FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 25 avril 2002
À | 1035 |
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib)) |
M. Bryon Wilfert (secrétaire parlementaire du ministre des Finances) |
M. Bryon Wilfert |
M. Bryon Wilfert |
À | 1040 |
À | 1045 |
M. Bryon Wilfert |
M. Richard Harris |
M. Bryon Wilfert |
M. Richard Harris |
M. Bryon Wilfert |
À | 1050 |
M. Richard Harris |
À | 1055 |
M. Richard Harris |
M. Bryon Wilfert |
M. Doug Wyatt |
M. Scott Brison |
Á | 1100 |
M. Bryon Wilfert |
M. Denis Normand |
M. Scott Brison |
Á | 1105 |
M. Denis Normand |
M. Bryon Wilfert |
M. Scott Brison |
M. Denis Normand |
M. Mac Harb |
Á | 1110 |
M. Bryon Wilfert |
M. Denis Normand |
M. Bryon Wilfert |
Á | 1120 |
M. Richard Harris |
Á | 1125 |
M. Richard Harris |
Á | 1130 |
M. Richard Harris |
M. Scott Brison |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
M. Scott Brison |
M. Luc Bertrand |
Á | 1145 |
Mme Sophia Leung |
Á | 1150 |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 25 avril 2002
[Enregistrement électronique]
À (1035)
[Traduction]
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib)): Je souhaite la bienvenue à tout le monde.
Nous avons à l'ordre du jour le projet de loi S-40, Loi modifiant la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Nous accueillons Bryon Wilfert, secrétaire parlementaire du ministre des Finances, qui est accompagné de fonctionnaires des finances que je demanderais à M. Wilfert de bien vouloir nous présenter.
Vous avez la parole et vous pouvez commencer quand vous voulez.
M. Bryon Wilfert (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Merci, madame la présidente.
Je suis accompagné de Denis Normand, de la direction de la politique du secteur financier, et aussi de M. Doug Wyatt.
Avant de commencer, je veux remercier la présidente de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. C'est un projet de loi très bref et, dépendant de ce que nous entendrons et sous réserve des contraintes de temps, si le comité n'a pas d'objection, nous serons disposés à en faire l'étude article par article aujourd'hui. Je sais que, techniquement, vous avez prévu le faire mercredi, mais je pense que je peux répondre à la seule question au sujet de l'ABC. À part cela... Nous avions l'espoir d'accélérer les choses.
La présidente: Je peux répondre à cela en deux mots. Je n'ai pas fait inscrire l'étude article par article à l'ordre du jour d'aujourd'hui parce que c'est le premier jour d'audition des témoins et je souhaite que, le premier jour, nous entendions beaucoup de gens. Jusqu'à maintenant, nous n'avons entendu personne, à part les témoins dont l'audition est prévue aujourd'hui. Nous nous sommes mis d'accord au comité directeur, et nous n'avons pas assez de membres du comité aujourd'hui, de sorte que l'étude article par article aura lieu mercredi après-midi. Nous l'étudierons très rapidement ce jour-là.
Merci beaucoup.
Nous avons à l'ordre du jour l'étude d'une loi modifiant la Loi sur la compensation et le règlement des paiements.
M. Bryon Wilfert: Si je comprends bien, la réponse est non.
La présidente: Oui.
M. Bryon Wilfert: Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l'occasion de m'adresser aux membres du comité pour discuter du projet de loi S-40, Loi modifiant la Loi sur la compensation et le règlement des paiements afin d'inclure les chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés. En vertu du projet de loi S-40, les chambres canadiennes de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés jouiront d'une protection juridique semblable à celle offerte aux organismes équivalents d'autres pays en cas d'insolvabilité ou de faillite d'un de leurs membres.
Comme les membres du comité le savent, l'industrie canadienne des valeurs mobilières et des instruments dérivés, ses bourses et ses chambres de compensation jouent un rôle fondamental dans le secteur financier canadien et partant, dans l'ensemble de l'économie. Elle fournit un mécanisme permettant de mobiliser des capitaux et de couvrir les risques financiers au moyen de contrats sur instruments dérivés.
Les trois chambres de compensation de l'industrie--la Caisse canadienne de dépôt de valeurs, la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés et la WCE Clearing Corporation--permettent aux consommateurs et aux entreprises de compenser et de régler les opérations sur valeurs mobilières et instruments dérivés en temps opportun et à un coût raisonnable. Elles y parviennent en faisant fonction de contrepartie centrale pour les opérations sur valeurs mobilières et instruments dérivés des quatre grandes bourses du Canada: la Bourse de Toronto, la Canadian Venture Exchange de Calgary--récemment rebaptisée TSX Venture Exchange--la Bourse de Montréal et la Winnipeg Commodity Exchange.
Ces trois chambres se concentrent en permanence sur le risque que l'un de leurs membres manque à ses obligations avant le règlement d'une opération, ce qui entraînerait une perte financière pour la chambre de compensation et ses membres. Par ailleurs, les facteurs qui augmentent le coût de fonctionnement de ces chambres se répercuteront évidemment sur les marchés des valeurs mobilières et des instruments dérivés. En effet, l'efficacité s'en trouve réduite et le coût des opérations de négociation, relevé.
Les marchés des valeurs mobilières et des instruments dérivés se fondent sur les services centralisés offerts par les chambres de compensation et ce, pour certains motifs. Par exemple, les marchés des valeurs mobilières et des instruments dérivés permettent aux particuliers et aux entreprises de mobiliser des capitaux à des fins d'investissement et de se protéger contre les risques financiers. En outre, ils s'en remettent aux chambres pour la compensation et le règlement efficient et opportun des opérations.
De plus, dans leur rôle de contrepartie centrale, les chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés appliquent des mesures pour réduire les risques et les coûts de règlement des opérations en obligeant leurs membres à fournir des biens en nantissement et à compenser leurs obligations de paiement et de livraison envers la chambre de compensation.
Au cours des dernières années, l'industrie canadienne des valeurs mobilières et des instruments dérivés a fait face aux défis de la mondialisation, du changement technologique rapide et de la consolidation. Les bourses canadiennes exercent également leur activité dans un contexte très concurrentiel.
L'évolution du contexte a fait en sorte qu'une partie importante des opérations canadiennes sur valeurs mobilières et instruments dérivés s'est déroulée aux États-Unis, d'où la nécessité d'apporter des modifications pour que notre industrie puisse concurrencer les systèmes d'autres pays. À défaut, un plus grand nombre d'opérations s'effectueront à l'étranger, principalement aux États-Unis où, de façon générale, les lois sur la faillite et l'insolvabilité dispensent les chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés d'un arrêt des procédures ordonné par un tribunal et leur permettent de compenser les obligations de leurs membres et de liquider les biens donnés en nantissement à ces derniers.
Des modifications récentes apportées en Europe font également ressortir l'importance d'accroître la compétitivité de notre industrie des valeurs mobilières et des instruments dérivés. En vertu de la Directive sur la finalité des paiements, qui est entrée en vigueur en 1998, les États membres de l'Union européenne doivent s'assurer que les régimes de règlement des valeurs mobilières permettent de compenser les obligations et que cette compensation est juridiquement réalisable et lie les tiers en cas d'insolvabilité. La directive prévoit également la réalisation accélérée de valeurs mobilières données en nantissement dans le cadre d'une procédure de liquidation.
Les lois canadiennes ne protègent pas entièrement les accords de compensation avec les chambres de compensation de valeurs mobilières et d'instruments dérivés et les biens qui leur sont donnés en nantissement. À l'heure actuelle, les lois fédérales sur la faillite et l'insolvabilité n'empêchent pas un tribunal d'interdire à une chambre de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés de liquider un bien donné en nantissement en cas de faillite ou d'insolvabilité de l'un de ses membres.
Les intervenants s'inquiètent du fait que les lois canadiennes ajoutent au coût des activités des chambres de compensation et de leurs membres en augmentant le coût lié à la faillite d'un de ses membres. En conséquence, les intervenants ont demandé la modification de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements pour qu'elle s'applique aux chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés. Ils soulignent qu'il est difficile pour les chambres de compensation du Canada d'attirer des négociants étrangers d'envergure si elles sont aux prises avec des coûts plus élevés parce qu'elles ne peuvent faire appliquer les accords de compensation et de nantissement qu'elles ont conclus avec leurs membres en cas d'insolvabilité d'au moins l'un de leurs membres.
À (1040)
L'industrie canadienne des valeurs mobilières et des instruments dérivés a besoin d'un régime juridique concurrentiel qui réduira les risques de règlement et les coûts rattachés aux chambres de compensation. Ce changement permettrait d'accroître l'efficience et la compétitivité des chambres de compensation canadiennes par rapport à celles des États-Unis et des autres pays du G-7 et de maintenir au Canada l'activité de négociation.
