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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 mars 1998

• 1530

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux, mais je pense que nous devons commencer si nous voulons respecter l'horaire.

Comme vous le savez, votre groupe dispose de 30 minutes pour présenter son exposé. Le comité préfère que l'exposé soit plus court de manière à avoir plus de temps pour les questions, mais c'est à vous de décider comment vous allez utiliser ces 30 minutes.

Nos premiers témoins représentent l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

Steve, pouvez-vous nous expliquer comment vous avez décidé de procéder?

M. Steve Hindle (président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Eh bien, madame la présidente, je vais présenter l'exposé principal et mes collègues m'aideront à répondre aux questions, en particulier celles qui seront de nature plus technique.

Je vous remercie d'avoir accepté d'entendre l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada au sujet des changements que se propose d'apporter le projet de loi C-19 au Code canadien du travail.

Mais avant d'aller plus loin, j'aimerais présenter M. Michel Gingras et M. Andy Zajchowski, qui sont tous deux des négociateurs appartenant à notre personnel de négociation collective. Comme je l'ai dit, leurs compétences techniques leur permettront de répondre aux questions plus pointues.

Nous applaudissons à l'initiative du gouvernement de réviser le Code canadien du travail et nous appuyons de manière générale les modifications apportées par le projet de loi C-19. Nos réserves se limitent à cinq secteurs que nous évoquons dans notre mémoire ainsi qu'aux problèmes que pose désormais la question des compétences en matière de relations de travail à la suite de la transformation de certains services du gouvernement fédéral en agences situées à l'extérieur du secteur traditionnel de la fonction publique.

L'Institut professionnel représente 33 000 professionnels et scientifiques qui travaillent pour la plupart dans le secteur public du gouvernement fédéral, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba. Jusqu'à présent, ces employés relevaient pratiquement exclusivement de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique à l'échelon fédéral et de lois analogues dans le cas des employés des gouvernements provinciaux. Cette situation est en train d'évoluer en raison de la mise en oeuvre des processus de réduction des effectifs, de transfert des responsabilités et de création d'agences en vertu de la politique gouvernementale privilégiant de nouvelles formules de prestation de services. En conséquence, les changements apportés au Code canadien du travail revêtent une importance accrue pour l'Institut dont les membres sont de plus en plus nombreux à relever du Code.

Le premier point concerne le droit d'être entendu. Le projet de loi propose de modifier les pouvoirs du Conseil canadien des relations industrielles afin d'ajouter une nouvelle disposition autorisant le conseil à se prononcer sans tenir d'audience.

Tout au long du projet de loi C-19, le droit antérieur des parties «à être entendu» dans les diverses affaires examinées par le conseil est remplacé par un droit à «présenter des observations». Les nombreux changements contenus dans le projet de loi C-19 visent à simplifier les travaux du conseil en ce qui a trait au Code et à fournir un service plus rapide et plus efficace aux parties. L'Institut appuie fortement cet objectif général.

En revanche, nous craignons que le paragraphe 16(1) et les modifications connexes amènent le conseil à accepter rarement ou même jamais la demande légitime d'une partie de tenir une audience avant de prendre une décision, même si des témoignages et des plaidoyers oraux sont indispensables à une procédure de recours.

Pour cette raison, l'Institut propose que le paragraphe 16(1) soit modifié afin d'exiger que le conseil tienne une audience à la demande d'une partie, lorsque cela paraît raisonnablement justifié. Autrement dit, il n'est pas facile de contre-interroger un document écrit.

En ce qui a trait au scrutin secret obligatoire pour décider du déclenchement d'une grève, le gouvernement propose dans le nouvel article 87.3 de codifier les procédures obligatoires qu'un syndicat doit suivre afin d'obtenir un mandat de grève de la part des employés qu'il représente dans une unité de négociation. Le projet de loi C-19 exige la tenue d'un vote au scrutin secret dans les 60 jours précédant le début d'une grève. Le Conseil canadien des relations industrielles aura le pouvoir d'examiner toutes les plaintes relatives au déroulement du scrutin réalisé par le syndicat et d'intervenir si la grève ne se conforme pas aux exigences qu'on se propose d'inclure dans le Code.

L'Institut n'a pas noté de problèmes réels et persistants dans les processus appliqués en vertu du Code par les agents de négociation pour envisager une mesure de grève et remet en question l'utilité de cette intervention réglementaire. Jusqu'à présent, le Code a offert une structure relativement neutre d'examen des relations de travail. Les modifications du type proposé au paragraphe 87.3(1) semblent révéler une plus grande ingérence dans les opérations internes d'au moins une des parties, le syndicat. Les décisions de lock-out prises par l'employeur ne seront pas touchées, sauf dans les cas rares de groupements de plusieurs entreprises, alors que les syndicats régis par le Code devront respecter dans tous les cas les exigences concernant le nouveau préavis et le scrutin secret pour les votes de grève.

• 1535

Quant au vote des employés non syndiqués, une caractéristique en particulier de la procédure de vote de grève proposée telle que stipulée par l'article 87.3 présente de graves difficultés. Il s'agit de l'obligation de tenir un scrutin secret parmi les employés de l'unité de négociation plutôt que parmi les employés syndiqués de l'unité de négociation.

L'existence d'un syndicat repose sur sa capacité à obtenir l'appui majoritaire des employés de l'unité de négociation. Le syndicat ne doit pas nécessairement être appuyé par tous les employés, mais il continue d'être tenu par la loi de représenter les intérêts de tous. La formule Rand qui s'applique dans de nombreux milieux de travail canadiens reconnaît cette obligation en exigeant que tous les employés versent leur cotisation au syndicat choisi démocratiquement par l'ensemble des employés concernés. Cette formule essentielle respecte le droit d'un employé à ne pas adhérer au syndicat sans pour autant perdre les avantages et la protection que lui confère une convention collective. Pour sa part, le syndicat n'est pas tenu d'accorder le droit de vote ni d'autres droits de participation aux employés non syndiqués. Ce sont les avantages essentiels dont bénéficient les employés syndiqués et c'est le principal incitatif pour les employés à devenir membres du syndicat.

La modification proposée nuit à l'équilibre délicat instauré par la formule Rand et s'immisce gravement dans les affaires internes du syndicat. Il ne s'agit pas simplement d'une règle isolée qui s'appliquerait dans les cas peu courants de grève. C'est plutôt une disposition qui obligera de nombreux syndicats, dont l'Institut, à modifier leur constitution et leur règlement interne et à changer radicalement la notion d'adhésion.

En outre, l'application intégrale d'une telle règle serait virtuellement impossible. Par exemple, l'Institut est souvent incapable de retracer les employés non syndiqués en raison des renseignements insuffisants fournis par les employeurs et du fait que les employés eux-mêmes insistent souvent pour ne pas être sollicités. Le rapport Sims, Vers l'équilibre, justifie la consultation de tous les employés dans le cadre d'un vote de grève en indiquant qu'une décision fondamentale de ce type nécessite un vote démocratique. Nous rejetons cette insinuation selon laquelle les syndicats ne sont pas démocratiques et nous contestons l'aspect pratique de la modification proposée. Est-ce que les votes de ratification de contrats auxquels participent actuellement les adhérents des syndicats devront aussi être ouverts à tous les employés? À titre de comparaison, est-ce que les membres du comité pensent qu'il serait plus démocratique de demander à tous les Canadiens de participer au choix des candidats et des dirigeants d'un parti politique, quelle que soit leur allégeance politique personnelle?

Par principe et pour des raisons pratiques, l'Institut s'oppose à consulter, dans le cas d'une procédure de vote de grève, les employés qui ont librement et consciemment décidé de ne pas devenir membres du syndicat. Par conséquent, nous demandons instamment au comité de ne pas appuyer l'article 87.3 proposé ou, sinon, de demander que le vote de grève exigé soit tenu auprès de tous les membres syndiqués de l'unité de négociation.

Au cas où cette recommandation ne serait pas acceptée, l'Institut demande respectueusement au comité de pousser plus loin sa réflexion sur la démocratie. Un vote de grève doit être respecté dans la mesure où il répond au voeu de la majorité de tous les employés consultés dans le cadre d'un scrutin démocratique de l'unité de négociation. Pour des raisons de sécurité et de santé publique, aucun employé et aucune autre personne ne devrait, en aucun cas, être autorisé à exécuter les fonctions des employés en grève. Il s'agit là d'une simple déduction du principe démocratique selon lequel un vote majoritaire lie toutes les personnes concernées et non pas seulement celles qui ont voté en faveur de la décision.

J'ai également quelques remarques à faire au sujet des services essentiels. Le projet de loi C-19 propose d'inclure pour la première fois dans le Code canadien du travail des règles concernant les services essentiels. L'article 87.4 proposé et les dispositions connexes exigent que soient définies certaines activités de prestation de services, de fonctionnement d'installation ou de production d'articles qui doivent être maintenues pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public au cours d'une grève ou d'un lock-out. Les employés et les syndicats sont tenus de négocier des attentes concernant de tels services essentiels avant que le droit de grève ou de lock-out puisse s'appliquer. En l'absence d'ententes bilatérales, le nouveau Conseil canadien des relations industrielles a le pouvoir de prendre une décision exécutoire.

• 1540

L'Institut comprend le souci du public de maintenir les services essentiels pour des raisons de santé et de sécurité. Toutefois, nous sommes déçus que le gouvernement juge nécessaire d'inscrire dans la loi un processus que les employeurs et agents de négociation responsables entreprennent déjà volontairement, nous en sommes convaincus. Nous craignons que l'inclusion de dispositions concernant des services essentiels particuliers ajoute inutilement à la rigidité bureaucratique du processus et entraîne une prolifération des cas exigeant l'intervention du Conseil canadien des relations industrielles. L'Institut aurait préféré que le Code se tienne à l'écart de ces questions.

La Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, adoptée par le Parlement en 1996, a amené la création d'une entreprise commerciale à but non lucratif chargée de fournir des services de contrôle de la navigation aérienne au Canada. Cette entreprise est régie par le Code canadien du travail. L'acte de constitution de NAV CANADA contient, des articles 73 à 84, des mesures visant le maintien des services liés aux vols humanitaires ou d'urgence en cas de grève ou de lock-out. Ces dispositions prennent en compte les besoins spéciaux du secteur de l'aviation civile et reçoivent l'appui de l'employeur, des syndicats concernés et du gouvernement.

Le projet de loi C-19 risque d'entraîner une confusion entre les dispositions sur les services essentiels contenues dans le Code canadien du travail et la loi constituant NAV CANADA. Pour remédier à ces problèmes, l'Institut demande au comité de préciser dans le projet de loi C-19 que les articles 73 à 84 de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile doivent respecter les dispositions relatives aux services essentiels du Code canadien du travail.

Pour ce qui est des nouveaux modes de prestation de services, l'approche du gouvernement vise essentiellement, en vue de réduire la taille de la fonction publique, à décentraliser les diverses fonctions en les répartissant entre de nouvelles entités du secteur public et du secteur privé. En vertu de l'initiative privilégiant des modes différents de prestation des services, 6 000 employés ont déjà été transférés à NAV CANADA, tel qu'indiqué plus haut, et relèvent du Code canadien du travail. Les trois autres grands projets de ce type qui ont déjà été établis ou sont en cours d'adoption, sont l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'Agence canadienne des parcs et le projet d'Agence canadienne du revenu.

L'Institut examine ces initiatives avec le Parlement et des représentants du gouvernement dans un certain nombre de tribunes. Toutefois, il y a une question importante concernant le Code canadien du travail que nous devons porter à votre attention. Il s'agit de savoir quel est le droit du travail qui devrait régir les relations de travail dans les nouvelles structures de prestation des services, à mesure qu'elles seront créées.

Le secteur fédéral a le choix entre le Code canadien du travail et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cette dernière s'applique dans les cas où une nouvelle organisation se détache d'un ministère en recevant un statut d'employeur tout en demeurant au sein de la fonction publique au sens large. Le gouvernement a conféré à la nouvelle Agence canadienne d'inspection des aliments un statut d'employeur relevant de la LRTFP, et nous imaginons que cela servira de précédent pour les agences qu'il se propose de créer pour exercer les fonctions de Parcs Canada et de Revenu Canada.

