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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 avril 1998

• 1547

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, je peux enfin déclarer la séance ouverte. Je vous présente toutes mes excuses pour vous avoir fait attendre 16 minutes, mais ce sont des choses qui arrivent. Il se passait quelque chose de spécial à la Chambre des communes cet après-midi; c'est ce qui nous a retenus.

Comme nous avons maintenant le quorum, je souhaite la bienvenue à Roman Stoykewych, au commandant Dan Adamus et au commandant John Dunlop, de l'Association des pilotes de ligne - Canada. Je vous donne la parole.

Le commandant John Dunlop (président, Conseil canadien, Association des pilotes de ligne): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés. Je m'appelle John Dunlop. Je suis président du Conseil canadien de l'Association des pilotes de ligne, qui a pour devoir de représenter nos membres au Canada devant le gouvernement canadien.

Je suis accompagné aujourd'hui du commandant Dan Adamus—Dan est commandant de bord auprès de Air Canada Régional, et il est notre spécialiste en affaires juridiques—ainsi que de M. Roman Stoykewych, conseiller juridique de l'Association.

Personnellement, je suis commandant de bord d'un 767, à Canadian Airlines. Quand je ne suis pas devant un comité comme le vôtre, je pilote. Je suis également vice-président de l'Association internationale des pilotes de ligne, qui représente plus de 46 000 pilotes de ligne en Amérique du Nord.

Je suis ici aujourd'hui au nom des 2 700 membres représentant dix lignes aériennes au Canada. Dans le processus de négociation, et en travaillant de concert avec différents organismes gouvernementaux, ALPA favorise la sécurité aérienne et la santé et le bien-être de nos membres.

ALPA apprécie cette occasion qui lui est donnée de venir exprimer son appui au projet de loi C-19. Selon nous, le projet de loi favorise des décisions équilibrées et équitables à des problèmes complexes de relations de travail. Nous appuyons également de tout coeur l'idée générale de la législation qui stipule l'application diligente et cohérente du régime fédéral dans les négociations collectives.

Notre association oeuvre dans ce milieu commercial en évolution rapide qu'est l'industrie de l'aviation. ALPA, ainsi que son prédécesseur, CALPA, se sont souvent appuyées sur les dispositions du Code canadien du travail afin d'introduire un minimum de stabilité et d'équité dans les négociations de conventions collectives.

Nos membres ont connu de première main les retards et les problèmes administratifs que décrit le rapport du groupe de travail Sims. Je sais que d'autres l'ont déjà dit devant votre comité, et nous pouvons certainement attester de la validité de cette maxime, que les relations de travail reportées sont des relations de travail refusées.

• 1550

Selon nous, les pouvoirs accrus conférés au nouveau tribunal fournissent à celui-ci des outils nécessaires pour démêler les épineux problèmes des relations de travail dans l'industrie de l'aviation. Nous apprécions tout particulièrement les dispositions qui autorisent le nouveau tribunal à agir rapidement et à permettre un recours provisoire pendant la procédure. En matière de relations de travail, les solutions doivent intervenir au moment opportun pour être équitables, et les dispositions que l'on propose procurent au nouveau tribunal certains des outils dont il aura besoin pour obtenir des résultats équitables.

Quoique nous soyons dans l'ensemble en faveur du projet de loi, ALPA est néanmoins déçue que l'utilisation de briseurs de grève ne soit pas interdite. D'après notre expérience, l'utilisation de travailleurs de remplacement lors d'une grève ou d'un lock-out affecte à long terme les relations pour toutes les négociations collectives. De plus, il est évident que le droit que maintiennent les employeurs de faire appel à des briseurs de grève leur donne un avantage injuste. Après tout, les syndicats n'ont pas des moyens analogues pour protéger leurs membres en cas de lock-out.

Nous considérons que le manque de protection véritable contre l'utilisation des briseurs de grève est une faiblesse du projet de loi, lequel n'atteint pas l'équilibre que doit viser toute loi concernant les relations de travail. Nous incitons donc le comité à envisager des dispositions plus vigoureuses interdisant l'utilisation de briseurs de grève.

Dans le cas où des briseurs de grève seraient utilisés, il semblerait raisonnable d'offrir en compensation aux syndicats la protection des travailleurs contre toute mesure disciplinaire de la part de l'employeur dans les cas où les employés refusent de traverser les lignes de piquetage.

La section 18.1 proposée est particulièrement importante pour les pilotes de ligne professionnels. Elle autorise spécifiquement le Conseil à créer une nouvelle liste d'ancienneté fusionnée selon une déclaration d'employeur unique, suite à une vente de l'entreprise ou à une constatation de la part du Conseil que les structures existantes de négociations sont désuètes. Chacune de ces constatations peut affecter d'une façon marquée les droits d'ancienneté d'un employé, ce qui est bien entendu une question importante pour tout travailleur syndiqué. Toutefois, pour la plupart des pilotes professionnels, l'ancienneté est un facteur critique pour ce qui a trait à la paye, au lieu de résidence, à la position occupée dans la cabine de pilotage, au type d'avion piloté, à l'horaire et à bien d'autres aspects de son travail.

Par conséquent, il nous paraît essentiel que le Conseil soit habilité à résoudre de manière équitable et équilibrée les différends concernant l'ancienneté lorsque les parties ne peuvent arriver à une entente mutuellement acceptable.

Il faut bien comprendre que le conflit découlant de la fusion des listes d'ancienneté constitue une anomalie en négociation collective. En effet, la situation résulte d'une décision du Conseil affirmant que les relations de travail bénéficieraient de la fusion de deux unités de négociation en une seule, sous l'égide d'un seul syndicat. Ainsi, les pilotes qui auparavant appartenaient à des unités de négociation différentes et qui étaient probablement représentés par différents syndicats souvent ne s'entendent pas sur l'importance à accorder au type d'aéronef, à l'expérience sur un parcours donné, aux années de service, à la date d'embauche, aux plans de carrière et autres facteurs qui peuvent déterminer leur rang sur une liste d'ancienneté fusionnée.

De nombreux syndicats, y compris le nôtre, ont mis sur pied des mécanismes internes de médiation et d'adjudication des différends portant sur l'ancienneté. D'après notre expérience, ces mécanismes donnent généralement satisfaction. La législation proposée n'enlève rien à ces procédures internes, mais elles ne sont pas normalement applicables en cas de fusion entre deux syndicats. Dans de telles circonstances, s'il y a des accords concernant les droits d'ancienneté des employés qui doivent être fusionnés dans une seule unité de négociation, et particulièrement lorsque les groupes d'employés ne sont pas de la même taille, il pourrait être catastrophique pour les groupes moins nombreux de voir leurs droits d'ancienneté décidés arbitrairement par le représentant qui négociera au nom de tous les employés.

• 1555

Malheureusement, en l'absence d'un mécanisme de règlement des différends, on ne peut exclure le risque qu'une injustice considérable soit commise, qui pourrait affecter le reste de la carrière des employés. C'est la raison pour laquelle nous apprécions les dispositions du projet de loi autorisant le Conseil à trancher lorsqu'une entente à l'amiable n'est pas possible.

Une bonne législation en matière de relations de travail doit atteindre un équilibre délicat entre l'action volontaire et la coercition. Nous estimons que cet équilibre est atteint grâce aux paragraphes 18.1(2) et 18.1(3) du projet de loi. Ils décrivent en effet une procédure qui permet aux parties concernées par le fusionnement d'une unité de négociation d'arriver à une entente négociée sur tout l'éventail des problèmes de représentation qui découlent de cette fusion, avant de devoir soumettre leur cas au Conseil pour une décision.

Nous estimons que cette occasion de sonder les problèmes de représentation issus d'une déclaration d'employeur unique est essentielle afin d'assurer une structure de négociation viable et, tout particulièrement, pour garantir que des arrangements concernant la représentation soient perçus comme légitimes. Nous vous incitons donc à ne pas modifier cette disposition extrêmement utile.

Madame la présidente, permettez-moi de conclure en affirmant que si ALPA Canada considère encore que certains aspects du projet de loi C-19, pris isolément, mériteraient un examen plus approfondi, dans l'ensemble, nous y voyons un progrès important tant pour les employés que pour les employeurs. Nous jugeons que ce projet de loi est équilibré, qu'il est bien le produit d'un important processus de consultation et d'ententes entre les parties concernées et la communauté fédérale des relations de travail. Nous invitons donc instamment le comité à agir rapidement afin d'assurer l'adoption prochaine du projet de loi.

Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités et je suis prêt maintenant à répondre à toutes vos questions.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Je vous remercie de ce mémoire si court. Nous apprécions.

Nous allons procéder comme d'habitude pour les questions, mais nous allons devoir démêler tout cela puisque nous avons aussi entendu ce matin l'autre son de cloche. Je vais donner la parole d'abord à M. Johnston qui aura cinq bonnes minutes.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Merci, madame la présidente et merci, messieurs, de cette présentation.

Je crois savoir que vous avez actuellement une affaire devant le CCRT, et ce depuis un certain temps, et si vous souhaitez l'adoption rapide de ce projet de loi, c'est sûrement en partie à cause de la création du nouveau CCRI. Comment pensez-vous que le nouveau Conseil canadien des relations industrielles pourrait vous être utile dans votre cause?

Cmdt John Dunlop: Tout d'abord, monsieur Johnston, j'hésite à parler d'une affaire qui est déjà devant le CCRT. Avec votre permission, je préférerais que notre avocat nous explique comment le CCRI pourrait améliorer le traitement de cas comme celui-là. Je crois que c'est ce que vous voulez dire n'est-ce pas?

M. Dale Johnston: Oui. Plutôt que de parler d'un cas particulier, vous pourriez nous dire comment cela se passerait si une affaire de ce type était présentée devant le Conseil?

Cmdt John Dunlop: Roman.

M. Roman Stoykewych (conseiller juridique, Association des pilotes de ligne): Bien entendu, comme l'a indiqué le commandant Dunlop, nous hésitons à parler de cette affaire en particulier puisqu'elle a été portée devant le CCRT. Je ne voudrais pas que l'on établisse des parallèles trop évidents avec l'affaire en cours.

Nous estimons cependant que les nouveaux pouvoirs conférés au Conseil lui permettant une procédure préalable aux auditions, le règlement accéléré des contentieux... Le pouvoir du nouveau tribunal, conformément au projet de loi, de demander le dépôt de documents avant les audiences constitue une procédure extrêmement utile.

• 1600

Il y en a plusieurs autres prévues dans le projet de loi. Par exemple, la procédure provisoire proposée permettrait le maintien du statu quo ou l'octroi d'un redressement lorsqu'il est dans l'intérêt de la justice de rendre une décision provisoire plutôt que d'attendre la résolution finale du cas.

Je constate également que le projet de loi donne au Conseil des pouvoirs accrus pour ce qui est de l'établissement des règles et des procédures accélérées. Pour plus de précisions, il faudra attendre que le Conseil se prononce. Il sera essentiellement chargé d'arrêter lui-même ces règlements. Mais je crois que, dans l'ensemble, on peut s'attendre à ce que la procédure soit plus rapide. Les résultats arrivant plus rapidement, le règlement n'aurait plus simplement un intérêt historique.

J'aimerais ajouter une chose. Un pouvoir qui pourrait s'avérer fort utile est celui qui autorise le président ou un vice-président désigné du nouveau conseil à siéger seul.

Les retards qu'enregistre le CCRT sont en grande partie attribuables à la difficulté d'arrêter le calendrier. Ces membres sont relativement peu nombreux et ils doivent tous entendre un nombre relativement important d'affaires. Les amendements proposés au Code canadien du travail permettraient à un seul vice-président d'entendre l'affaire; or c'est parce qu'il est difficile d'avoir les trois personnes dans la même ville le même jour que l'on constate souvent des retards considérables dans le règlement de dossiers qui devraient être réglés rapidement.

M. Dale Johnston: Très bien. Merci.

Vous dites également que certains éléments du projet de loi mériteraient un examen plus approfondi, si on les prend isolément. Pourriez-vous préciser ce que vous voulez dire par là?

Cmdt John Dunlop: Nous avons déjà parlé de la question des travailleurs de remplacement. Cet aspect-là du projet de loi nous inquiète. Nous ne pensons pas qu'il permettra vraiment d'interdire le recours aux briseurs de grève. Nous estimons donc qu'il faut faire un geste envers les syndicats et, si vous lisez notre texte, vous verrez que nous suggérons comme compensation la protection pour les travailleurs qui refusent de traverser les lignes de piquetage.

M. Dale Johnston: Oui, j'ai lu cette partie-là. Je me demandais s'il y avait autre chose.

Cmdt John Dunlop: Non, je ne crois pas que nous voulions nous prononcer sur le reste.

M. Dale Johnston: Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Si vous êtes ici aujourd'hui c'est à cause de l'article 18, comme les gens d'Air Canada.

Ce matin, j'ai demandé aux représentants des pilotes d'Air Canada, qui considèrent que l'article 18 ne règle rien, s'il y avait moyen de trouver un compromis. On dit que fusionner n'est pas une solution, mais si on ne le fait pas, ce n'est pas une solution non plus. Est-ce qu'il existe une solution de compromis?

Monsieur Adamus, je crois que vous étiez là quand les gens d'Air Canada ont répondu que, dans le passé, il y avait eu des offres qui représentaient un compromis de leur part et qui n'avaient pas été acceptées. Est-ce que vous pourriez commenter là-dessus?

[Traduction]

Cmdt John Dunlop: Encore une fois, cette affaire-là est actuellement devant le CCRT. Bien sûr, les pilotes membres de notre organisation ne voient pas les choses tout à fait de la même manière.

Je ne pense pas que cela ait un rapport avec le projet de loi C-19. Pour ce qui est de notre différend avec les pilotes d'Air Canada, je ne crois pas que cela change grand-chose que nous ayons le CCRT ou le CCRI.

• 1605

Il faut bien comprendre que l'association représente un groupe de pilotes canadiens, ceux qui travaillent pour le plus gros transporteur, tandis que mon association représente dix transporteurs de tailles diverses. Nous avons des membres qui, comme moi, travaillent pour Canadian Airlines. Le fusionnement des unités de négociation de Canadian et de ses transporteurs régionaux n'est pas impensable. Nous représentons les deux.

