    Bien.
    Le projet de l'église Saint-James a eu un dépassement de budget de 4,5 millions de dollars. À combien le projet initial se chiffrait-il?
(1040)
    Le chiffre réel est de 4,7 millions de dollars.
    Bien. À combien le projet initial se chiffrait-il?
    Autour de 5 millions de dollars.
    Bien. Donc, le coût a pratiquement doublé par rapport à votre devis initial...
    Les circonstances qui ont entouré le contrat de construction... Il y avait toutes sortes de vices cachés, des réservoirs de mazout que l'église avait dissimulés, des tunnels qui servaient à transporter de l'acier de la ville aux bâtiments...
    C'est donc un autre exemple de... Vous savez, vous balancez toutes sortes de chiffres. Vous avez prétendu que Travaux publics n'avait pas respecté le secret de l'appel d'offres. Et quand le ministère vous donne toutes les informations nécessaires, vous appelez ça de la paperasserie bureaucratique, et vos prix augmentent. Et pour le contrat à propos duquel on vous a caché certaines choses, vous avez doublé vos coûts.
    Alors je ne sais pas vraiment... Il y a tellement de choses à propos desquelles il faudrait qu'on ait une bonne discussion. Vous comparaissez devant nous en qualité de spécialiste de la construction, mais le projet que vous avez réalisé il y a peu de temps a vu son budget doubler entre le début et la fin des travaux.
    Monsieur, le projet de l'église Saint-James n'a rien à voir avec les édifices du Parlement...
    Dans ce cas, pourquoi cela faisait-il partie...? Ça faisait partie de votre...?
    Puis-je répondre à la question? Vous êtes très arrogant. Me permettrez-vous de répondre à la question, oui ou non?
    La Couronne a étudié en long en large et en travers tous les moindres recoins des édifices du Parlement et s'est employée à définir minutieusement chacune des étapes de tout ce processus.Vous me suivez? Or, malgré une kyrielle d'études et de travaux d'architecture et d'ingénierie qui ont duré des années, on s'est retrouvés avec une clé à molette et des plans erronés pour faire le travail.
    Le projet de l'église Saint-James n'a rien à voir avec ça. Dans ce cas-là, l'église, ou son représentant, avait délibérément caché des informations concernant des sols contaminés, des tunnels et bien d'autres problèmes qui nous ont fait largement déborder du cadre original de notre mandat. Nous avons mené le projet à son terme, de façon honorable, et le résultat est une véritable merveille. Malgré le dépassement de budget, je suis très fier d'avoir participé à ce projet.
    M. Chris Warkentin: Nous allons entendre le témoignage de fonctionnaires de Travaux publics...
    Merci, monsieur Warkentin. Je regrette, mais vos cinq minutes sont écoulées.
    J'aimerais maintenant, au nom du comité, remercier M. Sauvé et M. Dorval d'être venus nous rencontrer. Je sais que les discussions sont parfois houleuses, mais je vous remercie d'être venus.
    Au nom du comité, je vous présente nos condoléances pour le décès de votre père.
    Oui, monsieur Warkentin.
    Je constate que, d'après l'avis de convocation, nous sommes censés siéger maintenant à huis clos. Je propose que nous poursuivions notre discussion en public.
    Cela me convient. Cela vous convient-il à tous?
    Merci encore d'être venus. Puisque les témoins sont sur le départ, nous allons passer immédiatement à la rubrique travaux du comité.
    Chers collègues, j'aimerais... Je suspends la séance pendant 30 secondes.

    Allons-y. Nous avons trois questions à régler. La première concerne le rapport du sous-comité. Je ne pense pas qu'il suscite de controverse.
    L'un d'entre vous veut-il proposer l'adoption du rapport du sous-comité? La motion est proposée.
    Avez-vous quelque chose à dire au sujet du rapport du sous-comité? Il est adopté?
    Des voix: Adopté.
    Le président: Nous devons maintenant examiner la motion de M. Regan. Elle est recevable et a été déposée dans les délais. M. Regan désire prendre la parole.
    Monsieur le président, j'aimerais que vous mettiez la motion aux voix.
    Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire?
(1045)
    J'aimerais proposer un amendement.
    Un amendement à la motion?
    Un amendement tout à fait amical, monsieur le président, puisqu'il s'agit de supprimer tout ce qui vient après « le 24 novembre 2010 ».
    Autrement dit, la motion reste telle quelle, sauf qu'on supprime « le comité permet aussi au président de prendre toutes les mesures nécessaires, incluant l'émission d'une assignation à comparaître, pour s'assurer que... ».
    Vous voulez supprimer tout ça?
    Oui.
    Pour que le comité...
    Je peux proposer amicalement un amendement, si vous le permettez.
