HRPD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES
COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er avril 1998
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): La séance est ouverte. Bonsoir et bienvenue aux représentants de l'Association des banquiers canadiens. Nous accueillons M. Young, M. Alborino et M. Finlay. Je m'en remets à vous, messieurs, pour décider lequel d'entre vous se chargera de faire l'exposé.
M. Alan Young (vice-président, Politiques, Association des banquiers canadiens): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je ferai ce soir de brèves observations. Les membres du comité ont déjà reçu copie de notre mémoire écrit, qui donne de plus amples détails sur les questions que nous allons aborder avec vous.
Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion que vous nous avez donnée de comparaître devant vous et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions à la fin de mon bref exposé.
L'ABC représente 53 banques à charte au Canada qui, avec leurs filiales, emploient plus de 221 000 Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Le secteur bancaire compte actuellement 19 unités de négociation regroupant à peu près 2 500 employés. La plus grande unité comprend quelque 1 800 employés. C'est donc dire que la majorité des employés de banque n'appartient pas à des syndicats professionnels.
• 1835
Certaines personnes ont laissé entendre dans le passé que les
banques sont antisyndicales, mais je tiens d'entrée de jeu à
éclaircir un point: le secteur bancaire appuie et respecte la
liberté de choix et la négociation collective libre là où une
majorité des employés choisit librement ce mode de traitement des
relations employeur/employé.
Il est vrai, toutefois, que nous n'endossons pas l'opinion selon laquelle la négociation collective est foncièrement supérieure à d'autres méthodes de structuration des relations employeur/employé. Ce qui importe dans une approche, quelle qu'elle soit, c'est la communication ouverte, la souplesse et un équilibre efficace entre les intérêts de l'employeur et ceux de l'employé.
Nous sommes ici, ce soir, à cause de deux préoccupations précises au sujet du projet de loi C-19 relativement aux dispositions portant sur les travailleurs à distance et sur l'accréditation corrective. Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter brièvement nos préoccupations relatives aux travailleurs à distance dans le nouvel article 109.1.
Au fond, nous estimons que cette disposition est prématurée. Elle propose l'établissement d'une loi englobant deux domaines au sujet desquels il existe actuellement très peu d'information. Ce sont la nature et la quantité de travail effectué à distance—probablement du travail à domicile et tout probablement du travail basé sur le télétravail—et l'incidence des communications électroniques en milieu de travail et les questions relatives à leur propriété, leur accès et leur usage.
En ce qui a trait aux travailleurs à distance, le programme de main-d'oeuvre à Développement des ressources humaines Canada commence tout juste à examiner les nouveaux modes de travail adoptés par les Canadiens grâce à la mise sur pied d'une enquête avant les consultations sur la réforme de la partie III du Code canadien du travail. Elle ciblera certainement le télétravail et le travail à domicile dans une certaine mesure.
À l'heure actuelle, nous avons toutefois peu de renseignements sur l'identité de ces personnes, leur nombre, leurs habitudes de travail ou leurs heures de travail, et le travail qu'elles accomplissent. Nous n'avons aussi pratiquement pas de données précises sur la communication électronique en milieu de travail, qui devrait y avoir accès, comment elle devrait être utilisée et dans quelle mesure elle remplace d'autres moyens de communication.
L'ancien ministre du Travail a tenu un colloque en février 1997 sur l'autoroute électronique et son incidence sur le milieu de travail. Ce colloque était à notre avis un bon début, mais il n'a identifié que quelques-uns des problèmes dans ce domaine. À notre avis, il est trop tôt pour aborder de façon pertinente les questions soulevées par le nouvel article 109.1.
Si les membres du comité et le Parlement jugent essentiel de légiférer dans ce domaine à ce moment-ci, nous sommes d'avis que certaines parties de la disposition doivent alors subir d'autres modifications. Nous avons en effet d'autres préoccupations, portant surtout sur les questions de protection de la vie privée.
Premièrement, le projet de loi n'intègre pas le principe fondamental du consentement de la part des employés travaillant à distance avant la communication possible de leurs noms et adresses aux syndicats par ordre du Conseil canadien des relations industrielles. Nous estimons également qu'il ne convient pas de laisser la responsabilité de la protection de la vie privée dans les mains du conseil. Le projet de loi lui-même devrait englober les principes fondamentaux de la vie privée et le conseil pourrait être chargé de s'assurer de leur application.
Deuxièmement, l'utilisation du système de communication électronique de l'employeur pour transmettre les messages du syndicat nous semble une invasion de la vie privée de l'employeur en plus d'un écart très important par rapport à l'accès aux employés que permet actuellement le code. Si le consentement individuel des employés est obtenu pour la communication de leurs noms et adresses—ce qui comprendrait les adresses de courrier électronique par Internet, lorsqu'elles sont disponibles—, le syndicat disposera alors de tout ce qu'il lui faut pour communiquer avec ces personnes.
Dans notre mémoire, nous fournissons un énoncé de rechange pour l'article 109.1 qui prévoit que le conseil est chargé d'obtenir le consentement des employés qui désirent être contactés par un syndicat.
Nous n'aimons pas nous contenter de signaler un problème au Parlement et aux comités parlementaires; nous aimons bien proposer aussi une solution. C'est pourquoi nous vous recommandons une modification de l'énoncé de cet article, que vous trouverez en page 5 de notre mémoire et en page 1 du sommaire. Cet énoncé élimine aussi l'utilisation possible du système de courrier électronique de l'employeur.
Nous vous incitons à considérer notre proposition comme un moyen équitable et équilibré de réaliser l'accès dont les syndicats ont besoin, sans pour autant compromettre les droits des employés et des employeurs à la vie privée.
Passons maintenant à notre deuxième préoccupation, celle de l'accréditation corrective. Le nouvel article 99.1 proposé permettrait au nouveau conseil d'accréditer un syndicat malgré le manque de preuve d'appui majoritaire de la part des employés. S'il y a manifestement pratique déloyale de la part de l'employeur au moment où le syndicat tente d'obtenir son accréditation, les banques acceptent que le conseil traite l'infraction comme il se doit. Mais l'action du conseil ne devrait pas être prise aux dépens des employés, particulièrement ceux qui ne souhaitent peut-être pas adhérer à une organisation syndicale.
• 1840
De plus, je crois qu'il est exagéré de s'attendre que le
conseil prouve que le syndicat aurait ou n'aurait pas obtenu un
appui majoritaire, particulièrement si la signature de cartes du
syndicat n'a jamais dépassé 50 p. 100. L'ABC recommande donc que
l'article 99.1 proposé soit modifié.
Dans les cas où l'employeur est reconnu coupable de s'être engagé dans une pratique susceptible d'avoir miné la capacité du syndicat d'obtenir des cartes signées, le conseil devrait être tenu de superviser un scrutin secret afin de déterminer si le syndicat obtient l'appui de la majorité des employés aux fins d'accréditation.
Là encore, nous vous avons proposé une solution au problème que nous avons soulevé. Vous trouverez l'énoncé que nous recommandons en page 7 de notre mémoire et à la page 2 du sommaire.
Madame la présidente, voilà les préoccupations et recommandations dont le secteur bancaire entend saisir le comité ce soir relativement au projet de loi C-19. Merci beaucoup du temps et de l'attention que vous nous avez consacrés. Nous serions maintenant heureux de répondre à vos questions.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Young.
Monsieur Johnston, voulez-vous commencer?
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de votre exposé. Je remarque que vos préoccupations sont très semblables à celles du Commissaire à la protection de la vie privée. L'une d'elles est l'élément manquant dans toute cette question de l'accréditation ou d'une tentative de syndicaliser des travailleurs à distance, à savoir le consentement des employés eux-mêmes.
Je suis heureux de constater que vous avez proposé un amendement qui me semble fort logique. Nous ferons tout en notre pouvoir pour obtenir—bien sûr, je parle strictement au nom de notre groupe—que cet amendement soit adopté.
Quant à la question de l'accréditation en l'absence de vote majoritaire, il me semble que si c'était une bonne idée, alors la désaccréditation sans vote majoritaire serait également une bonne idée. Bien sûr, je pense que personne d'autre, dans l'un ou l'autre des partis représentés autour de la table, ne serait d'accord avec cela. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment diable on pourrait reconnaître et accréditer un syndicat s'il n'y a aucune preuve de consentement majoritaire. Après tout, cette mesure législative s'inspire d'un rapport intitulé «À la recherche de l'équilibre», de sorte que si nous voulons équilibrer le tout, il devrait être également possible de désaccréditer le syndicat sans appui majoritaire.
Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous aurait des observations à faire là-dessus?
M. Andrew Finlay (conseiller juridique principal, Groupe de législation sur l'emploi, Banque Scotia; Association des banquiers canadiens): Ce que nous disons au sujet de l'accréditation, c'est qu'il faut respecter les souhaits des employés. Nous n'avons pas vraiment abordé la question de la désaccréditation. C'est un processus différent, même d'après les dispositions actuelles du code. En fin de compte, toute la question de l'accréditation-désaccréditation est fondée sur les souhaits des employés.
M. Dale Johnston: Elle devrait reposer sur les souhaits des employés, mais il faudrait aller dans le sens de ce que désire la majorité des employés. Je trouve que vous avez fait ressortir très clairement ce point et je vous en remercie.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Anders.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): J'ai demandé à d'autres groupes qui ont comparu devant notre comité quelle concurrence ils affrontaient de la part d'entreprises étrangères qui offrent actuellement des services semblables. Nous avons vu ces dernières années que certaines banques, surtout des États-Unis, mais il y en a d'autres également, bien sûr, envisagent de procéder à des fusions ici au Canada afin de pouvoir concurrencer des banques de la Hollande et d'autres pays.
Comment cette mesure législative se compare-t-elle à la législation qui régit vos concurrents aux États-Unis? Quelles possibilités cela ouvrirait-il à des banques américaines désireuses de s'installer au Canada? Comment cette mesure influerait-elle sur les banques canadiennes, compte tenu du fait que les banques américaines sont régies par une législation différente?
M. Alan Young: Je peux répondre à la question portant sur la concurrence des nouvelles banques qui arrivent sur le marché. Je ne suis pas personnellement bien renseigné sur le régime dans lequel les banques des États-Unis fonctionnent en matière de relations de travail. J'ignore si l'un ou l'autre de mes collègues pourrait répondre à cela.
• 1845
Pour ce qui est des nouveaux concurrents, un nombre
considérable de nouvelles banques sont arrivées sur le marché
depuis un an et demi, non pas seulement en provenance des
États-Unis, mais aussi de Hollande. Au moins deux banques de ce
dernier pays, la ING Bank et Rabobank, par exemple, s'efforcent de
s'installer dans divers créneaux de notre secteur. Je crois que la
concurrence est devenue beaucoup plus forte dans le secteur
bancaire.
Certains de nos nouveaux concurrents, par exemple Wells Fargo et ING, se sont installés ici comme des quasi-banques. Ils n'investissent pas dans l'infrastructure, ils ne construisent pas d'immeubles, ils n'installent pas de succursales dans toutes les localités du pays, comme les banques canadiennes l'ont fait. Ces concurrents font un usage intensif de l'autoroute électronique et du réseau électronique pour traiter avec les Canadiens et pour faire des affaires.
Évidemment, quand ils viennent s'installer au Canada, ils doivent respecter la législation, le Code canadien du travail, à l'instar de toute autre banque qui a obtenu une charte pour mener des activités au Canada. Mais quant aux régimes dans lesquels ils fonctionnent, aux États-Unis ou en Hollande, je ne suis pas au courant de cela.
M. Andrew Finlay: Je ne connais pas spécifiquement les régimes en question, mais je dirais qu'il y a de grands écarts. Il n'est probablement plus pertinent de s'attarder uniquement à la situation aux États-Unis, parce que la concurrence vient aussi d'Europe et du Sud-Est asiatique, pas seulement des États-Unis, pas seulement du Royaume-Uni, mais aussi de l'Amérique du Sud.
De plus, le secteur bancaire lui-même au Canada est très international, ayant des activités dans tous ces pays et faisant concurrence non seulement aux autres banques, mais aussi à d'autres organisations qui ne sont pas traditionnellement présentes dans le secteur financier, par exemple les compagnies GE et IBM. Tout cela est donc très complexe. Quant aux États-Unis, c'est vrai qu'ils sont un géant au sud de nos frontières, mais ils ne sont qu'un géant parmi d'autres.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Rocheleau. Non? Alors madame Chamberlain.
Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): J'ai rencontré tout à l'heure le groupe de témoins, enfin certains d'entre eux, et je voulais seulement éclaircir deux ou trois points. L'un des points dont nous avons discuté est la question que vous avez soulevée ce soir, monsieur Finlay. Je crois que lors de notre entretien, vous m'avez dit qu'il y a un appui généralisé en faveur du projet de loi, que c'est une mesure législative importante, que vous étiez mécontent de ces dispositions en particulier, mais qu'en général, vous espériez que le projet de loi serait adopté. J'espère que c'est encore votre sentiment; je sais en tout cas que c'était clair durant notre entretien.
Je voudrais aborder un point en particulier, dont nous avons d'ailleurs discuté avec d'autres groupes, soit l'accréditation corrective. La solution proposée est de procéder à un scrutin secret. J'ose dire que cela peut sembler acceptable à première vue, mais on peut avoir affaire à une organisation qui a peut-être utilisé une foule de pratiques d'intimidation ou de coercition auprès de ses employés, par exemple en leur disant «vous allez maintenant travailler à temps partiel et vous ferez moins d'heures», ou encore «vous ne travaillerez plus au même endroit dorénavant, vous aurez des quarts différents qui ne vous plairont peut-être pas, vous allez écoper de tous les quarts de 16 heures à 20 heures à la banque», etc.
L'intimidation, ça peut vraiment aller loin, et je vous fais remarquer respectueusement que dans le cas d'un groupe qui veut se syndicaliser et qui estime être victime d'intimidation, même un scrutin secret ne fait pas disparaître l'intimidation. La crainte est toujours présente.
L'une des raisons pour lesquelles nous avons adopté l'accréditation automatique en cas d'intimidation avérée, c'est que nous voulons vraiment dire aux employeurs: vous n'avez pas le droit de faire cela; vous ne pouvez pas instiller la crainte dans l'esprit de gens qui veulent peut-être faire partie d'un syndicat. Ce n'est pas bien. C'est un signal très clair quand on dit aux gens: si vous faites cela, voici le risque auquel vous vous exposez.
Un groupe qui a comparu devant nous l'a dit très clairement. Ses membres nous ont demandé ce qu'on pouvait faire d'autre à un employeur. Aujourd'hui, nous avons entendu quelqu'un proposer une autre idée. On nous a demandé de mettre en prison le chef de la direction, par exemple le président de votre banque, s'il se rendait coupable d'une telle chose. Je ne pense pas que ce soit une solution raisonnable et je ne suis pas certaine qu'il serait vraiment heureux que vous préconisiez une telle mesure.
M. Andrew Finlay: Je ne crois pas qu'il serait en faveur de cela, non.
M. Alan Young: Qu'il soit bien indiqué au compte rendu que nous n'appuyons pas une telle mesure.
Mme Brenda Chamberlain: J'ai bien pensé que vous voudriez le préciser.
Je voulais donc simplement vous faire cette observation. C'est bien beau de dire «bon, nous allons adopter cela, nous allons demander au conseil de s'occuper d'un scrutin secret», mais s'il y a eu intimidation et que les gens craignent de perdre leur emploi ou d'être pris dans un engrenage ou de perdre un poste qu'ils occupent actuellement avec plaisir, alors un scrutin secret ne leur sera d'aucun secours. Ils sont inquiets.
