FINA Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 24 avril 2002
¹ | 1530 |
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada) |
¹ | 1535 |
La présidente |
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne) |
¹ | 1540 |
M. David Dodge |
¹ | 1545 |
M. Charlie Penson |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins (sous-gouverneur, Banque du Canada) |
M. Charlie Penson |
M. Paul Jenkins |
¹ | 1550 |
La présidente |
M. Malcolm Knight (premier sous-gouverneur, Banque du Canada) |
La présidente |
M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ) |
M. David Dodge |
M. Richard Marceau |
¹ | 1555 |
M. David Dodge |
M. Richard Marceau |
º | 1600 |
M. David Dodge |
M. Richard Marceau |
M. David Dodge |
La présidente |
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.) |
º | 1605 |
M. David Dodge |
º | 1610 |
La présidente |
M. Malcolm Knight |
La présidente |
M. Bryon Wilfert |
La présidente |
M. Lorne Nystrom (Regina--Qu'Appelle, NPD) |
º | 1615 |
M. David Dodge |
º | 1620 |
M. Lorne Nystrom |
M. David Dodge |
º | 1625 |
La présidente |
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.) |
º | 1630 |
M. David Dodge |
M. Malcolm Knight |
º | 1635 |
La présidente |
M. Scott Brison (Kings--Hants, PC) |
º | 1640 |
M. David Dodge |
M. Scott Brison |
M. David Dodge |
º | 1645 |
M. Scott Brison |
M. David Dodge |
M. Malcolm Knight |
M. Scott Brison |
M. David Dodge |
º | 1650 |
M. Paul Jenkins |
La présidente |
Mme Maria Minna (Beaches--East York, Lib.) |
La présidente |
M. David Dodge |
º | 1655 |
» | 1700 |
La présidente |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins |
La présidente |
» | 1705 |
M. David Dodge |
La présidente |
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.) |
» | 1710 |
M. David Dodge |
» | 1715 |
La présidente |
M. Richard Marceau |
M. David Dodge |
M. Malcolm Knight |
M. David Dodge |
» | 1720 |
La présidente |
M. Nick Discepola |
» | 1725 |
M. David Dodge |
» | 1730 |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 24 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bienvenue à tous au Comité permanent des finances. Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions «le Rapport sur la politique monétaire—avril 2002» de la Banque du Canada.
Nous sommes très heureux d'accueillir, de la Banque du Canada, M. David Dodge, gouverneur, M. Malcolm Knight, gouverneur adjoint principal et M. Paul Jenkins, gouverneur adjoint.
Je vous remercie beaucoup, messieurs, de vous joindre à nous aujourd'hui. Nous sommes impatients d'entendre vos commentaires sur le rapport. Veuillez commencer dès que vous serez prêts.
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada): Merci, madame la présidente. C'est un plaisir pour nous trois d'être ici aujourd'hui, particulièrement en ce jour ensoleillé.
Lorsque Malcolm et moi nous sommes présentés devant vous en novembre dernier, une lourde incertitude pesait sur les perspectives économiques du monde entier et du Canada. Cette incertitude découlait en grande partie des attentats terroristes survenus aux États-Unis en septembre, au moment où l'économie mondiale ralentissait davantage que prévu. Pour faire échec à cette incertitude et ranimer la confiance des consommateurs et des entreprises, la Banque du Canada est intervenue énergiquement en vue d'assouplir les conditions monétaires. De septembre dernier à janvier 2002, nous avons abaissé les taux d'intérêt de 200 points de base, ce qui a porté à 375 points de base leur diminution totale depuis janvier 2001.
[Français]
Tout compte fait, la confiance des consommateurs n'a pas été ébranlée autant que plusieurs le craignaient par ces événements tragiques. Elle s'est vivement redressée à mesure que les incertitudes géopolitiques et économiques se sont atténuées. L'économie mondiale a commencé à se rassir. Ici, au Canada, une reprise solide semble être en cours. La croissance au quatrième trimestre de 2001 et au premier trimestre de 2002 a été nettement plus forte que prévu, de sorte que le niveau de l'activité économique est maintenant supérieur à ce que nous projetions il y a six mois. Cette vigueur se reflète dans le nombre exceptionnel d'emplois créés depuis le début de 2002. Si l'on se reporte aux deux scénarios que nous avions imaginés en novembre dernier, quand nous étions ici, il est manifeste que c'est le plus optimiste des deux qui se réalise actuellement, celui où le rétablissement de la confiance des consommateurs ramène promptement une reprise de la croissance économique.
[Traduction]
Comment la banque envisage-t-elle l'avenir de l'économie? Au premier semestre de 2002, la croissance économique du Canada devrait se situer entre 3,5 et 4,5 p. 100 en taux annuel. Nous prévoyons qu'au deuxième semestre de 2002 ainsi qu'en 2003, l'économie du pays suivra sa progression à un rythme légèrement supérieur à celui de sa capacité (ou de son potentiel) de production, que nous estimons à environ 3 p. 100 par année. C'est donc dire que la production devrait tourner à pleine capacité au deuxième semestre de 2003.
Ce profil d'évolution est de nature à amener l'inflation mesurée par l'indice de référence à s'établir à 2 p. 100 à la fin de 2003. Le taux d'augmentation de l'IPC global continuera probablement à varier dans les prochains mois, sous l'effet des fluctuations des prix du pétrole et du gaz naturel. Mais, comme l'inflation est mesurée par l'indice de référence, il devrait se situer à 2 p. 100 vers la fin de 2003.
[Français]
Bien que l'incertitude soit moins grande que l'automne dernier, les perspectives sont toujours entachées de risques et d'incertitudes considérables qui sont susceptibles de renforcer ou de ralentir la progression de l'activité économique.
Étant donné la détente monétaire et budgétaire en place, l'expansion de la production pourrait même être supérieure à ce qui est projeté. Mais il est possible également que le dynamisme récent des achats de biens de consommation durables tienne en partie à des dépenses anticipées, de sorte que la croissance de la dépense des ménages sera plus faible que prévu. Aussi, il subsiste une incertitude marquée quant au moment et à l'ampleur de la relance des investissements des entreprises en Amérique du Nord, surtout à cause de la faiblesse persistante des profits. De plus, les tensions qui règnent au Proche-Orient risquent de se répercuter sur le prix du pétrole brut et l'économie mondiale.
[Traduction]
Comment interpréter l'évolution récente de l'économie canadienne du point de vue de la politique monétaire? Maintenant que notre économie tourne nettement plus rapidement que prévu, la marge de capacités inutilisées se rétrécit et devrait se résorber plus tôt que nous ne le pensions en novembre dernier. Dans un tel contexte, notre tâche consistera à évaluer la vitalité de l'économie à mesure qu'elle s'approchera des limites de sa capacité et à réduire la détente monétaire en temps opportun avec mesure. Nous veillerons à ce que l'inflation se tienne près du taux visé, afin que l'économie puisse fonctionner à plein régime à moyen terme.
[Français]
Au cours de la dernière année, nous avons appuyé à fond sur l'accélérateur monétaire pour aider l'économie canadienne à remonter la pente. À présent que la route s'est aplanie, la prudence nous dicte de relâcher la pression sur l'accélérateur--je dis bien relâcher la pression et non écraser le frein--afin de poursuivre notre chemin à une vitesse de croisière sûre.
[Traduction]
Au cours de la dernière année, nous avons appuyé à fond sur l'accélérateur pour aider l'économie canadienne à remonter la pente. À présent que la route s'est aplanie, la prudence nous dicte de relâcher la pression sur l'accélérateur—et je dis bien relâcher la pression, et non écraser les freins—afin de poursuivre notre chemin à une vitesse de croisière sûre. C'est dans cet esprit que nous avons relevé le taux cible du financement à un jour de 25 points de base le 16 avril.
Madame la présidente, Malcolm, Paul et moi sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
¹ (1535)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons commencer par M. Penson. Vous avez dix minutes.
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Dodge, ainsi qu'à vos collaborateurs.
Quelle différence depuis un an, gouverneur. Nous avons été témoins d'un redressement marqué des économies canadienne et américaine ainsi que d'une reprise de la croissance au Canada.
J'ai trois questions à vous poser. La première porte sur la hausse des taux d'intérêt. Jusqu'où voulons-nous aller au-delà du niveau américain? Quel écart serions-nous prêts à accepter si les Américains ne bougent pas ou s'ils adoptent un taux différent du nôtre?
Deuxièmement, je sais que vous prodiguez des conseils au gouvernement du Canada sur la gestion de la dette publique, et je voudrais bien savoir quel avis vous offrez à M. Martin et à M. Chrétien ces jours-ci quant à savoir s'il faut réduire la dette de préférence à favoriser les dépenses ou une réduction d'impôt. Pouvez-vous nous dire brièvement où vous logez?
En outre, si vous avez le temps, j'aimerais que vous abordiez la question de la transparence des banques internationales. Je songe en particulier aux banques du Japon, qui connaissent des difficultés, et je voudrais savoir comment on entend régler le problème de la transparence pour que les investisseurs puissent vraiment avoir l'heure juste pour ce qui est de la situation dans le secteur bancaire au Japon.
¹ (1540)
M. David Dodge: Merci beaucoup. Pour ce qui est de la première question, la Banque du Canada, comme toutes les autres banques centrales ailleurs dans le monde, doit élaborer sa politique en fonction des conditions économiques intérieures. C'est d'ailleurs ce qui explique que les banques centrales réagissent différemment à divers moments partout dans le monde. Tout comme M. Greenspan doit façonner sa politique en tenant compte des conditions économiques en vigueur aux États-Unis, nous devons élaborer la nôtre en tenant compte des facteurs économiques qui ont cours ici.
À l'heure actuelle, deux différences entrent en jeu. Premièrement, le ralentissement économique n'a pas été aussi marqué au Canada qu'aux États-Unis et la reprise a été beaucoup plus vive ici, particulièrement pour ce qui est des ventes fermes. Par conséquent, nous sommes maintenant plus près d'atteindre notre potentiel de production que nous l'avions imaginé lorsque nous nous sommes rencontrés ici l'automne dernier, mais aussi plus près que les Américains ne le sont du leur à l'heure actuelle. Étant donné que nous souhaitons avoir une politique monétaire qui fasse en sorte que l'économie fonctionne à plein régime en autant que possible, il est logique pour nous d'adopter une politique qui réduise la stimulation monétaire du système un peu plus rapidement que les Américains, tout comme il a été logique pour la Banque d'Angleterre, au Royaume-Uni, d'injecter un peu moins de stimulants monétaires dans le système britannique étant donné que par rapport à son potentiel, le ralentissement en Grande-Bretagne n'a pas été aussi sévère qu'en Amérique du Nord.
Donc, pour ce qui est de la première question, nous adoptons des politiques qui conviennent pour le Canada et les Américains adoptent des politiques qui conviennent pour les États-Unis.
Je vais maintenant passer à votre seconde question et ensuite, je demanderai à Paul Jenkins, notre gouverneur adjoint responsable du volet international, de répondre à votre troisième question.