Madame la présidente, le projet de loi S-40 donne suite à ces questions en modifiant la Loi sur la compensation et le règlement des paiements pour accorder une protection juridique aux chambres de compensation et de règlement à l'égard de leurs accords de compensation et des biens en nantissement par leurs membres.
Le projet de loi protège les accords de compensation et empêche un tribunal d'interdire à une chambre de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés de liquider un bien donné en nantissement en cas de faillite ou d'insolvabilité de l'un de ses membres. La protection demandée permettra aux chambres de compensation canadiennes des valeurs mobilières et des instruments dérivés de réduire leurs risques et leurs coûts de règlement, ce qui accroîtra leur efficience et leur compétitivité à l'échelle internationale.
Dans le cadre de l'examen du présent projet de loi, je demande aux membres de tenir compte des trois points suivants. Premièrement, ces modifications sont conformes aux recommandations formulées par une tribune internationale importante, la Banque des règlements internationaux, au sujet des systèmes de règlement des valeurs mobilières. Deuxièmement, elles jouissent au Canada de l'appui des intervenants du secteur des services financiers et de leurs associations, des provinces et des intervenants en matière d'insolvabilité. Et troisièmement, elles aident le gouvernement à respecter l'engagement de préserver la compétitivité des lois canadiennes qu'il a pris dans le discours du Trône.
Madame la présidente, il est essentiel que le secteur canadien des services financiers demeure solide et efficient. Les modifications prévues par le projet de loi S-40 y contribueront. Un cadre juridique concurrentiel fera en sorte que les opérations de négociation des valeurs mobilières et des instruments dérivés continuent d'être effectuées au Canada et que l'industrie puisse attirer ici des négociants et des courtiers étrangers.
Comme je l'ai dit, madame la présidente, des fonctionnaires du ministère des Finances m'accompagnent aujourd'hui. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions sur le projet de loi. J'aurais toutefois dû ajouter, madame la présidente, qu'il y aura un test après mon discours, et je sais que vous réussirez tous après avoir maintenant entendu mes observations.
Merci beaucoup. Je suis maintenant à la disposition du comité.
À (1045)
La présidente: Merci.
Monsieur Harris, avez-vous des questions à poser aux fonctionnaires ou à M. Wilfert au sujet de ce projet de loi?
M. Richard Harris (Prince George--Bulkley Valley, Alliance canadienne): Absolument. Comme vous le savez probablement, nous allons appuyer ce projet de loi, de sorte que mes questions visent probablement d'abord à ma propre édification personnelle sur cette question.
Premièrement, comment calcule-t-on le montant du nantissement? Est-il fondé sur le montant des transactions effectuées par un membre? Les chambres de compensation ont-elles une formule fixe pour calculer le montant du nantissement?
M. Bryon Wilfert: Madame la présidente, je vous rappelle que nous avons ici des experts qui pourront répondre à cela mieux que moi, mais les représentants de la Bourse sur les questions...
M. Richard Harris: Je viens de me rendre compte que j'aurais peut-être dû garder cette question pour un peu plus tard.
M. Bryon Wilfert: Oui, si vous le voulez bien, monsieur Harris, ce serait préférable.
M. Richard Harris: Très bien.
Est-ce que vous-même ou les fonctionnaires pourraient répondre aux préoccupations exprimées par l'Association des banquiers canadiens? Je suis certain que vous êtes au courant. Où cela se situe-t-il par rapport au projet de loi, et ont-ils raison de s'inquiéter?
M. Bryon Wilfert: Je vais demander à M. Normand de répondre. Comme je l'ai dit à la dernière réunion du comité directeur, les fonctionnaires ont examiné la question. Ils ont maintenant envoyé une réponse écrite à l'ABC, et puisque M. Normand est l'auteur de la lettre, je vais lui demander de répondre directement.
La présidente: Je crois qu'il le faudrait, car la réunion du comité directeur était à huis clos, et j'invite donc M. Normand à nous expliquer cela publiquement.
M. Denis Normand (chef principal, Paiements, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances): Premièrement, nous avons en effet consulté directement l'ABC en février. Nous avons consulté pas mal de gens, et l'ABC s'était alors montrée très favorable à cette mesure. Ils ont aussi, je veux dire certains membres de l'association, eu l'occasion de prendre connaissance de diverses ébauches de ce projet de loi, de sorte que nous avons été quelque peu étonnés de voir que ces préoccupations n'ont pas été exprimées avant. Fondamentalement, nous ne pensons pas qu'il s'agit d'un problème important, en tout cas pas assez pour retarder l'adoption du projet de loi.
Les modifications dont il est question aujourd'hui visent les chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés, et ne touchent pas les participants d'un système désigné. Mais je reviens à ce que disait l'Association des banquiers canadiens, qui a dit craindre que la CDS, qui possède son service de compensation des titres d'emprunt... ce service de compensation des dettes est désigné au titre de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements à titre de système de paiement d'importance systémique, de sorte que ce système bénéficie déjà de certaines protections au titre de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. L'ABC a donc dit qu'en introduisant la modification en question, parce que le libellé n'était pas identique à celui des dispositions traitant du système de compensation des titres d'emprunt, cela risquerait d'affaiblir l'interprétation qu'un tribunal pourrait donner du système désigné. Comme je l'ai dit, nous ne pensons pas qu'il s'agissait d'une objection valable.
La modification proposée traite des chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés, et non pas des participants. La mesure permet aux chambres de compensation de faire la compensation et la liquidation des biens donnés en nantissement. À notre avis, c'est aller un peu trop loin que de croire que les tribunaux pourraient examiner l'article 13.1 et l'article 8 et conclure que l'article 13.1 invalide à certains égards les dispositions de l'article 8 traitant des systèmes désignés.
C'est une question que nous sommes disposés à examiner à l'avenir, mais nous ne pensons pas que la solution juste soit de modifier l'article 13.1 proposé. Je pense que le problème, à supposer qu'il y en ait un, se trouve plutôt à l'article 8 et à la mise en place par la CDS d'un nouveau système de compensation des titres d'emprunt. Nous croyons qu'il conviendrait de l'examiner à ce moment-là.
Puisque les représentants de la Bourse sont ici et qu'ils témoigneront à leur tour, j'ajoute que la CDS cherchait aussi à obtenir un amendement de ce type pour protéger ses activités de compensation. Ils sont très favorables au projet de loi. Nous avons eu des entretiens avec eux au sujet de cet article et ils sont d'accord avec nous pour dire que c'est un problème qui risque très peu de se poser et dont nous n'avons pas à nous inquiéter pour le moment. Nous voudrons peut-être nous pencher sur la question ultérieurement pour préciser l'article 8, mais pas indirectement par l'entremise de ce projet de loi.
À (1050)
M. Richard Harris: J'ai une petite question à vous poser. Si l'on acceptait l'amendement proposé par l'ABC--je constate que c'est dans la lettre ici--, cela aurait-il une incidence quelconque sur l'amendement original proposé dans le projet de loi S-40? Cela réduirait-il les avantages obtenus par les chambres de compensation, les avantages qu'elles cherchent à obtenir au moyen de cette modification?
M. Doug Wyatt (avocat général, Services juridiques généraux, ministère des Finances): En un mot, la réponse est non. J'ajoute qu'à mon avis, l'amendement qu'ils ont proposé pose beaucoup de problèmes, à la fois à cause du libellé et parce qu'il constitue en fait une modification de l'article 8, ce qui est le pire exemple de rédaction législative.
Si je peux me permettre d'y aller de mon opinion personnelle, sur le plan professionnel, je ne suis tout simplement pas d'accord avec l'ABC. J'ajoute toutefois que, normalement, quand nous rédigeons des projets de loi, nous ne nous fions pas uniquement aux points de vue d'une seule personne; nous essayons d'établir un compromis. Le problème, en l'occurrence, c'est qu'il aurait fallu bien sûr soulever cette objection en février.
Je pense que ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont pris le scénario du pire: un juge qui ne tiendrait pas compte de l'objet de la loi, comme nous nous plaisons à dire, et du contexte, qui est bien sûr l'importance des systèmes désignés, et qui tiendrait compte d'une autre disposition, qui ne traite même pas du créditeur et qui atténuerait la portée du paragraphe 8(3). Voilà leur préoccupation.
Le paragraphe 8(3) n'est pas ambigü. Il dit que le participant peut réaliser le bien donné en garantie. Je ne vois donc pas trop comment cela pourrait jamais arriver. Toutefois, je ne dirai jamais que quelque chose est impossible en ce bas monde. S'ils avaient soulevé cette objection en février, comme je l'ai dit, nous aurions peut-être trouvé un compromis quelconque. Mais l'amendement qu'ils proposent maintenant est non seulement mal rédigé, mais il constitue une modification à l'article 8, ce qui va bien sûr au-delà de notre mandat pour commencer.
