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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 9 mai 2002




¿ 0935
V         La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest))
V         M. Pierre Laliberté (économiste principal, Congrès du travail du Canada)

¿ 0940

¿ 0945
V         La présidente
V         M. Pierre Laliberté
V         La présidente
V         M. Vincent Dagenais (adjoint au comité exécutif, Confédération des syndicats nationaux (CSN))
V         La présidente
V         M. Vincent Dagenais

¿ 0950

¿ 0955

À 1000
V         La présidente
V         Mme Jane Stinson (directrice de la recherche, Syndicat canadien de la fonction publique)
V         

À 1005

À 1010

À 1015
V         La présidente
V         Capitaine Dan Adamus

À 1020

À 1025
V         La présidente
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne)
V         Mme Jane Stinson
V         M. Pierre Laliberté

À 1030
V         M. Vincent Dagenais
V         M. Rahim Jaffer
V         La présidente
V         M. Pierre Laliberté
V         M. Vincent Dagenais

À 1035
V         La présidente
V         Mme Jane Stinson
V         La présidente
V         
V         La présidente
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)

À 1040
V         M. Vincent Dagenais
V         M. Yvan Loubier
V         M. Vincent Dagenais
V         M. Yvan Loubier
V         M. Vincent Dagenais
V         La présidente
V         M. Pierre Laliberté
V         M. Yvan Loubier
V         M. Pierre Laliberté
V         M. Yvan Loubier
V         M. Pierre Laliberté
V         M. Vincent Dagenais

À 1045
V         M. Yvan Loubier
V         
V         M. Yvan Loubier
V         
V         Mme Gail Misra (conseillère juridique, Association des pilotes de ligne, Internationale)
V         M. Yvan Loubier

À 1050
V         Mme Gail Misra
V         M. Yvan Loubier
V         La présidente
V         M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         M. Vincent Dagenais
V         M. Roy Cullen

À 1055
V         M. Vincent Dagenais
V         M. Roy Cullen
V         Mme Jane Stinson
V         M. Roy Cullen
V         Mme Jane Stinson
V         M. Roy Cullen

Á 1100
V         
V         M. Roy Cullen
V         
V         La présidente
V         Mme Gail Misra
V         M. Roy Cullen
V         La présidente
V         M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.)

Á 1105
V         
V         M. Shawn Murphy
V         M. Pierre Laliberté

Á 1110
V         M. Shawn Murphy
V         M. Pierre Laliberté
V         La présidente
V         Mme Jane Stinson

Á 1115
V         La présidente
V         M. Shawn Murphy
V         La présidente
V         M. Rahim Jaffer
V         
V         M. Rahim Jaffer
V         Mme Gail Misra

Á 1120
V         La présidente
V         Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)
V         Mme Jane Stinson
V         Mme Carolyn Bennett
V         Mme Jane Stinson
V         Mme Carolyn Bennett

Á 1125
V         Mme Jane Stinson
V         La présidente
V         M. Pierre Laliberté
V         La présidente
V         M. Vincent Dagenais

Á 1130
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 100 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mai 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0935)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, l'ordre du jour porte sur les discussions pré-budgétaires.

    Nous tenons à souhaiter la bienvenue aujourd'hui à Pierre Laliberté, économiste principal du Congrès du travail du Canada; à François Bélanger et à Vincent Dagenais, adjoints au comité exécutif de la Confédération des syndicats nationaux; à Jane Stinson du Syndicat canadien de la fonction publique; et au commandant Dan Adamus, président du comité des affaires gouvernementales, et Gail Misra, conseillère juridique, de l'Association des pilotes de ligne, internationale.

    Il est probablement préférable de commencer selon l'ordre figurant à l'ordre du jour. Est-ce que vous avez un exemplaire de l'ordre du jour devant vous?

    Du Congrès du travail du Canada, M. Laliberté. Commencez, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Pierre Laliberté (économiste principal, Congrès du travail du Canada): Bonjour. Je voudrais saluer les cinq députés qui ont daigné se présenter à notre réunion ce matin, ainsi que mes confrères et consoeurs du mouvement syndical. J'aimerais également remercier le comité de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue au Parlement.

    D'emblée, nous croyons que les questions proposées pour cette discussion sont les bonnes: comment s'assurer que le pays soit non seulement propère, mais que cette prospérité soit largement partagée et aide à améliorer la qualité de vie des Canadiens?

[Traduction]

    L'accent mis sur le niveau de vie et la qualité de vie ne nous a pas échappé car nous considérons depuis un certain temps que l'on a laissé de côté les préoccupations des travailleurs. Les documents du ministère des Finances qui n'arrêtent pas de parler de la réussite économique des années 90 renferment de nombreuses statistiques sur l'équilibre budgétaire et les niveaux de la dette, mais pratiquement aucune sur la situation que vivent les femmes et les hommes qui représentent notre économie.

    En fait, pour la grande majorité des travailleurs de ce pays, les années 90 n'ont pas été une bonne décennie. Les salaires moyens n'ont pas augmenté en fonction de l'inflation et n'ont même pas traduit l'augmentation modeste de productivité que nous avons connue. Dans l'ensemble, le travail est devenu plus précaire, plus intense et plus stressant. En outre, nous avons constaté des inégalités de plus en plus marquées des salaires et des revenus, ce qui a grossi le nombre de Canadiens à faible revenu, même en pleine expansion économique.

    En passant, un moyen modeste mais efficace de mettre le niveau de vie au centre de cette démarche consisterait, pour le ministère des Finances, à présenter une analyse des répercussions des mesures budgétaires sur la création d'emplois, la répartition du revenu et la pauvreté--et non uniquement sur les recettes et les dépenses.

    Nous considérons que le changement le plus important qui s'impose est davantage un changement philosophique qu'un changement de politique ou de programme. Nous espérons sincèrement que les mesures proposées par le comité sont une indication d'un changement des priorités. Depuis de nombreuses années, nous réclamons le réinvestissement du dividende budgétaire et des programmes sociaux qui améliorent la vie des Canadiens. En fait, les priorités de nos membres, et cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant, reflètent celles de l'ensemble de la population. Elles n'ont pas beaucoup changé au cours des dix dernières années. La santé, l'éducation, le chômage, la pauvreté chez les enfants, et l'environnement demeurent les principales préoccupations de la population dans les sondages, mais à l'exception de la pauvreté chez les enfants, ces questions ne figurent pas parmi les grandes priorités du programme d'action de ce pays.

    Un examen superficiel des données budgétaires nous permet de constater à quel point nous sommes loin de la promesse qui avait été faite de consacrer 50 p. 100 du dividende budgétaire aux programmes sociaux. Mais vous n'avez pas à nous croire sur parole. Même le ministère des Finances se vante que le Canada a connu la diminution la plus importante de dépenses de programmes de tous les pays de l'OCDE, ce qui signifie que ces dépenses ont atteint à l'heure actuelle leur niveau le plus bas depuis les années 40.

    La grande popularité des programmes sociaux au Canada témoigne de la contribution qu'ils apportent à la vie de la population. Ils représentent aussi une bonne raison économique de vouloir réinvestir et innover dans ce domaine. En fait, à moyen et à long terme, le Canada devra relever un défi important lorsque le vieillissement de la population se conjuguera à un ralentissement de la croissance démographique. Par conséquent, pratiquement toute la croissance économique sera représentée par des augmentations de la productivité et par des initiatives destinées à s'assurer que tous ceux qui sont capables de travailler et disposés à le faire le font. Pour atteindre cet objectif, nous devons donc nous munir d'une série de politiques habilitantes et de programmes à l'appui qui nous permettront de tirer pleinement profit de nos ressources humaines. Il pourrait s'agir d'une stratégie globale destinée à répondre aux besoins futurs du Canada en matière sociale et économique.

    Tout d'abord, il nous faut un engagement fondamental et clair envers le plein emploi et des politiques destinées à accroître notre taux de participation de la main-d'oeuvre. De même, si nous voulons que les Canadiens profitent du changement économique, il est tout aussi essentiel d'améliorer le système d'assurance-emploi. Tel qu'il existe à l'heure actuelle, seule une minorité de chômeurs peuvent faire appel au système d'assurance-emploi. De plus, le programme d'assurance-emploi fait preuve de discrimination, de facto, envers les femmes et les jeunes. C'est injuste. Compte tenu des excédents que nous avons accumulés année après année dans le compte d'assurance-emploi, c'est également inutile.

    Deuxièmement, nous devons nous assurer qu'autant de Canadiens que possible reçoivent l'instruction et la formation dont ils ont besoin pour travailler au meilleur de leurs compétences. Bien que l'on parle beaucoup de l'économie du savoir, les ressources publiques consacrées à l'éducation et à la formation ont diminué depuis le début des années 90. Il importe de signaler l'échec retentissant de la politique de chèque en blanc accordée au secteur des affaires en matière de formation.

    En ce qui concerne la formation, nous préconisons une stratégie à deux volets, dont la première consiste à imposer les subventions sur les coûts généraux de la masse salariale, comme ce qui se fait au Québec, c'est-à-dire que les entreprises doivent investir au moins 1 p. 100 de leur masse salariale dans la formation sans quoi ce montant est prélevé sous forme d'impôt.

¿  +-(0940)  

    Mon collègue de la CSN pourra peut-être parler de façon plus éloquente de cette question.

    Le deuxième volet de la stratégie consisterait à intégrer au programme d'assurance-emploi un élément d'allégement de la formation, selon lequel les cotisants pourraient accumuler une valeur de cinq semaines de congé de formation pour chaque année de cotisation au système, jusqu'à concurrence de 50 semaines. Un tel programme aurait le mérite d'être transférable et d'inciter les travailleurs à se recycler. Les employeurs auraient l'option de complémenter les cotisations d'assurance-emploi, comme c'est le cas à l'heure actuelle en ce qui concerne les volets de congé parental et médical du programme d'assurance-emploi.

    En ce qui concerne les études postsecondaires, les frais d'inscription plus élevés--soit une augmentation de 100 p. 100 sur 10 ans--ont rendu de plus en plus difficile l'accès, pour nos jeunes, à des études supérieures. Comme l'indique le livre vert sur la stratégie d'innovation du Canada, cela est devenu un obstacle concret pour les Canadiens moins favorisés qui veulent faire des études postsecondaires. Si nous parvenons à atteindre l'objectif louable, énoncé dans le livre vert, d'assurer à 100 p. 100 des diplômés d'études secondaires la participation à une forme quelconque d'études postsecondaires, il faut que l'on procède à un réinvestissement important.

    Troisièmement, le domaine qui arrive en tête de la liste des préoccupations des Canadiens est la santé. Le CTC est fermement convaincu que la santé est un bien public et que le gouvernement a la responsabilité première d'y veiller. Nous estimons que le gouvernement fédéral a le devoir de maintenir les principes prévus par la Loi canadienne sur la santé. Mais il a aussi la responsabilité de payer sa juste part des coûts. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement du Canada de remplacer le système actuel de transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux par trois fonds nationaux consacrés à la santé, à l'éducation postsecondaire et à l'aide sociale. Il devrait aussi financer le nouveau fonds national pour la santé, si vous voulez, grâce à une première contribution en espèces équivalant à 25 p. 100 des frais de santé provinciaux pour les services de santé, qui répondent aux exigences de la Loi canadienne sur la santé.

    Le quatrième volet d'une stratégie axée sur le travailleur consisterait à ce que le gouvernement fédéral appuie la mise sur pied de programmes abordables d'éducation et de garde des jeunes enfants au Canada. L'absence d'un engagement national en matière de garderie demeure un obstacle à la participation des parents à la population active, ainsi qu'à l'épanouissement des enfants. Nous considérons qu'il s'agit d'un élément essentiel d'une stratégie d'éducation axée sur l'avenir et d'une forte participation de la main-d'oeuvre.

    Le cinquième élément de la stratégie prévoirait un réinvestissement important en matière de logement et d'infrastructure publique. Je vous en épargnerai les détails car mon temps est écoulé.

    Le dernier élément de la stratégie que nous proposons consiste à atteindre l'objectif, fixé par les Nations Unies, de 0,7 p. 100 du PIB pour l'aide officielle au développement.

    La présidente: Monsieur Laliberté, vous pouvez prendre plus de temps si vous le voulez. Prenez le temps dont vous avez besoin pour faire valoir cet argument.

    M. Pierre Laliberté: Très bien. Je vous remercie. Les membres pourront me demander de revenir sur cette question.

    Le Canada, en tant que nation commerçante, a tout à gagner du développement efficace et harmonieux des pays en développement. Mais tout comme nous avons vécu de notre capital accumulé dans le domaine social au cours des 10 dernières années, nous avons fait de même à l'échelle internationale. Nous nous attendons à ce que le Canada ouvre la voie dans le domaine de l'aide au développement et ne soit pas à la traîne, comme c'est le cas aujourd'hui. L'engagement récent pris par le premier ministre d'accroître de façon modeste l'aide publique au développement, 8 p. 100 par année, nous permettra d'atteindre la moitié de cet objectif d'ici la fin de la décennie.

    Compte tenu des besoins pressants en matière de santé et d'éducation qui existent dans les pays en développement, surtout les pays moins développés, c'est tout à fait insuffisant. Si le Canada est vraiment sérieux, il doit viser à atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 d'ici la fin de la décennie.

    En ce qui concerne le prochain budget, je suppose...

¿  +-(0945)  

[Français]

    Trois points doivent être soulevés.