Dans le contexte de la gestion de la dette publique, notre rôle est davantage façonné par la structure de la dette. Nous visons à la gérer de façon à minimiser les frais d'intérêt que devront assumer les contribuables canadiens. Évidemment, il faut faire preuve de prudence et de ne pas attendre à la toute fin de l'échéance car il pourrait y avoir des risques de report, etc. Voilà notre mandat en tant que gestionnaire de la dette. De toute évidence, il est très important pour les divers gouvernements du Canada, non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les gouvernements provinciaux, qu'au cours de la présente décennie, avec une participation au marché du travail qui atteint des sommets, nous prenions autant que possible des mesures pour payer une partie de cette dette et, assurément, pour réduire le ratio de la dette publique au PIB.
Mais ce n'est pas le travail de la banque de fournir des conseils à ce sujet, sauf que mon opinion dans ce dossier est évidemment bien connue. Dans la mesure où nous pouvons atténuer le fardeau de la dette publique, cela signifie que l'on pourra abaisser les impôts ou consacrer une plus grande part de l'argent des contribuables au financement de biens et de services concrets qu'il incombe aux pouvoirs publics de fournir.
Deuxièmement—et cela est très important—cela confère à la politique monétaire une plus grande marge de manoeuvre qui nous permet de mieux faire face aux fluctuations du cycle commercial.
¹ (1545)
M. Charlie Penson: Dans ce cas, j'ai une question au sujet de l'échéance de la dette. Comment gérez-vous cela? Quelle est votre perspective? Envisagez-vous de raccourcir ou de rallonger l'échéancier de paiements? Où logez-vous à ce sujet?
M. David Dodge: Comme vous le savez, du début jusqu'à la fin des années 80, le gouvernement du Canada a dû emprunter énormément et comme les taux d'intérêt étaient élevés, nous avons emprunté dans la majorité des cas à court terme. Après avoir traversé une très sérieuses phase de déclin en 1991-1992, nous nous sommes retrouvés assez vulnérables avec un fardeau d'endettement à court terme et à très court terme. À partir de ce moment-là, nous avons commencé à rallonger l'échéancier et nous sommes passés d'un pourcentage d'environ 50-50 de court et de long terme à un pourcentage de 70-30.
Maintenant que l'inflation est jugulée, que les taux à long terme ont baissé sans que cela provoque une flambée inflationniste, et que le ratio de la dette au PIB a lui aussi diminué, il va de soi que nous avons une plus grande marge de manoeuvre qu'à cette époque. Bien que nous n'ayons pas l'intention d'agir aussi rapidement—ce qu'il ne faudrait d'ailleurs pas faire—pour varier la structure de la dette, comme nous l'avons fait à l'époque, nous avons peut-être une certaine latitude pour intervenir, particulièrement parce que le ratio de la dette au PIB a diminué et continuera de diminuer. Il y a peut-être un peu plus de latitude pour réduire les coûts des contribuables en raccourcissant l'échéancier quelque peu. Mais je réitère que c'est marginal car en tant que pays, nous continuons d'avoir une dette flottante plus importante que de nombreux autres pays.
Je vais maintenant céder la parole à M. Jenkins, qui répondra à votre troisième question.
M. Paul Jenkins (sous-gouverneur, Banque du Canada): Merci, gouverneur.
Pour ce qui est de la transparence et des banques japonaises, je pense qu'il y a, en un sens, un enjeu plus vaste qui a trait à la transparence. Je songe en particulier au fait qu'immédiatement après la crise asiatique et les problèmes qui ont suivi à court terme en Russie et en Amérique latine, la communauté internationale s'est mobilisée pour assurer une plus grande transparence, en l'occurrence dans le système financier international. J'estime qu'un progrès considérable a été réalisé sur ce front, comme on a pu le voir dans divers secteurs. Je songe particulièrement à la façon dont les marchés sont mieux capables de juger la qualité du crédit dans les marchés en émergence, ce qui était le point de mire initial de cet effort. Il y a davantage d'information disponible et ce, de façon beaucoup plus positive.
Les efforts déployés à l'égard des marchés émergents l'ont également été à l'égard des marchés développés. À preuve, le Fonds monétaire international a institué un programme en vertu duquel ces experts se rendent dans les pays ciblés et passent en revue toutes les composantes de leur système financier. En fait, le Canada a été l'un des premiers pays où s'est rendu le Fonds monétaire international. Le Canada a pratiquement servi de projet pilote puisqu'il a été un des deux premiers pays visités. Le même programme est maintenant appliqué au Japon, précisément pour les raisons que vous avez évoquées.
On déploie des efforts considérables sur la scène internationale dans le contexte du système monétaire international, des systèmes financiers en général. Mais on s'intéresse particulièrement au cas du Japon. Il y a beaucoup plus d'information disponible, ce qui accroît la transparence, et permet aux épargnants et aux investisseurs de porter un jugement plus éclairé sur la situation et d'investir en toute connaissance de cause.
M. Charlie Penson: L'influence que l'on peut exercer est plus grande lorsqu'un pays a besoin de l'aide du Fonds monétaire international pour restructurer sa dette, et c'est pourquoi j'ai posé cette question au sujet du Japon. Je comprends la situation de l'Argentine car ce pays avait besoin de l'argent du FMI. Mais qu'en est-il du Japon?
M. Paul Jenkins: Ce que j'essaie de dire, c'est que le Japon déploie des efforts concrets en vue de fournir plus de renseignements. Une agence a été créée à l'interne. Elle vient de fournir de nouvelles mises à jour sur l'état de leur système financier.
Les marchés eux-mêmes ont accès à plus de renseignements. Depuis le mois dernier, les institutions financières au Japon évaluent au marché, s'adaptent aux normes comptables internationales.
Donc, des progrès considérables sont en train d'être accomplis au chapitre de l'accès aux renseignements, de la transparence. Évidemment, ce n'est pas parfait, il reste encore du travail à faire, mais la situation s'est améliorée depuis trois ou quatre ans. Des progrès notables ont été réalisés et dans les marchés développés et dans les marchés naissants.
¹ (1550)
La présidente: Votre temps est écoulé. Monsieur Knight... vous vouliez faire un commentaire.
M. Malcolm Knight (premier sous-gouverneur, Banque du Canada): Pour revenir à ce qu'a dit M. Jenkins, j'aimerais ajouter, brièvement, qu'après la crise asiatique de 1997-1998, les gouverneurs des banques des pays du Groupe des Dix, le Comité de Bâle, ont établi une série de principes en vue d'améliorer le contrôle bancaire et d'accroître la transparence des systèmes bancaires des pays membres du Fonds. Le FMI s'est attaché, en s'appuyant sur ces principes, à revoir les systèmes financiers du Canada et de nombreux autres pays du monde. Nous avons été en mesure de démontrer que notre système financier est stable et solide. Or, malgré ces efforts, la transparence des institutions financières internationales demeure, dans l'ensemble, un problème majeur.
La présidente: Monsieur Marceau, vous avez 10 minutes.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ): Merci, madame la présidente.
Monsieur le gouverneur, messieurs les sous-gouverneurs, je vous remercie d'être aujourd'hui parmi nous.
Monsieur le gouverneur, il n'y a pas si longtemps, vous sembliez plus ouvert que votre prédécesseur à une éventuelle union monétaire avec les États-Unis. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
M. David Dodge: Il est difficile de me comparer à mon prédécesseur. J'ai affirmé, néanmoins, que le système actuel était et serait, dans un avenir prévisible, plus profitable pour l'économie canadienne. Il s'agit ici d'un point de vue non pas philosophique mais empirique. Étant donné que le surplus de l'économie canadienne est passablement différent de celui des États-Unis, les prix de nos produits varient continuellement relativement à ceux des produits américains. Or, il est beaucoup plus facile de s'ajuster à ces différences et à ces changements quand notre taux de change est flottant.
Mais il est possible qu'il y ait éventuellement un rapprochement entre les structures et qu'on procède à une intégration plus substantielle de tous les marchés, y compris celui du travail. Le cas échéant, il sera important de réévaluer la situation.
M. Richard Marceau: Pour prévoir l'éventualité où une telle situation se réaliserait, les élus ne devraient-ils pas, selon vous, se charger d'étudier attentivement, dès maintenant, les différents régimes monétaires qui pourraient s'appliquer au Canada? Il s'agirait, par exemple, de décider de maintenir un taux de change flottant ou d'adopter un taux de change fixe, de former un conseil de la monnaie ou de mettre sur pied une union monétaire. En tant que gouverneur de la Banque du Canada, lorsque vous nous dites que cette situation pourrait se réaliser, nous laissez-vous entendre, par le fait même, que nous devrions nous pencher dès maintenant sur les différentes possibilités?
¹ (1555)
M. David Dodge: Oui. Chez nous, à la banque, on étudie sans cesse ces questions. Dans notre revue, la Bank of Canada Review, presque à chaque trimestre, il y a un article sur la recherche que nous faisons à cet égard, mais cela du point de vue monétaire. Il est également important, et peut-être même beaucoup plus important, d'étudier les façons d'intégrer les marchés ainsi que les effets de cette intégration. Normalement, quand on parle de l'intégration de deux pays ou d'un ensemble de pays, on commence par l'intégration d'un marché, soit le marché des biens et services, soit le marché des capitaux, soit le marché du travail. Bien que les marchés de capitaux des États-Unis et du Canada soient assez bien intégrés, il y a encore des problèmes, comme vous le savez très bien, dans le marché des biens et services. En outre, il n'y a pas d'intégration du tout dans le marché du travail. L'étude de la question d'une union monétaire suivra naturellement l'intégration des autres marchés. Même avec l'intégration des trois autres marchés, si les grandes différences de structure des économies demeurent, il sera peut-être préférable d'avoir un taux de change flottant pour permettre un ajustement plus efficace aux cycles économiques.
M. Richard Marceau: Revenons à ce que vous venez de dire sur les structures différentes des économies. Il est bien connu que la politique officielle de ce gouvernement est d'en venir d'ici 2005 à une Zone de libre-échange des Amériques. Certains commentateurs et même certains gouvernements et secteurs politiques ont suggéré que dans cette optique, il existe un volet monétaire à la Zone de libre-échange des Amériques sous la forme de ce qui a été appelé l'Institut monétaire des Amériques. Ce dernier s'inspirerait du modèle européen, non pas de celui de la Banque centrale européenne, mais bien de l'Institut monétaire européen, qui a géré la transition entre différentes monnaies nationales et une monnaie unique, en l'occurrence l'euro.
Est-ce que l'existence d'un tel institut international, qui donnerait les critères d'entrée des différents pays dans une zone monétaire commune, serait, selon vous, une bonne idée? Par exemple, on pourrait commencer par les États-Unis et le Canada, pour poursuivre votre analogie, si un jour, selon certains critères, les économies canadienne et américaine se rapprochaient assez pour former une zone monétaire optimale, qui inclurait ensuite le Mexique et d'autres.
Le gouvernement mexicain, par la voix de son ministère des Affaires étrangères et du conseil du patronat mexicain, a donné publiquement son accord à un tel institut. Est-ce que, selon vous, une telle idée mérite d'être poursuivie et adoptée par le Parlement pour qu'on puisse se projeter dans un avenir qui n'est peut-être pas immédiat, mais qui est envisageable d'ici quelques années?
º (1600)
M. David Dodge: C'est naturellement une décision qui appartient au gouvernement et non pas à nous. Dans le cas européen, l'institut européen a suivi le Traité de Maastricht, qui a vraiment créé la base d'un marché unique pour tous les marchés. Il y a encore un problème d'intégration de tous les règlements, entre autres, mais ils ont quand même fait un grand pas en créant un marché unique. À ce moment-là, ils ont dit qu'en bout de ligne, il serait naturel d'envisager une union monétaire dans un marché unique de 12 pays; ils seront probablement 15 à la fin, mais ils sont 12 présentement. Ils ont donc établi un institut pour préparer la voie à cette union.