On peut aussi imaginer le fusionnement des unités de négociation de Canadian et d'un plus gros transporteur, comme Air Canada. Il est très important pour nous, qui représentons plus de pilotes que tout autre syndicat au monde, que la procédure mise en place soit équitable tant pour les petits transporteurs que pour les plus gros.

Nous estimons que le projet de loi, avec la création du CCRI, offre une procédure plus équitable que celle que nous avons actuellement et peu importe en fait qu'il s'agisse d'un différend entre un groupe de la taille d'Air Canada et un plus petit, ou entre Canadian Airlines et un plus petit transporteur au sein de notre syndicat. Nous voulons une solution qui fonctionne dans les deux cas et je crois que nous l'avons trouvée. Nous ne croyons pas que les pilotes d'Air Canada aient les mêmes objectifs.

Je sais que ça ne répond pas à votre question. Je préfère ne pas parler du différend qui oppose deux groupes de pilotes, car il me paraît dégradant pour notre association et pour la profession en général. Je le considère malheureux. L'affaire finira par se régler, mais ce n'est pas vraiment de cela qu'il s'agit dans ce projet de loi. Il pourrait cependant accélérer le règlement, ce que nous espérons, d'ailleurs.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Il y a un argument qui a été invoqué et qui dit qu'on doit commencer au bas de l'échelle si on veut, dans un pays comme le Canada où il y a un transporteur national, intégrer le syndicat du transporteur national comme dans les autres pays.

Si je comprends bien, ce n'est pas ce qui va se passer au Canada avec l'article 18. Vous en sortez donc gagnants, mais est-ce que ça veut dire que l'argument des pilotes d'Air Canada ne tient pas ou bien que l'on a des règles du jeux différentes?

[Traduction]

Cmdt John Dunlop: Nous avons ici deux situations différentes. Permettez-moi de vous faire un petit historique de la situation des pilotes au Canada.

Quand un pilote change d'employeur, il tombe au bas de la liste d'ancienneté, et c'est juste, selon nous. Certains de nos membres ont quitté Transair pour aller à Nordair puis à Canadian. Chaque fois, ils se retrouvent au bas de la liste. C'est un principe que nous appuyons. Mais lorsqu'il y a eu fusionnement par la suite, cela a posé des problèmes.

Le problème se pose, bien sûr, dès lors qu'il n'y a plus qu'une unité de négociation—non pas lorsqu'un pilote passe d'un employeur à un autre, mais lorsqu'il n'y a plus qu'une compagnie et que, pour des raisons évidentes il ne doit y avoir qu'une unité de négociation, que tous les employés doivent appartenir à la même unité et être placés sur une même liste d'ancienneté. Ce n'est pas du tout la même chose qu'un employé qui quitte volontairement son poste pour aller dans une autre compagnie. Dans ces cas-là on peut dire qu'effectivement, c'est une grande compagnie, qui a de gros avions, et le pilote qui vient d'une plus petite compagnie doit aller en bas de liste. Mais les deux transporteurs pourraient être de la même taille. Cela pourrait concerner deux grands transporteurs qui ont le même type d'avion. Serait-il juste de dire, par exemple, que dans de telles circonstances tous les pilotes d'Air Canada devraient aller au bas de la liste de Canadian Airlines, ou l'inverse?

Vous annoncez d'abord à ces employés qu'ils font désormais partie de la même unité de négociation. Et puis vous les laissez se débrouiller. S'ils ne peuvent pas s'entendre, il y a une procédure d'arbitrage, équitable, qui permettra de trouver une solution.

Je ne peux honnêtement pas vous dire où je devrais me situer aujourd'hui sur la liste d'Air Canada; j'ai mon propre avis là-dessus. Mais je peux vous dire que lorsqu'il y a un petit groupe et un grand groupe, ce sont les membres du petit groupe qui souffriront en matière d'ancienneté.

• 1610

Nous devons prendre des précautions. C'est le devoir de notre syndicat envers ses membres qui travaillent pour de petites compagnies. Nous pensons que le projet de loi et le CCRI le feront également.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Rocheleau.

Avez-vous une question de ce côté?

M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Madame la présidente, je ne pense pas que notre comité doive se mêler de négocier entre deux syndicats. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit ici de voir si les modifications proposées aux paragraphes 18.1(1) et 18.1(2) sont raisonnables et équitables.

Mais auparavant, j'aimerais tirer une chose au clair: est-ce que vous avez parmi vos membres des pilotes d'Air Canada?

Cmdt John Dunlop: Non.

M. Robert Nault: Aucun. Bon.

Cela tire beaucoup de choses au clair. Maintenant je comprends. Ce sont deux situations tout à fait distinctes.

Madame la présidente, maintenant que tout cela est clair, je ne souhaite pas entrer dans une discussion sur l'article 18.1. Comme je l'ai dit, la chose est déjà plus ou moins réglée.

Ayant déjà eu l'occasion de participer à des négociations entre deux syndicats, je sais que les gens préfèrent ne pas en discuter publiquement.

Mais je voudrais simplement dire aux témoins qu'ils ont essentiellement dit aujourd'hui ce que nous ont dit la plupart des organismes qui sont venus devant le comité, c'est-à-dire que le projet de loi est globalement positif et qu'il constitue un progrès. Il améliore la situation. Ce n'est pas un grand bouleversement, mais un petit pas dans la bonne direction.

Je voulais simplement dire cela. Je n'ai pas de question.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Nault.

Merci, monsieur Dunlop, de votre exposé. Comme il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie d'être venus. Nous tiendrons certainement compte de votre mémoire concis et d'une lecture facile.

Cmdt John Dunlop: Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Tout le plaisir est pour moi.

Nous allons maintenant entendre les porte-parole de la British Columbia Maritime Employers Association.

Mesdames et messieurs, j'ai le plaisir de vous présenter M. R.V. Wilds, président du conseil et directeur général, et John Wilcox. Comme M. Roper n'a pas pu venir, c'est entre vos mains compétentes que repose toute la responsabilité.

Monsieur Wilds, souhaitez-vous commencer?

M. Robert V. Wilds (président du conseil et directeur général, British Columbia Maritime Employers Association): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs. Nous sommes très heureux de cette occasion qui nous est donnée de comparaître aujourd'hui devant votre comité à propos de ce projet de loi aux répercussions si importantes pour notre industrie.

Nous avons un mémoire écrit et des notes pour une allocution. Je m'en tiendrai aujourd'hui strictement aux notes. Je mentionnerai peut-être le mémoire écrit, mais je signale aux membres du comité que je m'en tiendrai essentiellement à mes notes.

Notre association représente environ 75 compagnies dans les domaines du transport par eau, des agences maritimes, du débardage, des opérations à quai, des installations locales de chargement, ainsi que de la manutention des grains de spécialité. Vous trouverez la liste de nos membres dans notre mémoire écrit.

Notre association négocie avec les représentants de la International Longshoremen's et Warehousemen's Union, secteur canadien, et avec les présidents de six grandes sections locales.

Nous assurons également bien d'autres services, mais la négociation et l'administration des conventions collectives sont nos principales tâches. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui pour exprimer notre point de vue sur le projet de loi C-19.

Nous tenons tout d'abord à féliciter le gouvernement d'avoir pris l'initiative de cette loi qui, dans l'ensemble, constitue une démarche équilibrée et juste face aux exigences complexes et contradictoires des parties intéressées. Le ministre, M. MacAulay, en particulier, a considérablement amélioré le projet de loi en y apportant des changements modestes mais essentiels.

• 1615

Comme dans bien des cas, et en particulier dans le domaine des relations de travail, on ne peut plaire à tout le monde. Le projet de loi C-19 ne fait pas exception. Un député a parlé du «projet de loi de Boucles d'or» puisque certains le trouvent trop chaud, d'autres trop froid. Il doit donc être juste. Nous partageons ce point de vue. Toutefois, il y a une disposition en particulier, l'article 87.7, sur le maintien des services aux navires céréaliers, qui nous préoccupe.

Contrairement à Boucles d'or, nous ne fondons pas notre opinion sur une évaluation subjective de la température du porridge, mais sur le fait que nous y avons trouvé une mouche. Cette mouche, c'est l'article 87.7. Nous ne refusons pas le porridge; nous demandons simplement qu'on en retire la mouche. Si l'article 87.7 n'est pas retiré ou modifié, il risque de contaminer—non, d'empoisonner—une loi par ailleurs tout à fait raisonnable. Si cet article était adopté tel quel, il aurait des conséquences adverses profondes et directes.

En votre qualité de membres du Comité permanent des ressources humaines chargé d'étudier le projet de loi C-19, vous avez la possibilité d'abroger l'article 87.7 proposé et de recommander un projet de loi tout à fait équilibré.

Nous souhaitons que les travailleurs travaillent, que les employeurs emploient, et que les denrées circulent. L'article 87.7, tel que proposé, présente une entrave directe à ces objectifs. Il est contraire à l'objectif général du Code canadien du travail puisqu'il menace la stabilité des relations de travail dans les ports de la côte Ouest. Ceci aura des répercussions dévastatrices sur tous les autres clients des ports de l'Ouest canadien, qu'ils soient producteurs de potasse, de bois, de produits pétrochimiques ou de charbon.

L'inclusion de l'article 87.7 est prématurée. Le gouvernement met la charrue devant les boeufs; il risque d'invalider d'ores et déjà les recommandations que pourrait présenter la Commission qu'il a lui-même chargée d'examiner les problèmes que vise cet article.

Comme vous le savez, le gouvernement a récemment chargé le juge Estey de procéder à un examen détaillé de tous les aspects du système de transport et de manutention des céréales. La Commission a inscrit les relations de travail au nombre des questions qu'elle doit examiner. En outre, le fait même que le gouvernement ait jugé cet examen nécessaire prouve, selon nous, que le transport des céréales présente un grand nombre de problèmes complexes. L'article 87.7, dans sa formulation actuelle, ne traite que d'un aspect mineur du transport des céréales, et de certaines céréales seulement.

Nous faisons valoir que l'introduction de cet article 87.7 est inopportune. En effet, cet article met en péril la stabilité des relations de travail dans les ports de la côte Ouest. S'il est adopté, il aura pour effet de prolonger les conflits de travail en permettant aux employés de profiter de l'obligation de maintenir le transport des céréales pendant un conflit de travail. En fait, cette obligation équivaut à une subvention aux employés. Un conflit de travail est un conflit de travail, quelles que soient les denrées touchées. Nous avons déjà eu des conflits par le passé où il n'y avait aucune possibilité d'obtenir des revenus. Cette disposition ne fera qu'aggraver la situation.

Le nouvel article 87.7 introduit un élément de discrimination injuste dans le Code canadien du travail en accordant aux céréales un traitement préférentiel ou un statut spécial par rapport aux autres denrées qui passent par les ports de l'Ouest. Or ce statut spécial n'est pas justifié. Le ministre du Travail a déclaré que ces dispositions empêcheront les deux parties aux négociations d'utiliser les céréales comme atout dans la manche.

Mais c'est exactement le contraire qui pourrait se produire. Les céréales deviendront effectivement un atout dans la manche puisqu'elles permettront aux employés d'obtenir une subvention pendant un conflit de travail légal. Cela prolongera inutilement les conflits. En outre, si ce ne sont pas les producteurs de céréales qui demandent une intervention du législateur pour mettre fin à une grève, d'autres producteurs le feront, ce qui fera d'eux l'atout dans la manche d'une partie ou de l'autre dans la négociation—si ce n'est pas les céréaliculteurs, ce sera les producteurs de potasse, de produits forestiers, de charbon, de produits pétrochimiques, ou tous ensemble.

• 1620

Si cette disposition est maintenue, elle aura des conséquences graves pour la négociation collective. Si nos clients ne tolèrent pas une grève prolongée, les exportateurs et importateurs canadiens devront céder devant des revendications excessives ou renoncer aux modifications de la convention collective qui s'imposeraient afin d'améliorer la productivité. Aucune de ces deux possibilités ne nous enchante. Et qui pis est, les clients risquent de trouver d'autres solutions, permanentes, pour le transport de leurs marchandises, ce qui n'est dans l'intérêt de personne.

Nous ne voulons pas minimiser l'importance de l'industrie céréalière canadienne. De fait, en 1996, le port de Vancouver a vu transiter pour 4 milliards de dollars de céréales. Ce n'est pas rien. Mais il faut rappeler que cela ne représente que 13 p. 100 de la valeur totale des marchandises qui ont transité par Vancouver cette année-là. Les autres 87 p. 100, ou 26 milliards de dollars, étaient constitués d'autres produits d'importation et d'exportation. Et ces chiffres-là ne concernent que le port de Vancouver, et non pas tous les ports que nous représentons.

Notre régime de négociation est de toute manière très complexe et lourd. Nous négocions avec le secteur canadien, qui n'a qu'une place d'observation à la table, sans droit de vote. Les six présidents des sections locales ont quant à eux le droit d'intervenir et de voter. Ils doivent ensuite rendre des comptes à un caucus d'environ 55 personnes élues par les membres, qui doit à son tour présenter des comptes aux membres.

Pour que les négociations aboutissent, nous devons avoir l'approbation de 66 p. 100 des présidents à la table des négociations. Ils doivent ensuite obtenir l'approbation de 75 p. 100 du caucus avant de pouvoir soumettre leur proposition aux membres.

Il ne nous appartient pas de leur dire comment gérer leurs syndicats. Cela les regarde. Mais le système est compliqué. Nous nous en accommodons; nous pouvons nous en accommoder et travailler dans ce contexte. Mais cette disposition va certainement faire pencher la balance du côté du syndicat en nous obligeant à faire travailler les employés pendant un conflit. Comment cela pourrait-il prévenir ou écourter les arrêts de travail?

L'article 87.7 est sélectif et discriminatoire même au sein du secteur agricole, puisqu'il ne concerne que les denrées qui passent par les silos à grains—les cinq de Vancouver et celui de Prince Rupert. Mais qu'en est-il des produits agricoles qui passent par les autres terminaux, tels les Neptune Bulk Terminals, Vancouver Wharves ou Coastal Containers? À titre d'information, je vous signale qu'environ 28 p. 100 des exportations canadiennes par conteneur sont des produits agricoles. Aucun d'entre eux nÂest couvert par cette loi.

J'aimerais maintenant demander à M. Wilcox de dire quelques mots sur cette question-là.

