FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 30 avril 2002
¿ | 0935 |
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)) |
M. Thomas J. Courchene (témoignage à titre personnel) |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
La présidente |
M. Jack Mintz (témoignage à titre personnel) |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
À | 1005 |
La présidente |
M. Herbert Grubel (professeur, témoignage à titre personnel) |
À | 1010 |
À | 1015 |
À | 1020 |
La présidente |
M. Mario Seccareccia (témoignage à titre personnel) |
À | 1025 |
À | 1030 |
À | 1000 |
À | 1040 |
La présidente |
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne) |
M. Jack Mintz |
À | 1045 |
M. Charlie Penson |
M. Jack Mintz |
M. Charlie Penson |
M. Jack Mintz |
M. Charlie Penson |
M. Herbert Grubel |
M. Charlie Penson |
La présidente |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe--Bagot, BQ) |
À | 1050 |
M. Herbert Grubel |
M. Yvan Loubier |
À | 1055 |
M. Herbert Grubel |
La présidente |
M. Jack Mintz |
Á | 1100 |
La présidente |
M. Thomas Courchene |
Á | 1105 |
La présidente |
Mme Minna |
Á | 1110 |
M. Thomas Courchene |
M. Herbert Grubel |
Mme Maria Minna |
M. Herbert Grubel |
Á | 1115 |
Mme Maria Minna |
M. Herbert Grubel |
Mme Maria Minna |
M. Herbert Grubel |
La présidente |
M. Jack Mintz |
Mme Maria Minna |
La présidente |
M. Scott Brison (Kings--Hants, PC) |
La présidente |
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
M. Mario Seccareccia |
Á | 1120 |
M. Lorne Nystrom |
M. Mario Seccareccia |
Á | 1125 |
M. Lorne Nystrom |
M. Mario Seccareccia |
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.) |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
La présidente |
M. Mario Seccareccia |
La présidente |
M. Jack Mintz |
Á | 1140 |
M. Gary Pillitteri |
M. Jack Mintz |
M. Gary Pillitteri |
La présidente |
M. Herbert Grubel |
La présidente |
M. Scott Brison |
M. Jack Mintz |
Á | 1145 |
M. Scott Brison |
M. Herbert Grubel |
Á | 1150 |
La présidente |
M. Scott Brison |
M. Thomas Courchene |
M. Scott Brison |
M. Thomas Courchene |
La présidente |
M. Scott Brison |
M. Thomas Courchene |
Á | 1155 |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett (St-Paul's, Lib.) |
M. Jack Mintz |
Mme Carolyn Bennett |
M. Jack Mintz |
 | 1200 |
La présidente |
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.) |
M. Herbert Grubel |
La présidente |
M. Thomas Courchene |
 | 1205 |
M. Bryon Wilfert |
M. Thomas Courchene |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 30 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0935)
[Traduction]
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bonjour. Bienvenue à tous.
Conformément à l'article 108 du Règlement, nous avons aujourd'hui des discussions prébudgétaires. Nous avons le plaisir d'accueillir un groupe d'économistes qui comparaissent comme témoins.
Nous avons donc parmi nous M. Thomas Courchene, de l'Université Queen's; Jack Mintz, président et directeur général de l'Institut C.D. Howe; le professeur Herb Grubel, senior fellow de l'Institut Fraser, à qui nous souhaitons la bienvenue dans son ancien lieu de travail; et Mario Seccareccia, qui est de l'Université d'Ottawa. Bienvenue, messieurs.
Je vous invite à faire vos exposés, après quoi nous aurons une discussion avec les membres du comité, une période de questions et réponses. Vous avez tous déjà témoigné et vous savez donc de quoi il retourne. Nous allons vous donner la parole dans l'ordre dans lequel vous êtes énumérés sur notre ordre du jour.
Monsieur Courchene, allez-y.
M. Thomas J. Courchene (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, madame la présidente.
C'est un privilège et un plaisir d'être invité une fois de plus à témoigner devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Je vais commencer par quelques mots de félicitations au comité et au ministère des Finances.
L'année dernière, j'ai eu l'occasion de passer en revue la performance financière du Canada dans le contexte des pays du G-7. Sur le front du déficit, le Canada a été le premier pays du G-7 à retrouver l'équilibre budgétaire dans la foulée de la récessison des années 90. Il semble maintenant que la série de budgets excédentaires qui a commencé durant l'année financière 1997-1998 se poursuivra jusqu'en 2001-2002 et au-delà. Aucun autre pays du G-7 ne peut se targuer d'avoir aligné cinq budgets excédentaires consécutifs, et le Canada est peut-être bien le seul pays du G-7, à l'exception peut-être d'un autre, à enregistrer un surplus cette année.
Deuxièmement, le Canada était au milieu des années 90 l'un des pays les plus endettés du G-7, tandis qu'aujourd'hui, notre ratio endettement/PIB a baissé d'environ 20 points de pourcentage depuis 1995, passant de 70 à 50%--je veux dire uniquement au palier fédéral--, ce qui est la plus forte baisse de tous les pays du G7. Nous avons encore du chemin à faire, mais nous nous rapprochons néanmoins de la moyenne du G-7.
Une autre réalisation extraordinaire est que nous avons réussi à régler le problème du passif non capitalisé du RPC/RRQ. Nous nous y sommes pris à coup d'augmentations d'impôt, mais il n'en demeure pas moins que nous avons réussi à régler le problème. Aucun autre pays du G-7 ne peut en dire autant, et dans certains de ces pays, le passif non capitalisé des régimes de retraite publics risque de devenir un immense problème financier.
Enfin, nous avons maintenant commencé à récolter les fruits de nos efforts pour remettre de l'ordre dans nos affaires financières. Durant la récession des années 90, notre surendettement était tel que nous avons été forcés d'augmenter les impôts en pleine récession, tandis que récemment, notre retour à la marge de manoeuvre financière nous a permis de procéder, durant l'actuel ralentissement économique, à un degré de stabilisation financière qui est historiquement sans précédent dans notre pays.
Les initiatives clés en termes de stabilisation ont été les énormes baisses d'impôt, et aussi, dans une moindre mesure, l'augmentation des transferts pour la santé qui ont eu lieu le 1er janvier 2002. Dans le plus récent budget, celui de décembre dernier, Ottawa a accentué encore le stimulant économique en remettant de six mois le paiement des acomptes provisionnels pour l'impôt des petites entreprises. Parallèlement, ces initiatives ont joué un rôle en empêchant le Canada de retomber dans la récession, et le ralentissement économique n'a pas non plus interrompu notre série de budgets excédentaires consécutifs, comme beaucoup l'avait prédit. Donc, comme je le disais, il y a lieu de féliciter le ministère des Finances et le Comité des finances sur tous les fronts.
L'impôt, l'endettement et le déficit à l'ère de l'information. Dans mon livre, intitulé A State of Minds: Toward A Human Capital Future for Canadians, je décris les conséquences de la mondialisation et de l'évolution de l'information pour les citoyens, les marchés, les gouvernements et, au bout du compte, pour les affaires publiques canadiennes. En fin de compte, ce qui va se passer, c'est qu'à l'ère de l'information, nous allons privilégier le capital humain tout à fait comme nous avons privilégié le capital physique à l'ère de la révolution industrielle. En mettant en parallèle cette perspective et les notions ancrées de longue date au Canada, à savoir que l'on désire à la fois la compétitivité économique et la cohésion sociale, j'ai écris un énoncé de mission qui tient en une seule phrase pour le XXIe siècle:
Concevoir une infrastructure durable, socialement inclusive et internationalement compétitive qui donne à tous les Canadiens des chances égales de s'épanouir, de s'enrichir et d'employer au Canada leurs talents et leur capital humain, leur permettant ainsi de devenir des citoyens à part entière dans les sociétés canadiennes et globales de l'ère de l'information. |
Parmi les conséquences économiques qui découlent de cet énoncé de mission, surtout l'aspect «emploi au Canada», il y a le fait que nos taux d'imposition marginaux sur les facteurs mobiles--physiques, financiers et humains--doivent être compétitifs par rapport à ceux qui sont en vigueur au sud de la frontière. Dans le budget de 2000 et dans l'énoncé économique de 2000, nous avons réalisé d'importants progrès, mais il est encore vrai que le taux d'imposition marginal le plus élevé, en additionnant les impôts fédéraux et provinciaux, dans le cas de l'impôt personnel sur le revenu, est encore trop élevé par rapport au taux en vigueur aux États-Unis. Des taux d'imposition marginaux élevés sont l'un des facteurs qui peuvent alimenter l'exode des cerveaux.
De façon plus générale, le Canada devenant progressivement de plus en plus intégré dans l'espace économique nord-américain, notre régime fiscal doit se détourner du revenu et pencher plutôt vers la consommation. En fait, la neutralité des taxes sur la valeur ajoutée pour ce qui est des exportations et des importations fait de la TPS une taxe cruciale si nous voulons avoir un secteur gouvernemental plus important que les Américains.
Je suis certain que Jack Mintz et Herb Grubel auront bien d'autres choses à dire au sujet de la fiscalité.
Sur le front de la cohésion sociale, le défi est d'enrichir les compétences et le capital humain des Canadiens, et en particulier la moitié inférieure de notre population active. Comme Lester Thurow l'a fait remarquer dans ce contexte:
Si le capital est empruntable, les matières premières sont achetables et la technologie est copiable, que reste-t-il si l'on veut une économie à salaire élevé? Il reste seulement le talent, et rien d'autre. |
Par conséquent, le principal impératif qui découle de l'énoncé de mission à cet égard est la démocratisation de la capacité d'accéder aux fruits de l'information et au capital humain.
¿ (0940)
Parmi les suggestions précises que je fais, il y a notamment une charte des droits du capital humain à l'intention de nos enfants et une réorganisation de notre bureaucratie pour refléter le fait que le savoir est maintenant le fer de lance de la compétitivité, d'une part, et aussi que nous devons offrir à tous les Canadiens des chances égales de faire valoir leurs talents.
Et c'est ici que je diffère peut-être d'avis avec certains de mes collègues. Compte tenu de ces impératifs en termes de fiscalité et de politique sociale, je suis tout à fait satisfait de notre approche actuelle face à l'endettement, c'est-à-dire que grâce à notre plan de réduction accélérée de la dette, comme je l'ai déjà dit, le Canada a réduit son ratio dette/PIB plus que n'importe quel autre pays du G-7 depuis six ans, au point que notre ratio dette PIB sera bientôt inférieur à la moyenne du G-7. Je suis donc très satisfait d'une politique d'équilibre budgétaire dans le contexte d'une économie en pleine croissance, et cela se traduira par un ratio dette/PIB qui continuera de baisser.
Il y a un point sur lequel je vais passer rapidement. Il s'agit du fait que le ministère des Finances semble toujours sous-estimer l'ampleur du surplus dans ses budgets. J'attribue cela au fait que les prévisions ont sous-estimé la croissance réelle. Ces prévisions viennent du secteur privé, pas des Finances, et en fait, ce n'est même pas la faute de ce secteur. Les prévisionnistes s'inspirent en effet des prévisions américaines. Je pense que les vrais coupables, ce sont les Américains qui ont sous-estimé leur croissance et cette erreur d'appréciation s'est répercutée chez nous.
Quoi qu'il en soit, je vais maintenant aborder des perspectives différentes qui ont trait non pas tellement au budget actuel mais plutôt aux questions sur lesquelles le comité devrait se pencher à court terme.
Ces questions sont, premièrement, le fait qu'il y aura un déséquilibre fiscal vertical croissant dans notre fédération, plus précisément le fait que l'équilibre financier entre les gouvernements fédéral et provinciaux est en train de pencher en faveur du gouvernement fédéral. Plusieurs provinces, la Colombie-Britannique en tête, vont certainement enregistrer des déficits cette année. En fait, dans le mémoire remis à la Commission Seguin du Québec, le Conference Board du Canada signale que si l'on prend comme hypothèse les structures actuelles en matière de revenus et de dépenses du programme, le Québec enregistrerait des déficits récurrents d'environ 3 milliards de dollars par année jusqu'en 2019-2020, tandis que le gouvernement fédéral aura des surplus toujours croissants qui finiront par atteindre 90 milliards de dollars en 2019-2020, ce qui, cumulativement, représente assez d'argent pour radier la totalité de la dette fédérale actuelle.
C'est là une définition du degré de déséquilibre financier, et le Québec ne diffère probablement pas des autres provinces—à l'exception peut-être de l'Alberta—de sorte qu'il n'est pas surprenant que le dossier du déséquilibre vertical fédéral fasse les manchettes.
Je voudrais ajouter, au sujet du déséquilibre vertical, que la récession des années 90 était assez curieuse parce que les déficits du Canada, aux deux niveaux, ont augmenté d'environ 30 milliards de dollars au cours de cette période, et les provinces en ont représenté les deux tiers, soit 20 milliards de dollars. C'était attribuable en partie au fait qu'Ottawa a plafonné le RAPC et désindexé les transferts fédéraux. Mais récemment, à partir de 1995, Ottawa a aussi profité des provinces, en un sens, et leur a refilé en partie le déficit en opérant des coupes importantes dans les transferts au titre du TCSPS, qui sont passées de 18 milliards à 11 milliards de dollars.
C'est ainsi qu'Ottawa est parvenu à réaliser l'équilibre budgétaire en 1997-1998, ce qui était très tôt dans le cycle de reprise des années 90, tandis que la majorité des provinces n'ont réussi à équilibrer leur budget que l'année dernière, au sommet du cycle. Par conséquent, les provinces sont beaucoup plus vulnérables qu'Ottawa à l'actuel ralentissement économique, et pendant qu'Ottawa pourra mettre l'accent sur la gestion du surplus, la majorité des provinces devront se débattre pour enrayer les déficits.
Cela ne pourra manquer de raviver l'appel en faveur d'un rééquilibrage de la fédération. Cet appel était canalisé, en partie, vers les commissions Romanow et Kirby, mais vu les récentes prévisions optimistes en matière de surplus pour l'année courante, l'appel sera renouvelé et dirigé directement à Ottawa.
Je vais donner un autre exemple de l'impact de tout cela sur les finances fédérales-provinciales et je veux revenir sur les conséquences de la diminution des paiements de transfert. Dans l'esprit du grand public, ce qui s'est passé est qu'Ottawa a réduit les transferts pour la santé. C'est peut-être vrai, mais peut-être pas. La réalité est que les provinces n'ont pas laissé diminuer les dépenses consacrées à la santé. En fait, presque toutes les provinces ont augmenté leurs budgets consacrés à la santé, qui représentent actuellement environ 40 p. 100 des budgets provinciaux.
Ce qui s'est passé, c'est que les provinces ont diminué leurs dépenses consacrées à l'environnement, aux municipalités, à l'éducation, à tout sauf la santé, à cause du pouvoir politique que représente le dossier de la santé. Il en a donc résulté que ce paysage a été décimé en partie, ou tout au moins nivelé, pour ce qui est des dépenses. Les bourses du millénaire sont un exemple des interventions d'Ottawa, qui dépense maintenant de l'argent dans certains domaines où l'argent se fait rare, comme dans le dossier des sans-abri, et peut-être bientôt sous forme de transferts directs aux municipalités.
¿ (0945)
Maintenant, je ne dis pas que c'est bon ou mauvais. Ce que je dis, c'est que les provinces n'en seront pas contentes. On verra des réactions assez dramatiques de la part des provinces sur divers fronts. Certains réclament maintenant que les recettes de la TPS soient versées aux provinces et ce n'est là que la première salve dans cette espèce de guerre financière. Il y aurait lieu que le comité des finances se penche dans un avenir pas trop éloigné sur ce déséquilibre financier vertical qui se fait jour.
Parallèlement, il y a un déséquilibre fiscal horizontal qui a toujours existé, mais qui prend plus d'importance maintenant que nous taxons les taxes. On se retrouve dans une situation où le taux d'imposition marginal maximum en Alberta est de 10 p. 100, tandis que dans certaines provinces, ce taux est de 20 p. 100. Il y a donc d'énormes différences dans un système très fluctuant. Cela reflète en partie les différences de philosophie entre les provinces, mais cela reflète aussi en grande partie les différences entre les provinces en termes de capacité fiscale.
Il y a un autre facteur qui entre en jeu, et ici je reviens à la question de la fiscalité. Le budget fédéral 2000 a abordé la fiscalité sous l'angle de la politique sociale plutôt que de la compétitivité. La plupart des baisses d'impôt visaient les Canadiens à revenu moyen ou inférieur. Par la suite, dans l'exposé financier de 2000, on a commencé à réduire vraiment les taux d'imposition des tranches supérieures, mais néanmoins, le message essentiel qu'Ottawa a envoyé aux provinces était le suivant: nous avons réduit nos taux d'imposition pour les revenus moyens et inférieurs des particuliers, ainsi que les impôts des sociétés. Si vous voulez que nos taux d'imposition des particuliers et des sociétés soient compétitifs dans une optique nord-sud, vous devez maintenant réduire vos impôts. L'Alberta l'a fait en ramenant à 10 p. 100 son taux maximum d'impôt sur le revenu des particuliers. L'Ontario a réduit ses impôts sur les sociétés de moitié et l'Alberta lui a emboîté le pas.
C'est une mauvaise politique de la part d'Ottawa. Ottawa ne devrait pas abandonner son rôle de chef de file et devrait plutôt assumer une certaine responsabilité pour ce qui est de veiller à ce que des taux d'impôt compétitifs soient en place pour les facteurs mobiles, au lieu de s'en remettre entièrement aux provinces.
On pourrait rétorquer que l'on peut comprendre pourquoi Ottawa agit ainsi, car si nous avions des taux d'impôt des paticuliers très uniformes et si les provinces suivaient l'exemple de l'Alberta, alors il resterait très peu de progressivité dans le régime d'impôt des particuliers. Mais on peut contourner le problème en réduisant tous les impôts fédéraux, et cela laisserait plus de champ libre aux provinces dans le domaine fiscal.