Ici, en Amérique du Nord, nous ne sommes pas du tout rendus à la même étape. Nous avons un accord de libre-échange. Nous en sommes là où était l'Europe dans les années 1950 et 1960.
M. Richard Marceau: Que répondez-vous à ceux qui font valoir le fait suivant? En Europe, la moyenne de l'ensemble des exportations d'un pays de l'Europe vers un autre pays de l'Union européenne est de 63 p. 100; c'est-à-dire qu'un pays européen moyen exporte 63 p. 100 de ses exportations dans un autre pays européen. Au Canada, comme on le sait très bien, entre 85 p. 100 et 87 p. 100 de nos exportations vont vers une seule destination, soit les États-Unis. Ne croyez-vous pas que l'intégration économique nord-américaine est déjà plus poussée que ne l'était l'intégration économique européenne au moment où on a adopté l'euro, il y a maintenant trois ans?
M. David Dodge: Il y a, entre le Canada et les États-Unis, une grande différence. En Europe, les structures des économies de la France et de l'Allemagne, par exemple, sont assez semblables. La structure de l'économie canadienne est assez différente de celle de l'économie des États-Unis. On ne sait jamais: peut-être qu'à l'avenir, les structures de ces deux économies se rapprocheront, mais il est aussi possible qu'elles s'éloigneront l'une de l'autre. La situation est tellement différente ici, en Amérique du Nord, qu'on ne peut pas suivre le modèle européen. Je parle là des situations économiques. Je vous laisse le soin de parler de la situation politique.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Wilfert.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente. Je voudrais remercier le gouverneur et ses collègues d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
J'aimerais poursuivre dans la veine des observations de mon collègue. Nous avons constaté, jusqu'à tout récemment, la force du dollar américain vis-à -vis des devises canadienne, australienne, néo-zélandaise, ainsi de suite. Parallèlement, nous avons vu dans le passé que l'intégration économique des États aboutit inévitablement à l'intégration politique de ceux-ci. Certains, au Canada et ailleurs, préconisent l'instauration d'une intégration monétaire, la dollarisation de l'économie. Ils soutiennent, entre autres, que la Réserve fédérale américaine dicte déjà, dans une large mesure, la politique monétaire canadienne, et que nous ne faisons que lui emboîter le pas. Nous le voyons déjà dans le cas des taux d'intérêt.
Personne, à mon avis, n'est satisfait de la valeur actuelle du dollar canadien. Or, quand on jette un coup d'oeil sur les facteurs fondamentaux—j'aimerais avoir des précisions là-dessus—on constate que l'économie canadienne se porte très bien, ce qui devrait contribuer à raffermir le dollar canadien. D'après l'OCDE, le Canada est le seul pays du G-7 à afficher un excédent budgétaire. Nous avons décrété d'importantes réductions d'impôt—en fait, les plus importantes parmi les pays du G-7. Nous affichons un excédent courant énorme, ce qui, manifestement, contribue à réduire notre dette extérieure. Notre taux d'inflation compte parmi les plus bas au sein du G-7. Nous avons amélioré notre productivité et notre compétitivité. Or, malgré tout cela, le dollar canadien demeure faible.
Je voudrais demander au gouverneur et à ses collègues: à quoi attribuez-vous cette situation? À la surchauffe, jusqu'à tout récemment, du dollar américain? Au fait que le message concernant notre situation économique ne passe pas? Aux spéculateurs? À quoi l'attribuez-vous? Pourquoi nous retrouvons-nous dans cette situation, compte tenu des facteurs fondamentaux de l'économie canadienne?
º (1605)
M. David Dodge: La réponse se résume en 25 mots, tout au plus.
Pour commencer, il y a deux facteurs fondamentaux qui influencent les taux de change bilatéraux. Il y a d'abord les fluctuations du commerce de biens et de services, le mouvement des prix relatifs des biens et des services et la concurrence sur le marché. Ce qui ne fait pas de doute, c'est que le dollar canadien a connu une dépréciation par rapport au dollar américain, et que cela rend nos industries plus compétitives que celles des États-Unis. Ainsi, nos exportations nettes vers les États-Unis ont augmenté, et de façon remarquable.
Or, on serait normalement porté à croire que ce phénomène devrait renforcer notre monnaie par rapport à la leur. Certes, cette tendance a joué, mais une autre a également influencé la donne, et vous avez justement mis le doigt dessus. Il s'agit des mouvements de capitaux, qui sont extraordinairement importants au Canada. En effet, nous sommes passés d'une situation d'épargne nette négative, au début des années 90, où l'épargne négative des gouvernements dans leur ensemble correspondait à environ 6 ou 7 p. 100 de notre PIB, à la situation actuelle d'épargne nette positive, où nous exportons nos épargnes dans le monde et où l'épargne nette des gouvernements dans leur ensemble se situe entre 1 et 2 p. 100 de notre PIB.
Grâce aux mesures fiscales du Canada et des provinces, nous avons accompli le toute dans une période remarquablement courte. Aucun autre pays n'a réussi à se reprendre aussi rapidement que nous. Cela signifie que nous avons renversé la situation dans laquelle nous nous trouvions au début des années 90, où nous avons dû émettre beaucoup de titres de dettes pour absorber des capitaux—et je reviens à la première question ici. Actuellement, le gouvernement fédéral rembourse la dette, de même que celui de l'Alberta. En effet, partout au pays, les gouvernements en équilibre budgétaire contribuent à rembourser la dette.
En même temps, bien que les ménages épargnent une fraction légèrement inférieure de notre PIB, ils continuent d'épargner, et il ne fait pas de doute qu'à la fin des années 90, les entreprises épargnaient également beaucoup. Ainsi, bien que les investissements des entreprises aient augmenté d'environ 2 ou 2,5 points du PIB pendant cette période, nous stimulions beaucoup d'épargne dans l'ensemble du pays. Cet argent doit bien aller quelque part. Ainsi, nous avons assisté à une sortie de l'épargne, et cette sortie—soit l'opposé de ce qui se passait quelques années plus tôt—était plus que suffisante pour compenser la pression à la hausse attribuable à l'intensification des exportations.
Le solde des investissements de l'épargne s'est maintenant relativement stabilisé. Ainsi, nous ne sommes plus confrontés à l'énorme pression à la baisse qui pesait sur le dollar canadien par rapport au dollar américain, et nos exportations nettes se portent beaucoup mieux. Lorsqu'on analyse l'ensemble de la situation, comme nous en faisons tous les trois, on constate que les mesures prises par le Canada entraîneront nécessairement un mouvement à la hausse par rapport aux États-Unis.
Maintenant, comme il s'agit d'un taux de change bilatéral, il faut également tenir compte de l'autre partie, soit des États-Unis.
º (1610)
Aux États-Unis, c'est exactement la situation contraire: les ménages épargnent très peu, l'épargne des entreprises est robuste, mais non spectaculaire, et le gouvernement, qui avait accumulé des excédents plutôt substantiels se retrouve maintenant dans une position déficitaire. À l'heure actuelle, les États-Unis importent l'équivalent de 4 à 6 p. 100 de leur PIB en capitaux plutôt que 1 ou 2 p. 100, comme ils le faisaient généralement au début des années 90. Cela continue d'exercer une pression à la hausse sur le dollar américain par rapport aux autres devises.
Enfin, en ce qui concerne le numéraire, si l'on prend le reste des pays avec lesquels les États d'Amérique du Nord entretiennent des relations commerciales, la valeur du dollar canadien a très peu bougé.
C'est compliqué. Il y a beaucoup d'autres facteurs qui influencent le système à court terme, mais ce sont là les forces fondamentales à l'oeuvre. En cette période de reprise de l'économie mondiale, les prix des produits que nous fabriquons et que nous exportons aux États-Unis et ailleurs ont tendance à augmenter et des pressions à la hausse semblent s'exercer. C'est pourquoi, lorsque je suis allée à New York il y a environ deux mois, j'ai dit que les mouvements à la baisse observables alors nuisaient aux mécanismes normaux de redressement de l'économie canadienne. Actuellement, nous espérons qu'il y ait quelque forme d'appréciation pour atténuer la pression à la hausse qui pèse sur les prix et accompagnent naturellement nos exportations à ce point du cycle.
M. Knight a passé de nombreuses années au FMI à observer les pays aux prises avec ce genre de problème, et je suis sûr qu'il pourra répondre à votre question encore mieux que moi.
La présidente: Monsieur Knight, vous avez cinq minutes.
M. Malcolm Knight: Merci, monsieur le gouverneur.
En fait, j'aimerais seulement ajouter un point. Monsieur Wilfert, lorsque vous avez énuméré des aspects positifs de la performance du Canada, au début de votre intervention, vous avez mentionné que le taux d'inflation du Canada était inférieur à celui des États-Unis et à celui de bon nombre de nos partenaires commerciaux. C'est un aspect très important et à ne pas oublier; je voudrais seulement souligner que notre taux d'inflation est inférieur à celui des États-Unis depuis de nombreuses années déjà. C'est le résultat de notre politique monétaire. Nous visons très explicitement à maintenir un taux d'inflation peu élevé. En effet, nous tentons de le maintenir au milieu de notre fourchette cible, soit à 2 p. 100. Dans de telles circonstances, il importe d'établir une politique monétaire tenant très bien compte des conditions économiques du Canada.
Nous continuerons de surveiller de très près l'évolution de la situation canadienne, la force de notre économie et la rapidité à laquelle nous nous rapprochons de notre plein potentiel pour déterminer les taux d'intérêt canadiens, compte tenu de ce qui se passe dans les autres grands pays, dont notre voisin du sud.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci.
M. Bryon Wilfert: Je suis bien content que le gouverneur n'ait pas limité sa réponse à 25 mots et je voudrais remercier ces deux messieurs de m'avoir donné une réponse détaillée. Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Nystrom, vous disposez de 10 minutes.
M. Lorne Nystrom (Regina--Qu'Appelle, NPD): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
J'ai trois questions à poser au gouverneur, mais j'aimerais d'abord lui souhaiter la bienvenue à notre comité, encore une fois, ainsi qu'à M. Jenkins et à M. Knight.
Ma première question porte sur votre décision de relever le taux bancaire d'un quart de point de base le 15 avril, de sorte qu'il est passé de 2 p. 100 à 2¼ p. 100. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage les raisons qui vous ont poussé à prendre cette décision. Avez-vous révisé les cibles d'inflation que vous vous étiez fixées? Je pense que les Canadiens aimeraient le savoir. Certains s'inquiètent qu'on mette un frein modéré à l'économie à ce moment-ci.
De plus, madame la présidente, je crois que vous serez très curieuse d'apprendre les manchettes de Bloomberg ce matin. En effet, il semble que le 24 avril, à New York:
La valeur des obligations d'État a augmenté tandis que le gouvernement indiquait une chute inattendue des commandes de biens durables et des ventes de nouvelles maisons, ce qui tend à renforcer les conjectures que la réserve fédérale n'augmentera pas les taux d'intérêt avant le second semestre. |
Compte tenu de l'importance de l'économie américaine sur la nôtre et qu'il semble de plus en plus évident que les États-Unis ne prévoient pas hausser leurs taux d'intérêt avant la fin du deuxième semestre de cette année, comme laissaient encore supposer les nouvelles de New York ce matin, pourquoi avez-vous agi de la sorte à ce moment précis? Ne craignez-vous pas un peu, avec le recul...peut-être pas d'avoir appuyé à fond sur l'accélérateur, mais d'avoir accéléré un peu trop vite en ce qui concerne les taux d'intérêt? Vos taux cibles ont-ils changé? Pourquoi accélérer maintenant si les États-Unis ne semblent pas près de hausser leurs taux d'intérêt de sitôt?