• 1850
Vous avez donc obscurci la question. Il doit y avoir un
message clair à l'endroit des employeurs, qu'ils n'ont pas le droit
de faire cela, que ce n'est pas bien.
M. Santo Alborino (directeur principal, Relations industrielles, Ressources humaines, Banque de Montréal, Association des banquiers canadiens): Puis-je répondre à cela? J'ai un peu d'expérience en la matière et je voudrais vous en faire profiter.
Je voudrais dire tout d'abord que le fait qu'il peut y avoir présomption de méfait de la part de l'employeur, par intimidation ou autrement—et je ne nie pas que...
Mme Brenda Chamberlain: Il faut que ce soit prouvé. Ce ne peut être une supposition.
M. Santo Alborino: Très juste.
Cela même en soi ne fait pas disparaître le droit fondamental, à mon avis, d'un autre employé de choisir et de décider s'il veut ou non devenir membre d'un syndicat donné ou s'y associer.
Maintenant, le conseil dispose également de certains pouvoirs assez forts et importants, qu'il a d'ailleurs déjà utilisés dans le passé. Je me rappelle qu'au début des années 70, un très haut dirigeant de l'une des banques dans la ville de Québec a été forcé de signer une lettre adressée à tous les employés. On y traitait de la nature des syndicats, de leur importance, on disait qu'il fallait respecter leurs droits, etc. Cette obligation a été imposée par le conseil.
Le conseil a donc la possibilité de redresser les torts, sans pour autant enlever aux employés la liberté de choix. Nous recherchons vraiment l'équilibre, pas nécessairement un programme «taille unique».
Croyez-moi, dans l'affaire dont je parle, les intéressés ont appris que chacun a des droits. Il y a eu un vote par scrutin secret et le résultat a été négatif pour le syndicat. Quoi qu'il en soit, cela reflétait les véritables souhaits des employés.
À cet égard, je vous fais remarquer que c'est exactement ce que nous voulons obtenir. S'il y a un tort, il faut le redresser. N'allons pas créer une autre situation où l'on pourrait encore empiéter sur les droits des employés.
Mme Brenda Chamberlain: Je comprends cela. Si tout allait parfaitement, je pense que l'on pourrait probablement faire cela, mais malheureusement, le monde est imparfait et nous devons nous en accommoder. Nous en sommes témoins ici même.
M. Andrew Finlay: Je me rappelle vous avoir entendu dire très éloquemment qu'il y a peut-être des employeurs qui sont prêts à se couper un bras pour éviter la syndicalisation.
Mme Brenda Chamberlain: C'est vrai.
M. Andrew Finlay: Peut-être bien. Je ne crois pas qu'il y ait encore de tels employeurs de nos jours. Heureusement, je crois que notre société a beaucoup progressé, en tout cas pour ce qui est du ressort fédéral. Il n'y a plus d'agissements antisyndicaux généralisés de la part des employeurs, ou en tout cas nous n'en entendons certainement pas parler.
Mme Brenda Chamberlain: Je répète que je comprends votre point de vue, mais d'après mon expérience, ce n'est tout simplement pas le cas. Je pourrais vous nommer une foule de compagnies dans ma propre circonscription.
Merci.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, madame Chamberlain.
Monsieur Martin, vous avez la parole.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je n'ai pas grand-chose à ajouter. L'un des éléments clés que je voulais aborder porte justement sur le point que Mme Chamberlain a soulevé, à savoir que dans les provinces où la loi stipule déjà qu'il doit y avoir automatiquement un vote d'accréditation, l'argument veut qu'un vote n'indique pas véritablement ce que les employés veulent vraiment, parce que l'occasion a été perdue. L'ingérence est telle que la tenue d'un vote ne permet pas de tirer au clair ce que les employés veulent vraiment. C'est pourquoi l'on donne le bénéfice du doute aux travailleurs qui voulaient un syndicat. Bien sûr, ultérieurement, ils peuvent en tout temps se désaccréditer s'ils ne veulent pas de syndicat.
Par ailleurs, au sujet des travailleurs à distance, je ne suis pas d'accord avec vous. Premièrement, selon le changement que vous recommandez, vous exigeriez du conseil qu'il obtienne à l'avance le consentement écrit de chacun des employés.
Je ne suis pas d'accord avec cette proposition, sans compter que celle-ci poserait d'incroyables problèmes de logistique, surtout dans le cas d'une compagnie qui relève de la réglementation fédérale. En effet, de telles compagnies sont d'envergure nationale et je ne vois pas comment cela pourrait être le moindrement réaliste.
• 1855
Les syndicats présentent des requêtes d'accréditation. Il y a
90 de ces demandes à l'étude actuellement, en attente d'une
audience devant le conseil fédéral. S'il y avait allégation
d'agissements déloyaux dans chacun de ces cas, et ce serait facile
de lancer une telle allégation, alors le conseil serait... À mes
yeux, ce n'est tout simplement pas réaliste.
Notre argument dans tout cela, c'est que c'est une question de justice naturelle, que les gens méritent d'avoir la possibilité de décider eux-mêmes librement s'ils veulent ou non se joindre à un syndicat et ils doivent pouvoir communiquer avec eux.
Le compromis, c'est que selon les recommandations actuelles, le conseil peut se charger de distribuer la documentation au nom du syndicat. Donc, même si nous soutenons que cette communication est à sens unique et n'est pas très satisfaisante, il n'en demeure pas moins que le conseil pourrait vous faire parvenir des documents d'information par la poste et cela répondrait à certaines préoccupations quant à la protection de la vie privée.
M. Andrew Finlay: J'ignore si Alan veut traiter de la question des principes en cause dans la protection de la vie privée, par opposition à la justice naturelle et à la possibilité d'entendre les deux parties, mais pour ma part, je veux aborder une question d'ordre pratique, à savoir que vous avez dit qu'il est pratiquement impossible que cela fonctionne.
J'ai une avocate qui travaille pour moi à son domicile. C'est une affaire très simple. Je fournis son adresse au conseil. Le conseil lui écrit et lui dit: êtes-vous d'accord pour que le syndicat communique avec vous au sujet de l'accréditation? Elle répond par oui ou par non au conseil, et c'est aussi simple que cela. Il me semble que ce ne serait pas très lourd sur le plan administratif.
M. Pat Martin: Mais cela touche des milliers et des milliers d'employés. Vous avez bien sûr 240 000 membres. Seulement 1 p. 100 d'entre eux sont syndicalisés, mais vos unités de négociation seraient assez nombreuses, n'est-ce pas?
M. Andrew Finlay: Il n'y a pas tellement d'employés qui travaillent à la maison. Il s'agit d'un groupe assez restreint, en comparaison de l'ensemble de la population.
M. Pat Martin: De plus en plus de travailleurs du vêtement, de plus en plus...
M. Andrew Finlay: Il s'agit aussi de ressort fédéral et il n'y a pas d'employés du vêtement qui sont dans ce cas.
M. Pat Martin: ...d'employés de services de messagerie, de camionneurs.
M. Andrew Finlay: Il y a les banques. Il y a les télécommunications, mais il n'y a pas tellement de personnes qui travaillent à domicile dans ces milieux.
M. Santo Alborino: Plusieurs décisions ont été prises dans un sens ou dans l'autre au sujet de la taille des unités et l'une de vos observations donne à penser que vous envisagez des unités qui pourraient comprendre 200 000 personnes. Je ne crois pas que ce soit envisageable.
Le conseil a rendu des décisions contradictoires en ce qui concerne la taille des unités; il a tranché dans le sens de la communauté d'intérêt, des unités correspondant à l'ensemble d'une ville, d'une direction, d'un ministère. Par conséquent, l'organisation de ces unités n'a pas posé de problème, parce que nous avons eu affaire à un certain nombre de cas, peu importe quelle est la situation aujourd'hui. Il y a eu des employés qui ont choisi de se joindre à des syndicats et d'en sortir au cours des 15 ou 20 dernières années dans le secteur bancaire; la liberté de choix existe donc.
Le conseil a la possibilité d'obtenir les noms et adresses et il l'a fait de façon ordonnée. Ce que nous disons, en fait, à ce moment-ci, pour revenir encore une fois à la question des droits fondamentaux et de ce qui est convenable, c'est que nous ne pouvons pas décider arbitrairement de donner des renseignements que nous tenons pour privés, car il s'agit bien d'une question de vie privée, à quiconque, sans le consentement...
M. Pat Martin: C'est une question d'accès.
M. Santo Alborino: Oui, mais il s'agit de renseignements personnels. Nous parlons d'une personne, et non pas d'une direction qui compte un certain nombre d'employés, et comme nous l'avons fait dans le passé, nous avons fourni les noms des personnes qui font partie de cette unité.
Nous parlons de la maison, du domicile, de la résidence. Ce qui est en jeu, c'est le droit d'une personne à la protection de sa vie privée. Nous ne disons pas non; nous disons seulement qu'il faut s'assurer de respecter ses droits, point.
Nous ne sommes pas contre...
M. Pat Martin: Mais qu'en est-il de la liste des électeurs dans une campagne électorale?
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): En fait, vous avez épuisé votre temps. Merci beaucoup.
M. Pat Martin: Je pense que vous vous êtes expliqué. Merci.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Nault.
M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, madame la présidente. C'était justement ce que j'essayais de faire ressortir.
Je crois que les représentants de l'Association des banquiers canadiens nous disent en fait qu'ils ne s'opposent pas à ce que nous assujettissions les travailleurs à distance à la mesure législative. Vous dites que, comme dans le cas de tout ce qui est nouveau, vous voulez être prudents et vous assurer que les droits des gens seront respectés.
Par conséquent, serait-il juste d'affirmer que l'Association des banquiers canadiens dit que c'est un bon processus, pour ce qui est des changements envisagés au code, mais qu'en fait, vous exprimez seulement une réserve, à savoir que vous voulez être prudents et vous assurer que certains paramètres sont respectés, et il incomberait naturellement au Conseil canadien des relations industrielles de s'assurer que nous ne nous écartons pas du droit chemin.
M. Alan Young: Comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, notre position est qu'il est vraiment prématuré de traiter de la question des travailleurs à distance. Je pense que l'on reconnaît généralement que c'est un domaine nouveau qui est en train de se créer et que nous manquons vraiment d'information, et nous croyons que dans les affaires publiques, il faut que les gens, des gens comme vous-mêmes, soient suffisamment bien renseignés pour pouvoir prendre des décisions éclairées.
Nous sommes d'avis que c'est une question qui exige d'être étudiée et analysée. Ensuite, le Parlement pourra se pencher sur la question en appliquant le processus législatif.
M. Robert Nault: Mais vous ne dites pas que vous ne faites pas suffisamment confiance au conseil, que celui-ci ne peut pas avoir une compréhension suffisante de l'évolution de l'économie, du fait que les travailleurs à distance sont de plus en plus nombreux et que c'est devenu un élément permanent dans notre conjoncture économique; vous dites que nous devons étudier cette question particulière, parce qu'actuellement, et je suis d'accord avec vous là-dessus, ce n'est pas une proportion énorme de la population active qui est assujettie au Code canadien du travail. Mais il n'en demeure pas moins que c'est un problème qui émerge et nous légiférons là-dessus dès maintenant afin d'établir une certaine jurisprudence dans le droit du travail pour pouvoir... Je vous le dis franchement, c'est justement ce qui fait la réputation du Canada.
Quand on y songe un instant, le Canada a toujours été à l'avant-garde mondiale à ce chapitre; nous nous sommes posé sans détour ce genre de problématique et nous avons réglé la question. C'est pourquoi notre législation du travail est bien équilibrée, à l'exception de deux provinces que je ne nommerai pas. Le fait demeure que nous avons réussi à établir un très bon équilibre parce que nous avons su faire preuve d'un peu de clairvoyance et légiférer en conséquence.
Bien sûr, toute l'affaire sera soulevée et les gens pourront présenter des instances au conseil quant à ce qui leur paraît acceptable et inacceptable. Ne croyez-vous pas que c'est une bonne chose? Ou bien devrions-nous attendre qu'il y ait une crise dans un secteur particulier avant d'intervenir dans un dossier précis?
M. Alan Young: Mais nous n'avons pas la naïveté de croire que les députés seront d'accord avec tout ce que nous disons au nom du secteur bancaire. Par conséquent, dans notre mémoire, nous présentons au départ notre point de vue et nous disons qu'à notre avis, il y a lieu de réunir davantage d'informations sur cette question émergente avant de prendre des décisions en matière de politiques publiques.
Toutefois, si vous n'êtes pas d'accord avec ce point de vue—et il semble que notre point de vue ne fait pas l'unanimité—nous croyons qu'il y a lieu d'apporter certains changements. Nous croyons sincèrement que l'un des changements fondamentaux consiste à inscrire le principe du consentement dans la loi afin de protéger la vie privée des employés.
M. Robert Nault: Sauf votre respect, je signale que dans l'ensemble, l'Association des banquiers canadiens n'a pas beaucoup d'expérience dans le domaine des relations de travail, parce que vous n'avez pas beaucoup de syndicats dans votre secteur. Il est donc quelque peu présomptueux de votre part de dire que vous savez comment cela fonctionnerait dans les faits. Vous comprendrez notre répugnance à accepter intégralement vos réserves, puisque vous comptez seulement 2 500 employés, à peu près, qui sont syndiqués, sur 221 400. Au fond, vous nous dites que vous avez très bien réussi à exclure les syndicats.
Cela ne veut pas dire que vous ne payez pas bien vos employés. Je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain.
Mais je veux seulement soulever une question, madame la présidente—une seule—et il s'agit de toute la question de l'accréditation. Je m'étonne beaucoup qu'autant de gens ne cessent de parler de l'accréditation, alors que cette mesure est utilisée fort rarement par le conseil dans notre pays. C'est une mesure tout à fait extrême que le conseil invoque rarement, en cas d'irrégularités. On dirait quasiment, à entendre les gens, que le conseil y a recours quotidiennement. Mes collègues de l'opposition donnent presque l'impression que l'accréditation avec moins de 50 p. 100 se produit tous les jours, alors qu'en fait, on pourrait probablement compter sur les doigts d'une seule main le nombre de fois que c'est arrivé au Canada depuis environ un an.
Je signale que cette forme d'accréditation est utilisée seulement dans les cas extrêmes. D'autres pays ont des mesures semblables. Pourquoi, à votre avis, devrions-nous faire marche arrière, s'il a été prouvé au fil des ans que le conseil a utilisé cette mesure très judicieusement? Ce n'est pas comme si l'on disait «nous allons accréditer ces gars-là parce que le syndicat nous signale qu'ils ont reçu des lettres leur disant que la compagnie ne voulait pas qu'ils se syndicalisent», ou quelque chose de ce genre. C'est une question beaucoup plus sérieuse que cela. Je pense que jusqu'à maintenant, nous avons sous-estimé la gravité de l'accusation qui est portée par un syndicat, en ce qui a trait à son employeur, dans le cas d'allégations d'employés qui n'auraient pas été traités avec justice. Tout conseil digne de ce nom serait très prudent et ne supposerait pas automatiquement que c'est un fait accompli.
• 1905
Je voulais simplement dire cela, c'est plus une observation
qu'une question, parce que depuis des jours et des semaines que
j'entends des gens faire des exposés et à les entendre, on dirait
quasiment que nous avons inscrit dans la loi l'obligation de
l'accréditation, que le conseil va commencer à recourir à cette
mesure chaque semaine. Nous savons tous que ce n'est pas le cas.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Alborino.