La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est une loi dépassée qui dissuade plutôt qu'elle n'encourage les employeurs et les agents de négociation à résoudre leurs différends. Les droits de négociation prévus par la LRTFP sont très limités. Dans plusieurs aspects des relations patronales-syndicales, la Loi adopte une attitude caractérisée par l'ingérence et le paternalisme qui n'encourage pas des relations adultes entre les parties sur les lieux de travail.

Depuis de nombreuses années, l'Institut s'est prononcé en faveur de la révision de la LRTFP afin de la doter de dispositions comparables à celles du Code canadien du travail. De légères modifications ont été faites, mais la LRTFP demeure une loi très imparfaite et antisyndicale. Dans le cas d'un employeur distinct, la Loi applique de nombreuses restrictions sur des questions qui peuvent être négociées ou réglées selon une formule d'arbitrage qui n'existe pas dans le Code canadien du travail. Par ailleurs, elle exclut les employés de la protection garantie par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique sans proposer une autre solution qui permettrait aux employés de négocier dans leur convention collective les secteurs couverts par cette loi.

• 1545

Entre la LRTFP et le Code canadien du travail, on voit clairement quelle est la loi qui procure une structure plus moderne pour entretenir des relations syndicales-patronales efficaces. Cependant, certains gestionnaires de la fonction publique continuent de préférer la LRTFP au Code, négligeant en cela les nombreux précédents que constituent les organisations qui sont régies de manière satisfaisante par le Code dans le secteur public fédéral plus large.

Un de leurs arguments est que le Code ne conviendrait pas aux programmes de la fonction publique en raison de l'absence de procédures visant la protection de la sécurité publique en cas de grève ou de débrayage. Cette objection ne tient plus, vu les modifications concernant les services essentiels apportées au Code qui sont actuellement soumises au comité.

L'Institut demande instamment au comité d'inclure dans son rapport sur le projet de loi C-19 à la Chambre des communes une recommandation spéciale suggérant au gouvernement que les nouvelles organisations créées en vertu des initiatives privilégiant de nouvelles formules de prestation de services relèvent de préférence du Code canadien du travail. Si l'on envisage de créer de telles nouvelles organisations de prestation de services, il est indispensable de doter chacune d'entre elles des outils les plus modernes pour maximiser leur chances de succès. Dans le domaine de la législation du travail, il faut préférer le Code canadien du travail à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Merci de m'avoir donné l'occasion de témoigner. M. Gingras et M. Zajchowski et moi-même sommes prêts maintenant à répondre à vos questions.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci. Il nous reste 15 minutes. Nous allons commencer par M. Johnston.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Merci madame la présidente.

Il y a une disposition qui permet à l'employeur de donner aux organisateurs syndicaux les noms et adresses des personnes qui ne travaillent pas sur place, c'est-à-dire des travailleurs à domicile.

Le commissaire à la protection de la vie privée que nous avons entendu hier est convaincu qu'il s'agit là d'une intrusion dans la vie privée de ces personnes. Selon lui, il faudrait obtenir au préalable l'autorisation des personnes concernées. Qu'en pensez-vous?

M. Steve Hindle: Je pense qu'il sera difficile de comprendre la distinction qui est faite entre une personne travaillant sur place et une personne travaillant à domicile, étant donné qu'en vertu de la plupart des dispositions, l'employeur est tenu de remettre au syndicat les cotisations et le nom de l'employé pour lequel il a collecté ces cotisations. Ainsi le veut la formule Rand. Peu importe que l'employé décide ou non d'adhérer au syndicat. L'employeur doit collecter les cotisations et les remettre au syndicat en précisant l'identité de la personne pour laquelle ces cotisations ont été recueillies.

Cela dit, il y a peut-être de bonnes raisons de protéger la vie privée des employés, mais je pense que le comité et tous ceux qui sont chargés d'appliquer le Code canadien du travail, doivent reconnaître que le syndicat doit pouvoir communiquer avec les personnes qu'il est tenu de représenter.

J'aimerais simplement signaler qu'un employé syndiqué ou non, bénéficie toujours des garanties contenues dans la convention collective et que le syndicat est tenu de le représenter de manière équitable. Il me paraît normal que pour pouvoir s'acquitter de cette tâche, le syndicat puisse savoir quelles sont les personnes qu'il représente et comment entrer en contact avec elles. Le contraire serait contraire à la justice. Sans aller jusque-là, je pense qu'il est important que l'employeur soit tenu de fournir l'adresse et le nom des personnes représentées par le syndicat.

M. Dale Johnston: Je crois que nous parlons de deux choses différentes. Vous parlez de la collecte des cotisations pour le compte d'un employé. Je faisais plutôt allusion aux représentants syndicaux qui réclament le nom et l'adresse personnelle des employés qui n'ont pas manifesté le désir d'adhérer à un syndicat. À mon avis, on pourrait envisager une disposition permettant à toute personne intéressée par l'accréditation d'un syndicat de choisir ou non de donner son nom et son adresse au CCRI qui les transmettrait à son tour au représentant syndicat... Ce qui me dérange, c'est l'absence de consentement de la part des personnes concernées.

• 1550

M. Steve Hindle: Les personnes concernées ont le droit d'adhérer ou de ne pas adhérer, mais l'employeur est tenu de déterminer si cette personne désire ou non adhérer au syndicat. Le syndicat devrait avoir accès à ces personnes pour leur expliquer quels avantages elles ont à être syndiquées, ainsi que les obligations du syndicat à leur égard.

Par exemple, dans le cas du travail à domicile, on peut se demander quelles sont les dispositions qui protègent une personne qui travaille chez elle. Quelles sont les obligations du syndicat vis-à-vis de cette personne qui fait partie de l'unité de négociation, qu'elle ait ou non adhéré au syndicat?

Il incombe également au syndicat de pouvoir raisonnablement définir la portée de l'unité de négociation et de savoir où travaillent les employés qui en relèvent. Il est très difficile pour un syndicat de mener des discussions ou des négociations avec un employeur sans connaître véritablement le milieu de travail et si le milieu de travail se prolonge jusqu'au domicile des employés, il incombe à l'employeur de laisser savoir au syndicat où se trouve le domicile des employés concernés.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci.

Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Vous dites souhaiter en général que le Code canadien du travail couvre de plus en plus de travailleurs au Canada, notamment ceux de la fonction publique qui sont amenés à la quitter par suite de décisions administratives. Vous dites à la page 8 de votre document: «Les droits de négociation aux termes de la LRTFP sont des plus limités.»

Pouvez-vous nous fournir une illustration concrète de la différence qu'il y a, en pratique, à relever de la Loi de la fonction publique plutôt que du Code canadien du travail?

[Traduction]

M. Steve Hindle: Je peux vous donner un exemple très précis et très à propos. La Commission des relations de travail dans la fonction publique interdit toute négociation à l'intérieur des processus de dotation. Par conséquent, le processus de dotation qu'applique le gouvernement fédéral en tant qu'employeur est régi par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et permet des recours en vertu de cette loi par l'intermédiaire de la Commission de la fonction publique en cas de plainte relativement au processus de concours. Le Code canadien du travail permet la négociation de cet aspect dans le cadre d'une convention collective.

Actuellement, l'Agence canadienne d'inspection des aliments relève de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais pas de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Par conséquent, les employés ne peuvent pas négocier les questions de dotation dans leur contrat et ne peuvent bénéficier du recours à la Commission de la fonction publique en cas de problèmes de dotation à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Il n'existe, à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, aucun mécanisme clairement défini permettant à un employé de demander la révision d'une mesure de dotation prise par l'employeur.

Il s'agit là d'un simple exemple.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci madame la présidente.

Je suis très intéressé par les deux premiers points que vous avez soulevés: le droit à être entendu et le droit à une audition orale. Comme vous l'avez si bien dit, il est impossible de contre-interroger un document écrit. Tous ceux qui ont participé à des arbitrages en matière de relations de travail savent que l'on obtient souvent plus du contre-interrogatoire que de l'interrogatoire pricipal. À mon avis, c'est une question assez importante.

Dans le même ordre d'idée, j'aimerais connaître votre point de vue sur une des dispositions. Le conseil étant plus représentatif, le président est en mesure d'entendre certains cas. L'Institut pense-t-il qu'il s'agit là d'une mesure positive et qu'il est préférable de faire entendre certains cas par une seule personne plutôt que par un groupe de spécialistes?

M. Steve Hindle: Je vais demander à Michel de répondre à cette question, puisqu'il a déjà fait ce genre de choses.

[Français]

M. Michel Gingras (négociateur, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Il y a un principe de justice naturelle dont découle le droit de se faire entendre, comme vous l'avez mentionné.

• 1555

L'équilibre proposé dans le projet de loi entre panels patronal et syndical, l'autodiscipline des conseils futurs de même que l'arbitrage par un seul arbitre ne nous apparaissent pas comme un inconvénient. Nous connaissons cette expérience en arbitrage de griefs sous le Code canadien et d'autres lois sur les relations du travail. Nous sommes conscients que le Conseil ne peut fonctionner, quand il y a deux panels du genre, que s'ils fonctionnent de façon juste et équitable.

Il est évident que parfois les décisions ne nous seront pas favorables, mais on sait qu'il y a un équilibre interne. Les gens se parlent dans un conseil. C'est une institution permanente et cela ne nous crée pas de problème. D'ailleurs, cela comporte un avantage: c'est beaucoup plus rapide, expéditif et moins onéreux.

[Traduction]

M. Pat Martin: Il y a un autre point qui m'intéresse et auquel j'aurais dû penser avant. Il s'agit de savoir qui devrait pouvoir participer à un vote de grève.

Je partage votre point de vue et je pense, pour les raisons que vous avez évoquées, que le vote devrait se tenir entre les membres de l'unité de négociation qui font partie du syndicat—les employés ont le droit d'adhérer ou non au syndicat, mais s'ils décident de ne pas y adhérer, ils se privent par la même occasion de leur possibilité de participer. Par conséquent, je suis d'accord avec vous pour dire que seuls les membres de l'unité de négociation qui sont membres du syndicat devraient pouvoir voter dans ce genre de situation.

Pouvez-vous donner plus de détails au sujet de la ratification des contrats? Avez-vous le même point de vue en ce qui a trait aux personnes qui devraient pouvoir voter au moment de la ratification des conventions collectives?

M. Steve Hindle: Vous pourrez constater que notre point de vue à ce sujet est assez cohérent et que, comme le dit la publicité d'American Express, les adhérents ont des privilèges. Les syndiqués ont entre autres avantages de pouvoir donner leur point de vue sur les affaires internes du syndicat. Cela comprend l'élection des dirigeants et des représentants. Ils donnent également leur point de vue au moment de la formulation des buts visés par la négociation et au sujet des résultats de la négociation puisqu'ils ont à ce moment-là le droit d'accepter ou de rejeter un projet de règlement.

Je pense qu'il incombe aux gens qui ont fait un choix conscient de reconnaître qu'ils ont choisi de se faire représenter par une autre personne et qu'ils doivent par conséquent laisser cette personne prendre la décision pour eux. Je respecte leur droit de faire ce choix, mais je pense que ce choix est global. Les employés qui choisissent de ne pas être membres du syndicat se privent de pouvoir participer aux affaires du syndicat, y compris au vote concernant une convention collective.

M. Pat Martin: Madame la présidente, me permettez-vous de poser une question rapide sur le même sujet, pour obtenir quelques précisions?

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Très bien, il vous reste trois secondes.

M. Pat Martin: Parfait.

Par conséquent, vous recommanderiez, pour régler cette question, d'ajouter les mots suivants: «parmi tous les membres du syndicat faisant partie de l'unité de négociation». Est-ce que cela réglerait la question?

M. Steve Hindle: Oui, absolument. Merci.

M. Pat Martin: Merci.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci.

Le projet de loi tel qu'il se présente en ce moment prévoit le maintien du service pour la première fois en vertu du Code canadien du travail. Je crois que vous avez l'expérience de ce genre de disposition relevant de la législation concernant la fonction publique. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cette disposition et comment elle fonctionne?