    D'abord, nous anticipons, comme la majorité des observateurs, des excédents budgétaires substantiels qui pourraient se situer entre 10 et 16 milliards de dollars, selon les estimés. À notre avis, le gouvernement aura alors l'occasion de réinvestir une partie de cet argent pour mettre en marche certaines des initiatives que nous avons mentionnées.

    De plus, nous pensons qu'il sera important, dans l'année qui vient, d'émettre un signal clair concernant les questions de santé. Nous savons que la commission Romanow délibère en ce moment. Nous espérons que le gouvernement va sérieusement prendre en compte ses conclusions et clairement indiquer aux gens qui travaillent dans le système de santé canadien et à ceux qui en reçoivent les bénéfices qu'il s'agit d'une priorité pour le gouvernement canadien.

    Enfin, nous pensons que les pronostics économiques sont plutôt positifs et encourageants. Cela dit, il n'en reste pas moins qu'on observe aux États-Unis certains signes d'affaiblissement . Or, nous savons que l'économie américaine nous a servi de moteur économique pendant plusieurs années au cours de la dernière décennie. Nous pensons donc qu'il serait prudent, même dans le sens « martinesque » du terme, d'établir un fonds d'investissement pour les infrastructures qui pourrait être mis en oeuvre rapidement si ces faiblesses se concrétisaient. Si ces dernières ne se manifestaient pas, ce ne serait pas perdu puisqu'il s'agit d'investissements qui doivent de toute façon être faits. Pour ces motifs, nous pensons qu'on ne devrait pas se livrer à une euphorie prématurée.

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Avez-vous réussi à inclure tout ce que vous vouliez nous présenter?

+-

    M. Pierre Laliberté: Pas tout à fait, mais il y a d'autres personnes qui veulent prendre la parole aussi.

+-

    La présidente: Très bien. Je vous remercie.

    De la Confédération des syndicats nationaux, qui va commencer? Monsieur Dagenais.

[Français]

+-

    M. Vincent Dagenais (adjoint au comité exécutif, Confédération des syndicats nationaux (CSN)): Merci, madame la présidente.

    À mon avis, mon confrère Laliberté avait raison de parler d'une nouvelle expression qui circule au Canada, soit « être prudent comme un Martin ».

    Je voudrais d'abord vous remercier de nous recevoir aujourd'hui. Les délais ont fait en sorte qu'on n'a pas été en mesure de préparer un document complet, et je m'en excuse. Cependant, nous sommes heureux de pouvoir participer avec vous aux discussions sur le prochain budget du gouvernement fédéral.

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Dagenais, tout document que vous voudrez transmettre au greffier par la suite sera traduit et transmis pour vous également. Vous avez cette possibilité.

[Français]

+-

    M. Vincent Dagenais: Je vous remercie, madame la présidente.

    La situation économique semble bonne, si on se rapporte aux derniers indicateurs. Je ne veux pas trop m'attarder sur ces questions-là, mais simplement souligner qu'un grand nombre de problèmes persistent au Canada. Mentionnons, entre autres, des problèmes de pauvreté et d'inéquité, des problèmes qui frappent particulièrement les femmes et les populations autochtones ou encore qui touchent les questions de l'éducation et de la santé. Ce sont des problèmes connus.

    Aussi, il me semble que la principale orientation que le gouvernement fédéral devrait prendre dans la préparation de son budget serait de rompre avec l'habitude qui s'installe de plus en plus ces dernières années, doit de simplement se féliciter de ses bons coups et de se présenter comme un pays qui n'a aucun problème.

    Il faut s'attaquer aux problèmes réels auxquels font face l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Au cours de cette courte présentation, je voudrais simplement soulever un certain nombre de points qui, à notre avis, méritent une solution.

    Il y a un premier problème structurel qui a déjà été soulevé et que je veux remettre à l'ordre du jour ce matin, c'est la question du déséquilibre fiscal. Je ne reprendrai pas ici, évidemment, toutes les questions soulevées par la commission Séguin qui a travaillé au Québec. Je veux simplement vous dire que, selon nous, ce n'est pas suffisant, en réaction à ce document et comme réplique à l'ensemble des provinces, de simplement répondre par le biais du site Internet du gouvernement du Canada.

    À notre avis, ce serait la moindre des choses, sans présumer du résultat du débat, que le gouvernement fédéral accepte d'en discuter ouvertement, en reconnaissant qu'il existe un déséquilibre fiscal. Je ne veux pas ce matin commencer à citer des chiffres, mais je sais qu'il y a eu des débats sur la justesse des prévisions du Conference Board. Cependant, si on se réfère aux années passées et si on écarte complètement les prévisions, on va s'apercevoir, en examinant simplement les chiffres du passé, qu'il existe un déséquilibre fiscal.

    Il ne s'agit pas simplement d'un problème comptable ou d'un problème monétaire, mais il nous apparaît que ce déséquilibre traduit une façon de fonctionner, ou de «disfonctionner», de la part de la fédération canadienne. Le prochain budget du gouvernement fédéral devrait donc s'attaquer directement à la question plutôt que d'en nier l'existence.

    La deuxième question, qui n'est pas nouvelle mais à laquelle on doit malheureusement revenir, c'est la question de l'assurance-emploi. Au lieu de simplement répéter quelque chose qui ressemble plus à un slogan qu'à une réponse concrète, à savoir qu'il n'y a pas de caisse d'assurance-emploi ni de surplus accumulé, il faut, selon nous, que le gouvernement fédéral reconnaisse que l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes versent maintenant au titre de l'assurance-emploi, avec la contrepartie patronale, beaucoup plus que ce qui leur est rendu au titre de l'assurance-emploi sous une forme ou une autre.

    À cet égard, il me semble qu'il vaut la peine de rappeler que subsiste ce débat entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral sur le financement du Régime d'assurance parentale; ce n'est pas encore réglé. Cette question pourrait être réglée rapidement, mais elle reste encore sur la table. Donc, une deuxième question qui traîne toujours, malheureusement, mais qui devrait trouver une solution, c'est celle de rétablir l'assurance-emploi et les fonds destinés à l'assurance-emploi pour la véritable utilisation qu'on devrait en faire.

¿  +-(0950)  

    À ce sujet, je signale que la Confédération des syndicats nationaux a entamé une poursuite qui va être entendue l'an prochain. En effet, nous prétendons que cette mauvaise utilisation des fonds de l'assurance-emploi contredit la Constitution canadienne et les lois pertinentes. C'est un peu dommage qu'on en soit rendus à aller devant les tribunaux pour faire respecter ce qui devrait être naturel et de penser que des sommes qui sont recueillies pour servir de soutien à des personnes en chômage soient détournées de leur objectif.

    J'aimerais aussi souligner le fait que, malgré qu'il ait clairement été dit pendant la dernière campagne électorale que les Canadiens devraient pouvoir se prononcer sur l'utilisation des surplus, nous nous trouvons encore dans un système où l'existence et le niveau des surplus demeurent un secret. Il s'agit peut-être du jeu de devinette le plus répandu ici, à Ottawa, et ailleurs dans les capitales provinciales. L'existence et l'utilisation des surplus demeurent un jeu de secrets auquel M. Martin se livre peut-être avec beaucoup de plaisir. Il a essentiellement trois choix: réduire le déficit, modifier ou réduire l'imposition ou, et j'allais le dire en toute naïveté, se creuser la tête avec ses collègues pour voir dans quel domaine il pourrait bien investir.

    La dernière mesure qu'on a vu passer, soudainement, c'était une subvention ou une aide pour les municipalités. Or, il nous semble que, contrairement à ce qui nous a été dit, la population canadienne est maintenue dans une certaine opacité, à la fois à l'égard de l'existence, de la nature et de l'utilisation du surplus. C'est pourquoi l'expression que mon confrère Laliberté a utilisée plus tôt s'applique parfaitement. M. Martin est d'une prudence qui n'est plus exemplaire, parce qu'elle est devenue de la non-transparence. Il faudrait donc que la préparation du budget et l'utilisation du surplus soient beaucoup plus transparentes et, surtout, qu'on ne se retrouve pas devant des faits accomplis, soit l'apparition soudaine de surplus à la dernière seconde.

    Enfin, je voudrais soulever le fait qu'après avoir atteint un certain équilibre budgétaire, le gouvernement fédéral semble avoir renoncé, dans le cadre de son budget, à mettre de l'avant des politiques économiques et sociales constructives. Or, je ne reprendrai pas ce que mon camarade et confrère a dit parce qu'il y a encore un trop grand nombre de domaines, que ce soit par exemple le logement ou la formation, qui mériteraient de recevoir l'appui de programmes du fédéral. Il nous semble néanmoins que le gouvernement canadien a en quelque sorte renoncé à faire de la politique économique et qu'il s'en tient maintenant à un respect des équilibres.

    Je peux vous dire que ma formation d'économiste ne m'amenait pas à idolâtrer à ce point les équilibres budgétaires. C'est une nouvelle conception des finances publiques et des budgets qu'on a réduit à une seule variable, soit l'équilibre budgétaire. Il me semble, sans pour autant prôner le déséquilibre, que le gouvernement fédéral aurait d'autres règles à observer.

    Par ordre d'importance, ce qui obsède ensuite le plus le gouvernement est l'utilisation du surplus puis, finalement, la façon dont la Banque du Canada fait du fine tuning avec les taux d'intérêt pour régler l'économie canadienne. Or, dans ces trois domaines, on a l'impression qu'il y a un renoncement de la part du gouvernement canadien à établir de véritables politiques actives en faveur de l'emploi, des femmes, et ainsi de suite. Je ne veux pas énumérer ici l'ensemble des domaines dans lesquels le gouvernement devrait intervenir.

¿  +-(0955)  

    Finalement, comme mon confrère, je voudrais parler des questions internationales. Il y a une question très précise à laquelle le gouvernement devrait répondre: que se passe-t-il dans le cadre des actuelles négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques? Selon certains, il ne se passe rien. Selon d'autres, les négociations vont bon train. Je vous rappelle simplement que le chapitre 11 de l'ALENA, qui risque d'être reproduit dans la Zone de libre-échange des Amériques, met directement en cause la capacité des parlements, notamment celle du Parlement canadien, d'adopter des lois, notamment des lois à caractère budgétaire et fiscal. Le gouvernement peut être interpellé par des compagnies, et les lois et les politiques gouvernementales canadiennes peuvent être mises en cause par des entreprises qui en contesteraient la légalité au titre de l'ALENA et peut-être de la Zone de libre-échange des Amériques. Il me semble que le Comité des finances devrait se préoccuper de ces négociations qui ont lieu.

    Je dirai un dernier mot sur les questions de formation. Sans vouloir présenter le programme québécois, je voudrais vous rappeler qu'il y a une dizaine de jours a eu lieu à Montréal la réunion des ministres de l'Emploi des pays membres du G-8, qui ont adopté une déclaration assez élaborée sur la problématique de la formation en cours d'emploi, toute la vie durant. L'ensemble des organisations syndicales, qui étaient présentes, ont souhaité que cette déclaration et ce plan d'action soient vraiment pris en compte à l'occasion du G-8 des chefs d'État qui aura lieu à Kananaskis au mois de juin prochain.

    Je vous remercie, madame la présidente.

À  +-(1000)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je vais maintenant céder la parole à Jane Stinson du Syndicat canadien de la fonction publique. Si vous voulez bien commencer.

+-

    Mme Jane Stinson (directrice de la recherche, Syndicat canadien de la fonction publique): Je vous remercie.

    Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je dois dire que nous considérons que nous n'avons pas été prévenus suffisamment à l'avance de la tenue de ces audiences, et nous nous sommes dépêchés de préparer un mémoire. Nous voudrons peut-être étoffer ce mémoire par la suite et nous pourrons vous fournir plus de renseignements.

+-

     Comme vous le savez, le Syndicat canadien de la fonction publique est l'un des plus grands syndicats du Canada. Nous représentons environ 500 000 travailleurs d'un bout à l'autre du pays. Nous représentons les employés de divers paliers de gouvernement, y compris les municipalités, les employeurs des milieux hospitaliers, d'établissements de soins de longue durée, des bibliothèques, des universités, des organismes de services sociaux, des entreprises de services publics, des compagnies aériennes, et ainsi de suite. En raison de la nature du travail effectué par nos membres, notre syndicat est très préoccupé depuis toujours par les services publics et la qualité de vie dans les collectivités d'un bout à l'autre du pays. Nous trouvons particulièrement alarmante la situation qui existe à l'heure actuelle.

    Notre mémoire aborde les thèmes que nous vous avons déjà présentés, par l'intermédiaire de notre syndicat et de la coalition à laquelle nous participons, chargée d'élaborer l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral. Si vous avez l'impression d'avoir déjà entendu ce genre de choses, c'est effectivement le cas parce que le gouvernement refuse tout simplement de reconnaître les préoccupations que nous ne cessons de soulever, et de prendre des mesures pour y donner suite.

    À l'heure actuelle, nous constatons une diminution terrible de la qualité de vie dans nos villes et villages depuis que le gouvernement fédéral s'est déchargé d'une grande part de ses responsabilités sur les gouvernements locaux sans leur fournir des fonds suffisants leur permettant d'offrir ces services. C'est scandaleux. Je crois que la FCM et les grandes villes ont fait valoir leurs arguments de façon très efficace. Ce sont certainement des problèmes que vivent les communautés rurales.