M. Santo Alborino: Je voudrais faire de très brefs commentaires sur les deux questions que vous avez soulevées. Premièrement, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que nous avons très peu d'expérience dans le domaine syndical. Depuis 20 ans, nous avons probablement eu affaire à un plus grand nombre de syndicats que toute autre industrie, parce que tous et chacun d'entre eux ont pressenti le secteur bancaire et nous avons réussi—et je le dis avec fierté—à traiter avec chacun d'entre eux. Je ne partage donc vraiment pas votre opinion pour ce qui est de notre expérience avec les syndicats.
Nous avons traité avec la plupart d'entre eux et nous avons réussi à maintenir des relations cordiales. S'il n'y en a pas beaucoup aujourd'hui, c'est en raison du choix que les employés ont fait.
Pour ce qui est de votre deuxième point, le même argument pourrait vous être servi. Pourquoi faut-il légiférer en ce sens si, pour reprendre vos propres mots, l'on pourrait dire que le conseil—et je suis d'accord avec vous là-dessus—a très rarement eu recours à ce type d'accréditation corrective? En fait, tout ce que nous faisons valoir, c'est qu'il faut permettre aux employés d'avoir leur mot à dire et de faire leur choix. C'est tout. Nous ne nous opposons pas à ce qu'il y ait accréditation quand la majorité des employés le souhaitent et quand telle est la volonté véritable des employés. C'est aussi simple que cela. À mes yeux, ce n'est pas un problème important.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Nault. Merci, monsieur Alborino. Je remercie tous les représentants de l'Association des banquiers canadiens. Nous vous remercions d'avoir pris la peine de venir jusqu'ici et de nous avoir remis vos mémoires très documentés.
M. Alan Young: Merci beaucoup, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Mesdames et messieurs, j'ai maintenant le plaisir d'accueillir M. Doug Willy, qui représente la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest.
Monsieur Willy, vous avez la parole.
M. Doug Willy (président, Northwest Territory Chamber of Mines): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les membres du comité de nous avoir donné l'occasion de comparaître. Je suis venu tout seul, car il n'est pas facile pour les gens des Territoires du Nord-Ouest de se rendre à Ottawa pour y avoir des entretiens. J'ai eu la chance d'être choisi.
• 1910
Comme la présidente l'a dit, je m'appelle Doug Willy et je
suis président de la Chambre des mines des Territoires du
Nord-Ouest pour cette année. Notre organisation représente diverses
compagnies qui font de la prospection et de l'exploitation minières
dans les Territoires du Nord-Ouest. Nos membres comprennent aussi
des compagnies de services et beaucoup de particuliers qui gagnent
leur vie, directement ou indirectement, dans l'industrie minière.
Le ministre McAulay a fait une importante déclaration dans son exposé devant vous la semaine dernière. Il a dit: «Nous convenons tous que la partie I du Code canadien du travail a besoin d'être... révisée afin que la nouvelle loi réponde aux exigences du XXIe siècle». Nous sommes entièrement d'accord avec ce point de vue. Dans ce but, je voudrais vous dire quelles seront les exigences qui pèseront sur notre importante industrie au XXIe siècle, et pourquoi nous avons besoin d'un code du travail efficace pour nous aider à y répondre. J'ajouterais seulement que les Territoires du Nord-Ouest sont uniques, parmi les provinces et territoires, en ce sens que là-bas, tous les membres de la population active sont assujettis au Code canadien du travail.
Avant d'entrer dans les détails, je crois qu'il serait utile que j'établisse un peu le contexte, que je décrive l'endroit où nous vivons, car c'est important pour comprendre dans quelle perspective nous voyons ce projet de loi.
Les Territoires du Nord-Ouest constituent un endroit tout à fait unique au Canada. Ils forment une région immense correspondant au tiers de la superficie totale du Canada. L'immensité, l'âpreté du terrain, la rigueur du climat sont autant d'obstacles formidables au développement. Il en résulte que nous avons l'infrastructure la moins développée au Canada.
Ces obstacles limitent également nos options en matière de développement économique. Il est clair, par exemple, que le Nord ne sera jamais un important producteur de céréales ni de produits forestiers, pas plus qu'il ne deviendra un grand centre manufacturier ou une nouvelle Silicon Valley de technologie de pointe. Il n'est donc pas étonnant que le secteur minier soit une industrie très importante dans les Territoires du Nord-Ouest et qu'en dépit des obstacles géographiques, notre industrie ait prospéré.
Aujourd'hui, le secteur minier est le plus important des Territoires du Nord-Ouest et produit annuellement des métaux d'une valeur approximative de 800 millions de dollars. Si l'on y ajoute les investissements dans la prospection, notre industrie frôle le milliard de dollars. Avec l'ajout de nouvelles activités minières, nous prévoyons que la valeur de la production minière pourrait atteindre 2 milliards de dollars par année dans un avenir pas très lointain. La croissance continue de l'industrie minière du Nord est importante pour tous les habitants des régions septentrionales.
Quoique les Territoires du Nord-Ouest soient peu peuplés, ayant une population d'environ 65 000 habitants, les exigences de ces derniers sont importantes en matière de formation, d'emploi et de possibilités d'affaires. De plus en plus, les habitants du Nord, et en particulier les Autochtones du Nord, réclament de l'industrie minière qu'elle leur offre davantage d'emplois et de retombées. Compte tenu du taux de natalité élevé dans le Nord aujourd'hui, surtout dans la communauté autochtone, il devient flagrant que nous devrons maintenir la croissance du secteur minier pendant une bonne partie du XXIe siècle.
Vous n'ignorez pas que le gouvernement fédéral a récemment répondu à la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones en publiant le Plan d'action autochtone du Canada. Dans ce document, le gouvernement fédéral s'est engagé, au nom de tous les Canadiens, à établir une nouvelle orientation de sa politique pour les peuples autochtones. Je cite des passages de ce document:
-
Le gouvernement fédéral s'engage à faire en sorte que les peuples
autochtones profitent des retombées du secteur des ressources qui
émergent actuellement dans le Nord. L'un des défis sera de
s'assurer que les peuples et les collectivités autochtones
profitent des richesses et des retombées qui devraient découler des
grands projets de mise en valeur des ressources dans les T.N.-O.
Nous sommes en faveur de l'accroissement des retombées dans le Nord et pour les Autochtones, qui peuvent contribuer puissamment à créer des emplois et des possibilités d'affaires. Toutefois, un Code canadien du travail efficace est un outil essentiel pour que le secteur minier puisse offrir de tels avantages à long terme aux habitants du Nord. Nous ne sommes pas convaincus que la mesure législative proposée nous aidera.
Nous avons plusieurs réserves fondamentales à l'endroit du projet de loi. Je sais que d'autres intervenants exprimeront de façon détaillée des préoccupations semblables. Dans mes observations d'aujourd'hui, je m'attarderai sur trois questions qui nous inquiètent particulièrement, je veux dire dans l'industrie minière du Nord. Ce sont l'accréditation syndicale, les travailleurs de remplacement et la protection des renseignements personnels.
Sur la première question, celle de l'accréditation syndicale, je voudrais vous donner deux points de vue. Premièrement, l'accréditation syndicale sans l'exigence d'un appui majoritaire exprimé par scrutin secret est antidémocratique. C'est particulièrement vrai quand l'accréditation syndicale peut se réaliser actuellement au moyen d'un processus désuet, soit la signature de cartes, qui ouvre la porte à des influences indues, des pressions et de l'intimidation. Si la signature de cartes était le moyen idéal d'obtenir l'appui de la majorité, il n'y a pas de doute dans mon esprit que le système politique canadien aurait adopté ce système il y a longtemps. Peut-on imaginer que l'on puisse décider de l'issue d'une campagne électorale de cette façon: l'élu est le politicien qui a obtenu le plus grand nombre de signatures de commettants en faisant du porte-à-porte?
• 1915
Fondamentalement, nous sommes contre l'accréditation syndicale
sans obtenir l'appui de la majorité par scrutin secret.
Mon deuxième point de vue sur l'accréditation tient au fait que le Conseil canadien des relations industrielles aura le pouvoir d'accréditer un syndicat, même si la plupart des employés s'y opposent. Cela pourrait arriver, aux termes du Code canadien du travail proposé, si le conseil croit qu'un employeur a agi de façon irrégulière pendant une campagne de syndicalisation.
Sur cette question, les gens du Nord ont un point de vue particulier. Les Autochtones, que les nouvelles mines qui s'ouvriront dans le Nord embaucheront et formeront en priorité, prennent leur décision, c'est bien connu, par consensus et avec l'appui de la majorité. À notre avis, cela vient renforcer notre position, à savoir qu'un processus démocratique et un scrutin secret sont nécessaires pour qu'un syndicat puisse être accrédité. Si le conseil établit qu'un employeur n'a pas agi régulièrement, le conseil ne devrait pas pouvoir accorder simplement l'accréditation au syndicat sans avoir obtenu l'appui majoritaire des travailleurs, dans le cadre d'un scrutin secret.
S'il y a eu des irrégularités, on peut y remédier, par exemple en donnant au syndicat davantage de temps pour expliquer sa position aux employés ou simplement en ordonnant la tenue d'un autre vote.
Notre industrie cherche à créer de nouvelles possibilités en embauchant et en formant des employés autochtones et nous croyons que nous devons être sensibles aux besoins de ce groupe-clé que nous essayons de rejoindre, tout en respectant les principes démocratiques qui sont très importants pour tous les Canadiens.
Un travailleur de remplacement dans une mine du Nord a des besoins particuliers. Nous savons que certains n'hésiteraient pas à évoquer le spectre de la grève de la mine Giant dans les Territoires du Nord-Ouest pour justifier une législation antitravailleurs de remplacement. Ce serait simplifier à l'excès les conditions compliquées qui ont entouré cette grève. Aucune enquête officielle n'a eu lieu pour établir quelles ont été les causes de cette grève et des gestes qui en sont résultés par la suite de la part autant de l'employeur que du syndicat. C'est regrettable, parce que de notre point de vue, un scrutin secret aurait peut-être permis d'inverser le résultat, comme aurait pu le faire aussi une médiation imposée plus précocement.
Notre position sur la limitation du recours aux travailleurs de remplacement n'a rien à voir avec cet incident regrettable. La réalité du secteur minier dans le Nord aujourd'hui, c'est que les nouvelles mines sont situées dans des régions du Canada qui sont très éloignées et difficilement accessibles. Traditionnellement, il était de pratique courante d'installer une infrastructure pour le transport et l'hydroélectricité et même de créer de toutes pièces des villes surgies de terre à l'emplacement des mines éloignées.
Aujourd'hui, toutefois, cela ne se fait plus, surtout en raison des coûts élevés. Les nouvelles mines sont des camps autonomes et les travailleurs font la navette par la voie des airs pour effectuer des périodes de travail variables. Les mines produisent leur propre électricité et sont servies par des liens de transport saisonniers et difficiles. Deux de nos mines situées dans l'extrême Arctique sont approvisionnées par des navires cargos brise-glace qui disposent d'un créneau de navigation d'environ cinq mois. Deux de nos mines d'or et notre plus récente mine de diamant sont approvisionnées via une route de glace ouverte trois mois par an qui traverse des centaines de kilomètres de lacs gelés et de toundra.
En raison de leur autarcie et de leur éloignement, les mines du Nord doivent transporter, dans une très brève période, leur stock annuel de divers matériaux comme le carburant, les explosifs et autres fournitures, qui doivent ensuite être entreposés sur place. Ces mines sont particulièrement vulnérables aux arrêts de travail, surtout pendant la courte période saisonnière où le transport est possible.
Ce qui nous inquiète, c'est que ces chantiers sont particulièrement vulnérables aux arrêts de travail pendant la brève saison du transport. Un syndicat pourrait profiter de cette vulnérabilité au transport et s'en servir comme levier à l'appui de ses demandes. En déclenchant une grève pendant cette période, un syndicat pourrait essentiellement prendre en otage une compagnie minière. Dans le pire scénario, la mine pourrait être forcée de fermer ses portes. Même si une partie seulement des marchandises essentielles n'arrivait pas à bon port, la viabilité de la mine pourrait être compromise.
Si la mine était forcée de faire des concessions coûteuses aux grévistes, cela pourrait faire augmenter les coûts d'extraction et réduire d'autant la durée de vie utile de la mine. Aucun de ces scénarios ne serait à l'avantage des employeurs, des travailleurs ou de la localité visée.
D'après le libellé actuel du projet de loi, le Conseil des relations industrielles devrait décider si la compagnie a embauché des travailleurs de remplacement pour couper l'herbe sous le pied au syndicat ou bien pour assurer légitimement la viabilité de ses activités. Compte tenu de l'historique du conseil, nous savons qu'il trancherait en faveur du syndicat.
• 1920
La seule solution viable que nous ayons pour remédier à ce
déséquilibre consisterait à permettre à la compagnie de recourir
librement à des travailleurs de remplacement ou à interdire les
grèves pendant les périodes de transport.
Maintenant, la protection des renseignements personnels. Nous croyons que la vie privée est une liberté importante. Nos nouvelles mines septentrionales et celles qui ouvriront à l'avenir seront, pour l'essentiel, des exploitations avec service de navette aérienne. Il devient donc difficile pour les syndicats d'avoir accès facilement à tous les employés sur place. Nous ne croyons pas que les employeurs devraient être tenus de remettre des listes des employés, avec leur adresse, aux syndicats qui tentent de syndicaliser un chantier.
Nous trouvons encourageant que des changements aient été apportés au projet de loi en vue d'habiliter l'employeur à transmettre les renseignements syndicaux à ses employés, mais le projet de loi permet encore au Conseil canadien des relations industrielles d'exiger de l'employeur qu'il divulgue les noms et l'adresse à domicile des employés à distance. Nous n'appuyons pas cette disposition.
À tout le moins, il faudrait modifier le projet de loi de manière à donner aux travailleurs le droit d'ordonner à leur employeur de ne pas divulguer leur nom ou leur adresse ou tout renseignement au sujet de leur emploi à une tierce partie, que ce soit un syndicat ou une autre partie.
De notre point de vue, le projet de loi comporte encore de graves défauts dans trois domaines ayant trait à l'accréditation syndicale, au recours aux travailleurs de remplacement et aux droits à la vie privée. Pris isolément, chacun de ces défauts peut limiter les possibilités d'emploi pour les habitants du Nord, en particulier les Autochtones. Pris ensemble, ces trois problèmes pourraient affaiblir la viabilité d'une industrie minière septentrionale florissante, ce qui ne servirait nullement les intérêts des habitants des T.N.-O.; en fait, cela limiterait leurs perspectives d'avenir.
De notre point de vue, ce projet de loi doit être changé pour établir un code du travail efficace qui répondra aux exigences auxquelles notre industrie sera confrontée au XXIe siècle.
Merci.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Willy.
Nous allons maintenant amorcer la période de questions et d'observations. Il nous reste environ 17 minutes. Nous allons commencer avec M. Johnston.
M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente et merci, monsieur Willy, de votre très bon exposé.
Nous avons entendu auparavant, depuis le début de nos audiences, des témoins tenter de nous convaincre qu'à moins que nous interdisions complètement le recours aux travailleurs de remplacement, il y aura probablement beaucoup plus de violence sur les lignes de piquetage. Nous avons même entendu un groupe parler de bombes et de morts. Ces gens-là laissent entendre, bien qu'ils n'aient aucune preuve à nous offrir pour appuyer leurs dires, que l'interdiction totale des travailleurs de remplacement rendrait les lignes de piquetage et les grèves beaucoup plus pacifiques et encore plus brèves. Je me demande si vous avez quelque chose à dire là-dessus.