M. Steve Hindle: Cette disposition s'avère plutôt approximative dans le cas de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique quand il s'agit de déterminer quels sont les employés qui doivent être désignés comme essentiels. Le processus est très long et exige beaucoup d'énergie et de ressources de la part du syndicat et de l'employeur. Il exige souvent, surtout pour le train actuel de négociation collective, une intervention ou l'assistance d'une tierce partie pour tenter de résoudre les différends.

Nous avons remarqué que le processus est moins efficient dans son application. Il est très bureaucratique. Il est difficile d'effectuer des changements une fois que le processus est achevé et que les employés ont été désignés. Parfois, lorsque quelqu'un est remplacé dans un poste, le syndicat reconnaît que certains changements sont absolument obligatoires. La nouvelle personne doit être désignée et il faut reprendre tout le processus d'identification et de notification. C'est un processus lourd qui prend beaucoup de temps. Par conséquent, nous estimons qu'il est loin d'être intéressant.

• 1600

Les points de vue divergent également sur les postes qui devraient être désignés et ces divergences peuvent également donner lieu à des litiges qui amènent à contester, devant la Commission des relations de travail, des décisions prises par un comité de révision des désignations ou à contester une décision de la Commission des relations de travail en Cour fédérale. Par conséquent, ce n'est pas une formule très utile.

M. Bryon Wilfert: Sans vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain, pouvez-vous suggérer quelque chose pour simplifier le processus? Vous dites qu'il est bureaucratique. Est-ce qu'il y a moyen de le rendre plus efficient tout en prenant en compte les intérêts de toutes les parties concernées?

M. Steve Hindle: Sans vouloir entrer dans les détails, je pense qu'on pourrait s'inspirer des modèles que nous fournissent les grands employeurs qui sont régis par le Code canadien du travail. Il suffit de communiquer avec un syndicat et un employeur qui ont vécu de telles situations et de leur demander quel processus ils ont utilisé, comment ils ont décidé que 25 p. 100 des services de l'usine seraient considérés comme essentiels ou quel serait le processus de fermeture de l'usine. On peut apprendre de l'expérience des autres.

L'Institut et moi-même connaissons assez peu la façon dont cela se passe dans l'industrie, mais il arrive très souvent que les grands employeurs et les syndicats s'entendent sur ce genre de choses. Il serait peut-être intéressant d'examiner le processus adopté par Énergie atomique du Canada Ltée.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup. Il me semble que nous sommes pratiquement dans les temps. Je suis certaine que vous continuerez à être confrontés à ce processus et nous attendons de voir les résultats.

Nous accueillons maintenant les prochains témoins qui représentent l'AFPC.

Nycole Turmel, comment allez-vous utiliser la demi-heure dont vous disposez?

[Français]

Mme Nycole Turmel (vice-présidente exécutive nationale, Alliance de la Fonction publique du Canada): Merci. Je m'appelle Nycole Turmel et je suis accompagnée de M. Georges Nadeau de la section de la négociation ainsi que de M. Steve Jelly, recherchiste à l'Alliance. Nous allons faire notre présentation dans les deux langues et répondre également aux questions dans la langue de votre choix. Nous allons tenter, nous trois, de répondre aux questions du comité.

Avez-vous reçu nos documents? Oui? Non? On vient de l'apporter. Nous nous excusons auprès du comité. Il arrive que nous manquons de copies. Nous sommes un peu en retard dans notre programme. Je m'en excuse auprès des interprètes. Je vais tenter d'aller lentement, si c'est nécessaire.

Est-ce qu'ils l'ont?

Le greffier du comité: Les interprètes en ont des copies, mais nous n'en avons pas suffisamment pour tous les députés.

• 1605

[Traduction]

Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Permettez-moi de vous rappeler, madame la présidente, qu'il ne reste plus qu'une demi-heure, et que, par conséquent, nous sommes pressés par le temps.

Si les témoins limitent leur présentation à une dizaine de minutes, il nous restera du temps pour les questions. Si vous prenez plus de temps, il faut que vous sachiez qu'il ne restera pratiquement pas de temps pour les questions.

Mme Nycole Turmel: Je pense que dix minutes suffiront largement.

[Français]

L'Alliance de la Fonction publique du Canada a participé à certaines discussions et consultations concernant les modifications proposées au Code canadien du travail au cours des trois dernières années. C'est pourquoi nous nous réjouissons de l'occasion qui nous est offerte de présenter nos commentaires au comité dans le cadre de sa révision du projet de loi C-19.

La démarche qui a mené à la présentation du projet de loi C-19, comme le savent les membres du comité, a été longue. Au cours des trois dernières années, nous avons participé activement à une démarche entreprise par le Congrès du travail du Canada. Cette démarche avait pour but d'assurer que soit entendue la voix des travailleuses et des travailleurs canadiens. De plus, nous avons rédigé un mémoire sur la question. Ce mémoire a été présenté au groupe de travail sur la révision du Code canadien du travail en octobre 1995.

À tout prendre, la démarche qui a mené à la présentation du projet de loi C-19 a été positive. Cela étant dit, certaines des positions mises de l'avant par le mouvement syndical en général, et l'Alliance en particulier, sont disparues du projet de loi actuel ou sont présentées sous une forme édulcorée et épurée. Bon nombre de ces secteurs problèmes ont été soulevés à votre comité par le Congrès du travail du Canada, et nous souhaitons, il faut bien le noter, appuyer sans réserve les positions avancées par le CTC.

Plutôt que de répéter les mêmes points au cours du présent exposé, nous limiterons nos commentaires à certaines situations qui s'appliquent plus ou moins exclusivement aux membres de l'Alliance.

[Traduction]

Même si l'on peut soutenir que cela dépasse la sphère des délibérations de votre comité, la principale lacune du processus de révision découle du fait que la loi perpétuera la distinction législative entre les travailleuses et les travailleurs employés par le gouvernement fédéral, et d'autres travailleuses et travailleurs relevant de la compétence fédérale.

À notre avis, le Code canadien du travail, particulièrement tel qu'il a été modifié par le projet de loi C-19, est une loi beaucoup plus complète et détaillée que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et, comme telle, elle devrait régir tous les travailleurs et toutes les travailleuses du secteur public fédéral. Par conséquent, nous aimerions réitérer la position mise de l'avant lors de la révision du Code canadien du travail, c'est-à-dire que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique devrait être abrogée et que les dispositions du Code canadien du travail devraient être modifiées pour s'appliquer à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses du secteur public fédéral.

Étant donné que le Code canadien du travail ne vise pas tous les travailleurs et toutes les travailleuses du secteur public fédéral, l'inégalité existante se perpétuera, et ces travailleuses et travailleurs continueront d'être assujettis à un régime de relations de travail qui restreint notre habilité à négocier toutes les conditions d'emploi. À notre avis, cette inégalité deviendra plus flagrante à mesure que la restructuration, présentement en marche au sein de la fonction publique fédérale, se concrétisera.

Par conséquent, même si le gouvernement poursuit la transformation des ministères en agences, soi-disant pour les rendre plus indépendants et adaptables, il leur impose les relations de négociations collectives désuètes qu'il connaissaient en tant que ministères.

L'engagement du gouvernement face au statu quo, en ce qui a trait aux nouvelles agences, n'est pas fortuit. Jusqu'à présent, l'AFPC a présenté des observations sur la création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, de l'Agence canadienne des douanes et du revenu et de l'Agence canadienne des parcs; dans ces exposés, nous réclamons fortement que les nouvelles agences soient constituées en vertu du Code canadien du travail, plus englobant. Nos assertions ont été carrément rejetées et les nouvelles agences sont constituées en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Le gouvernement s'apprête à créer certaines agences assujetties à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui vont poursuivre le travail effectué auparavant par les ministères, et dont les fonctions étaient exécutées par les ministères; en même temps, il rend indépendants d'autres services pour qu'ils relèvent du secteur privé. Puisque certaines de ces fonctions sont vraiment visées par le Code canadien du travail, le programme de restructuration du gouvernement a conféré à la question des droits du successeur une importance particulière pour l'AFPC.

De plus, même si le gouvernement a modifié la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et le Code, en 1996, pour élargir l'étendue des droits du successeur, les dispositions actuelles présentent certains problèmes qui doivent être abordés.

[Français]

L'Alliance s'est prononcée en faveur des modifications à l'article 47 du Code lors de leur introduction en 1996, mais notre expérience des deux dernières années nous a amenés à la conclusion qu'il faut modifier l'article si on veut réaliser l'objectif énoncé, soit d'élargir à bon escient la portée des droits du successeur et de protéger les droits acquis des ex-travailleuses et des ex-travailleurs du gouvernement fédéral, lorsque leur travail est cédé à une entreprise régie par la partie I du Code.

• 1610

Au fond, l'article 47 pose encore un problème: malgré l'élargissement de la portée des droits du successeur aux travailleuses et travailleurs présentement assujettis à une convention collective ou à une décision arbitrale, il reste que les travailleuses et travailleurs visés sont toujours vulnérables pendant une très longue période de temps dans les cas où la convention collective ou la décision arbitrale est venue à expiration avant la cession.

Les membres de l'Alliance à l'aéroport de Thunder Bay ont récemment eu à composer avec les répercussions de cette omission, et la situation risque de se reproduire sous peu aux établissements de la Défense nationale à Goose Bay et à Moose Jaw.

Malgré la protection offerte par les droits du successeur à l'article 47 du Code, l'Alliance s'est vue obligée, à Thunder Bay, de présenter une demande visant ce qui est considéré comme une nouvelle accréditation aux termes de l'article 24 du Code. À la suite de retards causés par le nouvel employeur, il s'est écoulé au moins six mois et demi entre la présentation de la demande et l'accréditation de l'unité, le 16 mars dernier.

Par conséquent, nous exhortons le comité à appuyer une modification au paragraphe 47(3) et à l'alinéa 47(1)c) du Code permettant la présentation immédiate d'une demande lorsque la convention collective ou la décision arbitrale régissant les travailleuses et les travailleurs visés par la cession est venue à expiration.

Nous voulons aussi rappeler aux membres du comité que l'élargissement de la portée des droits du successeur prévu à l'article 47 du Code n'englobe pas toutes les situations. Ainsi, un nombre considérable de travailleuses et de travailleurs fédéraux ne sont pas protégés lorsque leur employeur, le gouvernement fédéral, prend des mesures visant à restructurer leur milieu de travail.

Tandis que votre comité examine le projet de loi C-19, un grand nombre de travailleuses et de travailleurs fédéraux dont le travail est cédé à des entreprises privées ne peuvent bénéficier de la protection du Conseil canadien des relations du travail ou de la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

Malgré les bonnes intentions des auteurs des dispositions sur les droits du successeur au Code et à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ces dispositions ne peuvent protéger les travailleuses et les travailleurs dans la majorité des cas de cession à des entreprises privées. Ainsi, plus de 500 travailleuses et travailleurs exerçant pour le compte du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux se voient obligés de demander l'accréditation en vertu des codes provinciaux de travail, en dépit du fait que leur travail est cédé à une entreprise unique.

Les travailleuses et les travailleurs dans de telles situations ne bénéficient aucunement de la protection de l'article 47 modifié, et de tels scénarios se répéteront probablement de plus en plus souvent dans les mois et les années à venir.

[Traduction]

L'application du Code aux aéroports comme celui de Thunder Bay, et aux établissements de la défense, tels ceux de Goose Bay et Moose Jaw posent aussi des problèmes. Auparavant, toutes les travailleuses et tous les travailleurs à ces installations étaient régis par la LRTFP mais, à l'avenir, seront assujettis aux dispositions du Code à la cession, tandis que d'autres seront probablement régis par des lois provinciales.

Cette scission créera deux problèmes fondamentaux qui devraient préoccuper le Parlement. En premier lieu, le mécanisme d'accréditation prévu au Code sera retardé, car il faudra régler des questions relativement à l'à-propos d'une unité de négociation. En second lieu, et ce qui importe encore plus, les rapports établis au fil des ans au lieu de travail, dans le cadre d'une structure syndicale locale et tout au long des négociations seront perturbés, voire rompus.