    Il est vrai que cette baisse de service et de qualité dans nos collectivités n'est pas inévitable. Il incombe, en partie, au gouvernement fédéral, qui est responsable d'investir sérieusement dans les services publics, l'infrastructure publique, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, dans le logement et l'assurance-emploi, de renverser la situation.

    Ce qui inquiète particulièrement le SCFP, c'est que l'absence de fonds publics signifie que tous les paliers de gouvernement font l'objet de pressions plus importantes pour privatiser et commercialiser leurs activités. J'aimerais expliquer brièvement pourquoi cette situation nous préoccupe tant et quelles en sont les conséquences. Cela signifie une réduction de l'accès à toute une gamme de services publics. La privatisation des services entraîne une augmentation scandaleuse des frais d'utilisation. Il est évident qu'en raison de frais d'utilisation plus élevés, les gens pauvres n'arrivent pas à obtenir les services qu'ils recevaient par le passé lorsque ces services étaient fournis davantage à titre de services publics sans que des frais d'utilisation s'y rattachent. Il est également plus coûteux pour les gouvernements et pour les citoyens d'autoriser la privatisation.

    Nous constatons une augmentation ou un intérêt énorme dans les partenariats entre les secteurs public et privé qui représentent la forme la plus récente de privatisation. Cela se produit particulièrement lorsque des paliers de gouvernement sont obligés de faire appel au secteur privé pour financer l'investissement de capitaux dont ils ont besoin pour l'infrastructure. Nous avons fait de nombreuses analyses de ces partenariats. Il ne fait aucun doute qu'il est plus coûteux pour le secteur privé d'émettre des obligations sur le marché que ce ne l'est pour les gouvernements. Nous encourageons le présent gouvernement à profiter de la cote AAA que nous avons reçue de Moody's pour nos obligations. Nous devrions profiter de l'énorme excédent que nous avons à l'heure actuelle afin d'investir réellement et directement dans les services publics de sorte que les paliers de gouvernement ne soient pas obligés de faire appel à des partenaires privés au moyen de partenariats secteur public-secteur privé pour obtenir cet investissement nécessaire.

    L'obligation de rendre compte est aussi gravement compromise par la privatisation. Lorsque le secteur privé devient propriétaire des services et des biens publics ou en contrôle le fonctionnement comme, par exemple, les usines de filtration d'eau ou les écoles, nous perdons la responsabilité de ces services. Les citoyens ont moins de possibilités d'apporter des changements par l'intermédiaire de leurs gouvernements. Nous nous trouvons même privés de renseignements à propos de certains événements parce que nous sommes privés de l'accès que nous offre la liberté d'information ou d'autres moyens par lesquels on assure la transparence. Ils deviennent privatisés et sont transférés dans un domaine concurrentiel, privé, à but lucratif.

    Il est évident que la privatisation profite aux entreprises. Il ne fait aucun doute qu'elle ne profite pas à la population. Nous partageons aussi les préoccupations soulevées par Vincent Dagenais à propos des incidences de la privatisation sur le commerce international. Le présent document ne traite pas de cet aspect.

À  +-(1005)  

    Je tiens à signaler à nouveau que nous avons fait beaucoup de recherches, beaucoup de travail, et que nous avons demandé des avis juridiques sur les répercussions de la privatisation, y compris au moyen de partenariats du secteur public-secteur privé, dans le cadre des régimes de commerce international. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'une fois la privatisation établie, on ne pourra plus revenir en arrière. Il sera beaucoup plus difficile pour nous en tant que citoyens ou que gouvernements, si nous décidons que ce n'est pas la voie à suivre, d'en sortir. Le chapitre 11 de l'ALENA, ou les règles du GATS, ou les résultats de la ZLEA donneront aux entreprises des droits importants leur permettant de poursuivre les gouvernements pour «expropriation»—la décision de mettre fin à un contrat et la perte par ces entreprises de profits futurs.

    Donc, les coûts de la privatisation sont énormes à bien des égards, et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous encourageons le présent gouvernement à assurer un investissement direct accru dans les services publics et à utiliser l'excédent, à profiter de l'amélioration de notre situation financière, pour tâcher de changer ce genre de choses.

    Dans notre mémoire, nous signalons ce qui se passe dans les collectivités. Nous précisons une fois de plus notre opposition aux réductions d'impôt. Nous considérons que cela lie les mains du gouvernement qui a alors moins de marge de manoeuvre sur le plan financier pour agir et investir. Par ailleurs, les réductions d'impôt profitent de façon disproportionnée aux riches et aux entreprises. Par conséquent, le gouvernement, et en particulier le gouvernement fédéral, dont un des rôles importants est de redistribuer le revenu entre les riches et les pauvres, se trouve à devenir un gouvernement qui ne fait qu'aggraver l'écart de plus en plus en grand qui existe entre les riches et les pauvres dans ce pays.

    Comme je l'ai déjà dit, l'investissement direct dans les programmes sociaux contribue de façon vraiment importante à égaliser la situation entre les riches et les pauvres. Je suis sûre que vous le savez et je n'insisterai donc pas là-dessus.

    Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux est également un domaine de préoccupation dont mes confrères ont parlé. Des milliards de dollars ont été retirés du TCSPS, et depuis le regroupement encore plus important de ces transferts par le biais du TCSPS, il est plus difficile de savoir ce qui se passe, de connaître la destination de ces fonds et de déterminer si en fait les trois secteurs devant être financés par le biais du TCSPS reçoivent cet argent.

    Nous soupçonnons, bien que ce soit très difficile à déterminer, qu'en fait les soins de santé reçoivent la part du lion de ce financement et que ce sont les services sociaux et l'aide sociale qui sont les plus pénalisés. Donc, une fois de plus, ce sont les pauvres de ce pays qui en paient le prix.

    L'infrastructure est un autre domaine important qui nous préoccupe. Nous avons été très déçus par le dernier budget fédéral en ce qui concerne l'infrastructure. Essentiellement, ce budget a prévu très peu de nouveaux investissements pour l'infrastructure, et cela nous préoccupe énormément, comme vous le savez sans doute. Par ailleurs, nous avons constaté avec inquiétude dans le dernier budget que le présent gouvernement a très clairement ouvert la porte aux partenariats secteur public-secteur privé dans ce domaine et a encouragé ce genre de mesures. Nous considérons que ce n'est pas la voie à suivre, pour les raisons que j'ai indiquées. Donc, de toute évidence, il faut investir davantage dans l'infrastructure.

    Les soins de santé, bien entendu, représentent un autre important domaine qui nous préoccupe, comme la plupart des Canadiens. Ici encore, les mesures prises pour rétablir le financement précédent sont utiles mais ne sont pas suffisantes. Il semble en fait que le dernier budget n'a fait que recycler les engagements qui avaient été pris plus tôt. Aucun fonds supplémentaire n'a été attribué à la santé.

    Nous savons qu'il y a des problèmes. Nous savons que d'énormes pressions sont exercées pour que l'on privatise les soins de santé, et c'est une tendance qui nous préoccupe beaucoup pour les raisons que j'ai mentionnées plus tôt. Nous avons observé, nous avons participé, nous avons tâché de mobiliser et d'influencer les présentations faites devant la commission Romanow. Nous avons observé et analysé le rapport du comité sénatorial Kirby, et nous sommes très perturbés par les recommandations qui y sont formulées d'accroître la privatisation des services de santé et de l'assurance-maladie.

    Je tiens également à souligner que le sénateur Kirby a des intérêts personnels dans les établissements de soins de longue durée susceptibles de profiter de la privatisation.

    Il est clair qu'il faut réinvestir de façon importante dans la santé et que si le gouvernement fédéral veut continuer à jouer un rôle pour ce qui est de la voie à suivre dans le domaine de la santé et pour ce qui est d'assurer l'application de la Loi canadienne sur la santé, il faut prévoir des fonds suffisants. Pour que le gouvernement fédéral montre la voie, il doit aussi s'assurer de prévoir des fonds suffisants pour pouvoir parfois obliger les provinces à aller dans le même sens.

À  +-(1010)  

    Il est manifeste que l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario repoussent vraiment les limites pour ce qui est de la privatisation des soins de santé. L'Alberta a déposé son projet de loi 11 qui ouvre la porte aux interventions chirurgicales en établissement privé. Nous sommes extrêmement préoccupés par la tendance qui semble se dessiner en faveur d'hôpitaux administrés en partenariat entre le secteur public et le secteur privé en Colombie-Britannique et en Ontario.

    Nous craignons que ce soit les services sociaux qui en souffrent le plus en raison de l'absence de fonds réservés dans le cadre du TCSPS. Nous sommes également favorables à une loi nationale sur la garde des enfants, quelque chose qui nous semble très important, ainsi que d'un financement suffisant assuré qui permettrait d'en faire un programme public.

    La pauvreté est également un problème important, vous le savez j'en suis sûr. Nous estimons que là aussi, il y aurait des mesures importantes à prendre.

    Le logement à prix abordable est également un secteur de préoccupation.

    Il faudrait également faire en sorte d'aider financièrement les mouvements de défense du droit à l'équité par le biais de ce que nous avons baptisé du nom de fondation pour la participation en équité. Voilà un autre secteur important dans lequel le gouvernement fédéral pourrait intervenir.

    Comme mes confrères l'ont déjà dit, l'assurance-emploi nous inquiète aussi énormément. Le gouvernement sembler siphonner l'excédent du fonds, sans même que cet argent serve vraiment beaucoup à la population. Il y a actuellement beaucoup de gens qui devraient bénéficier de l'assurance-emploi mais qui ne le peuvent pas. Nous offrons certaines recommandations précises quant aux changements qu'il faudrait selon nous apporter à la Loi sur l'assurance-emploi de manière à étendre la portée de cette assurance, mais aussi l'admissibilité pour les cotisants qui méritent de pouvoir y faire appel.

    En guise de conclusion, j'aimerais souligner que notre syndicat insiste pour que le gouvernement assume ses responsabilités de gardien de l'intérêt public. Il faut que le gouvernement pourvoie aux besoins de la population, et pas uniquement à ceux des entreprises et des riches, et il faut qu'il prenne les mesures nécessaires pour arrêter la privatisation et la destruction des services publics.

    Nous sommes en passe de mettre la touche finale à notre quatrième rapport annuel sur la privatisation. Cette édition-ci de notre rapport parlera de ce qui se passe dans nos collectivités, étant donné que c'est là où vivent les gens. C'est là précisément que le bât blesse. C'est là aussi où surgissent toutes ces préoccupations que nous faisons valoir. Nous avons l'intention de vous le faire parvenir dès qu'il sera publié, c'est-à-dire sans doute très bientôt, afin de vous fournir d'autres preuves encore de ce que nous avançons.

    Je vous remercie.

À  +-(1015)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Capitaine Adamus, vous avez la parole.

+-

    Capitaine Dan Adamus (président, Comité des affaires gouvernementales, Association des pilotes de ligne, Internationale): Je vous remercie, madame la présidente.

    Je suis le commandant Dan Adamus et je représente ici l'Association des pilotes de ligne, Internationale. Je suis le président des affaires gouvernementales au conseil canadien de l'ALPA. Je suis également un pilote d'Air Canada Jazz.

    Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Gail Misra, la conseillère juridique de l'ALPA, qui vient de Toronto.

    Je vous remercie de me donner la possibilité de m'adresser au comité aujourd'hui. Notre exposé aura une connotation légèrement différente de celle de nos collègues puisque nous allons exclusivement parler de questions intéressant l'aviation civile.

    L'ALPA représente plus de 62 000 pilotes professionnels qui travaillent pour 42 compagnies aériennes au Canada et aux États-Unis. En sa qualité de représentante des employés de l'industrie du transport aérien, l'ALPA est vivement intéressée par la santé économique et la prospérité de cette industrie.

    Dans la période qui a suivi les événements du 11 septembre 2001, on s'est rendu compte plus que jamais auparavant que l'aviation était vraiment une partie intégrante de l'économie canadienne. Il s'agit du moyen de transport le plus fiable et le plus économique pour le transport de marchandises et de passagers dans notre vaste pays. C'est particulièrement vrai lorsqu'on parle des territoires éloignés du Nord.

    Avec cette préoccupation à l'esprit, l'ALPA aimerait attirer votre attention sur trois principaux sujets de préoccupation en espérant que vous les prendrez en considération lorsque vous élaborerez le prochain budget. Il s'agit en l'occurrence du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, de l'assurance contre le risque de guerre et de la stabilisation de l'industrie du transport aérien.

    S'agissant du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, vous vous souviendrez peut-être que dans une présentation antérieure que nous avions faite au comité, nous étions fortement opposés à l'introduction de ce droit en raison du climat économique qui régnait alors. Les événements du 11 septembre ont clairement démontré à quel point un système de transport aérien est important pour le bon fonctionnement de l'économie nationale. Nous pensions que l'introduction de ces frais supplémentaires imposait une redevance punitive aux compagnies aériennes de transport aérien ? que cela survenait à un moment très inopportun.

    L'ALPA vous avait fait remarquer alors qu'à son avis, le droit pour la sécurité devrait être une redevance dégressive, étant donné que la redevance de 24 $ est la même quelle que soit la distance parcourue par le passager. Cela veut dire que quelqu'un qui prend l'avion entre Ottawa et Toronto ou entre Edmonton et Calgary doit payer la même redevance que le passager qui voyage entre Vancouver et Halifax.