M. Doug Willy: C'est très simple, monsieur Johnston: une interdiction complète nous acculerait à la ruine.
Soixante-quinze pour cent de nos mines dépendent d'un créneau quelconque pour leur ravitaillement—et l'on parle ici de quantités considérables: de 50 à 100 millions de litres de combustible. Il n'y a pas d'option. Il y a un créneau, et en fait, cette année, le créneau ne sera même pas de trois mois pour la route d'hiver qui dessert la nouvelle mine BHP; la période sera de moins de trois mois et il n'y a donc pas d'option. N'oubliez pas que cette situation ne touche pas seulement les mines dans les Territoires du Nord-Ouest; en effet, beaucoup de localités des Territoires du Nord-Ouest doivent être ravitaillées de la même façon.
M. Dale Johnston: Nul doute que l'on accusera El Ni«o d'avoir raccourci la durée de la route d'hiver. Ce phénomène est coupable d'à peu près tout.
Des voix: Oh, oh.
M. Dale Johnston: Je trouve très intéressant d'entendre des représentants des syndicats proposer d'interdire totalement les travailleurs de remplacement. Autrement dit, ils préconisent de supprimer le droit de l'employeur d'exploiter son entreprise; pourtant, il ne leur viendrait jamais à l'idée de préconiser l'interdiction totale des grèves, puisque c'est leur principal outil. Ce ne serait pas bien.
Je sais que l'interdiction totale des travailleurs de remplacement signifierait que ces gens-là n'auraient tout simplement plus d'emploi à l'avenir.
• 1925
Je suis très heureux que vous ayez soulevé la question de la
vie privée. Il se trouve que je me préoccupe moi-même beaucoup de
cette question. Quant à l'accréditation automatique des syndicats,
nous tenterons certainement de modifier cela.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Johnston.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): D'entrée de jeu, je vous ferai remarquer qu'encore une fois, il n'y a aucune copie française de ce mémoire.
Je poserai trois questions l'une après l'autre, monsieur Willy. Est-ce que la plupart des employés des Territoires du Nord-Ouest sont syndiqués? On peut lire dans votre mémoire que compte tenu de l'histoire du Conseil, vous croyez que les décisions relatives au recours à des travailleurs de remplacement seront favorables aux syndicats. Je crois aussi comprendre que vous souhaitez que le Code canadien du travail autorise l'embauche de travailleurs de remplacement tout simplement. Est-ce que vous êtes conscient de la violence que cela peut engendrer? Êtes-vous conscient aussi que cela peut faire perdurer les conflits de travail?
[Traduction]
M. Doug Willy: Je m'excuse de ne pas l'avoir fait traduire en français, mais nos langues de travail sont nombreuses et nous avons utilisé seulement celle-ci. Nous le ferons si vous l'exigez.
Les travailleurs sont-ils syndiqués actuellement? Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a toujours eu plus d'employés des mines non syndiqués que d'employés syndiqués. Les mines syndiquées sont celles qui sont situées à Yellowknife et qui ne sont donc pas éloignées.
C'est l'un de nos arguments. L'une des mines de Yellowknife qui a été syndicalisée et qui fonctionne depuis 1936 compte quatre employés autochtones. Une autre mine qui n'est pas syndiquée et qui est exploitée depuis 1982 comptait plus de 20 p. 100 d'Autochtones parmi ses employés. Les syndicats ont été l'un des facteurs limitant l'emploi d'Autochtones, à cause des clauses d'ancienneté, de la formation préférentielle, etc. C'est pourquoi la majorité des employés ne sont pas syndiqués dans le secteur minier.
Pour ce qui est de l'histoire du conseil, nous avons passé en revue les décisions prises par le Conseil canadien des relations du travail dans les Territoires du Nord-Ouest. La grande majorité des décisions étaient favorables au syndicat. J'ignore ce qu'il en est dans l'ensemble du Canada, mais dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est un fait.
Quant aux travailleurs de remplacement, à l'heure actuelle, aucune des mines qui doivent être ravitaillées n'est syndiquée, de sorte qu'il n'y aura pas de problème. Si nous faisons bien notre travail, je suppose que le problème ne se posera jamais, mais c'est un problème potentiel. La mine Cominco dans les Territoires du Nord-Ouest a été syndicalisée il y a un an. Ils n'ont toujours pas négocié leur première convention collective, alors on ne peut pas dire, mais notre position est que nous devons pouvoir compter sur cette solution.
Quant à savoir si cela engendre plus de violence... Je ne crois pas que ce soit nécessairement vrai. Il y a des cas, un peu partout au Canada, où des travailleurs de remplacement ont été embauchés sans que cela n'entraîne de violence. On cite seulement les cas où il y a eu violence. Je ne pense pas qu'il y ait relation de cause à effet.
Je crois qu'il y a bon nombre d'industries dont nous avons besoin, où l'on a embauché des travailleurs avec succès. Mais le déclenchement d'une grève la veille de l'ouverture de la route d'hiver équivaut à un suicide pour une compagnie. Je ne pense pas que cela revienne à négocier de bonne foi. Enfin, comment pouvez-vous dire que c'est injuste? Je ne crois pas que cela prolongerait les conflits de travail.
Je suis d'accord avec certains arguments que les représentants des transports ont soulevés au sujet des travailleurs de la côte Ouest; ils disaient qu'il serait possible de passer d'un endroit à l'autre pour poursuivre la grève contre l'un des éléments de l'entreprise. Cela pourrait se produire dans notre secteur également.
Mais j'affirme que si nous étions syndiqués et accrédités et que nous ne puissions pas embaucher de travailleurs de remplacement, le Nord en souffrirait. Vous devez comprendre que nous sommes dans une situation tout à fait différente de la vôtre ici dans le Sud. Dans la plupart des localités, il n'y a qu'un seul restaurant. Il ne peut pas y en avoir quinze. On n'a pas le choix.
• 1930
Eh bien, c'est justement ce que nous disons: vous n'avez
qu'une seule option. Si vous n'obtenez pas un service de cet unique
magasin, vous devez vous en passer. Voilà ce qu'il faut comprendre.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous nous énervons parfois un peu quand on discute de cette question, parce que la plupart du temps, les lois qui nous régissent sont des lois qui sont valables pour le Sud du Canada. Nous n'avons pas notre mot à dire. Nous disons que dans ce cas particulier, il faut prendre en compte notre situation particulière.
Par ailleurs, nous avons fait une autre suggestion: une disposition stipulant que dans les régions éloignées, on ne peut pas faire la grève pendant la saison de ravitaillement. Ce serait une autre option, mais nous préférerions la possibilité d'embaucher des travailleurs de remplacement.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Rocheleau.
Monsieur McCormick.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Willy, d'être ici.
Je partage mon temps entre deux comités: l'agriculture et DRHC. Chose certaine, vous me faites penser à la fois où nous avons tenu des audiences dans 27 villes en 35 jours dans dix provinces, deux territoires et dans l'Arctique oriental, en une seule tournée.
Je ne vous raconterai pas toutes les anecdotes de notre magnifique voyage dans les Territoires du Nord-Ouest. J'y étais déjà allé auparavant et j'y suis retourné depuis. Les gens y sont sympathiques et très accueillants.
Un jour, à l'hôtel, il y avait un groupe de gens qui protestaient, et légitimement. C'était leur droit. Ils nous ont offert de visiter une soupe populaire locale. Nous l'avons fait et c'était extraordinaire. C'était comme aller à un dîner champêtre dans ma circonscription. Il y avait du caribou rôti, de la soupe maison et des biscuits maison. On n'aurait pas pu mieux trouver. C'est une région magnifique.
Je pense que l'on va maintenant inaugurer officiellement la deuxième mine de diamant et je vous félicite pour toute cette activité. Vous allez contribuer puissamment et continuellement à l'économie de notre pays.
Mais je m'interroge au sujet de votre théorie et de vos convictions au sujet des travailleurs de remplacement. Vous savez, le résultat pourrait aussi être le contraire de ce que vous prétendez. Le nombre de travailleurs autochtones va augmenter beaucoup, ce qui est excellent. Je m'attends à ce que ce soit le cas dans les mines de diamant, celle qui est déjà en exploitation et la prochaine, etc.
Vous avez dit que ce serait suicidaire pour une compagnie si l'on déclenchait une grève à une certaine saison, mais qu'en est-il des travailleurs? Les travailleurs autochtones seront plus nombreux, mais ces gens-là, de même que tous les autres travailleurs, ne veulent pas signer l'arrêt de mort de la compagnie qui vient d'investir dans leur région. S'il y a un bon syndicat, un syndicat légitime, il y a peut-être matière à discussion.
Chose certaine, bien des choses peuvent arriver. J'ai vécu cela des deux côtés. Mais je pense que vous présentez les choses sous un certain angle et que l'on pourrait tout aussi bien présenter le tableau inverse.
Je vous pose la question: n'avez-vous pas un peu plus de respect pour ces travailleurs? Je connais des gens qui habitent dans votre région et ils tiennent à multiplier l'activité économique. Je n'ai pas l'impression que quiconque veuille étouffer les possibilités.
M. Doug Willy: C'est un bon argument. Il faut examiner les trois points ensemble et non pas chacun d'eux individuellement pour étudier la question.
Si la disposition qui permettrait l'accréditation sans vote majoritaire n'est pas adoptée, nous n'aurons pas à nous inquiéter des syndicats. Les Autochtones, d'après mon expérience, ne vont pas chercher à se syndicaliser. Par conséquent, si nous n'avons pas de syndicat, nous n'aurons pas à nous inquiéter d'embaucher des travailleurs de remplacement.
Par conséquent, si l'on prend chaque point individuellement, comme je l'ai signalé dans ce document, on pourrait aboutir à des conclusions différentes, mais s'il n'y a pas de syndicat, il n'est pas question de travailleurs de remplacement.
Je vais vous esquisser un scénario. Nous aurons des problèmes. La nouvelle mine de diamant aura des difficultés à recruter plus que 50 p. 100 de ses employés dans le Nord initialement, parce qu'il est impossible de trouver des gens de métier dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle devra donc recruter, disons 25 p. 100 de ses employés dans le Sud.
Maintenant, étant donné la situation de l'industrie en Saskatchewan et en Alberta, du moins jusqu'à il y a quelques mois, nous recruterons des gens de métier pour venir travailler dans le Nord. Beaucoup d'entre eux seront syndiqués. On pourrait donc avoir 25 p. 100 des employés qui sont des gens du Sud qualifiés et 75 p. 100 qui sont des gens du Nord, mais si ces 25 p. 100 signent des cartes et intentent des procédures pour pratiques déloyales de travail, on pourrait se retrouver avec un syndicat accrédité avec seulement 25 p. 100 des employés. Dans ce cas, on serait dans une situation où il y aurait possibilité d'embaucher des travailleurs de remplacement. Mais nous disons que si l'on exige un scrutin secret, nous sommes tout à fait confiants que nous ne nous retrouverons jamais dans cette situation.
M. Larry McCormick: Une simple réflexion. Je lisais hier soir un numéro du journal The Northern Miner, qui datait probablement d'il y a deux semaines, où il était question de l'inauguration officielle de la deuxième mine, et l'on mentionnait la main-d'oeuvre autochtone, ce qui aidera immensément à créer des emplois dans votre région.
Mais dans d'autres régions, beaucoup d'Autochtones qui travaillent dans les mines sont syndiqués. Si les prédictions s'avèrent justes et que plusieurs nouvelles mines soient mises en exploitation dans les Territoires du Nord-Ouest, ces compagnies appartiendront à des gens d'un peu partout dans le monde, et c'est excellent de les voir venir investir au Canada. Cet afflux d'investissements multipliera les emplois et donnera des occasions à tous les gens du Nord, pas seulement dans les T.N.-O. Vous avez mentionné que d'habitude, les Autochtones fonctionnent par consensus, mais je pense que vous sous-estimez le fait qu'à mesure que ces compagnies-là prendront de l'expansion, tout le monde s'intéressera à ce qu'un syndicat pourrait leur apporter, et c'est tout à fait légitime quand des compagnies internationales viennent créer de l'activité.
Je voudrais simplement connaître votre réaction à cela.
M. Doug Willy: J'aimerais bien que vous me disiez quelles autres mines emploient beaucoup d'Autochtones.
M. Larry McCormick: Il y en a une dans la circonscription de M. Nault qui en emploie au moins 20 p. 100.
M. Doug Willy: Alors vous devriez examiner cela en détail. Nous avons étudié ce programme à fond, et si l'on prend quelques nouvelles mines, celle de Cluff Lake, en Saskatchewan, en est un excellent exemple, avec plus de 60 p. 100. La raison en est que c'est une mine non syndiquée.
Je ne pense pas que cela fasse partie de votre question, mais quand vous faites allusion aux compagnies internationales, la nouvelle mine qui va ouvrir ses portes, la mine de diamant Diavik, appartient à 40 p. 100 à des Canadiens. La mine BHP appartient à 49 p. 100 à des Canadiens. Par conséquent, ce que vous affirmez au sujet des compagnies internationales ne veut rien dire quand il s'agit des mines au Canada, surtout du point de vue de l'employé.
Ces compagnies sont maintenant mondiales. Elles sont probablement les meilleurs employeurs qui soient. En fait, le processus que ces compagnies internationales doivent suivre pour obtenir leur permis est probablement meilleur que celui qui s'applique à beaucoup de compagnies nationales dans divers pays. Je pense donc que cela n'a absolument rien à voir.
M. Larry McCormick: Un dernier mot.
Oui, je sais que ce sont de bonnes compagnies. Il se trouve que je connais assez bien plusieurs de ces compagnies et je vois qu'il s'y fait beaucoup de bonnes choses. Mais je suis certain que notre honorable collègue, M. Martin, aura une très bonne question à poser parce qu'il a de l'expérience comme travailleur minier. J'ai moi-même oeuvré dans le secteur minier comme travailleur indépendant jusqu'en septembre 1997, mais je vais céder le reste de mon temps. Merci.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): En fait, le temps de M. Willy est presque écoulé. Je vais permettre à M. Martin de poser une question brève et concise, qui sera suivie d'une réponse brève et concise.
M. Pat Martin: Ce n'est pas juste. En fait, je suppose que c'est juste.
Ma seule observation sera de dire qu'il n'y a pas là-dedans d'interdiction générale des travailleurs de remplacement. C'est au syndicat qu'il incombe de prouver que la compagnie fait appel à des jaunes, comme on les appelle, pour essayer de miner le syndicat. Dans le cas des exemples que vous donnez, je ne peux pas imaginer le Conseil des relations industrielles trancher en faveur du syndicat si vous embauchez légitimement des travailleurs de remplacement, comme vous en avez le droit, pour ravitailler la mine en fournitures et en aliments, afin de la garder ouverte. Il ne pourrait pas...
M. Doug Willy: A-t-on le droit de faire venir des travailleurs de remplacement?
M. Pat Martin: Dans la mesure proposée, les employeurs auront le droit d'embaucher des travailleurs de remplacement, pourvu que ce ne soit pas à des fins subversives. Donc, je ne pense pas, monsieur Willy, que cet argument devrait vous inquiéter tellement. Je suppose que je n'ai pas le temps d'en dire plus.
M. Doug Willy: Je réponds simplement à cela que d'après nos recherches, la plupart des décisions prises par le conseil penchent du côté du syndicat, et c'est tout ce que nous avons dit tout à l'heure.
M. Pat Martin: Le nouveau conseil sera également plus représentatif. Cela pourra peut-être vous rassurer. Les parties syndicales et patronales seront représentées au conseil, qui sera présidé par une personne neutre.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup, monsieur Willy. Ça a été un plaisir de vous entendre présenter votre point de vue particulier sur ce projet de loi, vous qui êtes venu de si loin. C'était très intéressant.
