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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 14 avril 2005




· 1330
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.))
V         M. Lionel Laroche (président, MCB Solutions, à titre personnel)

· 1335
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Lucille Joseph (présidente et directrice générale, Organisation Avantage Carrière)

· 1340
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)

· 1345
V         Mme Sylvia Searles (assistante spéciale au maire de Toronto, Ville de Toronto - Groupe de travail sur l'immigration et les réfugiés)
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)

· 1350
V         M. Daniel Klass (registraire adjoint, Directeur, direction des mesures qualitatives, Ordre des médecins et chirugiens de l'Ontario)

· 1355
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Daniel Klass
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Andi Shi (vice-président, Affaires extérieures, Association professionnelle chinoise du Canada)

¸ 1400
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Colleen Hua (directrice nationale, Bureau national, Conseil national des canadiens chinois)

¸ 1405
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC)
V         M. Daniel Klass
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Lionel Laroche
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Colleen Hua
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)

¸ 1410
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         Mme Colleen Hua
V         M. Roger Clavet
V         M. Lionel Laroche
V         M. Roger Clavet
V         M. Lionel Laroche
V         M. Roger Clavet

¸ 1415
V         M. Daniel Klass
V         M. Roger Clavet
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         Mme Sylvia Searles
V         Mme Rose Lee (coordinatrice, Diversity Management, Ville de Toronto - Groupe de travail sur l'immigration et les réfugiés)

¸ 1420
V         M. Bill Siksay
V         Mme Rose Lee

¸ 1425
V         Mme Barbara Nowers (directrice, Programme de stages pour la transition professionnelle, Organisation Avantage Carrière)
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Lionel Laroche
V         Mme Sylvia Searles
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Sylvia Searles
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Sylvia Searles

¸ 1430
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Colleen Hua
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.)
V         Mme Lucille Joseph
V         Mme Colleen Beaumier
V         Mme Lucille Joseph
V         Mme Colleen Beaumier
V         Mme Lucille Joseph
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Lionel Laroche
V         Mme Colleen Beaumier

¸ 1435
V         M. Lionel Laroche
V         Mme Colleen Beaumier
V         Mme Sylvia Searles
V         Mme Lucille Joseph
V         M. Daniel Klass

¸ 1440
V         Mme Sylvia Searles
V         M. Daniel Klass
V         Mme Sylvia Searles
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Daniel Klass
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. Daniel Klass
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Mme Colleen Beaumier
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Andi Shi
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Andi Shi
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Andi Shi
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         M. Daniel Klass
V         Le président suppléant (M. Lui Temelkovski)
V         Le président (l'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         Mme Anica Raskovic (à titre personnel)

¹ 1510
V         Le président
V         Mme Zheni Nasi (à titre personnel)
V         Le président
V         Mme Zheni Nasi

¹ 1515
V         Le président
V         Mme Della Croteau (registraire adjoint, directrice des programmes, Ordre des pharmaciens de l'Ontario)

¹ 1520
V         Le président
V         M. Peter Ferreira (président, Congrès national portugais-canadien)

¹ 1525
V         Le président
V         M. Norman McLeod (gérant, Politiques des stratégies sociales, Municipalité régionale de Peel)

¹ 1530
V         Le président
V         Mme Nina Grewal
V         Mme Della Croteau
V         M. Peter Ferreira

¹ 1535
V         M. Norman McLeod
V         Mme Anica Raskovic
V         Le président
V         M. Roger Clavet

¹ 1540
V         Mme Anica Raskovic
V         M. Roger Clavet
V         M. Peter Ferreira
V         M. Roger Clavet

¹ 1545
V         M. Norman McLeod
V         M. Roger Clavet
V         M. Norman McLeod
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Norman McLeod
V         M. Bill Siksay
V         M. Norman McLeod
V         M. Bill Siksay
V         M. Peter Ferreira

¹ 1550
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski

¹ 1555
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Della Croteau
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Della Croteau

º 1600
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Peter Ferreira
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président

º 1605
V         M. Bill Siksay
V         Mme Zheni Nasi
V         M. Bill Siksay

º 1610
V         Mme Anica Raskovic
V         Le président
V         Le président

º 1630
V         Mme Hong Zhu (à titre personnel)

º 1635
V         Le président
V         M. Shuyang Wang (à titre personnel)

º 1640
V         Le président
V         Mme Magdalena Szmygin (journaliste, à titre personnel)

º 1645
V         Le président
V         M. Chris Benjamin (coordinateur, Bénévolat et diversité, Ressources humaines, Office de protection de la nature de Toronto et de la région)

º 1650
V         Le président
V         M. Timothy Owen (directeur, World Education Services)

º 1655
V         Le président
V         Mme Gloria Fung (vice-présidente, Canada-Hong Kong Link)

» 1700
V         M. Norman Beach (membre du comité de l'immigration, Canada-Hong Kong Link)

» 1705
V         Le président
V         Mme Elizabeth McIsaac (agent de projet, Toronto Region Immigrant Employment Council)

» 1710

» 1715
V         Le président
V         Mme Nina Grewal
V         M. Timothy Owen
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         Mme Gloria Fung

» 1720
V         Le président
V         M. Roger Clavet

» 1725
V         Mme Magdalena Szmygin

» 1730
V         M. Roger Clavet
V         Mme Magdalena Szmygin
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Timothy Owen
V         M. Bill Siksay
V         M. Timothy Owen

» 1735
V         M. Bill Siksay
V         Mme Gloria Fung
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski

» 1740
V         M. Timothy Owen
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Timothy Owen
V         M. Lui Temelkovski

» 1745
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 045 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

·  +(1330)  

[Traduction]

+

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)): La séance est ouverte. Bonjour.

    Merci beaucoup d'être venus comparaître devant nous.

    Nous allons tout de suite commencer. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour votre exposé, après quoi nous aurons cinq minutes pour les questions et réponses. Nous poursuivrons ainsi jusqu'à ce que chacun ait eu l'occasion d'intervenir.

    Notre séance d'aujourd'hui porte sur l'expérience et les titres acquis à l'étranger. Nous allons commencer par Lionel Laroche, pour le premier panel. Vous avez cinq minutes.

+-

    M. Lionel Laroche (président, MCB Solutions, à titre personnel): Tout le monde a-t-il copie de ma présentation?

    Très simplement, je vais vous entretenir de ces questions en m'inspirant de mon propre vécu, celui d'un immigrant venu de France. Je cadre sans doute avec le genre de profil que recherche le Canada. Si je regarde le système de points, il me semble que j'aurais sans doute un score de 100.

    Je suis diplômé de l'École Polytechnique de Paris. Je parle le français et l'anglais. J'ai un doctorat en génie chimique du California Institute of Technology. Je suis également formateur interculturel et j'allais également vous parler de mon expérience de formateur, et au service d'entreprises et au service de personnes à la recherche d'emploi au Canada.

    Ma spécialité est d'aider les professionnels néo-canadiens ayant un niveau élevé d'instruction formelle à se trouver un emploi qui corresponde à leur expérience. J'apprends également aux organisations comment éviter de rejeter des candidats qualifiés pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leur capacité de faire le travail.

    La chose que je tiens à mentionner ou à souligner est qu'à mon sens les gens sont nombreux à envisager la chose comme étant une question d'accréditation ou d'expérience canadienne. Dans le cas de la plupart des Néo-Canadiens professionnels, lorsqu'ils partent à la recherche d'un emploi, ils visent un emploi qui est ou au gouvernement ou alors chez quelqu'un dont le gouvernement est client.

    Par exemple, si vous êtes ingénieur civil, il est très difficile de trouver un emploi sans licence. D'un autre côté, si vous êtes ingénieur en logiciel, vous n'avez pas besoin de licence pour exercer votre métier, mais il vous faut de l'expérience canadienne—c'est en tout cas ce que l'on entend dire en entrevue.

    La réalité, pour moi, est que la vraie question est celle de différences culturelles ou d'appartenance. Les Néo-Canadiens essaient de réaliser leurs objectifs professionnels avec, dans l'idée, que le Canada fonctionne selon les mêmes règles non écrites que leur pays d'origine. Lorsqu'ils arrivent de pays qui sont différents du Canada, cette approche ne produit pas les résultats escomptés du fait des différences culturelles. De façon plus précise, les Néo-Canadiens mènent leur recherche d'emploi comme s'ils se trouvaient dans leur pays d'origine.

    Le meilleur exemple que je peux vous donner est le mien. Pourquoi suis-je à Toronto? Eh bien, je suis Français, et en France, si vous voulez devenir quelqu'un, vous allez à Paris. Ainsi, lorsque je suis arrivé au Canada, ma première réaction—sans vouloir offenser qui que ce soit—a été de me dire qu'il me fallait aller à Montréal, à Toronto ou à Vancouver.