    L'ALPA avait prédit que ces frais supplémentaires affecteraient particulièrement les avions de ligne qui parcourent de courtes distances à l'intérieur du pays, par exemple Air Canada Jazz et Westjet. Ces transporteurs aériens ont travaillé très fort pour créer un marché pour lequel ils espéraient convaincre les automobilistes de prendre l'avion. Comme nous l'avions prévu, Westjet fait déjà face à une diminution du nombre de passagers sur ses vols nationaux de courte distance. Dès lors, le nombre de ses vols a été revu à la baisse.

    Même aux États-Unis, où la redevance est bien moins importante qu'au Canada, les analystes ont prédit que ce sont les transporteurs aériens à faible coût comme Southwest Airlines qui en subiront le plus les conséquences négatives. Le concept de l'utilisateur-payeur n'est pas applicable dans les circonstances actuelles.

    Il faut se rappeler que les terroristes qui ont perpétré les attentats du 11 septembre ne visaient pas le système de transport aérien, mais qu'ils l'ont plutôt utilisé pour transformer des avions en armes de destruction de masse contre le grand public et les institutions gouvernementales.

    Nous croyons savoir qu'il y aura une révision du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien en novembre prochain. Là encore, l'ALPA encourage le gouvernement à abandonner complètement cette redevance. L'application du concept de l'utilisateur-payeur dans le contexte de la sécurité du Canada est injuste et préjudiciable à l'industrie du transport des passagers, qui est déjà fortement éprouvée.

    Néanmoins, si le gouvernement décidait au bout du compte de conserver cette redevance sur la sécurité, l'ALPA privilégierait l'introduction d'une redevance proportionnelle à la distance parcourue par le voyageur et proportionnelle aussi aux améliorations des installations de sécurité des aéroports. Toutefois, nous pensons que la sécurité dans les aéroports concerne le grand public et devrait donc être financée par le biais des recettes fiscales ordinaires et pas uniquement par les voyageurs.

    S'agissant du deuxième élément, l'assurance contre le risque de guerre, à la suite des événements du 11 septembre, les assureurs commerciaux des compagnies aériennes ont supprimé la couverture concernant le risque de guerre et pour la réintroduire ensuite en réduisant la couverture et en augmentant les primes.

    Le 22 septembre 2001, le ministre des Transports, David Collenette, a annoncé que le gouvernement canadien offrirait aux exploitants de services essentiels de l'aviation au Canada une indemnité de 90 jours pour les responsabilités des tierces parties en cas de guerre ou de terrorisme. Le gouvernement est ainsi intervenu pour que les services offerts par les compagnies aériennes ne s'interrompent pas après que les assureurs internationaux eurent indiqué qu'ils ne garantiraient plus l'assurance contre le risque de guerre qui était alors en place, étant donné les circonstances. Afin de permettre aux compagnies aériennes et aux assureurs de réévaluer la situation globale de l'assurance et d'élaborer une solution à long terme, le gouvernement s'est engagé à soutenir l'industrie du transport aérien pour un temps limité. Depuis lors, le gouvernement a renouvelé son soutien à trois reprises, mais celui-ci vient à échéance le 20 mai 2002.

À  +-(1020)  

    La question de l'assurance contre le risque de guerre ne concerne pas uniquement le Canada. Les gouvernements des États-Unis et des pays d'Europe fournissent également une assurance contre le risque de guerre à leurs compagnies aériennes étant donné qu'à ce jour les gouvernements, les assureurs et les compagnies elles-mêmes n'ont pas été en mesure de trouver une solution. Une telle assurance est actuellement trop onéreuse pour qu'une compagnie aérienne puisse l'assumer sans aide.

    Des discussions ont actuellement lieu aux États-Unis et en Europe pour mettre en place des régimes d'assurance régionaux afin d'essayer de combler le vide laissé par les assureurs internationaux. Néanmoins, il est actuellement difficile de prévoir dans quelle mesure une telle solution pourrait s'appliquer au Canada, car nous avons peu de compagnies aériennes et la plupart sont très petites. Il est par conséquent essentiel que le gouvernement canadien continue à collaborer avec l'industrie du transport aérien afin de minimiser l'impact des événements du 11 septembre et de fournir une assurance contre les risques de guerre jusqu'à ce qu'une solution commerciale de longue durée puisse être trouvée.

    Dans le contexte du marché canadien, il semble qu'un produit basé uniquement sur le marché économique ne sera pas viable. L'ALPA demande dès lors que le gouvernement s'engage à fournir un soutien de longue durée en ce qui concerne la couverture de ce risque, sans quoi les compagnies aériennes canadiennes ne seront pas en mesure de poursuivre leurs activités.

    Le troisième et dernier élément concerne la stabilisation de l'industrie du transport aérien. En juillet 2000, lorsque le projet de loi C-26 a été adopté dans le but d'assurer la restructuration ordonnée de l'industrie canadienne du transport aérien, l'un des principes de base de cette loi était de promouvoir la concurrence et de garder l'industrie nationale du transport aérien dans des mains canadiennes. Le gouvernement s'est engagé à avoir une industrie du transport aérien «faite au Canada» en tenant compte du fait que notre pays compte relativement peu d'habitants, que nous avons une grande surface habitable et que, dès lors, nous ne pouvons pas nous fier à des transporteurs aériens étrangers pour desservir adéquatement notre pays. Toutefois, l'ALPA craint que, si le gouvernement ne met pas rapidement en place un plan et une politique pour soutenir et aider l'industrie canadienne du transport aérien, cette industrie risque de se retrouver au bord du gouffre.

    Vous vous souviendrez certainement qu'à cette époque-ci l'an dernier, Canada 3000 était une compagnie aérienne en plein essor. Or, à la suite du 11 septembre et en raison de la récession économique qu'a subie l'industrie du transport aérien, Canada 3000 a rapidement périclité et a finalement dû déposer son bilan, à la suite de quoi près de 5 000 employés se sont retrouvés au chômage et des milliers de voyageurs ont été bloqués à l'étranger avec des billets d'avion qui ne valaient plus rien.

    À l'automne 2001, le gouvernement a annoncé qu'il fournirait une aide financière aux compagnies aériennes affectées par les événements du 11 septembre. Néanmoins, lorsque Canada 3000 s'est retrouvée dans une situation désastreuse, le gouvernement n'a pas pu fournir l'aide qui était nécessaire assez rapidement. Après l'effondrement de Canada 3000, la suprématie d'Air Canada s'est encore renforcée, et cette dernière est actuellement la compagnie dominante dans le monde canadien du transport aérien. Les effets reliés à la baisse de la concurrence ont été ressentis par les passagers et par les entreprises, car le niveau des services a baissé et le prix des billets a augmenté. De plus, le nombre de vols a été réduit.

    Lorsque la situation économique est bonne, les compagnies aériennes opèrent en ayant une marge exiguë. Afin de composer avec les cycles de l'industrie et pour assurer la prospérité de cette dernière, il faut que le gouvernement mette en place un fonds de stabilisation sur lequel les compagnies aériennes canadiennes pourraient s'appuyer en cas d'urgence ou lors de circonstances exceptionnelles. Pour réglementer l'accès à ce fonds, il faudra élaborer des directives claires concernant l'admissibilité. Néanmoins, il ne faut pas que ces conditions soient trop exigeantes, ce qui risquerait de rendre le fonds inaccessible. En particulier, l'obligation de résultats associée à une éventuelle aide financière ne saurait exiger des employés de la compagnie aérienne demanderesse qu'ils assument l'essentiel du fardeau économique par des concessions salariales et des reculs sur leurs autres conditions d'emploi. Ce serait purement et simplement injuste que les travailleurs soient forcés de payer pour la survie et la croissance de leur employeur.

À  +-(1025)  

    Par ailleurs, lorsqu'une demande d'intervention financière est présentée au fonds, il faudrait que le gouvernement soit en mesure d'y répondre rapidement. Par définition, on doit pouvoir répondre rapidement à une urgence ou à une situation exceptionnelle. Si le gouvernement met des semaines et des mois à répondre, une situation précaire peut devenir incontrôlable et impossible à sauver avant que des mesures appropriées puissent être prises. Canada 3000 en est un bel exemple.

    Pour assurer la stabilité de l'industrie canadienne du transport aérien et garantir la concurrence entre compagnies aériennes, nous proposons que le gouvernement mette à disposition une certaine aide pour stabiliser l'industrie. Sans cette aide, le nombre de transporteurs aériens entre lesquels les consommateurs peuvent choisir diminuerait et il est à craindre qu'une seule compagnie aérienne ait le monopole du transport aérien au Canada. Dès lors, nous recommandons que le gouvernement mette en place un fonds de stabilisation permanent pour l'industrie du transport aérien.

    En conclusion, l'industrie du transport aérien a fourni d'importants efforts pour vivre avec la récession à laquelle font face le transport aérien et l'économie. Comme cela a été le cas pour Canada 3000, les travailleurs ont souffert ou se sont unis pour aider leur employeur à relever les défis actuels. Nous sommes ici aujourd'hui pour demander au gouvernement fédéral de s'engager pour permettre à l'industrie du transport aérien de se remettre à flot et pour qu'il y ait véritablement une saine concurrence dans cet élément vital de l'économie canadienne.

    Les événements de ces derniers mois ont démontré à quel point le système de transport aérien est vital pour le bon fonctionnement de l'ensemble de l'économie nationale. Il est certain que le soutien de cette industrie, particulièrement dans la situation actuelle, profite au grand public et que le gouvernement ne devrait pas renoncer aux responsabilités qu'il a à l'endroit d'un des éléments essentiels de l'infrastructure canadienne.

    L'ALPA aimerait encore une fois vous remercier de nous avoir permis de témoigner devant le comité afin de vous faire connaître notre point de vue. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant commencer notre premier tour de questions par des interventions de 10 minutes.

    Monsieur Jaffer, je vous en prie.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne): Je vous remercie, madame la présidente.

    Je voudrais remercier tous les témoins qui sont venus nous faire un exposé ce matin. J'ai trouvé tout cela fort utile. Dans certains secteurs, j'aurais toutefois des questions dont vous n'avez pas nécessairement parlé dans vos exposés, mais ce sont des choses qui me sont venues à l'esprit lorsque je vous écoutais.

    Pour commencer, je voudrais m'adresser surtout à ceux de nos témoins qui représentent les milieux syndicaux, mais si l'industrie du transport aérien a quelque chose à faire valoir, je serais également heureux de l'entendre.

    En lisant vos mémoires et en écoutant vos exposés, je constate que vous réclamez manifestement un réinvestissement dans certains domaines et il est clair que, dans certains cas, je serais sans doute d'accord avec vous.

    Il semble que cet appel à un réinvestissement sonne haut et clair dans bien des secteurs. Par contre, je n'ai pas fait le total de ce que représenterait ce que vous réclamez. Il est certain qu'une partie de cet argent pourrait provenir des excédents budgétaires. Bien souvent aussi, il faudrait sans doute trouver des fonds supplémentaires.

    Étant donné les problèmes auxquels le gouvernement a dû faire face dans le domaine de la sécurité et les autres secteurs dans lesquels les gouvernements n'avaient jusqu'à présent pas dû intervenir financièrement, vos organismes seraient-ils favorables à ce que le gouvernement réévalue ses dépenses afin de redistribuer les ressources? Faudrait-il qu'il aille jusqu'au bout de l'exercice, quitte à envisager de recourir à nouveau au financement par endettement que nous pensions révolu? Que recommanderiez-vous au gouvernement pour son prochain budget?

    La présidente: Allez-y, madame Stinson.

+-

    Mme Jane Stinson: Je pense que les deux ont leur importance. À mon avis, il est toujours indiqué que le gouvernement examine ses dépenses et se demande s'il ne devrait pas redistribuer ses ressources.

    Nous avons également la conviction que, dans certains cas, le financement par endettement est une solution possible, sous réserve toutefois d'être bien conscient du niveau d'endettement jusqu'où on veut aller. Il est évident qu'à notre avis, si l'économie est particulièrement robuste et si nous pouvons compter sur un certain actif, le financement des dépenses publiques par emprunt doit être une solution envisageable si elle s'avère nécessaire.

    Je vais laisser mes collègues développer l'argument.

+-

    M. Pierre Laliberté: Même si je suis d'accord avec ce que dit ma collègue, je crois que pour les programmes permanents, nous avons besoin d'un budget. Nous ne pouvons pas utiliser un excédent contrôlé en disant que nous allons maintenant prendre un milliard de dollars et le verser dans un fonds de bourses d'études d'un million de dollars. Ce n'est pas une politique sérieuse. C'est de l'improvisation.

    Je crois que vous avez raison. Il faut examiner ce dont nous avons besoin, puis trouver les ressources nécessaires pour en assurer le financement. S'il arrive qu'en raison de la situation économique, nous connaissions un déficit, ce n'est pas en soi catastrophique. Nous pouvons en sortir.

    La présidente: Monsieur Dagenais.

À  +-(1030)  

[Français]

+-

    M. Vincent Dagenais: Votre question touche à un des problèmes majeurs de la fabrication des budgets au niveau fédéral. On en maintient volontairement les niveaux bas, créant ainsi des surplus, et on voit ensuite aux besoins, non pas dans le cadre de programmes continus, quitte à en négocier l'application avec les provinces parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des compétences partagées, mais coup par coup, comme si c'était des cadeaux qui viennent du fédéral et qui ont une durée limitée. Cela correspond à la critique qu'on fait du mode de fonctionnement du budget actuel, qui est présenté comme étant équilibré et transparent, alors qu'il est en pratique fondamentalement déséquilibré, puisqu'on fabrique systématiquement des surplus, et non transparent. Les besoins que le gouvernement fédéral constate comme tout le monde sont traités coup par coup, avec des budgets limités, qui sont également limités dans le temps. Donc, il nous semble qu'il y aurait lieu de réviser les programmes actuels et de financer la couverture des besoins sur une base continue, en maintenant la négociation avec les provinces dans tous les domaines de compétence partagée.