Nous allons passer tout de suite aux témoins suivants, car nous avons un peu de retard. J'invite les représentants de l'Alberta Farmers Group à venir rapidement prendre place à la table et nous allons commencer immédiatement.
Bonsoir, messieurs. Non seulement vous représentez l'Alberta Farmers Group, mais chacun d'entre vous est agriculteur, d'après la feuille que j'ai ici. Nous vous invitons à commencer et je donne la parole à celui d'entre vous qui veut parler en premier.
M. Garry Smolik (Alberta Farmers Group): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité.
Nous sommes ici, évidemment, à titre d'agriculteur, comme vous le savez. Premièrement, je vais vous présenter Gordon Smillie, producteur de céréales et d'oléagineux qui exploite une ferme familiale à Bassano, en Alberta, à l'est de Calgary. Je suis également accompagné de Richard Haydu, qui exploite également une ferme familiale située près de Lloydminster, qui se trouve dans le nord-est de l'Alberta. Je m'appelle Garry Smolik et je me singularise par le fait que je viens de la Colombie-Britannique. J'exploite une ferme familiale située près de Dawson Creek, dans le nord-est de la Colombie-Britannique.
Avant de commencer, je voudrais m'excuser auprès des membres du comité pour le fait que je n'ai pas d'exemplaire de notre mémoire dans les deux langues officielles. Nous avons eu très peu de temps et j'espère assurément que l'on pourra en fournir des exemplaires à ceux qui en veulent.
De plus, je dois m'excuser pour les quelques fautes de frappe. Il y en a parmi nous qui trouvent difficile de coordonner l'activité des doigts et du cerveau.
Cela dit, je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité. Nous voudrions concentrer notre attention sur le texte proposé de l'article 87.7. Nous appuyons fermement ce paragraphe en particulier.
À titre d'agriculteurs, nous ne pouvons pas participer directement aux négociations collectives qui influent sur notre gagne-pain; nous devons nous fier au gouvernement pour qu'il défende nos intérêts. Nous sommes contents d'avoir l'occasion d'exprimer notre point de vue. Nous représentons des producteurs de toutes les régions de l'Alberta et du nord-est de la Colombie-Britannique. Notre groupe est très diversifié, tout comme notre industrie, et nous avons des opinions très différentes sur un grand nombre de questions. Toutefois, il est également vrai que nous avons des opinions profondément ancrées sur les questions du travail et l'influence que cela a eue dans le passé sur nos familles, notre revenu et notre industrie. Nous avons participé activement à des réunions et à des discussions portant sur la refonte du Code canadien du travail. Nous ne sommes pas des experts en relations ouvrières, mais nous abordons ce champ d'étude à titre de producteurs de la base qui doivent avoir leur mot à dire quant aux solutions qui, nous l'espérons, émergeront de ces consultations.
Au cours des trois dernières années, les questions relatives au travail nous ont semblé d'une telle importance que nous avons détourné pas mal de temps que nous consacrons habituellement à nos activités d'agriculteurs pour participer aux discussions sur les problèmes qui se posent sur la côte Ouest. En août 1995, nous avons présenté un mémoire à la Commission d'enquête sur les relations industrielles dans les ports de la côte Ouest. Nous avons également été invités à participer à la table ronde organisée par le ministre du Travail de l'époque, Alfonso Gagliano, en avril 1996, et plus récemment, en janvier dernier, nous avons fait partie à Vancouver d'un groupe de représentants de l'industrie verte qui ont rencontré les ministres MacAulay et Vanclief.
• 1945
Nous estimons que le message des producteurs a été entendu et
compris et nous en sommes reconnaissants. Il faut toutefois faire
quelque chose pour améliorer la situation actuelle.
Quand il était président du Comité permanent des transports de la Chambre, le député Stan Keyes a fait des observations intéressantes au sujet des relations industrielles dans les ports, dans le cadre de la stratégie maritime nationale du comité, et je cite:
-
L'organisation, tant du côté syndical que patronal, dans nos
principaux ports est lourde et inflexible et on semble incapable de
résoudre les problèmes qui se posent. Le processus de négociation
collective ne semble pas fonctionner, puisque les problèmes ne sont
jamais résolus et qu'il faut légiférer le retour au travail.
Il a ajouté ceci:
-
La situation est telle que l'économie canadienne ne peut plus
endurer la moindre perturbation ouvrière dans l'exploitation des
ports, même d'une journée ou deux, car c'est devenu trop coûteux.
Il faut trouver une autre façon que les lois de retour au travail
pour régler les conflits sur les quais.
Et il conclut en ces termes:
-
Le statu quo est inacceptable et insoutenable [...]
Nous sommes entièrement d'accord avec ces observations. La situation actuelle n'est vraiment pas une option pour l'avenir.
Le coût immédiat d'une interruption du transport du grain est paralysant pour nous en tant que producteurs, mais encore plus grave est la perte de notre réputation comme producteurs et fournisseurs fiables. Le coût à long terme de cette dernière conséquence est incalculable, autant pour notre industrie que pour l'ensemble de l'économie canadienne.
Il ne doit pas y avoir de malentendu; c'est le producteur qui, en fin de compte, paye le coût entier du transport depuis la ferme jusqu'à la côte.
Dans l'économie d'aujourd'hui, l'agriculture et d'autres secteurs traversent une période de bouleversements. Des facteurs économiques mondiaux nous imposent des changements à tous. En tant qu'agriculteurs canadiens, nous devons faire concurrence à de solides compétiteurs du monde entier. Les récents accords commerciaux, en Amérique du Nord et dans le monde, ont éliminé les obstacles au commerce et nous ont forcés à devenir de plus en plus conscients du défi de la compétitivité que nous devons relever pour écouler notre production.
Nous nous adaptons rapidement, mais cette adaptation exige en partie la coopération des autres secteurs de notre système de manutention et de transport des céréales, et je pense qu'on l'a reconnu quand on a lancé récemment dans la discussion l'expression «du sillon jusqu'au silo».
Au fil des ans, notre capacité de livrer nos produits à nos clients outre-mer dans des délais acceptables a été entravée. Il en résulte que nous ne sommes plus perçus comme des fournisseurs fiables. Les conflits de travail sont en grande partie responsables de cette tache à notre réputation.
Au cours de la dernière décennie, la manutention du grain à Vancouver a été stoppée une fois par un conflit entre les travailleurs et les exploitants des silos portuaires. Au cours de la même période, la manutention du grain a été stoppée quatre fois par des conflits entre les débardeurs qui chargent les navires céréaliers et leur employeur, la B.C. Maritime Employers Association. Trois de ces quatre arrêts de travail ont pris fin par l'adoption d'une loi.
Nous ne comprenons pas toujours les détails des négociations qui précèdent les arrêts de travail, mais, chose certaine, nous en subissons immédiatement les conséquences en termes de ventes et d'occasions d'affaires perdues. Il suffit d'un arrêt de travail de quelques jours dans les ports d'exportation pour que les conséquences d'un conflit de travail se fassent sentir dans tout le pays. Quand le grain ne peut plus quitter le port, les silos se remplissent rapidement et nous ne pouvons plus livrer nos céréales; or, bien sûr, nous ne sommes payés qu'au moment de la livraison.
Quand on recommence à charger les bateaux de céréales, il peut s'écouler des semaines avant qu'il y ait de la place dans les silos pour que nous puissions recommencer à livrer nos produits. Cela arrive parfois dans une saison fort occupée, notamment au printemps, et nous sommes alors incapables de livrer nos produits et de respecter nos engagements à cause d'autres occasions dont nous devons profiter.
Même après que le transport a repris complètement, nous en ressentons encore les conséquences. Les agriculteurs paient le coût du règlement qui est imposé, même si nous n'avons eu aucune possibilité d'influencer ce règlement.
Nous comprenons que le gouvernement a pris des mesures pour améliorer le processus de négociation collective et peut-être empêcher les arrêts de travail et les règlements imposés par la loi. En particulier, nous croyons que l'article 87.7 proposé du projet de loi aiderait à supprimer l'un des pires goulots d'étranglement dans les ports, à savoir la possibilité pour les débardeurs et les employeurs de stopper le transport des céréales afin d'obtenir l'intervention gouvernementale.
Nous allons répondre à certains arguments invoqués par les opposants. Ceux qui s'opposent à l'article 87.7 proposé s'inquiètent de ce qu'ils appellent le traitement particulier des céréales dans cette mesure. Mais il se trouve que l'industrie céréalière est justement particulière, non seulement parce qu'il s'agit de nourriture et parce que le monde continue de survivre grâce à des stocks de céréales de 18 à 21 jours, mais aussi en raison de la nature politique de la production, du transport et de la commercialisation de cette denrée. C'est notoire et cela a un effet préjudiciable sur les négociations collectives sur la côte Ouest et, en fin de compte, un effet très nuisible sur notre industrie.
La nature politique du secteur des céréales empêche la conclusion de contrats de travail raisonnables sans passer par des grèves, des lock-out et des lois de retour au travail. En fait, le caractère particulier des céréales a beaucoup nui à la paix sociale sur la côte Ouest pendant les négociations collectives. À notre avis, l'inclusion de l'article proposé 87.7 contribuera à établir des conditions plus normales dans le secteur des céréales.
On trouve le passage suivant dans le rapport final de 1995 de la Commission d'enquête sur les relations du travail:
-
[...] les négociations collectives dans ce secteur ont été réduites
à un rituel qui ressemble davantage à une partie de poker, l'atout
maître étant la capacité de stopper les exportations de céréales.
Chacun sait que dès que cette carte est jouée, elle garantit
presque l'intervention rapide du Parlement. Cela réduit le risque,
pour toutes les parties, de subir les difficultés qui accompagnent
un arrêt de travail prolongé. Tout au long des négociations, les
parties s'efforcent de manoeuvrer et de se positionner de façon
tactique de manière à se préparer en vue de l'inévitable
intervention d'une tierce partie. La négociation collective en tant
que telle n'existe tout simplement plus.
• 1950
Comme vous le voyez, les agriculteurs sont frustrés et,
surtout, nos clients sont frustrés eux aussi. Ils se tournent
ailleurs pour s'approvisionner parce que nous sommes devenus peu
fiables. Les Japonais, par exemple, ont soulevé de graves
préoccupations et, en dépit des efforts que nous avons déployés
pour les rassurer, ils ont acheté plus de 200 000 tonnes de canola
en Australie et encouragent maintenant la production de canola en
Argentine et aux États-Unis. Ce marché est menacé non pas par la
sécheresse, ni par la maladie, mais par notre incapacité d'être un
fournisseur fiable de ces denrées pour nos clients.
Partout dans le monde, les barrières commerciales s'abattent. Le soutien financier des gouvernements aux agriculteurs s'amenuise. En conséquence, nous devons accepter les cours mondiaux. Si nous perdons une vente, nous devons en faire notre deuil. Il en résulte des stocks reportés plus importants et des prix plus bas.
En bref, l'acheminement continu des céréales est essentiel pour nous, producteurs. Nous payons la totalité des coûts, mais nous ne pouvons exercer aucune influence pour faire en sorte que l'acheminement des céréales ne soit pas interrompu. Il est impératif de trouver des solutions et nous croyons que l'article proposé 87.7 répondra à certaines de nos préoccupations. L'avenir de l'économie agricole de l'Ouest et des producteurs qui en font partie dépend de votre appui. Il nous faut l'adoption du projet de loi C-19, avec l'article proposé 87.7 intact, pour offrir la fiabilité et la sécurité dont nous, agriculteurs et familles agricoles, avons besoin pour fonctionner dans l'industrie telle qu'elle existe aujourd'hui et pour offrir la stabilité à nos enfants, qui prendront le relais demain.
Merci beaucoup. Je signale que mes amis et partenaires dans ce processus sont également disponibles pour répondre à vos questions.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup. Nous allons commencer par M. Johnston.
M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente, et merci, messieurs, pour votre très bon exposé. Je constate que, d'après la liste, vous êtes des agriculteurs. Je m'adonnais également à l'agriculture avant de m'installer dans cette partie du monde.
Je pense que selon l'une des hypothèses formulées, l'article proposé 87.7 va garantir que les céréales iront sans obstacle du champ jusqu'au silo, mais la mesure ne garantira en fait rien de tel. C'est peut-être un petit pas dans la bonne direction et j'ai dit souvent—en fait, j'ai pris le temps de présenter un mémoire à la Commission d'enquête sur les ports de la côte Ouest—que ce qu'il faut, c'est un mécanisme de règlement des différends qui encouragerait les deux parties à négocier sérieusement et à résoudre leurs différends. Si elles n'y arrivent pas, elles devraient alors convenir mutuellement d'un arbitre auquel on présenterait les éléments sur lesquels on s'est mis d'accord, ceux sur lesquels on n'arrive pas à s'entendre, et la position finale des deux parties en la matière. C'est un mécanisme qui a été utilisé plusieurs fois par le gouvernement fédéral après l'adoption de lois de retour au travail.
Je ne suis pas en faveur des lois de retour au travail. Comme vous le signalez ici, tout à fait à juste titre, on s'en est servi comme garantie, autant du côté patronal que syndical. Ce n'est pas grave qu'on fasse grève parce que l'on sait que ce ne sera pas pour très longtemps, ou encore que le lock-out ne durera pas très longtemps. Le gouvernement rappellera le Parlement, au besoin, pour légiférer notre retour au travail, à cause de l'extraordinaire importance politique des céréales.
Si l'arbitrage des propositions finales ou un quelconque mécanisme de règlement des différends comme celui que je viens de décrire est suffisant une fois qu'on a imposé le retour au travail par voie législative, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi, pour qu'on puisse s'en servir comme d'un outil? Les deux parties, patronale et syndicale, pourraient également s'en servir et cela les rapprocherait. Si les parties doivent remettre leurs propositions finales et que l'arbitre puisse choisir intégralement l'une ou l'autre des propositions, les positions vont se retrouver si proches l'une de l'autre que le différend sera réglé et qu'il n'y aura pas du tout d'arrêt de travail. Tout le monde est gagnant, non seulement les producteurs de céréales, mais aussi les déshydrateurs de luzerne, les producteurs de bois d'oeuvre, les producteurs de potasse, l'industrie pétrolière, l'industrie des charbonnages, tous ceux qui doivent utiliser le port de la côte Ouest.
• 1955
Pourquoi fais-je une proposition aussi «draconienne», comme
certains le diraient peut-être, que l'arbitrage des offres finales?
Parce que nous n'avons pas une douzaine de ports parmi lesquels
choisir. Nous n'avons même pas le choix entre deux ports. Nous
n'avons qu'un seul port sur la côte Ouest. C'est la seule option.
Patrons et syndiqués savent très bien qu'ils offrent le seul choix,
tout comme le bureau de poste. On n'a pas le choix quand il s'agit
du service postal. Nous avons le courrier de première classe dans
notre pays.
Je pense donc que la solution consiste à mettre en place un mécanisme qui encouragera les deux parties non seulement à continuer d'offrir leurs services, mais aussi à s'entendre sur un règlement.
Je me rends compte que je n'ai pas posé de question, mais cela vous donne amplement matière à commentaire.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): En fait, monsieur Johnston, vous avez utilisé la totalité de vos quatre minutes avec votre discours. J'estime toutefois que cette opinion vous tient tellement à coeur que nous devrions laisser les témoins répondre, car je crois qu'ils ne sont pas d'accord avec vous.
M. Dale Johnston: Vous serez peut-être étonnée, madame la présidente.
M. Gordon R. Smillie (agriculteur, Alberta Farmers Group): Merci, madame la présidente, et merci, monsieur Johnston, pour votre quasi-question.