º (1615)
M. David Dodge: Vous avez posé deux questions. Nous allons commencer par cela.
L'automne dernier, nous avons vraiment pris des mesures de stimulation monétaire extraordinaires pour soutenir l'économie, extraordinaires par rapport aux normes historiques, parce que nous avons établi des taux d'intérêt comme il ne s'en était pas vus dans ce pays depuis environ 40 ans. Pourquoi? Parce qu'il y avait énormément d'incertitude quant à l'avenir à ce moment-là et que nous avons jugé préférable de ne pas prendre le risque de voir toutes les mauvaises prévisions se concrétiser. Nous avons voulu nous assurer, dans la mesure du possible, de bien supporter notre économie et de ne laisser place à aucun risque d'inflation soudaine, comme nous pouvions le craindre à l'époque.
Nous avons donc fait beaucoup pour assouplir les conditions monétaires de l'économie. Il s'avère maintenant que c'est du scénario optimiste dépeint à l'autonome dernier que nous nous rapprochons le plus, Dieu merci. Nous craignions qu'il ne soit trop optimiste, mais nous arrivons finalement assez près.
En fait, si vous vous reportez il y a un an, vous verrez que la situation actuelle ressemble beaucoup à ce que nous avions prévu et que ce qui est arrivé ressemble beaucoup à ce que nous avions dit, malgré les événements du 11 septembre et les incertitudes qui en ont découlé.
Dans ce contexte, nous travaillons toujours à réaliser notre plein potentiel—nous avons encore beaucoup à faire—mais nous nous rapprochons beaucoup plus que nous l'aurions cru l'automne dernier. Il est donc temps de commencer à relâcher nos mesures de stimulation monétaire, compte tenu des résultats des deux derniers trimestres.
Cela m'amène à votre deuxième question: Pourquoi est-ce que les gens de la rue Wellington ne font pas la même chose que ceux de la C Street, à Washington? Il y a deux raisons à cela. D'abord, le fait que les résultats du quatrième trimestre de l'année dernière et du premier trimestre de cette année, aux États-Unis, montrent essentiellement un renversement du cycle de stockage, alors qu'au Canada, les ventes finales se sont avérées légèrement plus élevées que nous l'avions prévu. Nous n'avons toujours pas les résultats exacts de notre premier trimestre, mais selon nos observations continues, les ventes finales auraient augmenté deux fois plus vite au Canada qu'aux États-Unis. Le cycle de stockage n'est donc pas le seul facteur en cause; il y en a d'autres.
Ainsi, le niveau d'exportation du Canada, et particulièrement celui des petites et moyennes entreprises, semble particulièrement bon. De fait, les statistiques nous portent à croire que les petites et moyennes entreprises ont également un rôle à jouer sur le plan des investissements, parce que les importations de machinerie et d'équipement augmentent apparemment de nouveau. C'est un assez bon indicateur, puisqu'une bonne partie de la machinerie et de l'équipement achetée par les entreprises est importée.
Bref, nous pensons que la situation du Canada et celle des États-Unis sont vraiment très différentes et qu'il y a certainement lieu, dans notre situation, de commencer non pas à écraser les freins, mais à relâcher la pression sur l'accélérateur.
º (1620)
M. Lorne Nystrom: J'ai deux autres questions. La première concerne la structure de la dette nationale. D'après ce que je comprends, l'essentiel de la dette nationale contractée par le gouvernement du Canada pendant presque toutes les années 90 se compose d'emprunts à court terme. Le ministre des Finances a pris la décision de convertir une bonne partie de ses emprunts à court terme en emprunts à long terme. Environ les deux-tiers de ce que j'appelle la dette contractée sur les marchés font maintenant partie de la dette à long terme.
M. David Dodge: C'est juste.
M. Lorne Nystrom:Si je me rappelle bien, cela s'est fait en 1997, 1998 et 1999. N'hésitez pas à me corriger si je me trompe, mais il me semble que la structure de notre dette est passée du court terme au long terme. Cela signifie que le ministre a fermé ce qu'on pourrait appeler notre hypothèque nationale à des taux d'intérêt supérieurs à ce qu'ils auraient été s'il avait maintenu ses échéances à court terme—parce que le taux d'intérêt à court terme a chuté. En fait, les taux d'intérêt en général ont chuté, mais il se trouve que le taux d'intérêt actuel de notre hypothèque nationale est plus élevé qu'il n'aurait pu l'être.
Je me demande donc pourquoi la banque n'a pas avisé le ministre des Finances à ce moment qu'il ne s'agissait peut-être pas d'une très bonne chose à faire. Ne voyiez-vous pas dans votre boule de cristal que les taux d'intérêt allaient bientôt chuter radicalement? Tout cet argent doit maintenant être remboursé à des taux d'intérêt fixe exorbitants—à cause de la décision de M. Martin—, ce qui fait que les contribuables canadiens devront probablement payer 3, 4 ou 5 milliards de dollars de plus par année. Ainsi, notre ministre des Finances pourrait bien être le plus coûteux de l'histoire canadienne au chapitre de la dette nationale.
Pourquoi la Banque du Canada ne lui a-t-elle pas conseillé d'agir autrement? Je pense que c'est une question pertinente, que quelques personnes n'ont déjà posée, d'ailleurs. La dette contractée sur les marchés oscille actuellement autour de 450 milliards de dollars et le reste de notre dette, à environ 100 milliards de dollars. Cela représente énormément d'argent si nous devons payer un ou deux points de plus en intérêts.
Je n'aurai probablement plus la parole d'ici la fin de la séance, je voudrais donc vous poser une dernière petite question. Je pense qu'Arthur Andersen est toujours chargé des vérifications à la Banque du Canada, n'est-ce pas? J'ai remarqué, madame la présidente, que la Ford Motor Company, aux États-Unis, Federal Express et le gouvernement américain avaient cessé de d'octroyer des contrats à cette société, mais qu'elle est toujours vérificatrice pour la Banque du Canada. Que trouvez-vous chez Arthur Andersen que ces autres institutions ne lui trouvaient tellement pas qu'elles ont cesser de recourir à ses services?
M. David Dodge: C'est une très très bonne question et votre proposition de base est juste. Si, au lieu de repousser les échéances de la structure de notre dette dès 1992, nous avions attendu jusqu'à 1997 environ, où les taux ont atteint un niveau acceptable, nous n'aurions jamais eu autant de contrats de remboursement à 8 ou à 9 p. 100, sauf pour les emprunts contractés entre 1992 et 1997, à peu près. Pourquoi avons-nous fait cela?
Je dois moi-même plaider coupable, parce que j'étais sous-ministre des Finances pendant cette période. Nous avons pris une décision, mais croyez-moi, lorsqu'on est assis à son bureau à signer des mandats à 9 p. 100 et qu'on se dirige vers un taux d'inflation de 2 p. 100, on se demande vraiment si l'on est en train de faire la bonne chose.
Or, nous l'avons fait parce que la dette fédérale était en train de prendre des proportions gigantesques. Nous nous trouvions en position très précaire. Si les investisseurs du monde, y compris ceux du Canada, avaient commencé à perdre confiance en nous, nous aurions pu nous mettre à cumuler les emprunts à un rythme effarant.
Comme vous vous en rappellerez, à partir de 1988 ou 1989 jusqu'au début des années 1990, l'une des principales raisons pour lesquelles les déficits fédéraux augmentaient sans cesse était que les taux d'intérêt étaient en hausse continuelle et que nous avions accumulé une très grande dette à court terme. C'était une question de gestion du risque et à l'époque, il a été jugé prudent de réduire ce risque, même si nous savions que chaque année, en agissant de la sorte, nous augmentions d'environ un milliard de dollars les frais de la dette qu'il faudrait assumer à l'avenir.
Mais le Canada a gagné la bataille. En gros, nous avons réussi à éviter la dégringolade. Les consommateurs ont repris confiance et les taux à long terme sont maintenant sous la barre du 6 p. 100. Toutefois, je ne suis pas sûr que quiconque était assis autour de cette table en 1994, en 1993 ou en 1992 aurait vraiment été confiant d'en arriver à ce dénouement. En fait, les gens ne m'auraient probablement pas cru si j'étais venu leur dire, en ma qualité de sous-ministre des Finances, que les taux allaient descendre sous la barre des 6 p. 100 d'ici 1998. C'était une question de gestion du risque.
Vous avez absolument raison lorsque vous dites que nous payons le prix d'avoir atténuer notre risque et que nous le payons cher. Les taux ont commencé à descendre vers la moitié des années 90, mais il n'en demeure pas moins que je fais partie de ceux qui ont signé, à contrecoeur, ces mandats à 9 p. 100.
Voilà pourquoi nous l'avons fait. C'était une question de gestion du risque et il importe de souligner que la Banque—plus précisément Malcolm Knight et son équipe— s'efforce continuellement d'améliorer nos pratiques de gestion du risque, non seulement en matière de gestion de la dette du gouvernement fédéral, mais aussi dans nos diverses sphères d'activité.
Pour répondre rapidement à votre question sur Arthur Anderson, il est vrai que la société est toujours notre vérificatrice. Autant que je sache, nous n'avons aucun problème à signaler quant aux services de Arthur Anderson Canada, qui changera bientôt de nom, d'ailleurs.
º (1625)
La Banque compte deux vérificateurs—l'autre étant Raymond Chabot. Ces vérificateurs sont choisis pour une période échelonnée sur cinq ans et travaillent en alternance. Jusqu'à maintenant, je peux vous dire que la direction de la banque est satisfaite de leur travail, de même que son conseil d'administration.
La présidente: Merci.
Monsieur Discepola, vous avez 10 minutes.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, madame la présidente.
Bienvenue, monsieur le gouverneur.
Nous avons reçu, hier, un groupe essentiellement composé de gens d'affaires qui n'ont pas manifesté autant d'optimisme que vous quant à la reprise économique. Votre exposé me rassure, parce que j'ai bel et bien l'impression de voir quelques signes de reprise. Ces signes semblent indiquer que la reprise est encore fragile, au mieux; je me demande ce que vous en pensez.
Je suis un peu inquiet lorsque je vous entends dire que vous relâchez la pression sur l'accélérateur. Voulez-vous dire que vous allez modérer vos interventions quant aux taux d'intérêt, si vous le pouvez, ou au taux d'inflation. À quel taux faites-vous allusion?
Regardons ce qui se passe ailleurs... Aux États-Unis, par exemple, la réserve fédérale n'a pas de cibles d'inflation et l'économie suit simplement le courant. La productivité par habitant y est supérieure à la nôtre, la croissance économique aussi et même le taux d'emploi. Je me demande si vous ne devriez pas laisser tomber l'accélérateur et laisser les forces du marché agir ou si vous pouvez nous assurer que la hausse récente des taux n'est que passagère.