À mon avis, le meilleur moyen de procéder, ce n'est pas de faire de la rédaction à la va-vite maintenant, même si à certains égards l'article 8 a lui-même été rédigé à la hâte en 1996, mais plutôt d'examiner toute la question dans le contexte des activités de la CDS et de voir si nous pouvons améliorer le libellé.
À (1055)
M. Richard Harris: D'accord.
La présidente: Merci.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings--Hants, PC): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de témoigner devant nous aujourd'hui.
Nous appuyons le projet de loi S-40. Nous comprenons les préoccupations de l'Association des banquiers canadiens. En réponse à la question de M. Harris, à savoir si le fait de répondre à ces préoccupations maintenant, au moment de mettre la dernière main à ce projet de loi, compromettrait l'intention du projet de loi S-40, vous avez répondu essentiellement que non, que ce ne serait pas le cas.
Je pense, monsieur Wilfert, que le gouvernement devrait chercher à répondre à ces préoccupations, étant donné que nos amis du ministère ont dit que cela ne compromettrait pas l'intention de la loi. J'aimerais que vous répondiez à cela, monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert: Madame la présidente, comme il a été dit clairement à l'Association des banquiers canadiens dans une lettre qui a été envoyée au premier vice-président, M. Law, ce n'est nullement l'intention de la politique que d'affaiblir les protections existantes dont bénéficient les participants au titre de la partie I de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Et le ministère est d'avis que ce projet de loi ne le fait pas non plus.
Comme l'ont dit M. Wyatt et M. Normand, il faudra peut-être en effet réexaminer l'article 8. Je pense que nous avons dit qu'à l'avenir--on pourrait assurément prendre un engagement de le faire à un moment donné--à la lumière des changements que l'on envisage d'apporter à la CDS, pour déterminer si... Et comme M. Wyatt l'a dit, pour ce qui est de la rédaction législative, je suppose qu'à l'origine, l'article en question a été rédigé un peu à la hâte en 1996, de sorte que l'on pourrait s'engager à le réexaminer pour qu'il reflète mieux les objectifs de la politique. Nous pourrions assurément prendre l'engagement de chercher à le faire à l'avenir. Mais pour ce qui est du projet de loi précis qui est à l'étude aujourd'hui, l'intention n'est nullement d'affaiblir les dispositions existantes.
J'ignore si l'un ou l'autre de mes collègues voudrait ajouter quelque chose à cela.
La présidente: Monsieur Normand, voulez-vous ajouter quelque chose? Non?
Bon, la parole est à vous, monsieur Brison.
M. Doug Wyatt: Peut-être pourrais-je ajouter quelque chose, madame la présidente.
La présidente: Allez-y, monsieur Wyatt.
M. Doug Wyatt: Je suis d'avis, en tant que professionnel, que même si nous apportions cet amendement, il faudrait revenir à la charge de toute manière pour modifier l'article 8. Il faudra le réviser de toute façon. Je trouve qu'il vaut mieux examiner l'article 8 dans son ensemble, en tenant compte de ce qui arrivera à l'avenir, plutôt que de le faire maintenant et d'avoir à le réviser de nouveau.
M. Scott Brison: Nous ne souhaitons pas retarder l'adoption de ce projet de loi, mais il me semble qu'il serait tellement simple de régler la question.
On dirait quasiment que les fonctionnaires sont contre parce que le moment est mal choisi, qu'ils sont irrités que l'ABC n'ait pas fait cette suggestion plus tôt. J'espère que ce n'est pas le cas.
J'ai une question de portée générale à l'intention de M. Wilfert au sujet de la réglementation des valeurs mobilières au Canada et de nos régimes de réglementation des valeurs mobilières. Il a mentionné l'importance pour l'économie canadienne d'avoir un régime compétitif de réglementation des valeurs mobilières. Je suis entièrement d'accord avec lui. Nous sommes le seul pays industrialisé qui n'a pas un régime national de réglementation des valeurs mobilières. Nous avons dix organismes de réglementation des valeurs mobilières au Canada et une véritable macédoine de politiques. C'est un cauchemar que d'essayer d'amasser des capitaux au Canada pour lancer de nouvelles compagnies, et c'est l'un des obstacles structurels qui nuisent à notre compétitivité, en particulier pour les compagnies naissantes.
Que fait le gouvernement pour s'attaquer à ce problème, et déploie-t-on des efforts pour élaborer de concert avec les provinces une approche uniforme à la réglementation des valeurs mobilières, l'objectif ultime étant d'avoir un seul organisme de réglementation au Canada pour les valeurs mobilières, en reconnaissant bien sûr que nous risquons parfois de nous enliser dans un bourbier constitutionnel en pareil cas? Il n'y a aucune raison que l'on ne fasse pas au moins un effort en ce sens et j'aimerais savoir ce que le gouvernement fait dans ce dossier.
Á (1100)
M. Bryon Wilfert: Madame la présidente, premièrement, à l'adresse de M. Brison, vous pouvez certainement avoir l'assurance que le ministère n'a aucunement l'intention, peu importe que l'Association des banquiers canadiens nous ait proposé un amendement tardivement... Nous avons d'excellentes relations de travail avec l'ABC et cela ne changera pas. En fait, à cause de l'engagement, nous allons examiner cette question à l'avenir et vous n'avez donc pas d'inquiétude à vous faire à ce sujet.
Sur l'autre point que vous avez soulevé, je vais demander aux fonctionnaires de vous répondre, mais vous avez presque répondu vous-même à votre propre question. On dirait bien que nous sommes le pays le plus surgouverné au monde, et ce n'est là qu'un exemple. Songez par exemple aux médicaments brevetés, qui doivent être approuvés par le gouvernement fédéral et ensuite par toutes les provinces, avec tous les coûts que cela implique.
Je pense que vous avez soulevé un bon point et que nous avons en effet une certaine lourdeur à ce niveau, au moment même où nous cherchons à être compétitifs sur la scène internationale. Nous essayons d'avoir des assurances. Nous sommes conscients notamment... La raison d'être de ce projet de loi tient en partie aux régimes en vigueur au sud, aux États-Unis.
Il est certain que le gouvernement est disposé, et je pense qu'il l'a clairement démontré, à travailler avec ses homologues provinciaux pour essayer de simplifier un système que l'industrie aimerait bien voir simplifié. Il y a souvent des discussions sur bien des points pour tenter de progresser dans cette direction.
Quant à des mesures précises prises par le ministère ou par le gouvernement à l'heure actuelle, peut-être que M. Wyatt ou M. Normand pourrait tenter de répondre à cela.
M. Denis Normand: C'est en effet une question très importante, dans l'optique de l'économie dans son ensemble et aussi du point de vue du gouvernement fédéral. C'est une question qui recommence à surgir dans divers milieux. Barbara Stymiest, de la Bourse de Toronto, a été très incisive à ce sujet, ainsi que l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.
Je pense que diverses idées font leur chemin dans l'industrie et que ce cheminement exigera d'autres discussions et une réflexion plus poussée. Pour le moment, il ne semble pas que l'industrie ait mis au point un modèle qui permettrait de résoudre les problèmes et d'alléger la réglementation, de réduire les coûts et de rendre plus efficients nos marchés des valeurs mobilières.
Il y a une certaine harmonisation, il y a un débat sur la possibilité d'harmoniser, de confier les responsabilités en matière de réglementation des valeurs mobilières à un organisme national, et il y a aussi d'autres approches, certaines provinces ayant pris des initiatives dans certains domaines.
Il y a donc un certain nombre de questions et d'approches qui font encore l'objet de discussion et de débat.
M. Scott Brison: Une dernière intervention, madame la présidente. Je m'inscris en faux quand on dit que l'industrie n'a rien proposé de précis. Je pense que l'Association des courtiers en valeurs mobilières a été très précise quant aux mesures constructives qui pourraient être prises.
Je ne pense pas que l'on verra les provinces progresser vraiment dans ce dossier en l'absence d'une quelconque initiative fédérale. Les provinces manifesteront un certain leadership, mais je crois vraiment que nos marchés des capitaux étant tellement limités, les diviser par dix est l'une des pires erreurs que l'on puisse continuer de faire au Canada en matière d'affaires publiques. Je pense que nous contribuons de façon marquée à la diminution continue des marchés des capitaux au Canada. C'est un dossier auquel le gouvernement fédéral devrait s'attaquer de façon très ferme et dans lequel il devrait faire preuve de leadership.
L'industrie a fait des suggestions très précises et a proposé des idées très constructives dans ce dossier.