Nous nous rendons compte qu'il y a environ 29 syndicats en cause dans le système de transport des céréales depuis la ferme et nos cellules à grain jusqu'au port et à bord d'un cargo.
Nous espérons que c'est un premier pas. De notre point de vue, ce problème a été le plus gros bouchon dans notre secteur, le bouchon dans le conduit que nous devons utiliser pour acheminer nos céréales jusqu'au port, et nous espérons que cette mesure législative résoudra ce problème.
L'arbitrage des offres finales est une solution que nous, agriculteurs, n'avons pas vraiment acceptée dans le passé. Nous avons bien souvent été confrontés à des lois de retour au travail. Les arbitres qui sont nommés pour mettre en oeuvre ces lois de retour au travail ne tiennent pas vraiment compte de notre situation dans l'ensemble du tableau, et ce ne serait pas différent dans le cas des personnes nommées pour procéder à l'arbitrage des offres finales. Les arbitres se tournent vers les syndicats, ils examinent quelle a été l'augmentation moyenne dans les règlements en une année donnée et ils jettent peut-être un coup d'oeil sur les profits que réalisent en un an les exploitants des silos, mais je pense qu'aucun d'entre eux ne tient compte de notre situation à la ferme, de nos coûts, de la hausse ou de la baisse des cours des céréales, à savoir si une moissonneuse-batteuse vaut 100 000 $ ou 200 000 $.
Le fait de confier tout le dossier à une seule personne qui est chargée de rendre une décision nous met très mal à l'aise. Nous estimons que l'arbitrage des offres finales n'est pas vraiment un moyen d'obtenir la conciliation dans les ports. Dans une telle situation, il y a un gagnant et un perdant et, bien souvent, l'arbitre penche trop d'un côté ou de l'autre et cela ne favorise pas la paix sociale, ce qui est notre objectif. Nous voulons la paix sociale, pour que l'acheminement des céréales jusqu'à la côte ne soit pas perturbé, afin d'approvisionner les marchés que nous avons acquis.
La plupart du temps, en cas d'arbitrage des offres finales, les deux parties présentent à l'arbitre des positions irréalistes. Je pense que ce n'est pas du tout réaliste. Cela ne favorise pas la paix sociale. Nous ne sommes pas en faveur de l'arbitrage des offres finales.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Johnston.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Comme le disait M. Johnston, de nombreux groupes représentant des secteurs industriels très importants sont venus nous rencontrer pour dénoncer l'article 87.7 proposé et se sont montrés un peu jaloux des dispositions particulières accordées au secteur céréalier.
Si vous aviez à débattre de votre point de vue ou à affronter ces gens lors d'une colloque, que répondriez-vous à ceux qui affirment que vous bénéficiez d'un avantage dont ne peuvent se prévaloir d'autres secteurs qui font d'importantes exportations, qui doivent se soumettre aux contraintes de livraisons juste à temps, qui sont très très corsetés quant aux politiques de livraison et qui se retrouvent à la merci d'un conflit de travail? Pourquoi ces dispositions sont-elles justifiées pour vous alors qu'elles ne le sont pas pour les autres?
[Traduction]
M. Gordon Smillie: Je vous remercie de votre question.
Ce que je leur réponds, c'est que... vous mentionnez un statut spécial pour les céréales, et à mon avis, les céréales n'ont jamais été traitées de façon normale au fil des ans. Les céréales ont toujours été un pion utilisé par les autres intervenants qui exportent d'autres produits et denrées en passant par le port. Les syndicats, de même que tous les employeurs et les utilisateurs du port, savent que s'ils font la grève, on légiférera immédiatement pour imposer le retour au travail. Les syndicats n'ont donc aucune raison de négocier de bonne foi avec les autres intervenants.
• 2000
Si le fait d'accorder ce statut spécial permet de traiter les
céréales sur un pied d'égalité, alors je pense que cela va forcer
les syndicats à négocier de bonne foi avec tout le monde. Je pense
aussi que ce serait avantageux pour toutes les industries qui
utilisent le port.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Rocheleau.
Madame Chamberlain.
Mme Brenda Chamberlain: Merci, madame la présidente.
Premièrement, je voudrais dire que je suis vraiment contente que vous soyez venus, messieurs. En fin de compte, vous représentez un peu la charge de cavalerie.
Par ailleurs, je vous ai rencontrés à Vancouver. J'étais très déçue que vous ne vous en rappeliez pas, mais je m'en remettrai.
Je dois signaler au comité... j'ai dit que les agriculteurs ici présents ont parlé avec éloquence de la question. Le ministre McAulay et moi-même étions présents et Lyle Vanclief est également venu assister à certaines réunions. La présence des ministres montre, premièrement, qu'ils sont extrêmement intéressés, et deuxièmement, qu'ils ont vraiment pris à coeur d'écouter les gens s'exprimer sur ces questions pour vraiment savoir et comprendre ce qui se passe. Je pense qu'il faut en féliciter les deux ministres. Je sais que M. McAulay a entendu d'innombrables interventions.
Selon le gouvernement, ce projet de loi représente un compromis. On ne peut pas dire que tout le monde en acceptera inconditionnellement chacun des éléments, mais le projet de loi est vraiment le résultat de négociations. C'est une mesure législative qui témoigne d'un équilibre délicat, qui a été finement ciselé.
L'une des raisons pour lesquelles j'étais vraiment contente de vous voir, c'est qu'une chose m'a frappée à Vancouver, alors que nous avons rencontré près de 150 personnes le même jour—nous avions trois tables rondes—c'est-à-dire que c'est vous, les agriculteurs, qui m'avez le plus frappée.
On parle souvent au Parlement de représenter des citoyens ordinaires, des travailleurs ordinaires—pas les riches, pas les pauvres, mais tout le monde. Nous cherchons souvent à établir cet équilibre, à trouver le juste milieu. À cet égard, vous m'avez vraiment frappée là-bas. Les discours que vous avez prononcés et vos interventions dans lesquelles vous décriviez votre vie et votre gagne-pain, tout cela était extrêmement puissant.
Vous avez dit ce soir que les céréales constituent l'atout caché. Vous avez parlé de paix sociale et je pense que c'est là un élément tellement important.
Il y a un aspect que l'on n'a pas vraiment signalé, c'est qu'en 1999, nous sommes disposés à réexaminer l'article proposé 87.7. Nous le réexaminerons. Nous voulons trouver la solution juste. Nous savons que c'est une mesure législative très importante et nous voulons qu'elle soit bien formulée, mais je pense qu'il est extrêmement important de l'adopter, comme vous l'avez dit. Il faut en faire l'essai. Nous devons tenter d'établir cette paix sociale. Nous croyons que cette mesure y parviendra.
Cette mesure législative vise justement à établir des règles du jeu égales pour tous. Elle ne prévoit pas de statut spécial pour les céréales. Il s'agit simplement de les mettre sur un pied d'égalité. Parce qu'il n'en demeure pas moins que toutes les composantes seront négociées. Il n'y a qu'un seul élément qui est retiré et qui n'est plus utilisé comme arme.
Je tiens à vous remercier bien sincèrement d'être venus. Je trouve qu'il est vraiment important que le comité entende ce qu'ont à dire les agriculteurs.
Si vous voulez ajouter quoi que ce soit, n'hésitez pas.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Smolik.
M. Garry Smolik: Je vous remercie beaucoup de vos commentaires. Je sais que vous n'avez pas posé de question.
Nous étions très contents de notre participation à Vancouver. Nous avons trouvé que le ministre nous a très bien reçus. Je pense que vous avez mis le doigt sur un point fort important: si nous ne négocions pas, si nous ne comprenons pas mutuellement nos positions, nous n'arriverons jamais à un règlement avec lequel nous pourrons tous être à l'aise. C'est dans ce contexte que nous avons choisi d'appuyer l'article proposé 87.7.
Vous vous rappellerez peut-être qu'à l'issue de leur enquête sur les relations du travail, MM. Jamieson et Greyell ont recommandé que les débardeurs ne participent pas à la manutention du grain entre le silo et le navire.
• 2005
C'est donc un compromis, bien sûr, mais nous comprenons aussi
l'importance des emplois des débardeurs qui travaillent à
Vancouver. Nous sommes donc tout à fait disposés à appuyer cette
partie de la mesure législative comme première étape et comme
possibilité de progresser par rapport à la situation présente. Nous
espérons que cela aura des conséquences très positives.
Dans le cas contraire, comme vous le dites, c'est un point de départ. Nous allons mettre le projet de loi à l'essai. Nous espérons assurément qu'il va fonctionner. Comme nous l'avons dit aussi, nous ne sommes pas des experts et personne ne peut garantir quoi que ce soit, bien sûr, mais nous estimons que c'est une excellente occasion d'améliorer les choses. C'est pourquoi nous l'appuyons.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, madame Chamberlain.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Je veux seulement faire une brève observation. J'ai aussi trouvé que c'était une excellente présentation et je vous en remercie. Je pense que vous serez peut-être rassurés quelque peu par le fait qu'au moins quatre des cinq partis politiques représentés aujourd'hui à la Chambre des communes favorisent l'adoption rapide du projet de loi C-19. Nous essayons de mettre cette mesure en place dans les plus brefs délais, et le NPD est certainement l'un de ces partis.
Voici maintenant mon autre observation. Vous avez dit que les quais ont été fermés quatre fois au cours de la dernière décennie, sauf erreur. J'essaie de trouver le passage: «Trois de ces quatre arrêts de travail ont pris fin par cette décision». C'était donc quatre fois au cours des dix dernières années. L'un de ces arrêts de travail a été déclenché en fait par les contremaîtres des débardeurs, pas seulement par le syndicat ILWU, sauf erreur.
Mais dans les cas les plus récents, le syndicat voulait continuer de manutentionner le grain pendant la grève. Ce n'est que lorsque l'employeur est intervenu pour changer la grève en lock-out, lorsqu'il les a mis en lock-out, qu'ils ont cessé de manutentionner le grain. Je voulais le préciser pour le compte rendu.
J'espère que vous pourrez rester jusqu'à demain, parce que le directeur administratif du syndicat ILWU comparaîtra comme témoin, vers 9 h 30, je crois. Il devrait être assez intéressant d'entendre son point de vue là-dessus.
À part cela, je n'ai rien à ajouter. Merci.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Voudriez-vous répondre?
M. Garry Smolik: Seulement pour dire que nous n'avions pas l'intention de donner l'impression que c'était la faute d'une partie ou de l'autre. Nous comprenons qu'il y a à la fois des grèves et des lock-out. En fait, il ne sert à rien de pointer quelqu'un du doigt. C'est un problème et nous espérons qu'on pourra le résoudre de manière raisonnable et équitable. Je vous remercie de vos observations.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Martin.
M. Nault a une question.
M. Robert Nault: Je voudrais aborder les arguments qui ont été invoqués par un certain nombre d'autres témoins représentant d'autres industries de l'Ouest, qui ont plaidé contre l'article proposé 87.7.
Ils ont proposé une solution de rechange. Êtes-vous au courant de leur proposition et qu'en pensez-vous? Ces solutions de rechange qui ont été proposées à notre comité n'ont pas du tout été abordées dans les tables rondes de Vancouver. Les agriculteurs sont-ils au courant de cela?
Mme Brenda Chamberlain: Madame la présidente, je voudrais répondre à cela, parce que ce qui s'est passé à ces tables rondes, c'est que nous avons écouté les intervenants. Nous n'avons pas présenté de position quelconque. Il y a eu très peu de désaccords là-dessus, dans un sens ou dans l'autre. Je dis cela seulement pour être utile, parce que nous n'assistions pas à toutes les tables rondes. Nous ne savons pas tout ce qui s'y est dit.
M. Robert Nault: D'accord. Vous voudrez peut-être examiner cela, parce que d'autres organisations de l'Ouest ont fait une autre proposition. Je voudrais connaître vos vues là-dessus.
L'autre question est que, comme M. Johnston l'a mentionné, cette mesure est une solution partielle qui ne vous permettra toujours pas de sortir du bois, pour ainsi dire, quoiqu'il n'y ait pas autant de bois dans l'Ouest que dans le Nord de l'Ontario.
Il n'en demeure pas moins que vous n'avez pas tenté d'obtenir d'être complètement exemptés des grèves. En fait, c'est encore possible dans votre propre secteur, dans les élévateurs, etc.
Était-ce votre position originale et ceci est-il un compromis? Ou bien faites-vous confiance au processus de négociation collective? Quoique je soupçonne que la plupart des agriculteurs n'ont pas beaucoup d'ouvriers syndiqués, il n'en demeure pas moins que vous devez manifestement être convaincus de la valeur du processus de négociation collective pour accepter ce compromis de l'article proposé 87.7.
Ce serait beaucoup plus facile pour vous de souscrire à la position de M. Johnston et d'autres et de réclamer une exemption totale, afin que vous n'ayez plus à vous inquiéter des grèves. Je suis donc très curieux de savoir comment, à partir de votre point de départ, vous en êtes arrivés à la position que vous défendez aujourd'hui.
M. Richard Haydu (fermier, Alberta Farmers Group): Merci de votre question. Vous soulevez un point intéressant. Il n'y a aucun doute là-dessus; probablement que beaucoup de fermiers y ont réfléchi.
Je pense que nous faisons une petite concession parce que nous recherchons la paix sociale sur la côte Ouest. Il faut que chacun soit gagnant dans l'industrie céréalière, si nous voulons affronter avec succès la concurrence mondiale. Si l'une des parties est mécontente parce qu'on lui a enlevé des droits, je pense que la suggestion que vous faites ne nous aidera pas autant que vous le croyez.
M. Gordon Smillie: Pour ajouter au commentaire de M. Haydu, je dois dire que les fermiers sont réalistes. Nous devons affronter la réalité tous les jours dans notre métier, et très souvent, nous devons aussi affronter la réalité quand nous traitons avec le gouvernement. Je sais quelle est la réalité et je pense qu'il ne serait pas très réaliste d'essayer d'obtenir que l'industrie céréalière tout entière soit exemptée des problèmes de relations de travail.
Nous traitons avec notre Syndicat des services du grain, le GSU, à nos élévateurs régionaux, dans les trois provinces des Prairies. Nous avons de bons rapports avec eux. Nous avons aussi des problèmes, mais nous négocions pour les résoudre. Ils doivent négocier, et nous sommes tout à fait disposés à négocier avec eux par l'intermédiaire des compagnies qui exploitent ces installations.
Les chemins de fer sont encore une importante préoccupation pour la plupart des agriculteurs de l'ouest du Canada; c'est le maillon suivant de la chaîne d'acheminement. Je dirais que la côte nous a causé les pires difficultés au fil des ans. Les chemins de fer ne nous ont pas donné autant de problèmes que Vancouver. Je pense que nous essayons simplement d'être réalistes quand nous disons que c'est un premier pas; commençons par adopter cette mesure, qui nous aidera beaucoup.
M. Robert Nault: Ce groupe est important parce que, bien sûr, il voit les choses d'un angle différent.
L'autre question qui vient à l'esprit et qui est la plus logique, c'est de demander si vous êtes d'accord avec ce qu'ont dit d'autres témoins, à savoir que cela va créer, peut-être à court terme, la première fois ou les deux premières fois qu'il y aura négociation, une grève prolongée sur la côte Ouest dans d'autres secteurs, non pas le vôtre, parce que le vôtre sera exempté au port, mais le fait est que pour relancer les négociations collectives, il faudra nettoyer le système.
Nous savons tous qu'il n'y a pas eu de négociation collective et vous avez très bien exposé la situation. Je pense que la plupart des gens seraient d'accord avec cela, mais il faut aussi reconnaître et comprendre que pour nettoyer le système, il faudra mener des négociations assez difficiles. Êtes-vous disposés à appuyer cela, d'après votre position? Je trouve qu'il est important de le savoir et de le dire publiquement.