Enfin, pour ce qui est des droits du successeur, les auteurs du projet de loi C-19 avaient, à notre avis, l'occasion de statuer sur des situations qui se produisent, par exemple, lorsqu'il y a faillite ou franchisage et sur la sous-traitance qui en découle, c'est-à-dire la cession du travail d'un fournisseur à un autre, mais ils ont refusé de saisir cette occasion. Il faut souligner que cette omission minera inévitablement la représentation à long terme de milliers de travailleuses et travailleurs.

J'aimerais m'arrêter brièvement sur quelques autres aspects du projet de Loi C-19. Dans l'ensemble, l'Alliance appuie les révisions portant sur la procédure d'accréditation, décrites dans le projet de loi C-19, puisque ces changements devraient servir à accélérer le processus et à donner davantage suite aux pratiques déloyales de travail. Ceci étant dit, nous croyons que le gouvernement aurait dû supprimer les frais d'adhésion de 5 $ comme l'ont fait de nombreuses administrations canadiennes. À notre avis, une travailleuse ou un travailleur qui signe une carte d'adhésion a pris un engagement global qui devrait être considéré comme étant une preuve d'adhésion au syndicat.

• 1615

[Français]

Les membres du comité savent sans doute que la réforme du Conseil canadien des relations du travail est, depuis très longtemps, une priorité du mouvement syndical. Nous avons toujours cru que le Conseil devait être représentatif des parties concernées, puisque ses activités et ses décisions ont des conséquences directes sur les droits des employeurs, des travailleuses et des travailleurs et des syndicats.

Cependant, bien que le projet de loi C-19 constitue une amélioration importante dans la mise en application du consensus intervenu entre le mouvement syndical et les employeurs, le texte de la loi renferme des lacunes sur plusieurs plans.

Tel qu'il est actuellement rédigé, le projet de loi C-19 confère au gouverneur en conseil le droit inconditionnel de nommer les présidents ou présidentes et les vice-présidents ou vice-présidentes du Conseil. Ces postes, tout particulièrement la présidence, étant critiques par rapport au bon fonctionnement du Conseil, nous croyons fermement et fondamentalement que le mouvement syndical et les employeurs devraient avoir la possibilité explicite de participer au processus de sélection. À notre avis, cette participation pourrait comprendre un examen des candidats et candidates éventuels ainsi que la présentation de conseils au ministre, sans pour autant miner la neutralité des personnes nommées. Au contraire, la participation des parties au processus de nomination devrait servir à veiller à ce que les personnes nommées soient qualifiées et bénéficient de la confiance des parties.

Un deuxième sujet de préoccupation concernant le processus de nomination proposé dans le projet de loi C-19 a trait aux membres du Conseil nommés pour représenter les employés et les employeurs. À cet égard, nous croyons que la prescription de la loi selon laquelle le ministre doit consulter les organisations représentant les employés ou les employeurs est insuffisante et inadéquate. À notre avis, les pouvoirs conférés au ministre et au gouverneur en conseil devraient être limités à nommer les personnes à ces postes à partir des listes de noms fournies par les parties.

D'autres aspects de la composition du Conseil et du processus de nomination sont également inadéquats.

D'abord, les rédacteurs du projet de loi estiment que l'«expérience et les compétences dans le domaine des relations industrielles» sont un préalable à la nomination au poste de président ou présidente et de vice-président ou vice-présidente, mais que ces qualités ne constituent pas une exigence pour les personnes nommées comme membres du Conseil. Si cette disposition n'avait pas été absente du projet de loi C-19 et du projet de loi précédent, soit le projet de loi C-66, nous aurions cru qu'il s'agissait d'un simple oubli. Cela ne semble toutefois pas être le cas. Par conséquent, nous ne pouvons qu'en conclure que le gouvernement est disposé à permettre à des gens qui n'ont aucune connaissance ou expertise directe d'examiner des dossiers aussi importants que ceux sur lesquels les conseils des relations de travail sont régulièrement appelés à se pencher.

Deuxièmement, comme l'Alliance l'a prétendu dans son mémoire présenté au groupe de travail sur la révision du Code canadien du travail, la langue, le sexe et l'égalité devraient être considérés comme des critères importants de sélection pour le Conseil.

Je vais sauter quelques paragraphes parce qu'il est déjà 16 h 15 et que vous voulez poser quelques questions.

À notre avis, des amendements au projet de loi C-19 qui tiendraient compte des points susmentionnés enrichiraient la loi et rendraient le Conseil plus représentatif et mieux qualifié.

On voulait surtout examiner la question du travail au niveau des travailleurs et travailleuses de remplacement. Le recours aux travailleurs et travailleuses de remplacement ainsi que l'absence de lois fédérales interdisant le recours aux briseurs et briseuses de grève ont été au nombre des questions les plus litigieuses en ce qui a trait aux relations de travail à l'échelon fédéral. Certes, employeurs et syndicats sont loin d'envisager ces questions sous le même angle, mais l'absence de lois interdisant le recours aux briseurs et briseuses de grève fait pencher la balance des relations de travail tellement en faveur des employeurs que cela sape les fondements de tout l'édifice.

Nous estimons donc que le gouvernement devrait édicter des lois pour rétablir l'équilibre. Il est assez regrettable qu'il n'ait pas pris de mesures en ce sens de façon complète et détaillée dans ni l'un ni l'autre des projets de loi C-66 et C-19. Au lieu de cela, les rédacteurs du projet ont prévu d'ajouter un paragraphe qui modifiera l'article 94 de la loi et dont voici la teneur:

    (2.1) Il est interdit à tout employeur ou quiconque agit pour son compte d'utiliser, dans le but établi de miner les capacités de représentation d'un syndicat...

Je ne vais pas lire la disposition au complet parce que vous l'avez.

Cette prétendue interdiction concernant les travailleuses et travailleurs de remplacement peut faire l'objet d'interprétation et, à ce titre, laisse planer un doute quant à la nature exacte de l'interdiction jusqu'à ce que le Conseil ait tranché quelques différends.

En plaidant énergiquement en faveur d'une interdiction générale du recours aux travailleurs et travailleuses de remplacement, nous prions de nouveau instamment votre comité et le gouvernement de prendre en compte quelques-unes des conséquences négatives de l'absence d'une telle interdiction.

• 1620

Il a maintes fois été démontré que le recours aux travailleurs et travailleuses de remplacement accroît le risque de violence et d'affrontement sur la ligne de piquetage. Certes, le gouvernement peut penser que l'application de la loi constitue la bonne attitude à adopter dans ces circonstances, mais l'adoption de mesures législatives qui préviennent les manifestations de violence et d'affrontement représentent une bien meilleure solution.

Il importe aussi de souligner le fait que la menace du recours éventuel à des travailleurs et travailleuses de remplacement et le recours à ces travailleuses et travailleurs dans les faits sapent les fondements de l'édifice des relations de travail et accroissent les frictions entre employeurs et syndicats. Or, plus les frictions sont nombreuses, plus il y a de grèves et de lock-out. Par voie de conséquence, cette situation nuit à la négociation collective constructive et fait en sorte qu'il est beaucoup plus difficile de régler les différends entre les parties.

[Traduction]

Dans ce contexte, nous avons constamment soutenu que le Code canadien du travail doit être remanié pour interdire le recours à des travailleuses et des travailleurs appartenant ou non à une unité de négociation, ou à quiconque, y compris les personnes qui ont exercé des fonctions administratives; le recours à des personnes embauchées ou mutées après la date à laquelle l'avis de négocier est signifié ou la date à laquelle les négociations commencent, selon la première éventualité; la sous-traitance et la prestation extérieure de services.

Même si ces amendements contribueraient à améliorer le climat des négociations, il importe d'y adjoindre des dispositions particulières qui protègent les travailleuses et les travailleurs d'un abus des dispositions interdisant le recours aux briseuses et briseurs de grève. À cet égard, nous avons proposé et nous redisons ici même aujourd'hui, que les conditions protégeant toute personne qui respecte une ligne de piquetage doivent être insérées dans le Code. En outre, la mise en application des règles exige qu'un syndicat soit autorisé à entrer dans les locaux de l'employeur et à y effectuer une inspection, en compagnie d'une ou d'un responsable des relations de travail du gouvernement et d'une représentante ou d'un représentant de la compagnie.

Je crois que je vais m'arrêter ici, puisque vous avez les dernières pages. Nous sommes à votre disposition pour répondre à quelques questions. Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.

Étant donné qu'il nous reste 12 minutes, je propose que nous fassions un tour afin de poser nos quatre questions et que les témoins répondent aux questions dans l'ordre qui leur plaira jusqu'à ce que tout le temps dont on dispose soit écoulé, ce qui leur permettra de ne pas répondre aux questions qui ne leur plaisent pas.

Nous allons donc faire un tour où chacun aura 30 secondes pour poser une question, mais il vous faudra peut-être un papier et un crayon pour noter les quatre questions.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci madame la présidente.

J'ai noté au cours de votre exposé, que selon vous, l'interdiction complète des travailleurs de remplacement permettrait de réduire la durée des grèves et d'assainir le climat. C'est un point de vue que nous avons déjà entendu mais qu'il est difficile de prouver. Je me demande si vous pourriez nous fournir des statistiques permettant de justifier ce point de vue.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Je voudrais vous féliciter, madame Turmel, pour votre exposé. J'espère que nous aurons le document parce qu'il est très intéressant.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de la représentativité du Conseil canadien des relations industrielles. Quand le gouvernement dit que le ministre pourra consulter les associations d'employeurs et d'employés et non pas les syndicats ou les représentants de syndicats, est-ce que vous pensez qu'il y a anguille sous roche ou si c'est bénin comme nuance?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Je vous remercie pour votre excellent exposé.

J'ai deux questions à vous poser. Vous affirmez que la signature des cartes d'adhérent vous permettrait d'annuler les frais de 5 $. Je suis d'accord avec vous, mais plusieurs personnes ont réclamé un vote à bulletin secret obligatoire par la suite, même si vous obtenez une majorité de cartes signées. J'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet.

Par ailleurs, il se passe des choses terribles à Goose Bay et Moose Jaw où les conditions de travail sont modifiées depuis la privatisation, au détriment des travailleurs et travailleuses. Pouvez-vous proposer une modification du Code qui permettrait de protéger les travailleurs et travailleuses contre toute dégradation des conditions de travail à l'occasion de la mise en place du nouveau service de prestation?

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Les témoins du groupe précédent ont affirmé qu'ils n'ont pas eu la possibilité de participer aux consultations et je me demande si l'AFPC a été consultée par le groupe de travail Sims.

• 1625

M. Steve Jelly (Alliance de la fonction publique du Canada): Permettez-moi de répondre rapidement à cette question sur le groupe de travail Sims. Nous avons participé aux travaux de ce groupe de travail à titre de syndicat individuel et par l'intermédiaire du Congrès du travail du Canada. De manière générale, le processus nous est apparu utile.

Pour ce qui est de l'interdiction complète des travailleurs et travailleuses de remplacement nous affirmons en effet, et nous ne sommes pas les seuls, qu'une telle mesure permet de réduire la violence sur les lignes de piquetage. Nous n'avons pas de chiffre en main, certainement pas des chiffres généraux, mais nous pouvons, comme les autres syndicats, vous fournir des informations sur le sujet. À notre avis, le recours aux travailleurs de remplacement entraîne une hausse de la violence.

Vous nous avez demandé également ce que nous pensions de la représentation et de la consultation des travailleurs eux-mêmes plutôt que la consultation directe des syndicats. À mon avis, c'est sans doute un point de vue qui a été soulevé par le CTC, dont nous faisions partie, en réaction au dernier texte de loi. Si j'ai bien compris la question, nous avions décidé alors et nous maintenons cette ligne de pensée, que la bonne façon pour le gouvernement de régler ces questions est de consulter les employeurs et les syndicats plutôt que de consulter individuellement les travailleurs.

En réponse à la question de M. Martin concernant le scrutin secret obligatoire, quel que soit le nombre de cartes signées en cas de demande d'accréditation, nous sommes convaincus depuis longtemps que si le syndicat peut prouver qu'il obtient une majorité d'appuis lorsqu'il demande son accréditation et si les processus appliqués sont appropriés, il n'y aucune raison de tenir un vote dans de telles circonstances.