Á (1105)
M. Denis Normand: Je m'excuse. J'aurais dû ajouter que le gouvernement fédéral, comme beaucoup de gens le savent probablement, a fait une tentative il y a plusieurs années en proposant une agence nationale de réglementation des valeurs mobilières. Cela n'a pas marché à l'époque.
Nous sommes toujours ouverts à diverses possibilités. Des discussions ont constamment lieu avec nos homologues provinciaux sur des questions de ce genre. Je trouve qu'il est très utile qu'un débat public ait été lancé par diverses parties sur toute cette question. Je crois que c'est très positif. Nous sommes assurément favorables à ce débat et nous y participons activement.
M. Bryon Wilfert: Madame la présidente, je pense que les observations de M. Brison sont très constructives et je vais les transmettre directement au ministre. Je répète que, dans ce dossier, il serait à mon avis utile pour nous tous si nous pouvions simplifier le régime.
M. Scott Brison: Ce sont les compagnies canadiennes qui essaient de trouver des capitaux et les investisseurs canadiens qui en paient le prix. J'espère vraiment que le gouvernement en viendra à faire quelque chose à ce sujet.
La présidente: Merci, monsieur Brison.
Monsieur Harb.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): La question que bien des gens se posent est celle-ci: avons-nous fait des études quelconques pour mesurer les conséquences positives sur l'industrie et savoir en quoi cela aiderait l'industrie à accroître son niveau d'activité?
M. Denis Normand: Je voudrais faire deux remarques à ce sujet. La première est que, sauf erreur, Luc Bertrand, de la Bourse de Montréal, interviendra après nous, et il expliquera toute l'importance que cela revêt à leurs yeux du point de vue de leurs opérations. Je pense qu'ils pourront vous dire en quoi cela va les aider.
De façon plus générale, comme nous l'avons déjà dit, la CDS est un très important dépositaire et joue un rôle central dans la compensation et le règlement des valeurs mobilières au Canada.
Il y a dans l'industrie un mouvement, auquel participent les gouvernements, y compris le ministère des Finances, en vue d'établir la compensation en 24 heures des échanges de valeurs mobilières. Cela s'appelle le T plus 1. C'est une initiative que les Américains veulent réaliser d'ici 2005, et notre propre industrie veut en faire autant. Dans ce but, la CDS centralise un peu plus ses systèmes, et ils ont besoin de changements de ce genre pour passer à un environnement du genre T plus 1, c'est-à-dire la compensation dans les 24 heures. C'est une autre initiative qui réduira les risques de la compensation, parce que tout sera réglé et payé dans les 24 heures. C'est donc une tentative par notre industrie de se positionner à la fine pointe de l'efficience en termes de la rapidité avec laquelle les échanges et la compensation peuvent se régler.
M. Mac Harb: Merci.
La présidente: Monsieur Harb, je suis désolée, mais Mme Minna va prendre l'autre moitié de votre temps de parole.
M. Mac Harb: Je vous en prie.
Mme Maria Minna (Beaches--York-Est, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je voudrais poser une très brève question. Dans le cadre du système actuel, les chambres de compensation sont confrontées à des risques supplémentaires, ce qui expose aussi les courtiers qui utilisent ce service à un risque plus élevé. En application de ce système, qui prend vraiment le risque, le courtier ou la chambre de compensation?
Á (1110)
M. Bryon Wilfert: Ce qui est important, c'est que lorsque ces chambres de compensation assument le risque que l'un de leurs membres puisse se trouver en défaut de paiement avant le règlement d'une transaction, elles risquent de subir une perte financière, à la fois la chambre de compensation et évidemment ses membres. Donc, les chambres de compensation des valeurs mobilières et des produits dérivés prennent des mesures pour réduire le risque du règlement et les coûts afférents en exigeant de leurs membres qu'ils donnent des garanties sous forme de nantissements et qu'ils assument leurs obligations de paiement au sein de la chambre de compensation.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, les modifications proposées vont protéger les accords de compensation des chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés en cas de faillite ou d'insolvabilité d'un de leurs membres. Ce qui est important, c'est que la mesure proposée évitera aux chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés de se voir imposer par un tribunal un arrêt des procédures les empêchant de compenser les obligations de leurs membres et de liquider les biens donnés en nantissement par les membres insolvables, et j'ai évoqué à cet égard la différence entre notre régime et celui des États-Unis. Cela donne aussi au ministre le pouvoir de désigner, dans l'intérêt public, toute autre chambre de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés qui voit le jour. Il faut espérer que ce sera avantageux pour les trois chambres de compensation des valeurs mobilières et des instruments dérivés que j'ai nommées tout à l'heure.
J'ignore si les fonctionnaires auraient peut-être quelque chose à ajouter.
M. Denis Normand: Là encore, je pense que les représentants de la Bourse de Montréal pourront expliquer cela beaucoup mieux que moi. En fin de compte, tous les coûts que la chambre de compensation doit assumer, que ce soit en empruntant pour couvrir le manque à gagner en attendant de pouvoir réaliser les biens donnés en garantie, ou d'autres coûts que la chambre peut avoir à engager pour jouer son rôle central, seront répercutés sur les participants, les membres de la chambre de compensation. Ceux-ci devront payer des frais plus élevés, et ces coûts seront donc recouvrés.
Il y a un impact direct sur la chambre de compensation et un impact secondaire sur les participants et les membres.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Wilfert. Peut-être que vos fonctionnaires et vous-même pouvez rester pour l'audition de notre témoin suivant, si vous en avez le temps.
M. Bryon Wilfert: Au nom de M. Normand et de M. Wyatt, je voudrais vous remercier, vous-même et les autres membres du comité, pour vos questions et votre attention. Merci.
La présidente: J'invite M. Luc Bertrand, qui est président-directeur général de la Bourse de Montréal, à prendre place à la table.
M. Luc Bertrand (président-directeur général, Bourse de Montréal): Madame la présidente, mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de présenter le point de vue de la Bourse de Montréal et de la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés sur le projet de loi S-40, Loi modifiant la Loi sur la compensation et le règlement des paiements.
La Bourse et la CCCPD font concurrence aux bourses de produits dérivés d'Europe et des États-Unis pour obtenir la clientèle des courtiers en valeurs mobilières. À l'heure actuelle, les chambres de compensation des États-Unis et d'Europe offrent une meilleure protection juridique aux courtiers en valeurs mobilières que la Bourse et la CCCPD. Les modifications proposées dans le projet de loi S-40 sont nécessaires pour mettre notre bourse des valeurs sur un pied d'égalité avec nos concurrents internationaux. Ces changements doivent être adoptés rapidement.
Je vais établir le contexte de mes observations en vous expliquant ce que la Bourse fait et quel est le rôle de la CCCPD dans son fonctionnement.
Les marchés des capitaux du Canada rivalisent maintenant à l'échelle planétaire pour attirer les investisseurs. Dans cette optique, en 1999, les bourses de Vancouver, de l'Alberta, de Toronto et de Montréal ont mis en oeuvre un programme de restructuration axé sur la spécialisation. À la suite de cette réorganisation, comme vous le savez, la Bourse de Montréal est devenue la seule bourse des valeurs du Canada où s'échangent des contrats sur instruments dérivés.
[Français]
Depuis, la bourse a effectué beaucoup de changements d'ordre structurel afin de mieux se positionner par rapport à ses concurrents internationaux. D'ailleurs, en 2000, nous avons procédé à la démutualisation de la bourse. Maintenant, la Bourse de Montréal est une entreprise privée qui cherche évidemment à rentabiliser ses opérations. Nous devons répondre de notre gestion auprès de nos actionnaires. Cependant, nous avons un meilleur accès aux sources de capitaux et, du même coup, une beaucoup plus grande flexibilité d'adaptation aux pressions qui s'exercent à l'échelle mondiale.
Ainsi, l'année dernière, nous sommes devenus la première bourse traditionnelle de produits dérivés en Amérique du Nord à fonctionner de manière entièrement automatisée. Notre parquet est fermé. Toutes les opérations de la Bourse de Montréal sont maintenant effectuées par voie électronique. Nous sommes la seule bourse nord-américaine, comme je l'ai précisé, de produits dérivés disposant d'une telle capacité.
[Traduction]
Néanmoins, comme vous pouvez le voir, nous nous démenons pour rivaliser avec nos concurrents, mais à certains égards, nous avons du rattrapage à faire. C'est pourquoi nous avons besoin des changements proposés dans le projet de loi S-40. Un élément essentiel de tout échange de valeurs, c'est d'avoir l'assurance que la compensation aura lieu. La CCCPD est la chambre de compensation pour la Bourse. Cela veut dire que la corporation veille à ce que l'acheteur paie le montant qu'il a accepté de payer. Le vendeur, bien sûr, reçoit le paiement, et les deux assument leur obligation aux termes du contrat sur instruments dérivés qui fait l'objet de l'échange.