Ce qui se passe, c'est qu'il semble bien que les provinces riches se retrouveront avec des taux d'impôt des particuliers beaucoup plus bas que ceux des provinces moins nanties. Nous aurons une version intérieure de l'exode des cerveaux, en plus de l'exode nord-sud. C'est en partie ce qui a entraîné des appels répétés en provenance des provinces de Atlantique, qui réclament que la formule de la péréquation soit repensée, parce que ces provinces ne sont pas capables, dans le régime actuel, de continuer à offrir des services publics raisonnablement comparables à des taux d'imposition raisonnablement comparables.
Voici où je veux en venir: j'aimerais que le comité fasse un retour en arrière, aux années 80, et réfléchisse à ce qu'avait fait à l'époque le groupe de travail parlementaire sur les arrangements financiers fédéraux-provinciaux, groupe qui était dirigé par un député du Nouveau-Brunswick nommé Herb Breau.
Le temps est venu de reconsidérer certaines de ces questions, et votre comité serait l'entité idéale pour s'en charger.
C'est d'autant plus nécessaire que nous devons maintenant prendre en compte un autre élément, à savoir le rôle croissant des municipalités, en particulier les villes- régions qui prennent leur place sur l'échiquier mondial. Elles veulent avoir leur mot à dire dans les négociations fédérales-provinciales et elles veulent que l'on parle maintenant de relations fédérales-provinciales-municipales.
Une brève observation à ce sujet. Ces villes-régions mondiales sont maintenant perçues comme les nouveaux moteurs du nouvel ordre économique mondial. Ces régions émergent comme des plates-formes dynamiques pour l'exportation, des centres de créativité du capital humain et de concentration de la recherche, et aussi comme des noyaux compétitifs dans le réseau mondial d'activité économique. Si nos grandes villes- régions de calibre mondial ne sont pas compétitives en Amérique du Nord, les Canadiens ne réussiront jamais à atteindre le niveau de vie qu'il nous faut. Des villes-régions comme Montréal, Toronto et Vancouver rivalisent directement avec leurs homologues des États-Unis. La grande différence, c'est que Pittsburgh et Washington, grandes villes-régions des États-Unis, peuvent avoir directement accès à des fonds d'infrastructure, ce qui n'est pas le cas au Canada, parce que cela relève des provinces. Je soutiens que les villes sont en train de lancer un mouvement pour essayer d'exercer une plus grande influence et de devenir des partenaires à part entière dans les relations avec Ottawa et les provinces.
L'aspect le plus récent de ce mouvement, c'est le groupe financier TD qui a réclamé une plus grande indépendance fiscale et financière pour les villes canadiennes. Cet appel vient renforcer le mouvement en faveur d'un accroissement du rôle des villes. Il faudrait tout au moins réfléchir à la question. Je pense que le titre du document de la TD est révélateur. C'est intitulé A Choice Between Investing in Canada's Cities or Disinvesting in Canada's Future
Voilà donc un autre dossier que le comité pourrait envisager d'examiner. En fait, tout cela fait partie de la même problématique, nommément examiner et repenser tout le cadre fédéral-provincial-municipal de la fiscalité de notre pays.
¿ (0950)
C'est un programme auquel nous devrons faire face très rapidement et je pense que le comité devrait trouver la question fascinante.
Pour terminer, permettez-moi de vous signaler que lors de ma comparution de l'an dernier, j'ai consacré une beaucoup plus grande partie de mon exposé à l'intégration nord-américaine dans le cadre de l'ALENA; je préconisais notamment une union monétaire nord-américaine, c'est-à-dire une devise commune, analogue à l'euro. Les événements du 11 septembre ont rendu encore plus importante l'adoption de mécanismes et d'instruments novateurs.
Si des membres du comité désirent me poser des questions sur le sujet de l'intégration en vertu de l'ALENA, en plus des sujets abordés dans ma déclaration, j'y répondrai volontiers. Je vous remercie de votre attention.
La présidente: Merci.
M. Mintz.
M. Jack Mintz (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente. Je suis ravi d'être parmi vous aujourd'hui et je remercie le comité de m'avoir invité. J'ai comparu souvent et j'ai toujours pris plaisir à rencontrer les membres du comité et à discuter avec eux.
Je félicite également le comité d'avoir choisi d'examiner notre niveau de vie et nos politiques budgétaires. Le comité a beaucoup fait dans ce domaine ces dernières années. Il a publié d'excellents rapports et fait d'importantes recommandations sur les orientations à suivre. Le gouvernement a d'ailleurs adopté un grand nombre d'entre elles et c'est pourquoi je tiens d'abord à vous inviter à poursuivre dans cette voie car je suis en effet convaincu que le comité apporte une contribution précieuse à l'élaboration des politiques au pays.
À n'en pas douter, la dernière décennie a été témoin de beaucoup de changements. L'ensemble des dépenses publiques est passé de 51 p. 100 du PIB en 1991 à près de 40 p. 100 en l'an 2000. Les dépenses fédérales, qui comprennent les dépenses pour les programmes et les intérêts sur la dette, sont passées de 23 p. 100 à 18 p. 100 du PIB dans la même période.
Comme mon collègue Tom Courchene l'a dit, nous avons aussi été témoins de l'élimination des déficits au niveau fédéral. Nous avons connu une série d'excédents budgétaires, ce que je trouve éminemment louable. Nous avons aussi observé une réduction marquée du ratio dette-PIB au Canada, en particulier au niveau fédéral, ce qui est aussi excellent.
Nous nous sommes également engagés sur la voie de la réforme fiscale grâce à la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés, en particulier dans le secteur des services, dont la fiscalité était particulièrement lourde sous les régimes précédents. De plus, on a commencé à réduire l'impôt des particuliers.
En ce qui concerne notre productivité, toutefois, mon message est que même si nous avons fait des progrès importants au pays, il ne faut pas en rester là. Ce qui m'inquiète actuellement, c'est que de plus en plus de gens pensent que le pays n'a peut-être plus besoin de réductions d'impôt et que l'objectif a été atteint. Permettez-moi aujourd'hui de discuter de la fiscalité et de sa réforme et d'expliquer pourquoi il faut pousser plus avant dans cette voie.
Après avoir rempli leur impénétrable feuille d'impôt la semaine dernière, les Canadiens—moi y compris—savent que l'État continue de s'approprier une large part de leurs chèques de paie. Notre monstrueux régime fiscal, caractérisé par ses taux d'imposition élevés et ses préférences ciblées, continue d'être un obstacle insurmontable à l'amélioration du niveau de vie des Canadiens. Il faut poursuivre la réforme de la fiscalité si le Canada veut inverser le déclin de notre niveau de vie par rapport à celui des autres économies en expansion, notamment celle des États-Unis.
Il y a d'abord une chose que les Canadiens doivent bien comprendre. Malgré le ralentissement des dépenses budgétaires et les allégements d'impôt des dernières années, jamais les pouvoirs publics canadiens n'ont autant perçu de recettes, comme l'illustre le graphique qui accompagne mon texte, où sont représentées les recettes publiques en pourcentage du PIB pour la période 1961-2000.
En 2000, les pouvoirs publics canadiens représentaient 44 p. 100 du PIB, au lieu de 29 p. 100 en 1965. Les recettes fédérales n'ont pas progressé autant—de 15 à 18 p. 100 du PIB en 2000—mais cela s'explique par le transfert des points d'impôt aux gouvernements provinciaux pour le financement de la santé, de l'éducation et des services sociaux pendant cette période.
Ceux qui pensent que les gouvernements ont trop peu de fonds à consacrer aux services publics essentiels se méprennent. Le problème, c'est que ces gouvernements répartissent mal les recettes fiscales parce que les programmes qu'ils conçoivent sont inefficaces.
Par exemple, en 1999, le Canada a dépensé presque autant que les États-Unis pour la santé, l'éducation et la protection, soit 16 p. 100 du PIB environ—j'entends par protection la défense et le maintien de l'ordre sur le territoire national. Or, le Canada a consacré près de 25 p. 100 de son PIB à d'autres programmes et aux frais de la dette, tandis que les États-Unis ne consacrent qu'environ 15 p. 100 du PIB à des activités équivalentes.
Dans certains domaines, comme l'enseignement postsecondaire, l'infrastructure des transports et des communications, la défense ainsi que la recherche et le développement, le Canada dépense moins en proportion que les gouvernements américains. Pourtant, dans l'ensemble, l'appareil de l'État au Canada est beaucoup plus important qu'aux États-Unis et exige davantage de recettes fiscales pour financer ses programmes. J'en conclus qu'il faudrait affecter une partie importante des futurs excédents à la réforme de la fiscalité et à la réduction de la dette.
¿ (0955)
Les dépenses ne devraient pas croître au-delà de la progression de la population et des prix et les priorités devraient être financées au moyen d'une réaffectation des fonds.
Le régime fiscal canadien reste particulièrement inefficace et injuste malgré les améliorations des dernières années. Plus grave encore, nous risquons de nous engager dans une voie qui mènera à des impôts plus lourds destinés à financer des programmes inefficaces. Si les impôts sont plus lourds, les allégements, s'il en est, ne seront accordés qu'au moyen de préférences ciblées qui ne font que compliquer le régime de l'impôt et miner son efficacité et son équité. Une fiscalité bancale aura trois conséquences pour la productivité.
Beaucoup d'entreprises estiment que du point de vue fiscal le Canada n'est pas une destination de choix pour les investissements, ni aujourd'hui ni en 2005. Vous pouvez le constater dans les graphiques que j'ai joints sur le taux d'imposition effectif du capital de certains pays dans les secteurs manufacturier et tertiaire. Ces renseignements sont tirés du International Tax Program de l'Université de Toronto, les travaux que nous réalisons en permanence. Comme vous pouvez le constater, le Canada et les États-Unis auront des taux d'imposition réels sur le capital assez semblables.
Je précise que nous tenons compte non seulement des différences entre le taux légal--le taux canadien sera de loin inférieur au taux américain d'ici à 2004 et 2005--mais aussi des autres caractéristiques du régime fiscal, comme le traitement des coûts d'amortissement, le coût des stocks, l'impôt sur le capital, la taxe de vente et les charges en capital.
Il se peut toutefois que nous ayons le même taux d'imposition réel que les États-Unis d'ici à 2004 et 2005. Comme le montre le graphique, toutefois, notre taux sera plus élevé que celui de nombreux autres pays, comme le Royaume-Uni, l'Italie, la Suède et, chose intéressante, l'Irlande. Voilà le problème.
Quand on examine les investissements canadiens et les investissements nord-américains et la façon dont ils sont faits, la plupart des compagnies vont là où les marchés sont les plus grands, les sources de capital les plus riches et le marché du travail hétérogène. C'est pour cette raison que les États-Unis sont l'emplacement de choix d'un grand nombre d'entreprises désireuses de desservir le marché nord-américain.
Si nous voulons améliorer les chances en notre faveur, il faut faire mieux que les États-Unis. L'équivalence ne suffit pas. Il faut en fait un taux d'imposition réel sur le capital sensiblement inférieur au taux américain si nous voulons faire pencher la balance en notre faveur. Voilà précisément la leçon qu'ont apprise beaucoup de petits pays en concurrence avec des États plus grands.
C'est justement ce qu'a réussi l'Irlande au cours des 15 dernières années. C'est aussi le cas de la Finlande, de la Suède et d'autres petits États européens qui ont connu une croissance relativement bonne parce qu'ils ont considérablement abaissé les impôts sur le capital.
Deuxièmement, les impôts canadiens nuisent aux investissements des entrepreneurs beaucoup plus que dans beaucoup d'autres pays industrialisés. Si l'on tient compte de l'impôt des sociétés et des particuliers sur les intérêts, les dividendes et les gains en capital en 2001, le taux d'imposition réel du Canada sur les investissements dans les secteurs manufacturier et tertiaire est supérieur à 70 p. 100 du revenu des entreprises de taille moyenne.
Vous pouvez le constater dans d'autres graphiques inclus. Ces résultats sont tirés de travaux que nous avons réalisés pour l'OCDE. Nous avons fait des comparaisons dans lesquelles nous avons tenu compte non seulement de l'impôt des sociétés et de l'impôt des particuliers mais aussi de l'ensemble des impôts qui frappent les entrepreneurs puisque ceux-ci, lorsqu'ils doivent faire des investissements dans un pays donné, doivent tenir compte non seulement de l'impôt sur les sociétés mais aussi de l'impôt qu'ils devront verser à titre de particuliers sur leurs dividendes, leurs gains en capital et leurs revenus tirés d'intérêts.
Dans ce tableau--celui qui n'a pas de légende--, la première barre de chaque pays représente le taux d'imposition réel de l'entreprise. La barre du milieu, le taux d'imposition réel du particulier sur les placements. La barre blanche représente la combinaison des deux. Si vous examinez le cas du Canada, vous verrez que nous avons fait certains progrès. Nous sommes représentés par la troisième barre. Vous pouvez voir qu'en 1995, pour le secteur manufacturier, le taux d'imposition réel était largement supérieur à 80 p. 100 sur le revenu corrigé en fonction de l'inflation. Ce chiffre est passé à 70 p. 100 en l'an 2001. Nous avons donc passablement réussi à réduire le taux d'imposition réel sur les investissements des entrepreneurs.
À (1000)
Même si ce taux de 70 p. 100 est une nette amélioration, il est nettement plus élevé que dans des pays comme l'Italie, le Japon, le Royaume-Uni ou la Suède. Nos taux d'imposition réels sont donc beaucoup plus élevés que ceux de nombreux autres pays, et notre situation n'est guère enviable si l'on fait une comparaison générale avec les autres pays.
Troisièmement, même si le Canada accorde un traitement fiscal favorable à la création d'idées grâce à la recherche et au développement, notre régime fiscal entrave l'adoption de nouvelles technologies au moyen d'investissements dans la machinerie et d'autres biens d'équipement. Le taux d'imposition réel élevé que nous appliquons à la machinerie nuit à l'acquisition de biens d'équipement à technologie avancée, ce qui explique en bonne part la faiblesse de la productivité canadienne.
Une réforme fiscale plus poussée présenterait donc d'importantes possibilités pour le Canada en ce qu'elle allégerait le fardeau fiscal et rendrait le régime plus efficace et plus juste. Une des mesures les plus importantes prises par le ministre des Finances a été l'introduction d'un plan quinquennal de réduction d'impôt il y a plus de deux ans. Il est temps de revoir ce plan et de prévoir de nouvelles réductions d'impôt pour l'avenir de manière à relever le niveau de vie du Canada. Plusieurs questions importantes pourraient être abordées dans le prochain budget fédéral.
Premièrement, la fiscalité des entreprises influe énormément sur la productivité et elle pourrait être adaptée au profit du pays de manière à inciter les entreprises à s'implanter au Canada et à desservir le marché canadien. De plus, l'allégement de cette fiscalité aurait pour but de réduire les taux d'impôt et d'élargir l'assiette fiscale, l'objectif étant d'améliorer la productivité. Des impôts fédéraux et provinciaux sur le capital d'une valeur supérieure à 5 milliards de dollars représentent toujours un élément négatif du régime fiscal.
Deuxièmement, les impôts ont détourné les Canadiens de l'épargne avec pour conséquence que les entreprises canadiennes disposent de moins de capitaux. Les régimes de retraite et d'épargne enregistrés sont obsolètes puisque les plafonds sont dans les faits bloqués depuis de nombreuses années. De plus, beaucoup de Canadiens à revenu faible et moyen sont assujettis à des taux d'impôt marginal excessifs lorsqu'il s'agit des prestations accordées en fonction du revenu, de sorte qu'il n'y a guère de raisons d'épargner pour les mauvais jours.
Troisièmement, le programme d'assurance-emploi est inefficace et aboutit à un chômage plus élevé et à une productivité plus basse. L'excédent annuel actuel des cotisations par rapport aux prestations, qui avoisine les 6 milliards de dollars, est un impôt qui frappe le plus lourdement les travailleurs au revenu inférieur à 40 000 $. Beaucoup d'entreprises, surtout les petites, font face à des charges sociales accrues pour le RPC et le Régime des rentes du Québec sans bénéficier en contrepartie d'une réduction des contributions. Qui plus est, les entreprises qui licencient des travailleurs versent les mêmes contributions d'AE que celles qui ne font pas de congédiements. L'AE encourage donc les licenciements puisqu'il n'encourage pas l'adoption de pratiques conformes à un authentique régime d'assurance.
Quatrièmement, la retenue d'impôts sur le revenu versé aux non-résidents fait obstacle à l'intégration des marchés canadiens et américains des capitaux. La retenue de ces impôts encourage les entreprises canadiennes à obtenir leurs capitaux sur les places financières américaines plutôt que canadiennes. De plus, améliorer l'efficacité du marché des capitaux peut améliorer considérablement le loyer de l'argent placé par les Canadiens. Beaucoup de propositions seront faites dans le but d'améliorer le niveau de vie du Canada. Une possibilité s'offre à nous et c'est celle de la réforme fiscale. Le Canada devrait poursuivre dans cette voie pendant plusieurs années encore, jusqu'à ce que notre fiscalité procure au pays un avantage sur le marché nord-américain.
Merci.
À (1005)
La présidente: Merci beaucoup.
Professeur Grubel, à vous la parole.
M. Herbert Grubel (professeur, témoignage à titre personnel): Madame Barnes, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de revenir et de me remémorer les quatre ans que j'ai passés avec vous, ponctués de moments heureux, et d'autres assommants, que nous avons passés ensemble.
Vous m'avez demandé de vous suggérer ce que je recommanderais au gouvernement canadien pour relever le niveau de vie des citoyens tout en assurant des chances égales à tous. J'aimerais brièvement discuter de deux sujets puis en développer un troisième.
Le premier concerne une monnaie commune. J'ai comparu devant vous sur ce sujet. J'ai aussi publié pas mal d'articles. Je m'y intéresse toujours de près. Vendredi, je vais me rendre au Koweit pour discuter avec les ministres des Finances et les directeurs des banques centrales du Gulf Co-operative Council qui songent à instaurer une monnaie commune dans la région. Vous savez aussi peut-être que la dollarisation--une forme d'alignement sur une monnaie forte équivalante à une monnaie commune mais beaucoup plus facile à réaliser pour les petits pays--a été réalisée en Équateur et a réussi à bien des égards. Elle est aussi envisagée dans certains pays d'Amérique centrale et verra peut-être le jour prochainement.