Je suis inquiet, surtout lorsque je constate l'essor du marché immobilier et la forte demande dans le domaine du bâtiment que stimule le bas niveau des taux d'intérêt. Je me demande si vous craignez, comme l'autre groupe, que tout cela soit fragile ou si vous êtes confiant et que vous pensez que votre intervention est appropriée, voire nécessaire. Je pense que nous avons tous le même objectif en tête: la poursuite de la reprise économique au Canada.
J'aimerais poser une autre question après, madame la présidente.
º (1630)
M. David Dodge: Si vous le permettez, madame la présidente, je vais commencer, puis je vais passer la parole à Malcolm.
Il est vrai que les grandes entreprises canadiennes et américaines ont souffert d'importantes baisses de profits, ce qui fait que les dirigeants de nombreuses grandes entreprises hésitent à s'engager dans un nouveau grand cycle d'investissements et font preuve de prudence. Cela vaut des deux côtés de la frontière.
Il faut dire, toutefois, que l'économie canadienne repose davantage sur les petites et moyennes entreprises que l'économie américaine et que les petites et moyennes entreprises ont continué de prospérer malgré le ralentissement—ce qui ne se compare absolument pas aux deux dernières périodes de ralentissement, où les petites et moyennes entreprises ont été frappées de plein fouet. Cette fois-ci, elles ont continué de prospérer. Elles ont continué d'investir, ce qui fait que cet important segment de notre économie n'est pas si précaire.
Mon second point—et je demanderai à M. Knight de vous donner davantage d'explications—c'est que la structure de notre économie diffère de celle des États-Unis. Trente pour cent de l'industrie manufacturière américaine produit de la machinerie et de l'équipement ou du matériel électrique et électronique. La proportion de ce type d'industrie au Canada, bien que nous n'en ayons pas exactement la même définition, se situe entre 15 et 17 p. 100—ce qui représente environ la moitié du même secteur aux États-Unis, toutes proportions gardées. De plus, les télécommunications, qui peuvent stimuler beaucoup l'économie, sont faibles au Canada, comme partout dans le monde, mais encore une fois, l'impact de leur ralentissement n'a pas été aussi important au Canada qu'aux États-Unis.
Ce n'est guère très réconfortant de parler aux représentants de BCE, de Telus ou des autres grands fournisseurs. Mais ce secteur, qui perd de sa vigueur, est considérablement plus petit au Canada qu'aux États-Unis. Ce sont là deux grandes différences qui, je crois, expliquent beaucoup pourquoi le ralentissement n'a pas le même effet dans les deux pays.
Mais pour m'être moi-même entretenu avec des représentants du CCCE, ou je ne sais plus comment ils s'appellent, il y a deux semaines, je ne suis pas surpris qu'ils se soient montrés un peu plus pessimistes que nous, même si M. Tellier pourrait vous confirmer que ses volumes sont élevés. En fait, il craint seulement qu'ils ne leur restent pas.
Malcolm, peut-être pouvez-vous poursuivre.
M. Malcolm Knight: Merci, monsieur le gouverneur.
Il y a évidemment des incertitudes au fur et à mesure que la situation évolue. Il y a des incertitudes à l'échelle internationale, notamment en ce qui concerne l'impact de la situation géopolitique sur les prix du pétrole. Il y en a aussi concernant le rythme auquel les investissements de capitaux immobilisés reprendront dans l'économie nord-américaine.
Mais comme le gouvernement l'a dit, le fait qu'il y ait des incertitudes ne revient pas à dire que la situation est fragile. On voit maintenant que la force de l'économie canadienne est relativement bien répartie. Elle repose surtout sur les petites entreprises, qui se sont montrées plus optimistes que les grandes sociétés pendant toute la période de ralentissement et par la suite et qui ont de la difficulté à recruter les travailleurs dont elles ont besoin en ce moment, entre autres.
Comme le gouverneur l'a dit, il y a des différences de structure. En effet, le secteur de la haute technologie est plus important aux États-Unis qu'au Canada et son avenir dépendra beaucoup de l'évolution de la formation du capital fixe. Nous verrons ce qu'il en adviendra.
Au Canada, les secteurs du bâtiment et de la vente au détail se portent bien. Par ailleurs, sur le plan des exportations, le secteur de la production primaire est plus important dans notre économie que dans celle des États-Unis. Depuis que l'économie mondiale a commencé à se redresser, la demande de produits primaires a remarquablement augmenté. Depuis novembre, les prix de ces produits, tant dans le secteur de l'énergie qu'ailleurs, suivent généralement une tendance à la hausse.
Bref, nous avons des incertitudes, mais cela est fort différent, à mon avis, de signes que la force de l'économie est fragile ou qu'elle se résume à quelques secteurs.
J'aimerais également aborder la question de la cible d'inflation explicite. Je crois sincèrement que le rendement économique réel des années 90, où nous avions fixé des cibles d'inflation, a été considérablement meilleur que celui des deux dernières décennies, où le taux d'inflation a énormément fluctué, ce qui a créé beaucoup d'incertitude dans l'économie et affaibli le rendement macroéconomique. Je pense que les cibles d'inflation sont l'un des facteurs grâce auxquels notre économie s'est améliorée depuis six, sept ou huit ans.
Merci.
º (1635)
La présidente: Allez-y, monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings--Hants, PC): Je vous remercie tous d'être avec nous aujourd'hui. Nos séances en votre compagnie sont toujours très enrichissantes.
Nous en sommes à un point où les taux d'intérêt sont bas uniquement parce le taux d'inflation est bas aussi. En fait, les taux d'intérêt réels ne sont vraiment pas si bas. Il n'y a toujours pratiquement pas de pression inflationniste. Je ne perçois pas la même pression inflationniste que vous. Il y a évidemment une incertitude politique liée à la situation au Moyen-Orient. Les profits des entreprises demeurent très faibles: au dernier trimestre de l'année dernière, ils ont chuté de 19 p. 100 par rapport à l'année précédente. Les marchés boursiers sont toujours aussi volatiles. L'industrie de la fabrication, particulièrement en technologie, affiche une capacité excédentaire, comme vous l'avez dit. Les taux de chômage sont toujours considérablement supérieurs à ceux des États-Unis.
Vous avez fait une analogie avec l'automobile. Je vais suivre votre exemple. Notre économie s'apparente actuellement à une Volkswagon diesel en termes de croissance, mais nous sommes toujours loin de l'économie de type Mercedes-S500 de nos voisins. Je suis plutôt sceptique à l'idée que la croissance économique canadienne soit extraordinairement forte comparativement à celle des États-Unis.
Les seuls indicateurs positifs constants que nous ayons sont la confiance des consommateurs canadiens et leurs dépenses accrues stimulées en grande partie par la faiblesse des taux d'intérêt et des taux hypothécaires, grâce à laquelle ils conservent plus de liquidités. Je crains beaucoup qu'une hausse importante des taux dans les 12 prochains mois ne mine cette confiance et n'amène les consommateurs à réduire leurs dépenses, parce que les Canadiens doivent maintenant assumer des frais hypothécaires résidentiels considérablement élevés.
Si vraiment l'inflation ne constitue pas de risque réel en ce moment et qu'on ne risque pas réellement de miner la confiance des consommateurs, qui est essentielle pour la croissance économique actuelle, la chose qui pourrait vous pousser à augmenter les taux d'intérêt, à mon avis, serait sans doute votre volonté de renforcer le dollar canadien. Vous tentez de faire contrepoids à ce qui semble être devenu une vulnérabilité de la Banque du Canada et un problème de nature toujours plus politique. Les résultats électoraux semblent nous montrer que les Canadiens se préoccupent de plus en plus de la faiblesse du dollar canadien, qui est en train de devenir une enjeu réel. Est-ce l'une des raisons pour lesquelles vous augmentez les taux actuellement, pour essayer de renforcer le dollar canadien? Cela fait-il partie de votre stratégie?
º (1640)
M. David Dodge: Je vous répondrai tout de suite que non. Notre objectif est de nous assurer que l'économie canadienne tourne presque à plein régime. Évidemment, il y aura des hauts et des bas à l'occasion, mais si notre économie peut tourner près de son plein régime, nous devrions être capables de maintenir l'inflation autour de 2 p. 100. Si nous dépassons notre potentiel, l'inflation gonflera au-dessus de la barre des 2 p. 100 et nous devrons prendre des mesures pour la faire redescendre. Si nous sommes sous notre potentiel, c'est qu'il y a place à l'action et que nous pouvons descendre légèrement les taux d'intérêt. C'est exactement ce que nous avons fait tout au long de l'année 2001, bien sûr, où nous sommes passés d'un rythme bien au-dessus de notre plein potentiel à un rythme bien en-dessous.
C'est notre but. Bien sûr, il nous faut faire preuve de jugement pour déterminer vers où nous nous dirigeons exactement et comment nous comptons y arriver, mais notre objectif est très clair.
Par ailleurs, où en sommes nos taux d'intérêt réels en ce moment? Les taux à court terme, soit ceux qui s'appliquent au papier commercial, se situent autour de 2,5 p. 100 actuellement et l'inflation, à environ 2 p. 100. Ainsi, le taux d'intérêt réel tourne autour de 0,5 p. 100. Cela est un peu en deçà de la fourchette neutre à laquelle nous nous attendrions normalement, soit des taux réels de 2,5 à 3,5 p. 100. Les taux réels sont donc très bas.
Si l'on prend les taux à long terme, ils se situent actuellement autour de 3,5 p. 100, alors que leur moyenne historique oscille autour de 4 p. 100. Nous sommes donc un peu en-dessous des taux moyens à long terme, mais pas beaucoup. Les taux à long terme devraient rester relativement stables maintenant que nous avons réglé nos problèmes d'inflation. Bref, je ne pense pas que nos données soient parfaitement exactes en ce qui concerne les taux d'intérêt.
Pour ce qui est de la croissance, il ne fait pas de doute que le Canada fait meilleure figure que les États-Unis depuis trois ans. Ce n'était pas le cas à la moitié des années 90, lorsque nous nous sommes attaqués à notre très grave problème fiscal. Les gouvernements fédéral et provinciaux travaillaient très fort pour y remédier, ce qui a occasionné beaucoup de compressions budgétaires. Par contre, il serait tout simplement faux de dire que la croissance canadienne en général a été plus lente que celle des États-Unis.
M. Scott Brison: En ce moment, les taux de croissance sont peut-être légèrement meilleurs, mais il reste que notre chômage est considérablement plus élevé qu'aux États-Unis et que notre production est encore en surcapacité. Bien des gens, y compris des hommes d'affaires, pensent qu'il est tout à fait inconsidéré d'appliquer les freins au moment où nous commençons à constater un certain niveau de traction, en particulier étant donné la vigueur de la dépense des ménages et la popularité des hypothèques résidentielles.
M. David Dodge: Revenons à ce que nous disions plus tôt. Il ne s'agit pas d'appliquer les freins; il s'agit de relâcher la pression sur l'accélérateur. À leur niveau actuel, les taux sont très loin d'avoir un effet sur l'économie. Nous continuons d'assouplir les conditions monétaires en temps opportun, mais il nous faudra, avec mesure, réduire la forte détente monétaire en place à mesure que l'économie s'approchera des limites de sa capacité. C'est précisément ce que nous cherchons à faire, avec mesure.