    Eh bien, mon doctorat est en génie chimique—en fait en distillation. Qui est le principal employeur d'ingénieurs en distillation? L'industrie du gaz et du pétrole. Alors où devrais-je être? En Alberta.

    Dans mon esprit, aller à Calgary n'a jamais été une option. Cela n'a jamais fait tilt—et je ne voudrais offenser personne de Calgary. C'était simplement là la vision du monde que j'avais lorsque je suis arrivé au Canada.

    Ce que je veux dire c'est que les différences culturelles sont l'un des principaux facteurs qui créent ce décalage qui existe à l'heure actuelle entre tous ces immigrants spécialisés à la recherche d'emploi et toutes ces organisations à la recherche de personnes qualifiées.

    Plus précisément, dans mon esprit, le vrai problème se résume à deux questions d'ordre culturel. L'une est celle des spécialistes par opposition aux généralistes. Ce que je veux dire par là est que la plupart des immigrants viennent d'une culture à l'intérieur de laquelle le meilleur candidat pour l'emploi est une personne qui a une vaste gamme d'expérience.

    Par exemple, dans un pays comme l'Inde, si vous êtes une société qui cherche à recruter, vous allez fixer les exigences minimales en matière d'éducation. Tel poste exige un baccalauréat, tel autre une maîtrise dans une discipline donnée—génie mécanique ou autre. Une fois cette exigence satisfaite, le meilleur candidat pour l'emploi est la personne qui offre la plus vaste gamme d'expérience. C'est ainsi que l'on se retrouve avec un grand nombre de candidats qui disent : « Je suis spécialiste en TI. Je peux faire n'importe quoi avec les ordinateurs ». Ou alors : « Je suis architecte. Je peux concevoir n'importe quel genre d'édifice ».

    Malheureusement, ce n'est pas cela que veulent les organisations canadiennes. Elles veulent des spécialistes. Elles veulent une personne qui a occupé le même genre d'emploi dans une organisation semblable, et ce pendant les cinq dernières années. Voilà quel est le candidat idéal. C'est donc là un gros élément.

    Un autre gros élément est la question des réalisations de la personne. Ce terme n'existe même pas dans de nombreuses langues, alors cela vous donne une idée de la difficulté de la traduction de ce concept. L'idée est que vous vous retrouvez avec quantité de CV ou de candidats qui se présentent à l'entrevue en disant : « J'ai fait ceci, j'ai fait cela, et j'ai encore fait telle ou telle chose ». Oui, mais dans quelle mesure le travail a-t-il été bien fait?

·  +-(1335)  

    Il n'y a aucune quantification de leur efficacité et, en conséquence, ces personnes ne décrochent pas l'emploi, car l'employeur veut quelqu'un de doué, pas quelqu'un qui est dans la moyenne.

    Il existe quantité d'autres différences culturelles—prenez les candidats qui contemplent le plafond pendant toute la durée de l'entrevue et qui sont perçus comme étant louches; c'est ce qui se passe dans un cas sur 1 000. Malheureusement, il faut un alignement parfait pour être le meilleur candidat. Il ne suffit pas d'être bon; il vous faut être le meilleur.

    Lorsqu'un Néo-Canadien décroche un poste—et j'en suis à mon avant-dernière transparence—il lui faut encore composer avec de nombreuses autres questions culturelles. Par exemple, qu'est-ce qu'un bon employé? Qu'est-ce qu'un bon joueur d'équipe? Comment faire passer mes idées? Que me faut-il pour avancer? Nous savons tous que les Néo-Canadiens sont sous-employés ou sous-payés—sous-payés du fait qu'ils ne puissent pas avancer en fonction de leurs qualités.

    Ce que je dis c'est que pour obtenir un emploi le Néo-Canadien doit comprendre la façon dont les Canadiens pensent et évaluent les qualifications des candidats. Pour réussir, il doit comprendre à fond la culture professionnelle canadienne. Ma recommandation serait que l'on forme les Néo-Canadiens pour qu'ils comprennent l'incidence des différences culturelles à leur niveau professionnel et que l'on sélectionne les immigrants en fonction de leur adaptabilité et de leur profil culturel.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci.

    Nous allons maintenant poursuivre avec Lucille.

+-

    Mme Lucille Joseph (présidente et directrice générale, Organisation Avantage Carrière): Merci beaucoup, et merci de l'occasion qui m'est ici donnée de rencontrer le comité.

    Je m'appelle Lucille Joseph et je suis présidente d'Avantage Carrière, l'organisation de stages par excellence au Canada. Je vous présente Barbara Nowers, ma collègue, qui administre notre programme Career Bridge pour les récents immigrants au Canada.

    Pour vous situer un peu les choses, Avantage Carrière a été lancé en 1996 par un groupe d'employeurs. Nous avons à ce jour géré près de 7 000 stages dans près de 1 000 organisations à l'échelle du Canada. Nous sommes un organisme à but non lucratif. Nous administrons le programme Career Bridge pour les récents immigrants au Canada. Il s'agit d'un programme novateur créé en partenariat avec notre organisation, des agences communautaires, des employeurs et le gouvernement de l'Ontario.

    À ce jour, près de 200 immigrants de niveau professionnel ont acquis leur première expérience de travail canadienne en tant que stagiaires dans la région métropolitaine de Toronto grâce à Career Bridge, et 85 p. 100 d'entre eux ont depuis obtenu des postes à temps plein permanents dans leur domaine par suite de leur stage. Nous aidons les nouveaux arrivants à livrer au Canada leur plein potentiel, à quitter leurs emplois de survie et à se lancer dans leur domaine de choix, mettant à l'oeuvre leur expérience dans les banques, les entreprises de la haute technologie, les municipalités et d'autres organismes.

    La demande de stages de Career Bridge de la part de nouveaux immigrants l'emporte très largement sur les possibilités qui existent pour le moment chez les employeurs canadiens et c'est pourquoi nous aimerions vous soumettre une série de recommandations qui ont pour objet d'élargir ce succès initial et d'aider un plus grand nombre d'immigrants de niveau professionnel à obtenir la reconnaissance de leur expérience et de leurs titres internationaux, à accéder à de meilleures possibilités d'emploi et à contribuer à part entière à la population active du Canada. Nous appuyons nos recommandations sur les 18 premiers mois du programme—sur des méthodes de préqualification des immigrants avant qu'ils n'arrivent au Canada, sur des façons d'encourager un plus grand nombre d'employeurs à reconnaître leurs titres, et sur l'application de ces principes au recrutement et à l'embauche d'immigrants de niveau professionnel au Canada.

    Career Bridge s'est lancé en 2003 avec le Toronto City Summit Alliance et a pris de l'ampleur pour devenir une initiative du TRIEC, ou Toronto Region Immigrant Employment Council, qui va s'entretenir plus tard aujourd'hui avec vous. Nous avons également bénéficié de l'aide financière de démarrage du ministère ontarien de la formation, des collèges et des universités, et oeuvrons avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada à l'élargissement de Career Bridge à l'échelle du pays.

    Pour ce qui est de la question des titres de compétences des immigrants, l'une de nos premières leçons a été que les employeurs ont besoin de professionnels qui ont de solides compétences linguistiques et des niveaux d'instruction élevés, mais que peu d'employeurs sont en fait en mesure d'évaluer comme il se doit les compétences des candidats immigrants en la matière. En conséquence, de nombreux candidats étrangers hautement qualifiés ne sont même pas retenus en vue d'un emploi, du fait d'obstacles sur le plan compétence linguistique et évaluation de leurs titres de compétences étrangers.

    Nous reconnaissons que certaines vérifications des compétences linguistiques se font à l'étranger dans le cadre du processus de demande d'immigration, mais nous avons constaté que les employeurs canadiens ne sont pas au courant ou alors estiment que le régime n'est pas suffisamment fiable et prévisible pour qu'ils en tiennent compte dans leurs décisions de recrutement. Le Canada n'a pas de test normalisé de compétences de communication à haut niveau en milieu de travail; en conséquence, chez Career Bridge, nous avons en fait oeuvré aux côtés d'agences et de services d'éducation pour immigrants à la création d'un test pour la présélection de candidats pour Career Bridge.

    Notre première recommandation est que, s'agissant de l'évaluation des compétences linguistiques, le gouvernement fédéral élabore une méthode normalisée d'évaluation et de mesure des compétences linguistiques de communication des immigrants en milieu de travail dans le cadre du processus d'examen de l'admissibilité des demandeurs. Le résultat serait un titre de qualification reconnu, pouvant être présenté aux employeurs dès l'arrivée au pays. Cette évaluation serait fondée sur les exigences et les pratiques des employeurs canadiens. Nous recommandons que ces évaluations linguistiques aient lieu avant que les demandeurs n'arrivent au Canada. Nous avons constaté que plus l'évaluation est récente, plus cela est parlant pour les employeurs, alors il semblerait que plus il se fait de travail préparatoire avant que les demandeurs ne viennent, plus vite ils se feront intégrer au marché du travail.