[Traduction]

+-

    M. Rahim Jaffer: L'autre question que j'aimerais poser et qui s'adresse précisément aux syndicats, est une question à laquelle j'ai déjà réfléchi. Notre économie connaît un ralentissement. On espère qu'elle se redressera, ce qui réduira le taux de chômage à l'avenir. Compte tenu de tous les changements qui surviennent dans l'économie, quelles sont les difficultés auxquelles font face vos organisations, surtout dans un secteur de l'industrie où il pourrait y avoir un surplus de travailleurs? Quels sont les secteurs qui connaissent à l'heure actuelle une pénurie de main-d'oeuvre? En tant que législateurs fédéraux, quel rôle devrions-nous assumer pour tâcher de remédier à certaines pénuries de travailleurs spécialisés? C'est un problème qui surgit de temps à autre. Comme vous êtes bien au courant de la situation, il serait intéressant de connaître vos opinions à cet égard.

+-

    La présidente: Monsieur Laliberté.

+-

    M. Pierre Laliberté: Nous constatons les mêmes problèmes que vous. L'un des secteurs où nous connaissons de graves problèmes, c'est celui des soins infirmiers. Cela ne nous étonne pas beaucoup étant donné que le taux d'épuisement professionnel dans cette industrie est absolument incroyable. C'est le résultat des événements des dix dernières années. Il faudra du temps, je crois, pour rétablir le niveau de nos ressources humaines dans ce secteur. Nous devons maintenant recourir à toutes sortes de régimes d'incitatifs pour tâcher d'atténuer un problème qui n'aurait jamais dû exister.

    Au cours des prochaines années, certains des baby-boomers vont prendre leur retraite, et dans de nombreuses professions et métiers, cela va créer des pénuries généralisées. La situation n'est pas particulièrement grave pour l'instant, mais elle risque probablement de s'aggraver d'ici cinq ans. Dans bien des cas, ce qui rend la situation un peu plus difficile, c'est que ces pénuries se produiront probablement dans nos régions, pas forcément dans les régions métropolitaines. Il deviendra d'autant plus difficile d'essayer d'attirer les travailleurs spécialisés dans les secteurs voulus. Heureusement, le secteur privé commence à se rendre compte de la situation.

[Français]

+-

    M. Vincent Dagenais: Je voudrais simplement vous rappeler la dernière réunion des ministres de l'Emploi du G-8. L'initiative canadienne s'est d'ailleurs centrée sur ces problèmes de main-d'oeuvre que vous soulevez. Je répète que les organisations syndicales qui étaient présentes se sont déclarées de façon générale assez satisfaites des orientations prises. En effet, on identifie un problème d'adaptation de la main-d'oeuvre, que ce soit à cause du vieillissement ou des changements technologiques. Il est donc nécessaire d'élaborer des programmes et une approche de formation continue.

    Dans ce cadre-là, la CSN, en tant qu'organisation syndicale, a dit qu'il fallait se méfier de toutes les tendances à la déréglementation et de tout assouplissement du marché du travail qu'on effectue sous prétexte d'adapter le marché du travail au changement. La meilleure façon de faire face au changement est que les travailleurs acceptent la formation et le recyclage. L'adaptation, c'est maintenir un ensemble cohérent de protection, de garanties et d'accompagnement qui font en sorte qu'on puisse développer des programmes de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre en regard de ces deux problèmes qui sont très présents, c'est-à-dire le vieillissement et le changement technologique.

    Sans vouloir trop insister là-dessus, je me permets de rappeler que ces deux domaines, soit la formation et la réglementation du marché du travail, sont de toute évidence des domaines de compétence provinciale. Je ne saurais trop insister sur le fait qu'il doit y avoir des ententes et de la collaboration à ces niveaux.

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Madame Stinson, si vous voulez faire un bref commentaire.

+-

    Mme Jane Stinson: Je vous remercie.

    J'aimerais faire quelques observations. La première, c'est que les réductions des dépenses publiques et la privatisation accrue contribuent aux pénuries de main-d'oeuvre. Elles créent des conditions qui obligent les travailleurs, qui ont des options, à chercher de l'emploi ailleurs. Un exemple que nous connaissons probablement bien, c'est celui des infirmières.

    Les réductions des dépenses publiques signifient que les infirmières et d'autres travailleurs du secteur de la santé s'épuisent à faire leur travail. Nous avons fait de nombreux sondages qui nous ont permis de constater que nos membres dans tous les secteurs travaillent bien au-delà de leurs heures de travail rémunérées. Ils essaient de maintenir un niveau de service qu'ils estiment devoir fournir, même s'ils ne sont pas rémunérés pour ces heures.

    Par ailleurs, la privatisation contribue habituellement à la diminution des salaires et à une augmentation du travail à temps partiel, qui sont ici encore des conditions qui encouragent ceux qui ont d'autres possibilités d'abandonner ce genre de travail. Je pense que ce sont des aspects importants dont il faut tenir compte.

    Un autre aspect, bien entendu, est l'importance d'établir un plan de ressources humaines qui détermine les besoins et prévoit de la formation. Mais il faut aussi créer les conditions de travail qui encouragent les travailleurs à rester dans ces domaines.

    En conclusion, il faut reconnaître l'importance des services humains, tant comme source d'emploi que pour répondre aux besoins. Il faut donc prévoir un financement suffisant à cet égard et mettre davantage l'accent sur cet aspect, compte tenu des membres que nous représentons. Mais nous devons aussi reconnaître que le gouvernement doit jouer un rôle important dans l'élaboration d'une stratégie de développement économique, qui tient également compte des besoins futurs en matière d'emploi.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Commandant, j'entendrai un bref commentaire, puis votre temps sera écoulé, monsieur Jaffer.

+-

    Capitaine Dan Adamus: Pour ce qui est de la main-d'oeuvre disponible, en ce qui concerne directement les questions qui intéressent le secteur de l'aviation, le nombre de pilotes commence à diminuer simplement en raison de la situation de l'industrie du transport aérien. Il n'y a pas beaucoup de jeunes gens dans les écoles de pilotage ces jours-ci, et nous risquons de connaître une réelle pénurie de pilotes au cours des cinq à dix prochaines années.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Loubier, s'il vous plaît.

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, madame la présidente.

    Bonjour et bienvenue au Comité des finances.

    Monsieur Laliberté et monsieur Dagenais, vous m'avez donné ce matin l'idée de trouver une nouvelle définition à suggérer au Petit Larousse, celle de votre expression «prudent comme un Martin». Je vais vous en donner une, et vous me direz ce que vous en pensez: expression populaire canadienne, se dit d'une personne qui, se réclamant cyniquement d'une prudence élémentaire, raconte absolument n'importe quoi avec le plus grand sérieux. Seriez-vous d'accord sur une suggestion de cette nature? Vous n'êtes pas obligés de me répondre. De toute façon, je vais la retravailler et je la suggérerai.

À  +-(1040)  

+-

    M. Vincent Dagenais: Pour les fins de la Chambre.

+-

    M. Yvan Loubier: Oui, effectivement. Vous avez raison de mettre le doigt sur cet important problème. Depuis 1997, la question du déséquilibre fiscal et des surplus non annoncés mais qui surviennent comme par magie alors qu'ils étaient prévisibles au départ travestit le débat démocratique et tout débat qu'on pourrait avoir sur l'allocation des surplus.

    J'ai fait un petit calcul. Depuis 1997, depuis qu'on fait des surplus, les sous-estimations systématiques représentent à peu près 40 milliards de dollars. Cela veut dire que depuis 1997, on a extrait du débat public 40 milliards de dollars des ressources financières qui n'appartiennent pas à Paul Martin et dont il se réclame année après année en disant que ces surplus sont attribuables à la bonne gestion de gouvernement. Finalement, quand on fait le cumul de ces 40 milliards de dollars depuis 1997, on constate qu'ils correspondent grosso modo au surplus accumulé de la caisse d'assurance-emploi.

    Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus? On fait cette bataille depuis 1997, et le Bloc a même proposé un projet de loi sur la clarté fiscale et l'imputabilité. Chaque fois qu'on tentait de faire en sorte que le ministre soit imputable de ses décisions et de ses prévisions devant la Chambre, notre projet était rejeté. Que peut-on faire d'autre que les recours juridiques comme ceux que fait actuellement la CSN pour recentrer les ressources fiscales sur les besoins et les priorités des gens? Je trouve que la façon dont on fonctionne n'a plus de bon sens.

+-

    M. Vincent Dagenais: Qu'est-ce qu'on peut faire? Eh bien, il faut mener le débat de façon publique et systématique, c'est-à-dire...

+-

    M. Yvan Loubier: Mais ils ne veulent même pas. Ils ne reconnaissent même pas qu'il y a un déséquilibre. Que doit-on faire? On a un problème.

+-

    M. Vincent Dagenais: Même si M. Martin ne le reconnaît pas, il faut lui reposer la question. Je ne vous dirai pas quoi faire en Chambre, mais sur le terrain, nos préoccupations demeurent et nous allons continuer à talonner M. Martin ou quelqu'un d'autre. Qu'il s'agisse de l'assurance-emploi ou du surplus, c'est effectivement de l'argent qui appartient aux Canadiens et aux Canadiennes, et on ne peut pas accepter qu'année après année, on continue ce jeu de cache-cache qui fait en sorte que les décisions budgétaires nous échappent complètement. Il y a une question d'imputabilité, qui est fondamentale dans le régime parlementaire, et il y a une question de transparence. En bout de ligne, il faut traiter les problèmes et les besoins des gens pour ce qu'ils sont.

    La querelle sur l'assurance-emploi est peut-être une querelle sur la caisse, mais c'est essentiellement une querelle qu'on mène au nom des gens qui sont en chômage et de la main-d'oeuvre, parce que ce sont eux qui sont les perdants.

    La question du déséquilibre fiscal est évidemment du domaine des querelles fédérales-provinciales, mais au bout du compte, ce sont les citoyens et les citoyennes de toutes les provinces du Canada qui en souffrent parce que leurs besoins ne sont pas comblés.

    Je suppose que les députés de la Chambre vont faire le travail qu'ils ont l'habitude de faire. De notre côté, sur le terrain, nous n'allons pas lâcher le morceau.

+-

    La présidente: Monsieur Laliberté, s'il vous plaît.

+-

    M. Pierre Laliberté: Je pense que M. Dagenais a bien cerné la question. C'est une question qui est éminemment politique et c'est aussi, comme il le disait, une question d'imputabilité. Je pense que c'est la prérogative du Comité des finances que de rappeler le ministre des Finances à l'ordre sur ces questions.

+-

    M. Yvan Loubier: Il faut rappeler le ministre des Finances à l'ordre.

+-

    M. Pierre Laliberté: Oui.

+-

    M. Yvan Loubier: Je le répète au cas où ils ne l'auraient pas compris.

+-

    M. Pierre Laliberté: Évidemment, ici, on ne parle pas tant de gestion des finances publiques que de gestion des perceptions. Donc, on veut gérer les perceptions pour faire croire que les situations sont perpétuellement pires qu'elles ne le sont et diminuer les attentes des gens. Quand on le fait une fois ou deux, ça va, mais quand on le fait systématiquement, on voit ce que cela donne. Je ne veux présumer de rien, mais à un moment donné, il faut qu'on ait des chiffres ayant un peu plus d'allure. Nous sommes en général d'accord avec vous là-dessus.

+-

    M. Vincent Dagenais: Si je peux me permettre quelques mots supplémentaires, je dirai que des occasions importantes se présentent pour le gouvernement canadien quand il se trouve des consensus entre les différentes provinces. Je répète qu'il ne s'agit pas d'en faire une querelle Québec-Ottawa. Ce n'est pas de ça qu'il est question.

    Quand les ministres des Finances se réunissent, arrivent à un consensus et commandent des études qui seront faites pour toutes les provinces, il me semble que le gouvernement fédéral devrait être très réceptif. Il a là une bonne occasion d'engager le débat ouvertement, sans présumer de l'issue de ce débat.

À  +-(1045)  

+-

    M. Yvan Loubier: Absolument.

    J'aimerais poser une question au capitaine Adamus. Nous étions totalement en désaccord sur l'introduction d'un nouveau tarif pour la sécurité. D'ailleurs, vous avez collaboré à une coalition que nous avions conçue avec les partis de l'opposition, en particulier avec l'Alliance canadienne. Quels sont vos espoirs quant à la révision de novembre? Vous avez continué à faire des représentations après cette dénonciation. Vous avez parlé des effets que cela pouvait avoir sur les activités du secteur du transport aérien et sur le développement des régions. Croyez-vous qu'en novembre, ce gouvernement reviendra à une meilleure disposition et sera plus cohérent entre sa volonté d'aider l'industrie aérienne, depuis le 11 septembre en particulier, et le fait qu'il est en train de l'assommer avec un nouveau tarif pour la sécurité? Croyez-vous que cette taxe puisse disparaître?