La CCCPD est une filiale à part entière de la Bourse de Montréal, en vertu du programme de réorganisation que l'industrie a mis en oeuvre au Canada en 1999. La corporation garantit le taux d'intérêt, l'avoir propre et les contrats sur instruments dérivés indexés qui sont échangés à la Bourse. La corporation exige donc de chacun de ses membres qu'ils aient des dépôts de couverture correspondant aux risques associés à la position de chacun. Les membres de la CCCPD doivent donner des biens en garantie pour atténuer le risque d'insolvabilité.
La Bourse concurrence directement les bourses d'instruments dérivés d'Europe, mais nos principaux concurrents sont bien sûr aux États-Unis, nommément le Chicago Board Options Exchange, le Chicago Mercantile Exchange, le Chicago Board of Trade, auxquels j'ajouterais l'American Stock Exchange, la Bourse de Philadelphie et le Pacific Stock Exchange.
Pour faire concurrence à ces bourses étrangères, la Bourse et la CCCPD doivent offrir à leurs clients la même protection contre le risque que nos concurrents étrangers sont en mesure de leur offrir. À l'heure actuelle, ce n'est tout simplement pas le cas. À cause de la législation canadienne sur la faillite, les chambres de compensation risquent l'insolvabilité en cas d'importants contrats pouvant donner lieu à des défauts de paiement. Cet élément de risque a été un très fort élément de dissuasion pour nos courtiers. La législation américaine sur la faillite, par contre, donne aux bourses une plus grande marge de manoeuvre en cas de défaut de paiement, et les courtiers ont donc choisi de mener leurs affaires chez nos concurrents aux États-Unis.
Je vais donner un exemple hypothétique en guise d'illustration. Supposons qu'un important courtier américain reçoit une commande d'un client qui lui demande d'acheter un gros bloc d'options d'achat d'actions du Canadien National. Le courtier peut exécuter la commande à la Bourse ou bien au Chicago Board of Options. La compensation de la transaction serait faite par la chambre de compensation de chacune des bourses--la CCCPD dans le cas de la Bourse. La CCCPD garantira à l'acheteur et au vendeur des options d'achat d'actions du CN que leur transaction sera complétée avec succès. Le vendeur recevra le paiement en entier des options qu'il a vendues et il s'engage à vendre les actions du CN aux conditions fixées dans le contrat portant sur les options. Si le vendeur des options du CN devenait insolvable avant de remplir ses obligations et de vendre ses actions du CN, la CCCPD veillerait à ce que l'acheteur, en l'occurrence l'important courtier américain, puisse prendre possession des actions du CN selon les modalités prévues dans le contrat d'options.
Comme elle donne cette garantie inconditionnelle, la CCCPD exige de ses membres qu'ils déposent un nantissement, qu'elle peut réaliser pour compenser toute perte éventuelle advenant que l'un des membres de la CCCPD fasse défaut de remplir son engagement. Cependant, aux termes de la législation canadienne actuelle en matière de faillite, les tribunaux pourraient empêcher la CCCPD de liquider immédiatement le nantissement fourni par un membre en faillite pour compenser les pertes associées aux options du CN. La CCCPD devrait alors trouver l'argent ailleurs. Si les pertes sont importantes, il y a un risque que la CCCPD devienne elle-même insolvable. Les membres de la CCCPD doivent donc prendre en compte ce risque quand ils font affaire avec la Bourse et la CCCPD.
Aux termes de la législation des États-Unis, la chambre de compensation du Chicago Board of Options est exemptée de telles ordonnances d'arrêt des procédures et peut liquider immédiatement le nantissement pour obtenir l'argent comptant nécessaire pour exécuter la commande. Donc, l'important courtier américain qui achète des options du CN a le choix: il peut recourir aux services du CBOE, dont la chambre de compensation est à l'abri de tout arrêt de procédure, ou bien s'adresser à la Bourse, où les tribunaux canadiens pourraient empêcher la CCCPD de liquider immédiatement le nantissement déposé par un membre insolvable pour couvrir ses pertes. Il est clair que cela donne au CBOE une position concurrentielle plus solide.
Le projet de loi S-40, en exemptant la CCCPD et les autres chambres de compensation des arrêts de procédure imposés par les tribunaux, éliminera ce désavantage. Cela les placera sur un pied d'égalité avec leurs concurrents américains et européens.
Pourquoi avons-nous besoin que ce projet de loi soit adopté si rapidement?
Premièrement, nous perdons des clients tous les jours. Des clients potentiels font appel à d'autres bourses des valeurs, ou bien, dans certains cas, ils recourent aux services d'autres membres de la CCCPD, qui acceptent d'assumer le risque additionnel moyennant paiement. Les changements proposés réduiront le coût d'un échange exécuté à la Bourse et de la compensation par l'entremise de la CCCPD. Compte tenu des autres avantages dont la Bourse dispose, il deviendra vraiment avantageux pour les courtiers en valeurs mobilières, en particulier les grands courtiers étrangers, de recourir aux services de la Bourse.
La Bourse a beaucoup investi dans de la technologie dernier cri et, comme nous l'avons fait remarquer tout à l'heure, elle est actuellement la seule bourse des instruments dérivés entièrement automatisée en Amérique du Nord. Nous avons l'un des parquets d'échange les plus efficients au monde et nous devons être en mesure de tirer parti immédiatement de cette avance, car cela ne durera pas longtemps compte tenu du marché américain très compétitif.
La Bourse est également prête à investir dans la CCCPD pour que celle-ci obtienne la meilleure cote de crédit possible, une fois que le projet de loi S-40 aura été adopté, bien sûr.
Le résultta final est que nous aurons à la fois une bourse d'échange à la fine pointe du progrès et un système de compensation qui offre à ses membres un niveau de protection très élevé. Nous croyons que ces deux avantages conjugués nous aideront à augmenter notre part du marché mondial de l'échange des instruments dérivés, et même de rapatrier--je trouve que c'est très important--une partie de la clientèle que le Canada a perdue au fil des années face aux bourses étrangères.
Les avantages pour le Canada et les Canadiens sont également très clairs. Les bourses et les chambres de compensation du Canada seront mieux en mesure de créer des emplois hautement spécialisés dans le domaine de la finance au Canada, d'acquérir une expertise plus poussée et de l'expérience dans le domaine des instruments dérivés et autres produits financiers échangés en bourse au Canada, et d'attirer un plus grand nombre de courtiers étrangers qui utiliseront les bourses canadiennes.
Á (1120)
[Français]
Depuis plus d'un an, nous supplions le gouvernement de trouver une solution au problème auquel nous nous butons. Nous vous prions d'aider à sa résolution et de recommander l'adoption du projet de loi S-40 sans modifications pour que nous puissions en tirer profit le plus rapidement possible.
[Traduction]
Nous exhortons donc le gouvernement, comme nous le faisons depuis environ un an et demi, à trouver une solution à ce problème. C'est pourquoi nous vous invitons instamment aujourd'hui à être partie de la solution et à recommander que le projet de loi S-40 soit adopté sans amendement, pour que nous puissions en tirer profit le plus rapidement possible.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Bertrand.
Monsieur Harris.
M. Richard Harris: Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Bertrand. Ce que j'aime notamment du comité des finances, c'est que nous avons l'occasion d'entendre régulièrement des dirigeants du monde des affaires et de l'industrie dans tous les secteurs au Canada, et je vous suis reconnaissant d'être présent ici aujoud'hui.
M. Luc Bertrand: Merci.
M. Richard Harris: Ayant passé toute ma vie antérieure dans le monde de la petite entreprise, je n'ai jamais eu tellement l'occasion de parler à mes clients de produits dérivés ou d'options d'achat et autres choses du genre, de sorte que c'est aussi pour moi une occasion d'apprendre.
Je crayonnais des diagrammes pendant que vous donniez l'exemple des États-Unis. Voyons si j'ai bien compris. L'acheteur et le vendeur, dans le cas des options d'achat du CN, seraient des membres de la CCCPD, et l'échange se ferait à la Bourse.
Á (1125)
M. Luc Bertrand: Il y a bien sûr diverses parties dans une transaction, et notamment ce que nous appelons «l'utilisateur final». Il peut s'agir de Fidelity à Boston ou de la Caisse de dépôt à Montréal ou de la caisse de retraite des enseignants à Toronto, ou bien ce peut être un petit épargnant de Calgary ou d'Anaheim, en Californie. Il peut se trouver n'importe où.
Disons, par hypothèse, que cet investisseur, que ce soit un particulier ou une institution financière, trouve que M. Tellier fait tellement du bon travail qu'il veut faire une bonne place au CN dans son portefeuille, et il veut vraiment le faire d'une manière qui aura un impact sur son portefeuille. Bien sûr, il connaît très bien les instruments dérivés. Il décidera peut-être d'acheter 100 options d'achat du CN. Disons que ce type est à Toronto--j'essaie de donner un exemple simple. Il communique avec un courtier en valeurs, disons chez Dominion Securities, ou encore Solomon Smith Barney, une maison de ce genre, et il place sa commande.