    Deuxièmement, en ce qui concerne l'éducation des immigrants, les agents de recrutement canadiens ne sont souvent pas au courant des établissements et des diplômes qui existent à l'extérieur du Canada, et l'évaluation du niveau d'instruction des demandeurs exige donc plus de ressources que la plupart des employés ne sont prêts ou en mesure d'y consentir. C'est ainsi qu'il incombe à l'immigrant lui-même d'obtenir ces équivalences, ce qui demande souvent beaucoup de temps et peut faire traîner sa quête d'un emploi.

    Notre deuxième recommandation serait donc que le gouvernement fédéral veille à ce que les immigrants de niveau professionnel fassent vérifier de façon indépendante leur niveau d'instruction par un établissement reconnu normalisé, tel World Education Services, que vous allez rencontrer, ou d'autres membres de l'Alliance of Credential Evaluation Services, et que ces évaluations sont faites avant que ces personnes n'immigrent au Canada et soient un outil fiable sur lequel puissent compter les employeurs.

·  +-(1340)  

    Nous avons appris que la meilleure façon d'encourager les employeurs canadiens à reconnaître les compétences des immigrants est d'évaluer les aptitudes du nouvel arrivant au travail, et c'est pourquoi les stages et les jumelages/observations sont si importants. Les employeurs nous disent que ces outils aident à estomper l'idée que les candidats doivent avoir une expérience de travail.

    Une chose que nous avons constatée est que bien que les organismes du secteur public soient actifs au sein de Career Bridge, ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement de la province de l'Ontario, ni d'ailleurs un quelconque autre gouvernement provincial, n'a à ce jour participé à Career Bridge. Nous vous encouragerions à mener par l'exemple, le gouvernement fédéral et ses organismes non seulement appuyant des organisations comme la nôtre grâce à vos programmes de subvention, mais intégrant des processus et des programmes de recrutement d'immigration comme Career Bridge dans leurs propres stratégies de ressources humaines.

    Merci.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci.

    Merci beaucoup, Lucille, de l'Organisation Avantage Carrière.

    Nous allons maintenant entendre le Groupe de travail sur l'immigration et les réfugiés de la Ville de Toronto, ici représenté aujourd'hui par Sylvia.

·  +-(1345)  

+-

    Mme Sylvia Searles (assistante spéciale au maire de Toronto, Ville de Toronto - Groupe de travail sur l'immigration et les réfugiés): Merci.

    Good Afternoon. Je m'appelle Sylvia Searles et je suis assistante spéciale au maire de Toronto, David Miller.

    Janet Davis, conseillère municipale et présidente du Groupe de travail sur l'immigration et les réfugiés de la Ville de Toronto, devait comparaître devant vous aujourd'hui. Elle regrette de ne pas pouvoir être présente. Elle-même et le maire sont aujourd'hui pris par des réunions du conseil municipal. C'est donc moi qui vais témoigner ici au nom du maire et des membres du conseil municipal. Je suis accompagnée de Rose Lee, coordonnatrice de la gestion de la diversité du bureau du gestionnaire de la ville.

    Nous sommes heureuses de l'occasion qui nous est ici donnée de partager avec vous nos idées quant à cette question de la reconnaissance de l'expérience et des titres étrangers des immigrants. Vous avez des copies de notre exposé ainsi qu'un résumé disponible en français.

    Notre mémoire renferme plusieurs recommandations. Cependant, dans les quelques minutes dont nous disposons ici, nous aimerions faire ressortir les questions que voici.

    Premièrement, le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de leader et prendre des mesures immédiates et décisives pour veiller à ce que les immigrants aient l'occasion de contribuer à leur plein potentiel au marché du travail. La recherche effectuée à ce jour montre qu'il faut à l'immigrant moyen 12 ans en moyenne pour accéder à la parité salariale avec les personnes nées au Canada. Cela est inacceptable et exige notre attention immédiate.

    Deuxièmement, il est essentiel que le gouvernement fédéral collabore avec la Ville de Toronto en tant qu'ordre de gouvernement pour trouver des solutions à ce problème. Toronto accueille près de la moitié des nouveaux arrivants au Canada, et 100 p. 100 de la croissance nette de notre population active provient de l'immigration. La ville est engagée à appuyer et à collaborer avec tous les paliers de gouvernement et tous les intervenants clés pour faire avancer la participation des immigrants au marché du travail.

    Troisièmement, les services d'établissement d'immigrants et d'appui à l'emploi doivent être coordonnés et intégrés. Un tel système intégré doit inclure un secteur de service d'emploi solide, communautaire et sans but lucratif. À ce sujet, nous recommandons que Ressources humaines et Développement des compétences Canada impose un moratoire sur la mise en oeuvre du processus d'appel d'offres pour l'allocation de contrats de financement. Pendant la durée de ce moratoire, le processus devrait être évalué en fonction du code de bonnes pratiques en matière de financement élaboré dans le cadre de l'Initiative du secteur bénévole du gouvernement du Canada visant à asseoir la reddition de comptes et la stabilité et la capacité sectorielles. L'actuel processus de demande de propositions a un effet dévastateur sur les agences d'emploi communautaires dont bon nombre ont été les pionnières de programmes de préparation à l'emploi pour professionnels de formation étrangère.

    Quatrièmement, le gouvernement fédéral devrait appuyer l'élaboration d'un plan de développement de la main-d'oeuvre intégré et coordonné à Toronto. Ce plan devrait bien sûr être juste et équitable et répondre aux besoins de tous les immigrants, femmes et hommes, professionnels et ceux et celles n'ayant que peu ou pas du tout de formation professionnelle.

    Cinquièmement, le gouvernement fédéral devrait engager activement les employeurs et leur fournir les outils et les incitatifs nécessaires pour promouvoir un milieu de travail accueillant libre de discrimination et qui valorise la diversité.

    Sixièmement, la Ville de Toronto a beaucoup misé sur la réussite du plan d'action du Canada contre le racisme, qui englobe une stratégie de milieu de travail pour éliminer racisme et discrimination. Nous recommandons donc que le gouvernement fédéral établisse de solides partenariats avec les gouvernements municipaux et tous les intervenants clés dans les communautés locales, y compris employeurs et groupes d'immigrants, en vue de la mise en oeuvre et du suivi du plan d'action du Canada contre le racisme.

    En conclusion, nous aimerions souligner les mesures positives prises par le gouvernement fédéral dans ce dossier. Revêt une importance toute particulière l'engagement financier en vue de l'élaboration de programmes de formation linguistique améliorés ainsi que l'élaboration de processus d'évaluation et de reconnaissance de titres étrangers pour les emplois tant réglementés que non réglementés. Il faudra cependant faire plus encore et nous comptons sur le gouvernement fédéral pour jouer un rôle de leader.

    J'espère que nous aurons, dans la période des questions et dans la discussion prévue avec le panel, l'occasion de vous entretenir de certaines des politiques et de certains des programmes de la ville, y compris nos politiques en matière d'équité en emploi et d'équité salariale, le programme de mentorat et de stages, qui vise tout particulièrement les professionnels de formation étrangère, ainsi que la table ronde du maire sur l'accès, l'égalité et les droits de la personne, toutes initiatives qui ont pour objet de faciliter la participation des immigrants à la main-d'oeuvre de la ville et au marché du travail torontois.

    Merci. Thank you.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci beaucoup, Sylvia.

    Nous allons maintenant poursuivre avec le Dr Daniel Klass, de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario.

·  +-(1350)  

+-

    M. Daniel Klass (registraire adjoint, Directeur, direction des mesures qualitatives, Ordre des médecins et chirugiens de l'Ontario): Merci.

    Monsieur le président, je m'appelle Daniel Klass, et je suis registraire adjoint et directeur de la direction des mesures qualitatives de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario, ou OMCO.

    J'apprécie l'occasion qui m'est ici donnée de m'entretenir avec vous et avec le comité de nos activités en cours en vue de l'approbation de l'octroi de licences aux diplômés en médecine étrangers, et j'aimerais également vous livrer quelques suggestions quant à des améliorations à apporter afin de faire encore mieux à l'avenir.

    L'Ordre a la responsabilité statutaire de réglementer la profession médicale, ce dans l'intérêt du public, et un aspect important de cette charge est l'établissement de normes en matière d'exercice de la médecine pour tous les médecins de la province.

    Au cours des dix dernières années, nous avons reconnu la pénurie croissante de médecins en Ontario et le gaspillage de talent humain que peuvent amener les politiques restrictives en matière d'entrée dans la pratique. L'OMCO est intervenu en vue de veiller à ce que dans le cadre de tous nos processus d'entrée le verbe « réglementer » soit interprété comme signifiant « faciliter », avec cette condition importante que pour atteindre cet objectif l'Ordre ne peut pas compromettre son obligation fondamentale, qui est de garantir aux résidents de l'Ontario des normes d'exercice de la médecine. Nous sommes par ailleurs tenus de placer très haut la barre en matière d'équité pour tous les candidats à l'obtention de licence de médecine, qu'il s'agisse d'étudiants formés dans le système canadien ou de diplômés en provenance d'autres pays.