Nous ne savons pas de façon absolument certaine quel tour prendra la croissance dont nous avons parlé. Elle pourrait s'avérer plus forte, auquel cas nous devrons intervenir plus rapidement, ou plus faible, auquel cas nous devrons intervenir plus lentement. Comme nous l'a enseigné l'expérience passée, il est très important de commencer à intervenir bien avant que l'économie n'atteigne réellement les limites de sa capacité. Les effets de la politique monétaire se font sentir sur l'activité économique au bout de 12 à 18 mois—mais c'est aléatoire—et sur l'inflation, probablement au bout de 18 à 24 mois. De toute façon, c'est plus tard. Il est donc important d'intervenir en temps opportun.
º (1645)
M. Scott Brison: Des responsables de banques centrales commencent à tenir compte de toute la bulle spéculative de l'immobilier, des obligations et des actions. Tenez-vous compte de ces critères, outre vos cibles concernant l'inflation?
M. David Dodge: Non, mais je vais laisser M. Knight vous donner une réponse complète à cette question.
M. Malcolm Knight: Merci beaucoup. Tout d'abord, à l'heure actuelle, il n'existe pas de problèmes grandement préoccupants dans ce domaine au Canada.
J'ajouterai qu'une banque centrale doit s'intéresser à tous les indicateurs économiques qui laissent entrevoir ce qui arrive à la demande et ce qui pourrait arriver aux prix. Mais notre objectif est très clairement de maintenir l'inflation à un niveau faible et stable. Si nous constatons qu'un secteur particulier, par exemple dans le marché du logement, est sous pression, cela nous indique qu'il s'exercera peut-être une pression accrue sur l'inflation, et il nous faudra intervenir.
Mais pour en revenir à ce qu'a dit le gouverneur, nous essayons de gérer la politique monétaire de façon à pouvoir soutenir la croissance de l'activité et la pleine utilisation des capacités, sans créer de pressions inflationnistes. Je vous dirais qu'à plus long terme, ce genre de politique offre les meilleures perspectives de croissance de l'emploi à long terme également.
M. Scott Brison: J'ai une dernière question. Essayez-vous de revenir à la situation où les taux canadiens étaient traditionnellement plus élevés—et dans certains cas considérablement plus élevés—que les taux aux États-Unis? Essayez-vous de revenir à cet écart?
Je ne dis pas que c'est voulu sur le plan politique, mais cela réduit certainement la pression sur le gouvernement, de même que sur la Banque du Canada, si le dollar canadien est plus vigoureux. C'est devenu une question très politique et c'est visible. Je crois que cela explique en partie votre tendance à hausser les taux, quand la Réserve fédérale américaine ne le fait pas.
M. David Dodge: Eh bien, tout ce que je peux vous dire de but en blanc, c'est non, mais le niveau du dollar canadien influe, certainement avec le temps, sur l'inflation. On ne peut totalement séparer ces questions l'une de l'autre. Au cours des années 1990—et je vais laisser M. Jenkins en parler parce que c'est en fait une chose très intéressante—nous avons été étonnés de la lenteur avec laquelle cet effet s'est fait sentir, mais il est néanmoins vrai que, de façon générale, une baisse du dollar exercera une pression à la hausse sur les prix intérieurs et qu'une hausse fera le contraire. Quant à ce que nous essayons de faire pour la politique monétaire, nous devons la fixer en tenant compte de la conjoncture canadienne, et nous ne nous intéressons aux facteurs que vous avez mentionnés que de façon indirecte étant donné que le taux de change peut au bout du compte influer sur les niveaux des prix.
Paul, vous pourriez peut-être dire un mot, étant donné que vous êtes celui qui a étudié cette question.
º (1650)
M. Paul Jenkins: Je vais faire un bref commentaire.
Nous avons examiné la question, et il s'agit de savoir, au fur et à mesure des mouvements de taux de change, quels effets le niveau des prix a sur l'économie? Nous avons constaté au cours de cette période d'inflation faible et stable que les rapports passés ne semblent plus exister. On ne semble pas obtenir ce même effet de répercussion comme nous l'appelons. Je crois qu'il faut donc retenir ici qu'en cette période d'inflation faible et stable, les économies sont beaucoup plus stables dans l'ensemble, non seulement sur le plan du comportement de l'inflation, mais également sur le plan du comportement économique. C'est une différence importante par rapport aux cycles d'expansion et de ralentissement que nous avons connus au cours des années 70 et des années 80.
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Minna, pour 10 minutes.
Mme Maria Minna (Beaches--East York, Lib.): J'aimerais aborder quelques questions. La première concerne le boom économique, dont certains ont parlé et qui se produit actuellement. C'est très encourageant, mais d'après ce que nous avons compris, c'est dû principalement aux dépenses des consommateurs, et les entreprises n'ont pas encore commencé à investir. L'investissement de leur côté n'a pas vraiment augmenté d'autant. Je me demande si vous pourriez nous en expliquer les raisons. Pourquoi les entreprises tardent-elles à financer des programmes et des projets, etc., étant donné que l'infraction est faible et que les taux d'intérêt sont très bas? Voilà pour la première question.
Deuxièmement, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi cela se produit et si vous vous attendez, en regardant dans votre boule de cristal, que les entreprises se mettront bientôt à réinvestir. Ou est-ce un phénomène provisoire, et alors allons-nous au devant de certaines difficultés, aspect dont nous devons tenir compte, à mon avis, dans tout le contexte.
J'aimerais également aborder la question des taux d'intérêt. Je sais que vous dites qu'ils n'ont pas d'effet pour ce qui est des mesures prises et de tout le reste, mais les consommateurs—en raison principalement de la reprise des dépenses de consommation—se sont endettés davantage en raison des faibles taux d'intérêt, achetant des maisons qu'ils ont hypothéquées et divers autres biens. Une hausse des taux d'intérêt a un effet psychologique. Risque-t-elle de mettre un frein, tout d'abord, aux achats et aux dépenses des consommateurs parce qu'ils auront la perception que les taux d'intérêt commencent à grimper?
Je sais pour avoir parlé à quelqu'un de ma famille... un membre de ma famille commence à s'interroger sérieusement sur l'opportunité de se lancer dans des achats maintenant. Il se demande s'il devrait acheter ou non, s'il devrait s'empresser de le faire maintenant avant que la situation empire au cours des deux ou trois prochains mois, parce qu'il s'attend à ce que les taux montent.
Je me demande si cela aura deux effets. Cela pourrait provoquer ce rapide phénomène provisoire avant que les choses ne retombent, mais en même temps, si les taux d'intérêt montent, que va-t-il arriver aux gens qui se sont endettés en achetant peut-être beaucoup plus que ce qu'ils auraient pu se permettre étant donné la situation? C'est une autre question.
J'aimerais maintenant aborder la question du taux d'inflation. Comme vous le savez, il y a des économistes qui croient que la quête d'une stabilité des prix et d'une fourchette cible de l'inflation peut en fait provoquer, accroître ou maintenir des taux de chômage plus élevés dans nos économies. Le chômage aux États-Unis a constamment été inférieur au nôtre, et ils ne disposent pas d'une fourchette cible particulière d'inflation. Je remarque que vous avez parlé d'une fourchette se situant entre 1 et 3 p. 100. Je ne sais pas si 3 à 4 p. 100... vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi vous avez une fourchette cible, tout d'abord, et si vous voyez ou non une corrélation.
Dans une certaine mesure, cela me rappelle le début des années 90 quand nous avions un taux de chômage élevé et que nous connaissions une récession qui, de l'avis quasi général, avait été créée de toutes pièces, qui était plus grave que celle aux États-Unis et ailleurs, et qui résultait en grande partie des taux d'intérêt artificiellement élevés que nous maintenions. Je n'ai pas besoin de dire que beaucoup de petites entreprises ont fait faillite au cours de cette période.
Notre obsession à maintenir une faible inflation entraîne également une augmentation du taux de chômage, et j'aimerais savoir si nous sommes heureux d'avoir à payer ce prix? C'est de cette façon que je comprends la situation.
La présidente: Monsieur Dodge.
M. David Dodge: Cette question appelle plusieurs réponses, madame la présidente.
Je m'occuperai de la partie la plus facile et je céderai ensuite la parole à Paul pour qu'il réponde à la question relative aux cibles de maîtrise de l'inflation.
Tout d'abord, le ralentissement observé en Amérique du Nord en 2001 a été très différent de celui ressenti au début des années 1980 ou 1990, dans la mesure où nous étions dans un cycle d'investissement classique, sans changement de cap important. Vous avez tout à fait raison de dire qu'au début des années 1990, il y a eu un changement d'orientation majeur qui a d'ailleurs perturbé ce cycle parce que nous tentions de sortir l'économie de 25 années d'attentes d'inflation élevée. Ce fut difficile, mais nous y sommes arrivés. Nous avons maintenant un point d'ancrage, dans la mesure où nos concitoyens croient fermement—tout comme les entreprises et les marchés de capitaux—que même si le taux d'inflation doit fluctuer légèrement, il oscillera toujours autour de 2 p. 100. C'est une part extrêmement précieuse du capital social que le Canada a gaspillé au début des années 1970, et nous avons dû payer le prix fort pour la ravoir. Maintenant que nous l'avons récupérée, je peux vous dire que nous, à la Banque du Canada, ferons tout notre possible pour ne pas la perdre encore.
Donc, nous étions dans un cycle d'investissement classique—presque aussi classique qu'au XIXe siècle. Il y avait un surinvestissement dans certains secteurs, celui des télécommunications étant le meilleur exemple. Aujourd'hui, on peut en voir quelques-unes des répercussions. Nous avions donc un surinvestissement classique. Puis, vers la fin de l'an 2000, les gens se sont rendu compte qu'ils avaient trop investi et ils ont arrêté. On a alors assisté à un repli massif des investissements, puisque les consommateurs, dont le revenu du travail avait beaucoup ralenti aux États-Unis et au Canada, ont suivi le mouvement.
Est-ce que les consommateurs canadiens sont lourdement endettés? Eh bien, je dirais que leur niveau d'endettement a augmenté par rapport à leurs revenus, mais qu'il est demeuré pratiquement le même par rapport à leur capital. Par conséquent, si vous nous demandez si nous sommes particulièrement inquiets du niveau d'endettement des ménages à ce stade-ci, je vous répondrais que non. Si le niveau d'endettement et celui de l'actif n'avaient pas progressé de manière comparable, alors, bien sûr, il y aurait un problème. Et plus le niveau d'endettement est élevé, plus le risque est grand. Mais, essentiellement, la réponse est non. Nous ne sommes pas particulièrement préoccupés.
Est-ce que la très légère hausse des taux d'intérêt que nous avons observée le mois dernier—et que nous devrions voir encore d'ici peu—pourrait mettre un frein à la consommation? La réponse, là aussi, est non. Nos taux d'intérêt sont encore bas par rapport aux attentes des gens et par rapport à ce qu'ils pourraient être à long terme, et c'est vraiment ce qui compte.
Ce qui est arrivé, bien sûr—et c'est là quelque chose de manifeste—c'est que les sociétés automobiles ont profité des bas taux d'intérêt pour faire fortune. Elles ont offert des incitatifs très alléchants et il est probable que plusieurs consommateurs aient devancé l'achat d'une automobile pour ces raisons. L'automne et l'hiver derniers, on a compté environ 17 millions de véhicules vendus aux États-Unis—soit deux ou trois millions de plus que la normale—ce qui est très surprenant puisque ce pays accusait au même moment une hausse du chômage. Au Canada, les ventes ont dépassé d'environ 1,7 million les chiffres habituels. Par conséquent, il peut très bien y avoir eu un effet sur la vente d'automobiles, mais nous ne croyons pas qu'il en ait été de même dans le reste de l'économie.