M. John Wilcox (British Columbia Maritime Employers Association): Merci beaucoup, Bob.

Madame la présidente, mesdames et messieurs, mon nom est John Wilcox. Je suis président de Neptune Bulk Terminals à Vancouver.

Ma compagnie exporte ou importe 11 millions de tonnes de denrées par an, c'est-à-dire du charbon, de la potasse, des engrais, de l'huile de canola, ainsi que 850 000 tonnes—ou 12 000 wagons—par an de grains de spécialité dont la valeur est estimée à 250 millions de dollars.

Une vingtaine de produits environ composent ces grains de spécialité, mais il s'agit surtout de produits de luzerne déshydratée, de tourteau de canola, de luzerne granulée et en cubes, et de malt de brasserie. Rien que ces exportations-là, à un terminal seulement, procurent 35 à 40 emplois à plein temps. Cette industrie s'est développée lentement et difficilement au cours des 20 dernières années et nous sommes présents depuis le début. Comme vous pouvez le constater, cela ne touche pas seulement les silos qui font la manutention des grains, mais aussi les terminaux et les conteneurs pour le transport en vrac, comme l'a dit Bob.

Ce type de manutention est en hausse en raison de l'expansion des cultures de spécialité et des légumineuses, telles les pois et les lentilles, ainsi qu'à une augmentation du nettoyage à l'intérieur. Vous l'avez vu dans les silos, notamment à Weyburn, qui existe depuis des années.

Nous appuyons la position de la BCMA et nous sommes particulièrement inquiets des conséquences de l'article 87.7 du projet de loi C-19. Très spécifiquement, cette disposition est discriminatoire envers de grandes industries canadiennes telles le charbon, la potasse et les engrais, et même des cultures de spécialité, comme celles que j'ai mentionnées.

• 1625

En outre, elle risque de nous défavoriser par rapport à nos concurrents, puisque nous pourrions subir un arrêt de travail, pendant que nos voisins, le Saskatchewan Wheat Pool, continue normalement ses opérations, avec les mêmes denrées agricoles que nous ne pouvons plus transporter. Les marchandises sont facilement transférables aux silos ou terminaux de la rivière Columbia ou ailleurs.

Presque toutes nos marchandises sont sensibles aux coûts et ne toléreraient pas l'augmentation qu'entraînerait un environnement industriel défavorable. Nos marchés asiatiques sont déjà perturbés par de graves problèmes économiques. Comment pouvons-nous expliquer à NKK, la scierie japonaise coordonnatrice, ou à Zen-Noh, qui achète du charbon et des engrais, que leurs denrées et leurs exportations subissent le contrecoup d'une grève prolongée tandis que le transport des céréales continue.

Je rends maintenant la parole à Bob.

M. Robert Wilds: Merci, John.

Le nouvel article 87.7 mettra en péril la réputation qu'a le Canada d'être fiable dans ses livraisons sur les marchés étrangers. C'est particulièrement important pour les autres producteurs de denrées de l'Ouest, y compris dans les secteurs minier, forestier et pétrochimique. Ces produits resteront paralysés en cas de grève prolongée indirectement subventionnée par le transport obligatoire des céréales. En effet, on peut faire valoir qu'avec cet article, Ottawa impose à toutes les industries de l'Ouest canadien qui doivent exporter leurs produits par les ports de l'Ouest une taxe indirecte pour les céréales.

Le nouvel article 87.7 constitue une expérience incontrôlée que mène le gouvernement fédéral. Le ministère du Travail le reconnaît puisqu'il affirme que la disposition sera revue en 1999. On nÂa aucune idée des conséquences qu'elle aura. C'est une expérience qui ne se fonde sur aucune analyse, aucune recherche, aucune évaluation de ses conséquences économiques. Le gouvernement n'attend même pas la conclusion de l'étude Estey avant de changer aussi radicalement sa politique. Nous suggérons aux membres de ce comité de demander au ministère les études, les analyses et les évaluations qui ont été faites. Nous pensons que vous n'en recevrez pas, car il n'y en a pas eu.

Ni le groupe de travail Sims ni la Commission d'enquête sur les relations industrielles n'ont présenté cette recommandation dans leurs rapports sur les relations de travail dans les ports de la côte Ouest. Cette proposition montre une incompréhension totale de l'économie de l'Ouest canadien et de celle de la Colombie-Britannique en particulier. L'article 87.7 fait de l'économie de l'Ouest et des secteurs industriels sur lesquels elle prend appui—y compris les denrées que sont le bois, la potasse et les produits pétrochimiques—des cobayes dans une expérience incontrôlée que tente Ottawa. Le résultat pourrait être catastrophique.

Vu la situation précaire dans laquelle se trouve l'économie de l'Ouest canadien suite à la chute des prix du pétrole et à la crise en Asie, cette menace faite à la stabilité économique future est particulièrement inopportune. Le gouvernement fédéral n'aurait pas déposé un tel projet de loi si ces effets potentiellement dévastateurs risquaient de frapper, par exemple, les économies du Québec ou de l'Ontario. On ne peut se permettre une telle chose dans l'Ouest.

Si le transport des céréales est tellement important, pourquoi le gouvernement n'en fait-il pas un service essentiel et n'impose-t-il pas à tous ceux qui y travaillent de maintenir leurs services? Cela comprendrait les syndicats du blé des Prairies, les silos, les chemins de fer, le gouvernement et les débardeurs. Il y a d'autres solutions possibles qui assureraient un traitement équitable entre tous les clients des ports et qui seraient plus justes à l'égard de l'Ouest canadien.

Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, messieurs Wilcox et Wilds.

Nous allons passer aux questions. Comme votre présentation était assez longue, si vous le voulez bien, nous allons d'abord entendre toutes les questions et vous pourrez y répondre ensuite.

M. Dale Johnston: D'accord.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Bien, monsieur Johnston, voulez-vous commencer?

M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente. Merci, messieurs, de cet exposé très concis.

Je constate que vous avez mentionné l'enquête sur les ports de la côte Ouest et que vous avez également parlé de services essentiels. L'enquête avait suggéré—ou plutôt recommandé—la mise en place d'un mécanisme de règlement des différends en cas de conflit de travail dans les ports de la côte Ouest. Ce mécanisme ne s'appliquerait pas seulement à certaines denrées, mais il permettrait le maintien des services ainsi que la poursuite des négociations.

Pourriez-vous nous donner votre avis là-dessus, s'il vous plaît.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Yves Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Vous dites qu'il n'y a eu aucune étude d'impact, aucune analyse des faits, mais il y a quand même eu une large consultation menée par le gouvernement fédéral depuis 1995.

• 1630

Il y a eu le rapport Sims. Ici, nous avons vu des témoins venir appuyer cet article-là. C'étaient des gens ordinaires, des fermiers. À tout le moins, on peut dire qu'il y a double opinion. Il n'y a peut-être pas eu d'analyse, mais, d'un autre côté, il y a peut-être une sorte de consensus chez ceux qui ont analysé cela.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Rocheleau. Y a-t-il une question de ce côté-ci?

Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Madame la présidente, je voudrais dire que M. Rocheleau a tout à fait raison. Il y a eu une large consultation depuis des années, maintenant.

Monsieur Wilds, je sais que vous étiez à Vancouver lorsque nous avons tenu une réunion de consultation avec environ 150 personnes. Je ne sais plus exactement avec quel groupe vous étiez, mais je peux dire ceci: des 150 personnes que nous avons consultées dans l'Ouest canadien, la très vaste majorité était en faveur de ce projet de loi. Je sais que ce n'était pas votre cas, mais nous avons certainement entendu des opinions très favorables au projet de loi dans l'Ouest, venant de nombreux groupes. J'aimerais savoir si vous appuyez le projet de loi dans son ensemble, mis à part cet article-là. Pensez-vous que ce projet de loi soit important?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Messieurs, si vous voulez bien répondre, en commençant par la question de M. Johnston, puis celle de M. Rocheleau, et ensuite celle de Mme Chamberlain.

M. Robert Wilds: Merci, madame la présidente.

En ce qui concerne la question de M. Johnston, nous sommes au courant de la recommandation qu'a présentée la Commission d'enquête en vue d'un mécanisme de règlement des différends dans les ports de la côte Ouest. Il faut bien comprendre qu'en tant qu'industrie et intervenant, nous appuyons le droit à la négociation collective. Nous ne voulons aucune ingérence dans le processus de négociation collective. Nous savons également que puisque nous sommes dans le secteur des services, tout conflit de travail chez nous a des répercussions sur des tiers qui ne peuvent pas participer aux négociations. La Commission d'enquête n'a pas recommandé d'éliminer le droit de grève ou d'arrêt de travail. Elle suggérait une série de mécanismes, et nous appuyons cette recommandation-là.

En ce qui concerne les vastes consultations et la divergence d'opinion, c'est bien sûr exact. Je crois qu'on peut dire effectivement que dans l'Ouest, la majorité des gens qui se sont prononcés en faveur du projet de loi étaient des agriculteurs. Ce n'est pas surprenant. Mais je crois que d'autres groupes que ceux qui représentent la communauté agricole ont également fait des représentations devant ce comité et d'autres qui l'ont précédé. Ce sont ces groupes-là qui vont subir les effets négatifs de la loi et qui, par conséquent, ne l'appuient pas.

En ce qui concerne la loi en général, comme je l'ai dit, nous estimons que c'est un texte positif, bien équilibré, à cette grande exception près. Il y a d'autres éléments que nous aurions préférés ne pas voir inclus. Mais on ne peut pas satisfaire tout le monde sur tous les points. Il est certain que c'est une législation positive et équilibrée.

Notre principale objection est là, et nous pensons que c'est un problème non seulement pour les puristes en matière de relations de travail. Nous assistons au début de l'ingérence législative qui conduira à l'élimination du droit de grève. Si on inscrit cela dans le Code du travail et que cela s'applique aux céréales cette année, inclura-t-on d'autres denrées l'an prochain? L'étendra-t-on au chemin de fer? À d'autres industries? Je ne peux pas croire que les syndicats n'y voient aucune objection.

C'est certainement négatif pour nous, car cela subventionnera les grèves prolongées. C'est mauvais pour les industries, parce que c'est discriminatoire. C'est mauvais sur le plan juridique, car il n'y a pas de statut spécial pour les céréales en droit. Et ce n'est pas une bonne gestion des affaires publiques, car on a déjà annoncé une étude et on en devance les résultats.

C'est un premier pas dangereux vers l'élimination du droit de grève par voie législative. Ce n'est pas un service essentiel, puisqu'on n'a pas voulu le déclarer tel.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Wilds.

Je crois que M. Nault voulait intervenir.

M. Robert Nault: Merci, madame la présidente.

Dans votre mémoire, vous laissez entendre que le ministère du Travail et le ministère du Développement des ressources humaines n'ont fait absolument aucune analyse. Vous me donnez l'impression de leur avoir demandé des documents qu'ils ne peuvent pas vous remettre. C'est une première question.

• 1635

Deuxièmement, à propos de votre annexe A—madame la présidente, j'en ai pris connaissance. Ceux qui ont examiné cette annexe trouvent intéressant que depuis 1986 nous ayons eu un certain nombre de grèves qui ont duré jusqu'à 25 jours. Trois des quatre qui ont touché les ports directement ont été interrompues au bout de quelques jours seulement par une intervention législative. C'est le cas également, bien sûr, des grèves qui ont touché les chemins de fer.

Si nous n'essayons pas quelque chose de neuf, nous pouvons dire qu'il n'y a en réalité pas de négociation collective dans les ports de la côte Ouest. Ma question à M. Wilds est la suivante: Que suggéreriez-vous, à part—et je vous en prie, ne me dites pas que vous acceptez l'option qui est suggérée, parce qu'elle est complètement farfelue. Nous envisageons sérieusement une autre option—quelque chose d'un peu plus solide.

Vous avez raison de dire que l'article 87.7 entraîne un changement profond, bouleverse les règles du jeu. Nous cherchons une solution qui rende la négociation collective possible sur la côte Ouest, plutôt que d'être obligés d'intervenir par voie législative puisque, de toute évidence, ça ne marche pas. Nous attendons vos suggestions là-dessus.

Voilà mes deux questions: l'une concernait l'analyse, et cette autre.

M. Robert Wilds: Nous ne pensons pas qu'il y ait eu d'analyse. Nous n'avons pas présenté de demande au ministère du Travail. Mais je soupçonne que si l'on avait procédé à des analyses, on nous aurait demandé des renseignements, or personne ne nous a rien demandé. Comme nous sommes l'un des principaux intéressés, j'imagine qu'on nous aurait consultés pour toute analyse. La Commission d'enquête industrielle et la Commission Sims ont fait des analyses, et nous y avons participé.

En ce qui concerne votre deuxième question, je crois qu'on a effectivement l'impression qu'il n'y a pas de négociation collective sur la côte Ouest. Mais je peux vous dire que lors des dernières négociations, nous avons signé une entente avec le syndicat avant l'échéance de la convention en vigueur et cette entente a été ratifiée dans les 15 jours suivant l'échéance du contrat.

Avec les débardeurs, il y a eu un conflit de travail depuis 1987. Nous avons renouvelé la convention collective à plusieurs reprises. Nous avons négocié des points complexes concernant les pensions. Les négociations collectives vont bon train sur la côte Ouest, tant pendant la durée des contrats que lors des discussions pour leur renouvellement.

Comment pouvons-nous éviter les conflits de travail sur la côte Ouest—je ne crois pas que nous puissions vous donner plus de garanties que n'importe quel autre secteur industriel de nos jours, alors que les clients nous poussent à augmenter notre compétitivité, notre efficacité, à réduire les coûts... Nous ne sommes pas toujours d'accord avec les travailleurs sur la manière d'y parvenir.

En cas de désaccord, il y a bien sûr la possibilité de faire grève ou d'opter pour un lock-out, c'est certain. Et nous y tenons. Quant à savoir si l'économie canadienne et l'économie de l'Ouest sont en mesure de supporter une longue grève dans une industrie comme la nôtre... c'est au gouvernement de décider.

Croyez-moi, nous ne tenons pas à avoir un conflit de travail, dans n'importe quelle circonstance. Nous ferons tout notre possible pour l'éviter. Mais ce n'est pas toujours possible, comme vous avez pu le constater avec les silos, les chemins de fer, et tous les autres. Il y a des questions qu'on ne parvient pas à résoudre sans subir d'abord les conséquences économiques d'un conflit de travail.