Si vous le voulez bien, je discuterai également avec plaisir de l'expérience de l'Argentine et de la mesure dans laquelle l'adossement à une monnaie forte est une mauvaise idée. Je viens de rédiger un article sur le sujet et les médias ont laissé entendre à tort que l'origine des probèmes a été la fixation du taux de change. Il y avait beaucoup plus de vices de fond que l'on espérait être plus faciles à résoudre avec la monnaie commune, ce qui n'a de toute évidence pas été le cas. De toute façon, ils n'ont jamais eu de monnaie commune. Ils n'avaient qu'une caisse d'émission et, comme Stephen Hanke l'a dit, uniquement pour une quasi-devise.
Comme dernière observation concernant la devise commune, beaucoup de mes collègues dans la profession, y compris le gouverneur, Davis Dodge, qui l'a déclaré publiquement, sont d'avis qu'avoir une devise commune est une bonne idée mais que le plus gros obstacle c'est que les Américains ne voudront pas coopérer. Où est l'avantage pour les Américains? Pourquoi voudraient-ils lier leur monnaie au dollar canadien? Sans parler du peso mexicain.
La semaine dernière, un des conférenciers à l'occasion de l 'assemblée générale du Fraser Institute était Steve Forbes, connu pour la revue qui porte son nom, Forbes magazine. Il a aussi dépensé des millions de dollars pour briguer la présidence des États-Unis. Il a dit que l'une des quatre choses qu'il fallait faire pour améliorer le monde était d'adopter une devise commune en Amérique du Nord. Ce n'est pas moi qui lui a soufflé l'idée. J'ignore d'où il la tient. Mais à une réception après coup je lui ai posé la question. Comme le principal qu'aiment rappeler ceux qui soulèvent la question est que cela n'intéresse pas les Américains, que devrions-nous faire pour susciter leur intérêt? Demandez à votre gouvernement de demander au nôtre, m'a-t-il répondu. C'est ce que je réclame moi-même depuis longtemps. Évidemment, il faut d'abord décider nous-mêmes si cela est dans notre intérêt.
Rien ne garantit que nous réussirons si nous demandons aux Américains. Mais à l'instar de l'un de vos distingués collègues, John McCallum, me l'a dit la dernière fois que je suis venu ici, j'estime qu'il est insensé de dire que c'est tout à fait absurde de même y songer parce que les Américains n'accepteraient jamais. Je pense que c'est poser la question de travers. Je vois certains membres du comité hocher la tête.
Deuxièmement, je voudrais vous dire que l'Institut Fraser s'est lancé dans une grande analyse des éléments à réunir pour créer une frontière commune pour l'ensemble de l'Amérique du Nord, ce qui, du coup, nous permettrait de réduire ou d'éliminer l'importance de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Cela me semble très important. Nous avons déjà publié une série d'articles sur le sujet dans le Fraser Forum mais j'organiserai une conférence à l'automne qui réunira les experts canadiens de divers horizons sur le sujet. En outre, un spécialiste américain expliquera les avantages pour les États-Unis ainsi que les questions qui les inquiètent. Il y aura aussi un représentant du Mexique.
À (1010)
Compte tenu du contexte actuel dans lequel se situent les questions liées à ce problème, j'aimerais attirer votre attention sur un point qu'a soulevé Gary Hufbauer dans l'article qu'il faisait paraître dans le Fraser Forum. Si un terroriste entrait clandestinement aux États-Unis à partir du Canada et causait un grand nombre de morts, nous nous retrouverions avec un véritable problème sur les mains. Bien que cette question ne soit pas directement du ressort du comité des finances, je pense qu'il ne faut pas faire l'autruche et prétendre qu'il n'y a aucun terroriste au Canada, que nous avons maîtrisé la situation ou que nous avons réduit les risques que des terroristes s'installent au Canada.
D'après les chiffres les plus récents dont nous disposons, 50 000 réfugiés sont venus au Canada l'an dernier, dont 80 p. 100 n'avaient pas de papiers d'identité. On demande à ces personnes de remplir des formulaires dans lesquels elles fournissent des renseignements que nous ne sommes pas en mesure de vérifier. Cela ne nous empêche pas de les laisser partir, sachant que l'audience à laquelle elles devront défendre leur demande de statut de réfugié peut ne pas avoir lieu avant un an. Entre temps, ces demandeurs du statut de réfugié ont droit à des prestations de bien-être social ainsi qu'à des soins de santé.
Mesdames et messieurs, je vous exhorte à tenir une audience pour établir s'il est vraiment dans notre intérêt d'agir ainsi. Les quelques contacts politiques qu'il me reste me permettent de conclure que les Canadiens sont très mécontents, et à juste titre, lorsqu'ils savent comment les choses se passent. Nous sommes de loin le pays qui fait preuve de la plus grande générosité à l'égard des demandeurs du statut de réfugié. Environ le quart des réfugiés que nous avons accueillis depuis le 11 septembre proviennent de pays qui cautionnent le terrorisme.
Permettez-moi maintenant de traiter brièvement de la question des réformes fiscales. Il y a trois raisons pour lesquelles tous les pays doivent périodiquement revoir leur régime fiscal. La première raison est que le régime fiscal est devenu trop complexe en raison de toutes les modifications qui y ont été apportées ainsi que des décisions rendues par les instances fiscales. Ceux d'entre vous qui ont récemment rempli un formulaire de déclaration de revenu conviendront avec moi que c'est le cas. Je félicite ce qu'on appelait autrefois le ministère du Revenu des efforts qu'il a déployés pour simplifier ce formulaire le plus possible. Voulant être justes et raisonnables, nous avons compliqué le système à tel point qu'on ne s'y retrouve plus.
Deuxièmement, des réformes fiscales s'imposent chaque fois que les circonstances changent dans le monde. Depuis notre dernière importante réforme fiscale dans les années 70--je crois ne pas me tromper, Jack--, nous avons vu le phénomène de la mondialisation prendre de l'ampleur ainsi que celui de l'intégration des marchés de capitaux. Le niveau de vie des populations a aussi augmenté et la technologie a pris de plus en plus d'importance. Il suffit maintenant de presser un bouton pour faire passer des capitaux d'un endroit à un autre. Le régime fiscal qui convenait autrefois ne convient plus maintenant.
Troisièmement, et c'est ce qui importe le plus, c'est que la recherche pure et la recherche appliquée qui a fait à juste titre la notoriété de Jack Mintz ont permis de mieux cerner les effets de notre régime fiscal actuel. J'aimerais maintenant vous parler du concept du taux effectif marginal d'imposition, un concept qui a valu le prix Nobel à Jim Mirlees de l'Université Oxford. Ce concept veut que si le gouvernement augmente les impôts d'un dollar, cela incite toujours les contribuables à chercher des moyens d'économiser autant que possible de ce dollar d'impôt. Ainsi, compte tenu de l'intégration complète actuelle des marchés de capitaux, si un impôt sur le capital est établi, les gens sortiront leur argent du pays s'ils en ont les moyens.
À (1015)
Pour cette raison parmi d'autres--et je ne veux pas entrer pour l'instant dans ces autres raisons, mais nous pourrons en discuter plus tard--, chaque fois que le gouvernement augmente de 1 $ l'impôt sur les capitaux, cela coûte 1,55 $ au pays. Cela peut ne pas sembler beaucoup, mais ce l'est puisqu'il y a d'autres façons d'augmenter les impôts. Le coût d'efficacité marginale de l'impôt sur le revenu des particuliers n'est que de 56 ¢ au lieu de 1,55 $. Le coût d'efficacité marginale de la taxe de vente n'est que de 17 ¢. Soit dit en passant, ces chiffres proviennent du ministère des Finances.
L'automne dernier, j'ai organisé une conférence à Toronto à laquelle ont participé un certain nombre de spécialistes des questions fiscales dont Jack Mintz, qui a aimablement accepté de faire une communication malgré qu'il soit très occupé. Nous nous sommes demandé ce qu'il convenait de faire compte tenu de trois nouveaux facteurs: connaissances nouvelles, évolution des milieux et augmentation de la complexité des régimes fiscaux. Toutes les communications présentées seront regroupées dans un livre qui paraîtra dans deux ou trois mois. Si cela vous intéresse, je m'assurerai qu'on vous envoie un exemplaire du livre.
Permettez-moi de vous résumer brièvement les conclusions auxquelles nous en sommes venus. La première est assez évidente. Nous jouirions d'un énorme avantage concurrentiel sur la scène mondiale, en particulier par rapport aux Américains, si au lieu d'augmenter l'impôt sur le capital, nous augmentions les taxes de vente. La TPS est une excellente forme de taxe de vente qui est vraiment très efficace. Il serait vraiment avantageux pour nous que nous réduisions les impôts sur le revenu, ce qui permettrait de mettre un terme à l'exode des cerveaux, et que nous cessions d'imposer les capitaux, ce qui favoriserait les investissements au Canada, et que nous augmentions la TPS ou la taxe de vente en général.
À (1020)
Nous imposons les dividendes versés sur les capitaux. À cela s'ajoute l'impôt sur les capitaux qui doit être versé que ces capitaux vous aient rapporté de l'argent ou non. Vient ensuite la taxe sur les gains en capitaux s'il reste quelque chose.
Quand on y réfléchit bien, on voit que ce système ne fait aucun sens. C'est en augmentant les capitaux par travailleur qu'on peut vraiment augmenter la productivité. Il ne sert à rien d'investir des sommes énormes dans la conception de nouvelles technologies et dans la recherche en vue d'exploiter ces nouvelles technologies si l'on n'est pas prêt à investir dans le matériel. Il faut donc absolument se demander s'il ne convient pas de revoir le traitement fiscal que nous réservons aux capitaux.
Enfin, il y a la question de l'effort de travail. Nos impôts sont moins progressifs qu'ils ne l'étaient. En Colombie-Britannique, le taux d'imposition est maintenant inférieur à 50 p. 100. Lorsqu'il était de plus de 55 p. 100, il était l'un des plus élevés dans le monde occidental.
Je pense qu'on peut cependant faire davantage. J'ai certaines réserves au sujet d'un impôt uniforme ou d'un impôt unique comme l'appellent certains de mes collègues, parce que si l'on prévoit une importante exemption, le taux d'imposition moyen augmente tout de même dans une fourchette de taux raisonnables.
J'ai des réserves au sujet d'un taux uniforme parce que les économistes justifient ce taux en se reportant à une intégration totale des impôts sur les capitaux et des impôts sur les entreprises, mais ce n'est malheureusement pas ce à quoi songent bon nombre des partisans de ce qu'on appelle souvent une taxe uniforme.
Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Grubel.
Notre dernier témoin de ce matin est Mario Seccareccia.
Je vous prie de bien vouloir commencer.
M. Mario Seccareccia (témoignage à titre personnel): Merci infiniment.
[Français]
Chère madame la présidente, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier de m'avoir invité à présenter quelques idées devant ce comité.
D'ailleurs, il me fait grand plaisir de pouvoir aborder cette importante question de la façon dont le Canada pourrait atteindre un niveau de croissance élevé et améliorer encore davantage le niveau et la qualité de vie des Canadiens.
Puisque parmi les invités, il y en a peut-être un certain nombre qui ne comprennent pas le français, je vais faire ma présentation en anglais, mais je répondrai aux questions qui seront posées dans les deux langues officielles. C'est ce que j'avais prévu, mais si j'avais pensé qu'il y avait la traduction ici, j'aurais fait autrement.
[Traduction]
J'aimerais commencer par rappeler ce que le comité a souligné dans la déclaration que j'ai reçue au début avril comme le thème principal du processus de consultation prébudgétaire, à savoir la façon dont le Canada peut parvenir à une plus grande prospérité, partagée par tous les Canadiens.
Je suis un économiste formé selon la tradition keynésienne. Je crois non seulement que le gouvernement a un rôle positif à jouer au niveau économique et que le gouvernement ne doit pas se préoccuper des déficits budgétaires proprement dits, c'est-à-dire de combattre les déficits à tout prix, ou de viser des excédents, ce qui est effectivement la situation à l'heure actuelle, mais aussi que si des économies aussi aptes et développées que les nôtres ne se comportent pas aussi bien qu'elles le devraient, c'est principalement en raison des contraintes au niveau de la demande plutôt qu'au niveau de l'offre.
Par conséquent, si nous sommes aux prises avec des problèmes, comme on en discutera dans un instant en ce qui concerne la croissance de notre niveau de vie et de la productivité, ils concernent peut-être davantage les incitatifs au niveau de la demande que les facteurs qui influent sur le comportement de l'offre des agents économiques individuels. Comme l'ont souligné de nombreux analystes des politiques gouvernementales au Canada, la question dont doit se préoccuper le gouvernement est la croissance lente et continue à long terme de notre niveau de vie, que nous avons constatée particulièrement ces 10 dernières années.
Il est bien connu que des mesures comme le PIB par habitant sont souvent extrêmement trompeuses, étant donné qu'elles ne tiennent pas compte de l'importance d'une foule de facteurs comme les activités hors marché, qui peuvent être aussi importants pour notre qualité de vie que la consommation de biens et services mis sur le marché. Par ailleurs, cette évaluation présente certains problèmes, surtout lorsqu'il s'agit des coûts à peine cachés de la dégradation environnementale qui résulte de la production et de la consommation de ces produits marchands. En dépit de ces réserves, il ne fait aucun doute qu'il n'est possible de maintenir un niveau de vie élevé par rapport à celui d'autres pays que si notre société est suffisamment productive pour atteindre des taux élevés de croissance mesurée de la productivité.
Par conséquent, la croissance de la productivité devrait certainement être la principale préoccupation de tout gouvernement dont l'objectif est d'assurer le bien-être de ses citoyens. Si on examine le tableau que j'ai préparé--j'ai simplement quelques tableaux, mais celui-ci indique que depuis la fin des années 70, les prix réels du PIB par heure affichent une croissance à long terme qui correspond à moins de la moitié de la croissance affichée au cours des 20 premières années de la période d'après-guerre.
À (1025)
Bien qu'il existe un grand nombre de facteurs qui expliqueraient cette diminution à long terme, et on pourrait en énumérer beaucoup, j'aimerais signaler au moins un facteur qui relève directement du contrôle du ministre des Finances et auquel ont gravement nui les mesures de lutte contre le déficit de la plupart des gouvernements canadiens depuis la fin des années 70, littéralement. Il s'agit du lien dont mon collègue le professeur Mintz a aussi parlé au début de sa présentation, entre la composition des dépenses gouvernementales et la croissance de la productivité du secteur privé.
Depuis les années 80, un certain nombre d'économistes, surtout aux États-Unis, ont en fait signalé l'importance de la contribution de l'investissement public comme facteur de promotion de la croissance de la productivité pour le niveau de vie d'un pays. Si nous voulons accroître la productivité, nous devons accroître le capital par travailleur--et à cet égard je suis entièrement d'accord avec le professeur Grubel. Mais il pourrait s'agir de capital public par travailleur, dont on a effectivement démontré l'importance--du moins selon un certain nombre d'économistes--pour influer sur notre capacité à améliorer l'efficacité de notre production.
Effectivement, je me rappelle très clairement que même avant que le présent gouvernement prenne le pouvoir en 1993, M. Chrétien avait invité Lester Thurow, un économiste américain bien connu, que le professeur Courchene a cité je crois, à prendre la parole précisément sur cette question lors d'un congrès du parti, si je me souviens bien, à Aylmer au Québec, à l'époque.
Par la suite--je me souviens que M. John Manley était ministre fédéral de l'Industrie à l'époque--, Industrie Canada a invité, entre autres, un autre économiste américain bien connu du nom de David Aschauer, qui a aussi insisté sur la grande complémentarité qui existe entre les dépenses publiques en capital et la productivité du secteur privé.
Certains éléments de cette discussion ont paru dans les publications d'Industrie Canada à l'époque, et en fait, je crois comprendre que même maintenant le gouvernement fédéral fait la promotion d'un important projet de recherche sur le rôle du capital social, non seulement pour promouvoir la cohésion et l'intégration sociales, mais aussi pour améliorer le niveau de vie de notre pays.
Malgré le vif intérêt manifesté par le gouvernement, si on examine les mesures prises par notre ministre des Finances, même si elles ont été remarquables d'un côté en permettant d'afficher des excédents budgétaires--qui à mon avis contribuent très peu à améliorer le niveau de vie proprement dit des Canadiens, cela s'est traduit par une diminution des dépenses et une augmentation des impôts pour la population--de l'autre côté, et en fait rien n'a été fait en matière d'investissement public pour promouvoir la croissance de la productivité.
Effectivement, si on examine le tableau 1, la colonne qui se trouve au milieu du tableau permet de constater facilement comment la proportion de l'investissement public du PIB pour tous les niveaux de gouvernement réunis--je les ai tous examinés--avait en fait atteint un niveau de pourcentage inférieur au pourcentage affiché au cours des années 40. Je suis remonté jusqu'aux années 40 pour obtenir des données sur la proportion du PIB, des dépenses gouvernementales, de l'ensemble des investissements au Canada, consacrée à l'investissement public, afin d'obtenir une indication de son importance, et même dans les années 40, lorsque nous avions évidemment d'autres priorités plus importantes, la proportion du PIB consacrée à l'investissement public était très semblable à celle qui est affichée aujourd'hui. Je considère cela assez consternant.
Indépendamment de l'indicateur que l'on choisit sur mon tableau, il ne fait aucun doute que le gouvernement actuel n'a pas apporté de changement en vue d'accroître la proportion de l'investissement public, qui je croyais était l'un des thèmes qui leur avait permis de prendre le pouvoir à l'époque.
La dernière colonne du tableau indique le taux moyen de croissance en pourcentage du PIB réel par heure travaillée et indique à quel point il a dégringolé depuis les années 50 et 60 où il affichait un taux de croissance moyenne élevé.
À (1030)
De nombreux économistes qui ont conseillé le gouvernement au cours des 10 dernières années ont soutenu qu'il existe en fait un lien de cause à effet entre ce ralentissement marqué de l'investissement public et la diminution générale de la productivité. Je m'empresserais d'ajouter qu'il ne s'agit pas d'un phénomène propre à notre pays. Depuis la fin des années 70, l'investissement public a en fait subi le contrecoup de la lutte au déficit dans tous les pays occidentaux, ce qui a entraîné des conséquences similaires pour la croissance de la productivité, à mon avis.