La décision que le courtier doit prendre alors est de savoir où exécuter cette transaction. Bien des facteurs vont dicter sa décision, dont bien sûr la liquidité. Il va s'adresser là où il existe l'écart le plus mince entre l'offre et la demande sur l'instrument en question, où il peut exécuter rapidement la transaction, où il peut le faire au moindre coût, etc. C'est ce qu'on appelle la première ligne de la transaction, l'échange proprement dit. C'est la première partie.
La deuxième partie, c'est la question de savoir qui va s'occuper de la compensation dans cette transaction. Aux États-Unis, il n'y a qu'une seule chambre de compensation pour les options. Elle s'appelle l'Options Clearing Corporation. Elle sert tout le secteur des options aux États-Unis. L'OCC est exempte des arrêts de procédure. Donc, si la firme Solomon Smith Barney doit acheter 100 options du CN--ce qui est une assez grosse commande--que va-t-elle décider? D'exécuter la commande à la CBOE et de bénéficier de la protection dont jouit l'OCC contre tout arrêt de procédure, ou bien d'exécuter à la Bourse de Montréal et de n'avoir aucune protection contre les arrêts de procédure, parce que la chambre de compensation est assujettie à un régime juridique différent?
Au fil des années, malheureusement, cela a épuisé notre liquidité. Au bout du compte, notre tâche, en tant que gestionnaires de bourses, c'est de créer un environnement qui facilite la liquidité, donc les transactions.
À l'heure actuelle, nous avons seulement 9 p. 100 du marché des valeurs «intercotées», dont le CN serait un exemple typique; l'action de cette compagnie est cotée ici à la Bourse et également au CBOE. Ce sont des compagnies comme Nortel, Research In Motion, JDS Uniphase, le CN--toutes les grandes compagnies canadiennes importantes. Malheureusement, le gros du marché des dérivés s'est déplacé vers les États-Unis.
Je crois sincèrement que la protection offerte aux investisseurs aux États-Unis, le fait que les contrats échangés et compensés à la Options Clearing Corporation sont exemptés de tout arrêt de procédure est un facteur important. Une compagnie comme Merrill Lynch ou Goldman Sachs, qui brasse des milliards de dollars de transactions boursières, veut éviter comme la peste de se buter à une chambre de compensation où il faut assumer le risque de contrepartie d'un autre courtier. Voilà essentiellement le noeud de l'affaire.
M. Richard Harris: Merci. Je vous suis reconnaissant pour cette explication.
Ai-je le temps de poser une autre brève question?
La pésidente: Certainement.
M. Richard Harris: Pourriez-vous me dire comment le montant du nantissement est calculé pour les membres?
M. Luc Bertrand: Je vais essayer de vous l'expliquer brièvement. Je dois admettre que c'est très compliqué. Premièrement, il ne faut pas oublier que contrairement à une transaction au comptant, une marge dans une transaction de produits dérivés est une caution de bonne fin. Ce n'est pas un acompte, comme dans le cas des affaires au comptant. Il est très important de ne pas perdre cela de vue.
Il faut dire ensuite que nous partageons les mêmes protocoles servant à calculer la marge nécessaire. Ce sont essentiellement des conventions sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord dans l'industrie. C'est la même chose aux États-Unis, dans les Bourses CBOE, AMEX, Chicago Board of Trade et Chicago Mercantile Exchange. Nous utilisons tous les mêmes protocoles. Ils s'appellent TIMS et SPAN, sans entrer dans les détails techniques.
Voici comment cela fonctionne concrètement: il y a des logiciels compliqués qui calculent littéralement à chaque heure la valeur de l'actif sous-jacent--en l'occurrence, l'action du CN serait l'actif sous-jacent de l'option d'achat du CN. En fonction de la volatilité de l'actif sous-jacent, le logiciel rajuste le montant du nantissement que le courtier négociant doit verser en garantie.
Il y a donc des flux d'argent qui entrent et qui sortent toute la journée entre la chambre de compensation et le courtier, pour que le nantissement corresponde en tout temps à la volatilité de l'actif sous-jacent.
Je vais vous donner un exemple concret. Hier, l'action de Bell Canada a beaucoup fluctué. Le titre était actif et volatile. Il a beaucoup augmenté. Nous avons échangé 31 000 contrats de Bell Canada à notre bourse hier, ce qui est un volume énorme. Nous avons des spécialistes qui gèrent les systèmes en cause avec les membres de la chambre de compensation. Toute la journée, des fonds sont entrés et sortis pour rajuster constamment le montant du nantissement. Comme l'action montait, il y avait probablement des sorties de fonds vers les courtiers, parce que la valeur était plus haute. Si ça avait été l'inverse, disons si l'action était tombée à 18 $, alors il y aurait eu une rentrée de fonds.
Où va tout cet argent? Dans ce que nous appelons le compte de compensation, qui est la première défense en cas d'insolvabilité. Par exemple, si Bell était tombée à 15 $ hier et si cette baisse avait mis dans le pétrin l'un des membres de petite envergure de notre chambre de compensation, notre réaction immédiate... Nous n'avons pas trois semaines pour nous adresser à un tribunal. Nous avons moins de trois secondes pour limiter le risque systémique. Nous devons pouvoir puiser dans le compte de compensation et saisir un nantissement sur dépôt pour protéger cette position. Si nous n'avons pas cette capacité, nous avons de sérieux problèmes.
Grâce à la bonne gestion de la corporation de compensation au Canada depuis 25 ans, cela n'est jamais arrivé. D'aucuns diraient donc: pourquoi s'en inquiéter? La raison pour laquelle nous nous en inquiétons, c'est que l'on ne sait jamais ce que les marchés financiers nous réservent d'un jour à l'autre. Si nous avons une chambre de compensation aussi solide, c'est parce que nous l'avons administrée d'une manière très solide et que nous nous sommes assurés que ses assises étaient solides.
Mais nous sommes maintenant au point où, si nous voulons rapatrier une clientèle qui s'en est allée vers d'autres marchés, il est clair que le fait que nous avons seulement 9 p. 100 du marché des valeurs intercotées est un énorme facteur et que nous avons tout lieu de nous inquiéter du fait que les contrats ne sont pas exemptés des arrêts de procédure.
Á (1130)
M. Richard Harris: Merci beaucoup.
La présidente: Merci. Je pense que nous avons tous appris quelque chose.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, madame la présidente. Je serai bref.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous appuyons fermement ce projet de loi.
D'une manière plus générale, cette mesure vise à remédier à l'un des désavantages structurels qui vous ont nui dans vos efforts pour concurrencer d'autres bourses. Or il est un autre désavantage, flagrant celui-là, dont il a été fait mention dans la discussion que nous avons eue tout à l'heure avec M. Wilfert et nos amis du ministère des Finances, nommément le fait qu'il existe dix organismes de réglementation des valeurs mobilières au Canada, avec tous les dédoublements et les différences que cela implique. Quels sont les inconvénients dont on devrait tenir compte, du point de vue structurel et réglementaire? Je reconnais que c'est en partie de ressort provincial, mais je pense que nous pouvons jouer un rôle de chef de file et travailler avec...
Vous êtes aussi placé dans une situation très intéressante, puisque vous représentez une bourse dans la province de Québec. Quand des efforts ont été faits auparavant pour tenter de remédier à ce problème, je crois savoir que l'Alberta et le Québec ont fait des difficultés. Mais on me dit par ailleurs que le gouvernement du Québec fait maintenant preuve d'une plus grande souplesse et est davantage intéressé à remédier à certains de ces problèmes.
Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Luc Bertrand: Je vous remercie de me donner l'occasion d'en parler, parce que c'est bien sûr un sujet qui nous tient à coeur en tant que gestionnaires du marché boursier.
Notre secteur d'activité est extrêmement réglementé, comme vous pouvez l'imaginer. Si j'examine le coût des frais juridiques en comparaison du coût global des affaires dans ce secteur, je suis toujours renversé par le ratio--et j'ai pourtant la chance de pouvoir compter sur un excellent contentieux. Nous avons quatre personnes, des conseillers juridiques maison, et nous avons pu compter sur l'un des plus grands cabinets d'avocats au Canada qui est le conseil de la Bourse depuis 20 ans. Tout cela pour dire que c'est un secteur très réglementé.
Pour répondre à votre question, je pourrais peut-être remonter à 1999, alors que nous avons amorcé le programme de réorganisation des bourses du Canada. À cette époque, nous avions un environnement fragmenté qui était clairement inefficient, qui n'était pas compétitif et qui n'aurait tout simplement pas pu survivre si nous n'avions pas fait une intervention très radicale.