º (1655)
Je crois bien que cela répond à la première partie de votre question. Je cède maintenant la parole à M. Jenkins. Ai-je oublié quelque chose?
» (1700)
La présidente: Nous laisserons le soin à M. Jenkins de finir de répondre.
M. David Dodge: J'aimerais que M. Jenkins réponde à la deuxième partie de la question car elle touche véritablement le fondement de tout ce que nous faisons.
M. Paul Jenkins: C'est une excellente question. Pour y répondre, on peut se demander quels sont les avantages et les inconvénients de choisir une cible d'inflation. En visant une cible comprise entre 1 et 3 p. 100, avec un point médian à 2 p. 100, nous espérons atteindre un taux d'inflation bas et stable. Nous mettons également beaucoup d'emphase sur la prévisibilité et sur l'importance d'avoir une cible bien définie. La possibilité de prévoir l'évolution du taux d'inflation est vraiment essentielle car elle contribue à fixer les attentes d'inflation pour les épargnants, les investisseurs et les particuliers. Grâce à des attentes bien ancrées, nous pouvons plus facilement passer au travers des rajustements économiques.
Je pourrais citer comme exemple les variations du prix de l'énergie. Dans les années 1970 et 1980, on a observé un choc important des prix de l'énergie qui s'est rapidement traduit par une anticipation inflationniste, ce qui a aggravé la situation à laquelle nous devions faire face. Par conséquent, un taux d'inflation bas, stable et prévisible facilite les rajustements économiques.
La clarté de l'objectif, comme nous l'avons dit précédemment, facilite également l'ajustement des politiques d'une manière symétrique. Lorsque nous observons une détente des pressions inflationnistes, c'est le signe que nous devons réviser les conditions monétaires à la baisse. De la même manière, lorsque nous voyons un resserrement des pressions inflationnistes, nous devons ajuster les conditions monétaires à la hausse.
Pour en revenir à votre question qui est de savoir pourquoi 2 p. 100 et pas 3 ou 4, et s'il y a un lien avec le chômage, je vous dirai que lorsque nous avons reconduit notre entente relative à la maîtrise de l'inflation avec le gouvernement fédéral, au printemps de l'année dernière, c'est une des principales questions que nous avons examinées. À la lumière de toutes les recherches que nous avons menées à ce sujet—tant internes qu'externes—émanant de chercheurs d'horizons différents, nous sommes arrivés à la conclusion qu'une cible d'inflation à 2 p. 100 ne nuisait aucunement à la capacité de notre économie de fonctionner à plein régime et d'atteindre le plein emploi. Par conséquent, nous n'avions aucune preuve qu'un taux d'inflation cible à 2 p. 100 allait, comme vous l'avez dit, entraîner une hausse du taux de chômage. Toutes les recherches que nous avons effectuées nous ont permis de conclure qu'il fallait continuer à viser un taux d'inflation de 2 p. 100.
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
C'est maintenant au tour de M. McNally.
Je vous accorde la parole pour cinq minutes. Avec un peu de chance, tout le monde pourra intervenir si nous respectons le temps qui nous est imparti.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir sur la question du dollar. Il semble incroyable que notre dollar stagne à un peu plus de 60 cents américains. Je voudrais faire suite aux observations que vous avez formulées un peu plus tôt. Vous avez déclaré que même si que dollar avait chuté, noter pays était plus compétitif au chapitre des exportations. Vous avez également dit que nous sommes un pays d'épargnants. Il semblerait qu'une des conséquences inattendues d'un dollar faible, c'est que beaucoup de secteurs de l'économie bénéficient, de plusieurs manières, d'une aide involontaire lorsqu'ils vendent leurs produits aux États-Unis. Je voulais savoir si vous êtes d'accord avec moi sur ce point.
Par ailleurs, que peut faire la Banque du Canada pour remédier à la faiblesse du dollar? Si cette situation profite à certains secteurs de l'économie, elle nuit très gravement à d'autres. Notre dollar va-t-il rester à 60 cents américains toute la vie? Il semblerait que nous devions nous y résigner, dans une certaine mesure. Qu'avez-vous à répondre à cela?
» (1705)
M. David Dodge: Quand nous définissons la politique monétaire, nous avons un levier et nous pouvons avoir un point d'ancrage. Les deux régimes possibles pour avoir un point d'ancrage consistent, grosso modo, à arrimer son taux de change à celui d'un autre pays ou à fixer une cible de maîtrise de l'inflation. Maintenant, il y a des variations dans les deux régimes, mais ce sont essentiellement les deux façons de procéder.
Au Canada, nous avons préféré adopter une cible d'inflation et un taux de change flottant. Nous avons pris cette décision, je crois, pour de très bonnes raisons. Si nous avions adopté un taux de change fixe, cela voudrait dire que nous devrions être prêts, au sein de notre économie, à modifier tous les prix en fonction de l'évolution des termes de l'échange ou des prix relatifs des biens que nous exportons et que nous importons. Que ce soit bon ou pas, il reste qu'au Canada les prix sont relativement volatils. On y observe beaucoup de mouvements. Par conséquent, il est tout à fait à notre avantage d'avoir une monnaie flottante.
Mais il nous faut un point d'ancrage—c'est l'une des leçons que nous avons tirées de notre expérience des années 1970—et ce point d'ancrage doit être compris des parlementaires, des citoyens et des marchés. À cette époque, nous avions bien un point d'ancrage. Nous nous étions servis des agrégats monétaires comme point d'ancrage, mais personne ne pouvait le comprendre; ce n'était au demeurant pas non plus une bonne solution. Cela n'a pas permis de faire beaucoup de progrès.
Nous avons maintenant ce que nous considérons être un bon point d'ancrage. D'ailleurs, la plupart des autres pays adoptent le régime que nous avons instauré au début des années 1990. Cela signifie que le taux de change sera ce qu'il doit être. En ce moment—je possède les chiffres auxquels nous sommes arrivés en prenant pour année de base 1992, car c'est comme ça que nous faisons nos calculs—notre dollar est à environ 95, 96 ou 97 ¢ pour les échanges avec tous nos partenaires commerciaux, sauf les États-Unis. Au cours de la dernière décennie, on a observé une légère dépréciation de notre monnaie par rapport à celle de nos partenaires commerciaux et un repli sensible par rapport au dollar américain.
Maintenant, 90 ¢, c'est très élevé. Le dollar a déjà tourné autour de 75 ¢, mais quoi qu'il en soit... Autrement dit, le dollar américain est à environ 1,25 $ par rapport au reste des devises, donc il s'est apprécié, alors que notre dollar a perdu un peu de sa valeur par rapport aux monnaies étrangères et il semblerait que cela ait ouvert une brèche assez importante.
Pourquoi notre dollar reste-t-il à ce niveau? Je n'en sais rien. Comme je l'ai dit plus tôt, il existe certaines forces qui nous laissent entrevoir une appréciation de notre monnaie au cours des prochaines années. Ces forces, comme l'a expliqué Bill McDonough, président de la Réserve fédérale à New York, devraient entraîner une dépréciation du dollar américain par rapport aux autres devises durant la période visée. Ces éléments agissent, mais les taux de change ont tendance à être un petit peu plus volatils que les forces sous-jacentes.
La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur McNally.
Madame Leung, je vous accorde cinq minutes.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, madame la présidente.
Bienvenue à vous, monsieur le gouverneur, ainsi qu'à vous, messieurs Jenkins et Knight.
Nous savons qu'il y a beaucoup de spéculations entourant une possible union monétaire entre les États-Unis et le Canada. Je me demande si c'est faisable ou envisageable pour le Canada. J'aimerais également savoir quels seraient les avantages et les inconvénients d'une telle union.
Ma deuxième question porte sur le taux d'inflation. En février dernier, ce taux oscillait autour de 2,2 p. 100. Il est d'ailleurs encore relativement bas. Comment se fait-il, alors, que le taux d'épargne canadien... et le fardeau d'endettement des consommateurs soient plus élevés? Pouvez-vous m'en donner les raisons? Cela tient-il à la faiblesse du dollar canadien?
» (1710)
M. David Dodge: Lorsque je discute avec les députés, jamais je ne me prononce sur la probabilité d'une union monétaire. Cette décision vous appartient.
Est-ce faisable? Oui, cette union est faisable, mais cela ne signifie pas qu'elle est souhaitable pour autant. Je reviens à ce que je disais plus tôt: normalement, si vous voulez une union monétaire, il est important de créer d'abord un marché unique. Si, dans un régime d'union monétaire, vous n'avez pas de marché unique, la main-d'oeuvre n'est pas libre de se déplacer de part et d'autre de la frontière et vous courez le risque de voir vos exportations bloquées dans un secteur—le bois d'oeuvre par exemple—ou dans un autre par un groupe de pression américain. Vous vous retrouvez alors dans une position particulièrement fâcheuse.
Vous devez créer un marché unique et écarter la possibilité que vos exportations soient bloquées; ou—nous avons perdu M. Nystrom—que les Américains puissent s'engager dans une chasse aux sorcières contre une opération de marketing efficace, comme la Commission canadienne du blé; ou qu'on empêche les fournisseurs de services canadiens d'offrir des services aux États-Unis; ou qu'un Jones Act interdise les ports américains à vos navires. Tant que vous n'avez pas réglé tous ces problèmes, il est extrêmement périlleux de s'engager dans une union monétaire. Je ne dis pas que cela ne peut pas se faire, mais qu'il serait dangereux de le faire.
Pour ce qui est de la dette à la consommation, je suppose que je n'ai pas répondu assez clairement à la question précédente. Une bonne partie de l'augmentation de la dette à la consommation observée au Canada au cours des 12 derniers mois provient du fait que les Canadiens ont contracté une dette hypothécaire accrue. Cette situation est attribuable non seulement au fait que le prix des habitations augmente plus rapidement que dans le passé, mais également au fait que les Canadiens achètent des maisons neuves à un rythme presque sans précédent.
Étant donné que les Canadiens ont contracté cette dette pour acquérir des actifs qui produiront un flot de revenu réel sur une longue période de temps, nous ne sommes pas particulièrement inquiets de cette situation. Elle a pour effet de rendre le secteur de l'habitation légèrement plus fragile, légèrement plus vulnérable à une augmentation des taux ou à une chute soudaine du revenu du travail. Il n'y a aucun doute là-dessus, mais fondamentalement, cela ne nous paraît pas si mal en raison de l'usage que l'on fait de cet argent.
Comme je l'ai dit plus tôt, même une bonne partie de la consommation non liée à l'habitation s'est effectuée dans un secteur qui apporte un flot de services pendant une certaine période de temps, c'est-à-dire l'achat de voitures neuves. L'an dernier, j'ai remplacé ma vieille voiture datant de 1989 par un modèle 2001 pour profiter des bonnes occasions offertes par les concessionnaires. Cela signifie que pendant dix ans je n'aurai pas à acheter de voiture. Ainsi, même dans ce que nous appelons la consommation, on retrouve la notion d'actif. Cela est particulièrement vrai des voitures et autres biens de consommation durables.