    Nous endossons pleinement votre désir « de voir instaurer un processus en vertu duquel les immigrants pourront obtenir... des équivalents canadiens pour leurs titres professionnels », ce afin de faciliter la possibilité pour eux de travailler en tant que médecins en Ontario. Nous nous efforçons, partout où cela est possible, de trouver et de reconnaître des équivalences ainsi que la formation et l'expérience obtenues dans le cadre de systèmes non canadiens, mais nous nous efforçons par ailleurs de dépasser cet objectif. Nous sommes en train de remplacer la dépendance à l'égard de titres en tant qu'élément déterminant de l'accréditation par un processus novateur qui reconnaît, dans le cadre de décisions d'accession à la profession, les preuves de compétences.

    Le Canada a un système progressif de formation en médecine qui est pleinement intégré au régime d'obtention de licence, et ce depuis près de 100 ans. Les critères d'accession à la profession pour les médecins de formation canadienne sont clairs et bien définis. Les repères en matière d'équivalences et de reconnaissance de compétences découlent naturellement de ce système. Ce processus fait l'envie de la plupart des autres pays et sert à assurer aux Canadiens de partout au pays une norme élevée de soins médicaux.

    Bien que nous soyons fiers de ce système, nous convenons que l'offre de médecins formés dans ce pays est inférieure à la demande. Nous sommes une terre d'immigrants et près du quart des médecins pratiquants du Canada sont en règle générale formés à l'étranger. Nous n'avons cependant pas reconnu comme il se doit cette dépendance et n'avons jamais fait le nécessaire pour faciliter l'intégration des médecins de formation étrangère. Une grosse partie du défi, tant pour nous que pour les médecins immigrants, est la complexité de nos systèmes.

    Permettez-moi de résumer brièvement les mesures prises par l'OMCO seule et avec des partenaires en vue de l'amélioration des filières enregistrement et formation pour les diplômés de programmes de médecine internationaux.

    Nous avons participé à l'établissement et au maintien du programme IMG de l'Ontario, qui a servi de programme d'accès pour des centaines de médecins.

    Nous avons appuyé l'élaboration du programme d'évaluation pour les diplômés étrangers, qui aide les spécialistes de formation étrangère à entrer dans la profession.

    Nous avons été le fer de lance d'un groupe de travail sur les ressources humaines dans la pratique, dont les résultats figurent dans la documentation fournie. Cela résume nos recommandations découlant de ce travail.

    Nous avons élaboré des politiques de réglementation en vue de faciliter la reconnaissance d'équivalences pour les diplômes, la formation et l'expérience pratique des diplômés en médecine étrangers, ainsi que des politiques visant à assurer un soutien d'encadrement aux candidats acceptés et possédant des titres ou de la formation qui paraissent être équivalents.

    Nous avons joué un rôle de leader dans les efforts déployés par Santé Canada en vue de l'élaboration d'une approche nationale visant l'amélioration de l'accès à la pratique de diplômés étrangers partout au Canada.

    Par suite de tous ces efforts, des programmes d'accès novateurs ont été mis en place et un système national coordonné est en voie d'instauration. L'augmentation du nombre de diplômés de formation étrangère enregistrés en Ontario témoigne de notre succès. L'an dernier, pour la toute première fois, plus de licences ont été accordées à des diplômés étrangers qu'à des diplômés ontariens, et au cours des six dernières années seulement l'Ordre a accordé des licences à des diplômés étrangers formés dans plus de 105 pays différents. Le gros de l'amélioration que nous constatons est attribuable aux organes de réglementation au Canada, et je pense que l'OMCO a joué un rôle de chef de file.

    Quels défis nous reste-t-il à surmonter? Notre propre sondage laisse entendre que la pénurie de médecins sera plus grave que celle annoncée dans les prévisions antérieures. En conséquence, l'OMCO a plusieurs recommandations à faire en vue de renverser cette pénurie de médecins en Ontario.

·  +-(1355)  

    Nous estimons que les programmes qui sont en train d'être élaborés en Ontario sont les bons, mais qu'il nous faudra les élargir à l'avenir. Plus précisément, nous continuons de revendiquer l'appui financier nécessaire du gouvernement pour veiller à ce qu'existent des possibilités d'évaluation et de formation suffisantes pour tous les diplômés en médecine étrangers.

    Deuxièmement, il nous faut reconnaître l'importance des ressources humaines en santé en tant qu'élément urgent de la durabilité des soins de santé. Il nous faut étudier et planifier plus prudemment que par le passé pour ce qui est de ces ressources, et il nous faut continuer de veiller à ce que toutes les ressources humaines dont notre pays est béni soit prisées, quel que soit le pays d'origine. Notre approche en vue d'assurer cette valorisation s'appuie sur la détermination d'équivalences canadiennes des titres fournis, et, en l'absence de titres, de l'application d'évaluations justes et valables qui soient l'équivalent des jalons existants dans le cas du système canadien, ce afin de faciliter l'entrée dans la pratique.

    Merci de nous avoir donné l'occasion de vous livrer ces commentaires. J'invite les membres du comité à rendre visite à l'Ordre pour se renseigner davantage au sujet de nos programmes et recommandations, et je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions, ou tout de suite ou plus tard. Merci.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Docteur, vous êtes bon. Vous avez bouclé en cinq minutes exactement.

+-

    M. Daniel Klass: Merci. C'est la première fois de ma vie.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Nous allons maintenant entendre Andi Shi, de l'Association professionnelle chinoise du Canada.

+-

    M. Andi Shi (vice-président, Affaires extérieures, Association professionnelle chinoise du Canada): Merci, monsieur le président.

    Je m'appelle Andi Shi et je suis vice-président de l'Association professionnelle chinoise du Canada. Nous sommes une organisation sans but lucratif et nous comptons quelque 30 000 membres.

    La question de la reconnaissance des titres de compétences pour les professionnels formés à l'étranger est difficile et il n'existe pas de solution facile. Nous avons cependant quelques idées que nous aimerions vous soumettre. Premièrement, nous croyons que la reconnaissance des titres devrait se faire à l'extérieur du Canada avant la délivrance du visa d'immigration, car c'est là que les renseignements au sujet des établissements d'enseignement et des normes professionnelles sont plus faciles à obtenir.

    Deuxièmement, nous recommandons l'établissement d'organes d'évaluation particuliers aux différentes occupations. De nombreuses professions au Canada ne sont pas réglementées et il importerait donc de créer de nouveaux organismes. Tout ce qu'il nous faudrait faire en ce qui concerne les professions réglementées c'est élargir la fonction de l'organe de réglementation afin d'y englober les fonctions d'évaluation, de diagnostic, d'ordonnance et de distribution de remèdes. Par remède, j'entends les programmes de mise à niveau des compétences pour les personnes qui ne satisfont pas aux normes, afin de leur permettre de s'améliorer et de les atteindre.

    Troisièmement, nous recommandons un financement accru pour des programmes de formation linguistique de niveau supérieur. Nous avons fait une étude il y a de cela quelques années et l'obstacle premier à l'emploi professionnel, avons-nous découvert, était l'insuffisance des compétences linguistiques. La formation linguistique dont ces personnes ont besoin n'est pas la formation de type CLIC, mais plutôt une formation axée sur les compétences linguistiques et la culture dont elles auront besoin au niveau professionnel. Nous avons élaboré plusieurs programmes du genre, qui sont très populaires, mais nous ne pouvons y accueillir que 12 personnes à la fois. Nous serions ravis de pouvoir faire plus en la matière si nous disposions de financement gouvernemental, et nous recommandons que le financement en la matière soit augmenté.

    Quatrièmement, il importerait d'offrir des stages afin que les intéressés puissent acquérir une expérience proprement canadienne. En effet, le deuxième obstacle à l'accession à des postes dans la profession est l'absence d'expérience canadienne. C'est ce qui est ressorti de notre travail de recherche. Nous croyons que la meilleure façon de corriger cela est d'avoir des stages financés par le gouvernement. Nous proposerions que le gouvernement accorde des crédits d'impôt ou des incitatifs financiers pour motiver les employeurs à accueillir des professionnels formés à l'étranger dans le cadre de stages d'un minimum d'un an.

    Cinquièmement, il conviendrait de faire plus de travail de sensibilisation. Une expérience canadienne n'est pas vraiment nécessaire dans de nombreux milieux de travail, et les immigrants contribuent beaucoup au marché du travail canadien, mais la population générale y est très peu sensibilisée. Nous recommandons donc que le gouvernement lance une stratégie de communication à long terme, stratégie qui devrait comporter deux éléments clés. Premièrement, il faudrait qu'elle comporte des modules de formation sur la valeur de la diversité et il importerait par ailleurs que soit entreprise une étude nationale sur la compétence et le rendement des professionnels de formation étrangère comparativement à leurs pairs canadiens.