Devons-nous revenir à l'époque où l'investissement public représentait pratiquement le tiers des dépenses gouvernementales, c'est-à-dire environ trois fois la proportion actuelle atteinte au milieu des années 60? En fait, lorsqu'il a atteint son point culminant, au milieu des années 60, aux alentours de 1966, environ 33 p. 100 du total des dépenses gouvernementales étaient consacrées essentiellement à l'investissement dans l'infrastructure. Et comme nous pouvons le constater, cette proportion est tombée aux alentours de 10 p. 100 au cours des quelques dernières décennies.
Il ne fait aucun doute qu'il n'est pas réaliste à court terme de reproduire la situation qui existait en 1960. Cependant, ce qui est clair, c'est que si le gouvernement fédéral souhaite favoriser la croissance de la productivité, il doit accroître considérablement ses dépenses et non les réduire. Il doit les répartir dans les domaines qui seront les plus productifs, à savoir créer du capital public pour les Canadiens.
La Fédération canadienne des municipalités a en fait souligné que l'on avait désespérément besoin de fonds en matière d'infrastructure. Cependant, on peut songer à de nombreux domaines, non seulement les soins de santé aux Autochtones, l'éducation et le capital humain--comme certains l'ont indiqué--qui ont désespérément besoin de financement. Il faut aussi promouvoir un environnement sûr pour tous les Canadiens. Entre autres, un approvisionnement plus sûr en eau potable. Ici encore, cela nécessite un investissement dans l'infrastructure, et des gens en meilleure santé sont plus productifs.
Bien entendu, il n'existe pas de formule magique qui permettra d'accroître rapidement la productivité, mais contrairement aux réductions d'impôt pour les entreprises et les ménages dont l'influence sur la productivité est plutôt faible, pour ne pas dire peu convaincante, l'augmentation des dépenses publiques en capital est une méthode plus directe qui permet d'atteindre l'objectif fixé en offrant à cet égard un rôle plus actif au gouvernement.
Mais même un programme accéléré d'investissement public qui serait mis en oeuvre dès demain ne donnerait des résultats au niveau de la productivité qu'après de nombreuses années. Par conséquent, je n'ai pas de formule simple et officielle à vous fournir, mais je peux vous dire que nous devrions opter pour un accroissement de l'investissement plutôt qu'une diminution, ce qui a été la norme au cours des 20 dernières années au Canada.
Quand nous nous promenons en voiture dans les rues, il est facile de constater les problèmes auxquels nous faisons face et les énormes contraintes que subissent les gouvernements provinciaux lorsqu'il s'agit de faire ce genre d'investissement public et de soutenir les municipalités de cette façon aussi. Comme je l'ai dit, cela est extrêmement important pour nous si nous voulons effectivement accroître notre niveau de vie grâce à la croissance de la productivité.
Avant de terminer, j'aimerais recommander au gouvernement fédéral de ne pas succomber au discours de ceux qui prétendent que cette formule magique existe, comme on peut le lire parfois dans certains journaux. Au cours des dernières années, de nombreuses sources nous ont indiqué que ce dont on a besoin à l'heure actuelle c'est d'un nouvel arrangement monétaire avec nos partenaires de l'ALENA, qui favoriserait une croissance accrue de la productivité et un niveau de vie plus élevé pour le Canada. On en attribue la faute à notre cours de change flottant ou plus précisément à la dévalorisation du dollar canadien.
À (1035)
J'aimerais indiquer au comité qu'au cours du demi-siècle dernier, depuis 1950, disons, pour commencer quelque part, nous avons opté pour un taux de change fixe uniquement pendant huit ans entre 1962 et 1970, taux de change qui oscillait d'à peine 1 p. 100 par rapport à la parité fixée à l'époque à 92,5 ¢ par rapport au dollar américain. Bien que cette période se démarque comme une période de croissance élevée tant sur le plan de la productivité que de la croissance générale de la production, comme mon tableau 1 l'indique, cette croissance élevée de productivité était aussi caractéristique des années 50 au cours desquelles le Canada, qui était pratiquement le seul pays à le faire à l'époque, avait adopté un taux de change flottant.
Il est difficile de conclure à partir de cette information que nous devons fixer le taux. Je suis d'accord avec le professeur Grubel. Je ne crois pas que ce soit la façon de procéder, comme le propose l'Argentine, pas plus que la dollarisation, qui serait l'autre solution de rechange qui s'offre de façon réaliste au Canada. De plus, si vous examinez les données de mon tableau 2, tel qu'on l'indique ici, si on examine la production par personne employée au Canada--j'ai tiré ces données du bureau américain des statistiques sur le travail principalement et je les ai complétées où je le pouvais pour le Canada en raison de certaines lacunes concernant les données de Statistique Canada--, pour la période depuis 1960, le Canada a affiché une légère diminution. Si vous examinez la dernière colonne, qui vous donne la diminution en pourcentage de la croissance de la productivité, lorsque nous examinons la période préalable à 1980 et postérieure à 1980, on constate en fait que le Canada affiche une légère diminution comparable à celle affichée par les États-Unis et le Royaume-Uni, par exemple, entre ces périodes. Cela mettrait en doute l'importance d'une dépréciation, dans ce cas-ci, du dollar canadien comme la cause de cette diminution de la productivité.
Par conséquent, on pourrait difficilement conclure que les taux de change fixes sont nécessairement liés à une croissance accrue de la productivité. De la même façon, avant le lancement de l'euro entre 1970 et 1999, les Européens ont utilisé un mécanisme de taux de change qui permettait aux divers taux de change des pays participants de fluctuer également en fonction d'une bande très étroite qui à l'époque était décrite comme le serpent européen. Si la fixation du taux de change est effectivement si importante pour la croissance de la productivité, pourquoi les pays européens qui ont adopté le système monétaire européen à l'époque et par conséquent l'union monétaire, l'union monétaire européenne, au cours de la période postérieure à 1979, ont-ils connu des diminutions de la croissance de la productivité encore plus marquées que le Canada à l'époque? Même de petites économies ouvertes comme celles de l'Autriche et de la Belgique, par exemple, qui se trouvent probablement dans une situation comparable, par rapport aux pays pauvres de l'union monétaire--la France ou l'Allemagne à l'époque--, à celle du Canada par rapport aux États-Unis, si vous examinez le taux de croissance de leur productivité moyenne générale, comme on l'indique ici, ou l'un des indicateurs inscrits sur cette liste, vous constaterez qu'ils ont connu une diminution encore plus marquée que celle affichée par le Canada au cours de la même période, ce qui est loin de laisser croire que des taux de change fixes régleront le problème ou qu'en fait les taux flottants étaient la cause du problème auquel nous faisons face.
Je n'aurais aucune difficulté à vous présenter de nombreux autres facteurs permettant d'expliquer le ralentissement de la croissance de la productivité, mais de toute évidence un élément qui intéresse directement le ministre des Finances est l'idée de tâcher de réaffecter les dépenses publiques de manière à accroître le capital, social et public, à l'intention des Canadiens.
Je vous remercie.
À (1040)
La présidente: Merci beaucoup. Il ne fait aucun doute que le comité a entendu une foule d'opinions divergentes, et le comité va maintenant approfondir certaines de ces opinions en posant des questions.
Monsieur Penson, vous avez huit minutes.
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier le groupe d'experts de sa présence ici aujourd'hui. Tout particulièrement, je souhaite la bienvenue à mon ancien collègue, M. Grubel.
Madame la présidente, si vous aviez l'intention de garantir un débat stimulant par la diversité des intervenants, je crois bien que vous allez être servie.
Il me semble, cependant, monsieur Seccareccia, que votre point de vue représente une politique appliquée depuis à peu près 30 ans au Canada, sans résultats valables. MM. Mintz et Grubel nous ont parlé de certains problèmes qui semblent avoir rapport au fait que les contribuables sont démotivés ou, si vous voulez, que les travailleurs sont découragés. Pour ma part, je souhaite freiner cette baisse de la productivité et du niveau de vie que nous connaissons au Canada depuis 30 ans, plutôt que de persister dans une voie qui s'est avérée un échec.
Ainsi, messieurs Mintz et Grubel, je voudrais en savoir davantage, tout d'abord, concernant la réforme fiscale que vous envisagez. J'ai lu certains de vos documents. Essentiellement, vous semblez dire que, au lieu de rendre le travail peu attrayant et de maintenir des aspects dissuasifs, vous vous efforceriez de transformer le fardeau fiscal en taxes de vente, ce qui donnerait un régime moins inefficace que les autres.
Également, monsieur Mintz, je constate que vous avez déclaré que le secteur public au Canada représente toujours 44 p. 100 du PIB. N'est-ce pas très élevé comparativement à d'autres pays comme les États-Unis?
Il est question, semble-t-il, d'une baisse du ratio dette-PIB, mais notre fardeau fiscal total se chiffre toujours à 40 p. 100 du PIB, et c'est le cas depuis sept ans. Aux États-Unis, ce fardeau représente 29 p. 100. Au Canada, la proportion du PIB qui représente le service de la dette est de 6 p. 100, tandis qu'elle est de 2 p. 100 aux États-Unis. N'y a-t-il pas là de graves problèmes que nous devrons surmonter pour devenir concurrentiels par rapport à notre grand partenaire commercial, non seulement sur son propre marché mais sur le nôtre lorsqu'il y opère et sur les marchés de pays tiers où nous sommes en concurrence? N'y a-t-il pas là un problème que nous devons résoudre?
M. Jack Mintz: Merci, monsieur Penson.
Je parlerai tout d'abord de la dette. Je tenais plutôt à parler des taxes aujourd'hui, mais j'estime également que le ratio dette-PIB continue d'être trop élevé au Canada. En effet, lorsque l'on ajoute la dette provinciale et municipale à celle du gouvernement du Canada, le ratio s'élève à presque 80 p. 100 du PIB. Il s'agit de l'un des ratios les plus élevés au monde.
Par ailleurs, l'évolution démographique du Canada m'inquiète de plus en plus, de même que ses implications sur les équilibres budgétaires. L'OCDE a publié l'été dernier une excellente étude d'où il ressortait que, après calcul des répercussions du vieillissement de la population, les équilibres fiscaux au Canada connaîtront dès l'an 2040 une détérioration de l'ordre de 10 points de pourcentage du PIB. Autrement dit, si nous continuons sur la même voie sans tenter de régler le volet des dépenses publiques aussi bien que celui de la fiscalité, nous allons aboutir à un ratio impôt-PIB supérieur à 50 p. 100.
Les experts de l'OCDE ont tenu compte de cinq facteurs. Dans un cas, il s'agissait de la croissance des prestations aux personnes âgées comme pourcentage du PIB, en raison du vieillissement. On a également tenu compte de la croissance des coûts de soins de santé comme pourcentage du PIB. D'ailleurs, les chiffres de l'OCDE étaient fort semblables à ceux de mon collègue Bill Robson, à savoir une augmentation d'environ quatre points de pourcentage du PIB. Les experts de l'OCDE ont également tenu compte de la baisse des dépenses liées à l'éducation et aux prestations pour enfants--compte tenu du nombre décroissant d'enfants--et des répercussions sur les ratios impôt-PIB, qui devraient fléchir légèrement. Même si les gens vont peut-être faire appel à leurs régimes de retraite et à leurs REER, le revenu de remplacement sera souvent inférieur au revenu d'une personne qui travaille, et l'effet du vieillissement entraînera une chute du ratio impôt-PIB d'un peu plus d'un point de pourcentage au Canada. Il ressort de tout cela qu'un problème d'envergure nous guette à terme. Nous allons donc certainement devoir réfléchir à l'endettement.
Pour ce qui est de la réforme fiscale, j'ai abordé un certain nombre de domaines que nous devons nécessairement étudier à assez court terme. Si vous voulez connaître ma perspective d'ensemble, je vous prie de prendre connaissance de mon livre, qui s'intitule Most Favoured Nation, publié par l'Intitut C.D. Howe l'automne dernier. L'ouvrage est fondé, en réalité, sur des travaux que j'ai entrepris avant de me joindre à l'Institut C.D. Howe. Je continue d'être rattaché à l'Université de Toronto. L'ouvrage aborde des réformes fiscales d'envergure; il ne s'agit pas tout simplement d'augmenter le taux de la taxe de vente, de la TPS. Herbert Grubel a déjà parlé de cet aspect. Je suis pour ma part très favorable à un régime fiscal fondé sur la dépense, qui engloberait aussi bien le volet des dépenses des sociétés que celui des dépenses des particuliers.
À (1045)
M. Charlie Penson: Monsieur Mintz, permettez-moi de vous interrompre.
Y a-t-il là un rapport avec la confiance des investisseurs? Notre investissement étranger direct est à la baisse depuis 30 ans. Même les Canadiens envisagent de plus en plus d'investir à l'étranger. Si nos taux d'impôt ne reflètent pas mieux ceux de notre principal concurrent, alors ce n'est pas ici que nous allons voir de nouvelles usines, de nouvelles dépenses en machines et en matériel. C'est ailleurs que cela va se passer. N'ai-je pas raison?
M. Jack Mintz: Je suis d'accord. C'est justement là-dessus que je tenais à mettre l'accent. Cependant, il y a plus. Il ne suffira pas de pouvoir nous comparer aux États-Unis. Aux États-Unis, certains effets de convergence, de masse critique jouent; les ressources ont tendance à être affectées là où les marchés sont les plus vastes.
M. Charlie Penson: Notre fiscalité doit donc être plus avantageuse; nos taux doivent être plus bas que ceux des États-Unis.
M. Jack Mintz: Nous devons penser comme un petit pays. Nous devons en effet surpasser les États-Unis dans certains domaines.
Voilà pourquoi je soutiens que nous ne devrions pas avoir comme politique d'harmoniser notre situation à celle des États-Unis, c'est-à-dire d'être semblables aux États-Unis. Je soutiendrais même que nous devons avoir une meilleure politique que celle des États-Unis. Il me semble que la chose est d'ailleurs possible dans certains domaines. C'est même déjà le cas. Nous devons exploiter les différences.
Certains petits pays ont constaté que le régime fiscal, notamment pour ce qui est de la fiscalité des entreprises, pouvait constituer l'un des instruments les plus puissants.
M. Charlie Penson: M. Grubel laisse également entendre qu'une forme d'intégration encore plus poussée avec les États-Unis pourrait être avantageuse.
Si j'ai bien compris, nous serions en meilleure posture de négociation sur le plan du droit commercial, sur lequel s'appuient les États-Unis dans le cas du bois d'oeuvre, si nous étions davantage intégrés aux États-Unis. Est-ce bien vrai, monsieur Grubel?
M. Herbert Grubel: J'étais sur le point d'acquiescer à tout ce que Jack a dit, tout en étoffant un peu. Il y a corrélation, en effet. Il y a un autre aspect, à savoir celui de faire en sorte que la frontière ait moins d'importance, ce qui permettrait d'éviter certains problèmes. Selon ce qu'on m'a dit, au cours des 10 dernières années environ, avec l'expansion de Microsoft, de Boeing et de l'ensemble de la région de Seattle, on constate un engorgement de la circulation et une détérioration correspondante de la qualité de vie--de cette qualité de vie justement que prisent tellement les travailleurs du secteur de la haute technologie. On a formé un comité et délégué certains représentants en Colombie-Britannique pour étudier la possibilité d'y établir certains bureaux pour loger des concepteurs de logiciels, etc., à cause du plus faible encombrement et d'une qualité de vie meilleure.
Après un court séjour sur place, on s'est rendu compte que c'était impossible à cause de la fiscalité désavantageuse et d'autres aspects contextuels qui ont rapport à la qualité de vie, autres que la beauté des montagnes et de l'océan. Je pense bien, Jack, que nous pouvons nous intégrer à une économie d'agglomération dans le corridor Windsor-Détroit, en Nouvelle-Angleterre peut-être, mais certainement dans le cas de la Colombie-Britannique et de la région de Seattle. En effet, si la frontière n'existait pas, nous ferions certainement partie de la grande agglomération de Seattle, qui affiche l'un des taux de productivité par habitant les plus élevés au monde.
M. Charlie Penson: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Loubier, commencez, s'il vous plaît.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe--Bagot, BQ): Merci, madame la présidente.
Soyez les bienvenus au Comité des finances. On fait appel depuis des années à l'expertise de la plupart d'entre vous.
Monsieur Grubel, vous avez dit plus tôt que vous aviez eu des moments merveilleux et des moments assommants. J'espère que ce n'est pas avec moi que vous avez eu des moments assommants. On a eu de bonnes discussions ensemble. Cela m'a permis de me remettre au centre et cela vous a permis d'avoir un peu plus de socialisme dans votre vision économique. Je pense qu'à cet égard, c'est plutôt un échec en ce qui me concerne.
J'aimerais vous poser une question dès maintenant, monsieur Grubel. Vous avez parlé plus tôt des frontières nord-américaines. Vous avez dit que l'on devait faire en sorte que nos frontières soient communes et mettre nos ressources en commun afin de mieux les protéger et d'assurer le flux commercial. Celui-ci a été quelque peu interrompu pendant quelques jours après les événements du 11 septembre. Beaucoup de gens ont oublié que des camions ont dû attendre à la frontière américaine avant de pouvoir livrer nos produits aux États-Unis. Je crois que vous avez mis le doigt sur un élément fondamental de la politique canadienne: faire en sorte que l'on partage la protection des frontières communes que nous avons avec les États-Unis, voire même avec le Mexique. C'est non seulement une question de sécurité et de défense, mais aussi une question purement économique. S'il s'avérait que les frontières n'étaient pas sécuritaires un jour, les Américains pourraient restreindre l'accessibilité de nos produits de leur côté. Est-ce que je me trompe en disant qu'on a intérêt à mettre le plus rapidement possible nos ressources avec celles des États-Unis pour sécuriser nos frontières en vue des objectifs commerciaux du Canada?