» (1715)
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Marceau, les cinq prochaines minutes vous appartiennent.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, madame la présidente. Monsieur le gouverneur, je veux vous poser deux questions rapides.
Une des théories fondamentales en économique monétaire est, bien entendu, celle de la zone monétaire optimale, qui a été élaborée pour la première fois en 1961 par Robert Mundell, qui a gagné récemment le prix Nobel d'économie. Or, récemment, M. Mundell a affirmé publiquement qu'il croyait en une union monétaire entre le Canada et les États-Unis. Que lui répondez-vous? C'est ma première question.
Deuxièmement, vous avez affirmé que les économies du Canada et des États-Unis étaient très différentes. C'est peut-être le cas, mais vous êtes sûrement au courant d'une étude qui a été publiée par le professeur Coulombe de l'Université d'Ottawa, dans laquelle il disait que les cycles économiques de l'Ontario et du Québec étaient différents de ceux du reste du Canada, que ces cycles économiques du Québec et de l'Ontario s'alignaient de plus en plus sur les cycles économiques américains, et donc que, pour le Québec et pour l'Ontario, qui sont le coeur économique du Canada, la solution passait par une union monétaire avec les États-Unis. Quels sont vos commentaires sur cette étude?
M. David Dodge: Je vais répondre à la deuxième question et laisser M. Knight répondre à la première.
M. Malcolm Knight: Il est vrai que le professeur Mundell a beaucoup parlé de cette question de l'union monétaire. En fait, il a prononcé un discours à l'Université Carleton il y a deux semaines. Il était d'avis que l'union monétaire optimale était à l'échelle mondiale.
Dans ce contexte, il disait que s'il y avait une union monétaire à l'échelle mondiale, cela entraînerait une grande réduction des coûts des transactions dans tous les pays car il y aurait plus d'efficacité dans les transactions internationales. Cette réduction des coûts pourrait être importante, mais on ne sait pas exactement de quel ordre de grandeur elle serait.
Cependant, comme l'a dit le gouverneur, pour avoir une telle union monétaire, il faudrait que les marchés, partout dans le monde, fonctionnent avec plus de flexibilité. Il faudrait qu'il y ait plus de flexibilité entre les pays. Cela inclut non seulement les marchés des biens et services, mais aussi les marchés des facteurs de production, incluant les marchés du travail.
Pour avoir une union monétaire à tel ou tel niveau, il est important que les marchés des pays soient très bien intégrés. En ce moment, on n'a pas un tel niveau d'intégration des marchés pour les facteurs de production. Donc, comme vous le dites, c'est un sujet dont on devrait discuter, mais je ne crois pas qu'en ce moment, ce soit la meilleure façon d'assurer une bonne performance macro-économique chez nous.
M. David Dodge: Le professeur Coulombe a dit que les structures des économies de l'Ontario et du Québec étaient beaucoup plus semblables à celle des États-Unis qu'à celle du Canada en général. La tendance est bien celle-là. C'est vrai que le sud de l'Ontario et le sud du Québec ressemblent beaucoup plus au midwest des États-Unis que le Canada en général. C'est vrai, mais il y a quand même des différences assez importantes.
La structure de l'industrie canadienne, en Ontario et au Québec, est beaucoup plus concentrée et beaucoup plus spécialisée. En Ontario, l'industrie automobile représente une beaucoup plus grande fraction de l'output que c'est le cas aux États-Unis. Au Québec, on a l'industrie aérospatiale, qui représente une fraction très, très importante de l'output.
Donc, dans l'ensemble, le professeur Coulombe a raison: l'économie de l'Ontario et du Québec ressemble plus à celle des États-Unis, mais elle n'y est pas du tout identique. On ne peut pas en dire plus, et la question demeure. La vraie question, et personne dans cette salle ne peut vous donner la réponse, est de savoir si, dans l'avenir, les économies se rapprocheront ou si nous deviendrons plus spécialisés et plus susceptibles aux fluctuations des prix relatifs. Je ne le sais pas. C'est difficile à dire.
» (1720)
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Il reste deux personnes sur ma liste en ce moment. Je sais, monsieur Discepola et monsieur Penson, que vous devez partir avant 17 h 30, c'est pourquoi je vous donne le dernier...
Monsieur Brison, vous n'avez pas fait connaître vos intentions.
M. Scott Brison: Tout va bien en ce qui me concerne.
La présidente: Tout va bien pour vous aussi, monsieur Nystrom?
M. Lorne Nystrom: Oui.
La présidente: Bien.
Monsieur Nystrom prendra la parole après vous.
Merci. Nous serons alors en mesure de terminer à temps.
Monsieur Discepola, vous avez la parole.
M. Nick Discepola: Merci, madame la présidente.
Monsieur le gouverneur, vous avez affirmé par deux fois que du point de vue structurel, notre économie est très différente de celle des États-Unis. Vous avez aussi fait état d'autres différences macroéconomiques entre nos économies respectives. Pourtant, vous avez dit qu'une union monétaire est faisable, sans toutefois parler de ses avantages.
Tout le débat sur l'union monétaire—vous employez une autre expression en anglais—est en réalité un écran de fumée qui cache la véritable question: Le Canada doit-il adopter le dollar américain? En dernière analyse, que nous ayons une économie pleinement intégrée à celle des États-Unis ou non, nous ne parviendrons jamais à convaincre ce pays d'adopter une sorte de «noradollar», ou quelque chose du genre. Alors pourquoi ne pas aller droit au but et se demander tout de suite si le Canada doit adopter ou non le dollar américain. Et là on peut discuter.
Je m'étonne toutefois que nous nous soyons laissés entraîner dans cette discussion. Je connais bien le point de vue du Bloc québécois, car au dernier référendum, le Bloc avait promis à tout le monde qu'on pourrait garder le dollar, qu'on pourrait garder l'union économique avec le reste du Canada, qu'on pourrait garder son passeport et ainsi de suite. Ainsi, il a des intérêts à défendre, il cherche à préserver la raison qui justifie sa présence ici.
Je comprends également le premier ministre de ma province lorsqu'il dit que la séparation est bel et bien morte, qu'il faut accueillir la souveraineté-association qui s'inspire du modèle européen. Ils viennent du même siège social et parlent le même langage. Mais je suis curieux de savoir pourquoi nous pourrions vouloir en arriver là. Lorsque vous dites qu'à votre avis, ce n'est qu'une fois que nous aurons réalisé une pleine union économique que nous pourrons même commencer à envisager une union monétaire, ce sont pour moi des propos que je prends très au sérieux.
Mes électeurs ne semblent pas vouloir absolument adopter le dollar américain. Lorsque je leur dis que brusquement, leur maison de 100 000 $ n'en vaudra plus que 60 000 $ et que le coût de la vie ne va pas diminuer ou rester le même juste parce que nous aurons adopté la même devise, ils perdent soudain tout intérêt à cet égard, parce que lorsqu'ils voyagent...
Je ne connais pas le prix des biens de consommation essentiels aux États-Unis, parce que je ne voyage plus dans ce pays aussi souvent qu'avant, mais je crois qu'il est sensiblement le même qu'ici. Un panier de produits de première nécessité coûte probablement le même prix qu'au Canada, mais en dollars US.
Ainsi, n'est-ce pas un faux débat que de dire que nous allons adopter une devise commune? Ne vaudrait-il pas mieux simplement poursuivre nos efforts, comme avant le 11 septembre, en vue d'intégrer nos frontières et d'obtenir le libre mouvement des biens et services avec les États-Unis? Cette idée est intéressante même dans le cas du Mexique, mais oublions l'idée d'une union monétaire, parce que je crois que cela n'arrivera jamais, à moins que nous n'acceptions d'adopter le dollar américain.
» (1725)
M. David Dodge: Laissez-moi essayer de clarifier les choses. Comme je l'ai dit, il appartient au Parlement et aux parlementaires de prendre ces décisions. Je ne peux pas, quant à moi, traiter de ces questions.
Mais revenons un peu en arrière. Pour le moment, et pour un avenir prévisible, il est préférable d'un point de vue économique—pour les intérêts économiques des Canadiens—d'avoir un régime caractérisé par une politique monétaire alignée sur un objectif en matière d'inflation, et par un taux de change flottant, que d'avoir un taux de change fixe, une devise commune ou le dollar américain—peu importe laquelle de ces modalités vous choisissez, cela n'a pas d'importance—à cause des difficultés que nous avons à faire les ajustements dans une économie où les prix relatifs entre le Canada et les États-Unis sont assez instables, et où les comportements d'épargne et d'investissement sont assez différents. En pareil cas, cela signifie qu'il faut apporter beaucoup plus d'ajustements à tout le reste et cela peut en effet être assez douloureux.
Deuxièmement, si vous croyez qu'il est dans notre intérêt de favoriser une intégration économique plus grande avec les États-Unis, ce n'est pas par l'union monétaire qu'il faut commencer, mais plutôt par un accroissement du marché des biens et services pour créer un véritable marché unique et intégrer les marchés du travail. Peut-être n'est-ce pas ce que vous voulez faire, mais si vous dites que vous voulez vraiment l'intégration, c'est par là qu'il faut commencer. L'union monétaire suivra.
Ma dernière observation, c'est que du point de vue économique, peu importe que l'on choisisse l'union monétaire ou le dollar américain, mais c'est toute une autre histoire du point du vue du pouvoir discrétionnaire dans le domaine politique. Si vous voulez avoir voix au chapitre, à l'instar des Hollandais à propos de l'orientation de la politique monétaire européenne, et que vous ne l'obtenez pas, alors peut-être pouvez-vous justifier le refus d'une telle option.
Et il y a aussi cette autre question du seigneurage. Ce n'est pas aussi important, mais il reste que la Banque du Canada remet au gouvernement du Canada environ 2 milliards de dollars de profit par année, que vous préférez sans doute remettre aux Canadiens plutôt qu'aux Américains. Ainsi, il y a d'autres questions à étudier.
Mais fondamentalement, si vous pensez vraiment à l'intégration, il ne faut pas commencer par la question monétaire. Si vous voulez le meilleur rendement économique, du moins pour l'avenir prévisible, vous restez avec un taux de change flottant malgré le fait que cette politique comporte elle-même des coûts. Les avantages l'emportent toutefois sur ces coûts.
Un dernier mot pour conclure, madame la présidente.
Au cours de ma première année à titre de gouverneur, j'ai eu l'énorme avantage de pouvoir, à chacune de nos réunions, procéder à une diminution des taux d'intérêt; or, la popularité des gouverneurs ne souffre pas trop lorsque les taux sont à la baisse. Je pense que je serai moins populaire lorsque je reviendrai vous voir à l'automne ou au printemps.
» (1730)
Ce qu'il est vraiment très important de comprendre c'est que ce que tout le monde cherche à faire—les autorités fiscales et nous—c'est fondamentalement d'essayer de nous rapprocher le plus possible du taux de croissance maximum et du degré de productivité maximum que l'économie peut soutenir sans nous pousser dans une période d'inflation, d'une part, et d'autre part, sans provoquer de chômage inutile.
Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui du secteur de l'automobile, de l'essence, etc. Laissez-moi conclure en disant que nous ne sommes une économie de type Volkswagen ni une économie de type Mercedes, mais une économie qui porte le nom d'une autre marque de voiture. Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dodge. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier des réponses que vous nous avez données aujourd'hui.
Merci beaucoup, monsieur Penson.
La séance est levée.