Quant aux méthodes nouvelles de prestation de services à Goose Bay, je pense que les dispositions concernant les droits du successeur mises en oeuvre après le budget de 1996 posent un problème et nous estimons que l'on pourrait remédier à cette situation en apportant quelques modifications au paragraphe 47(3) et l'article 47.1 proposés.

Une voix: Est-ce que vous pouvez nous les présenter?

M. Steve Jelly: Bien sûr, nous vous ferons parvenir le texte de cette modification.

Voilà, j'ai fait le tour des questions qui ont été posées.

[Français]

Mme Nycole Turmel: J'aimerais ajouter quelque chose, surtout en ce qui concerne les employeurs et les travailleurs et travailleuses de remplacement.

L'expérience a démontré au cours des années... Je ne peux citer de statistiques comme celles qu'a mentionnées Steve Jelly, mais on peut se rappeler certaines situations—je pense à Halifax et au Nord, dans les mines—où le fait d'avoir des travailleurs et travailleuses de remplacement nous a été plus défavorable que favorable. Il y a eu de la violence. Embaucher des travailleurs et des travailleuses de remplacement incite à la violence. Nous considérons que les services essentiels peuvent être protégés sans avoir recours aux travailleurs et aux travailleuses de remplacement.

J'aimerais ajouter un autre point quant aux modifications apportées à la loi. C'est le recours aux 72 heures d'avis avant de déclarer un conflit de travail. Pour nous, ceci peut amener des conflits encore plus importants que ceux qu'on connaît dans la situation actuelle. Actuellement, après sept jours, les travailleurs et les travailleuses peuvent déclarer un conflit de travail. D'ailleurs, on ne parle plus de 7 jours mais de 21 jours. C'est une autre modification que vous proposez. Selon nous, cela ne contribue pas à régler un problème de négociation collective.

M. Yves Rocheleau: On n'a pas répondu à ma question. J'ai demandé tout à l'heure si le fait de parler de représentants d'associations d'employés et non pas de représentants de syndicats avait une portée véritable. Est-ce que le législateur a une idée derrière la tête ou si c'est bénin comme implication d'après vous?

• 1630

Mme Nycole Turmel: À mon avis, et à celui de l'Alliance, il est très important de consulter les syndicats. Dans notre présentation, on explique que le changement que vous proposez ne sera pas de nature à répondre aux besoins de la Commission.

Maintenant, en termes de consultation, une consultation auprès des syndicats—et cela se fait à d'autre niveaux—peut régler une partie du problème. C'est la position que nous avançons.

[Traduction]

M. Pat Martin: Madame Turmel, est-ce que vous préconisez officiellement l'abrogation de la LRTFP afin que tous les employés de la fonction publique soient régis par le Code canadien du travail?

[Français]

Mme Nycole Turmel: Ce n'est pas un secret: nous revendiquons depuis des années l'abolition de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour regrouper tous les membres sous le Code canadien. Cela a d'ailleurs été notre position à tous les comités, que ce soit au niveau de la fonction publique ou ailleurs: on souhaite que tous les travailleurs et travailleuses soient réunis sous le Code canadien du travail.

Cela simplifierait à tous points de vue, en termes de relations de travail, en termes de consultation, en termes de revendications, en termes de négociation, les problèmes qui se sont présentés au cours des années, que ce soit en termes de dotation, de classification ou autres.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.

Bienvenue, monsieur Knight. Comme vous le savez, vous disposez d'une demi-heure. Le comité souhaite habituellement avoir plus de temps pour les questions, mais c'est à vous de décider comment partager votre temps.

M. Thomas Knight (professeur agrégé, Faculté de commerce et d'administration des affaires, Université de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup. Je suis heureux d'être ici.

Je m'attends à avoir plus de temps pour les questions. Je n'ai pas un long exposé à vous présenter. En fait, j'ai quatre ou cinq remarques à faire. Je préférerais que nous ayons ensuite un échange un peu plus général.

• 1635

Je vais vous présenter bien sûr le point de vue de quelqu'un de Vancouver, de la côte Ouest, une région où se sont posées plusieurs questions qui ont une plus grande visibilité, et peut-être même une plus grande importance. C'est ce qui m'amène à concentrer mes observations sur le transport surtout, dans la région du port de Vancouver ou des ports de la côte Ouest.

Tout d'abord, pour vous mettre un peu dans le contexte, je vous dirai, comme bien d'autres avant moi j'en suis certain, qu'il y a en jeu ici plusieurs valeurs contradictoires. Quant à savoir laquelle vient en premier, c'est une question de jugement politique. Cependant, il ne fait aucun doute que le Code, du moins à mes yeux, favorise fortement la négociation collective comme moyen de déterminer les conditions de travail et d'assurer la participation des travailleurs à la prise de décisions.

Comme le groupe de travail l'a signalé, il y a aussi le volontarisme et l'importance pour les parties, dans la mesure du possible, de définir leurs propres conditions, d'en arriver elles-mêmes à un règlement lorsqu'elles ont un différend, ce qui est un pas, je pense, dans le sens d'une réduction de la réglementation. C'est vrai en général, mais notamment dans le domaine des relations de travail.

Il y a aussi la volonté, et je pense que c'est particulièrement important dans les secteurs de compétence fédérale, de protéger les intérêts des tiers. Cela remonte aux débuts de la législation fédérale et reflète la nature des industries qui sont du ressort du fédéral. Je dirais que c'est particulièrement important compte tenu de certaines des choses que j'ai à dire du point de vue de la côte Ouest.

Il y a aussi la stabilité de la législation. Je pense que cela va de pair avec l'importance accordée aux coûts, à la compétitivité et à tous les autres facteurs en cause, puisqu'on voudrait en quelque sorte arriver à de bonnes relations de travail sans que le règlement des différends entraîne trop de litiges, qu'il s'agisse de problèmes courants ou de gros différends au sujet du Code lui-même.

Il s'agit des quatre valeurs auxquelles j'attache le plus d'importance, et il est inévitable qu'elles entrent en conflit. Comme je l'ai dit, la priorité qu'on leur accorde est une question essentiellement de jugement politique.

Si on prend les transports, il va sans dire que les arrêts de travail font partie intégrante de la négociation collective. Autrement dit, c'est la méthode que nous préférons en réalité pour régler les conflits et les différends à la table de négociation. Cela fait partie de tout le processus.

Il me semble cependant par ailleurs qu'il nous faut reconnaître que les différends concernant les négociations et les arrêts de travail dans le secteur des transports affectent un grand nombre de tiers. Qu'il s'agisse des céréaliculteurs, du reste du système de transport ou de l'industrie forestière en Colombie-Britannique, il y aura inévitablement des répercussions sur d'autres secteurs producteurs de biens qui sont très importants sur le plan économique. Je crois que nous devons être explicites à ce sujet.

À mesure que le monde évolue et que toutes les questions concernant la compétitivité internationale et la mondialisation continuent à exercer de très fortes pressions sur nous tous, je crois qu'il est important également que nous reconnaissions l'impact que peuvent avoir quelque part, en quelque sorte, les interruptions de service sur notre réputation internationale, notre réputation de fournisseur, d'expéditeur, de producteur, de partenaire économique. Il serait important que cela soit explicite ici.

Il y a une autre chose que j'ai observée, cela fait 16 ans que je vis en Colombie-Britannique où j'ai été témoin de plusieurs interruptions importantes de travail dans les ports—non seulement dans les ports, mais aussi à l'échelle de la Colombie-Britannique—et c'est qu'il y a une certaine instabilité et une tendance à la dépolarisation des différends et à leur escalade trop rapide. Je me suis aperçu que lorsque la négociation s'éternise et que la procédure de conciliation la fait durer plus longtemps encore, une simple étincelle peut suffire à mettre le feu aux poudres ou à provoquer un arrêt de travail sur la côte tout entière. Je dirais que c'est une chose qui fait partie de l'expérience de la côte Ouest et dont nous devrions prendre note.

• 1640

Je dois vous dire aussi—et c'est mon troisième point, qui touche à la procédure de conciliation—que j'appuie l'approche adoptée dans les modifications proposées au Code. Je crois qu'il est extrêmement important de rationaliser la procédure, de l'accélérer, de faire en sorte qu'elle soit plus décisive et de l'imperméabiliser, comme le groupe de travail l'a signalé dans son rapport, aux pressions politiques immédiates.

Je pense que «décisive» est le mot clé ici, qu'il faut faire un effort pour régler les différends, mais reconnaître aussi, lorsque cela n'est pas possible, qu'il faut décider alors des mesures à prendre au lieu de laisser la procédure traîner en longueur et d'attendre que quelque chose se passe. C'est souvent pendant que nous attendons que quelque chose se passe qu'une situation explosive s'envenime en Colombie-Britannique. C'est ce que j'ai observé dans les relations de travail chez les débardeurs. Je pense qu'il est important aussi d'appuyer et d'encourager les règlements conclus à l'amiable entre les parties de la manière dont le font les modifications proposées.

Mes deux dernières observations sont sujettes à controverse, mais c'est mon opinion personnelle. Je sais que vous avez entendu toutes sortes d'opinions différentes. J'espère que vous considérerez que la mienne est désintéressée—pas dans le sens où la question me laisse indifférent, mais dans le sens où je n'ai pas de parti pris. Il s'agit simplement d'une opinion.

En ce qui concerne les arrêts de travail, j'estime que le scrutin secret et le préavis sont deux éléments essentiels qui devraient être ajoutés à la structure prévue par le Code.

En ce qui concerne les services essentiels, j'estime qu'il est important aussi d'avoir en place un certain mécanisme qu'on pourrait faire intervenir dans les cas où un arrêt de travail représenterait un risque imminent, un risque grave, pour reprendre le libellé des modifications proposées, pour la sécurité ou la santé du public. Mais il est important de signaler que la disposition n'englobe pas le mot «bien-être», et c'est le bien-être qui fait généralement en sorte qu'un différend qui a une incidence économique importante est considéré comme un différend mettant en cause les services essentiels. On a de toute évidence choisi d'exclure ce terme. Donc, la composante services essentiels des modifications proposées ne concernerait pas un différend économique ou un différend qui a une très grande incidence économique.

Je suis d'avis que la protection proposée des livraisons de grain dans les ports—et c'est de toute évidence particulièrement important à Vancouver—est un compromis discutable. C'est un compromis entre une négociation collective complètement libre et le maintien de notre réputation internationale, qui vise à minimiser l'impact sur des tiers. Évidemment, c'est une question extrêmement importante. Mais je m'interroge sur l'à-propos de protéger uniquement les livraisons de grain. Il y a d'autres types de livraisons assurées dans les ports dont l'interruption peut avoir une incidence économique analogue, mais je ne pense pas que des pressions politiques aussi grandes soient exercées dans leur cas.

À mon avis, ce traitement de faveur pourrait entraîner une plus grande instabilité encore, des litiges plus fréquents. La disposition pourrait être très difficile à appliquer. J'imagine qu'il pourrait arriver qu'on essaie d'interrompre les livraisons de grain s'il y a un conflit de travail ailleurs dans le secteur du débardage. Je m'interroge donc sur l'aspect administratif de la question.

J'irais jusqu'à dire que je suis inquiet de ce qui pourrait arriver dans les ports en général, surtout sur la côte Ouest, et je suis d'accord, à moins qu'on arrive à m'en dissuader, avec la Commission sur les ports de la côte Ouest qui a recommandé que le ministre soit en tout temps autorisé à intervenir dans les conflits de travail, au lieu de passer par le Parlement, et d'imposer au besoin une forme quelconque d'arbitrage, soit la médiation ou l'arbitrage des propositions finales.

• 1645

Cela m'amène à répéter que nous avons besoin de quelque chose de plus décisif ici, parce que plus nous laissons traîner les choses en longueur en attendant que quelque chose se produise et que quelqu'un d'autre intervienne, plus le différend est difficile à régler. Je crois que cela vaut pour les ports en général et pas seulement pour les livraisons de grain. C'est là mon opinion.

Enfin, la question des travailleurs suppléants continue, bien sûr, à être très controversée en Colombie-Britannique. Nous avons récemment eu une étude et certaines recommandations à ce sujet. Je crois qu'il est important de reconnaître qu'il s'agit essentiellement d'une question de pouvoir. Elle est souvent rattachée à des valeurs plus nobles et définies en des termes plus abstraits, mais nous parlons essentiellement ici du pouvoir et de la capacité d'organiser une grève efficace ou, du point de vue de l'employeur, de continuer à fonctionner malgré une grève, si c'est là son choix.