Dans notre cas, ce sont les tiers qui sont le plus durement frappés, puisque dans certains cas les marchandises restent complètement bloquées. Dans d'autres, elles peuvent être réacheminées, à grands frais.

En cas de différend avec notre personnel, nous chercherons toutes les solutions raisonnables, avec l'aide, experte, des médiateurs et conciliateurs fédéraux, ou par un autre moyen que les syndicats nous proposeraient, s'il nous paraît acceptable. Nous essaierons toutes ces solutions. Ce que nous voulons éviter avant tout, c'est l'intervention du gouvernement, l'intervention législative. Elle n'est souhaitable pour personne. Elle n'est pas souhaitable pour le gouvernement; elle n'est pas souhaitable pour l'industrie; elle n'est pas souhaitable pour la négociation collective.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Wilds. Je crois que vous avez exprimé très clairement le point de vue de votre association et nous avons également vos mémoires. Nous vous remercions d'être venu nous faire profiter de votre sagesse.

M. Robert Wilds: Merci beaucoup de votre attention.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): J'invite maintenant la Waterfront Foremen Employers Association, ainsi que les porte-parole de Cominco Ltd. et de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

• 1640

Pourrions-nous entendre d'abord les représentants de la Waterfront Foremen Employers Association, s'il vous plaît? Monsieur Mebs ou monsieur Weymark.

M. Grant Mebs (président-directeur général, Waterfront Foremen Employers Association): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Grant Mebs. Je suis président-directeur général de la Waterfront Foremen Employers Association. Je suis accompagné de M. Bill Weymark, président de notre conseil d'administration et président-directeur général de Vancouver Wharves Limited, une compagnie membre de notre association, qui comparaît avec moi aujourd'hui et qui interviendra vers la fin de notre exposé.

Madame la présidente, je sais que nous avons peu de temps et puisque nous le partageons avec deux autres personnes, j'essaierai d'être bref. Je vous ai remis une présentation détaillée. Je vais m'en inspirer, mais je laisserai de côté certaines dispositions afin d'aller plus rapidement. Je mentionnerai en passant les sujets que je n'aborderai pas, afin de laisser aux membres du comité le temps de poser des questions.

Tout d'abord, en notre nom à tous, je tiens à remercier le comité de nous avoir permis de venir lui faire part des préoccupations de nos membres—préoccupations très graves—concernant certaines dispositions du projet de loi C-19.

Nous relevons que le ministre du Travail, dans l'allocution qu'il a prononcée devant le comité le 24 mars, déclarait que le projet de loi C-19 était le produit d'un consensus et que les principales parties concernées appuyaient certains amendements controversés. Nous représentons un groupe de compagnies qui ont d'importants intérêts très spécifiques dans le secteur de la manutention portuaire sur la côte Ouest, et bien que certaines dispositions du projet de loi C-19 soient effectivement positives, et que nous reconnaissions que M. MacAulay, avec ce projet de loi, améliore la situation qu'avait créée le projet de loi C-66, il reste que ce texte comprend d'importants amendements à caractère politique que nos membres n'approuvent aucunement.

Notre association craint en outre que le gouvernement ne soit beaucoup trop pressé de faire adopter ce projet de loi sans avoir pris le temps de procéder à une véritable analyse des conséquences qu'il pourrait avoir pour les employeurs et les syndicats assujettis à la réglementation fédérale. Si certaines dispositions du projet de loi C-19 sont adoptées tel quel, sans une évaluation détaillée de leur impact, nous estimons que toute possibilité de corriger les conséquences imprévues de cette loi, et par conséquent de l'améliorer, sera perdue.

Comme vous vous en souviendrez, le projet de loi C-66 avait été déposé le 4 novembre 1996 et ce projet de loi C-19, qui le modifie, a été déposé le 6 novembre 1997. Bien que, comme nous l'avons déjà dit, celui-ci représente une amélioration, nos membres continuent d'avoir de très fortes réserves face à certaines dispositions essentielles.

Comme je l'ai dit, nous reconnaissons que certaines modifications ont été apportées concernant les contrats successifs, à l'article 24; les droits à la protection des renseignements privés, article 50, et les dispositions touchant les travailleurs de remplacement, article 42. Encore une fois, nous félicitons le ministre MacAulay de l'initiative qu'il a démontrée dans ce secteur, mais nous gardons de très sérieuses inquiétudes concernant certaines autres dispositions.

Certaines dispositions à l'égard desquelles nous exprimons de graves réserves n'ont aucunement été modifiées: l'article 4 du projet de loi C-19, qui modifie l'article 15 du Code, concernant la médiation par le Conseil; le paragraphe 5(4), qui modifie le paragraphe 16(m); le paragraphe 44(2), qui modifie le paragraphe 98(3), concernant les renvois devant le Conseil; l'article 37, qui modifie le paragraphe 87.7 du Code canadien du travail, et qui touche les navires céréaliers; et enfin le paragraphe 42(3), qui modifie le paragraphe 94(3) concernant le maintien des avantages sociaux.

• 1645

En quelques mots, notre association s'intéresse particulièrement aux questions touchant la négociation collective avec les contremaîtres de quai, qui supervisent les débardeurs dans les ports de la côte Ouest. Nous avons été créés afin de représenter nos membres après l'accréditation en 1977. Nos membres se divisent en trois groupes principaux: les compagnies de manutention, les opérateurs de terminaux et les cabotiers, ainsi que les terminaux de marchandises en vrac. Je ne vais pas entrer dans les détails de cette composition. Vous pourrez lire ces renseignements à loisir.

Toutefois, les contremaîtres qui, à titre individuel, travaillent pour nos membres et qui, collectivement, sont représentés par la Section locale 514, surveillent les employés que couvre la convention collective entre l'Association de la Colombie-Britannique et l'ILWU. Le contrat fixe les conditions d'emploi des débardeurs représentés par l'ILWU.

Au début de 1995, une grève légale de l'ILWU et des contremaîtres de la Section locale 514 a frappé les ports de la côte Ouest. Cet arrêt de travail a pris fin avec l'adoption de la Loi de 1995 sur les opérations portuaires de la côte Ouest. Ce conflit intervenait dans les 12 mois suivant un autre arrêt de travail imposé par les débardeurs de l'ILWU, région canadienne et la B.C. Maritime Employers Association.

En conséquence, l'association a comparu à plusieurs reprises devant la Commission d'enquête industrielle, en commençant le 20 août 1995, et devant le groupe de travail Sims, le 26 octobre 1995. En outre, suite à la publication des conclusions et recommandations de la Commission d'enquête et du groupe de travail Sims, l'association a comparu devant le ministre lors de la table ronde qui a eu lieu à Vancouver en avril 1996. Enfin, nous avons fait une présentation devant le comité permanent qui étudiait le projet de loi C-66 le 3 décembre 1996.

Comme le temps est limité, je ne toucherai que deux ou trois principaux domaines qui nous intéressent dans ce projet de loi: le nouvel article 87, concernant le transport du grain et le nouvel article 24, touchant les contrats successifs.

Permettez-moi d'abord d'exprimer nos réserves quant à l'article 87 du Code. Nous sommes vivement opposés aux amendements proposés au Code, pour les raisons suivantes: nous estimons que l'amendement entraîne une discrimination régionale; il ne permettra pas d'atteindre l'objectif visé; et il constitue, selon nous, une erreur du point sur le plan des relations de travail.

En ce qui concerne la discrimination régionale, nous avançons que l'amendement proposé est le fruit d'une politique régionale. Le gouvernement fédéral a décidé de venir en aide aux céréaliculteurs des Prairies aux dépens de la région du Pacifique et des secteurs d'exploitation des ressources de la Colombie-Britannique. Cette préférence accordée aux céréales vient affaiblir l'importance stratégique de l'économie de la Colombie-Britannique et de toutes les industries qui exportent par les ports de la côte Ouest. C'est le cas, en particulier, de celles qui ont engagé des investissements considérables en infrastructures dans le but d'obtenir le transit des marchandises importées ou exportées par les ports de la côte Ouest.

Par exemple, au cours des quatre dernières années, le port de Vancouver a engagé des dépenses en capital de 224 millions de dollars pour Deltaport, et il en dépensera 18 millions au cours des 18 prochains mois pour les quais Ballantyne et Centerm. En outre, les compagnies membres de notre association ont engagé 173 millions de dollars au cours des cinq prochaines années en immobilisation visant à améliorer le terminal et les quais dans le port.

La préférence accordée aux intérêts économiques des céréaliculteurs des Prairies au détriment des industries qui ont investi dans l'infrastructure des transports autres que le transport du grain est un affront, surtout si l'on considère que les céréales ne représentent que 13 p. 100 du volume exprimé en dollars de marchandises qui passent par les ports de la côte ouest à Vancouver—4 milliards de dollars sur 30 en 1996. De plus, les céréales représentent moins de 2 p. 100 du total exprimé en dollars des exportations canadiennes. Vous trouverez tous ces chiffres, sauf erreur, sans le mémoire du Business Council of B.C., qui met en lumière les écarts entre toutes les différentes exportations canadiennes.

En outre, tandis que les ports de la côte Ouest luttent pour se moderniser afin d'attirer et de garder la clientèle, d'améliorer les services et d'offrir un choix économique et fiable face aux installations portuaires de la côte américaine, la préférence qu'accorde le gouvernement fédéral aux intérêts économiques d'une région au détriment d'une autre mine tous les efforts fournis afin d'assurer la compétitivité de notre système.

Cette disposition est en outre inefficace. Si le but est d'assurer le libre mouvement du grain du producteur à l'acheteur, pourquoi n'a-t-on pas inclus les autres moyens de transport et infrastructures? Ces amendements n'empêchent aucunement les arrêts de travail dans les silos des Prairies, par les camionneurs qui transportent le grain vers ces silos, par les chemins de fer qui l'acheminent jusqu'à la côte Ouest, ou même par les manutentionnaires des céréales dans les silos du port.

En fait, depuis 1986, il y a eu six arrêts de travail—pour un total de 90 jours—qui n'avaient rien à voir avec les employeurs des quais et l'ILWU. Par comparaison, le nombre total de jours de travail perdus attribuables aux débardeurs était de 25. Par conséquent, nous avons des doutes quant à l'efficacité de cette disposition pour assurer le mouvement ininterrompu des céréales vers les marchés, puisque 21 p. 100 seulement du nombre total de jours perdus suite à une grève ou à un lock-out depuis 1986 sont imputables à notre industrie et à ses syndicats.

• 1650

Nous avons entendu dire qu'il n'y a pas de négociation collective dans les ports de la côte Ouest, ou que l'on a cette impression. Depuis 1977, lorsque notre association a été accréditée pour représenter les employeurs dans cette industrie, il n'y a eu que deux conflits qui, vous le voyez, ont provoqué six jours d'arrêt de travail en 20 ans. Nous négocions et nous obtenons des conventions collectives. Ceux qui ont l'impression qu'il n'y a pas de négociation n'ont de toute évidence jamais assisté à nos séances.

En outre, la loi ne garantit pas le mouvement ininterrompu des céréales par les conteneurs terminaux de la côte Ouest en cas d'interruption de travail. Les statistiques les plus récentes montrent que jusqu'à 28 p. 100 du trafic des exportations par conteneur sont des grains de spécialité.

Par comparaison, 760 000 UEC ou conteneurs, sont passés par les ports, ce qui veut dire que 212 000 UEC qui pourraient contenir des grains de spécialité continueraient de passer. Comme ces grains ne sont pas protégés par cette disposition, ils seraient bloqués en cas de conflit de travail, tandis que les grains couverts par le nouvel article 87.7 pourraient passer. C'est donc discriminatoire non seulement envers les autres denrées, mais également par rapport à certains types de céréales.

Par conséquent, nous avançons respectueusement que cette disposition est, à première vue, insuffisante pour assurer le libre mouvement du grain du champ au moulin. Alors pourquoi le gouvernement souhaiterait-il viser un des maillons dans la chaîne de transport qui achemine le grain vers les marchés internationaux? C'est mauvais pour les relations de travail, comme le dit également le groupe de travail Sims dans son rapport, intitulé Vers l'équilibre.

Nous avons relevé un certain nombre d'inconvénients qui découlent d'une politisation injustifiée des lois en matière de relations de travail.

Tout d'abord, elle a pour effet de détourner les parties de leur rôle principal, qui est de négocier des conventions collectives appropriées, en les incitant plutôt à chercher des solutions politiques à la place de solutions mutuellement acceptables.

Deuxièmement, elle introduit un élément d'affrontement politique dans les négociations collectives qui empêchent les parties de communiquer ouvertement et directement entre elles.

Troisièmement, elle les habitue à se tourner vers le législateur chaque fois qu'il y a un différend dans la négociation collective. Cela peut avoir des conséquences à long terme et, selon notre expérience, provoque plus d'arrêts de travail qu'elle n'en prévient.

Quatrièmement, elle laisse entendre que les relations de travail se réduisent à une question politique et nie le principe fondamental de l'autodétermination, que reconnaît le cadre juridique actuel.

Enfin, elle conduit à une concurrence entre les provinces, puisqu'elles seront obligées de minimiser l'impact de leurs lois afin d'attirer des emplois. Au Canada, cela a parfois entraîné une fragmentation des structures nationales de négociation, outre des différences injustifiées entre les régimes du droit du travail. Cela ajoute au coût et à la complexité des activités commerciales au Canada.

Nous estimons qu'il n'y a absolument aucune raison liée aux relations de travail justifiant d'accorder un statut spécial au transport des céréales. C'est avant tout une question politique. Notre industrie n'est pas la seule à vous mettre en garde contre la tentation d'une panacée politique à inscrire dans le droit du travail.

Nous affirmons en outre qu'il n'a pas suffisamment été tenu compte des conséquences et des effets que cet amendement pourrait avoir sur les agents de négociation et la responsabilité de négocier des conventions collectives dans le secteur du débardage. Nous comptons parmi nos membres des entreprises qui tirent l'essentiel de leur revenu du transport du grain, tandis que d'autres n'en transportent pas du tout.