En 1998, la Bourse de Montréal a embauché McKinsey et nous avons passé les 12 à 16 mois suivants, en fait jusqu'au moment même de la réorganisation, à étudier les tenants et les aboutissants de toute l'affaire. Nous en sommes arrivés à la conclusion que nous devions nous spécialiser, ce qui a donné en fin de compte l'organisation actuelle.
Cela nous a donc amenés à discuter avec la Bourse de Toronto. À cette époque, Barb Stymiest était présidente de la Bourse de Toronto et j'étais pour ma part président de la Bourse de Montréal, et nous avons réussi à conclure un marché. Mais la deuxième étape était de faire accepter tout cela par les autorités chargées de la réglementation. Je dirais que sur dix personnes que nous avons rencontrées dans la rue pour leur expliquer notre idée, neuf disaient: «Cela ne marchera jamais; les responsables de la réglementation ne l'accepteront pas».
Nous les avons rencontrés en mars 1999. Nous les avons tous rassemblés dans la même pièce--Barb Stymiest et moi-même étions présents--et nous leur avons expliqué notre plan. Nous avons dit: «Écoutez, il est minuit moins cinq pour notre industrie. Notre part du marché s'effiloche rapidement au profit des Américains. Il ne restera bientôt plus d'industrie canadienne ayant la moindre importance si nous n'intervenons pas rapidement pour redresser la barre».
Chose remarquable, nous avons eu quatre réunions en tout--je m'en rappelle très bien--entre mars 1999 et novembre 1999, durant lesquelles nous avons réglé presque tous les détails de cette réorganisation assez fondamentale, ce programme assez ambitieux. Les thèmes et l'idée de base ont évolué rapidement et il en est ressorti le concept de la réglementation par créneaux, auquel je continue de croire profondément.
Bien sûr, si nous pouvions avoir un organisme national de réglementation--j'ignore s'il faudrait refaire la Constitution et obtenir l'accord de tous là-dessus--ce serait bien, mais en tant qu'homme d'affaires, j'ai besoin de solutions tout de suite, et ce processus peut prendre pas mal de temps.
Nous avons donc commencé à réfléchir au concept de la réglementation par créneaux, et cela a fonctionné pour nous à la Bourse et nous avons littéralement pris l'initiative d'obtenir de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qu'elle délègue à la CVMQ la surveillance des nouveaux produits, des produits dérivés, qui peuvent souvent être très techniques.
Nous avons par exemple lancé en janvier les commandites d'options. Il a fallu 12 mois pour faire approuver cela par les autorités réglementaires. À un moment donné, j'ai rencontré David Brown et lui ai dit: «Écoute, David, pourquoi ne pas déléguer tout cela à la CVMQ; ils ont déjà une foule de gens qui travaillent à ce dossier». C'est ce qu'ils ont fait, et en conséquence, nous avons eu à travailler avec seulement un organisme de réglementation pour faire accepter cela. C'est un exemple que je donne.
L'autre exemple que je vais donner est celui de la démutualisation que nous avons menée à bien durant l'été 2000. Cela nous a pris quatre mois. C'est la démutualisation boursière la plus rapide qui ait jamais eu lieu, à ma connaissance, et là encore, c'est l'exploitant du marché qui a pris l'initiative et qui a rencontré tous les responsables de la réglementation réunis dans la même pièce et leur a dit: «Écoutez, voici les problèmes; discutons-en et trouvons le moyen de nous entendre tout de suite, sinon nous n'irons pas plus loin».
Donc, si nous tablons sur le concept de la réglementation par créneaux, le modèle que j'ai préconisé est que la Commission des valeurs mobilières du Québec soit le chef de file pour les produits dérivés, que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario soit le chef de file pour les actions de premier plan, et que les provinces de l'Ouest, la Colombie-Britannique et l'Alberta, soient le chef de file pour les titres de rang inférieur.
Á (1135)
Beaucoup pourront soutenir que ce n'est pas le meilleur modèle, et je ne contesterai pas leur opinion, mais j'ai le sentiment que du point de vue de l'administrateur d'un créneau du marché, si nous pouvons encourager, à tout le moins, sinon persuader les responsables de la réglementation de mettre de l'avant ce modèle de la réglementation par créneaux...
Á (1140)
M. Scott Brison: Mais il y a autre chose. Je conviens que ce que vous proposez est un pas dans la bonne direction, mais tant et aussi longtemps que nous aurons dans chaque province une commission des valeurs mobilières et tout le bataclan, nous continuerons d'avoir un régime extrêmement inefficace avec plein de dédoublements et de fiefs rivaux.
Le problème tient en partie, et c'est l'un des défis, au fait que beaucoup de ces commissions des valeurs mobilières sont de véritables poules aux oeufs d'or pour les provinces. Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, le gouvernement provincial tire environ six millions de dollars par année de revenus de la Commission des valeurs mobilières de Nouvelle-Écosse, dont le coût est d'environ un million de dollars. Je pense que c'est une poule aux oeufs d'or qui rapporte environ cinq millions de dollars par année.
Je pense que le gouvernement fédéral, reconnaissant l'importance de ce dossier pour la nation, devra peut-être non seulement faire preuve de leadership, mais travailler avec les provinces et débloquer des fonds pour accélérer un peu le dossier.
Du point de vue d'un Canadien de l'Atlantique, le budget annuel de l'APECA est d'environ 360 millions de dollars. Pour environ 10 millions de dollars, on pourrait probablement compenser les provinces des pertes qu'elles subiraient en renonçant à leurs commissions des valeurs mobilières. Il est probable qu'une seule et unique commission des valeurs mobilières pour l'ensemble du Canada de l'Atlantique ferait plus pour la région que l'APECA, à long terme, pour ce qui est d'améliorer l'efficacité du marché des capitaux. C'est une simple observation.
M. Luc Bertrand: La Bourse est dans une situation quelque peu particulière parce que, à l'instar de l'ACCOVAM, nous nous occupons encore de la réglementation de nos membres. La Bourse de Toronto ne s'en occupe plus, et les Bourses de l'Alberta et de Vancouver, avant de se transformer pour devenir CDNX, sont également sorties de ce domaine. Pour nous, c'est un véritable problème. Nous devons réfléchir pour tenter de trouver une solution aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Les deux principaux problèmes sont, bien sûr, la réglementation des membres et la supervision du marché. La Bourse a travaillé à l'élaboration d'un modèle que nous allons proposer bientôt aux autorités réglementaires en vue d'aller encore plus loin. Ce modèle comprendrait l'inscription des maisons de courtage de valeurs, l'approbation des prospectus--ce sont là vraiment les points chauds dans notre domaine, c'est ce qui est coûteux, long et inefficace. Malheureusement, je crois toutefois que nous ne pouvons pas aller plus loin en tant qu'industrie. Au-delà de cela, c'est du domaine politique.
Nous avons travaillé très fort pour mettre au point ce modèle. La Bourse n'a pas participé au grand débat que Barb Stymiest a lancé, parce que nous estimons que c'est un problème politico-constitutionnel. Nous n'avons rien à offrir pour en favoriser la mise en place; cela doit venir de vous.
Mais du point de vue des affaires, que pouvons-nous faire? Nous allons proposer ce modèle dans un mois environ et nous espérons que cela forcera les autorités chargées de la réglementation à reconnaître les gains d'efficience que rendrait possible l'amalgamation en une seule organisation que j'appelle un super OAR, c'est-à-dire un super organisme d'autoréglementation, de manière à éliminer certains aspects fonctionnels qui sont actuellement des irritants.
Pour répondre à votre question, nous n'avons malheureusement aucun moyen d'intervention là-dessus.
La présidente: Madame Leung, vous avez la parole.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib): Merci, madame la présidente.
Monsieur Bertrand, vous avez fait un exposé très intéressant
M. Luc Bertrand: Merci.
Mme Sophia Leung: Vous avez dit que les chambres de compensation canadiennes ne peuvent pas rivaliser avec leurs concurrents des États-Unis et d'Europe et qu'elles perdent des clients. Ma question est en deux parties. Premièrement, avez-vous des données ou une estimation quelconque indiquant dans quelle mesure nous perdons des clients au profit de nos concurrents?
Deuxièmement, on semble croire de façon générale que les titres canadiens n'attirent pas beaucoup d'intérêt. Estimez-vous que l'investissement est un domaine très important dans lequel nous devons être compétitifs face aux autres pays?
Pouvez-vous faire des conjectures quant à la raison de cette situation, et y a-t-il autre chose que nous pourrions faire pour renforcer nos titres? Nortel est bien sûr en chute libre actuellement, et le CN et BCE sont des titres très attrayants, mais ne semblent pas susciter beaucoup d'intérêt sur le marché mondial.