À (1050)
[Traduction]
M. Herbert Grubel: Je suis tout à fait d'accord. Nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers parce que rien ne s'est passé depuis le 11 septembre. Je me sens pour ma part de plus en plus décontracté au sujet de tout cela et j'ai de plus en plus tendance à ridiculiser tous ces salamalecs qu'il faut faire pour entrer ou sortir d'un aéroport ou de la Cité parlementaire ici. Ce qui s'est passé est plutôt triste. Déjà, on constate plus de relâchement, et c'est peut-être ce qui convient, ce qui est idéal.
Mais sur le plan macroéconomique, nous devrions veiller à gagner la confiance des Américains en collaborant avec eux. Ce serait tout à fait à notre avantage.
Permettez-moi de suggérer que la collaboration est de loin la meilleure méthode avec eux. En effet, je puis vous dire que, si la sécurité des États-Unis était menacée et que cela avait rapport au territoire du Canada, les Américains n'hésiteraient pas à violer notre souveraineté pour se protéger. Ils ont tout ce qu'il faut pour le faire. Si nous refusons de collaborer avec eux, nous n'aurons pas un mot à dire sur la manière qu'ils choisiront pour se défendre contre la menace en question. Il est de loin préférable pour nous d'avoir notre mot à dire, comme ce serait le cas avec une devise commune où nous pourrions, à titre de membres du Conseil des gouverneurs et du comité fédéral du libre marché, donner notre avis sur la politique monétaire optimale pour le continent. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Nous ne faisons que réagir ou précéder de quelques mois les actions des Américains. Il me semblerait plus avantageux de pouvoir participer directement.
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous avez mentionné la question de l'intégration monétaire. Comme vous le savez, pour mon parti et pour moi de façon particulière et mon collègue de la région de Québec, ça devient une question fondamentale.
J'écoutais M. Seccareccia, tout à l'heure, qui disait que le dollar canadien pouvait rebondir et s'apprécier. Il est bien entendu qu'il pourrait revenir à des niveaux dépassant les 80 ¢. On ne sait jamais ce que le marché monétaire peut nous réserver. Mais jusqu'à présent, il y a une tendance qui est forte et qui est à long terme. Cette tendance est celle de la descente du dollar canadien, une descente structurelle. C'est surtout l'instabilité qui inquiète les entrepreneurs aujourd'hui.
Certains entrepreneurs disent qu'on les encourage à exporter, à augmenter leur productivité, mais que, lorsque vient le temps de signer des contrats d'approvisionnement pour des acheteurs américains, cela pose un problème. Il y a un facteur de risque incroyable, un risque lié au change qui existait peu il y a 30 ans, mais qui aujourd'hui, surtout avec ce qu'on a connu il y a deux ans, est effroyable.
Étant donné que la compétitivité--vous l'avez mentionné, messieurs Grubel, Courchene et Mintz--est faible et que le taux de taxation général est élevé, de plus en plus de cadres intermédiaires et supérieurs demandent à être rémunérés en dollars américains, plus stables et plus sûrs.
Quelle est la solution autre qu'une intégration monétaire avec droit au chapitre, comme vous l'avez mentionné, au niveau de la politique monétaire intégrée? Quelle est la solution alternative? On se bute au Canada, en particulier--au Québec, c'est moins évident--à un refus systématique d'aborder même la question de l'intégration monétaire. On en fait une question de nationalisme canadien, alors que c'est une question économique. C'est une question qui tient aux ajustements réussis ou à un échec au niveau de l'accroissement de notre productivité.
Vous avez mentionné, monsieur Mintz, le fait qu'on a augmenté notre productivité depuis deux ans. On a gagné un rang. On est rendus au neuvième rang mondial. Mais il reste qu'on est face à un voisin avec lequel on effectue les transactions les plus importantes, avec lequel on fait l'essentiel de notre commerce, qui, lui, est au premier rang. Quelle serait la solution alternative à une intégration monétaire, si la plupart des Canadiens n'en veulent pas? Quelle solution pourrait-on envisager, si on se bute en plus à un refus de Paul Martin et de M. Chrétien d'avoir même un débat sur la question de voir quel plan on pourrait instaurer pour une intégration monétaire qui serait graduelle afin de ne pas créer de choc et de ne pas faire mourir nos entreprises?
À (1055)
[Traduction]
M. Herbert Grubel: J'aimerais bien qu'une solution de rechange existe. Je n'en connais pas. Je serais très content de vous voir me proposer quelque chose par écrit. Je crois cependant que vous avez tort de croire que les Canadiens ne sont pas prêts à cela. J'ai beaucoup publié et j'ai beaucoup discouru sur cette question. On m'invite souvent à prendre la parole devant des auditoires sur cette question. Et je suis en mesure de vous dire que même les publics les plus érudits, y compris un groupe devant qui j'a pris la parole à Mexico l'autre jour, me font savoir, après m'avoir bien donné l'occasion de leur expliquer mon idée qui leur paraît farfelue au départ et à laquelle ils s'opposent, qu'ils y sont, en fin de compte, favorables. En général, lorsque je sonde les gens, 30 p. 100 d'entre eux me disent que ce devrait être déjà chose faite, 30 p. 100 me disent qu'ils ne l'accepteront jamais, mais 40 p. 100 déclarent qu'il leur faut davantage d'information.
J'estime donc plutôt lamentable le refus d'accéder à la demande du Comité des finances formulée au cours des dernières années, sur l'initiative de l'Alliance, de tenir une série d'audiences sur cette question, de prendre ainsi le pouls des Canadiens et de leur expliquer de quoi il retourne, d'autant plus que cela ne suppose aucune perte de souveraineté nationale en matière de santé ou d'autres questions si chères à la gauche... Ce serait une façon d'aller de l'avant.
Je peux cependant vous assurer, monsieur Loubier, que lorsque le dollar atteindra les 50 cents, il y aura tout un bouleversement et MM. Chrétien et Dodge devront bien reconnaître qu'il faut agir en allant davantage au fond des choses.
La présidente: D'accord.
Monsieur Mintz.
M. Jack Mintz: Je serai assez bref parce qu'il s'agit d'un sujet très important qui mérite plus ample discussion. En fait, il y a des personnes qui devraient être ici, mais qui sont malheureusement absentes. Ces gens exprimeraient probablement un point de vue tout à fait contraire à celui des professeurs Grubel et Courchene. Ces gens sont deux grands défenseurs de la dollarisation ou d'une monnaie commune avec les États-Unis.
J'aimerais reprendre les arguments de certains de nos collègues qui débattraient de ces concepts. Par exemple, David Laidler de l'University of Western Ontario et Bill Robson de l'Institut C.D. Howe commenceraient par vanter les mérites d'une monnaie commune, qui faciliterait le commerce et réduirait les coûts de couverture.
Il y aurait par contre certains coûts associés si les deux économies n'étaient pas très intégrées, ainsi que divers chocs économiques. Les chocs macroéconomiques dus à une monnaie commune pourraient causer des fluctuations du taux de chômage et du revenu des particuliers. Cela, évidemment, entraînerait un coût humain important. Le débat porte en partie sur la question de savoir si la dollarisation aurait plus d'avantages que d'inconvénients.
Si nous décidions d'aller de l'avant avec la dollarisation ou avec une monnaie commune, il faudrait décider comment collaborer avec les États-Unis et quel cadre institutionnel adopter. N'oublions pas que le rôle des banques centrales du Canada n'est pas seulement de fixer la politique monétaire, ce qui n'est quand même pas négligeable. Les banques jouent beaucoup d'autres rôles; elles sont parfois le prêteur de dernier recours et ont toutes sortes de responsabilités fiduciaires.
Si le Canada décidait d'adopter la monnaie américaine, il faudrait évidemment se demander si la Réserve fédérale américaine assumerait les mêmes responsabilités que la Banque du Canada, ou si cette dernière devrait conserver toutes ses fonctions? De quoi cela aurait-il l'air?
Il y a donc toutes sortes de questions importantes qui entourent ce débat. Il est important de tenir des discussions sur le sujet, mais je dois admettre que je ne suis pas persuadé que nous devons avoir une monnaie commune.
Á (1100)
La présidente: Monsieur Courchene.
M. Thomas Courchene: Pourrais-je dire un mot? Moi aussi j'ai beaucoup écrit et parlé au sujet de la monnaie commune. D'ailleurs, la dernière fois que j'ai parlé sur ce sujet était samedi passé lors d'une conférence importante à l'Université Queen's. Herb, notre problème c'est que nous avons l'embarras du choix et qu'il est parfois difficile de choisir l'événement auquel nous voulons participer.
N'oublions pas que dans un sondage fait récemment, 55 p. 100 des Canadiens ont dit appuyer l'idée d'une monnaie commune et seulement 35 p. 100 ont dit qu'ils appuyaient l'idée d'adopter le dollar américain. Ils ont bien répondu, puisqu'une monnaie commune aurait plus d'avantages pour le Canada que si on adoptait le dollar américain.
On peut préconiser l'approche prise par Herb Grubel et je me range de son côté. Le mécanisme tampon du taux de change, comme la Banque du Canada l'appelle, est une bonne chose s'il correspond aux fluctuations des prix des marchandises. Ce mécanisme aurait pour effet d'accroître le secteur des marchandises au Canada ou du moins il ferait en sorte que le secteur serait plus grand qu'il ne le serait autrement. Par contre, il y aurait des effets assez négatifs sur la nouvelle économie, en partie parce que la main-d'oeuvre et le capital ont tendance à demeurer dans le secteur des ressources, mais principalement parce que la nouvelle technologie se paie en dollars américains. Si le dollar canadien vaut 20 p. 100 de moins, par exemple, la nouvelle technologie nous coûterait 20 p. 100 de plus. Je crois donc que l'écart en matière de productivité s'explique en partie du fait qu'au Canada il y a une main-d'oeuvre et une structure industrielle qui est moins exigeante en investissement et davantage basée sur les ressources naturelles qu'autrement.
Si nous avons un problème au niveau du secteur des ressources naturelles, nous pouvons le régler sans, à mon avis, nous servir du taux de change pour le faire.
Une autre façon de percevoir la monnaie commune est de s'inspirer de l'exemple de l'euro. Laissons de côté les raisons qui ont mené à la naissance de l'euro... Je suis d'accord avec ce qu'a dit le gouverneur de la Banque du Canada, à savoir que l'Europe a adopté une monnaie commune pour des raisons historiques; l'Europe ne veut pas revivre les événements terribles qui se sont produits au cours du XXe siècle encore une fois au XXIe siècle. Dès son adoption, une monnaie commune devient un bien public international. C'est le symbole de la dénationalisation des monnaies communes.
À l'heure actuelle, 12 pays européens utilisent l'euro. Les pays qui veulent accéder à l'Union européenne, il y en a 10 ou 12, sont soit en train de fixer le taux de leur monnaie à celui de l'euro ou ont déjà commencé à utiliser l'euro. Tous les pays de l'Europe de l'Est, y compris la Russie, ont commencé à remplacer leur propre monnaie par l'euro. Israël parle même de l'adopter, ainsi que l'Afrique du Sud; dans le centre de l'Afrique, l'entière région du franc CFA est aujourd'hui une zone euro. Ailleurs au monde, par exemple dans les protectorats hollandais, on se sert de l'euro, et je présume que c'est également le cas en Guinée française. L'euro va devenir la monnaie commune d'une population deux ou trois fois plus importante que la population américaine et dont le PIB excède le PIB américain.
Tôt ou tard, les Américains voudront élargir la zone du dollar. Je suis donc d'accord avec Herb pour dire qu'à ce moment-là les Américains auront plus d'intérêt à nous écouter pour ce qui est d'une monnaie commune qu'ils en ont maintenant. De toute façon, comme il l'a dit, nous devrons nous assurer que nous sommes tout à fait certains que c'est l'option que nous privilégions. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il faut en discuter.
En sus des raisons mentionnées par Jack, il y a plusieurs autres façons de structurer une monnaie commune. Certaines de ces structures jouent davantage en faveur des intérêts à long terme du Canada. Il serait malheureux, par exemple, d'avoir un système de compensation basé sur un axe nord-sud. Ce système devrait initialement être basé sur un axe est-ouest et seulement après on éliminerait les écarts entre notre monnaie et les monnaies internationales, comme on le fait avec l'euro, parce que si vous mettez tout un système en place et New York est intégré avec Toronto dès le début, cela aurait pour effet de détruire l'axe est-ouest qui est le socle de notre souveraineté.
J'aimerais faire un dernier commentaire sur le nationalisme ou l'identité. D'abord, si nous avions une monnaie commune comme je l'ai décrite, il pourrait y avoir le dollar sur un côté, ou les Rocheuses, et sur l'autre côté, le symbole du billet de 10 $. Nous pourrions ajouter nos propres symboles à l'instar des Européens qui ont mis leur symbole sur leurs pièces de monnaie. Les Allemands ont mis un aigle d'un côté de leur billet de deux euros. Je ne sais pas quel symbole ont choisi les Français, mais ce n'est pas un aigle. Ainsi, on pourrait mettre nos propres symboles sur la monnaie.
Au cours des grands débats entourant le libre échange en 1988, les Canadiens ont dit vouloir protéger leur identité et leur symbole représentant la moitié nord de l'Amérique du Nord en matière de politique sociale. La plupart de nos programmes sociaux ont été créés pendant l'époque Pearson, une période formidable de cinq ou six ans au cours de laquelle le Canada a créé sa version finale de la péréquation. Les Américains n'ont même pas ce genre de programme. Nous avions également modernisé l'assurance hospitalisation et l'assurance médicale. Nous avons créé le RPC/RRQ. De plus, le régime d'assistance publique du Canada a également été créé durant cette période.
Á (1105)
Ce qui a caractérisé cette période contrairement à toute autre période d'après-guerre au Canada, c'est que nous avons suivi la politique monétaire américaine. Nous étions liés à la devise américaine. Nous avions un taux de change fixe. En fait, c'était presque comme une monnaie commune. Mais cela nous a permis de recréer notre pays à notre image et comme nous l'entendions. Il y a peut-être des problèmes d'identité et de nationalisme en ce qui concerne les monnaies communes, mais j'aimerais que ceux qui sont contre reconnaissent au moins qu'une bonne partie de ce à quoi nous tenons tellement au Canada remonte à une époque où nous avions un taux de change fixe ou une devise commune, avec les Américains. En fait, nous n'avions pas à nous inquiéter quotidiennement des taux de change. Cela nous a permis ainsi qu'à nos compatriotes de tourner notre attention vers des choses qui nous importaient vraiment.
Une monnaie commune est une question d'efficacité économique et non pas d'identité. Je suis bien certain que ces 12 pays d'Europe ne sont pas en train d'abandonner leur identité. C'est simplement qu'une monnaie commune fait partie de ces choses qui ne comptent pas beaucoup dans la définition du nationalisme au XXIe siècle.
Je pense qu'il y aura deux, trois ou peut-être quatre monnaies dans les 15 prochaines années. Je ne pense pas que le dollar canadien en fera partie. Il nous appartient donc à tous, dans cette perspective, d'examiner comment nous aimerions restructurer un regroupement des monnaies dans cet hémisphère. La question n'est pas de savoir si cela nous plaît. Nous en avons fait autant, de toute façon, en tant qu'économistes, en ce qui concerne l'accord de libre-échange. Nous nous étions préparés et lorsque l'occasion s'est présentée nous avons dit oui, nous sommes prêts.
L'occasion peut se présenter dans un avenir pas tellement éloigné. Les Sud-Américains exhortent beaucoup les Américains à les aider à stabiliser leurs monnaies. Il n'est pas forcé que ce soit le dollar. L'implosion répétée des devises leur est néfaste. Ils ne savent que faire. Ils demandent un système qui permette une stabilité des devises en Amérique du Nord. J'estime que nous, Canadiens, devons nous assurer que...
Une voix: Les libéraux voudraient vous poser une question.
M. Thomas Courchene: Je suis désolé, madame la présidente.
La présidente: Nous avons beaucoup dépassé l'heure. D'autres voudraient intervenir. Il ne sera pas possible que tout le monde réponde à chaque question. Nous devons être justes envers tout le monde. Je demanderais à mes collègues, lorsqu'ils posent leurs questions, de veiller à laisser suffisamment de temps pour les réponses. Merci.
Je passe maintenant à Mme Minna pour huit minutes.
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je dois me rendre à une autre réunion, et j'espère que l'un de mes collègues pourra ramasser les pots que j'aurai cassés. Je suis même en retard, mais j'ai voulu rester car j'avais des commentaires à faire.
J'aborde d'abord les commentaires qu'a faits M. Grubel au sujet de l'immigration. J'en ai assez d'entendre dire constamment qu'il y a beaucoup de criminels parmi les 40 000 réfugiés qui arrivent au Canada. Quatre-vingt pour cent, c'est un peu beaucoup, mais je crois qu'il s'agit plutôt de 60 p. 100 des réfugiés qui arrivent au pays sans documents, mais dont nous avons pour chacun vérifié scrupuleusement l'identité.
De plus, sachez que 50 p. 100 de ces 40 000 réfugiés nous arrivent des États-Unis. Autrement dit, ce sont les États-Unis qui les laissent entrer au départ et leur donnent accès à nos frontières. Cessons de prétendre que les Américains ont une sécurité infaillible et que c'est chez nous que la frontière est une passoire.
Même si nous partagions un périmètre ou même la frontière, des gens réussiraient à pénétrer chez nous, tout comme ils pénètrent aux États-Unis. Avec tout le respect que je lui dois, ceux qui ont détourné les avions avaient tous obtenu légalement des visas aux États-Unis.
Cessons de tomber à bras raccourcis sur le Canada et de nous traiter d'incapables. Cessons cette désinformation!
J'ai trouvé intéressant de vous entendre suggérer de hausser la TPS, ce qui nuirait à la grande majorité des Canadiens, puisque c'est une taxe qui s'applique à tous uniformément. Même si les ménages à faible revenu se la font rembourser, cette mesure ne serait pas nécessairement utile à qui que ce soit, puisque tous les Canadiens paient cette taxe au même taux.
Vous suggérez en même temps de rehausser les seuils de REER, ce qui avantagerait les riches, puisque ceux qui ont l'habitude de souscrire au maximum à leurs REER sont ceux qui ont beaucoup d'argent. Il y a quelques années, la cotisation moyenne aux REER était de 5 000 $ environ par an.