    Sixièmement, nous recommandons une approche nationale intégrée qui viendrait remplacer l'approche fragmentée que l'on constate à l'échelle du pays. Nous pensons que l'immigration est une politique nationale et qu'il nous faut donc un système intégré à l'échelle du pays et dans le cadre duquel tous les paliers de gouvernement, organismes de réglementation, employeurs, agences de services et immigrants oeuvrent ensemble à la résolution des problèmes de reconnaissance des titres de compétences.

    Septièmement, nous recommandons la tenue d'une conférence nationale et la création d'un bulletin de nouvelles national. Ce serait facile à faire et cela paraît tout indiqué pour permettre aux gens de partout au pays de partager leur vécu et leurs pratiques exemplaires.

    Huitièmement, et c'est ma dernière recommandation, il conviendrait de mettre l'accent sur la célérité. La découverte la plus étonnante que nous ayons faite dans le cadre de notre recherche a été que si un nouvel arrivant ne parvient pas à se trouver un emploi dans sa profession dans la première année, ses chances de réintégrer sa profession sont extrêmement faibles; elles ne sont que de 6 p. 100. En d'autres termes, si vous ne trouvez pas un emploi dans votre domaine dans la première année, vous êtes vraisemblablement perdu à jamais. Nous exhortons donc le gouvernement à veiller à ce que chaque nouvel arrivant soit informé de toute l'aide disponible et que l'on vienne en aide le plus rapidement possible à tous les nouveaux arrivants.

    Merci.

¸  +-(1400)  

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant poursuivre avec Mme Hua.

+-

    Mme Colleen Hua (directrice nationale, Bureau national, Conseil national des canadiens chinois): Je m'appelle Colleen Hua, et je représente le Conseil national des canadiens chinois, ou CNCC. Nous sommes un organisme national sans but lucratif qui compte environ 27 sections au Canada. Notre mandat est de promouvoir le droit à l'égalité des Canadiens d'origine chinoise et leur participation à part entière à toutes les facettes de la vie de la société canadienne.

    Nous pensons que les politiques du Canada en matière d'immigration et de réfugiés doivent refléter les valeurs humanitaires qu'épousent les Canadiens et qu'elles devraient améliorer la possibilité des immigrants et des réfugiés de faire une contribution importante à l'avenir du pays.

    Je tiens à remercier le comité de nous écouter tous ici aujourd'hui et de nous donner l'occasion de lui livrer nos recommandations et opinions.

    Des questions nous ont été envoyées avant les audiences du comité permanent. L'une d'entre elles était la suivante : Quel processus devrait-on selon vous mettre en place en vue de la reconnaissance des titres et de l'expérience acquis à l'étranger? Une chose que j'ai entendue aujourd'hui—et nombre de mes collègues en ont déjà fait état et je ne vais pas reprendre ici leurs propos—est qu'il s'agit d'une question à facettes multiples. Il n'existe pas de moyen ou de processus unique qui puisse s'appliquer à toutes les professions et à tous les métiers ainsi qu'à toutes les personnes qui arrivent dans ce pays.

    En gros, nos recommandations sont très semblables à celles qui vous ont déjà été soumises aujourd'hui : que l'on consacre davantage de fonds et de ressources à un processus d'information qui interviendrait avant que les gens n'arrivent au Canada—je pense que c'est ce que l'on a entendu de la bouche de beaucoup de gens ici aujourd'hui—et que davantage de ressources soient consacrées aux métiers et aux secteurs professionnels eux-mêmes afin que ceux-ci puissent renseigner les nouveaux arrivants avant qu'ils ne fassent leur demande ou en prévision de leur arrivée au Canada, afin qu'ils soient au courant des tendances, des provinces où ce qu'ils ont à offrir serait plus prisé, et des exigences en matière d'accréditation ou d'obtention de licence qu'il leur faudrait remplir avant d'arriver au Canada.

    Je pense par ailleurs qu'il conviendrait de verser des ressources aux organes professionnels et d'accréditation afin qu'ils fassent exactement ce que fait l'OMCO dans le domaine de la médecine. Il faut beaucoup de ressources pour faire tout ce travail de R et D et il y a différents secteurs... Je pense que les métiers en particulier connaissent de sérieuses pénuries ici au Canada. Ce serait encore là un autre domaine auquel il conviendrait de consacrer des ressources.

    D'autres intervenants ont parlé de compétences linguistiques particulières à la profession concernée et de cours d'anglais. Nous recommandons que l'on offre aux gens des cours de langue davantage axés sur leur profession. Le fait de réussir aux examens TOEFL ou IELTS ne reflète pas forcément la capacité de l'intéressé de fonctionner dans le cadre d'une profession ou d'un emploi, et les compétences linguistiques ne sont pas évaluées comme il le faudrait. Il serait donc utile que les gens obtiennent un appui—encore une fois à l'extérieur du Canada, avant qu'ils n'arrivent ici—en vue de l'acquisition de compétences en langue anglaise qui correspondent à leur domaine.

    Une chose que j'aimerais ajouter, et que les gens n'ont pas forcément mentionnée ici, est qu'il importerait de consacrer davantage de ressources aux programmes et services d'établissement et d'intégration. À l'heure actuelle, l'on ne reçoit en Ontario qu'environ 800 $ par immigrant. Il y a quelques années, j'avais recommandé et demandé que ce montant soit porté à 3 000 $. Il s'agit en fait d'une recommandation faite par le comité permanent en 2003, soit que des services soient offerts à chaque nouvel arrivant et que 3 000 $ soient réservés par personne. J'appuierais la mise en application de cette recommandation.

    Pour vous donner maintenant un rapide exemple d'un programme qui fonctionne, il y a au Canada un programme financé par CIC et qui s'appelle Care for Nurses. Ce programme a permis de porter de 30 à 70 p. 100 l'employabilité des infirmières formées à l'étranger. Il s'agit d'un programme qui a été lancé en tant que projet pilote et qui a depuis pris de l'ampleur et a aidé quantité d'infirmières arrivant au Canada à obtenir leur formation, à réussir leurs examens et à se trouver des emplois. Tout le monde en sort gagnant et je pense qu'il importerait d'instaurer et de financer un plus grand nombre de programmes du genre.

    Merci.

¸  +-(1405)  

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entamer notre période de questions et réponses. J'ose espérer que nous entendrons davantage de réponses que de questions et de commentaires. Nous allons commencer avec Mme Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à chacun d'entre vous de votre présence et de vos déclarations.

    Il existe au Canada une grave pénurie de professionnels des soins de santé, et notamment de médecins et d'infirmiers et infirmières. Est-ce simplement parce que l'herbe est toujours plus verte ailleurs que les médecins et les infirmières sont attirés par les États-Unis, ou bien notre système les trahit-il?

+-

    M. Daniel Klass: Je ne peux pas parler au nom des travailleurs de la santé en général. Je connais les faits en ce qui concerne les médecins, mais je ne suis pas vraiment expert en dehors de ma profession.

    Les États-Unis sont le phare, et les gens sont toujours d'abord attirés par les États-Unis. Je pense qu'il est difficile de comprendre pourquoi c'est le cas, mais il en est ainsi. Le système américain quant à la reconnaissance des médecins formés à l'étranger est plutôt libéral. Les Américains ont il y a longtemps combiné l'ensemble des programmes d'évaluation en matière d'octroi de licences en un jeu de programmes qui est disponible partout dans le monde. Leurs programmes sont donc accessibles. Ils ont d'autre part un régime de formation qui est très ouvert. Dans le cas des médecins qui sont admissibles sur la base de leurs titres et évaluations, il existe un vaste réservoir de médecins formateurs pour les aider à parfaire leur formation conformément aux normes américaines.

    Les États-Unis sont donc à la fois un pays attirant et un pays plutôt accueillant pour les médecins. À cet égard, ma croyance personnelle en tant que Canadien qui ai exercé dans de nombreux pays du monde, y compris les États-Unis, le Canada est tout aussi attirant que les États-Unis s'agissant de la pratique de la médecine. Mais notre système, comme je l'ai dit dans mon exposé, n'a pas autant facilité l'obtention par les diplômés en médecine étrangers du volet formation et obtention de licence.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Lionel.

+-

    M. Lionel Laroche: Si vous permettez que j'ajoute un commentaire au sujet de l'attrait supérieur des États-Unis par rapport au Canada, les États-Unis ont exercé un grand attrait auprès des immigrants jusqu'en 2001. Les événements du 11 septembre ont de beaucoup changé les choses. Je ne peux pas me prononcer sur la profession médicale en particulier, mais je peux vous dire que depuis, mettons, 2002, beaucoup d'immigrants placent maintenant le Canada en tête de liste par opposition aux États-Unis, car il est aujourd'hui beaucoup plus difficile d'entrer aux États-Unis.