Cette nouvelle loi aurait pour effet de répartir inéquitablement la responsabilité de négocier des conventions collectives et les conséquences négatives de tout conflit de travail. La difficulté de négocier une convention collective à l'échelle de l'industrie est multipliée à l'infini, créant ainsi des tensions dans les relations de travail et une instabilité économique qui se répercute également sur nos clients et sur les producteurs des denrées qui passent par les ports de la côte Ouest.

Nous ne sommes pas les seuls à estimer que toute loi accordant, à certains membres d'une unité de négociation en grève, le droit de gagner un salaire dans leur propre industrie pendant qu'ils sont en grève, a certainement pour conséquence d'atténuer l'incidence négative de la grève sur l'unité de négociation et donc de prolonger l'arrêt de travail pour tous ceux qui ne sont pas protégés par le Code.

Paul Weiler, dans son ouvrage intitulé Reconcilable Differences, déclarait:

    Comment une grève permet-elle de sortir de l'impasse? Les opérations de l'employeur cessent puisqu'il n'y a personne pour y travailler. L'entrée des recettes de l'employeur cesse. Les employés sont sans travail, sans revenu. Les deux parties ressentent donc les conséquences économiques. Elles ressentent viscéralement la douleur du différend à la table de négociation. Elles réalisent bientôt qu'il serait beaucoup moins douloureux de s'entendre, même si elles doivent faire un grand pas vers l'autre partie. De cette manière, la grève joue un rôle indispensable dans la résolution des impasses dans les négociations collectives.

Dans la mesure où l'un des éléments, et dans ce cas-ci un élément important, de l'unité de négociation qui est en grève peut continuer sans ressentir les conséquences économiques du conflit, la motivation de régler le conflit sera moindre chez ceux qui continuent de recevoir une aide économique.

• 1655

Il est important de noter que la disposition élimine en fait le droit de grève dans le secteur des céréales... et en particulier dans les silos. Les débardeurs se verraient, dans les faits, interdits de grève aux silos à grains. Même les puristes les plus acharnés doivent bien comprendre que c'est là le début de la fin: si la grève est interdite dans le secteur des céréales, quelle denrée suivra? Cela revient à éliminer le droit de grève, et au bout du compte, c'est forcément négatif pour les relations de travail.

Enfin, certains ont dit que cet amendement permettra de retirer à l'ILWU et aux employeurs l'atout dans la manche que représentait pour eux l'intervention du gouvernement. Nous en sommes profondément choqués. Personne ne souhaite ni ne recherche l'intervention du gouvernement dans la négociation collective. Surtout lorsque cette intervention conduit à un règlement imposé par un tiers, ce qui équivaut à empêcher nos membres et leur syndicat d'arriver à un résultat négocié.

En outre, si notre association, ou le syndicat, entamait la négociation collective avec l'idée qu'elle a un atout dans la manche, il y aurait probablement eu des accusations de mauvaise foi. Or, aucune accusation de ce type n'a jamais été lancée.

Enfin, si le gouvernement accepte que la théorie de l'atout dans la manche s'applique aux débardeurs, elle doit certainement s'appliquer aussi aux autres maillons de la chaîne du transport qui ne sont pas couverts par cette disposition. De fait, des six arrêts de travail qui ont interrompu le mouvement des céréales au cours des 12 dernières années, et qui n'avaient rien à voir avec les débardeurs, cinq ont fait l'objet d'une intervention législative. Ce qui nous amène encore une fois à nous demander pourquoi ce projet de loi ne s'en prend qu'à notre industrie, qui n'est que le maillon final.

Nous sommes venus devant votre comité, comme devant d'autres comités avant cela, non seulement pour vous signaler les erreurs inhérentes au Code actuel et aux amendements proposés, mais pour vous offrir des solutions qui puissent satisfaire toutes les parties concernées.

Nous avons toujours proposé au ministre une fourchette de solutions, qui comprenait les mécanismes substitutifs de règlement des différends allant de l'arbitrage des propositions finales à des formes spécifiques de médiation et à l'arbitrage des différends pour régler les problèmes de grève ou de menace de grève sur la côte Ouest. Toutes ces propositions avaient pour objectif de réduire les dommages économiques causés aux économies de la Colombie-Britannique et du Canada lorsqu'il y a menace de grève ou grève et d'encourager la libre négociation collective et l'obtention de conventions.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Mebs, vous avez dépassé le temps prévu. Pourriez-vous résumer?

M. Grant Mebs: Je vais résumer, merci.

Nous avons exposé nos réserves, que je vous invite à lire, mais permettez-moi de résumer notre point de vue sur l'article 87.7. Nous critiquons cette loi parce qu'elle enlève le droit de grève aux syndicats et qu'elle fait du tort aux employeurs dans la mesure où elle subventionne les grèves prolongées. Elle fait du tort aux autres industries parce qu'elle favorise une marchandise ou une denrée au détriment des autres. Nous n'avons trouvé dans aucune loi, y compris dans la Constitution, le principe que les céréales méritent un traitement spécial. C'est aussi une mauvaise gestion des affaires publiques puisque—comme vous le savez et comme on vous l'a déjà répété aujourd'hui—le juge Estey a reçu pour mandat d'examiner les relations de travail, notamment dans le secteur du transport et de la manutention du grain au Canada; ce projet de loi devance son rapport.

Je vais demander à M. Weymark de dire quelques mots en sa qualité d'utilisateur des services portuaires et d'employeur longue date.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Weymark.

M. W.J. Weymark (président, Waterfront Foremen Employers Association): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés.

En ma qualité de président de la WFEA et de président de Vancouver Wharves, je voudrais simplement vous dire pourquoi l'article 87.7 doit être retiré: je suis convaincu que, fondamentalement, il va affaiblir la compétitivité des ports de la côte Ouest.

Il va prolonger les grèves. Il va obliger les expéditeurs qui n'ont pas les moyens de supporter une longue grève à accepter des règlements qui dépassent leurs moyens. Et il fera du tort à la réputation de fiabilité qu'a le port de Vancouver.

Vancouver Wharves manutentionne des concentrés de minerais, du méthanol, des pâtes et papiers, de la potasse, des engrais, du soufre et des produits agricoles. Nous avons cinq postes d'amarrage. Depuis un an et demi, allant sur deux ans, nous avons investi plus de 120 millions pour moderniser nos installations. Cette loi nous inquiète beaucoup. Au cours des deux dernières années, aucun de nos clients, sans exception, n'a été en mesure d'accepter une augmentation des tarifs. Ils nous demandent tous d'améliorer la productivité, de baisser nos tarifs et d'être plus fiables. Si l'article 87.7 est maintenu, je crois qu'il nous empêchera de servir efficacement nos clients au port de Vancouver.

• 1700

Merci.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Weymark.

Nous allons maintenant entendre M. Utley, s'il vous plaît.

M. Jim A. Utley (vice-président, Ressources humaines, Cominco Ltd.): Mon ami me dit qu'il représente 88 000 membres dans tout le Canada. Je ne représente qu'un seul employeur, mais il est de taille.

Tout d'abord, permettez-moi de remercier le comité permanent de cette occasion qui nous est offerte de présenter le point de vue de Cominco Ltd. sur les changements proposés au Code du travail canadien, partie I. J'aimerais également féliciter le comité de ses efforts en vue d'élaborer une loi qui réponde aux besoins des employeurs, des employés et des syndicats assujettis à la réglementation fédérale.

Permettez-moi de vous présenter Cominco. La compagnie existe depuis 1906; c'est une société intégrée d'exploitation des ressources naturelles dont les principales activités sont l'exploration, l'extraction, la fusion et le raffinage. Nous sommes le plus gros producteur mondial de concentré de zinc et le troisième producteur de métal de zinc. Nous produisons également des concentrés de plomb, cuivre, germanium, et autres, ainsi que des produits métallurgiques tels le plomb, le cuivre, l'or, l'argent.

Nous avons pris l'engagement de promouvoir la santé, la sécurité et la formation de nos employés, de protéger l'environnement, et d'obtenir un bon taux de rendement pour nos actionnaires. Cominco est actionnaire unique ou majoritaire de deux complexes métallurgiques et cinq mines qui produisent du zinc, du plomb, du cuivre et d'autres matières premières. Au Canada, Cominco est propriétaire de la raffinerie de zinc et de la fonderie de plomb de Trail, en Colombie-Britannique ainsi que de la Sullivan Mine, à Kimberley. Cominco est un partenaire important dans la mine Polaris, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans la mine de cuivre de Highland Valley, près de Kamloops, en Colombie-Britannique.

Nous employons 5 700 personnes dont 4 250 au Canada. Notre mine Polaris tombe sous le coup du Code canadien du travail. C'est la mine de métaux la plus au nord dans le monde entier; elle est située sur la côte nord-ouest de la petite île Cornwallis dans les Territoires du Nord-Ouest, à environ 1 000 milles de Yellowknife par voie aérienne et à plus de 1 600 milles au nord d'Edmonton. La localité la plus proche est Resolute, un petit village côtier situé à environ 60 milles au Sud-Est.

Le complexe inclut un concentrateur souterrain de zinc et de cuivre, des quais pour navires hauturiers, des édifices pour l'administration et diverses installations de soutien. Nous y produisons du concentré de zinc et du concentré de plomb, et nous y travaillons toute l'année. Par conséquent, nous devons entreposer les produits sur place jusqu'à ce que les navires hauturiers puissent arriver sur place, durant le bref été arctique.

Tous ceux qui travaillent à la mine sont des employés de Cominco, à l'exception d'une douzaine de personnes qui sont employées par un traiteur à contrat. Tant les travailleurs horaires que les employés réguliers travaillent généralement pendant huit semaines, suivies de quatre semaines de congé. Les employés travaillent en général six jours par semaine, 11 heures par jour; les dimanches sont facultatifs, s'il y a du travail.

Les employés de Polaris viennent de partout au Canada. Cominco paye les déplacements entre le site et l'aéroport le plus proche du lieu de résidence de l'employé. Lorsqu'ils sont à la mine, les employés logent dans l'une des huit unités de logement, dont quatre sont divisées en chambres individuelles et installations connexes, et les autres quatre abritent la cafétéria, le gymnase, l'équipement mécanique et une piscine intérieure. Trente pour cent environ des travailleurs horaires partagent des chambres tandis que les autres ont des chambres individuelles ou des logements pour couples.

Polaris est l'opération industrielle la plus éloignée au Canada. Le climat est parmi les plus rigoureux au monde. En hiver, la température tombe souvent à moins 50 degrés centigrades. Les vents y sont forts et l'indice de refroidissement atteint souvent deux fois cette température. De novembre à février, le soleil ne se lève pas. L'obscurité totale règne pendant près de quatre mois.

À cette période, nous veillons tout particulièrement à protéger nos employés des ours blancs que l'on voit souvent dans la région. En raison du climat, de l'obscurité continue et de la présence des ours blancs, les employés sont essentiellement confinés au lieu de travail et aux installations pendant une bonne partie de l'année. Ils ont donc très peu d'espace privé.

En ce qui concerne le projet de loi, j'aimerais parler de quatre domaines soit: les travailleurs de remplacement, les contrats successifs, le traitement spécial accordé aux céréales et l'accréditation automatique.

• 1705

En ce qui concerne les travailleurs de remplacement, le projet de loi C-19 corrige un certain nombre des problèmes que les employeurs avaient signalé dans le projet de loi C-66. Nous remercions le gouvernement de ces amendements; toutefois, j'aimerais dire un certain nombre de choses.

Les restrictions concernant les travailleurs de remplacement qu'imposent certaines lois canadiennes favorisent nettement les syndicats pendant la négociation collective. Les employeurs dans les industries minières et métallurgiques dont les produits sont soumis à la concurrence et aux prix internationaux, seraient sérieusement défavorisés s'ils étaient obligés de fermer leurs installations en cas de grève. Leurs concurrents étrangers, qui opèrent souvent dans des pays où la législation du travail est beaucoup moins stricte qu'au Canada, leur enlèveraient clients et parts du marché. Comme l'affirme le rapport Sims, les travailleurs de remplacement peuvent parfois être nécessaires pour assurer la viabilité économique d'une entreprise dans un climat économique défavorable et face à des revendications syndicales inacceptables.

L'utilisation des travailleurs de remplacement permet à l'employeur victime d'une grève de satisfaire ses clients lors d'un conflit de travail, tandis que les travailleurs sont libres de chercher du travail ailleurs pour remplacer le salaire perdu. Les règles du jeu sont alors égales pour les employeurs et les employés. À Polaris, il peut être nécessaire de faire appel à des travailleurs de remplacement pour maintenir en opération la centrale électrique et le chauffage, en hiver. En outre, si la grève devait déborder sur la courte saison de navigation, sans la possibilité de faire appel à des travailleurs de remplacement pour décharger les navires d'approvisionnement et charger les concentrés, les employeurs seraient en fait paralysés jusqu'à la prochaine saison de navigation, un an plus tard.

Nous notons également l'utilisation du mot «representational» plutôt que «representative» dans la version anglaise du projet de loi. Nous suggérons plutôt l'utilisation de «representative», terme plus commun dans le droit du travail et la jurisprudence, contrairement à «representational».

En ce qui concerne les contrats successifs avec les fournisseurs de services assujettis à la législation fédérale, le projet de loi C-19 contient une disposition obligeant le fournisseur qui en remplace un autre à payer une rémunération au moins égale à celle que payait son prédécesseur. Bien que, dans l'immédiat, cette disposition ne s'applique qu'au contrôle de sécurité dans l'industrie aérienne, avant la mise en place du conseil, l'alinéa 47.3(1)b) du projet de loi autorise le gouverneur en conseil à étendre cette disposition à d'autres industries des secteurs assujettis à la réglementation fédérale.

À Polaris, nous engageons un traiteur qui prépare les repas de nos employés. Si nous voulons maintenir notre compétitivité sur le marché mondial des concentrés de zinc et de plomb, il est essentiel que nous puissions continuer à engager des fournisseurs qui offrent le meilleur rapport qualité-prix. L'ingérence du gouvernement dans l'établissement des taux de rémunération interdit la libre négociation collective, ainsi que la procédure d'appel d'offres concurrentielles. En bref, pourquoi le fournisseur s'efforcerait-il de réduire ses coûts salariaux si ses dépenses sont fixées par la loi?