[Traduction]

+-

    Capitaine Dan Adamus: Nous l'espérons. Est-ce probable? Sans doute pas.

    En fait, nous pensons que ce qui s'est produit le 11 septembre était une attaque menée contre la vie humaine, contre des organismes gouvernementaux, mais que cela n'avait rien à voir avec l'industrie du transport aérien, et nous ne jugeons pas qu'il faille donc taxer les passagers à cause de ce qui s'est passé. Encore une fois, nous avons dit que si cette taxe doit demeurer, elle doit être proportionnelle. En d'autres termes, le montant de la redevance doit dépendre de la longueur du trajet. Quoi qu'il en soit, il est certain que pour les courtes distances, c'est une taxe qui nuit beaucoup à l'industrie du transport aérien.

    Je pourrais d'ailleurs ajouter que si cette attaque avait eu lieu, mettons, dans le métro de New York, est-ce que les gouvernements auraient pensé à ajouter une taxe à chaque ticket de métro? Cela ne nous semble pas du tout logique. La défense est une question d'intérêt national et la dépense devrait donc être partagée par tous les citoyens canadiens.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Vous avez dit une chose qui m'a fait un peu sourciller. Vous disiez qu'il fallait absolument que les entreprises de transport qui opèrent en sol canadien soient canadiennes, parce que de telles entreprises sont mieux en mesure de desservir les régions éloignées à faible densité de population, les petites collectivités. Comment conciliez-vous cette affirmation et le fait qu'au cours des 10 dernières années, presque toutes les lignes à faible densité ont été abandonnées? Récemment, on a abandonné la ligne Gaspé--Îles-de-la-Madeleine et on en a abandonné plusieurs autres auparavant. Comment conciliez-vous cette déclaration avec le fait que les compagnies aériennes canadiennes qui desservent maintenant les régions abandonnent de plus en plus des lignes qui sont jugées moins rentables, même si elles demeurent toujours rentables jusqu'à un certain point?

[Traduction]

+-

    Capitaine Dan Adamus: Je vais demander à Mme Misra de répondre à cette question.

+-

    Mme Gail Misra (conseillère juridique, Association des pilotes de ligne, Internationale): Merci. Je pense que la question que vous avez posée au sujet des services offerts aux régions éloignées est tout à fait pertinente.

    Comme vous le savez peut-être, le gouvernement américain offre une aide considérable aux compagnies aériennes qui desservent les petites collectivités qui, sinon, risqueraient d'être privées de service. À notre avis, dans un pays comme le nôtre, où il y a des localités qui sont mal desservies par le chemin de fer et encore moins par les compagnies aériennes, il est impératif que le gouvernement offre son aide. Évidemment, tout est une question de besoin. Mais s'il s'agit d'une desserte qui n'est pas économiquement rentable, je pense qu'il incombe au gouvernement de faire en sorte que les gens qui vivent très à l'écart puissent bénéficier des services dont ils ont besoin. Il s'agirait en l'occurrence d'offrir des subventions ciblées aux collectivités qui doivent être desservies.

    Si vous avez besoin d'autres éclaircissements, je serais heureuse de vous les fournir.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Quel type de programme a-t-on aux États-Unis pour le soutien des petites collectivités? Comment est-ce que cela fonctionne? Quel est le montant? Est-ce que vous avez de la documentation à cet égard? Je trouve cela intéressant.

À  +-(1050)  

[Traduction]

+-

    Mme Gail Misra: Je n'ai pas beaucoup de documentation à ce sujet, mais je pourrais vous en faire parvenir étant donné que l'ALPA est une association internationale et que nous avons par conséquent certains documents à ce sujet.

    J'ai lu les documents qui nous ont été communiqués tout dernièrement, et j'en ai conclu que c'est l'administration municipale qui devrait introduire une demande auprès du gouvernement fédéral. Il y a ensuite une analyse des besoins et des raisons pour lesquelles la desserte n'est pas économiquement rentable, et si l'agence fédérale est convaincue que cette ligne doit être subventionnée, elle demande aux transporteurs aériens commerciaux de présenter une soumission en conséquence, étant bien entendu que la ligne sera subventionnée. Une des compagnies aériennes obtient le contrat et s'engage à offrir le service pendant un laps de temps donné.

    Nous essaierons avec plaisir de vous faire parvenir de la documentation à ce sujet.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Cullen.

[Français]

+-

    M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie aussi les témoins pour leurs présentations.

    Je poserai une question à chacun des témoins si j'ai suffisamment de temps. Je ne sais plus quel témoin a parlé du chapitre 11 de l'ALENA. Est-ce M. Laliberté ou M. Dagenais?

    Une voix: Tout le monde en a parlé.

    M. Roy Cullen: Tout le monde.

[Traduction]

    J'avais le même genre de préoccupations au sujet du chapitre 11, mais savez-vous que, tout récemment encore, certaines grosses compagnies forestières--Canfor et Tembec--ont intenté des poursuites en vertu du chapitre 11 en accusant le gouvernement des États-Unis d'avoir porté préjudice à leurs intérêts en raison de son intervention intempestive et déraisonnable dans le dossier du bois d'oeuvre? Cela m'a porté à réfléchir dans un deuxième temps au sujet du chapitre 11 de l'ALENA et je me demande si vous avez pensé la même chose.

[Français]

+-

    M. Vincent Dagenais: Avec cette poursuite que Tembec vient d'intenter en rapport avec la levée de droits extraordinaires sur le bois d'oeuvre, nous avons une bonne illustration du fait que, sans approuver quoi que ce soit de la politique américaine, ce chapitre permet à des entreprises de contester des politiques mises de l'avant par des gouvernements. C'est en ce sens que le chapitre est pernicieux. Il faut bien voir qu'en pratique, la plupart des poursuites qui ont été intentées en vertu du chapitre 11 en rapport avec l'application de l'ALENA attaquaient des dispositions législatives ou réglementaires portant sur l'environnement ou sur la possibilité pour le Canada d'offrir un service public. Je pense notamment à la poursuite contre Postes Canada par UPS.

    Je rejoins tout à fait ma collègue dans le sens suivant: si on couple une tendance à la privatisation des services publics et les dispositions de l'ALENA, notamment celles du chapitre 11, on a un mélange parfaitement explosif qui risque de nous mener à une déconstruction complète des services publics, cela dans des dimensions qu'on soupçonne à peine. Je prends l'exemple de la poursuite de UPS contre Postes Canada. UPS, en vertu du chapitre 11, réclame non seulement d'être compensée pour des profits qu'elle escomptait faire, mais aussi d'avoir accès au réseau public canadien. Si jamais UPS gagne sa poursuite, rien ne nous dit que ce même raisonnement ne pourra pas être étendu à tous les autres domaines publics, que ce soit l'éducation ou la santé.

    Donc, dans ce chapitre, on prévoit la possibilité pour les entreprises de contester des dispositions gouvernementales. On a là tous les ingrédients nécessaires pour débâtir complètement les services publics et empiéter sur les compétences des différents parlements.

[Traduction]

+-

    M. Roy Cullen: Nous pourrions ouvrir tout un débat à ce sujet. Je pense que l'intervention intempestive et irrationnelle des États-Unis dans le dossier du bois d'oeuvre a donné à certaines de ces compagnies un vecteur qui risque de se révéler en fin de compte fort efficace.

    Mais poursuivons. Merci beaucoup. Cela donne amplement matière à réflexion.

[Français]

    Au sujet de la commission Séguin, monsieur Dagenais, vous avez dit qu'au gouvernement fédéral, ça ne donne pas grand-chose de considérer le déséquilibre fiscal.

À  +-(1055)  

[Traduction]

    Mais tout en disant cela, vous affirmez également qu'il y a un déséquilibre fiscal, surtout dans le cas du Québec. Je voudrais y revenir parce que je ne suis pas certain d'être d'accord avec vous.

    Je dois avouer que j'étais particulièrement étonné par cela dans le cas du Québec étant donné, pour commencer, que cette province reçoit plus de la moitié de tous les paiements de péréquation. Par contre, si vous regardez les assiettes fiscales des différents gouvernements provinciaux, vous constatez qu'ils peuvent intervenir dans le domaine de l'impôt des sociétés, dans celui de l'impôt des particuliers, dans celui des taxes à la consommation et dans celui des taxes sur la masse salariale. Les gouvernements provinciaux peuvent donc imposer leurs propres barèmes.

    J'imagine que ce n'est peut-être pas aussi patent au Québec, mais en Ontario, la province dans laquelle je réside, et dans d'autres provinces également, les gouvernements ont énormément sabré dans les impôts. Par conséquent, lorsque nous parlons de déséquilibre fiscal, je dois dire qu'en ce qui me concerne, je compatis davantage avec les municipalités qu'avec les provinces.

    On pourrait parler en abondance de la commission Séguin, mais les projections du Conference Board en matière fiscale ont fort bien montré que si les projections étaient peut-être un peu pessimistes, un petit changement aurait pu influer sur la dynamique du rapport de la commission. Je voudrais simplement ajouter, pour mémoire, que le rapport Séguin ne m'a pas vraiment convaincu.

    Bon, c'est peut-être un peu injuste de ma part de dire cela et, si nous avions le temps, vous pourriez peut-être revenir là-dessus, monsieur Dagenais. Par contre, je voudrais également poser une question à Mme Stinson si c'est possible... sauf si vous voulez ajouter quelque chose.

[Français]

+-

    M. Vincent Dagenais: En une phrase ou deux, j'aimerais simplement dire que je ne vous demande pas d'être d'accord avec Séguin aujourd'hui. D'ailleurs, les études du Conference Board sont utilisées aussi par le gouvernement canadien dans d'autres circonstances. Ce à quoi je m'attends du gouvernement canadien, c'est qu'il entame publiquement le débat de façon très ouverte avec les provinces. Les ministres des Finances de toutes les provinces se sont réunis dernièrement et ont constaté... Peut-être qu'ils ont tous tort, peut-être que toutes les provinces ont tort; je ne vous demande pas de trancher ici, mais il me semble que le minimum serait... Ce que vous citez, c'est ce qu'on retrouve sur le site Internet du gouvernement canadien. On peut lire ce que vous venez de dire sur le site Internet du gouvernement canadien. Il me semble que ça ne devrait pas être uniquement sur le site Internet, qu'on devrait débattre de cette fiscalité, de ce problème fiscal, autour d'une table, entre Canadiens.

[Traduction]

+-

    M. Roy Cullen: Quelle que soit la nature du débat, les faits m'intéressent également.

    Madame Stinson, vous en parlez dans votre exposé, et même si à mon avis il est tout à fait légitime qu'on se demande pourquoi le gouvernement fédéral voudrait réduire les impôts, et c'est quelque chose dont on pourrait tout naturellement discuter, lorsque vous préconisez de ne plus réduire les impôts des riches ou des entreprises, je me demande si vous savez que 70 p. 100 de toutes les réductions d'impôts effectuées par le gouvernement fédéral ont bénéficié aux gens à faible et moyen revenu. Je me demande si vous savez aussi que, dans ce train de mesures fiscales représentant 100 milliards de dollars, les réductions d'impôts offertes aux entreprises ne représentaient que 3 ou 4 milliards de dollars.

    Si vous me permettez de le dire, cela me semble battre en brèche votre argument, tout valide soit-il, lorsque vous vous livrez à ce genre de rhétorique. Qu'auriez-vous à répondre à cela?

+-

    Mme Jane Stinson: Je pense que ce n'est pas de la simple rhétorique. Vous avez vous-même signalé ce que représentaient les réductions d'impôts pour les entreprises, mais d'après notre analyse des abattements fiscaux offerts aux particuliers, ce sont ceux qui gagnent le plus qui en ont le plus profité. C'est donc cela que nous entendons lorsque nous disons que ce sont les riches qui en profitent.

+-

    M. Roy Cullen: Je n'ai pas dit cela du tout. J'ai plutôt dit le contraire, en ce sens que 70 p. 100 des réductions d'impôts à l'intention des particuliers sont allées aux Canadiens à faible revenu, à revenu modeste.

+-

    Mme Jane Stinson: Je vois. Selon notre point de vue, ce sont ceux qui gagnent le plus qui en retirent effectivement aussi le plus. Vous avez peut-être raison en parlant de la répartition des réductions d'impôts dans l'ensemble, mais il n'empêche que celui qui a un revenu plus élevé retire davantage de ces réductions d'impôts que celui dont le revenu est plus faible. Voilà donc comment les choses se présentent sur le plan individuel.

+-

    M. Roy Cullen: Eh bien, je ne suis toujours pas convaincu, mais je vais étudier la chose plus à fond en fonction de ce que vous venez de dire.

    Commandant Adamus, pour revenir à la situation de l'industrie du transport aérien, dites-moi ce que vous pensez. Mon épouse a pris l'avion hier pour venir à Ottawa, et elle m'a dit qu'elle n'a pas réussi à trouver un emplacement de stationnement à l'aérogare 2. J'en ai parlé aux chauffeurs de taxi et de limousine, et il semble qu'il n'y ait aucune voiture dans les parcs de stationnement. Par contre, les avions semblent être remplis.

    Pourriez-vous me donner un instantané de la situation? Est-ce que les gens vont recommencer à prendre l'avion ou sommes-nous toujours en deçà des niveaux d'activités antérieurs au 11 septembre?