    Ma femme est professeure à l'Université York. Avant 2002, lorsqu'un étudiant chinois faisait une demande auprès de son groupe de recherche et d'un groupe de recherche aux États-Unis, l'étudiant aboutissait en règle générale aux États-Unis. Aujourd'hui, cet étudiant aboutit dans son groupe. Il y a donc eu un grand virage aux États-Unis, où l'on perçoit aujourd'hui les immigrants davantage comme une menace que comme une occasion à saisir.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Y a-t-il d'autres commentaires?

+-

    Mme Colleen Hua: J'aimerais moi aussi faire un commentaire. Du côté de la communauté sino-canadienne également nous voyons des gens arriver de Chine et qui y retournent après avoir essayé de se trouver un emploi ici. La fuite des cerveaux est donc non seulement le fait de Canadiens, mais également de nouveaux arrivants qui viennent ici comptant se trouver un emploi mais qui échouent dans leurs recherches à cause de processus comme ceux qu'on a mentionnés, mais également parce qu'il n'y a pas de travail dans la région en question. C'est ainsi que ces personnes retournent chez elles.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci.

    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Clavet.

¸  +-(1410)  

[Français]

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Je vous remercie, monsieur le président. Vous comprenez quelle serait la difficulté si, en plus du français et de l'anglais, on devait traduire en mandarin. Ce serait un peu difficile.

    Cela me fait plaisir de rencontrer les porte-parole du Conseil national des canadiens chinois. Je ferai une intervention lors du débat de lundi à la Chambre des communes sur le projet de loi C-333, qui vise à réparer une certaine forme d'injustice commise envers la communauté chinoise.

    Il est dit dans votre mémoire qu'on devrait réduire le nombre de points d'évaluation attribués à la connaissance des langues officielles. Cela peut poser un problème. On a souvent entendu des gens parler du système de points d'évaluation et de sa validité. On ne peut pas toujours mettre cela en termes de chiffres.

    J'aimerais que vous nous parliez davantage de la nécessité d'augmenter la formation, de mettre plus d'argent, plus de ressources dans les programmes de formation.

    Est-ce quelque chose que vous pourriez envisager, madame Hua?

[Traduction]

+-

    Mme Colleen Hua: Je pense avoir compris le gros de ce que vous avez dit. Je m'efforçais vraiment de comprendre.

    Si nous demandons que l'on réduise le nombre de points d'évaluation attribués pour les résultats au test IELTS, c'est que cela ne reflète pas forcément la capacité des intéressés de travailler dans leur domaine. Ce que j'ai également entendu dire aujourd'hui est que davantage de points ou d'importance devraient peut-être être accordés à d'autres aptitudes ou compétences que les gens peuvent apporter au pays, et si les tests de connaissances linguistiques pouvaient être adaptés aux professions ou s'il pouvait y avoir un test normalisé autre pour les professionnels, cela devrait également être envisagé.

    Mais à l'heure actuelle, le nombre de points accordé semble être plutôt élevé compte tenu du fait que le test ne mesure en réalité pas la capacité des gens d'utiliser la langue concernée en milieu de travail.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

    Ma question, cette fois, s'adresse à M. Laroche. Je trouve intéressant, compte tenu de son expérience personnelle, qu'il dise qu'on ne doive pas nécessairement se rassembler à Toronto, Vancouver ou Montréal. Il disait que l'Alberta n'était pas une alternative alors. Cela doit être la même chose pour les autres.

+-

    M. Lionel Laroche: Oui.

+-

    M. Roger Clavet: Vous avez de l'expérience auprès des immigrants. Vous êtes consultant et vous travaillez auprès des gens. Ne met-on pas un peu trop le fardeau de la preuve sur les immigrants? Vous sembliez dire, quand vous parliez de différences culturelles, qu'ils perçoivent bien souvent mal leur rôle. J'ai l'impression qu'on jette plus le blâme sur les immigrants que sur la société d'accueil, qui ne comprend pas très bien non plus leur culture.

+-

    M. Lionel Laroche: En fait, vous posez deux questions.

    D'abord, suis-je un cas représentatif? En ce moment, le Canada accueille quantité d'ingénieurs venant d'Iran ou d'Irak et qui sont spécialisés dans l'industrie pétrochimique. Ces gens arrivent à Toronto et ne vont pas à Calgary, Edmonton ou Fort McMurray, alors qu'au fond, ce sont les endroits où ils devraient aller chercher du travail.

    En deuxième lieu, en ce qui a trait à l'adaptation des gens à la culture canadienne, vous demandez en quelque sorte qui est responsable de cette adaptation. D'après mon expérience — et c'est aussi ce que je recommande —, les immigrants doivent faire 80 p. 100 du chemin, et les Canadiens doivent faire le reste. Personnellement, j'ai dû beaucoup m'adapter pour trouver du travail et progresser dans la société canadienne sur le plan professionnel.

    Si je devais retourner en France maintenant et essayer d'y travailler, je connaîtrais les mêmes problèmes d'adaptation que ceux que j'ai connus en venant au Canada car, fondamentalement, je ne suis plus capable d'y travailler. Mes schèmes de pensée ne sont plus adaptés. Par contre, je sais que mes collègues et ma famille canadienne se sont adaptés à moi en partie. C'est pour cela que je parle de 80 p. 100 par rapport à 20 p. 100.

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

    En terminant, je pose une question brève, cette fois à l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario. J'entendais M. Klass nous dire qu'on ne peut pas faire de compromis sur les normes. D'accord. Mais on entend des gens nous dire, depuis que nous tenons ces audiences, que ce ne sont pas tant les normes qui comptent que l'accès. Il est peut-être prioritaire. Chaque fois que nous entendons un collège des médecins ou un ordre professionnel, ce dernier insiste sur les normes.

    Je comprends que tous les politiciens ne sont pas des escrocs, que tous les médecins ne sont pas des hommes d'affaires, mais tous les citoyens qui n'ont pas accès à un médecin sont des victimes.

¸  +-(1415)  

[Traduction]

+-

    M. Daniel Klass: Eh bien, c'est là notre dilemme. Je pense qu'il nous faut tenir compte du fait qu'aux yeux de beaucoup de gens la question est absurde s'il n'y a personne du tout pour s'occuper d'eux.

    Il nous faut lutter face à ce phénomène car notre tâche est double dans cette situation, étant donné que nous avons pour obligation de veiller au respect d'une norme, mais que nous avons également pour obligation de faire de notre mieux pour veiller à ce que cette norme puisse être satisfaite. Tout ce que je peux dire c'est que tout ce que vous pouvez faire en la matière sera accueilli favorablement par nous. C'est une vrai situation de pousser-tirer.

    L'autre accès dont nous préférons parler est l'accès à la norme pour les professionnels, et c'est sur ce plan-là que nous avons, je pense, réussi à faire pas mal de travail. Il est facile de dire écoutez, les médecins doivent atteindre une certaine norme et s'ils n'y parviennent pas, alors c'est tant pis. Ce que nous avons essayé de faire c'est faciliter l'atteinte de notre norme par des médecins venus de l'étranger et d'être aussi flexibles que possible en ce sens. Et je suppose que c'est ainsi que nous avons essayé d'oublier cet autre phénomène inconfortable.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci.

    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Siksay.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci à vous tous de vos exposés. Ils nous ont tous été très utiles.

    J'aimerais interroger Mme Searles et Mme Lee au sujet de la recommandation 3, celle concernant le processus d'appel d'offres et l'expérience de RHDCC à Toronto.

    Dans ma province, la Colombie-Britannique, le gouvernement provincial, qui a un accord avec le gouvernement fédéral en matière de services d'établissement et qui assure les services d'établissement dans la province, a opté l'an dernier pour la formule appel d'offres. Cela a amené une dislocation incroyable au sein du secteur établissement des immigrants en Colombie-Britannique. Ce secteur, qui était autrefois marqué par une grande collaboration, est devenu très concurrentiel et un grand nombre de relations se sont effritées. Il y a par ailleurs certaines régions qui ne sont plus couvertes, ou parce que des groupes choisissent de ne plus passer par le processus, étant donné qu'il est devenu trop onéreux pour eux, ou bien simplement parce qu'ils refusent de participer. Nous comptons aujourd'hui des communautés qui n'ont plus du tout, en tout cas pour le moment, de services d'établissement par suite de ce processus.

    Notre expérience a donc été très négative en la matière, mais Citoyenneté et Immigration Canada, d'après ce que j'ai compris, envisage de faire la même chose pour les services d'établissement en Ontario. J'ai interrogé le ministre là-dessus lors de sa dernière comparution devant le comité. Il a déclaré qu'il ne se prononce pas sur les rumeurs, mais je crois comprendre qu'il y avait déjà en cours, lorsque j'ai obtenu cette réponse de lui, des consultations—ou en tout cas très peu après, ou peut-être même avant.