En ce qui concerne le traitement préférentiel accordé à l'industrie céréalière, vous en avez déjà beaucoup entendu parler cet après-midi. Je me contenterai de dire que l'industrie de l'extraction et du raffinage doit pouvoir compter sur l'accès aux installations portuaires si elle veut rester compétitive sur le marché mondial, peut-être plus encore que l'industrie céréalière. Les installations portuaires doivent rester accessibles afin que nous puissions recevoir les concentrés dont nous avons besoin dans nos fonderies et raffineries de Trail, B.C., et envoyer des concentrés et des métaux raffinés à nos clients à travers le monde. Comme nous l'avons déjà dit, toute incapacité à répondre aux strictes exigences du marché mondial entraînerait une perte des parts de marché et, en conséquence, une disparition des emplois en faveur des producteurs étrangers.

Mais, surtout, ce traitement spécial réservé à l'industrie céréalière aura l'effet involontaire de prolonger les conflits de travail dans nos ports. L'obligation de continuer à transporter les céréales lors d'une grève donnera aux travailleurs portuaires et à leur syndicat la possibilité de financer des conflits plus longs. Encore une fois, ce type de conflit, surtout s'il se prolonge, affaiblira considérablement la capacité compétitive des entreprises canadiennes sur les marchés mondiaux.

Avant d'en venir à l'accréditation automatique, j'aimerais passer en revue ce qui s'est passé à Polaris en 1996. Cette année-là, plus de 50 p. 100 des employés ont signé des cartes syndicales, ce qui a donné lieu à une demande d'accréditation. L'un des problèmes qui s'est posé alors a été celui de l'exclusion des travailleurs temporaires. Le syndicat estimait qu'ils devaient être exclus, tandis que l'employeur demandait leur inclusion. La société estimait que ces travailleurs temporaires avaient des liens de longue date avec Polaris et un horaire de travail très semblable à celui des employés permanents. Un certain nombre de ces employés temporaires sont des Inuits qui souhaitent continuer de participer à leurs activités traditionnelles.

• 1710

Pendant toute la procédure d'accréditation, le syndicat a vigoureusement prétendu que la négociation collective ne concernait pas ces employés temporaires et qu'ils devaient, par conséquent, être exclus de l'unité de négociation. La Commission canadienne des relations de travail s'est prononcée en faveur du syndicat et les a exclus. Toutefois, l'accréditation obtenue et l'avis de négociation envoyé par le syndicat, celui-ci incluait dans ses premières revendications l'intégration des employés temporaires à l'unité de négociation. Ceci après avoir prétendu que ces employés-là n'étaient pas intéressés par la négociation.

Un autre problème qui s'est posé pendant la procédure d'accréditation était que le Conseil a décidé de refuser aux employés concernés la possibilité d'exprimer leurs points de vue après la signature des cartes d'adhésion. Un certain nombre d'employés qui avaient signé ces cartes avaient changé d'avis, mais ils n'ont pas pu présenter leur point de vue au Conseil.

En réponse à ces employés, le Conseil déclarait:

    Le Conseil a reçu une pétition et un certain nombre de lettres d'employés exprimant leur opposition à la syndicalisation ainsi que d'employés qui souhaitaient revenir sur leur adhésion. Il est cependant clair qu'aucune de ces lettres n'a été signée avant le dépôt de la demande. Par conséquent, le Conseil leur accorde peu de poids.

En outre, un groupe d'employés avaient demandé à comparaître devant le Conseil. Celui-ci leur a refusé l'autorisation, affirmant que «les employés, à titre individuel, n'ont pas automatiquement le droit de participer à la procédure d'accréditation...»

On peut se demander, après avoir lu la décision du Conseil, si le processus et la réglementation actuels en matière d'accréditation visent vraiment à tenir compte des souhaits de tous les employés, qu'ils veuillent ou non être syndiqués. Comme nous avons pu le voir dans le cas de Polaris, des employés temporaires qui souhaitaient apparemment participer à la négociation ont été exclus de l'unité, tandis que d'autres qui voulaient exprimer leur point de vue n'ont pas été autorisés à participer à la procédure.

Le projet de loi C-19 confère au Conseil l'autorité d'accréditer un syndicat, même s'il n'a pas l'appui de la majorité des travailleurs, s'il estime que le syndicat aurait obtenu cette majorité sans l'intervention déloyale de l'employeur. Ceci ne fait qu'aggraver une lacune de la loi actuelle qui interdit le scrutin secret si 50 p. 100 des employés visés signent des demandes d'adhésion.

La loi actuelle, ainsi que les amendements prévus au projet de loi C-19, partent du principe que les employés ne sont pas capables de revenir sur une décision de signer ou non une carte syndicale et que seuls les employeurs sont capables de pratiques déloyales.

À Polaris, comme je l'ai dit, un certain nombre d'employés ont demandé à revenir sur leur décision, mais le Conseil ne l'a pas permis. En outre, compte tenu de la proximité dans laquelle vivent et travaillent les employés de Polaris, il leur serait extrêmement difficile de ne pas entendre les opinions de leurs collègues lorsqu'ils décident de signer ou non la carte syndicale.

Un scrutin secret pour l'accréditation permettrait de régler ces problèmes et assurerait aux employés la possibilité d'exprimer leur point de vue en privé, sans se sentir surveillés par le syndicat ou par l'employeur.

Pourquoi ne pas garantir le droit au scrutin secret? C'est la pierre angulaire de notre régime démocratique; pourtant, le projet de loi augmente le nombre de circonstances où ce droit fondamental peut être nié à des employés.

Enfin, le projet de loi C-19 reconnaît le droit de l'employeur à exprimer son point de vue personnel concernant la représentation de ses employés, à condition qu'il s'abstienne de toute coercition, intimidation, menaces, promesses ou influence indue. Il reste à voir si cette disposition sera utile. Ce qui est clair, toutefois, c'est que le point de vue personnel de l'employeur dépendra de celui qui l'entend. Ce que les uns pourront considérer comme de l'information objective et non comminatoire sera perçue comme coercitive et menaçante par d'autres.

Le Code canadien du travail a une incidence majeure sur la viabilité de nos opérations au Canada et, en particulier, sur notre mine de Polaris et nos opérations dans le sud, ainsi que sur les possibilités de nouvelles mines dans le nord.

Je vous invite à réfléchir à notre point de vue et je vous remercie encore une fois de votre invitation.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Utley.

Nous allons maintenant entendre M. Whyte.

M. Garth Whyte (vice-président, Affaires nationales et recherche, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci, madame la présidente. Je tiens également à remercier le comité d'avoir invité la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Vous nous avez invités encore une fois, et me voici.

• 1715

Je sais que vous êtes fatigués; la journée a été longue, et toute cette procédure également. J'ai dit à Mike qu'il méritait un A-plus pour sa persévérance, et vous en méritez autant. J'espère que vous m'accorderez votre attention pendant dix minutes encore, car je vais vous parler de toute autre chose, vous présenter une perspective différente.

Je m'appelle Garth Whyte. Je suis vice-président des Affaires nationales et de la recherche à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Nous sommes un organisme neutre, à but non lucratif, qui représente 88 000 petites et moyennes entreprises de tous les secteurs et de toutes les régions du pays.

Chaque membre a une voix. Je vais vous montrer les votes de dizaine de milliers—entre 10 000 et 20 000—propriétaires d'entreprises dans tout le Canada, hommes et femmes qui sont nos membres.

Mais d'abord, certains ont posé la question... Je suis membre du Comité d'examen du Code canadien du travail, et le plus grand compliment que m'aient fait certains de mes collègues syndicaux était de se demander ce que Garth Whyte et la FCEI faisaient là. Et bien, il y a à cela plusieurs raisons.

Premièrement, je suis membre du comité de révision. Deuxièmement, nous avons beaucoup de membres assujettis à la réglementation fédérale. Nous avons des membres dans les secteurs du transport, de la radiodiffusion, du camionnage et des communications; des membres dans le Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, et tous sont assujettis au Code canadien du travail. Nous avons également des membres qui dépendent lourdement de grandes entités gouvernementales comme la poste, la manutention du grain, les opérations portuaires et les chemins de fer. Nous représentons les contribuables qui craignent que le code n'augmente les coûts du gouvernement. Nous craignons que le code ne fasse le jeu des syndicats qui ont ouvertement déclaré qu'ils visent les petites et moyennes entreprises depuis que les grandes et les gouvernements licencient.

Je voudrais vraiment bien insister sur ce point, en tant que représentant canadien des employeurs à l'OIL, l'an dernier et cette année; dans le contexte des Nations unies, nous traitons de la création d'emploi par la petite entreprise. C'est un sujet très important, et ce que vous faites ici dépasse largement le cadre que vous imaginez peut-être.

Nous craignons également que les modifications au code ne constituent un précédent pour les lois provinciales, et c'est pourquoi nous sommes ici.

En résumé, notre position comporte de nombreux points, mais j'aimerais en expliquer quatre.

Premièrement—je suis au tableau de la page 1; je vais distribuer le document à mes collègues—les amendements proposés ne reconnaissent pas le climat positif qui règne entre employeurs et employés dans les petites entreprises.

Deuxièmement, les petits entrepreneurs s'opposent à l'interdiction de faire appel aux travailleurs de remplacement, prévue à l'article 42.

Troisièmement, les petites entreprises s'opposent à l'obligation faite aux employeurs de donner les noms et adresses des travailleurs à distance, et je crois que je vais vous donner de nouvelles raisons à cela, au lieu de répéter ce que vous avez déjà entendu.

Quatrièmement, comme mon collègue qui m'a précédé, nous estimons que l'accréditation automatique doit se faire par scrutin secret.

J'ai inclus la page 2 parce que ces renseignements me paraissent importants. Dans le discours du Trône qui a précédé le projet de loi C-66, précurseur du C-19, le gouvernement déclarait que la partie I du Code canadien du travail devait être mise à jour afin de favoriser un climat propice à la croissance économique et à la création d'emplois. Il est donc important que le comité, et tous ceux qui travaillent à la rédaction du projet de loi, comprennent le rôle essentiel que jouent les petites et moyennes entreprises dans la croissance économique et la création d'emplois au Canada.

Vous avez ici les données de Statistique Canada—les plus récentes que nous ayons pu obtenir; nous devrions avoir les chiffres de 1996 dans deux mois environ. Vous pouvez voir que 95 p. 100 des entreprises ont moins de 50 employés; près de 80 p. 100 en ont moins de cinq. À la page 3, vous pouvez voir que la très grande majorité des emplois ont été créés par des petites entreprises et par des travailleurs autonomes. C'est là un élément important, sur lequel je reviendrai plus tard.

À la page 4, nous rappelons que les nouveaux emplois nets sont créés par les petites entreprises. Le gouvernement et tous les partis l'ont reconnu et ont parlé de l'importance de celle-ci dans la création d'emplois. Mais qu'en est-il des emplois, globalement?

L'emploi passe des grandes aux petites et moyennes entreprises. Vous voyez que de 1979 à 1995, la portion verte, qui représente les grandes entreprises, diminue; c'est un élément important.

Certains, en particulier des représentants syndicaux, vous diront qu'il est nécessaire de syndicaliser les petites entreprises et les travailleurs qui travaillent chez eux car leurs intérêts sont mal protégés. Ils vous diront que les employés des petites entreprises ont de moins bonnes conditions de travail et qu'il faut donc moderniser la loi pour permettre au syndicat de mieux organiser ces secteurs.

• 1720

En réalité, les recherches sur le taux de satisfaction des employés canadiens montrent que l'inverse est vrai. Dans les années 90, plusieurs études ont démontré que les employés qui travaillent dans des petites entreprises non syndiquées sont généralement beaucoup plus satisfaits de leurs conditions de travail que les autres. Ce rapport date de 1995; comme vous pouvez le voir à la page 5, sous «Job in general» ceux qui travaillent pour les entreprises qui ont moins de dix employés sont plus satisfaits en général quant à l'ouverture, la souplesse des horaires, la souplesse face aux obligations familiales, l'ambiance au travail, les responsabilités et les possibilités de promotion. La formation, ainsi que les salaires et les avantages sociaux, sont un peu meilleurs dans les grandes entreprises. À propos, si cela vous intéresse, la FCEI travaille actuellement avec le ministère des Finances et les assurances afin de permettre aux petits employeurs d'offrir des avantages sociaux.

Mais nous avons des études plus récentes. En 1996, par exemple, certaines études ont constaté que les employés les plus heureux—il s'agissait d'un sondage national—les plus satisfaits dans leur travail, étaient les travailleurs indépendants et les employés des petites entreprises. Les moins heureux étaient ceux qui travaillaient pour de grandes compagnies et qui étaient syndiqués.

Cela nous ramène à notre principale réserve à l'égard de ce projet de loi. Notre but n'est pas de démolir la relation patronale-syndicale; elle est nécessaire. Nous le comprenons. Mais nous souhaiterions que le projet de loi soit plus ouvert à un autre type de relations de travail également importantes. En effet, il ne reconnaît pas le climat positif qui règne dans les petites entreprises. Le projet de loi est fondé sur le principe que la négociation collective est le seul moyen d'assurer de bonnes relations de travail.

Prenez, madame la présidente, le préambule au projet de loi. À la première ligne de la page 1, on parle d'une politique visant à promouvoir le bien-être commun en encourageant la libre négociation collective. Pourquoi ne parle-t-on pas dans ce préambule de promouvoir et d'encourager un climat positif dans les relations de travail? Pourquoi ne pas ouvrir la porte un peu plus?

Le gouvernement était sur la bonne voie lorsqu'il a affirmé qu'il fallait sortir des années 70 et moderniser le Code; malheureusement, ce projet de loi ne reflète pas les nouveaux milieux de travail des années 90, c'est-à-dire la petite entreprise et les travailleurs à domicile. Le projet de loi s'appuie sur le rapport Sims, intitulé Vers l'équilibre, qui vise principalement à trouver un équilibre entre les grandes sociétés relevant de la compétence fédérale et les grands syndicats, dans la relation patronale-syndicale, mais ne tient aucun compte d'un autre type de relation très importante et beaucoup moins difficile, qui est celles entre l'employeur et l'employé dans une petite entreprise. On y parle de consensus, mais il s'agit d'un consensus entre de très grandes entreprises syndicalisées et de grands et puissants syndicats.