Les familles qui ont une hypothèque à rembourser et d'autres dettes aussi et qui ont des revenus moyens ne profiteront pas d'un seuil plus élevé. Vous essayez de jouer au Robin des bois à l'envers et de prendre l'argent des pauvres pour le donner aux riches. C'est le genre de philosophie qui me fait sourciller.
Monsieur Courchene, vous avez dit plus tôt que nous avions bien réussi à traiter du dossier du RPC. Les gens d'affaires qui ont comparu la semaine dernière nous ont dit qu'au départ, il vaudrait mieux réduire les cotisations. Ils ont également fait valoir, en second lieu, que le passif du fonds du RPC rendait celui-ci instable et qu'il n'était pas réaliste de compter là-dessus. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Lorsque vous dites que nous avons bien réussi à traiter le dossier, est-ce positif ou négatif comme commentaire? Êtes-vous d'accord avec les gens d'affaires?
Monsieur Mintz, vous affirmez que la santé et la protection nous coûtent environ 16 p. 100, ce qui serait autant qu'aux États-Unis... Avec tout le respect que je vous dois, la santé nous coûte à nous 10 p. 100 seulement, alors qu'elle représente à elle seule près de 16 p. 100 du PIB aux États-Unis, ou en tout cas 14 p. 100 au moins d'après les derniers chiffres que j'ai vus.
Quand vous parlez de protection, incluez-vous l'eau et la santé ou pensez-vous uniquement à la protection fournie par les corps policiers, par exemple? Je ne suis pas sûre exactement de quoi vous voulez parler. Si on parle de la police et de ses services, sachez que dans certaines régions des États-Unis les agents de police gagnent 15 000 $ par année et doivent suppléer d'autres façons à leur revenu, tandis que les agents de police canadiens sont un peu mieux rémunérés.
Voilà les deux questions que je vous pose, et je communiquerai peut-être avec certains d'entre vous en privé. Veuillez excuser mon départ, mais le whip m'a convoquée à un autre comité, et je dois me presser.
Á (1110)
M. Thomas Courchene: Pour le RPC, le commissaire du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec a dit que si l'on optait pour la formule de paiement au fur et à mesure, on finirait par avoir des taux de 14 p. 100, 7 p. 100 chacun. Le Canada a décidé de pré-financer et de remonter les taux immédiatement ou assez rapidement jusqu'à 9,9 p. 100, pour constituer une caisse, investir cet argent aux taux du marché, et économiser en fin de compte quatre points de pourcentage.
J'espère que cet investissement préalable donnera des résultats extraordinaires. Le démarrage a été un peu brutal en raison du comportement des marchés récemment. On va donc accumuler assez de capital pour ramener les taux à 9,9 p. 100.
J'ai toujours soutenu qu'un des moyens de contenir les charges sociales était de reconnaître que nous avons encore un excédent de cotisations d'assurance-emploi qui a été empoché par le ministère des Finances et qui devrait en fait être transféré pour alléger les taux de cotisation au RPC.
Je crois que les taux du RPC sont remarquables. Si l'on compare les taux dans divers pays, il faut bien se souvenir que certains de ces pays vont devoir augmenter radicalement les taux de cotisation à leur régime, alors que le nôtre est payé d'avance maintenant.
M. Herbert Grubel: Puis-je répondre très vite à votre question sur les réfugiés?
C'est une excellente chose que nous ayons l'occasion d'échanger des points de vue. Je comprends, comme vous pouvez le comprendre aussi, que nos sources d'information ne sont pas les mêmes. Je me fonde sur les informations que me communiquent des gens qui ont travaillé de l'intérieur dans le système canadien, notamment un collègue stagiaire de troisième niveau au Fraser Institute qui était coordonnateur de la sécurité du ministère des Affaires étrangères, Martin Collacott. Ses chiffres vont dans le sens de ce que je vous ai dit. Je ne sais pas si ses informations sont dépassées, si vous avez des informations qui disent exactement le contraire ou si, en fait, c'est simplement que votre parti a tendance à considérer que les immigrants votent libéral et par conséquent que nous avons besoin de leur appui.
Mme Maria Minna: C'est de la politique partisane. Je parle de faits qui viennent du ministère lui-même et du groupe de la sécurité.
M. Herbert Grubel: Sauf pour tous les gens qui sont partis, qui étaient là et qui clament haut et fort maintenant qu'on les a bâillonnés parce qu'ils se plaignaient de cela.
Convenons de notre désaccord. Tout ce que je dis ici—et j'ai pris bien soin de ne dire que cela—c'est qu'à mon avis nous devrions nous inquiéter de cette situation au Canada. J'espère que vous avez raison, car sinon, nous vous demanderons des comptes.
Á (1115)
Mme Maria Minna: Tout ce que je dis, c'est que vous exigez d'avoir la garantie que jamais un individu ne traversera la frontière, et c'est irréaliste. Deuxièmement, nous devrions peut-être jeter un coup d'oeil sur les 50 p. 100 de personnes qui arrivent des États-Unis aussi.
M. Herbert Grubel: Et voilà, nous avons déjà des excuses à l'avance pour ce qui va se passer. Nous parlons de la probabilité de ce genre de situation. Si on laisse entrer 50 000 personnes—et nous ignorons l'identité réelle de 60 p. 100 d'entre elles, nous sommes obligés de les croire sur parole. On les laisse entrer au Canada, et la plupart d'entre elles ne se présentent même pas pour leur audience de détermination du statut de réfugié. Si c'est cela un système à toute épreuve, alors je nage dans le bonheur.
Mme Maria Minna: Ce n'est pas vrai que la plupart d'entre elles ne se présentent pas. J'ai travaillé dans ce domaine pendant des années et j'étais...
M. Herbert Grubel: Quel est le pourcentage de ceux qui ne se présentent pas?
Mme Maria Minna: ... secrétaire parlementaire au ministère. Ce n'est pas vrai que la plupart ne se présentent pas.
M. Herbert Grubel: Quel est le pourcentage de ceux qui ne se présentent pas?
La présidente: Je montrerai les micros et cela nous évitera peut-être d'avoir deux personnes qui parlent en même temps. Merci beaucoup.
M. Herbert Grubel: Quel est le pourcentage?
La présidente: Merci.
M. Jack Mintz: Madame la présidente, il y a une ou deux questions auxquelles je n'ai pas encore répondu.
La présidente: Bon. Monsieur Mintz.
M. Jack Mintz: Je vais essayer d'être très bref.
La présidente: Entendu, allez-y.
M. Jack Mintz: En ce qui concerne la question sur la protection et les dépenses de santé, tout d'abord, les chiffres que vous avez mentionnés concernaient le total des dépenses publiques et privées de soins de santé, et pas seulement les dépenses du gouvernement. Je parlais du gouvernement, ou de la partie publique des soins de santé.
Au Canada, les gouvernements consacrent environ 6,5 points de pourcentage de leur PIB aux soins de santé. En fait, les gouvernements américains dépensent presque autant que les gouvernements du Canada dans ce domaine. C'est près de 6,5 p. 100 de leur PIB. Mais nous savons que c'est un système qui coûte plus cher aux États-Unis.
Deuxièmement, en ce qui concerne la protection, j'incluais le maintien de l'ordre. J'inclus donc les forces de police. Je me reportais à mon livre où il y a toutes ces informations. Le Canada consacre environ 4 points de pourcentage de son PIB à la protection, environ 1,5 point à la défense et 2,5 points à d'autres choses. Les États-Unis consacrent environ 6 points de leur PIB à la protection. Pour l'éducation, le Canada dépense un peu plus que les États-Unis en pourcentage du PIB. Mais quand on fait le total, c'est presque la même chose.
Ce que je disais, c'est que l'éducation, la santé et la défense, ou la protection, n'expliquent pas les différences entre les secteurs publics au Canada et aux États-Unis. C'est ce que j'essayais de vous faire comprendre.
Mme Maria Minna: Madame la présidente, merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Nystrom, et ensuite nous passerons à M. Pillitteri. Vous avez huit minutes pour les questions et réponses.
M. Scott Brison (Kings--Hants, PC): Et ensuite, madame la présidente, j'imagine que vous allez revenir aux sages de l'opposition.
La présidente: Allez-y, monsieur Nystrom, voyons si vous pouvez donner raison à M. Brison.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Tout d'abord, bienvenue à tous, et je vais commencer par quelques questions pour Mario.
Samedi dernier, j'étais à un endroit appelé Indian Head dans ma circonscription. Vous avez parlé d'investissement public, et je vais vous dire ce que les gens disaient là-bas. Ils disent qu'ils veulent que le gouvernement investisse plus, notamment dans les soins de santé. Ils veulent que le gouvernement investisse pour faire face aux profondes crises agricoles que nous traversons. Ils veulent que le gouvernement investisse dans l'infrastructure, notamment dans des réseaux d'eau potable, et ils veulent qu'on augmente les investissements dans l'enseignement public.
Je pense que vous vous faites l'écho de l'opinion publique en disant qu'il y a eu un déclin massif du secteur public au Canada. Ce qu'il nous faut, c'est un secteur public en expansion et non pas en régression.
Je constate aussi qu'en Grande-Bretagne le gouvernement Blair a décidé tout récemment de réinvestir massivement dans la santé nationale et qu'il a voté une taxe pour financer le dispositif national de santé. Ce qui est intéressant là-dedans, et je suis sûr que cela intéresse M. Mintz, c'est que les sondages d'opinion révèlent que l'énorme majorité des Britanniques applaudit cette décision. L'appui au Parti travailliste est en augmentation grâce à cela, alors que le Parti conservateur est en perte de vitesse.
Je pense que vous reflétez ici une tendance qu'on constate dans la population canadienne et dans la population mondiale, la tendance à penser que le secteur public ne doit pas régresser, que le gouvernement et les institutions publiques ont un rôle à jouer et que la politique publique doit être représentative du bien commun et collectif. Cela fait du bien d'entendre des paroles rafraîchissantes et réconfortantes.
J'aimerais savoir quelles seraient vos priorités en matière d'investissement public et de planification du budget de l'année prochaine, puisque vous exprimez bien, à mon avis, l'opinion de la majorité des Canadiens.
M. Mario Seccareccia: Merci, et merci pour les compliments. Je me réjouis d'apprendre qu'en Angleterre c'est vers cela qu'on s'oriente, surtout que le gouvernement Blair ne prenait pas ce genre d'initiative auparavant. C'était même plutôt le contraire.
Quant à savoir quelle orientation nous-mêmes nous devrions prendre, eh bien... en fait, le professeur Courchene a mentionné un secteur, l'éducation, bien qu'indirectement, en évoquant la question du capital humain. C'est certainement très important, et je suis tout à fait d'accord avec cela.
Cependant, la plupart des questions en jeu relèvent des provinces. Il faudrait donc qu'il y ait transfert de fonds vers ces dernières afin qu'elles puissent agir, y compris en adoptant certains mécanismes de soutien à l'éducation et à la santé.
Plus tôt, j'ai mentionné la Fédération canadienne des municipalités; or les municipalités urbaines connaissent de véritables problèmes d'infrastructure. Le plus grave dont on a parlé est bien sûr l'eau potable, mais il y en a beaucoup d'autres. À cet égard, ce qui importe, ce n'est pas tellement que le gouvernement fédéral intervienne directement, qu'il fournisse, en l'occurrence, une station de traitement d'eau ou quelque chose de ce genre, mais qu'il fournisse de l'argent aux provinces, des fonds qu'on pourrait peut-être affecter automatiquement à ces secteurs, comme cela s'est fait dans une certaine mesure par le passé pour financer les services de santé.
Il me semble que c'est la voie à suivre, tout au moins par rapport à trois grands secteurs, soit la santé, bien entendu, l'éducation et les infrastructures matérielles, particulièrement celles de nos villes.
Á (1120)
M. Lorne Nystrom: J'aimerais vous poser une question de nature un peu plus technique maintenant. À l'heure actuelle, notre excédent budgétaire est automatiquement utilisé pour éponger la dette nationale, et l'année dernière, l'excédent de 17 milliards de dollars a été affecté au service de la dette.
Certaines provinces, y compris la Saskatchewan, ont mis sur pied ce qu'on peut appeler un fonds de stabilisation des recettes, conçu pour recevoir toutes les recettes. Si nous disposions d'un tel mécanisme à Ottawa, nous pourrions discuter de la destination finale de notre excédent budgétaire, et peut-être alors qu'une part serait affectée au service de la dette nationale, mais que d'autres serviraient à lutter contre la crise agricole ou d'autres circonstances, et d'autres encore iraient soutenir d'autres importantes priorités dans notre pays. À l'heure actuelle cependant, il n'y a pas le moindre débat parce que l'argent est automatiquement versé au service de la dette.
Par conséquent, que pensez-vous de la possibilité de créer un fonds de stabilisation des recettes de manière que le Parlement, au nom de la population canadienne, puisse se prononcer sur l'affectation des 17 milliards de dollars? Je sais pour ma part qu'à la dernière minute, le cabinet du Premier ministre et le Conseil du Trésor ont affecté 101 millions de dollars à l'achat de quelques avions à réaction Challenger. Je ne suis pas sûr si cela était une priorité, mais il n'y a certainement pas eu de débat national sur la question. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est du service de la dette, cela se fait automatiquement; il y a transfert automatique de l'excédent budgétaire.
Quand je vois les problèmes que connaît notre pays, on pourrait prélever la moitié de cette somme de 17 milliards de dollars et l'affecter à la santé, à l'éducation, à la crise agricole, aux préoccupations écologiques, aux infrastructures et à la formation et l'éducation des Autochtones. Nous construirions ainsi un pays beaucoup plus prospère et productif, où les citoyens contribueraient davantage à l'économie et à la société par l'entremise des impôts, et notre situation à tous serait beaucoup plus reluisante.
Que pensez-vous de la création d'un tel fonds de stabilisation ou du fait de donner au Parlement une plus grande marge de manoeuvre afin qu'il ne soit pas menotté? En fait, le Parlement n'est pas menotté; il est carrément impuissant.
À l'heure actuelle, selon le dernier budget de M. Martin, l'excédent atteignait quelque 1,5 milliard de dollars, n'est-ce pas? Eh bien, maintenant, le ministère des Finances nous prédit plutôt une somme de 7,5 à 10 milliards de dollars. Allons-nous nous retrouver dans la même situation à nouveau? Personne ne peut prédire de façon précise le montant du prochain excédent budgétaire, et si tel était le cas, nous n'aurions pas besoin de ce genre de mécanisme. Que nous conseillez-vous?
M. Mario Seccareccia: D'abord, quoique l'idée de créer un fonds de stabilisation semble intéressante, il est évident que le gouvernement fédéral n'a pas la contrainte financière de devoir mettre des fonds de côté, de mettre de l'argent en banque, pour ainsi dire, en prévision de périodes difficiles. Ce n'est pas comme ça que le système fonctionne. Si on le conçoit de cette façon, c'est qu'on ne comprend pas bien le système monétaire en vigueur au Canada.
Mon opinion, par contre, c'est que le gouvernement devrait éviter de cibler les excédents dans une période de ralentissement prononcé de l'économie, ce qui était le cas l'année passée. La conjoncture est bien meilleure maintenant, mais l'amélioration n'est pas attribuable, à mon avis, à la politique budgétaire du gouvernement fédéral, qui a été effectivement très serrée en raison des excédents primaires très élevés prévus en ce moment.
Or, des déficits ne sont pas tellement à craindre. Si la conjoncture est propice, il y aura des excédents budgétaires. S'il est nécessaire d'afficher un déficit, on devrait le faire afin de stabiliser l'économie. On n'a pas besoin d'un fonds pour cela. Il faut tout simplement financer les opérations du gouvernement en faisant appel aux banques centrales ou en empruntant de l'argent aux ménages, comme on le fait par la vente d'obligations, etc. Il me semble que nous ne devrions pas craindre les déficits, que nous ayons ou non un fonds de réserve prévu à cette fin. Je ne crois pas que cela soit la bonne approche. L'idée semble intéressante, sauf que l'analogie ne correspond pas au fonctionnement des gouvernements, au moins au niveau fédéral, quand ils doivent composer avec des contraintes budgétaires.
Á (1125)
M. Lorne Nystrom: J'aimerais vous demander de réfléchir un instant à l'idée d'une monnaie commune et de la perte potentielle de notre souveraineté.
J'ai visité la Grande-Bretagne il y a quelque temps, et ce qui s'est passé à l'UE... bien sûr, il y a une certaine responsabilité assumée par le Parlement européen, il y a une nouvelle institution qui est en train d'être établie et il y a des pays du même ordre de grandeur—l'Allemagne, la France, etc.
Ici, nous avons le Canada et les États-Unis. C'est un peu comme si M. Grubel entre dans l'arène de boxe avec Mike Tyson—il risque de se faire amocher. Le rapport de force entre les deux économies est très déséquilibré. Cette préoccupation est exprimée par beaucoup de gens. Je voulais donc entendre vos commentaires là-dessus.
M. Mario Seccareccia: En fait, je voulais parler de cela plus tôt, et je suis donc heureux que vous me permettiez de le faire maintenant. M. Loubier y a fait allusion aussi.
Je dirais d'abord que si vous analysez l'expérience européenne dans ce domaine, vous allez voir qu'il s'agit d'un projet politique qui remonte au Traité de Rome dans les années 50. Cela a toujours été un projet politique et non strictement économique.
Il y a évidemment des préoccupations économiques. Il y a des bénéfices et aussi des coûts liés à l'union monétaire, et on pourrait en débattre. D'ailleurs, je ferai des recherches dans ce domaine aussi, et j'ai écrit pas mal de choses sur cette question récemment. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui prétendent que la décision dépend uniquement des avantages économiques possibles. En réalité, toute initiative dans ce domaine est une décision politique. Nous allons nécessairement devoir faire certaines concessions au cours de ce processus.
Nous n'allons pas renoncer à notre souveraineté, comme ce serait le cas dans une prise de contrôle militaire par les États-Unis, ou quelque chose comme cela. Le problème n'est pas là. La souveraineté, cependant, signifie la capacité de mener une politique monétaire indépendante, même dans un contexte de mondialisation. Bien que les gouvernements nationaux soient soumis à certaines contraintes dans ce domaine, le fait d'avoir sa propre monnaie donne la possibilité de mener, dans une certaine mesure, sa propre politique monétaire et budgétaire à l'intérieur de ces contraintes.