Je dirais qu'il s'agit d'une question qui a un caractère beaucoup plus symbolique que pratique. Des travailleurs suppléants sont engagés dans le quart peut-être de tous les conflits de travail de compétence fédérale. Ce chiffre n'est pas négligeable, mais ce n'est certainement pas ce qui se passe dans le cas de tous les conflits. C'est une question qui de toute évidence déchaîne les passions et déclenche le parti pris.

Parce que c'est une question aussi polarisée, le compromis discutable que je vois ici consiste à dire qu'il ne sera pas interdit aux employeurs d'embaucher des travailleurs suppléants durant un arrêt de travail, sauf si c'est dans le but de miner les capacités de représentation d'un syndicat. Cela me préoccupe vraiment. Chaque fois qu'on articule un texte législatif autour d'un motif, on ouvre la voie aux litiges. Parce que c'est une question de pouvoir, je ne peux pas m'imaginer qu'il ne viendrait pas à l'esprit d'un syndicat de déclarer que la seule raison pour laquelle l'employeur embauche des travailleurs suppléants est de miner ses capacités de représentation.

Cette disposition m'inquiète en raison de ce qui arriverait dans le cas des conflits de travail, du nombre de litiges qu'elle entraînerait probablement et du temps qu'il nous faudrait pour comprendre si c'est là ou non le motif de l'employeur. Le groupe de travail a été très honnête lorsqu'il a dit que ce ne serait pas chose facile. Ce serait très difficile.

Je crois par ailleurs que la modification voulant que les travailleurs aient le droit de retourner au travail à la fin d'un conflit est valable et importante et aiderait grandement à régler le problème concernant le caractère instable de cette question et à apaiser la crainte légitime des employés que l'employeur essaie de trouver des travailleurs suppléants et de maintenir le statu quo.

C'est une chose qu'il faut reconnaître et qui se perd parfois parmi les allégations selon lesquelles il arrive aux syndicats d'adopter eux aussi des positions qui ne sont pas raisonnables, auquel cas l'employeur doit pouvoir continuer à fonctionner et a besoin de pouvoir faire ce choix. Je m'inquiète cependant lorsqu'on essaie de commencer à réglementer le pouvoir relatif des parties.

Je vais m'arrêter ici et voir si ce que j'ai dit va susciter la discussion.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Je vous remercie beaucoup de cet exposé très clair. Selon moi, il aurait été bon que vous soyez le premier à témoigner.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci beaucoup de cet exposé. Je tiens à m'excuser au nom du comité du fait qu'il y a tant d'absents ici aujourd'hui. Je pense que la plupart d'entre eux auraient bien aimé votre exposé.

Vous avez dit tellement de choses que je ne sais pas par où commencer. Je suis très heureux que vous ayez soulevé la question de l'enquête sur les ports de la côte Ouest. Je m'interroge sur la nécessité d'adopter un mécanisme de règlement des différends au lieu d'une approche fragmentée.

• 1650

J'aimerais avoir vos commentaires sur une des choses sur lesquelles on a attiré notre attention. Lorsqu'il se produit sur la côte Ouest un arrêt de travail qui touche au grain, souvent, le syndicat va débrayer, mais accepter entre-temps de charger le grain qui arrive. Bien sûr, l'employeur considère cela comme un moyen de subventionner la grève et on finit par se retrouver dans une impasse qui oblige le Parlement à adopter une loi sur le retour au travail. On compte sur une telle loi. Alors, l'employeur ne voit aucun autre moyen...

À mon avis, un employeur pourrait s'en sortir en revenant à ses moutons et en acceptant de négocier, mais j'ai l'impression qu'il se retrouve dans une situation où il pense être obligé de mettre les travailleurs en lock-out de sorte que le Parlement intervient et adopte une loi pour les obliger à retourner au travail. Cela n'empêche pas qu'il faut régler la question au sujet de laquelle les travailleurs se sont mis en grève et, souvent, on utilise le même mécanisme, c'est-à-dire l'arbitrage des propositions finales dans certains cas et, dans d'autres, la médiation pure et simple.

Pouvez-vous me confirmer si...?

M. Thomas Knight: Je pense que vous avez raison. Bien sûr, les employeurs ont tendance à considérer l'offre des syndicats de s'occuper du grain comme une stratégie qui consiste à «diviser pour régner», malgré qu'il s'agisse là d'un service essentiel qui fait bien paraître les syndicats. Les employeurs sont plus souvent accusés d'utiliser une telle tactique, mais ils considèrent qu'elle diminue les pressions en vue d'une intervention et, lorsqu'il y a un différend, c'est ce qu'on a tendance à faire.

En ce qui concerne l'arbitrage des propositions finales, j'ai donné à entendre que c'était une possibilité. Je sais que le groupe de travail n'était pas tellement en faveur de cette solution de rechange. Il semble croire qu'il s'agit dans la plupart des cas d'un problème d'argent uniquement.

M. Dale Johnston: Vous voulez parler du groupe de travail Sims?

M. Thomas Knight: Oui.

Je ne suis pas aussi pessimiste. Il est vrai que l'arbitrage a tendance à faire des gagnants et des perdants, mais il exerce énormément de pressions sur les parties pour qu'elles négocient. Je vous dis cela avec un peu de recul mais je suis quand même de la région et j'ai observé les négociations dans le secteur des ports où il me semble qu'il faut exercer certaines pressions sur les parties pour qu'elles négocient—pour qu'elles en reviennent à leurs moutons, comme vous dites. Ces dernières années, elles ont travaillé à la manière dont elles mènent leurs négociations. Je ne sais pas où elles en sont actuellement—j'imagine que nous le saurons lorsque le contrat arrivera à échéance—mais c'est un exemple d'un secteur où on pourrait avoir besoin d'une aide pour améliorer les relations et développer de meilleures techniques de négociation.

C'est là le grand mérite de l'arbitrage des propositions finales: il exerce des pressions énormes. Cependant, comme le groupe de travail l'a signalé à juste titre, lorsqu'on traite de questions de terminologie très compliquées et de changements, ce n'est pas nécessairement la meilleure voie. Mais, je le répète, les pressions exercées peuvent être avantageuses.

M. Dale Johnston: Je n'ai qu'un très bref commentaire. J'aurais tendance à être d'accord avec vous. Le fait qu'il puisse y avoir arbitrage des propositions finales exercerait des pressions sur les deux parties pour qu'elles négocient honnêtement en vue d'en arriver à un règlement au lieu de recourir aux grands moyens. Donc, en fin de compte, on n'aurait pas du tout recours à l'arbitrage des propositions finales.

M. Thomas Knight: C'est vraiment là l'objectif de l'arbitrage des propositions finales comme mécanisme de règlement des différends. Il est censé rétablir les pressions d'un véritable arrêt de travail.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Je ne sais pas par où commencer. Vous avez fait un très bon exposé qui pousse à la réflexion.

Je trouve étrange que lorsque l'ILWU fait preuve de bonne volonté et de bonne foi en acceptant de manutentionner le grain pour le bien-être de la nation, on lui impose un lock-out comme si elle avait voulu mal faire en collaborant et en s'occupant du grain. En 1996, lorsque les contremaîtres de l'ILWU ont débrayé et qu'on a continué à manutentionner le grain, il n'a fallu que deux jours pour qu'il y ait un lock-out et qu'on entreprenne d'adopter une loi les obligeant à retourner au travail.

• 1655

J'ai deux questions. Vous n'avez pas parlé de l'accès aux travailleurs à distance, ce qui fait partie des nouvelles modifications au Code. Que pensez-vous du droit d'un syndicat de savoir qui sont tous les membres de l'unité de négociation de manière à pouvoir communiquer avec eux pour savoir s'ils sont intéressés à se joindre au syndicat? J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Vous avez parlé de la difficulté à déterminer le motif véritable lorsqu'il est question d'embaucher des briseurs de grève pour miner la capacité du syndicat de fonctionner. Comme syndicat, nous devons justifier nos motifs, et comment savoir ce que pense vraiment quelqu'un? C'est une question très difficile. Que recommanderiez-vous alors, une interdiction totale des travailleurs de remplacement ou non? Qu'en pensez-vous?

M. Thomas Knight: Pour ce qui est de votre première question, concernant les travailleurs à distance, selon moi, pour que la négociation collective et la représentation syndicale soient possibles et fonctionnent efficacement, il faut avoir accès à des renseignements complets de cet ordre. Comme vous le dites, les employés qui font partie de l'unité de négociation... Je crois qu'il convient que cette information soit disponible.

C'est comme le droit dont jouissent depuis de nombreuses années en Colombie-Britannique les syndicats d'avoir accès à la propriété de l'employeur lorsque c'est la seule possibilité pour le syndicat, ou les travailleurs, d'entrer en contact avec des représentants syndicaux. C'est une disposition analogue. Je ne pense pas que ce soit vraiment sujet à controverse.

Pour ce qui est des travailleurs suppléants, je suis personnellement d'avis qu'il ne devrait pas être interdit à un employeur d'embaucher d'autres travailleurs durant un conflit de travail si c'est ce qu'il choisit de faire. Comme je l'ai indiqué, la question de la représentation et celle de savoir si les travailleurs conserveront leur emploi font l'objet de l'autre modification proposée, qui leur garantit qu'ils pourraient reprendre leurs fonctions à la fin d'un conflit.

À mon avis, qu'on soit pour ou contre les travailleurs suppléants, ce compromis qui permet aux syndicats de contester l'embauchage de travailleurs seulement s'ils peuvent démontrer que le but de l'employeur était de miner leur capacité de représentation, n'est pas la solution qui convient. Selon moi, il serait préférable d'éviter ce type de réglementation.

Si on pousse la logique jusqu'au bout—du point de vue des travailleurs, c'est une analyse qui n'est pas très agréable à faire—on pourrait en venir à dire, par exemple, que les travailleurs ne peuvent pas avoir un autre emploi. Si le but est de maximiser les coûts pour les deux parties et de faire ainsi en sorte que le conflit dure moins longtemps et si on suivait ce raisonnement jusqu'au bout, il faudrait restreindre le recours au fonds de grève du syndicat.

Je dirais aussi que le droit d'arrêter collectivement de travailler ne donne pas aux travailleurs le droit absolu d'obliger un employeur à fermer ses portes. Il s'agit uniquement du droit collectif de grève, et cela confère un énorme pouvoir aux travailleurs. La décision pour l'employeur d'embaucher des travailleurs suppléants entraîne des coûts.

À mon avis, c'est là que nous commençons à réglementer l'équilibre relatif des pouvoirs des parties. C'est une invitation à l'instabilité législative, entre autres choses. C'est certainement le cas en Colombie-Britannique où le pendule fait d'énormes mouvements. Nous savons tous que s'il y a un changement de gouvernement, ce qui va inévitablement arriver un jour ou l'autre, ce sera là une des premières cibles, et la question fera l'objet d'une grande controverse.

• 1700

Ces choses ont une façon... Je travaille sur le terrain surtout et je peux observer l'incidence du symbolisme de la controverse et de l'instabilité législatives. Cela a une incidence sur les rapports entre les travailleurs, les superviseurs, les représentants syndicaux et tout le monde et je ne pense pas que ce soit très productif.

M. Pat Martin: Merci.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Raymond Bonin.

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, madame la présidente. Je ne suis pas membre du comité; je ne fais que remplacer, mais je me suis déjà trouvé de tous les côtés de la table et j'ai aussi été président de ma section locale.

Durant une grève, bien des pouvoirs sont conférés à quelques personnes: les dirigeants syndicaux et l'équipe de négociation. Sur la ligne de piquetage, il y a vraiment deux choses de frustrantes. La première, c'est de voir des gens franchir la ligne de piquetage pour faire son travail et l'autre, de vouloir retourner au travail, mais de se voir refuser la possibilité de voter par son propre syndicat.