On voit souvent la législation du travail comme une protection pour les employés face aux pouvoirs coercitifs des grandes entreprises, mais qu'a-t-on prévu pour protéger les petits employeurs face à la puissance des grands syndicats? On devrait à tout le moins éviter de faciliter la tâche aux syndicats qui veulent syndiquer les petites entreprises.

Nous estimons que les changements apportés au Code canadien du travail devraient viser un équilibre non seulement entre les grands employeurs et les grands syndicats, mais aussi entre les petits employeurs et les grands syndicats, et nous espérons que lorsque le nouveau président, impartial, et les conseillers ministériels seront nommés, ils seront sensibles aux problèmes des petits employeurs.

J'aimerais passer rapidement à notre deuxième préoccupation, l'article 46, qui donne au Conseil un pouvoir discrétionnaire en matière d'arbitrage et d'accréditation automatique. Au tableau 6.2, page 60 du rapport Sims—vous voyez là le graphique, madame la présidente—on peut voir qu'environ 100 unités de négociation sont accréditées chaque année. Et comme vous le voyez sur ce tableau, le rapport Sims nous apprend que la majorité de ces unités comptent moins de 30 employés. En fait, une sur quatre en compte moins de dix.

Le nouvel article 99.1 devrait être modifié de manière à ce que le Conseil soit tenu d'exiger un scrutin secret afin de déterminer si la majorité des employés sont en faveur de l'accréditation. À la page 10—je suis désolé, ce n'est pas en ordre chronologique—vous voyez le résultat du vote de nos membres sur cette question. Ils estiment que le scrutin secret est nécessaire en cas d'accréditation automatique.

Quand consensus il y a, c'est un consensus qui s'est dégagé entre les grandes entreprises syndiquées et les grands syndicats. Comme l'accréditation existe déjà, le problème ne se pose pas pour elles. De notre point de vue, un vote libre est fondamental dans la relation employeur-employé, et on pourrait s'en servir pour syndiquer un lieu de travail.

• 1725

Qui protège le petit employeur—qui n'a jamais travaillé avec un syndicat, qui n'a pas d'avocat spécialiste des relations de travail, qui ne connaît pas la législation du travail—des attaques des syndicats? Je crois l'avoir déjà dit dans d'autres présentations faites à ce comité, et j'ai cité des syndicats ayant déclaré qu'ils visaient les petits employeurs parce que leur terrain traditionnel de recrutement rétrécissait.

C'est pourquoi j'implore le comité d'affirmer clairement que si l'employeur se comporte mal, et a tort, il doit y avoir un scrutin secret.

J'aimerais maintenant en venir à la page 6. Là encore, la question nous paraît importante. Vous voyez l'utilisation que font les petites entreprises de l'Internet.

L'expansion est énorme. Nous avons un site sur le Web. Nous offrons aux petites entreprises un lien avec Strategis, qui reçoit environ 200 000 visites par jour. Et, bien que le Canada soit un chef de file dans le domaine des communications électroniques, nous avons encore beaucoup à apprendre.

Le commerce électronique fait ses premiers pas. Industrie Canada nous a demandé de présider le comité de l'OCDE sur le commerce électronique il y a deux mois.

Nous avons pu constater qu'ils ne savent pas ce qu'ils font. Industrie Canada prépare une loi sur la protection de la vie privée et nous a consultés. Le Ministère veut nous rencontrer la semaine prochaine, parce qu'il ne sait pas comment traiter les messageries électroniques, le courrier électronique et la protection de la vie privée.

Si ni le gouvernement ni l'OCDE ne savent quoi faire, comment peut-on autoriser par voie législative le Conseil des relations de travail à décider arbitrairement que l'on pourra utiliser des moyens électroniques en ce qui concerne les travailleurs à distance? Ce que vous ne comprenez pas—et n'oubliez pas qu'il s'agit de créer un meilleur climat économique et de favoriser la création d'emplois, c'est qu'il suffira d'appuyer sur un bouton pour éliminer des emplois.

En Grande-Bretagne, par exemple, une loi interdisait la facturation sur carte de crédit sur Internet. Il a fallu modifier la loi car les entreprises partaient s'installer aux États-Unis.

C'est quelque chose qu'il faut bien comprendre et qui m'amène à notre troisième point.

Il faut revoir toute la question des travailleurs à distance et, à tout le moins, éliminer la référence aux moyens électroniques, car la question mérite un examen plus approfondi. Il y a un grand problème de protection de la vie privée. La plupart des gens qui ne travaillent pas sur place et qui utilisent des ordinateurs ne le font pas seulement pour envoyer des messages.

Cette disposition-là doit absolument être éliminée. Nous avons interrogé nos membres sur la question de permettre au syndicat d'avoir accès aux employés qui travaillent à distance. La majorité ont répondu par la négative. Vous avez cela à la page 7.

Nos inquiétudes se fondent sur plusieurs raisons. Premièrement, il y a bien sûr la protection de la vie privée. Le Conseil devrait à tout le moins être tenu d'obtenir la permission de l'employé avant de révéler son adresse, son adresse électronique ou toute autre coordonnée.

Mais nous sommes également inquiets parce que nous nous sentons visés. Cet article avait-il pour but de protéger les employés ou de favoriser l'expansion des syndicats? Il faut l'éliminer. Les employeurs devraient simplement être tenus de prévenir leurs employés qu'une procédure d'accréditation a été lancée. Nous vous incitons vivement à faire cette modification.

Enfin, nous sommes contre l'interdiction d'utiliser des travailleurs de remplacement. Nos membres sont contre cette disposition parce qu'ils dépendent d'entreprises à réglementation fédérale, telles les postes. La dernière grève aux Postes, qui ne sont pas considérées comme un service essentiel, a coûté 200 millions de dollars par jour à nos membres.

Beaucoup d'entre eux sont également assujettis à la réglementation fédérale et ils craignent que cette disposition ne soit utilisée contre leurs entreprises. Elle pourrait les priver de leurs droits à pratiquer une activité commerciale, à s'approvisionner et à faire commerce.

Quel est le but de cet amendement? Vise-t-il des circonstances exceptionnelles où une compagnie essaie illégalement d'affaiblir un syndicat? Et qu'est-ce que cela signifie? Est-ce que c'est attaquer un syndicat que de vouloir rester en affaire?

Le rapport Sims dit qu'il ne peut s'agir que d'une activité totalement illégitime, et viser des circonstances absolument exceptionnelles. Cet article, auquel le Conseil peut donner une interprétation large, doit se fonder sur le pire des scénarios.

Mais comment protégerons-nous les propriétaires d'entreprises de ce type de situation? Comment protégerons-nous les propriétaires d'entreprises qui n'ont pas d'avocat spécialiste du travail, qui ne connaissent pas le droit du travail et qui n'ont jamais traiter avec un syndicat?

Encore une fois, est-ce que maintenir les opérations d'une entreprise constitue une attaque envers les activités légitimes d'un syndicat? Et pouvons-nous compter sur le Conseil—jusqu'ici nous ne leur confions même pas nos propres dépenses—pour décider ce qui constitue des circonstances exceptionnelles?

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante espère que le comité prendra en compte certaines de ces recommandations afin d'aboutir à un code du travail mieux équilibré, qui protège également les intérêts des petites entreprises. Nous exhortons votre comité à adopter nos propositions afin que le Code canadien du travail favorise la croissance économique et la création d'emplois.

• 1730

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions, qui pourront être posées à n'importe lequel des témoins, et vous pourrez répondre en groupe. Monsieur Johnston.

M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente, et merci, messieurs, de vos exposés.

Monsieur Mebs, vos commentaires concernant l'arbitrage des propositions finales et le statut spécial conféré au transport des céréales ont particulièrement retenu mon attention. Étant moi-même agriculteur, tout ce qui peut éliminer des obstacles sur le chemin des céréales jusqu'aux ports et, en fait, jusqu'aux clients m'intéresse. Mais je suis d'accord avec vous qu'il serait nocif pour l'économie canadienne qu'un nombre d'autres denrées ne parviennent pas à bon port.

Ce n'est qu'une question de temps avant que les autres denrées ne deviennent aussi sensibles que les céréales, et que nous ayons à nous en préoccuper. Je suis donc heureux de vous entendre recommander un mécanisme de règlement des différends. Je propose moi-même l'arbitrage des propositions finales, qui améliorerait le système, à mon avis.

Vous avez également parlé de vote secret. Ce comité a entendu beaucoup de gens parler de l'accréditation sans majorité. Ils sont généralement en faveur, parce qu'ils pensent qu'il peut y avoir coercition ou intimidation de la part de l'employeur. À ces gens-là, et à tous ceux qui s'imaginent que c'est là la raison du vote, je tiens à dire ceci: aucune des deux parties ne peut intimider ou forcer l'autre. Dans le monde libre, les élections se font par scrutin secret, et je suis ravi que la plupart d'entre vous soyez d'accord pour dire que c'est ainsi qu'il faut décider si les employés sont en faveur ou non de l'accréditation d'un syndicat.

Ce sont là simplement des observations d'ordre général. Vous avez dit également que la question des droits de succession vous préoccupe. J'aimerais savoir comment ces droits vous toucheraient. Ma question ne s'adresse à personne en particulier, mais à tous les membres du groupe.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Y a-t-il des questions de ce côté-ci. Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Utley, j'ai trouvé très intéressants vos commentaires concernant les scrutins secrets et l'explication de vos opérations à Polaris, et j'ai pris bonne note. Si j'ai bien compris, vous nous avez dit que vous ne voulez pas que les grèves ou les lock-out dans le secteur assujetti à la réglementation fédérale n'entravent l'exportation de vos produits. Dans ce cas, comment proposez-vous que l'on règle les différends dans ce secteur? M. Johnston a parlé d'arbitrage obligatoire pour régler les conflits de travail entre sa propre entreprise et ses employés ou syndicats; seriez-vous en faveur de ce type de solution?

Madame la présidente, j'ai une dernière question pour M. Whyte.

Je crois comprendre que les relations de travail qui touchent les membres de votre fédération tombent essentiellement sous le coup des lois provinciales. Vous n'êtes pas couverts par le Code canadien du travail. Si vous pouvez me donner des pourcentages, je serais curieux de savoir combien de vos membres sont assujettis au Code canadien du travail, et combien d'entre eux négocient avec des syndicats.

Sur la question des travailleurs de remplacement, je ne comprends toujours pas très bien le raisonnement. Si un syndicat négocie avec un employeur, n'arrive pas à obtenir une convention collective et exerce alors son droit de grève—droit qu'il détient légalement—je ne vois pas pourquoi vous feriez appel à des travailleurs de remplacement. Cela affaiblirait toute motivation, surtout de la part de l'employeur, pour un règlement.

J'aimerais avoir votre avis sur ces questions, assez brièvement, vu l'heure qu'il est.

• 1735

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.

Qui va répondre, en commençant par la question de M. Johnston?

M. Grant Mebs: Je vais répondre à la question de M. Johnston concernant les solutions que nous proposerions au lieu des grèves et des interruptions de travail.

Comme je l'ai dit, nous sommes en faveur d'un choix de solutions qui serait mis à la disposition du ministre pour régler certains conflits. Nous sommes en faveur d'une intervention rapide afin que la négociation collective—et le lien avec le gouvernement fédéral et le ministre en particulier dans les domaines sensibles, et, notamment, les ports de la côte Ouest—puissent être suivis de près afin d'éviter ou, si on en arrivait là, de réduire l'incidence de toute interruption de travail par le recours à d'autres méthodes et d'autres mécanismes, comme la médiation, l'établissement des faits, l'arbitrage des différends et l'arbitrage des propositions finales.

Nous ne voyons pas dans cette dernière méthode une panacée, car ce n'en est pas une, mais il y a d'autres mécanismes que nous appuyons et que nous avons proposés non seulement à la CEI, mais également à la Commission Sims et à la table ronde ministérielle. À l'époque, le ministre était Alfonso Gagliano.

Nous acceptons donc ces mécanismes. Nous les appuyons et nous participerions pleinement à ce type de solutions qui permettraient d'éviter les interruptions de travail dans les ports de la côte Ouest.

Nous sommes avant tout en faveur de la négociation collective. Comme je l'ai déjà dit, depuis 20 ans que nous négocions avec nos syndicats, nous n'avons eu que deux différends mineurs. Dire que la négociation collective ne fonctionne pas dans les ports de la côte Ouest, c'est une exagération, du moins de notre point de vue. Elle fonctionne bien, et nous ne souhaitons pas d'intervention de l'extérieur.

J'en resterai là pour ce qui est de ma réponse à M. Johnston.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Whyte.

M. Garth Whyte: Merci, madame la présidente. Je vais répondre partiellement à la question de M. Wilfert—nous y reviendrons—concernant le scrutin secret.

Il y a un mois, j'ai reçu à la FCEI un appel d'une association qui me demandait «Pouvez-vous préparer quelque chose, car notre industrie est visée»—il s'agit de l'industrie hôtelière en Ontario—«et nos propriétaires d'entreprises ne savent pas ce qu'ils peuvent dire ou non.»

Ils ne sont pas assujettis à la réglementation fédérale, mais je mentionne cet exemple... cela veut dire, qu'importe l'OIT? L'OIT—et je traite avec M. Parrot, Nancy Riche et M. White; je n'épelle pas mon nom de la même manière, soit dit en passant. J'épelle le mien avec y, mais quoi qu'il en soit...

Je traite avec eux parce qu'ils me disent que puisque j'étais d'accord à l'OIT, pourquoi ne pas introduire cela ici?

Dans le cadre du Code canadien du travail—et je reviendrai au vote secret—pour revenir au Code canadien du travail, Nancy Riche a dit au comité «Nous voulons être des chefs de file dans le domaine des salaires minimum, nous ne voulons pas être à la traîne. Nous voulons que les provinces suivent notre exemple.»

Alors ne nous laissons pas leurrer. Je vous dirai combien sont assujettis à la réglementation fédérale, mais ne perdons pas de vue ces choses qui peuvent constituer des précédents. Je parle maintenant des travailleurs à distance. C'est une question connexe.

Vous avez raison, je ne voulais pas nécessairement repasser en revue ce projet de loi, mais voilà, cela est important pour nous.