M. Garry Smolik: Vous avez soulevé plus d'une question. Nous ne prétendons certainement pas être experts en la matière, mais une chose qui me vient à l'esprit, c'est que dans d'autres situations où il y a négociations, il existe une contrainte économique qui empêche l'une ou l'autre des parties de provoquer un conflit qui s'éternise. Cette constatation s'applique même aux commentaires qu'ont fait MM. Smillie et Haydu, au sujet de différentes composantes du système qui ne sont pas syndiquées, par exemple les travailleurs des services du grain dans nos élévateurs terminus.
Mais il y a un incitatif économique qui pousse les deux parties à résoudre le conflit, tandis que, lorsqu'une tierce partie entre l'élévateur terminus et le port n'a pas nécessairement les mêmes contraintes économiques, ce sera alors peut-être un coup de pouce suffisant pour les inciter à tenter de résoudre leurs problèmes, sachant qu'ils ne peuvent plus jouer une carte qui leur donnait l'avantage qu'ils ont eu jusqu'à présent. Je n'en sais rien, mais j'espère vraiment que le sentiment d'être responsable les incitera à s'engager dans un véritable processus de négociation collective.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci, monsieur Smillie, et merci, messieurs, pour votre présentation. Tout ce domaine des relations de travail dans le port de Vancouver est quelque peu nouveau pour moi et je dois dire que la clarté de vos propos m'a permis de comprendre la véhémence avec laquelle beaucoup d'autres intervenants ont parlé. Vous avez expliqué très clairement que les céréales ont été utilisées comme atout pour provoquer certains événements; en soi, votre explication est très utile aux membres du comité. Je vous remercie beaucoup d'être venus.
M. Gordon Smillie: Merci beaucoup.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Je demanderais maintenant à M. Paul et à M. Douglas de venir prendre place à la table.
J'ai le plaisir d'accueillir les représentants de la North Slave Metis Alliance, M. Clem Paul et M. Shalto Douglas. M. Paul est le président de l'Alliance et M. Douglas en est le vice-président.
Monsieur Paul, je vous invite à commencer.
M. Clem Paul (président, North Slave Metis Alliance): Merci beaucoup, madame la présidente. Premièrement, avant de commencer, je voudrais dire que je suis très reconnaissant d'avoir cette occasion d'exprimer certaines de mes préoccupations au sujet des amendements au projet de loi C-19.
Je voudrais d'abord lire mon mémoire et préciser que je suis le président de la North Slave Metis Alliance. Je suis né et j'ai été élevé dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai grandi à Yellowknife, ville minière. Mes parents sont partis de la localité de Fort Rea pour s'y installer en 1938.
Ce n'est que récemment que les métis des Territoires du Nord-Ouest sont entrés régulièrement en contact avec le monde du travail industrialisé. Les métis ont longtemps vécu de façon autarcique à même la terre et ont adopté des modes de vie diversifiés après avoir eu des rapports avec la société industrialisée. Les métis ont toujours été convaincus que chaque personne trouve sa place grâce à sa débrouillardise et à sa capacité de contribuer à la vie commune. Partager les richesses créées par les efforts de chacun afin que personne ne soit dans le besoin, cela fait partie de nos valeurs.
L'arrivée des activités minières a créé des débouchés économiques et enrichi notre mode de vie, lequel était jusqu'alors essentiellement fondé sur la terre. Récemment, les perspectives de l'extraction de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest ont provoqué d'importants changements dans l'économie des salaires.
Les métis et certains autres groupes autochtones ont une occasion unique d'améliorer leur sort en participant à ces nouvelles activités. Des possibilités d'emploi s'offrent aux métis, qui peuvent entrer sur le marché du travail comme travailleurs non qualifiés et apprendre des métiers qui leur rapporteront des avantages durables. Plus encore, beaucoup de métis entreront sur le marché du travail pour la première fois, quittant leur communauté traditionnelle. Les compagnies minières offriront des programmes sociaux spéciaux et du counselling, ce qui permettra à nos compatriotes de passer avec succès du mode de vie traditionnel au monde moderne du travail.
• 2020
Notre situation est unique. Notre point de vue sur la
législation du travail et sur les pratiques en milieu de travail
est conditionné par nos habitudes de travail traditionnelles et par
notre perception de la façon dont nous, comme peuple, pouvons
bénéficier de l'économie actuelle de la société canadienne.
Voici quelle est notre position sur les syndicats. Les métis doivent avoir la possibilité de participer et il faut que l'on accorde une attention particulière à leurs besoins, dans les lieux de travail industriels, si nous voulons qu'ils puissent surmonter les désavantages antérieurs. La Charte des droits garantit cette possibilité aux Autochtones. Si les besoins des métis sont submergés d'une façon ou d'une autre dans le mouvement syndical, notre peuple se verra privé du moyen d'améliorer son sort.
Les métis ne souhaitent pas refuser les avantages de l'action collective aux autres travailleurs qui veulent que leur emploi et leurs conditions de travail soient protégés par le mouvement syndical. Les métis veulent seulement avoir la liberté de poursuivre leurs intérêts particuliers sans subir de contraintes imposées par des règles s'appliquant à d'autres, des règles qui ne répondent pas aux besoins des métis. Nous sommes peut-être un groupe minoritaire sur le marché du travail, et il faudra peut-être de nombreuses années pour que nous atteignions le même niveau d'instruction que les travailleurs non autochtones. Ce sont des facteurs importants qui influeront sur notre attitude dans nos relations avec les entreprises qui nous emploient.
Voici maintenant nos recommandations précises.
Premièrement, les métis ne veulent pas qu'on leur impose la syndicalisation sous prétexte que tel est le souhait collectif des autres groupes présents sur les lieux de travail. Les métis veulent être libres de se joindre ou non à un syndicat, au gré des désirs de chacun. Chacun devrait être libre de décider lui-même s'il est avantageux de faire partie d'un syndicat, et de faire un choix en conséquence. Toute contrainte limitant notre liberté de bénéficier des occasions qui nous sont offertes pour la première fois entravera notre capacité de devenir partenaires à part entière dans la société canadienne.
Deuxièmement, nous ne voulons pas qu'une minorité d'employés dans un lieu de travail ait le droit d'implanter un syndicat qui représentera tous les travailleurs. Pour la première fois, les métis ont l'occasion de devenir un élément important de la main-d'oeuvre dans de nouvelles industries qui s'implantent dans le Nord. L'établissement de relations mutuellement avantageuses entre les employeurs et les métis peut être compromis si le lieu de travail se syndicalise à la suite des efforts d'une minorité de travailleurs. Notre bien-être pourrait être menacé si les négociations collectives ont une incidence négative sur les politiques de l'employeur conçues pour avantager les peuples autochtones.
Troisièmement, nous nous opposons à toute règle aux termes de laquelle un employeur serait tenu de donner à un syndicat les adresses de ses employés. Nous prévoyons des campagnes de syndicalisation menées par des syndicats du Sud, dans le cadre desquelles on irait relancer les métis jusque chez eux pour qu'ils appuient la campagne d'accréditation. Ceux d'entre nous qui choisiront de se joindre à un syndicat seront libres de donner tout renseignement qu'ils veulent à l'organisation, mais les autres, qui choisissent de ne pas le faire, ne devraient pas être assujettis à cette ingérence indue dans leur vie privée.
Quatrièmement, nous sommes contre toute procédure de vote autre que le scrutin secret. Chacun devrait être libre de faire un choix sans crainte d'intimidation.
Cinquièmement, les métis ne veulent pas d'une règle inflexible interdisant les travailleurs de remplacement, qui les empêcherait de tirer profit des possibilités d'emploi. Dans l'économie du nord, la température joue un rôle critique dans le succès des entreprises. Un arrêt de travail pourrait paralyser une entreprise, faire du tort aux activités commerciales et nuire aux intérêts de l'entreprise et des travailleurs. Les métis qui habitent dans les Territoires du Nord-Ouest n'auraient aucun moyen de subsistance si on les empêchait de continuer à travailler pendant un conflit de travail. Nous voulons être libres d'aller travailler pendant que les membres du syndicat sont en grève. Toute loi qui nous empêcherait de le faire nuirait à notre bien-être. Nous ne nous considérons pas comme une menace pour les autres travailleurs quand nous tirons profit des emplois qui sont disponibles.
En conclusion, aux yeux des métis, les récentes découvertes dans l'industrie du diamant et l'exploitation continue des autres mines qui existent depuis un certain temps dans les Territoires du Nord-Ouest offrent des possibilités de mieux-être économique et d'amélioration de notre sort commun.
• 2025
Bon nombre de ces chantiers sont desservis par la voie des
airs seulement et par un lien routier vital qui existe seulement en
hiver. Ces entreprises sont installées dans des régions éloignées
et interagissent avec les terres ancestrales que les métis et les
autres peuples autochtones habitent depuis des temps immémoriaux.
Les métis veulent conserver leur liberté de vivre le mode de vie ancestral à même la terre, tout en tirant pleinement profit du traitement préférentiel qui leur est accordé selon les lois canadiennes. Les métis croient que leur droit d'atteindre à la liberté économique dont jouissent les autres groupes dans la société canadienne ne doit pas être entravé ou retardé par des pratiques de relations de travail qui pourraient restreindre indûment leur liberté.
Cela dit, madame la présidente, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de vous présenter ce bref exposé.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.
Nous allons commencer la période de questions en donnant la parole à M. Johnston, ou à M. Anders.
M. Dale Johnston: Merci, madame la présidente, et merci, messieurs, pour cet exposé très concis. En fait, il était tellement concis que je ne vais même pas poser de questions. Je crois toutefois que mon collègue veut faire quelques observations.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Anders.
M. Rob Anders: J'ai trouvé intéressant ce que vous avez dit à propos des droits des Autochtones qui ne devraient pas être limités par les relations du travail telles qu'elles existent actuellement dans notre pays. À l'heure actuelle, certaines personnes bénéficient d'exemptions religieuses leur permettant d'éviter d'être membres de syndicats ou de payer des cotisations contre leur volonté. Je me demande si, en un sens, c'est quelque chose du même genre que vous réclamez, faisant un parallèle entre les droits des Autochtones et l'idée d'une exemption de nature religieuse, et si vous réclamez de pouvoir exercer votre liberté et vos droits minoritaires de manière à ne pas être forcés à devenir membres d'un syndicat contre votre volonté.
Vous ai-je bien compris à cet égard?
M. Clem Paul: Nous ne voyons pas cela comme un droit autochtone ou quoi que ce soit. À nos yeux, c'est notre droit individuel, dans le nord et sur le marché du travail, d'être libres de faire ces choix.
M. Rob Anders: D'accord. Par conséquent, à vos yeux, cela ne s'applique pas seulement à vous en tant que métis, mais à tous les travailleurs, à tout individu, pas seulement à ceux qui sont membres d'une collectivité. Vous croyez que chaque personne peut individuellement choisir ce qui lui convient et devrait avoir la possibilité de décider librement de devenir ou de ne pas devenir membre d'un syndicat, et ne devrait pas être forcée à le faire par une décision collective contraire à sa volonté individuelle.
M. Clem Paul: Cela nous semble très possible.
M. Rob Anders: Excellent.
Je crois comprendre qu'à vos yeux, ce n'est pas seulement un concept philosophique, mais aussi quelque chose qui est étroitement et intrinsèquement associé à votre capacité de fournir des emplois pour les métis de votre région, et étroitement relié aussi à vos préoccupations d'ordre économique, pas seulement à des considérations d'ordre philosophique. Est-ce bien cela?
M. Clem Paul: Eh bien, oui, dans une certaine mesure. Je peux parler au nom des métis de la région de North Slave. Au fil des ans, un certain nombre de mines ont été exploitées dans les Territoires du Nord-Ouest. Mes parents ont déménagé à Yellowknife en 1938 pour travailler dans le secteur minier qui voyait le jour à cette époque. Je peux vous dire que les seuls emplois que la plupart des Autochtones pouvaient trouver dans les mines à cette époque, c'était de décharger les bateaux et autres travaux du genre.
Aujourd'hui, de nouvelles relations existent entre les peuples non autochtones et les peuples autochtones, et un mouvement s'amorce entre l'industrie et les peuples autochtones, tout en utilisant les terres traditionnelles... Bref, de nouvelles relations existent maintenant dans le Nord, les employeurs ouvrent leurs portes aux métis et aux autres Autochtones et leur donnent même un traitement préférentiel pour l'embauche, les occasions d'affaires et la formation. Ils encouragent les métis à poursuivre leurs études. Nous ne voulons pas que cette toute première occasion qui nous est donnée d'améliorer notre sort soit entravée ou étouffée d'une quelconque manière.
M. Rob Anders: Je vous ai également entendu dire qu'il faudrait permettre le recours aux travailleurs de remplacement. Si je comprends bien, c'est parce que vous reconnaissez que certaines personnes qui sont membres de votre Alliance, par exemple, peuvent actuellement travailler sur un chantier, mais s'ils étaient syndicalisés ou accrédités, d'autres personnes membres de votre Alliance voudraient probablement pouvoir subvenir aux besoins de leur famille ou travailler comme travailleurs de remplacement, et ces derniers devraient avoir la possibilité d'occuper ces emplois, à l'instar de n'importe qui d'autre.
Ai-je bien énoncé votre position?
M. Clem Paul: Vous l'avez bien énoncée.
M. Rob Anders: Bien. Voilà qui est intéressant!
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci beaucoup.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Je ne vous cacherai pas que j'éprouve une forme de choc culturel. On n'est pas habitués à ce genre de position. L'arrivée, sur la scène humaine, des syndicats est attribuable aux conditions de travail qui prévalaient au début de l'ère industrielle. Les gens ont dénoncé les conditions de travail dans lesquelles ils vivaient. On parle de l'esclavage. On parle du travail des enfants qui mouraient dans les mines, notamment en Grande-Bretagne. C'est ce qui, dans l'histoire de l'humanité, a fait que les gens se sont unis pour négocier des conditions de travail, des salaires, etc.
Est-ce que ça veut dire que vous seriez prêts à travailler dans des conditions différentes de celles qui sont négociées ailleurs par des syndicats? Où vous situez-vous? Parlons des travailleurs de remplacement. En tant que Métis, vous avez des emplois dans les mines. Supposons qu'il arrive un conflit parce que les conditions de travail ne sont pas saines et que l'employeur aille chercher dans une autre région du Canada des travailleurs pour remplacer vos Métis. Est-ce que vous accepteriez cela comme un phénomène normal?
[Traduction]
M. Clem Paul: Je crois que je vais commencer par vous éclairer au sujet des conditions de travail dans le Nord. Elles sont égales ou supérieures à celles de probablement n'importe quel autre lieu de travail au Canada. La personne que vous avez devant vous n'est pas un esclave ni un ancien esclave ni quelqu'un qui a été défavorisé d'une manière quelconque en milieu de travail. Je connais des lieux de travail syndiqués, comme les mines situées en plein milieu de la ville de Yellowknife—Giant, Miramar Con—où les travailleurs sont payés sensiblement plus que les autres citoyens de la ville. À mon avis, ils ne sont nullement défavorisés.
Bien sûr, certains emplois ne sont pas aussi sains que d'autres, mais c'est inévitable dans le secteur minier. Ceux qui veulent des conditions de travail plus saines devraient peut-être devenir boulangers et travailler dans une cuisine. Je ne sais trop.