Pensez-vous qu'il y a de la place pour un compromis entre les travailleurs suppléants et un vote obligatoire sur le retour au travail sous réserve d'une importante nouvelle offre? À l'heure actuelle, il y a dans ma propre circonscription de nombreux fonctionnaires fédéraux qui veulent le règlement sur l'équité salariale, mais on leur en refuse la possibilité. Y a-t-il place pour un compromis, pensez-vous, entre les deux?

M. Thomas Knight: Je ne sais pas. Il va falloir que je réfléchisse à la question de savoir si on peut faire un lien direct entre les deux. Je ne sais pas si je serais d'accord pour que ce soit obligatoire—obligatoire en fonction de quoi? Qui déclencherait le mécanisme?

M. Raymond Bonin: Ce n'est pas une chose facile à faire, mais c'est possible.

M. Thomas Knight: Non. Je comprends le désir... D'après mon expérience, de nombreux travailleurs, y compris la préposée aux réservations à qui j'ai parlé lorsque j'ai fait mes réservations de vol pour venir ici... Dès qu'elle a su que je m'occupais de relations de travail, elle a commencé à m'expliquer comment elle se sentait du fait qu'elle ne pouvait pas se prononcer sur des questions comme...

M. Raymond Bonin: Comme dirigeant syndical, j'étais président d'un syndicat d'employés de compagnies aériennes.

M. Thomas Knight: Je vois.

Quoi qu'il en soit, je pense que c'est là un reflet des changements qui sont intervenus dans la population active. Il fut une époque où les travailleurs disaient: «Nos dirigeants vont décider pour nous: c'est pour ça que nous les élisons.» C'est encore souvent le cas, mais je pense qu'il doit y avoir un moment où, lorsqu'un conflit dure depuis longtemps, les travailleurs devraient avoir le choix.

Chaque fois que j'entends le mot «obligatoire», je me sens nerveux et j'essaie de penser à toutes les ramifications possibles. Qui déclarerait qu'il va y avoir un vote? Qui proposerait quoi?

M. Raymond Bonin: Au sujet des travailleurs suppléants, ce serait obligatoire.

M. Thomas Knight: J'imagine que je préférerais cela à une interdiction totale des travailleurs suppléants, si j'avais le choix.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci infiniment de votre exposé. Nous allons conserver votre aide-mémoire pour les questions que nous allons poser aux autres témoins.

M. Thomas Knight: Merci.

• 1705

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Comme vous le savez, vous avez une demi-heure à organiser comme bon vous semble. Il arrive que la période de questions soit plus intéressante que le reste; nous espérons par conséquent...

Des voix: Oh, oh!

M. George C.B. Smith (président, Employeurs des transports et communications de régie fédérale): Vous voulez donc que nous abrégions notre présentation pour que la période de questions soit plus longue?

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Nous nous posons toujours des questions quand des témoins prennent toute la demi-heure pour leur présentation; ils ne veulent peut-être pas se faire poser de questions.

M. George Smith: Attention! Madame la présidente nous fait un cours de stratégie!

Permettez-moi tout d'abord de me présenter, après quoi le reste du groupe pourra faire de même. Je suis vice-président aux Ressources humaines à la Société Radio-Canada et président du groupe des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, le groupe ETCOF, dont je suis le porte-parole aujourd'hui.

Mme Leslie-Anne Lewis (Employeurs des transports et communications de régie fédérale): Leslie-Anne Lewis, du Canadien National. Je suis membre du comité principal du groupe ETCOF.

[Français]

M. Jean Bédard (Employeurs des transports et communications de régie fédérale): Jean Bédard, Association des employeurs maritimes.

[Traduction]

M. David Olsen (Employeurs des transports et communications de régie fédérale): Je m'appelle David Olsen. Je suis avocat-conseil général adjoint à la Société canadienne des postes et je fais partie du sous-comité du groupe ETCOF chargé d'examiner la partie I du Code canadien du travail.

M. Richard Cavanagh (Employeurs des transports et communications de régie fédérale): Richard Cavanagh. Je suis Directeur national des relations extérieures chez Stentor politiques publiques Télécom Inc. et je représente les grandes compagnies de téléphone canadiennes.

M. George Smith: Je vais essayer d'être bref. Je compte diviser ma présentation... Des exemplaires de notre mémoire devraient vous être distribués bientôt.

Il y a quatre points sur lesquels j'aimerais insister tout particulièrement. Je vais commencer par vous expliquer qui nous sommes et qui nous représentons parce qu'il est important que vous le sachiez. Deuxièmement, je vais vous exposer rapidement nos préoccupations au sujet du processus de réforme législative en général, en espérant vous les faire partager. Troisièmement, je vais me concentrer plus particulièrement sur le processus de réforme qui a entouré la rédaction du projet de loi que nous avons en main. Et enfin, je voudrais attirer votre attention sur quelques-unes des modifications proposées dans ce projet de loi.

Donc, pour commencer, le groupe ETCOF réunit plus de 20 entreprises réglementées au niveau fédéral, qui comptent ensemble plus de 400 000 employés du secteur fédéral. Comme vous le voyez dans notre mémoire, nous représentons des lignes aériennes, des sociétés ferroviaires, la Société des postes, des radiodiffuseurs, des compagnies maritimes, en fait toute une gamme d'employeurs de régie fédérale. Dans la plupart des cas, nos employés appartiennent à des syndicats bien organisés. Et nous avons ceci de particulier que nous fonctionnons 24 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par année, ce qui est important compte tenu des lois qui existent dans certaines provinces.

Pour ce qui est des considérations générales qui devraient entrer en ligne de compte dans toute réforme législative, il s'agit en fait de deux grandes questions qui ont beaucoup d'importance pour nos entreprises membres: d'abord la question de la compétitivité et ensuite celle de la stabilité.

Le monde s'est transformé depuis la dernière révision du Code, il y a une vingtaine d'années, et nous constatons que presque toutes nos entreprises membres ont été touchées par les changements comme la déréglementation et le libre-échange. Par ailleurs, les questions de compétitivité ont aussi une très grande incidence sur nos relations industrielles et doivent entrer en ligne de compte, à notre avis, dans tout processus de réforme législative.

Nous estimons également que la nécessité d'un cadre stable à l'intérieur duquel les syndicats, les employeurs et les employés peuvent fonctionner—et qu'ils souhaitent tous ardemment—est une considération primordiale.

• 1710

Nous sommes donc fermement convaincus que les lois ne devraient être modifiées que s'il est prouvé qu'elles ne sont pas efficaces ou si elles ne sont pas conformes à la politique gouvernementale générale et à la situation économique.

La troisième partie de mes remarques porte sur le processus de réforme du Code; permettez-moi de vous en faire un bref historique. La plupart des gens qui sont autour de cette table sont là depuis le début de cette réforme. Tout a réellement commencé au début de 1995, quand le processus a été enclenché par un nouveau ministre du Travail qui n'est plus là depuis belle lurette. En fait, je pense que quatre ministres du Travail se sont succédé pendant la période qui nous intéresse.

En soi, ce n'est pas extrêmement grave. Nous croyons que le processus était—et qu'il est toujours—extrêmement utile. Mais le fait est qu'il n'y a qu'une seule personne qui a pu assurer une certaine stabilité et une certaine continuité pendant toute cette période; je pense qu'il est assis derrière moi. Je veux parler de Michael McDermott, qui a piloté—très efficacement, je dois dire—ce dossier d'un ministre à l'autre. Comme vous le savez, ce n'est pas une tâche facile.

Il est très important de reconnaître que le processus de consensualisation suivi par la commission Sims pour la préparation de son rapport devrait servir de modèle pour tous les efforts de réforme législative. Le groupe ETCOF approuvait ce processus sans réserve et y a participé pleinement. Nos membres, de même que les gens qui sont assis à cette table aujourd'hui, y ont consacré des centaines d'heures, dans leurs moments libres, mais nous croyons tous que c'était du temps bien employé. Toutefois, bien franchement, nous estimons qu'il est temps maintenant de passer à autre chose et d'adopter ce projet de loi.

Il est intéressant de comparer ce qui s'est passé ici—dans un sens très positif, puisque notre façon de procéder était de loin préférable—à la politisation du débat sur la modification du Code du travail en Ontario, dont vous avez sans doute entendu parler.

Les gouvernements successifs ont en effet politisé le Code du travail, de même que la nomination des gens chargés de l'administrer, au détriment des relations industrielles, qui s'en sont trouvées déstabilisées. Encore une fois, nous pensons que l'Ontario et les autres secteurs devraient suivre le modèle qui a été appliqué ici.

Nous avions certaines réserves quand le projet de loi C-66, qui devait traduire les conclusions du rapport Sims en termes législatifs, a été déposé. Nous avons pu exprimer ces réserves devant un comité comme celui-ci, surtout au sujet des questions sur lesquelles nous jugions que les recommandations ne reflétaient pas le consensus établi, ou encore... Je dois d'ailleurs souligner que, dans la vaste majorité des cas, bien des gens ont été étonnés de voir qu'un groupe syndical-patronal avait pu établir un consensus sur des questions très litigieuses. Nous n'étions donc pas très satisfaits de voir que cela ne se reflétait pas toujours dans le projet de loi. Nous étions également inquiets de constater que le projet de loi contenait certains éléments qui n'avaient pas été évoqués lors des consultations.

Mais, dans l'ensemble, le projet de loi C-19 reflète les préoccupations que nous avions exprimées à ce moment-là; il comprend un ensemble de mesures que nous sommes prêts à appuyer, en tant qu'employeurs de régie fédérale. Nous sommes très heureux du processus qui a été suivi et nous jugeons le produit final tout à fait acceptable, du moins en bonne partie.

Il y a cependant deux questions qui continuent de nous préoccuper et que nous aimerions porter à votre attention. Nous avons notamment des réticences au sujet de l'article 47.3 proposé, qui porte sur les contrats successifs, d'abord parce qu'il n'en a pas été question pendant les consultations, et ensuite parce que cette disposition ne répond pas aux critères de compétitivité qui sont à notre avis, comme je l'ai mentionné dès le début, extrêmement importants dans tout examen visant la réforme du droit du travail.

Nous tenons également à vous faire remarquer, en particulier, que l'alinéa 47.3(1)b) donne au gouverneur en conseil des pouvoirs—sans précédent à notre avis—qui lui permettraient de prendre des règlements pour désigner d'autres secteurs d'activités. Même si vous décidez de ne pas modifier le reste de l'article 47.3, nous croyons que cette disposition pourrait poser des problèmes à cause de ces pouvoirs exceptionnels.

• 1715

L'article 87.7 proposé est notre autre sujet de préoccupation. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails, mais je tiens à vous dire que cette disposition, qui permettrait de désigner des produits ou des services, créerait elle aussi un précédent et irait à l'encontre de la libre négociation collective, qui constitue à notre avis le fondement même du Code du travail fédéral. Nous croyons que cette désignation pourrait nous entraîner sur un terrain glissant qui risquerait de nous éloigner de la libre négociation collective.

Pour résumer, je répète que nous approuvons entièrement le processus et le produit final, sous réserve des commentaires que je viens de vous faire sur deux des dispositions proposées. Nous estimons qu'il est maintenant temps de passer à l'adoption du projet de loi pour que les parties puissent commencer à s'ajuster aux changements qui seront apportés.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci.

Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente.

Merci de votre présentation.

Alors, vous vous opposez au principe des obligations du successeur, n'est-ce pas? Vous aimeriez que cette partie du projet de loi soit supprimée?

M. George Smith: Ce n'est pas tellement que nous sommes contre ce principe. Il y a déjà des dispositions à cet égard dans d'autres parties du Code. Ce qui nous inquiète, c'est plutôt la nature des obligations prévues ici. En temps normal, même si le principe s'applique, les contrats sont rouverts et les parties peuvent négocier des conditions adaptées aux circonstances. Dans ce cas-ci, il y a une disposition qui élimine ces négociations et qui fixe même les taux de rémunération.

M. Dale Johnston: Cela pourrait avoir une grande incidence sur la compétitivité.

Quand vous parlez de compétitivité, est-ce que vous songez surtout à vos concurrents canadiens? Ils sont tous visés par le même Code du travail, je suppose. Vous voulez sans doute dire que vous devez aussi soutenir la concurrence des entreprises étrangères.