En Europe, par contre, les modalités de la nouvelle union monétaire signifient l'abandon total de toute politique monétaire nationale au profit de la Banque centrale européenne, qui ne rend compte en réalité à aucun gouvernement national.
Les pays concernés ont d'ailleurs déjà cédé leur politique budgétaire en vertu du Traité de Maastricht et du Pacte de stabilité et de croissance d'Amsterdam. En vertu de ces ententes, les gouvernements nationaux se voient tout à fait—et je dirais littéralement—obligés d'afficher des excédents budgétaires, en réalité. Le système est conçu de cette façon. L'idée est d'imposer des contraintes sur les politiques budgétaires.
Cela veut dire que le gouvernement n'a plus l'indépendance voulue pour mener sa propre politique monétaire, à moins que le Canada, s'il a de la chance, ne siège comme treizième district de la Réserve fédérale. L'autre option serait d'adopter le modèle européen, qui constitue à mon avis une camisole de force sur le plan budgétaire, et là encore le Canada ne pourrait pas avoir ses propres politiques, à moins d'être aligné avec les autres en quelque sorte. Cela constituerait une vraie perte de souveraineté, il me semble, dans le sens que nous ne pourrions pas contrôler ces deux aspects importants de la politique macroéconomique. C'est là où le bât blesse.
La présidente: Merci beaucoup.
Votre temps est écoulé depuis trois minutes.
M. Pillitteri, M. Brison, puis Mme Bennett.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais souhaiter la bienvenue ce matin à M. Mintz, à M. Grubel et à M. Seccareccia. Merci pour vos exposés de ce matin. Je m'excuse d'être arrivé un peu en retard.
C'est toujours un plaisir de vous voir, monsieur Grubel. Vous avez eu le plaisir d'être membre de ce comité pendant trois ans et demi. Sans vouloir offenser vos anciens collègues, vous avez dynamisé ce comité pendant trois ans et demi. Vous avez toujours réussi à susciter beaucoup de débats, sans parler de controverse.
À écouter votre exposé ce matin, j'ai l'impression que vous essayez de me marier à quelqu'un. En tant que Canadien, j'adore mon Canada, j'adore ma devise, et j'adore même ce que nous faisons en tant que pays, surtout puisque c'est mon pays adoptif. Je suis un de ces immigrants, tout comme vous d'ailleurs, monsieur Grubel.
J'ai épousé le Canada il y a environ 52 ans et je suis attristé à l'idée d'un changement soudain. Je ne vois aucun pays dans la liste présentée par M. Seccareccia où les choses vont mieux. Je ne me sens pas prêt à marier aucun d'entre eux. J'aime mon système en tant que Canadien... et l'idée qu'on peut l'améliorer.
M. Loubier a parlé d'entrepreneurs qui font des affaires aux États-Unis et qui ont trouvé qu'il n'y avait aucune stabilité. Je suis un homme d'affaires. J'adore faire de l'argent. J'ai des investissements aux États-Unis. Mais sur la question d'acheter des dollars américains, cela ne pose aucun problème. On peut faire des affaires quand même aux États-Unis. J'achète et je vends des propriétés, j'exporte des produits, je fais de tout. Il n'y a donc rien de mal avec notre devise.
Le seul problème avec notre devise est l'attitude de nos propres investisseurs, nos propres experts financiers. Ils sont incertains de l'avenir du Canada, et essaient donc constamment d'investir des sommes importantes de dollars canadiens dans les titres les plus forts au monde. C'est grosso modo ma façon de voir les choses.
Pourquoi veut-on la dollarisation? Pour avoir la stabilité et pour protéger son argent. En tant qu'homme d'affaires, je ne me sens pas trop... Mais je ne suis pas ici pour vous demander de commenter là-dessus.
Monsieur Grubel, il y a quelques années, la Nouvelle-Zélande était une étoile à cause de ses réussites et ses succès. Si je comprends bien, la Nouvelle-Zélande se trouve en difficulté aujourd'hui. Bien sûr, on l'Argentine est un exemple commun de ce qui arrive lorsqu'on rattache le cours du dollar à d'autres devises.
Dans votre exposé, j'aimerais voir comment le Canada se compare aux autres pays de taille semblable que vous avez mentionnés; je voudrais savoir comment nous pouvons améliorer la situation au Canada. N'oublions pas la taille de notre pays, en termes de superficie. Il est plus coûteux d'offrir les mêmes services; les gouvernements doivent donc percevoir plus de taxes.
J'ai une question à poser à M. Seccareccia. Si je me souviens bien, en 1948, juste après la guerre, nous avions une population de 11 millions d'habitants. Le Canada accueillait environ 500 000 ou 600 000 personnes par année. Nous accueillions des consommateurs. Nous encouragions les gens à venir non seulement à titre d'immigrants, mais également en tant que consommateurs. Vous voyez le taux de croissance sur votre tableau. Et, bien sûr, nous n'avions aucune dette. En 1974, nous avons commencé pour la première fois à accumuler des dettes, et c'est à ce moment-là que nos difficultés ont commencé.
Á (1130)
Monsieur, j'accepte une bonne partie de ce que l'on trouve dans votre exposé que j'ai ici, mais voulez-vous encore aujourd'hui limiter l'inflation? Quel est votre taux? De un à trois pour cent, de deux à quatre, ou bien un taux infini? C'est une question que je vous pose, monsieur.
Monsieur Grubel, j'ai lu votre exposé et je dois vous demander si vous voulez l'élimination totale des impôts sur le capital, c'est-à-dire si vous voulez supprimer complètement tout impôt sur les gains en capital et supprimer complètement toutes les taxes d'affaires? Pensez-vous que c'est faisable d'avoir au Canada seulement des taxes sur la valeur ajoutée? C'est ce que vous dites dans votre document. Croyez-vous qu'il est vraiment possible d'avoir seulement une taxe sur la valeur ajoutée comme la TPS, ou peu importe le nom qu'on lui donne?
Monsieur Mintz, quand on dit que les impôts sont tellement plus bas aux États-Unis, si l'on additionne, comme vous l'avez fait, le facteur de coût, quelle est la différence entre la totalité des impôts canadiens et la totalité des impôts américains? En fait, on compare toujours le Canada et les États-Unis, qui ont dix fois la population et onze fois l'économie du Canada. Je vous demande donc quelle est au total la différence entre les deux pays si l'on prend le total de tous les impôts, c'est-à-dire les impôts fonciers, les impôts sur les sociétés, etc., et si l'on tient compte du coût de la vie dans les régions où les impôts ne sont pas redistribués?
Á (1135)
La présidente: Il nous reste seulement 20 minutes et je demande donc à chacun d'entre vous de donner une brève réponse. Nous allons terminer à midi et il reste encore deux autres questions. Allez-y.
M. Mario Seccareccia: Je vais répondre directement à votre question, mais après avoir fait une observation sur la question que vous avez soulevée à propos de l'immigration dans les années 1950, parce que c'est directement lié à ce que je préconisais dans le domaine des investissements publics. Si l'on construisait l'infrastructure pour le logement, etc., il est évident que l'immigration était un élément important dans tout cela.
C'est donc évident, mais je voulais dire que nous avions en fait une forte croissance et des investissements publics élevés dans les années 50 et 60, en partie à cause de cela. Mais les 200 000 à 250 000 immigrants que nous recevons ces jours-ci, ce n'est pas tellement loin des flux d'immigrants que nous avions dans les années 50.
Mais quoi qu'il en soit...
M. Gary Pillitteri: Un pour cent aujourd'hui.
M. Mario Seccareccia: ...ce n'est pas la question que vous avez...
Au sujet de la lutte contre l'inflation, nous avons essentiellement ces jours-ci des taux d'inflation d'environ 1,5 p. 100. En fait, nous avons eu un taux d'inflation relativement bas tout au long de la dernière décennie. En fait, même dans les années 1980, nous avions des taux assez bas en comparaison des taux d'inflation supérieurs à 10 p. 100 des années 1970. Or si l'on se demande pourquoi nous avions une inflation aussi élevée à l'époque, cela avait à voir avec le prix du pétrole à l'origine, et ensuite cela s'est répercuté dans l'économie par des augmentations de salaire, etc., à la suite de la flambée subite des cours pétroliers dans les années 1970. Et c'est seulement à cause de ces facteurs de coût, habituellement d'origine étrangère, que nous avons eu une inflation très élevée au Canada. Nous n'avions jamais eu des taux d'inflation très élevés auparavant.
Si vous examinez la période d'après-guerre, en faisant abstraction des années 1970, vous constaterez qu'en réalité, presque rien n'indique que notre économie produit de l'inflation. Nous avons un chômage relativement élevé en comparaison d'autres pays, à la fois pour des raisons structurelles et parce que nous avons tendance à plafonner les taux de croissance au Canada. Donc, pour ce qui est de la lutte à l'inflation, je pense franchement que nous ferions fausse route si nous étions obnubilés par cette question.
En fait, si l'on examine ce qui s'est passé à la fin des années 1980 et au début des années 1990, quand la banque centrale luttait contre l'inflation à tout prix, pour ainsi dire, et que l'on s'engageait à maintenir l'inflation à zéro, nous avons créé beaucoup de difficultés intérieures à cause de cela. Si l'on examine les fluctuations du taux d'inflation depuis dix ans, le bilan est passablement bon. On pourrait soutenir que c'est en raison de la politique de la banque centrale. Je pense que c'est surtout parce qu'il n'y a pas eu de chocs comparables à ceux que nous avons connus durant les années 1970.
C'est mon point de vue là-dessus.
La présidente: Monsieur Mintz, je vous prie.
M. Jack Mintz: C'est une bonne chose que j'aie apporté ce livre, parce que c'est difficile de se rappeler de tous les chiffres.
Si l'on examine la totalité des recettes en pourcentage du PIB, c'est-à-dire les impôts plus d'autres formes de recettes gouvernementales, notamment les redevances payées par les compagnies pétrolières, gazières et minières aux gouvernements provinciaux, par exemple, et aussi un peu au gouvernement fédéral, il y a un écart d'environ 10 points de pourcentage entre les revenus totaux en pourcentage du PIB au Canada et aux États-Unis. Autrement dit, le Canada est à 44 p. 100 et les États-Unis sont à 34 p. 100.
J'essaie de me rappeler quel était l'autre volet de votre question.
Á (1140)
M. Gary Pillitteri: Combien le gouvernement donne-t-il sous forme de prestation de services?
M. Jack Mintz: Eh bien, c'est justement une partie importante de ce livre. J'ai fait une modélisation non seulement des impôts, mais aussi des dépenses du gouvernement et de leurs répercussions sur le coût des affaires. Cela comprend, par exemple, les programmes de soins de santé, d'éducation, les dépenses pour l'infrastructure, les subventions gouvernementales à la R et D, etc. J'ai constaté que si l'on tient compte à la fois des subventions et de la fiscalité, la différence entre les taux d'imposition réels sur le coût des affaires au Canada et aux États-Unis est quand même assez importante. Je m'excuse d'insister là-dessus, mais en 2001, il y avait une différence d'environ 15 points de pourcentage entre les deux. Autrement dit, les entreprises canadiennes doivent assumer des coûts de 15 p. 100 plus élevés. C'est comme si l'on ajoutait une taxe d'accise de 15 p. 100 au Canada sur les activités commerciales, en tenant compte à la fois de la fiscalité et des subventions.
L'une des principales raisons de cette situation est qu'une bonne partie de nos revenus fiscaux sert à payer les frais d'intérêt du gouvernement, dont on sait qu'ils se sont accumulés pendant les années 80, en particulier, et au début des années 90. Comme vous le savez, le gouvernement actuel a un excellent bilan et a commencé à réduire graduellement ses coûts. Mon argument est qu'une bonne partie de ces économies en intérêts devrait servir à financer des baisses d'impôts, parce que l'alourdissement de la fiscalité depuis 20 ans résulte d'une très mauvaise gestion financière. Maintenant que nous avons une mauvaise gestion financière, nous devrions insister pour que l'on baisse les impôts.
M. Gary Pillitteri: Vous voulez dire une bonne gestion financière.
La présidente: Monsieur Grubel, une très brève réponse, car vous comprenez nos contraintes de temps.
M. Herbert Grubel: Vous demandez s'il est faisable d'éliminer les impôts sur le capital; cela dépend de ce que vous voulez dire par faisabilité. Si vous demandez au néo-démocrate moyen s'il pense que c'est une bonne idée, il vous répondra que c'est absolument infaisable. C'est mon travail, maintenant que je suis redevenu un intellectuel et un analyste des affaires publiques, d'essayer d'aller plus loin et de démontrer que c'est ce qui est le mieux pour le Canada. C'est à vous, parlementaires, et aux intervenants d'autres tribunes, d'essayer de traduire cela en des mesures politiquement réalistes.
Une brève observation. Les positions de M. Seccarreccia sur toutes les questions dont on a discuté aujourd'hui étaient celles qui étaient tout à fait à la mode dans les années 70. Tout cela a été essayé. Leur échec a été constaté partout dans le monde, au Canada, aux États-Unis et partout ailleurs. Ces idées sont maintenant rejetées. En fait, dans beaucoup de pays, on s'est efforcé d'empêcher les gouvernements d'enregistrer des déficits et d'alimenter l'inflation, à cause des expériences passées. Je m'étonne que cette information n'ait pas encore atteint l'Université d'Ottawa.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Scott Brison: Pour un intellectuel, professeur Grubel, vous donnez encore parfois l'impression d'être un politicien. Vous nous manquez dans ces parages.
La première question que je veux poser porte sur la question de la réforme fiscale, en particulier la réforme des impôts sur le capital et de l'imposition des sociétés. Le gouvernement a présenté un programme d'innovation où il n'est pas fait mention de la politique fiscale. Je voudrais que vous nous en parliez.
Le but d'un programme d'innovation, c'est de renforcer la productivité. Étant donné le lien inextricable entre la productivité et la politique fiscale, je trouve incongru que le gouvernement se lance dans une politique de l'innovation qui ne comprend pas un volet de la politique fiscale, et qui en fait n'en fait même pas mention.
M. Jack Mintz: C'est un problème quand on a des guerres bureaucratiques. Si le ministère des Finances avait participé à la rédaction du programme de l'innovation, peut-être que l'on se serait attardé davantage à la fiscalité. Le ministère de l'Industrie n'est pas le maître d'oeuvre de la politique fiscale. Peut-être que l'un des problèmes du document sur l'innovation est qu'il ne pouvait pas aborder des éléments qui auraient peut-être dû y être inclus.
Pour ce qui est de la recherche et développement et de l'innovation, premièrement les gens supposent souvent que la recherche et développement, c'est l'innovation, que toute innovation peut s'expliquer par la recherche et développement. Quoique la recherche et le développement soient importants, il y a beaucoup d'aspects de l'innovation qui vont bien au-delà de la recherche et du développement, par exemple, de bonnes pratiques de gestion des affaires, trouver la bonne façon de diriger une entreprise et de solutionner les problèmes difficiles.
Voici un autre exemple, qui ne serait pas compté comme recherche et développement dans les chiffres de l'OCDE. Quand Fisher Black a trouvé la théorie des options, qui a entraîné de très importantes réductions des coûts financiers pour les entreprises, tout cela a été publié dans des journaux de sciences sociales qui ne sont pas considérés comme de la recherche et du développement selon la définition de l'OCDE. Il y a bien des choses que nous faisons en fait d'innovation qu'il est difficile de mesurer exactement.
Je voulais dire aussi que nous, au Canada, avons mis en place un système très généreux d'avantages fiscaux pour les dépenses consacrées à la recherche et au développement, surtout ce qui est admissible selon la définition de l'OCDE. Nous avons toutefois des impôts très élevés sur d'autres éléments. Une fois qu'on a dépassé l'étape de la recherche et du développement, quand on se lance dans le marketing et tous les autres volets qui permettent d'amener un produit sur le marché, c'est là que réside vraiment notre problème. Nous avons souvent, disons, un laboratoire de recherche au Canada, mais beaucoup d'emplois dérivés sont en fait créés dans d'autres pays comme aux États-Unis. Il y a quelque chose qui cloche dans notre politique de l'innovation. Et notre régime fiscal a malheureusement accordé beaucoup trop d'importance à la création des idées, au détriment de l'adoption des innovations.
Á (1145)
M. Scott Brison: En particulier, étant donné l'importance de la commercialisation de la propriété intellectuelle, je pense que le régime fiscal doit jouer un rôle plus étendu.
Au sujet du déséquilibre fiscal, ce dossier a récemment été quelque peu quantifié dans le rapport du Conference Board et le rapport Séguin. Je suis très préoccupé par toute cette question. Certains soutiendraient que le système de péréquation, dans sa forme actuelle, ne fonctionne plus, les autorités fédérales abdiquant leur rôle en matière de réforme fiscale, en particulier pour la fiscalité des sociétés et du capital, et certaines provinces, grâce à leur propre capacité fiscale, se lancent dans d'importantes et logiques réformes fiscales dans ces domaines-là. Je songe notamment à l'Alberta et à l'Ontario.
Pour une province comme la mienne, la Nouvelle-Écosse, je trouve que le fédéral se dérobe à ses responsabilités en matière de réforme fiscale, et M. Courchesne y a fait allusion, ce qui pourrait défavoriser grandement des provinces comme la mienne. Nous avons actuellement de la misère à rembourser notre dette provinciale—nous avons l'endettement par habitant le plus lourd de toutes les provinces du Canada. Pour ce qui est d'opérer une réforme fiscale, nous n'avons tout simplement pas la capacité fiscale voulue pour le faire.
Je m'inquiète de ce déséquilibre fiscal, conjugué au fait que le fédéral a abandonné la réforme fiscale, et je crains qu'il n'en résulte un élargissement du fossé entre les provinces riches et les provinces pauvres, en termes de croissance et de possibilités dans certaines provinces.