    Et quelle est la deuxième partie?
    La motion dit que « le comité ordonne à la Police provinciale de l'Ontario de lui fournir les détails de tous ses coûts associés au sommet du G8 et du G20... ». Trois lignes après, à la dernière ligne, la motion dit que « le comité ordonne que cette information soit fournie en format papier et électronique avant 14 h le mercredi 24 novembre 2010 ».
    Compte tenu de l'amendement de M. Coderre, la motion s'arrêterait là.
    C'est ça.
    Monsieur Warkentin.
    J'ai plusieurs choses à dire.
    Il nous semble aujourd'hui évident à tous que, étant donné que ces informations ne sont pas disponibles immédiatement, la date du 24 novembre n'est certainement pas raisonnable. D'après ce que nous a dit la Police provinciale de l'Ontario, ces informations n'ont pas encore été compilées et, par conséquent, il lui sera impossible de nous les fournir dans les délais indiqués dans la motion. Je pense donc que nous allons devoir changer soit la date soit le type d'informations auquel nous devrons nous attendre.
    Par ailleurs, il faudrait absolument, si nous voulons faire toute la lumière sur la question, que la motion inclue la comparution du représentant du cabinet provincial, Rick Bartolucci, le ministre qui a en fait signé le contrat — puisque, bien sûr, aucun agent de la police provinciale n'a signé le contrat —, afin qu'il nous explique pourquoi ce sont les dates ont été retenues dans le contrat. Je pense qu'il est indispensable que nous entendions un représentant du gouvernement provincial — et c'est le ministre Rick Bartolucci qui a signé le contrat —, afin que nous sachions si c'est lui qui a choisi les dates ou si elles leur convenaient. Je pense qu'il est important que nous les entendions.
    Je suppose que la convocation de M. Rick Bartolucci ne constituerait pas un amendement proposé amicalement, n'est-ce pas?
    Pouvons-nous commencer par voter sur le premier amendement? Sommes-nous d'accord pour accepter l'amendement amical qui vise à supprimer tout ce qui vient après le 24 novembre?
    Le parrain de la motion l'a déjà accepté, par conséquent cette étape est franchie.
    Monsieur le président, nous pourrons discuter plus tard de la possibilité de convoquer d'autres témoins, en comité de direction ou en comité plénier, mais pour le moment, tenons-nous en...
    Êtes-vous prêts à adopter cet amendement?
    Non.
    Monsieur le président, la Police provinciale de l'Ontario a indiqué qu'elle sera en mesure de fournir ces informations d'ici au 1er décembre. Le comité a déjà adopté deux motions — une en septembre et une autre depuis — pour réclamer ces informations. Tous les autres ministères nous les ont fournies. Nous avons reçu celles de la GRC, celles de la police de Toronto, celles du SCRS, etc., et j'ai du mal à croire qu'ils vont pouvoir nous les fournir pour le 1er décembre s'ils ne peuvent pas les avoir pour le 24 novembre, soit sept jours plus tôt. J'ai encore plus de mal à comprendre pourquoi ils ne peuvent toujours pas nous fournir des informations.
    Vous avez lu la lettre de la Police provinciale de l'Ontario, où ils disent que ces informations seront fournies pour le 1er décembre. Ils ne disent pas qu'elles ne seront pas fournies avant cette date. Il y a peut-être un problème de crédibilité de part et d'autre, mais c'est là la réponse que nous avons de la Police provinciale de l'Ontario.
    À titre d'information, pourriez-vous me dire ce que cette motion ajoute ou enlève à la motion précédente, à part la date?
    La motion oblige la Police provinciale de l'Ontario à nous fournir ces informations, monsieur le président.
    Bien. Merci.
    Monsieur Warkentin.
    J'allais poser la même question, monsieur le président. En fait, cette motion est inutile, puisque le comité en avait déjà adopté une qui réclame foncièrement la même chose. Bien sûr, nous ne l'avions pas appuyée car elle nous paraissait déraisonnable.
    La Police provinciale de l'Ontario s'est engagée à nous fournir ces informations, mais étant donné qu'elle ne les a pas encore compilées, il lui est impossible de nous les transmettre.
    Cela dit, j'estime que cette motion est inutile. Cela revient à faire de la politicaillerie avec une force de police, laquelle est une entité indépendante, à mon avis, et une entité honorable. J'estime également qu'elle est sans reproche, et qu'il est présomptueux de laisser entendre qu'elle a d'autres raisons, que ce n'est pas parce que ces informations ne sont pas disponibles qu'elle ne les transmet pas. Si les députés des autres partis estiment que la police retient ces informations pour d'autres raisons — et ça me semble être la seule justification de cette motion —, s'ils ont d'autres explications... Tant qu'on ne m'expliquera pas la raison d'être de cette motion, sans pour autant répéter ce qui a déjà été dit, je voterai contre.