Á  +-(1100)  

+-

    Capitaine Dan Adamus: Je pense vraiment que c'est une question qu'il faudrait poser à la direction. De notre point de vue, les avions sont pleins. Mais je crois que les tarifs ont été réduits. Nous avons donc peut-être des avions plus pleins, mais cela ne veut pas dire que l'on gagne plus d'argent. D'autre part, la capacité a été réduite sur beaucoup de lignes. On est, par exemple, passé de dix à six vols par jour.

+-

    M. Roy Cullen: Madame la présidente, si vous me le permettez, j'aimerais encore poser une question sur les frais de sécurité aéroportuaire?

    Il me semble que l'on peut rationaliser l'idée de frais fixes. À partir du moment où on passe par la sécurité, peu importe qu'on le fasse à Kelowna, à Sept-Îles ou à Toronto, le coût est le même. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a choisi un montant fixe.

    Comme certains de mes collègues, cela m'inquiète pour les petits trajets dans les petites localités, mais si cela dépendait du tarif aérien... ma foi, évidemment vous préféreriez que cela ne coûte rien. Je serais d'accord avec vous, mais bien qu'il ne faille pas trop y compter pour le moment, il est possible que cela descende, et même beaucoup. Toutefois, si cela dépend du prix du billet, cela revient à demander à ceux qui vont de Toronto à Vancouver de subventionner ceux qui vont de Vancouver à Prince George. Qu'en pensez-vous? Ce point de vue se défend-il?

+-

    Capitaine Dan Adamus: C'est une question de perception. Si quelqu'un paie 2 000 $ pour son vol et qu'on y rajoute 24 $, ce n'est pas un pourcentage très élevé. Mais 24 $ sur un billet de 110 $, pour 40 milles, cela pose un problème. C'est pourquoi nous préconisons un tarif progressif.

+-

    La présidente: Madame Misra.

+-

    Mme Gail Misra: Merci.

    Il y a un autre aspect aux frais de sécurité. Vous avez dit que Prince George peut-être ou d'autres aéroports du genre ne vont pas en fait profiter des efforts de sécurité. Les mesures de sécurité ne consistent pas simplement à contrôler les passagers. On va aussi accroître les mesures de sécurité dans les grands aéroports ou les plaques tournantes où il y a plus de risques. C'est là que cela coûte cher.

    Mais pour quelqu'un qui va de Prince George à une autre petite localité, l'aéroport local ne va pas en profiter. C'est pourquoi il est également injuste que les petits aéroports qui ne profiteront pas de ces nouvelles mesures soient obligés de demander le même montant que les plus gros aéroports.

+-

    M. Roy Cullen: Ce n'est pas exactement comme cela que je le comprends. Pour moi, peut-être que Prince George ne fait pas partie des 90 principaux aéroports qui vont tous connaître des améliorations dans leur système de sécurité. Donc, si Prince George fait partie de ces 90 aéroports, il va obtenir de l'équipement perfectionné un jour ou l'autre. D'autre part, une fois que l'on est dans le système, si l'on embarque à Prince George et que l'on va prendre une correspondance pour aller jusqu'à Toronto, on ne passe pas à la sécurité à Vancouver.

+-

    La présidente: Monsieur Murphy.

+-

    M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Comme mon collègue, je tiens à remercier tout le monde de ces excellents exposés.

    J'aimerais poursuivre un peu la question avec vous, commandant. Tout d'abord, j'ai déjà dit publiquement ce que je pensais de ces frais de 24 $. Je ne suis pas d'accord sur le ad valorem et j'estime que ces frais devraient être très sensiblement réduits. On peut espérer que cela se fera en novembre. J'appuie votre idée d'assurance guerre aussi parce que lorsque l'on sort de ce secteur, c'est aux gouvernements d'intervenir.

    J'aimerais vous interroger sur le fonds de stabilisation. Dans la situation actuelle, Air Canada détient 80 p. 100 de la capacité et 90 p. 100 des recettes au Canada et, en tant que parlementaire, je ne vois pas comment cela pourrait marcher. Avec cette société, on ne sait jamais si elle gagne ou elle perd de l'argent, ni comment elle puiserait à ce fonds. Si le fonds existe, elle se retrouverait à en absorber 90 p. 100.

    Ce que j'appuie, comme l'a indiqué tout à l'heure Mme Misra, c'est le programme des services essentiels aux États-Unis. Je pense toutefois que le budget pour cela n'est que de 50 millions de dollars, ce qui est donc très très peu.

    Avez-vous des modèles? C'est une question en effet importante. C'est en fait une question de fédération pour le Canada...ces aéroports dans le nord de l'Ontario, dans la région de l'Atlantique, dans certaines petites localités comme Wabush, sont créatrices de richesse économique. Le village ou la ville ne peut survivre à long terme sans les transports aériens. Aucune entreprise n'ira s'implanter là, les gens n'iront pas. Avez-vous essayé d'examiner ce qui permettrait non seulement de développer le service mais également de le rendre durable dans les petites villes et localités du Canada? Il ne s'agirait pas de financer Pearson, Vancouver, Calgary ou Dorval, mais le Canada rural.

Á  +-(1105)  

+-

    Capitaine Dan Adamus: Je vais commencer et peut-être que Mme Misra pourra ajouter quelque chose. Je dirai que vous avez posé là deux questions.

    Tout d'abord, à propos du fonds de stabilisation, ce dont il s'agit ici, c'est de quelque chose qui aiderait les compagnies aériennes à un moment critique. Par exemple, Canada 3000--le moment était très mal choisi pour eux. Ils venaient d'acheter deux autres compagnies aériennes et le 11 septembre a suffi à les faire basculer. Il faudrait donc quelque chose qui permette de se donner un peu de temps pour sortir de cette crise. Nous ne demandons pas que ces compagnies soient entièrement renflouées, seulement une petite aide pour les aider à traverser cette période difficile.

    Pour ce qui est du service dans les plus petites localités, comme l'a dit Mme Misra, aux États-Unis, ils ont un système qui fait que si une ville se trouve à tant de milles d'un grand centre, elle peut obtenir une subvention. Nous allons vous communiquer d'autres informations à ce sujet mais il y a des centaines d'exemples de compagnies aériennes qui ont essayé de desservir des petites localités pour découvrir que ce n'était pas économiquement viable. Il est donc possible qu'il faille effectivement subventionner certaines de ces lignes.

+-

    M. Shawn Murphy: J'aurais une autre question d'ordre général à poser, probablement, à tout le monde.

    Je vous ai écoutée, madame Stinson, et vous avez tout à fait raison, ce que vous dites n'est pas nouveau. Le gouvernement a apporté certaines améliorations dans certains domaines mais n'a pas été aussi loin que votre groupe le souhaiterait. Pour ce qui est de l'économie générale au cours des cinq dernières années, il se trouve que nous sommes sortis de la récession sans gros dommages, comparativement à d'autres pays. L'inflation est faible, l'emploi va bien, on peut le dire, les taux d'intérêt sont faibles, les métiers que vous représentez travaillent en général, surtout dans les grands centres, et je pense que c'est là le résultat des bonnes politiques économiques qui ont été adoptées par le ministre Martin et dont tout le monde profite. Je conviens avec vous que beaucoup de Canadiens ont supporté un fardeau assez lourd qui n'a pas forcément été partagé équitablement. On pourrait débattre de cela.

    Je dirais toutefois que, à l'heure actuelle, la situation est bonne pour beaucoup de monde et qu'il me semblerait dangereux, pour essayer de remédier à certains problèmes, de renoncer à tout cela et de revenir à financer un déficit, à perdre notre cote triple A, à laisser les taux d'intérêt remonter, le chômage remonter. Il y a un équilibre à réaliser dans l'économie. Je sais que tout le monde a des intérêts particuliers et que beaucoup d'entre eux sont tout à fait légitimes, surtout lorsqu'il s'agit de la pauvreté chez les enfants mais ne pensez-vous pas que nous sommes sur la bonne voie?

    Je sais que ma question est assez générale.

+-

    M. Pierre Laliberté: Vous avez à moitié raison. Franchement, quand on considère ce que nous disions dans les années 90, nous avions raison. Nous préconisions alors de ne pas se lancer dans cet exercice de compressions intenses que nous avons connues et d'avancer plus modérément. C'est-à-dire, peut-être de geler les dépenses afin de rééquilibrer le budget mais non pas de diminuer les dépenses publiques au point où cela aurait finalement un effet néfaste sur l'économie nationale. Or, c'est ce qui s'est passé. Pendant des années, heureusement, l'économie américaine était en pleine expansion et nous a ménagé un coussin mais notre économie, en partie du fait des politiques financières et également des politiques monétaires ne l'aurait pas permis à elle seule.

    Si vous lisez les documents du FMI ou de l'OCDE, vous verrez que notre production a été plafonnée durant toute cette période. Cela signifie que l'économie produisait continuellement moins qu'elle n'aurait pu le faire. En fait, nous étions probablement un des cas les pires examinés par l'OCDE.

    Il est facile de dire que nous avons rétabli la situation, mais on aurait pu s'y prendre différemment sans que cela soit aussi douloureux. Le rapport KPMG compare les coûts d'entreprise en Amérique du Nord, en Europe et au Japon et nous met au premier rang. Ceci a fait partie à certains égards du programme discrétion. Ce n'est pas que nous ayons quelque chose a priori contre la réduction des coûts d'entreprise et la nécessité de rendre notre économie plus compétitive, mais je crois que c'est devenu trop une obsession et que l'on a oublié du même coup certaines de nos priorités sociales. Nous avons épuisé notre capital. C'est là notre avis que nous devons faire un effort.

    Quand les investisseurs étrangers viennent au Canada, le premier facteur est le niveau d'instruction de la population active, indépendamment de toutes les autres considérations techniques. C'est en soi énorme. Pour ce qui est de la santé, non seulement perdons-nous des gens très qualifiés qui s'en vont aux États-Unis ou tout simplement qui sont épuisés, mais je regardais les indicateurs de santé publiés hier et figurez-vous qu'ils ont empiré. Nous avons plus de gens qui souffrent de déficiences fonctionnelles et ce n'est pas seulement dû au vieillissement de la population car même des gens dans la trentaine sont en bien moins bonne santé. Évidemment, il y a des tas d'autres facteurs que la santé...

Á  +-(1110)  

+-

    M. Shawn Murphy: Ce n'est pas uniquement une question d'argent.

+-

    M. Pierre Laliberté: En effet. Il y a les questions de style de vie, d'environnement, de milieu de travail, etc., mais rien n'empêche que nous sommes sur la mauvaise pente et nous pensons qu'il est temps d'envisager sérieusement de changer cela.

    Merci.

+-

    La présidente: Madame Stinson.

+-

    Mme Jane Stinson: Je tiens à souligner que nous ne préconison pas d'abandonner toute précaution. Nous pensons qu'il est possible d'avoir une bonne stratégie d'investissement public tout en restant prudents. Nous ne préconisons pas de revenir aux problèmes d'endettement que nous avions auparavant. Toutefois, nous croyons aussi que depuis 20 ans, on essaie de nous faire croire que le gouvernement ne devrait tout simplement pas s'endetter et nous ne sommes pas d'accord là-dessus. Nous ne pensons pas non plus que ce soit une bonne politique économique.

    D'autre part, nous avons eu des excédents importants ces dernières années sous le régime du ministre des Finances Martin et ceux-ci n'ont pas été réinvestis. Nous pensons qu'il est temps de le faire et nous voyons qu'avoir tardé ainsi a eu des conséquences graves.

    Je ne sais pas si vous avez vu un article publié la semaine dernière dans le Globe and Mail par un collègue, Jim Standford, qui est économiste auprès du Syndicat des travailleurs de l'automobile. C'est un article qui m'a paru très intéressant en ce sens qu'il dit que la situation économique actuelle est plus le résultat de la stimulation des dépenses de consommation et d'une augmentation énorme de l'endettement personnel que de la stimulation du gouvernement qui est effrayé, terrorisé à l'idée d'encourir une dette. Il dit que le gouvernement devrait intervenir et jouer un rôle plus stimulateur dans les dépenses et que nous pourrions soutenir un certain endettement étant donné que nous avons amélioré notre situation financière.

    D'autre part, autoriser la privatisation d'entreprises publiques par des partenariats public-privé et abandonner ainsi le contrôle de ces entreprises pendant 20 à 30 ans, c'est faire fi de toute précaution. Je crois qu'en faisant cela, on se dirige vers la privatisation de fait sans pleinement comprendre l'incidence que cela peut avoir dans le cadre des ententes commerciales. Je dirais que c'est une tendance très troublante de ce gouvernement.

    Pour finir, je vous inviterais instamment à jeter un coup d'oeil à l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral que l'on présente depuis plusieurs années. C'est une autre solution qui me semble bonne et crédible. On s'efforce de ne pas présenter la vie entièrement rose et de tenir compte de ce qui est financièrement possible ou viable pour le gouvernement fédéral. Il s'agit d'un processus auquel participent de nombreux membres de la coalition, pas simplement nous, mais d'autres. C'est intéressant. Certains de ceux qui ont par le passé aidé à élaborer cette alternative budgétaire sont devenus ministres des Finances.

    Cela a donc une certaine crédibilité et je vous encouragerais à l'examiner de près.

Á  +-(1115)  

+-

    La présidente: Monsieur Murphy, je vais vous donner encore cinq minutes parce que M. Jaffer va aussi avoir cinq minutes de plus. Voulez-vous les prendre maintenant ou préférez-vous que je passe d'abord la parole à M. Jaffer?