En ce qui nous concerne et d'après notre perception de la situation, les lieux de travail sont aussi sûrs que possible. Les salaires sont plus élevés et les mineurs vivent beaucoup plus confortablement que les métis, je vous le garantis. Nous serions contents de prendre n'importe lequel de ces emplois si jamais ils nous étaient offerts.
Ce que j'essaie de dire, quand je parle des travailleurs de remplacement, c'est que si ces emplois étaient disponibles, nous envisagerions de les prendre s'ils nous étaient offerts dans une mine située à l'extérieur de la ville.
À Yellowknife, la situation était quelque peu différente quand la Giant a fait grève. Des gens armés de matraques et de bâtons rôdaient dans les rues, cassaient des vitres, battaient des gens, faisaient sauter des explosifs et tuaient pour des emplois. C'était un peu trop pour nous. Nous avions beaucoup de mal à comprendre que quelqu'un puisse en arriver à une telle extrémité: tuer pour un emploi. Pour nous, cela n'a pas de sens.
Dans ces conditions, nous préférons ne pas mettre le pied dans de tels lieux de travail, mais si l'on nous présente une occasion, une toute nouvelle mine qui vient d'ouvrir et où les conditions de travail sont bonnes—et dans la plupart des cas, elles sont supérieures à la moyenne—nous aimerions avoir ces emplois. Nous aimerions les garder pour toute notre vie. J'aimerais avoir la possibilité de transmettre l'emploi à mon fils, comme n'importe qui d'autre dans le sud ou comme n'importe quel syndiqué le ferait.
• 2035
Ce que j'ai dit au sujet des travailleurs de remplacement,
c'est que, dans une telle situation, les métis seraient heureux de
prendre ces emplois.
[Français]
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Monsieur Rocheleau.
M. Yves Rocheleau: Êtes-vous d'accord pour dire que les bonnes conditions de travail qui prévalent dans certains milieux ne sont pas l'effet du hasard ou du Saint-Esprit, mais le fruit d'un combat mené par des humains face à d'autres humains, par des humains qui étaient en état de vulnérabilité et qui se sont, par la force du nombre, donné un rapport de force leur permettant de négocier des choses leur donnant des conditions de travail valables? Ça n'arrive pas comme cela, parce que si c'était à l'état brut, on peut penser que les mines du nord du Canada seraient gérées comme les mines l'étaient en Grande-Bretagne il y a 200 ou 300 ans. Il ne faut pas se faire d'illusions là-dessus. Donc, à quelle place vous situez-vous face à l'histoire de l'humanité?
[Traduction]
M. Clem Paul: Je respecte ce qu'ont accompli les gens dans l'histoire—bien sûr que je les respecte, et je les remercie de tout coeur pour ce qu'ils ont accompli. Mais l'affaire est simple: quand on travaille, on est payé. Cela fait partie de notre philosophie fondamentale: nous travaillons, nous sommes payés. Ces gens-là ont travaillé pour obtenir ces conditions et ils ont été payés pour le faire. Est-ce que nous avons encore une dette envers un syndicat? Est-ce un syndicat qui a obtenu ces conditions de travail, ou bien est-ce une personne? Voilà comment nous voyons ces choses-là.
Je crois que je vais m'en tenir là.
M. Yves Rocheleau: Merci.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.
Monsieur Nault.
M. Robert Nault: Je suis quelque peu troublé par ce que je lis dans la première partie de votre mémoire, à la rubrique «Notre position sur les syndicats». Vous vous donnez beaucoup de mal pour décrire les métis comme un groupe collectif «qui ne souhaite nullement refuser aux autres travailleurs les avantages de l'action collective». Les métis sont un groupe spécifique. Mais ensuite, dans la deuxième partie, au numéro 2, vous vous attardez aux droits individuels. J'ai du mal à comprendre la logique de votre présentation, parce qu'il y a une très grande différence.
Je vais vous donner un exemple et je vous demanderai ensuite de dire si vous approuvez cela. Dans le nord de l'Ontario, il y a bien sûr de nombreux Autochtones. Placer Dome a ouvert une nouvelle mine dans cette région. Placer Dome a chargé une éminente personnalité d'arbitrer une convention collective, à laquelle le Syndicat des métallurgistes unis d'Amérique a donné son accord, en vertu de laquelle les Autochtones obtiennent un pourcentage important des emplois. Dans un tel cas, vous gagnez sur les deux tableaux. Vous avez la possibilité d'être représentés par un syndicat et, en même temps, vous avez la garantie que les Autochtones seront bien représentés parmi les effectifs, en raison du grand nombre d'Autochtones qui habitent dans la région.
Ma question est fondée sur le fait que les Autochtones, les métis font généralement partie d'une collectivité. Seriez-vous en faveur ou accepteriez-vous d'envisager un tel arrangement, garantissant aux métis des Territoires du Nord-Ouest leur juste part des emplois, sans avoir à compter sur les patrons et les propriétaires de ces mines en espérant qu'ils auront une attitude favorable aux métis ou à d'autres? En fait, vous pourriez alors obtenir une garantie en béton dans le cadre du processus de négociation collective.
M. Clem Paul: Premièrement, je voudrais répondre à votre premier commentaire au sujet de mon document et du fait que nous sommes reconnus comme une collectivité. Dès les premières phrases de mon mémoire, j'ai dit que nous avons la «conviction que chacun trouve sa place grâce à sa débrouillardise et à sa capacité de contribuer».
• 2040
Nous sommes convaincus de cela. Nous croyons en
l'individualisme et nous croyons aussi que nous devons agir dans
l'intérêt des autres. Je suppose que c'est une coutume ancestrale
qui a été transmise de génération en génération. Nous n'avons pas
d'histoire écrite. C'est ce que je crois et c'est ainsi que les
métis vivent aujourd'hui—pas tous, bien sûr, mais la plupart
d'entre eux.
Quant à votre énoncé relatif à la façon dont nous bénéficierions de la situation que vous décrivez, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, la situation serait que les métis se verraient garantir un certain nombre d'emplois... Il est très improbable que l'on nous garantisse un nombre quelconque d'emplois, parce qu'il serait très difficile pour quiconque de garantir quoi que ce soit à quiconque de nos jours. Nous insisterions certainement pour obtenir un traitement préférentiel en termes d'emploi et d'embauchage. La plupart des métis se situent à l'échelon inférieur de l'échelle sociale au chapitre de l'éducation, de la connaissance du marché du travail, de la formation et de tout le reste. La plupart sont relativement peu qualifiés. Par conséquent, il est certain que nous chercherions à saisir toute possibilité qui nous habiliterait à participer de façon plus utile à la société, autrement qu'en occupant des emplois saisonniers ailleurs.
M. Robert Nault: J'ai une dernière question, madame la présidente.
Je ne suis pas au courant—et je m'excuse de mon ignorance au sujet de cette organisation à laquelle vous appartenez, l'Alliance—mais pourriez-vous me dire quel pourcentage des membres de l'Alliance sont actuellement employés dans les mines dans les Territoires du Nord-Ouest, pour que nous ayons une meilleure idée de...? D'après les arguments que vous avez présentés au comité, vous proposez essentiellement le statu quo dans les Territoires du Nord-Ouest. J'en conclus—et vous me reprendrez si je me trompe—que vous êtes satisfaits du statu quo, parce que vous défendez essentiellement son maintien. Cela doit vouloir dire que dans les Territoires du Nord-Ouest, les métis se débrouillent assez bien pour ce qui est de trouver des emplois dans l'industrie minière.
M. Clem Paul: Je ne comprends pas vraiment pourquoi vous concluez que nous sommes satisfaits de la situation. Je dirais qu'à l'heure actuelle, tout au plus 1 p. 100 des membres de notre Alliance travaillent dans l'industrie minière.
Pour ce qui est de défendre le statu quo, ce n'est pas du tout le sens de ma présentation. Le statu quo n'est pas satisfaisant et nous disons que c'est en grande partie à cause de la syndicalisation. S'il n'y avait pas de syndicat, je pense que nous aurions près de 10 ou 15 p. 100 de nos gens qui seraient employés dans l'industrie minière. Ce n'est pas le cas actuellement. Par conséquent, j'ignore comment vous avez pu conclure de mon exposé que nous sommes prêts à accepter le statu quo.
M. Robert Nault: C'est parce que dans votre présentation, les trois points auxquels vous vous opposez sont justement les trois changements que nous proposons dans le projet de loi par rapport à la loi existante. En fait, vous plaidez contre ces changements et non pas contre le syndicalisme comme tel. C'est donc nouveau. Essentiellement, vous avez dit être radicalement opposé au syndicalisme. Je voulais savoir ce qu'il en était de votre organisation parce que je viens du Nord de l'Ontario où une forte proportion de la population est autochtone et je n'ai jamais entendu quelqu'un me présenter les choses sous cet angle. Je suis donc très étonné et j'essaie de comprendre comment vous, en tant que métis, pouvez faire des déclarations pareilles, quand vous dites quasiment que le syndicalisme est anti-métis.
M. Clem Paul: Ce n'est pas anti-métis, mais je pense que dans mon mémoire, j'explique pourquoi je suis contre certains changements. C'est vrai qu'il y a là des éléments nouveaux, mais nous croyons qu'une partie de la loi... il y a là-dedans suffisamment d'éléments qui ont fait obstacle aux métis. Cela nous a nui au lieu de nous aider. Pourquoi empirer les choses? Je dis qu'il ne faut pas rendre la situation encore pire qu'elle ne l'est.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Merci.
Monsieur Martin, nous allons commencer. Je sais qu'il vous faut environ une heure.
M. Pat Martin: Je serai bref.
Je trouve que votre présentation ressemble remarquablement à celle de M. Willy. Si je ne savais pas qui vous êtes, je dirais que vous êtes de mèche avec la compagnie. J'ai travaillé dans deux mines au Yukon, l'une souterraine et l'autre à ciel ouvert. Une forte proportion de la main-d'oeuvre y est autochtone. Je ne saurais dire quel pourcentage. Les deux mines sont syndicalisées.
Le syndicat n'est pas un obstacle à l'équité en matière d'emploi. Je n'arrive pas à comprendre comment vous avez pu adopter ce point de vue, à moins que vous ayez rencontré certains représentants de l'entreprise qui vous auront fait un plaidoyer très convaincant. Mais le syndicat est le seul ami du travailleur, surtout dans les situations d'équité en matière d'emploi, où nous essayons d'obtenir une certaine justice sociale. C'est pourquoi les syndicats ont été créés. C'est notre raison d'être. Si vous représentez fidèlement les vues de l'Alliance des métis de North Slave, et je ne doute nullement que c'est le cas... pourtant, ce n'est sûrement pas une position nationale.
En tout cas, dans la région d'où je viens, la Fédération des métis du Manitoba travaille en étroite collaboration avec la Fédération des travailleurs du Manitoba dans une foule de dossiers de justice sociale et, pour ce qui est de l'équité en matière d'emploi sur le plan de l'embauchage, quand on construit un barrage, on procède de la façon suivante pour embaucher les travailleurs: les Autochtones du Nord ont la priorité. Si l'on ne peut compléter les effectifs, on se tourne ensuite vers les autres habitants du Nord. Ensuite, les gens du Sud ont la possibilité de se présenter. Ce sont des emplois syndiqués et il importe peu que l'Autochtone du Nord soit membre du syndicat ou non. Toutefois, une fois embauché, il devient membre du syndicat.
Donc, en fait, je suis désolé que vous ayez eu tellement de misère ou que l'expérience ait été si négative dans votre région immédiate, mais je ne peux pas accepter que ce soit la situation à l'échelle nationale et ce n'est assurément pas la position, du moins je ne le pense pas, de l'Assemblée des premières nations ni de la Fédération nationale des métis.
La mine Westray était elle aussi une toute nouvelle mine bien équipée et non syndiquée. S'il y avait eu un comité de santé et sécurité au travail actif créé par le syndicat, les 26 mineurs ne seraient pas morts.
Vous protestez parce que j'ai dit que vous étiez «de mèche». Eh bien, tant pis.
Quoi qu'il en soit, je ne m'éterniserai pas là-dessus. C'est très décevant.
M. Dale Johnston: Madame la présidente, je trouve que c'est vraiment insultant qu'un membre de notre comité... et je m'excuse au nom des gens qui semblent manquer de manières au point de ne pas savoir que c'est insultant de dire à quelqu'un qu'il est de mèche avec quelqu'un d'autre.
M. Pat Martin: Non; cela veut simplement dire que vous défendez la position de quelqu'un d'autre en son nom.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Je crois que c'est une expression courante qui est de mise.
Je me demande si, avec l'indulgence du comité, je pourrais moi-même poser deux ou trois questions. Je sais qu'il est tard.
Mme Brenda Chamberlain: Qu'elles soient concises!
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Vous pourrez tous me couper la parole si j'exagère.
On trouve dans votre mémoire des énoncés absolument stupéfiants. Celui qui m'a vraiment sidérée est celui-ci:
-
Notre mieux-être pourrait être menacé si les négociations
collectives avaient une incidence négative sur les politiques de
l'employeur conçues pour avantager les Autochtones.
J'ai entendu parler de politiques syndicales conçues pour avantager les Autochtones, j'ai entendu parler de politiques de l'employeur conçues pour avantager le portefeuille de l'employeur, et j'ai entendu parler de politiques de l'employeur conçues pour diverses autres fins, mais pouvez-vous me donner un exemple d'un employeur qui applique une politique, à titre d'employeur—non pas une section syndicale, mais bien un employeur—une politique conçue pour avantager les Autochtones? Je n'ai jamais entendu parler de quoi que ce soit de ce genre.
M. Clem Paul: Voici à quoi je faisais allusion. Si un métis concluait une entente avec une mine avant sa mise en activité—c'est semblable à d'autres ententes sur les retombées et les avantages qui sont négociées de temps à autre avec des mines et mises en vigueur—si nous devions conclure une entente préalable à l'ouverture d'une mine qui nous garantirait un traitement préférentiel, nous voudrions que ce soit maintenu.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Mais vous dites «si». Vous ne pouvez pas me nommer un employeur qui applique une telle politique. Est-ce bien ce que vous dites? Vous dites que vous espérez que cette situation se produira à l'avenir.
M. Clem Paul: Nous sommes en ce moment même en train de négocier avec une compagnie minière dans le secteur du diamant pour conclure une entente sur les retombées, et je prévois commencer à négocier une entente sur les retombées avec une autre compagnie minière. Deux autres groupes autochtones des Territoires du Nord-Ouest ont négocié et sont en train de mettre en oeuvre des ententes sur les retombées qui garantissent un traitement préférentiel aux Autochtones et cela a avantagé énormément ces gens-là.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Cette entente est hors syndicat?
M. Clem Paul: Oui.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Et les salaires sont-ils les mêmes que ceux versés aux syndiqués, ou sont-ils inférieurs?
M. Clem Paul: Je ne pourrais pas vous donner une réponse précise... Je ne crois pas pouvoir répondre à cela parce que je n'ai pas fait la comparaison, pour vous dire la vérité.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Eh bien, il me semble qu'avant de négocier une telle entente, vous devriez peut-être vérifier toutes les conséquences qui en découlent pour les gens qui l'ont déjà fait. Je trouve cette déclaration absolument stupéfiante, même si je comprends maintenant que c'est une situation hypothétique que vous souhaitez voir se réaliser.
Au nom du comité, je vous remercie tous les deux d'être venus. Chose certaine, votre présentation nous a tenus éveillés. Merci beaucoup.
M. Clem Paul: Merci.
La vice-présidente (Mme Bonnie Brown): Je rappelle aux membres du comité que demain, à 9 heures, nous nous réunissons dans la salle 237-C de l'édifice du Centre.
La séance est levée.