    Je me demande si vous ne pourriez pas nous expliquer un peu quels problèmes vous avez eus et quels sont les avantages du code des pratiques exemplaires de financement élaboré par l'Initiative du secteur bénévole.

+-

    Mme Sylvia Searles: C'est Rose qui va répondre, mais je me ferais l'écho de tout ce que vous avez dit au sujet de ce que nous vivons à l'heure actuelle.

+-

    Mme Rose Lee (coordinatrice, Diversity Management, Ville de Toronto - Groupe de travail sur l'immigration et les réfugiés): Je pense que dans la région torontoise le secteur des services d'établissement communautaire commence à vivre la même chose qu'en Colombie-Britannique. Nous savons que certains des services d'emploi communautaires très chevronnés qui avaient fait oeuvre de pionnier en lançant des programmes de mentorat et des programmes de conseils et d'information et de terminologie particuliers à différents secteurs sont présentement menacés par ce programme, par ce processus d'appel d'offres.

    Ce que nous disent les agences communautaires est qu'en règle générale un très court préavis est donné aux agences les invitant à soumissionner pour le contrat. Ce peut être aussi court que quatre à six semaines et vous êtes censé remplir tout un tas de formulaires très complexes et qui exigent beaucoup de travail. D'autre part, ce n'est pas que le secteur sans but lucratif qui soumissionne; les entreprises privées soumissionnent-elles aussi pour ces contrats. D'après ce que nous savons, certains des services d'emploi communautaires bien établis voient leurs offres échouer en faveur de plus grosses institutions et entreprises.

    Dans la ville de Toronto, ces services communautaires ne font pas qu'offrir des services; ils sont un instrument pour engager les gens dans les quartiers et pour intégrer les nouveaux arrivants au sein de la communauté. À vrai dire, ces services font partie de la participation civique et contribuent beaucoup à l'intégration des nouveaux arrivants en les amenant à participer à toutes les facettes de la société. Nous sommes donc très inquiets car nous voyons la stabilité de ce secteur ébranlée.

    Le gouvernement fédéral lui-même, l'Initiative du secteur bénévole, a élaboré, en consultation avec le secteur communautaire, un ensemble de lignes directrices en matière de bonnes pratiques de financement. Notre recommandation est que le gouvernement fédéral reprenne ces lignes directrices et nous recommandons qu'un moratoire soit imposé à ce processus de demande de propositions.

¸  +-(1420)  

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

    Dans ma propre localité de Burnaby, la Burnaby Multicultural Society était la principale agence de prestation de services d'établissement, mais elle a perdu le contrat et n'a plus de financement. Une autre organisation très capable qui a servi Vancouver et certaines parties de la région métropolitaine de Vancouver a décroché le contrat, mais elle n'a encore aucun contact à Burnaby, alors il nous faut recommencer à zéro, bâtir à partir de rien.

    J'aimerais également vous interroger au sujet du plan d'action contre le racisme et des autres initiatives qu'a prises la Ville de Toronto face au problème du racisme. Vous êtes l'un des seuls groupes qui ait employé le terme « racisme » dans le contexte de cette discussion au sujet des titres de compétences étrangers. J'apprécie que vous ayez fait cela, car il m'a toujours semblé que c'était là la question sous-jacente, et c'est souvent une question très présente, mais il est souvent difficile pour nous d'en parler.

    Pourriez-vous nous entretenir de certaines des initiatives prises dans ce domaine?

+-

    Mme Rose Lee: Le conseil municipal de Toronto est en fait intervenu auprès du gouvernement du Canada lui demandant d'élaborer un plan d'action national de lutte contre le racisme. Cela c'est fait l'année où les Nations Unies ont tenu la Conférence mondiale contre le racisme. La Ville de Toronto est très heureuse que le gouvernement du Canada ait adopté son propre plan d'action contre le racisme.

    Où voyons-nous le lien entre la discrimination raciale et la participation des nouveaux arrivants au marché du travail? Interviennent ici toute une gamme de formes de discrimination. La discrimination peut être directe; elle peut être systémique. Dans le cas de discrimination systémique, il n'est pas nécessaire de prouver qu'il y a eu intention. Il arrive que notre système, que nos politiques créent des barrières non intentionnelles. Qui en bout de ligne subit ces pratiques? Les minorités raciales, car les trois quarts des nouveaux arrivants au Canada sont membres de minorité raciale. C'est là que nous voyons le lien entre la race et l'accès par les nouveaux arrivants au marché du travail et aux autres facettes de la société.

    La Ville de Toronto applique son propre plan d'action contre le racisme et la discrimination. Nous visons une approche coordonnée et intégrée. En fait, nous demandons à tous les départements municipaux d'élaborer leur propre plan d'action départemental ou divisionnel. Nous examinons toute la gamme des ramifications possibles, et l'emploi—la participation économique—est définitivement un élément très important.

    Nous cherchons également à déterminer comment bâtir la capacité communautaire requise afin que les communautés elles-mêmes puissent mobiliser leurs propres ressources—et ce sont des communautés qui ont des ressources—pour estomper les différentes barrières qui existent dans la communauté et dans la société tout entière.

    La Ville de Toronto a un programme de subventions qui appuie des activités de lutte contre le racisme et la discrimination, dont voici quelques exemples. Sur le plan pratiques d'emploi, la Ville de Toronto a une politique d'équité en matière d'emploi, et reconnaît les quatre groupes désignés sur le plan recherche d'équité en emploi : les minorités raciales, les femmes, les peuples autochtones et les personnes handicapées. D'autre part, lorsque la Ville de Toronto affiche des offres d'emploi, elle ne demande jamais une expérience canadienne. Pour nous, il s'agit là d'une barrière, d'une forme de discrimination systémique à l'égard des nouveaux arrivants. Ce n'est pas intentionnel.

    Je pense que nous comprenons le besoin légitime des employeurs de veiller à ce que les nouveaux arrivants puissent s'adapter au marché du travail canadien, mais il y a toujours d'autres moyens d'aborder le problème. À la Ville de Toronto, nous cherchons des équivalences... Et en partenariat avec Career Edge-Avantage Carrière, nous offrons des stages. Nous oeuvrons également aux côtés d'un consortium d'agences communautaires en vue d'offrir des programmes de mentorat à des professionnels formés à l'étranger.

    Voilà quelques exemples de ce que fait la Ville de Toronto en vue de lever les barrières.

¸  +-(1425)  

+-

    Mme Barbara Nowers (directrice, Programme de stages pour la transition professionnelle, Organisation Avantage Carrière): Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose au sujet de la lutte contre le racisme, s'agissant de savoir si c'est du racisme ou de la discrimination systémique?

    Notre expérience chez Avantage Carrière a été que les employeurs sont des gens très occupés, tout comme les agents de recrutement, et lorsqu'ils cherchent à combler un poste, ils ont des méthodes éprouvées auxquelles ils recourent. Leur offrir un tout nouveau bassin de candidats et de talent auquel ils n'auraient peut-être pas songé au préalable exige de nous que nous demandions aux employeurs quelles sont les barrières? Que pouvons-nous faire pour vous pour démonter ces barrières?

    Avec Avantage Carrière en tant que programme de stages, vous voulez réduire le risque. Vous réduisez le risque en établissant une période de probation qui permet aux employeurs de mettre les candidats à l'épreuve. Ils sont souvent agréablement surpris; c'est comme essayer quelque chose de nouveau. Puis, au fur et à mesure que vous augmentez le taux d'entrée, vous réduisez le risque et la probabilité que l'employeur ne retourne pas puiser dans ce bassin. C'est là une façon de faire.

    La deuxième est de vérifier les compétences linguistiques à l'avance pour veiller à ce que les candidats proposés possèdent les compétences linguistiques requises pour pouvoir bien travailler.

    Troisièmement, il faut veiller à ce que les titres et diplômes aient des équivalences au Canada.

    Si vous parvenez à enlever de la table tous ces éléments de résistance et à convaincre les agents de recrutement d'accepter ce nouveau groupe, cela peut en fait donner de très bons résultats... en tant que marché-test pour ce groupe.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci de votre contribution.

    Monsieur Laroche.

+-

    M. Lionel Laroche: J'aimerais ajouter une chose au sujet de la discrimination et du racisme. Je pense que cela va dans le même sens que ce que disait Rose tout à l'heure. Le plus gros échec, selon moi, est ce que j'appellerais la discrimination involontaire.

    Je vais vous donner un exemple très concret. Si vous avez un candidat qui vient pour une entrevue et qui regarde fixement le plafond d'un bout à l'autre, comment l'agent de recrutement canadien moyen évaluera-t-il ce comportement? Eh bien, typiquement—et j'organise des ateliers pour des entreprises et je peux vous dire quelles réponses on me donne tout le temps—il jugera que la personne n'est pas digne de confiance, qu'elle essaie de cacher quelque chose, qu'elle n'est pas engagée, qu'elle n'est pas intéressée, et ainsi de suite.