Je veux aborder un dernier point, madame la présidente, avant de laisser les témoins répondre. Je voudrais aussi ajouter qu'à mon avis, notre système de développement économique régional est fondamentalement en panne. L'APECA était un instrument axé sur l'ancienne économie qui a joué un rôle dans l'ancienne économie. Dans la nouvelle économie, c'est comme une automobile de modèle T qui roule sur l'autoroute, et il faut y voir. Le montant de 360 millions de dollars par année est versé par le gouvernement fédéral à la région de l'Atlantique par l'intermédiaire de l'APECA. Le total des impôts fédéraux sur les sociétés dans la région de l'Atlantique est de 380 millions de dollars. En théorie, on pourrait éliminer l'impôt fédéral sur les sociétés dans cette région—c'est ce que l'on a fait en Irlande. Je sais que c'est une simplification à outrance, mais je pense qu'il y a des manières plus novatrices d'utiliser le régime fiscal pour créer la croissance économique et la prospérité dont tous les Canadiens pourraient bénéficier, pas seulement le Canada de l'Atlantique. L'APECA, et les projets favoris de l'APECA, sont à côté de la plaque.
Je vous serais reconnaissant de me faire part de vos vues sur ces deux dossiers.
M. Herbert Grubel: J'aimerais dire rapidement qu'il faut aussi modifier les impôts pour encourager davantage l'innovation. L'Union soviétique a consacré des sommes énormes à la recherche et a mis au point de merveilleux matériels, procédés, etc. Si le communisme avait réussi, l'Union soviétique aurait été le pays le plus riche au monde, parce qu'il avait consacré tant d'argent à la recherche.
Pour convertir les connaissances en produits qui peuvent être commercialisés, en biens et services que les gens veulent acheter et dont la société a besoin, il faut avoir un procédé de marché, un procédé de «découverte», comme Hayek a dit. Il faut avoir un groupe d'entrepreneurs, de gens qui sont prêts à prendre des risques, qui mettent à l'essai des idées qui résultent des connaissances pour voir si elles fonctionnent. Cependant, puisqu'il y a de l'incertitude, c'est un peu comme acheter des billets de loterie.
Notre régime fiscal actuel n'a pas pitié des entrepreneurs qui perdent de l'argent. On leur dit: «tant pis. Vous vouliez jouer le jeu». Mais s'ils réussissent bien—et c'est ce qui encourage les gens à continuer d'acheter des billets de loterie—le régime les punit tout autant. Il y a un manque de compréhension de la dynamique économique, comme M. Pillitteri le laissait entendre dans sa question. Le catalyseur de l'économie, ce sont ces entrepreneurs qui achètent ces billets de loterie.
Á (1150)
La présidente: Merci beaucoup.
Maintenant, au dernier tour, nous avons Mme Bennett—excusez-moi?
M. Scott Brison: Je m'excuse auprès de Mme Bennett, mais serait-il possible, madame la présidente, de permettre à M. Courchene de répondre brièvement. Ils sont tous les deux excellents dans leur domaine. Si j'étais malade, j'irais voir Mme Bennett, mais si je voulais des conseils économiques, j'irais voir M. Courchene.
M. Thomas Courchene: C'est peut-être à cause de moi que les gens tombent dans les pommes. C'est pour cela qu'on a besoin de vous, Mme Bennett.
La personne la mieux placée pour répondre à cette question et qui a écrit un texte à ce sujet c'est Donald Savoie de l'Université de Moncton. Son livre, Pulling Against Gravity, est sa propre description de l'histoire économique et financière de la région de l'Atlantique en général, et du Nouveau-Brunswick en particulier.
À mon avis, il y a un problème croissant de déséquilibre financier et certaines provinces estiment qu'elles se font avoir de deux façons. D'abord par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et ensuite dans les transactions interprovinciales. C'est un problème lorsqu'une province est en même temps un abri fiscal possible et la province qui dépense le plus. Il s'agit de l'Alberta. Certaines provinces commencent à attirer des gens avec du talent à venir s'installer chez elles. Ce phénomène est en partie inévitable: c'est comme cela que le système fonctionne.
Un élément qui me déplaît, c'est que le ministère des Finances pense—et je ne crois pas que ce soit adopté officiellement—qu'il serait bon d'avoir des impôts sur les sociétés qui varient selon les régions du pays, comme vous avez dit. Je pense qu'une telle idée pose beaucoup de problèmes et est mal inspirée. Elle déclencherait d'énormes problèmes dans d'autres régions du pays.
Il faudrait réexaminer la formule de péréquation et surtout... Il y a un élément de la formule qui s'applique au Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle-Écosse. Si, grâce à leurs politiques, ces provinces augmentent leurs ventes de 10 p. 100 ou leurs revenus de 10 p. 100, leurs recettes n'augmenteront pas d'un sou. Le programme de péréquation est tel qu'il confisque 100 p. 100...
M. Scott Brison: C'est comme l'exploitation au large des côtes.
M. Thomas Courchene: Non, il n'y a pas de confiscation à 100 p. 100 dans ce cas. Le problème, c'est les autres taxes.
Voici une autre raison pour laquelle le comité pourrait examiner en profondeur certaines questions touchant le déséquilibre fiscal vertical et horizontal. Cette question va prendre une importance considérable au cours de la présente année civile.
La présidente: Je vous demande de terminer, monsieur Brison, et ensuite je passe à quelqu'un d'autre.
M. Scott Brison: Vous êtes une grande Canadienne, Mme Bennett, et je demande votre indulgence pendant encore une seconde.
Plutôt que d'avoir différents taux d'impôt sur les sociétés, que pensez-vous de cette idée? La Nouvelle-Écosse reçoit, par exemple, 160 millions de dollars par année de l'APECA. Le gouvernement provincial pourrait conclure un accord avec le gouvernement fédéral en disant: «la province a une dette de 10 milliards de dollars, donnez-nous la valeur actuelle des paiements futurs que le fédéral va nous faire—s'il s'agit d'une période de 10 ans, environ 2,5 milliards de dollars ou 3 milliards de dollars—donc donnez-nous 3 milliards de dollars maintenant et éliminez les paiements faits par l'APECA.» Cela donnerait à la Nouvelle-Écosse la capacité financière de faire ce qu'il faut faire et elle ne dépendrait plus de l'APECA. C'est une idée que je lance comme ça. Elle consiste à améliorer la capacité financière et à éliminer l'APECA.
M. Thomas Courchene: En principe, l'idée pourrait être intéressante, mais qu'est-ce qui empêcherait la Nouvelle-Écosse de demander un autre programme de développement régional? Elle serait la seule à ne pas en avoir un.
Á (1155)
La présidente: Merci.
On me dit que Mme Bennett et M. Wilfert partagent leur temps. Allez-y, s'il vous plaît.
Ce sera le dernier tour.
Mme Carolyn Bennett (St-Paul's, Lib.): Je m'excuse auprès des témoins. Certains d'entre nous sont revenus ce matin de notre fin de semaine à Jérusalem, donc j'ai seulement lu les mémoires en diagonale. Je constate que je dois acheter au moins deux livres pour combler certaines lacunes.
Il va sans dire que je suis obsédée par le régime de soins de santé. Je compare le coût d'une voiture à Oakville et à Détroit et les cotisations à l'assurance médicale payées par les sociétés, surtout celles qui ont beaucoup d'employés, au Canada et aux États-Unis. Et j'ai simplement à lire votre livre, monsieur Mintz, afin de comprendre des différends...?
M. Jack Mintz: Tout y est.
Mme Carolyn Bennett: Je pense qu'on voit ces cotisations comme des charges sociales. La seule différence c'est qu'elles sont payées à une compagnie d'assurance plutôt qu'au gouvernement. Pour ce qui est d'un climat propice aux affaires, qu'est-ce que cela signifie pour les compagnies individuelles?
Je pose toujours la même question au sujet de Statistique Canada. Ce qui me préoccupe le plus, c'est que nous sommes peu rentables, qu'il s'agisse de notre régime de soins de santé ou d'éducation. Pourquoi ne mesure-t-on pas la productivité de ces services «gratuits» afin d'en avoir plus pour l'argent que nous dépensons dans ces deux domaines? Est-ce que Statistique Canada devrait faire ce genre de mesures? Comment pouvons-nous aider de ce côté-là?
Même si la politique fiscale n'a pas été mentionnée dans le programme concernant l'innovation et les compétences, les services de garde d'enfants ne l'étaient pas non plus. Le Canada est le seul pays de l'OCDE à ne pas avoir une politique sur la garde d'enfants.
Pouvez-vous m'aider avec ces questions, ou dois-je simplement acheter le livre?
M. Jack Mintz: Pour ce qui est du régime de soins de santé, lorsque nous faisons nos modèles, nous tenons compte des avantages reçus des programmes financés par les charges sociales. Nous faisons des calculs par secteur. Les résultats pour chaque société sont pas mal différents. Pour prendre l'exemple du régime de soins de santé, si la société a des employés relativement jeunes, par exemple, dans le secteur de la haute technologie, avec une assurance privée, les cotisations seront peut-être moins élevées pendant un certain temps, alors que si la société a des employés plus âgés, les cotisations risquent d'être plus élevées.
Selon le régime actuel de financement des soins de santé, les impôts n'ont rien à voir avec le recours au régime.
Il en est de même pour l'assurance-emploi—il n'y a aucun lien entre les cotisations payées par les sociétés et les mises à pied. Les compagnies qui mettent beaucoup d'employés à pied bénéficient beaucoup de l'assurance-emploi, alors que d'autres compagnies qui ont une feuille de route excellente et mettent rarement les gens à pied finissent très souvent par payer les mêmes cotisations.
Aux États-Unis, il y a la tarification selon les résultats. Il y a donc un lien plus étroit, mais pas parfait, entre les cotisations payées et les prestations reçues. Un tel régime encourage beaucoup plus la rentabilité. Il aide surtout les compagnies qui font moins de mises à pied, comme celles dans le domaine de la haute technologie et d'autres secteurs de services, même si ce n'est peut-être pas vrai dernièrement dans le cas de la haute technologie.
Vous trouverez tous ces calculs dans le livre, avec les montants nets. Je serais heureux de vous parler davantage de ces questions en détail.
La deuxième question portait sur...
Mme Carolyn Bennett: La productivité des régimes de soins de santé et d'éducation et les deux services «gratuits».
M. Jack Mintz: Le problème c'est que lorsqu'il s'agit de services publics, on ne mesure pas les résultats. On n'attache pas de valeur ni de prix à l'éducation. Nous mesurons ces services selon le coût, dont la partie la plus importante est les salaires. Donc, on ne mesure pas la productivité, parce qu'on ne peut pas mesurer très facilement les résultats.
Il y a deux façons de procéder. On peut essayer d'évaluer ce qu'il en a coûté pour obtenir le résultat en question. Sinon, on peut essayer de mesurer la prestation, comme dans une analyse coût-avantage. Mais c'est extrêmement difficile, et c'est la raison pour laquelle il est si difficile de mesurer la productivité dans ces secteurs.
Un des problèmes, même en mesurant le PIB par habitant, c'est qu'on ne mesure les dépenses gouvernementales que sur le plan des coûts. Ce n'est pas nécessairement la valeur que les gens accordent aux services publics. C'est donc aussi un problème difficile pour ce qui est de mesurer la productivité.
 (1200)
La présidente: Merci.
Monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente. Je m'excuse auprès des témoins d'être partis tout le temps, mais je parraine un projet de loi qui est devant la Chambre en ce moment, et je suis pas mal occupé.
J'ai trouvé les remarques au sujet du déséquilibre financier virtuel plutôt intéressantes. Les deux niveaux de gouvernement—le provincial et le fédéral—ont accès à la même assiette fiscale. Depuis plus de deux décennies, les recettes provinciales ont dépassé de beaucoup les recettes fédérales, et je crois savoir que cette situation va continuer pendant un avenir prévisible.
Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a fait des transferts importants aux provinces, et ils sont censés augmenter de 5,5 p. 100 en moyenne chaque année, pendant les cinq années à venir. Ces paiements augmentent jusqu'à trois fois plus rapidement que la croissance prévue des recettes fédérales. Le fédéral consacre 24c de chaque dollar de ses recettes à la dette, comparativement à 12c pour les provinces. Soixante-dix pour cent des nouvelles dépenses du gouvernement fédéral vont à l'éducation et aux soins de santé. Les transferts aux provinces cette année auront totalisé 44,9 milliards de dollars.
Toutes les provinces avaient un bon équilibre financier l'année dernière, tout comme nous, bien entendu. Ma question donc, madame la présidente, concerne ce déséquilibre dont vous avez parlé, car les faits indiquent que les deux niveaux de gouvernement peuvent réunir des fonds équivalents si nécessaire. Où se trouve donc ce déséquilibre?
Il est clair que nous faisons des transferts. L'année dernière, l'Ontario a annoncé des nouvelles dépenses de 1,2 milliard de dollars pour les soins de santé, mais a omis de mentionner qu'il y avait 1,1 milliard de dollars en transferts qui provenaient du fédéral. Donc, d'après moi, le gouvernement fédéral fait sa part.
Encore une fois, je demande des réponses très brèves. Je m'excuse, la question était probablement plus compliquée que je ne le voulais.
M. Herbert Grubel: Je vous donnerai une réponse simple, si vous permettez. Ce que nous voyons c'est que les hommes et les femmes politiques aiment acheter des votes et faire accroître leur popularité sans avoir à payer le coût d'être obligés d'augmenter les impôts. C'est un très bon rendement pour eux--ils demandent au gouvernement fédéral de trouver le financement et porter l'odieux des impôts élevés, tandis qu'eux dépensent l'argent. C'est excellent pour eux. Voici la réponse la plus simple et la plus fondamentale.
D'après le principe de la subsidiarité, qui est maintenant largement accepté en politique financière et tout le reste, ce sont les collectivités locales qui doivent décider ce qu'elles veulent et trouver l'argent qu'il leur faut. Ce n'est pas à quelqu'un à trois ou quatre mille kilomètres de là d'imposer des normes uniformes.
La présidente: Monsieur Courchene.
M. Thomas Courchene: Ici, je me range du côté des provinces. J'estime qu'il y a un déséquilibre fiscal en faveur d'Ottawa. Le problème c'est qu'en général l'accès aux impôts est similaire. Les provinces peuvent imposer des taxes directes, mais pas de taxes indirectes. Elles ne pourraient donc pas imposer une TPS sans la permission d'Ottawa, par exemple.
Mais quand on a une seule assiette fiscale, la population canadienne, alors si on est là en premier et si on est la plus vite, ça fait une différence. Ottawa était là bien avant les autres.
Si l'impôt sur le revenu des provinces était de 29 p. 100 et l'impôt fédéral de 18 p. 100, l'inverse de l'Ontario et du fédéral--on pourrait dire que le gouvernement fédéral n'avait qu'à augmenter les impôts. Mais 29 p. 100 plus 29 p. 100, ça fait 58 p. 100. C'est trop élevé. Il y a donc une limite, et celui qui établit son imposition en premier a donc l'avantage. Ce qu'on devrait faire pour régler le déséquilibre fiscal est de demander à Ottawa de réduire un peu ses impôts pour permettre aux provinces d'avoir une certaine souplesse.
Le deuxième problème--qui est énorme parce que toutes sortes de gens, y compris moi-même, ne le comprennent pas toujours--c'est que les transferts comportent deux éléments: un transfert de points d'impôt et un transfert de fonds.
Les provinces se concentrent sur le transfert de fonds, que nous devrions restructurer. Si on ne regarde que cet élément-là, les transferts du fonds du TSCPS sont au niveau de 1995, avant les coupures importantes au TSCPS.
Ils ont augmenté récemment, mais ils sont à peu près à ce niveau-là. Par contre, si je ne m'abuse, les dépenses en soins de santé en Ontario ont augmenté de 6 milliards $.
 (1205)
Les transferts fédéraux vers les provinces ont donc été réduits de façon générale. C'est comme ça qu'Ottawa a pu équilibrer son budget si rapidement. Maintenant, certaines sommes ont été restaurées aux provinces, et je pense que Kirby et Romanow vont faire pression pour que les transferts soient beaucoup plus élevés. Cela représente une partie de la solution. L'autre partie de la solution serait qu'Ottawa assume certaines responsabilités pour le financement des soins de santé. Si le gouvernement fédéral veut vraiment un programme d'assurance-médicaments, qu'il l'établisse lui-même. Dans la situation actuelle, il y a certaines provinces qui vont simplement dire qu'elles ne peuvent plus assumer les coûts des soins de santé. Elles vont demander au gouvernement fédéral d'assumer ces coûts. Les dépenses augmentent énormément au niveau des provinces, qui n'ont pas la possibilité d'augmenter les impôts, et qui n'ont pas la souplesse fiscale du gouvernement fédéral, parce qu'il occupe déjà la place.
M. Bryon Wilfert: J'ai un très bref commentaire.
Vous avez tout à fait raison pour ce qui est des transferts de fonds et de points d'impôt. D'après moi, c'est ironique que les provinces parlent seulement des transferts de fonds, surtout dans le domaine de la santé, et laissent de côté les points d'impôt. Mais les provinces, surtout les provinces riches, bénéficieraient d'une augmentation des points d'impôt. En même temps, elles demandent plus de points d'impôt, mais elles ne reconnaissent pas notre contribution, particulièrement dans le domaine des soins de santé. C'est intéressant ce que vous dites sur la possibilité d'éliminer complètement les points d'impôt et de transférer seulement des fonds. Si on ne reconnaît pas notre contribution, devrions-nous changer le système? Même si je ne connais pas la réponse, ce sont des propos intéressants.
M. Thomas Courchene: Du point de vue du gouvernement fédéral, je comprends bien les députés qui estiment que si les provinces ne reconnaissent pas la contribution dugouvernement fédéral par le biais des transferts de fonds, ces fonds iront directement à la population. Cela explique les bourses du millénaire et la prestation fiscale canadienne pour enfants. Même si elles sont bonnes, ces deux politiques ont exacerbé la guerre territoriale entre le gouvernement fédéral et les provinces, qui est devenue une guerre politique et une guerre de compétences. Toutefois, même si nous ne pouvons pas résoudre le problème, nous pourrons probablement trouver un moyen de vivre avec.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous remercions tous nos témoins pour nous avoir fait part de leurs commentaires aujourd'hui. Vos connaissances et vos propos nous seront très utiles dans nos délibérations prébudgétaires.
Merci, chers collègues. La séance est levée.