M. Luc Bertrand: Je vous remercie beaucoup pour votre question.
Premièrement, la statistique la plus révélatrice est peut-être le très faible pourcentage de ce que j'ai défini tout à l'heure comme les valeurs intercotées. D'après les derniers chiffres disponibles, nous avions à peine 9 p. 100 de ce secteur. Ce sont des compagnies canadiennes dont des contrats sur produits dérivés--des options--sont échangés sur les bourses américaines et canadiennes. Et nous avons seulement 9 p. 100 de ce marché au Canada. Je pense donc que c'est peut-être l'élément d'information le plus révélateur, qui résume bien la situation.
Qu'est-ce que cela veut dire? Que les grands utilisateurs comme les caisses de retraite, les propriétaires et la caisse de dépôt--les très gros utilisateurs institutionnels de contrats d'options et de contrats de produits dérivés--de même que beaucoup d'épargnants au Canada s'en vont tout simplement magasiner ailleurs. Cela devrait nous inquiéter. Nous devons ramener cette clientèle chez nous.
Á (1145)
Mme Sophia Leung: Est-ce à cause du manque de confiance?
M. Luc Bertrand: La principale raison, au départ, c'est le fait que la liquidité a été très forte aux États-Unis. Il n'y a aucun doute là-dessus. Le courtier est aussi en cause, car il doit décider s'il veut assumer un plus grand risque en faisant affaire avec une chambre de compensation dont les contrats ne sont pas exemptés des arrêts de procédure, par opposition à une autre chambre qui elle est exemptée. Il est certain que c'est un facteur très important dans la décision prise par le courtier quant à la place financière où il mène ses affaires.
Il faut dire qu'il y a beaucoup d'autres facteurs qui expliquent pourquoi la liquidité a gravité en direction des États-Unis. Je pense que nous avons fait énormément à la Bourse pour remédier à cela en mettant en place l'année dernière la plate-forme boursière électronique la plus avancée qui existe actuellement sur le marché.
Ce que nous avons fait, c'est de recréer le modèle du marché. Cela s'appelle un registre des ordres limite central. Ce n'est pas ce que nous appelons un modèle de spécialistes; c'est un modèle créant un marché où chacun a également accès à la plate-forme boursière. Il n'y a aucune différence entre un spécialiste, un mainteneur de marché, un simple épargnant ou un investisseur institutionnel. Chacun est traité de la même manière dans notre nouveau modèle.
Ce n'est pas le cas actuellement aux États-Unis. Aux États-Unis, il existe ce que nous appelons un système de spécialistes. Le spécialiste est celui qui établit les prix des options. Le spécialiste a un énorme avantage sur celui qui place la commande, la personne qui souhaite exécuter une transaction. Quand la commande arrive sur le parquet du Chicago Board of Options, le spécialiste a dix secondes pour examiner cette transaction avant de l'exécuter. Dans notre monde, dix secondes c'est une éternité.
Ce que nous avons fait l'année dernière à la Bourse de Montréal, c'est que nous avons mis complètement au rebut l'ancien modèle. Nous avons fait approuver par les autorités réglementaires un modèle de marché entièrement nouveau. Ce marché, nous l'avons structuré, comme je l'ai dit, en prenant pour base ce que nous appelons un registre des ordres à limite centrale. Supposons que vous êtes un utilisateur et que vous examinez les cours acheteurs et vendeurs d'une option qui s'échange à la Bourse de Montréal. Si vous tombez pile sur le cours vendeur, l'option est à vous. Si vous tombez sur l'autre cours, vous êtes en compte ou à découvert, dépendant de ce que vous faites, tandis qu'auparavant, il y avait un délai. Ce délai visait à permettre au spécialiste de décider comment exécuter la transaction.
Je pense que le succès de notre plate-forme est devenu immédiatement évident quand nous avons été pressentis par la Bourse de Boston et par une compagnie appelée Timber Hill, qui est le plus important mainteneur de marché d'options du monde entier, qui nous ont demandé de recréer notre plate-forme aux États-Unis, ce que nous sommes actuellement en train de faire. Nous avons signé une entente de partenariat entre la Bourse de Boston, la compagnie Timber Hill et la Bourse de Montréal, et nous avons demandé à la Commission des valeurs mobilières de lancer ce nouveau marché électronique des options aux États-Unis. Nous espérons que ce sera fait d'ici la fin de l'année.
Ce qui est intéressant, c'est le fait que le centre névralgique de ce marché sera à Montréal. La machinerie, l'infrastructure, la technologie, les personnes qui seront le pivot, si l'on peut dire, de l'opération seront tous chez nous, dans nos locaux. La Bourse de Boston sera ce que nous appelons l'OAR, l'organisme d'autoréglementation, qui rendra des comptes à la Commission des valeurs mobilières.
Je précise cela parce que je crois que nous avons réagi très rapidement en vue de créer pour le marché canadien des capitaux un environnement tel que la liquidité pourra être rapidement renforcée avec l'aide des technologies les plus récentes et des modèles de marché les plus avancés. Je dois dire que nous nous sommes inspirés de ce qui se fait en Europe. Le théâtre européen est complètement différent par rapport à l'Amérique du Nord. Ils ont des années et des années d'avance sur nous en termes de modèles de marché et de technologie. En fait, notre propre technologie vient de France. Elle n'existait tout simplement pas ici en Amérique du Nord.
La Bourse de Montréal a pris très au sérieux le rôle et la responsabilité qui nous ont été conférés en 1999 dans le cadre du programme de réorganisation des bourses, soit de renforcer le volume des contrats d'instruments dérivés échangés en bourse pour le porter au niveau où il devrait être par rapport à la taille de l'économie canadienne. Si l'on compare l'importance du marché boursier des instruments dérivés au Canada aux marchés du Royaume-Uni, de France ou d'Allemagne, nous ne faisons tout simplement pas le poids. Nous n'apparaissons même pas sur l'écran radar.
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Pour nous, aujourd'hui, le projet de loi S-40 est un élément important de tout ce processus de réorganisation que nous avons amorcé en 1999, et c'est un élément dont nous avons besoin immédiatement. Vous devez comprendre que les firmes Moody's et Standard & Poor's attendent impatiemment que nous ayons adopté cette mesure. Nous avons déjà eu des discussions avec ces firmes pour l'établissement d'une notation. Une fois que nous aurons obtenu une cote-crédit de l'une ou l'autre d'entre elles, selon celle que nous choisirons, nous obtiendrons alors une couverture d'assurance, c'est-à-dire un autre niveau de protection qui s'ajoute au compte de compensation dont je parlais tout à l'heure, dans lequel sont versés les biens donnés en garantie.
Avec ces deux niveaux de protection, nous serons probablement l'une des chambres de compensation les plus avancées du G-7 pour ce qui est de donner aux membres de la chambre une protection sur les nantissements. C'est notre objectif. Comme nous l'avons fait pour notre plate-forme boursière, nous voulons établir dans nos chambres de compensation le même niveau de service et de perfectionnement dernier cri. Je suis convaincu que cela va attirer beaucoup de clients au Canada. C'est bon pour la Banque du Canada et c'est bon pour le marché des capitaux au Canada. C'est l'orientation que nous avons choisie.
L'avantage que nous avons, à la Bourse de Montréal, c'est que nous sommes démutualisés, contrairement à nos concurrents de Chicago, qui sont encore régis par l'ancienne structure de mutualité, dans laquelle les décisions prennent beaucoup de temps. Nous sommes une entité à but lucratif appartenant à des actionnaires. Nous avons un bon parrainage pour ces derniers et nous sommes en mesure d'agir très rapidement. Je suis certain que vous comprendrez que le monde dans lequel nous évoluons change rapidement. Pour nous, chaque jour apporte son lot de nouveautés. Nous devons saisir les occasions au vol et cette mesure est pour nous un élément crucial de la structure globale.
La présidente: Merci beaucoup.
Je tiens à vous remercier, monsieur Bertrand, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui et d'avoir témoigné publiquement. C'est toujours utile pour nous tous.
Je m'adresse maintenant aux membres du comité. Au comité directeur, aucun autre témoin n'a été proposé. J'ai donc demandé au greffier de vous distribuer la lettre que j'ai reçue, à titre de présidente du comité, de l'Association des banquiers canadiens. J'ai aussi demandé au recherchiste de vérifier auprès de l'ABC si l'association voulait témoigner devant le comité. Ils nous ont avisés aujourd'hui qu'ils n'en ont pas l'intention. Je vais donc donner instruction au greffier cet après-midi de publier un avis indiquant que l'étude article par article aura lieu mercredi.
Merci beaucoup.
M. Luc Bertrand: Merci. Je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir consacré de leur temps.
La présidente: La séance est levée.