(1050)
    Monsieur Regan.
    Il y a une distinction à faire entre cette motion et la motion précédente. Auparavant, on « demandait » ces informations, aujourd'hui nous ordonnons qu'elles nous soient communiquées. C'est en notre pouvoir, car le Parlement est le tribunal suprême du pays.
    Deuxièmement, nous ne savons évidemment pas ce qui arrivera le 1er décembre. Certes, nous savons que le gouvernement va recevoir ces informations le 1er décembre, mais il décidera peut-être de les garder pour lui pendant des mois. C'est pour cela qu'il est important que nous puissions mettre la main dessus.
    Y a-t-il d'autres interventions?
    Monsieur Calandra.
    Je tiens simplement à consigner au compte rendu que je voterai bien sûr contre la motion. À part vous, monsieur le président, je suis ici le seul député de l'Ontario, et j'estime qu'il est présomptueux de notre part de laisser entendre que la Police provinciale de l'Ontario est une organisation corrompue, qui cherche à tromper le Parlement.
    Je me porterai toujours à la défense des membres de la Police provinciale de l'Ontario, qui sont de bonnes personnes et qui nous ont donné un témoignage extraordinaire au sujet de l'excellent travail qu'ils ont accompli pendant le G8 et le G20. Quand je pense que certaines personnes osent prétendre que la police, pour des raisons inavouables, retient délibérément des informations... C'est facile pour des députés d'autres régions du pays de se lancer dans une telle campagne de salissage, mais ceux d'entre nous qui représentent des circonscriptions de l'Ontario sont très fiers de leur police provinciale, et ils sont convaincus qu'elle nous fournira les informations que nous lui avons demandées. C'est le contrat qu'a signé le ministre provincial libéral, des mois avant le G8 et la G20.
    Nous sommes tous fiers de la Police provinciale de l'Ontario.
    Y a-t-il d'autres interventions? Nous allons d'abord voter sur l'amendement, l'amendement amical. Je mets aux voix la motion principale.
    Je réclame un vote nominal.
    Nous allons avoir un vote nominal sur la motion principale qui vous a été lue. Tout le monde a bien entendu le texte de cette motion? Bien.
    Monsieur le greffier, je vous prie de procéder à l'appel.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Pour terminer — nous n'avons plus beaucoup de temps.
    Monsieur Martin, je sais que vous avez hâte de ressusciter votre motion, qui a déjà été présentée devant notre comité mais dont on n'a pas, je crois, discuté. C'est bien cela?
    Non, vous vous trompez. Elle a déjà été adoptée.
    Très bien.
    Et la motion vous invitait à en faire rapport au Parlement. Nous recommandons humblement que le gouvernement impose un moratoire sur tous les contrats de construction associés à la Colline parlementaire.
    Je constate que vous avez rédigé un deuxième rapport au nom du comité, mais que vous n'y faites toujours pas la moindre allusion à une motion qui a été adoptée en bonne et due forme par notre comité.
    Veuillez m'excuser, monsieur Martin, mais le greffier me dit que le président n'a pas été expressément invité à en faire rapport à la Chambre. Je me trompe peut-être, mais si vous voulez que nous en rediscutions, nous pourrons le faire dès jeudi prochain.
    Non, je n'ai pas l'intention de remettre la question sur le tapis.
    Par quel autre moyen un comité peut-il recommander au gouvernement d'imposer un moratoire si ce n'est par un rapport de son président à la Chambre? Je n'ai pas l'intention de déposer un autre avis de motion pour présenter une motion que j'ai déjà présentée en bonne et due forme et qui a déjà été adoptée. J'ai l'impression que vous ne voulez pas respecter la volonté du comité.
    Le greffier est en train de m'expliquer quel est le moyen le plus approprié pour le faire. Il faut que le comité invite le président à déposer un rapport à la Chambre.
(1055)
    C'est ce que la motion était censée faire. Mettons-la aux voix. Nous allons vous y inviter dès maintenant. Rendons l'objectif de la motion encore plus clair en la mettant aux voix immédiatement.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Monsieur le président, M. Martin a raison. J'avais fait la proposition et M. Martin avait ajouté une période de moratoire. Nous avions l'impression que vous alliez en aviser la Chambre. Nous vous demandons de le faire, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Bien.
    Il semble y avoir des petits problèmes de communication entre le président et le comité.
    Les membres du comité veulent-ils que je fasse rapport de la motion de M. Martin à la Chambre?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Puisqu'il n'y a pas d'opposition, c'est ce que nous allons faire. Merci.
    La séance est levée.
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