Le scrutin secret: Ils ont demandé 1 000 copies—dans l'article même—parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils peuvent dire ou ne pas dire. Maintenant, supposons que vous soyez assujettis à la réglementation fédérale. Nous avons des milliers de membres. Nous avons des membres dans le camionnage, les communications, les petites lignes aériennes. Nous avons des membres dans les Territoires du Nord-Ouest.

On nous a demandé combien de nos membres sont assujettis au code. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts, mais ils sont assez nombreux, probablement plus nombreux que bien des autres groupes qui se sont présentés devant vous, mais ils sont plus petits. Le fait qu'on accrédite 100 unités par jour, 100 par an, la plupart d'entre elles auprès de petits employeurs, montre qu'ils sont nombreux. Et si l'on parle de commerce électronique et d'Internet, ils seront encore plus nombreux, puisque cela traverse les territoires de compétence.

Mais ils ne savent pas quoi dire.

Ce qui est positif, selon moi, c'est l'article 42, page 33, qui modifie le paragraphe 94(2) et permet à l'employeur d'exprimer un point de vue personnel. Le ministère du Travail reconnaît par là qu'un petit employeur peut dire à ses employés «Voilà le revers de la médaille». Tout comme les syndicats peuvent avancer que les employeurs vous donneront toutes sortes de faux renseignements, les syndicats eux aussi peuvent le faire. Eux aussi peuvent dire toutes sortes de choses. Ils ont une liste des entreprises que l'on peut accréditer.

Alors supposons qu'une entreprise qui a dix employés—et encore une fois, pas de spécialiste en droit du travail, aucune connaissance de la législation du travail—commette une erreur dans ses communications avec les employés. Un bon délégué syndical qui peut s'appuyer sur une grosse machine syndicale derrière lui dira «Ça y est, je vous tiens»; il s'adresse au Conseil, où il connaît des gens, avec qui il traite régulièrement, et leur dit «Ce type est allé trop loin» ou «Cette femme est allée trop loin», car nous avons beaucoup de femmes parmi nos membres—et il pourrait gagner. Nous avons des membres qui avaient quatre employés et qui ont gagné, mais il leur a fallu dépenser 15 000 $ ou 20 000 $ pour défendre leur cause devant le Conseil. Ils ont dû engager un avocat parce qu'ils ne savaient pas comment s'y prendre.

• 1740

Mais, dans ce cas-ci, il n'y a même pas de bataille possible. Le Conseil peut arbitrairement accorder l'accréditation s'ils sont allés au-delà de la simple expression d'une opinion, conformément à l'alinéa 94(2)c), et l'accréditation peut être automatique.

Mais les employés ne souhaitent peut-être pas se syndiquer. Pourquoi ne pas donner aux employés le droit de décider par eux-mêmes s'ils veulent ou non appartenir à un syndicat, surtout lorsqu'ils travaillent pour un petit employeur? Il ne faut pas perdre de vue le contexte.

Voilà notre point de vue sur les scrutins secrets. Quel mal y a-t-il à cela? Tout notre système est fondé sur le vote démocratique. Cela est très important pour les petits employeurs—très important.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Whyte.

Quelqu'un d'autre souhaite-t-il répondre à la question de M. Wilfert?

M. Jim Utley: Est-ce qu'il s'agissait des travailleurs de remplacement?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Wilfert, pourriez-vous répéter votre question?

M. Bryon Wilfert: Si je vous ai bien compris, vous avez dit que vous ne voulez pas que les grèves ou les lock-out dans le secteur relevant de la compétence fédérale viennent entraver l'exportation de vos produits. Comment, alors, proposez-vous de régler les conflits de travail dans ces secteurs?

M. Jim Utley: Si c'est ce que vous avez compris, c'est une erreur. Nous sommes essentiellement d'accord avec ce qu'ont dit les autres: c'est la négociation collective qu'il faut privilégier. Nous avons cependant des objections lorsqu'on privilégie un groupe de travailleurs par rapport aux autres. Nous estimons que cela peut prolonger les grèves, puisque ces employés pourront maintenir une partie de leur revenu et financer ainsi la grève plus longtemps. C'est ce qui nous inquiète.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.

Vouliez-vous également dire quelque chose à ce propos, monsieur Mebs?

M. Grant Mebs: Non merci, madame la présidente, mais je voulais m'assurer d'avoir bien répondu à l'une des questions concernant les contrats successifs. J'ai deux petites choses à dire à ce propos. Je ne voulais pas que votre question reste sans réponse. J'ai en traité dans mon mémoire, que je vous invite à lire.

En résumé, d'après mes notes, ces dispositions vont au-delà des recommandations de Sims. En effet, Sims dit clairement que le législateur ne doit pas intervenir dans les opérations normales, commerciales et légitimes d'une entreprise et de ses représentants en ce qui concerne les contrats avec les fournisseurs et le processus d'appel d'offres et de sélection.

Plus précisément, je peux vous faire part de l'expérience du secteur provincial, en Colombie-Britannique en particulier, où le gouvernement, avec le projet de loi 44 proposait une loi semblable à celle-ci pour ce qui est des dispositions concernant les contrats successifs. Face à l'opposition soutenue qu'elles ont suscitée, le gouvernement provincial a retiré ces dispositions et a constitué un groupe de travail chargé de réexaminer la question.

Il est intéressant de noter que le groupe de travail recommandait au gouvernement de ne pas adopter de modifications législatives concernant la succession. Tout en reconnaissant qu'il y avait un problème, il concluait que la solution n'était pas d'ordre législatif, mais qu'elle devait être trouvée par les parties concernées, dans un esprit de dialogue et de coopération.

Merci, madame la présidente. C'est tout.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Oui, monsieur Whyte.

M. Garth Whyte: M. Wilfert demandait quel pourcentage de nos membres ont des travailleurs syndiqués. La majorité ne sont pas syndiqués. Il demandait également pourquoi la question des travailleurs de remplacement nous préoccupe. C'est à cause du droit d'approvisionnement. Toute interruption nous pose un problème. Nous avons beaucoup de céréaliculteurs, de gens qui dépendent du transport des grains, par exemple, et que ce type de problème inquiète.

Mais pour ceux qui sont accrédités, dire... j'aimerais poser une question à votre comité: est-ce qu'on entrave la capacité de représentation d'un syndicat en maintenant son activité commerciale?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): C'est nous qui sommes censés poser les questions.

Des voix: Oh, oh.

M. Garth Whyte: Bon, c'était pour la forme. Mais dire qu'une entreprise qui a dix employés syndiqués—la majorité des entreprises comptent actuellement moins de 20 salariés—ne peut pas préserver son gagne-pain, cela reviendrait à dire à des employés en grève qu'ils ne peuvent pas chercher d'autres sources de revenu. Est-ce que c'est juste? Parce que fermer une petite entreprise... Je sais que cela peut paraître bizarre, mais quand vous avez 10 employés, et que c'est votre seule source de revenu, ce n'est pas la même chose que de faire cesser les opérations de la Société canadienne des postes ou du CN. C'est pour cela que nous sommes inquiets.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Mais est-ce que ce n'est pas pareil pour tous les employeurs? Si vous êtes paralysés par une grève, vous perdez votre source de revenu, que vous ayez dix employés ou 100.

M. Garth Whyte: Lorsque vous êtes en grève?

• 1745

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Oui.

M. Garth Whyte: Est-ce que vous ne pouvez pas travailler ailleurs? Avez-vous d'autres sources de revenu?

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): La plupart des cadres de grandes entreprises n'ont pas un petit emploi à côté qui peut leur procurer un revenu.

M. Garth Whyte: Ce qu'il faut considérer, c'est l'intention. Cette disposition est due à des grands événements—ceci pour ceux d'entre nous qui étaient présents quand tout cela a commencé. Il y a eu d'abord Ogilvie Mills, à Québec, puis Giant Mine. Le gouvernement en a eu assez et a voulu régler ces problèmes. Nous pourrions entrer dans toute la question des travailleurs de remplacement. Nous avons été nombreux à vous demander de resserrer la portée de la disposition en utilisant la terminologie de Sims, pour la limiter aux circonstances extraordinaires.

Je voudrais savoir si ce projet de loi affaiblit la capacité de représentation du syndicat. Mais vous avez raison, c'est à vous de poser les questions, pas à moi. Mais j'aimerais que quelqu'un réponde à cette question. C'est inquiétant. Ce n'est pas assez précis, d'après nous.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Est-ce que cela vous suffit?

M. Robert Nault: J'ai une question.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Allez-y, monsieur Nault.

M. Robert Nault: M. Whyte et moi-même avons déjà eu cette discussion, et je ne tiens pas à la répéter ici aujourd'hui. Mais la réponse, c'est qu'il appartiendra au Conseil de donner cette définition, et non au comité. Contrairement à M. Whyte, je lui fais confiance.

Madame la présidente, comme il est tard, je voulais poser aux porte-parole de la Waterfront Foremen Employers Association une question très précise.

Dans votre mémoire, vous traitez de l'article 87.7 et vous dites:

    [...] depuis 1986, il y a eu six interruptions de travail d'une durée totale de 90 jours, qui ne concernaient pas la Waterfront Employers et l'ILWU. [...] Par contraste, le nombre total de jours de travail perdus attribuables à la Waterfront Employees [...] est de vingt-cinq (25). [...] Par conséquent, nous mettons en doute la capacité de cette disposition à garantir le mouvement continu des céréales jusqu'au marché puisque 21 p. 100 seulement du nombre total de jours perdus par des grèves ou des lock-out depuis 1986 sont attribuables à notre industrie ou à ses syndicats.

Vous expliquez assez succinctement votre collaboration avec le ministère du Travail et des autres ministères concernés. Je présume que vous leur avez présenté les mêmes arguments que vous avez présentés ici aujourd'hui. Que vous ont-ils répondu quand vous leur avez demandé pourquoi ils tenaient à cet article 87.7 alors que 21 p. 100 seulement des arrêts de travail visés pouvaient être attribués à des membres de votre association ou a vos syndicats, tandis que tous les autres vous sont totalement étrangers? Si c'est effectivement le cas, vous devez leur avoir demandé comment ils pouvaient estimer que c'était là une solution.

M. Grant Mebs: Merci, monsieur Nault. C'est une excellente question, et nous l'avons effectivement posée. Nous avons traité de leur réponse dans notre mémoire: ils ont l'impression qu'il n'y a pas de négociation collective sur la côte Ouest et que les parties utilisent les céréales comme un atout dans la manche. C'est ce qu'ils nous répondent.

À cela nous répliquons, tout d'abord, que nous ne souhaitons pas d'intervention dans nos négociations collectives. Nous négocions. Nous l'avons fait souvent et avec succès. S'il existe effectivement un atout dans la manche—ce que nous nions catégoriquement, pour les raisons que j'ai expliquées dans mon exposé—il vaut autant pour les autres denrées.

On nous a donc répondu que c'est parce que les parties—le syndicat et les employeurs—utilisent les céréales comme un atout dans la manche.

M. Robert Nault: Je vous signale que les interprètes n'expliquent pas ce que signifie «ace in the hole». Peut-être que quelqu'un pourrait expliquer cette expression à mon collègue francophone. J'en serais incapable, car je ne sais pas comment on dit cela en français, mais l'expression n'est probablement pas identique en français. Du côté des francophones, on se demande sans doute ce que signifie «ace in the hole». L'expression revient très souvent dans ce comité, et il serait peut-être bon de régler ce problème-là, dès notre retour, madame la présidente. J'ai pensé vous le signaler, parce que j'ai moi-même de la difficulté à expliquer ce que cela veut dire.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Wilfert, êtes-vous satisfait de la réponse obtenue, ou aviez-vous encore une question?

M. Bryon Wilfert: Si nous croyons tous dans la négociation collective—et je crois que c'est le cas—je me demande pourquoi ces dispositions figurent ici. Si la négociation collective aboutit à une impasse, la loi donne aux employés le droit de retirer leurs services. Il me semble qu'en utilisant des travailleurs de remplacement on affaiblit ce droit. Je ne vois pas ce qui motiverait alors l'employeur à régler le différend.

• 1750

M. Jim Utley: Et qu'est-ce qui motive l'employé? C'est là le problème que posent les travailleurs de remplacement.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Le manque d'argent.

M. Bryon Wilfert: Il y a d'abord le manque d'argent, mais je crois que nous savons tous ce qu'est une grève. Ce n'est dans l'intérêt de personne. Mais si l'on donne le droit de grève et que l'on dit ensuite... c'est comme la poste, d'après moi. Si vous leur donnez le droit de grève et qu'ensuite vous leur imposez le retour au travail, pourquoi leur donner le droit de grève?

M. Garth Whyte: C'est exact.

M. Bryon Wilfert: Ce n'est pas la position du gouvernement, mais c'est mon point de vue.

M. Jim Utley: Quel rapport avec les travailleurs de remplacement?

M. Bryon Wilfert: Parce que l'on affaiblit... vous dites que vous êtes en faveur de la négociation collective. mais lorsqu'elle n'aboutit pas, certains d'entre vous ont dit par le passé et, répété aujourd'hui, qu'il fallait pouvoir faire appel à des travailleurs de remplacement pour maintenir les opérations.

Tandis que vous continuez vos affaires, les employés sont en grève et n'ont pas d'autres recours. Je ne crois pas qu'il leur soit facile de trouver du travail à court terme, pas plus que je ne pense que l'absence d'argent soit une motivation. Personne ne veut voir une grève se prolonger, ni les syndicats ni les employés ne le souhaitent, mais c'est là une discussion d'ordre philosophique.

M. Garth Whyte: Mais il y a davantage.

M. Dale Johnston: Je crois que la véritable question est ce que disait Sims au départ. C'est une question d'équilibre, et si vous donnez aux employés le droit de grève et que vous enlevez à l'entreprise le droit de fonctionner, vous n'avez plus d'équilibre. Je crois que cela constitue...

M. Bryon Wilfert: Cela fait pencher la balance.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Je crois que le moment est venu de mettre fin à cette discussion qui tourne au débat. Je tiens à remercier nos invités qui sont venus de loin et qui ont beaucoup travaillé pour présenter leur position.

Nous vous en remercions et nous vous assurons que nous tiendrons compte de vos mémoires dans nos délibérations. Merci beaucoup.

M. Grant Mebs: Merci.

M. Garth Whyte: Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés.

La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): La séance est levée.