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    M. Shawn Murphy: Peut-être pourriez-vous d'abord passer à M. Jaffer.

+-

    La présidente: D'accord, allez-y.

+-

    M. Rahim Jaffer: J'ai une observation au sujet de ce que vous avez dit, Jane. Vous avez parlé du fait que le gouvernement devrait avoir une dette. Il serait probablement difficile de savoir exactement quel serait le montant d'endettement optimal, sachant qu'à l'heure actuelle nous avons une dette d'environ 600 milliards de dollars au Canada. Certains diront que ce n'est déjà pas mal si l'on considère les intérêts qu'il faut payer sur cette dette alors que l'on pourrait utiliser cet argent pour des programmes sociaux. C'est finalement de l'argent qui est absorbé et qu'on ne revoit jamais. Si nous réduisons la dette, cela libère de l'argent pour les programmes sociaux. C'est un débat évidemment que nous pourrions poursuivre pendant des jours.

    Ma question, toutefois, porte strictement sur le secteur aérien. À propos de ce fonds de stabilisation, je ne connais pas le secteur des transports aussi bien que vous, et c'est la première fois que j'entends parler de cette idée. Je suis sûr qu'elle circule déjà depuis longtemps, mais j'aimerais savoir s'il existe un tel fonds ailleurs, dans d'autres pays où les compagnies aériennes font face aux mêmes défis qu'au Canada? D'autre part, est-ce que toutes les entreprises qui sont actuellement en activité comme WestJet Airlines et certains des autres petits transporteurs, seraient favorables à quelque chose du genre? Connaissez-vous leur position à ce sujet?

+-

    Capitaine Dan Adamus: Cela n'existe pas pour le moment. Aux États-Unis, depuis le 11 septembre, le gouvernement américain a institué ce fonds. Je crois qu'une seule compagnie aérienne y a puisé.

    Au Canada, l'idée vient de commencer à circuler ces trois ou quatre derniers mois. Mme Debra Ward a été invitée à faire une étude indépendante du secteur aérien et nous avons aujourd'hui son troisième rapport provisoire. Elle parle d'un tel fonds. Elle a passé des mois à discuter avec les différents joueurs dans ce secteur. Une des idées qui est revenue très fréquemment était que quelque chose de ce genre pourrait en effet nous aider à surmonter les obstacles passagers.

    Je ne pense pas qu'il y ait encore de véritable plan à ce sujet. C'est quelque chose de nouveau, mais je dirais que le comité des finances serait très bien placé pour examiner cela. Nous avons bien l'intention d'étudier plus à fond la question et d'en parler à d'autres.

+-

    M. Rahim Jaffer: Vous dites que cela existe actuellement aux États-Unis et qu'il y a effectivement un fonds de stabilisation quelconque?

+-

    Mme Gail Misra: Puis-je répondre à cette question?

    La présidente: Oui.

    Mme Gail Misra: Merci.

    Monsieur Jaffer, oui. En fait, le Canada a aussi un fonds de stabilisation mais seulement depuis les événements du 11 septembre, car dès lors on redoutait énormément que des lignes aériennes fassent faillite. C'est un fonds de stabilisation semblable à celui que le commandant Adamus a cité à propos des États-Unis. D'autres pays européens offrent des programmes de soutien semblables aux compagnies aériennes, sous diverses formes. Ce que nous préconisons ressemble davantage à ces programmes-là.

    Je tiens à vous dire que je tire cette suggestion du rapport de Debra Ward. Vous pouvez le consulter si vous le souhaitez.

    Le rapport fait aussi des propositions très utiles concernant un financement de remplacement pour les très petites compagnies aériennes régionales, car elles ne peuvent pas s'adresser elles-mêmes aux banques ou aux institutions financières, sans doute parce qu'elles n'ont pas assez de capitaux propres à offrir. Ce genre de financement les aide à acheter de nouveaux appareils, à mettre leurs services à niveau, et par conséquent à devenir plus concurrentielles. C'est un modèle qui a déjà été adopté ailleurs.

    Nous n'en avons pas parlé aujourd'hui car nous savions que notre temps était limité, mais bien sûr c'est une autre idée qu'un pays comme le nôtre pourrait mettre à profit. Peut-être que pour répondre aux besoins et créer une certaine concurrence il faut en fait accorder un certain niveau de soutien. Il faut comprendre qu'il ne s'agit pas strictement d'un soutien financier; ce pourrait être garantir des prêts qui serviront à acheter des appareils. Voilà ce qu'il est possible de faire actuellement.

Á  +-(1120)  

+-

    La présidente: Madame Bennett, allez-y.

+-

    Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.

    Ma question s'adresse à Mme Stinson mais les autres témoins peuvent y répondre également.

    Dans votre mémoire vous évoquez les soins de santé, domaine qui manifestement est du plus haut intérêt pour moi comme pour vous. Une phrase dit: «Injecter plus d'argent sans le leadership d'une solide orientation ne produit pas des programmes efficaces», et suivent ensuite trois cartouches où il n'est question que d'argent.

    Je pense qu'une des plus grandes réalités au Canada, pour les femmes comme pour tous, est que tout ce qui nous préoccupe touche quatre paliers de gouvernement et chaque fois au moins trois ministères. Cela paralyse le système. Il nous faut un cadre de référence politique pour que nous sachions que l'argent transféré est bien injecté dans les soins de santé et ne sert pas à réduire les impôts. Pouvez-vous nous aider à...?

    À propos de la privatisation, vous vous inquiétez de la reddition de comptes mais je ne pense pas qu'elle existe actuellement dans le secteur public. Comment pouvons-nous aller au-delà...? Chaque fois que l'on distribue de l'argent, il est englouti dans les négociations salariales et on n'ajoute pas une seule infirmière à l'effectif. Comment pouvez-vous nous aider à mettre au point un mécanisme de reddition de comptes et d'incitatifs qui aboutirait à un régime durable pour ce qui nous tient à coeur, plutôt que de maintenir la situation actuelle, c'est-à-dire la ruée générale vers l'obtention du maximum, que ce soit du matériel médical ou autre chose? Quel genre de direction politique le gouvernement fédéral pourrait-il donner à la situation pour encourager une meilleure attitude et un régime durable?

    L'idée d'une fondation avec prise d'intérêt m'a aussi intéressée. Je constate que les femmes, les organisations féminines, ne sont pas citées. Je suppose que nos amies du Comité d'action national espérent peut-être obtenir de l'argent de la fondation. Pourquoi ont-elles été oubliées? Pensez-vous que les groupes féminins reçoivent déjà assez d'argent pour la cause qu'ils défendent?

+-

    Mme Jane Stinson: Non, je ne le pense pas. Vous avez sans doute repéré là un oubli important.

    Les groupes de défense des femmes reçoivent sans doute un peu plus d'argent que les autres groupes. L'idée ici était de signaler qu'il ne faut pas oublier les autres.

    Mais je conviens avec vous qu'on ne donne pas assez d'argent aux groupes féminins pour la promotion et la défense de leur cause. Il y a encore un travail de promotion à faire pour l'égalité entre les sexes au Canada.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Le SCFP a-t-il une opinion sur l'initiative concernant le secteur bénévole? La règle de 10 p. 100, c'est-à-dire le financement de base offert aux groupes de défense, est-elle la meilleure façon de procéder? Pensez-vous qu'il y a un meilleur moyen d'atteindre le même objectif ?

+-

    Mme Jane Stinson: Je ne connais pas assez la proposition relative à l'initiative concernant le secteur bénévole pour pouvoir répondre à votre question.

+-

    Mme Carolyn Bennett: Eh bien, cela signifie qu'on évite totalement de parler de la règle des 10 p. 100 ou du financement de base, mais nous espérons que nos témoins l'aborderont tôt ou tard.

    Selon vous, cette façon de procéder serait-elle moins risquée? Autrement dit, si j'avais une organisation bénévole ou une organisation de défense, je présenterais d'abord une demande à cette fondation et ensuite je m'adresserais à un ministère pour obtenir le reste des fonds nécessaires pour la prestation des services.

Á  +-(1125)  

+-

    Mme Jane Stinson: C'est ce que nous proposons.

    À propos de votre question sur les soins de santé, je pense que vous avez souligné des facteurs importants. Par le passé, nous avons préconisé et encouragé le recours à un transfer de plus de fonds affectés pour des programmes donnés comme la santé par l'intermédiaire du TCSPS. Actuellement, le fait que le transfert soit global contribue à obscurcir l'affectation des fonds.

    Je pense qu'il serait utile que les gouvernements provinciaux rendent davantage de comptes concernant les dépenses engagées avec cet argent.

    D'autre part, oui effectivement, nous mettons l'accent sur l'aspect financier car nous estimons que le gouvernement fédéral doit offrir suffisamment d'argent pour tâcher d'amener les gouvernements provinciaux à respecter la Loi canadienne sur la santé, pour fournir une direction politique même en ce qui concerne l'application des dispositions de la loi.

    J'exhorte mes collègues à ajouter quelque chose ici.

+-

    La présidente: Ce sera le tour de M. Laliberté et ensuite de M. Dagenais.

+-

    M. Pierre Laliberté: Merci. Je pense que Jane a tout à fait raison. Autrefois, avant le TCSPS, il existait des lignes directrices et il y avait partage des coûts. Le gouvernement fédéral finançait un certain pourcentage de l'apport provincial, pour les programmes financés à même les fonds non affectés et autres choses semblables.

    Je pense, à vrai dire, que vous avez tout à fait raison de vous inquiéter. Nous sommes aussi frustrés que vous face à la situation actuelle, car les gouvernements ne sont pas de bonne foi en l'occurrence. Il se trouve que ce sont les provinces nanties qui peuvent en fait se permettre de tels écarts. Je ne pense pas qu'il soit trop exigeant de demander qu'on rende des comptes.

    Toutefois, le fait qu'on ait dit qu'il faut un montant appréciable de ressources supplémentaires pour que tout cela soit crédible est également digne de mention. Le public vous appuierait incontestablement là-dessus.

    Je voudrais parler également des crédits d'impôt parce que le gouvernement actuel les a utilisés de façon générale et à toutes les sauces. Et franchement, cela a eu un effet très pervers. Par exemple--et mes collègues du Québec pourraient en parler--il existe un programme de subventions directes pour les services de garde à l'enfance au Québec. Essentiellement, on offre des services en nature au rabais. Eh bien, si j'envoie mon enfant dans une de ces garderies--il se trouve que j'habite de l'autre côté de la rivière--j'obtiens du gouvernement fédéral un crédit d'impôt inférieur.

    De la même façon, le même phénomène existe dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Des provinces comme la Colombie-Britannique et le Québec, où les frais de scolarité sont inférieurs à ce qu'ils sont dans d'autres provinces et--au Québec, que je sache en tout cas--qui ont un régime de subventions plus généreux que d'autres, retirent au bout du compte moins d'avantages que les autres car les crédits d'impôt sont calculés à partir de l'intérêt versé sur la dette remboursée, et sur les frais de scolarité.

    C'est un des effets pervers du système. On devrait encourager l'inverse, c'est-à-dire récompenser les services en nature et les provinces dans lesquelles le maintien de l'accessibilité est prioritaire, plutôt que de recourir à ces cadeaux sous forme de crédits d'impôt.

    Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Dagenais.

[Français]

+-

    M. Vincent Dagenais: Je voudrais simplement dire quelques mots sur cette question de l'imputabilité. Il me semble que le système actuel est le pire, justement, parce qu'Il permet aux gouvernements provinciaux de prétendre qu'ils ne sont pas responsables des problèmes dans le domaine de l'éducation ou de la santé puisque l'argent est au fédéral, donc de se rabattre sur une querelle fédérale-provinciale. Il permet aussi au gouvernement fédéral de prétendre que ce n'est pas sa responsabilité. En vertu de la Constitution, par exemple, la santé relève des provinces. Donc, s'il y a un problème, il faut se rabattre sur les provinces.

    Donc, la situation actuelle est sans doute, en termes d'imputabilité, une des pires situations, et résoudre la question du déséquilibre fiscal devrait nous amener à régler en partie le problème de l'imputabilité, qui est un grave problème en démocratie. La question du niveau des soins ou du niveau de financement de la santé appartient aux populations, à la rigueur. Donc, les populations doivent être capables de décider, en s'adressant correctement au bon niveau de gouvernement, d'avoir les soins et de s'assurer que ces gouvernements ont les ressources pour faire face aux soins qu'elles désirent avoir.

    Tout cela pour dire qu'à la CSN, on considère qu'une façon de solutionner le problème de l'imputabilité, c'est de s'assurer que les provinces, qui ont la responsabilité de la santé, ont suffisamment de ressources pour y faire face. Alors, que ce soit par transfert de points d'impôt ou que ce soit par une autre méthode, il faut que le citoyen sache clairement à quel niveau de gouvernement se plaindre, s'il le faut, et demander des comptes pour les services qu'il a ou qu'il n'a pas. C'est un problème de démocratie auquel il faut s'attaquer.

Á  -(1130)  

[Traduction]

-

    La présidente: Merci à tous d'être venus aujourd'hui. Je le répète, si vous le souhaitez, vous pouvez envoyer d'autres renseignements, plus tard, à notre greffier. Si vous pouviez les faire traduire, ce serait épatant. Sinon, nous nous en chargerons et nous les distribuerons aux membres du comité. Merci beaucoup. Nous avons apprécié votre témoignage.

    La séance est levée.