M. George Smith: En particulier, étant donné le libellé actuel du projet de loi et les répercussions qu'il pourrait avoir sur les transporteurs aériens, cela pourrait effectivement poser un problème pour ceux qui réalisent un fort pourcentage, ou du moins un certain pourcentage, de leur chiffre d'affaires à l'extérieur du pays.

M. Dale Johnston: Pensez-vous que l'article 87.7 proposé, qui permettrait en quelque sorte de déclarer qu'un secteur donné assure un service essentiel, pourrait être contesté devant les tribunaux?

M. George Smith: Encore une fois, nous en avons surtout contre le principe...

M. Dale Johnston: C'est exactement ce que je voulais dire.

M. George Smith: ... de ce genre de désignation. Sans vouloir entrer dans les détails sur les produits ou les services qui pourraient être visés, nous pensons qu'il y aurait des risques de contestation, mais qu'il pourrait également y avoir des répercussions considérables sur les relations industrielles si des industries connexes ou interdépendantes faisaient l'objet d'une désignation de ce genre.

M. Dale Johnston: Que diriez-vous de la mise en place d'un mécanisme de règlement des différends au lieu de quelque chose de ce genre, à savoir la désignation d'un produit donné, ou d'un ou deux groupes en particulier?

M. George Smith: Nous préférons nettement la libre négociation collective, qui permet aux parties de trouver une solution elles-mêmes sans intervention du gouvernement.

M. Dale Johnston: Mais que diriez-vous d'un mécanisme de règlement des différends qui favoriserait tous les aspects de la négociation collective et encouragerait les parties à trouver un terrain d'entente, mais qui permettrait d'en arriver à un règlement quand elles ne pourraient pas y arriver toutes seules?

• 1720

M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Personne n'est d'accord avec les réformistes.

Une voix: Vous avez manqué la meilleure présentation.

M. Robert Nault: Je m'en excuse.

M. George Smith: Pour avoir déjà vécu une expérience de ce genre dans une vie antérieure, quand j'étais vice-président du Canadien Pacifique, je peux vous dire que même avec les meilleures intentions du monde, c'est encore la libre négociation collective qui est la meilleure option.

M. Dale Johnston: Nous avons tous eu des vies antérieures nous aussi.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci de votre présentation.

Premièrement, il n'y a rien dans le projet de loi qui empêche les deux parties, si elles le jugent indiqué, d'avoir recours à une forme quelconque d'arbitrage exécutoire par une tierce partie.

M. George Smith: Il n'y a rien qui les en empêche non plus dans la loi actuelle.

M. Pat Martin: En effet. Je tenais à le préciser.

En ce qui a trait à vos réserves sur l'article 47.3 proposé, je veux simplement vous faire remarquer que le principe, dans tout cela, c'est que les salaires ne seraient plus soumis aux lois de la concurrence dans le cas des contrats. Nous aimerions que les contrats soient accordés en fonction des compétences, des capacités et de la productivité des entrepreneurs, et non de leur talent pour trouver de la main-d'oeuvre de moins en moins chère. Je pense que c'est la véritable raison d'être de cette disposition.

Nous en avons actuellement un exemple classique à Goose Bay, au Labrador, où le contrat des services non militaires va être accordé à une entreprise britannique. Malheureusement, ce contrat est régi par la vieille Loi sur les relations de travail dans la fonction publique plutôt que par le Code canadien du travail; il n'y a donc rien qui oblige cette entreprise à retenir les services des mêmes employés au même taux de rémunération. En fait, les salaires vont diminuer considérablement. Ce n'est qu'un exemple des motivations probables des gens qui souhaitaient une protection de ce genre et des raisons pour lesquelles nous voulons qu'elle soit maintenue.

Vous dites dans votre rapport que certains des aspects sur lesquels il y avait eu une entente au cours du long processus de consultation, après bien des compromis, ne se retrouvent pas dans le projet de loi, alors que d'autres questions qui n'ont pas été soulevées pendant ce processus de consultation y sont, sans que vous ayez eu la chance de les commenter ou de les négocier. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces éléments du projet de loi dont il n'a jamais été question pendant les deux années de consultation?

M. George Smith: Je m'excuse si ce n'était pas clair, mais je voulais parler du moment où le rapport Sims a été transposé dans le premier projet de loi, le C-66; nous avions certaines réticences à ce moment-là. Nous avons fait part de nos préoccupations devant un comité comme le vôtre. Et, grâce à cela, la majorité des problèmes qui nous inquiétaient ont été réglés.

M. Pat Martin: C'est parfait. Merci.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Monsieur Nault.

M. Robert Nault: J'étais ici quand vous êtes venus la dernière fois. Votre présentation est tout à fait différente cette fois-ci, et j'en suis très heureux.

Je suis moi aussi plutôt puriste quand il est question de négociations collectives. Je serais d'accord avec vous sur toute la question que soulève l'article 87.7 proposé s'il y avait effectivement des négociations collectives sur la côte ouest; nous pourrions alors avoir une discussion sérieuse.

Mais je peux vous dire, puisque je suis un puriste, que je déteste encore plus forcer des gens à retourner au travail par une loi spéciale, ce qui semble toujours être le cas sur la côte ouest. J'espère que ce projet de loi apportera un changement dans le bon sens pour les négociations collectives dans cette région. Sinon, nous allons devoir de nouveau faire rentrer des gens au travail à coup de lois spéciales, pour le bien de la nation, et faire intervenir une tierce partie plutôt que de vider des questions qui devraient être réglées par les parties elles-mêmes.

Cela dit, je me mords la langue et je me bouche le nez, tout comme vous, mais je pense que nous devons essayer de faire quelque chose parce que personne n'est encore venu nous dire que les choses fonctionnent bien sur la côte ouest.

Seriez-vous prêt à admettre que ceci est au moins un bon départ? Même mes amis syndicalistes rongent leur frein et reconnaissent que c'est au moins une tentative concrète pour contenter la majorité des gens et en revenir à la négociation collective. Qu'en pensez-vous?

M. George Smith: Je vais vous répondre la même chose qu'à votre collègue. Nous préférons la libre négociation collective. Quoi que vous en disiez, c'est un terrain glissant. Nous pourrions débattre des raisons et des antécédents que vous avez invoqués, mais nous pensons que les parties doivent être laissées à elles-mêmes. Je n'en dis pas plus.

• 1725

M. Robert Nault: À mon avis, le seul terrain glissant est celui sur lequel nous entraînerait l'approche de M. Johnston ou celle-ci. Ce qu'il dit, en gros, c'est que la négociation ne fonctionne pas et qu'il faut par conséquent intervenir et instaurer un processus d'arbitrage obligatoire. C'est plutôt sur ce terrain glissant-là que j'ai une peur bleue de m'aventurer, bien franchement.

Alors, est-ce que je peux vous demander laquelle de ces approches vous choisiriez?

Des voix: Oh, oh!

M. George Smith: Vous vous souvenez du film Sophie's Choice?

Des voix: Oh, oh!

M. Robert Nault: Je comprends que la journée a été longue, mais j'ai du mal à faire dire aux témoins ce que je veux, madame la présidente. Je suis ici depuis dix ans et je n'ai pas encore réussi à leur faire dire ce que j'aimerais qu'ils disent.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé!

M. Robert Nault: Merci, madame la présidente, vous êtes trop bonne.

M. George Smith: J'ai failli m'en remettre à mon avocat.

Des voix: Oh, oh!

M. Robert Nault: David aimerait bien avoir son mot à dire. Permettez-moi de vous poser une dernière question pour conclure.

Vous vous occupez du groupe ETCOF depuis un certain temps. Nous avons eu ici des gens qui n'avaient pas tellement l'habitude de voir des employeurs et des employés établir un consensus et venir nous le présenter ensuite. Pensez-vous qu'il soit utile que nous continuions à procéder de cette façon au niveau fédéral? C'est évidemment beaucoup plus lent que si le gouvernement se contentait de dire qu'il sait ce qu'il fait et qu'il va changer les choses.

C'est ce qui s'est passé en Ontario, par exemple. Le gouvernement ne se souciait vraiment pas de ce que les gens pensaient. Il est donc allé très loin vers la droite parce qu'il jugeait que les choses iraient mieux ensuite. Il a décidé de laisser les lois du marché jouer librement, sans s'occuper de qui que ce soit. Mais la première nouvelle qu'on a, c'est que les mouvements syndicaux sont en furie et qu'il y a des grèves un peu partout.

Pensez-vous que votre approche soit beaucoup plus efficace, même si elle est peut-être un peu plus exigeante parce que vous devez assister à une foule de réunions?

M. George Smith: Comme nous le disons clairement dans notre mémoire, le groupe ETCOF est fondé notamment sur le principe que l'approche consultative est la meilleure. En fait, nous croyons que c'est probablement cette fois-ci que le processus a été le mieux appliqué au cours de notre quinzaine d'années d'existence. Il a été employé aussi pour la révision des parties II et II, mais pas pour l'examen de sujets aussi litigieux.

Il y a bien sûr une question de temps. Il faut choisir, et il est tentant de court-circuiter les choses, mais si on nous en donne la possibilité, nous allons prendre le temps nécessaire à chaque fois. Nous pensons que la discussion, tout comme à la table des négociations, est de loin la meilleure voie.

M. Robert Nault: Il y a un autre aspect dont nous n'avons pas discuté avec beaucoup de témoins; je veux parler du texte du projet de loi. Est-ce qu'il a été examiné par un avocat? Ceux d'entre nous qui ont participé à ce genre de chose, d'un côté ou de l'autre, savent que les lois peuvent toujours être interprétées de diverses façons. Nous supposons bien sûr que nos amis du ministère de la Justice sont assez intelligents pour ne pas avoir fait d'erreurs.

Je n'ai pas encore posé cette question, mais nous en sommes maintenant rendus au point où les syndicats, tout particulièrement dans le secteur que représente le groupe ETCOF, disent que ce n'est pas si mal et qu'il faut adopter le projet de loi. Mais est-ce que quelqu'un a vraiment regardé le projet de loi et les changements qui y sont proposés pour être certain qu'il reflète effectivement les conclusions du groupe de travail Sims et que le texte est bien rédigé?

M. George Smith: Vous posez là deux questions connexes. En un sens, un des grands avantages de cette longue période de consultation, qui a de plus été interrompue par la campagne électorale, c'est que nous avons eu droit à une répétition générale avec le projet de loi C-66. Il y a eu certaines difficultés en raison des contraintes de temps, et aussi parce qu'il n'est pas facile de remettre à quelqu'un le produit de sept ou huit mois de consultation et de lui demander de traduire tout cela en langage législatif.

La bonne nouvelle, à mon avis—mais je m'en remets aux avocats—, c'est que le libellé actuel du projet de loi C-19 reflète en bonne partie l'esprit, l'intention et le contenu du rapport Sims sur la plupart des questions essentielles.

M. David Olsen: C'est exact, je pense. Il est certain que, si vous relisiez le mémoire du groupe ETCOF au sujet du projet de loi C-66, vous constateriez que la principale inquiétude portait sur la fidélité de ce projet de loi au rapport Sims. Bon nombre des mémoires qui ont été soumis à ce moment-là faisaient état de préoccupations du même genre. Dans l'ensemble, nous sommes heureux que ces questions de rédaction aient été réglées pendant le processus de discussions sur le projet de loi C-66 et la période qui a précédé le dépôt du nouveau projet de loi.

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Par ailleurs, des avocats des deux parties étaient présents pendant l'exercice de consensualisation entre le groupe ETCOF et le Congrès du travail du Canada. Les personnes présentes partageaient certaines idées, et je pense que M. Sims a traduit fidèlement, pour une bonne part, le consensus auquel elles en étaient arrivées.

Vous pouvez être à peu près certains que le projet de loi que vous avez en main reflète assez fidèlement ce consensus. La plupart des écarts, s'il y en avait, ont été corrigés au cours du long processus d'examen du projet de loi C-66.

M. George Smith: Notre désir d'aller de l'avant a dissipé toutes nos inquiétudes, en fait. C'est ce que nous disons dans notre mémoire.

M. Robert Nault: Madame la présidente, je suis ici moi-même depuis le début. Je suis d'accord. Il faut passer à l'étape suivante.

Merci beaucoup de votre témoignage.

La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.

La séance est levée.