    Toutes ces interprétations sont négatives et dans la plupart des cas le candidat ne sera pas retenu. Mais quel est le réel moteur de ce comportement? Ce candidat vient d'un milieu culturel dans lequel regarder quelqu'un dans les yeux exprime un manque de respect.

    Du point de vue du candidat... Disons que le candidat rappelle deux semaines plus tard, n'a pas obtenu le poste et demande : « Pourquoi n'ai-je pas obtenu l'emploi? » On lui répondra : « Vous n'avez pas établi de contact visuel avec nous, alors nous avons considéré que vous n'étiez pas digne de confiance; voilà pourquoi vous n'avez pas obtenu l'emploi ». « N'ai-je aucune chance? » sera la question suivante. Le candidat se fera alors dire « Vous n'avez pas d'expérience canadienne » ou « Vous n'avez pas de licence », s'il s'agit d'une profession pour laquelle il faut une licence pour exercer.

    Il y a ici deux problèmes. L'un est la politesse des Canadiens, si je puis dire, qui ont tendance à tourner autour du pot. Du point de vue du candidat, il s'agit là de discrimination : il n'obtient pas l'emploi, mais sa capacité de faire le travail n'a pas été éprouvée. Du point de vue du recruteur, il n'y a pas du tout discrimination. Il fait une juste évaluation sur la base du comportement. À mon sens, c'est ici qu'intervient la formation, tant pour les candidats que pour les recruteurs afin que ceux-ci comprennent quels comportements en entrevue sont explicables par la culture, pour que ces genres de barrières puissent être supprimées.

+-

    Mme Sylvia Searles: J'aimerais réagir à une ou deux choses qui ont été dites. C'était intéressant, parce que...

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Brièvement, si vous le pouvez, je vous prie. Nous avons dépassé, et de loin...

+-

    Mme Sylvia Searles: Je ferai de mon mieux. Il me faut vraiment revenir sur ces deux points.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Oui, j'en vois la validité, et nous allons donc poursuivre.

+-

    Mme Sylvia Searles: Je pense que c'est une chose de parler de l'impression que peut faire une personne qui se comporte ainsi et de la discrimination qui peut s'ensuivre. C'en est une autre pour nous d'en arriver au stade où nous comprenons ce qui nous amène à prendre ces genres de décisions.

    Je pense que nous pouvons parler d'élimination de barrières. Mais, par exemple, qu'en est-il de ces immigrants de minorités raciales dont la première langue est l'anglais? Ce n'est pas un obstacle linguistique; ce n'est pas un obstacle du genre. Si nous ne reconnaissons pas l'incidence qu'a à l'heure actuelle le racisme sur le marché du travail, et si nous regardons toutes ces autres barrières et ignorons celle-là, alors nous allons constater les mêmes problèmes qu'auparavant, sauf que ce ne sera plus une population minoritaire mais une population majoritaire.

¸  +-(1430)  

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Colleen.

+-

    Mme Colleen Hua: Pour ajouter quelque chose très rapidement, le simple fait que les gens soient agréablement surpris lorsque tout tourne bien en dit, je pense, long sur l'attitude des employeurs—le fait qu'ils soient agréablement surpris qu'un nouvel arrivant ou qu'un immigrant soit en mesure de bien faire le travail tout de suite.

    L'autre aspect relativement à la perspective systématique en matière de racisme—et je pense qu'il en a été un petit peu question hier—est qu'il y a insuffisance de ressources et distribution inéquitable des ressources, même dans les bureaux d'immigration situés en pays étrangers un peu partout dans le monde. Nous constatons déjà cela pour notre communauté à Beijing, où il n'y a presque pas d'agents. Un grand nombre de demandes y sont déposées; Il y a d'énormes listes d'attente. Il nous faut reconnaître les tendances en immigration. Il nous faut également reconnaître les endroits où nous pouvons trouver des gens qui correspondent à nos besoins en matière d'emploi ici.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci.

    La parole est maintenant à Mme Beaumier.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Merci.

    Lionel, vous avez en fait répondu à un certain nombre de questions que j'ai posées à quelqu'un ce matin, au sujet de différences culturelles. Ce sont des choses que, une fois que vous les avez mentionnées, j'ai certainement reconnues.

    Colleen, j'aimerais discuter avec vous. Et vous et Lucille avez parlé de faire vérifier et sanctionner les titres de compétences des gens avant qu'ils n'arrivent au Canada. Cela éliminerait-il certaines personnes qui venaient en utilisant leurs titres pour obtenir les points, sachant que si on leur disait qu'elles auraient peu de chances de trouver des emplois dans leur domaine mais devraient suivre davantage de formation, alors cela leur enlèverait le choix de venir et de faire autre chose que d'exercer leur métier? Pensez-vous que cela puisse être un piège pour certaines personnes qui désirent réellement venir s'établir dans l'Occident, peu importe leur situation?

+-

    Mme Lucille Joseph: En ce qui concerne Career Bridge, je pense que l'avantage serait que ces personnes seraient en mesure de prendre une décision éclairée. Selon notre expérience auprès de candidats chez Career Bridge, ceux-ci arrivent au Canada avec de très grandes attentes, souvent pas réalistes, et ils vont découvrir tôt ou tard qu'ils ne possèdent pas les outils dont ils ont besoin pour travailler dans leur profession. À leur place, je préférerais être mise au courant avant de venir plutôt qu'après mon déménagement.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Mais vous ne venez pas d'un pays du tiers monde où les conditions de vie sont peut-être moins que souhaitables pour élever vos enfants.

+-

    Mme Lucille Joseph: Absolument, mais il n'en demeure pas moins que je... Je ne sais pas si l'on voudrait lier le testage auquel nous songeons dans le contexte de Career Bridge au système de points. Nous ne sommes pas experts en la matière. Tout ce que nous disons c'est que nous aimerions que ceux et celles qui viennent au Canada aient une compréhension réaliste de leur situation par rapport au marché du travail canadien.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Très bien, vous parlez donc en réalité du fait d'être mieux renseigné.

+-

    Mme Lucille Joseph: Oui.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Très bien.

    Oui?

+-

    M. Lionel Laroche: J'aimerais intervenir dans cette discussion, car ces questions me passionnent. Vous l'aurez sans nul doute remarqué.

    Une chose que je fais dans le cadre de séances de formation pour immigrants c'est leur dessiner un diagramme de la réussite en fonction du temps. Si vous le regardez, dans leur pays d'origine, ils avancent à un rythme donné. Dès qu'ils arrivent au Canada, ils sont comme en chute libre, et c'est alors que certains d'entre eux tournent les talons et rentrent dans leur pays. D'autres marquent un autre virage et tombent dans un emploi de survie, comme chauffeur de taxi ou employé—simple employé—de service de nettoyage à sec, et d'autres vont continuer de progresser. Mais comme nous l'avons entendu dire plus tôt, il faut 10 à 15 ans pour retrouver la situation que vous auriez connue si vous étiez resté dans votre pays.

    Lorsque je dessine ce graphique pour les immigrants, ils sont nombreux à me dire : « J'aurais bien aimé que quelqu'un m'ait dit cela. Je ne serais pas ici si j'avais su tout cela ». Je pense que c'est vraiment de cela que nous parlons.

+-

    Mme Colleen Beaumier: C'est tout simplement leur donner le choix, en n'excluant pas leurs points compte tenu du fait que les diplômes qu'ils utilisent leur ont donné ces points. Nous n'allons pas les enlever si...

¸  +-(1435)  

+-

    M. Lionel Laroche: Permettez que j'ajoute quelque chose au sujet de ma propre expérience. Je suis en fait allé aux États-Unis avant de venir au Canada. Mon idée de la Californie lorsque j'ai quitté la France c'était la mer, le sexe et le soleil. Vous me pardonnerez l'emploi de cette expression, mais c'était vraiment cela que j'avais en tête. J'avais 21 ans, alors vous vous imaginez bien.

    Mais ce que j'ai découvert c'est qu'il y avait les études et du travail 24 heures sur 24 et rien d'autre. Lorsque j'avais parlé en France avec des gens au sujet de la Californie, je tombais sur des personnes qui avaient des vues très positives et je gobais tout cela, et lorsque des gens me parlaient du smog et d'autres choses du genre, je ne voulais pas en entendre parler.

    Il vous faut fournir les renseignements. Cela ne veut pas dire que la décision de la personne sera différente, mais au moins les gens seront préparés.

+-

    Mme Colleen Beaumier: L'autre question dont j'aimerais vraiment discuter est celle des pratiques de recrutement et du racisme.

    J'ai été ravie d'apprendre que la Ville de Toronto a un programme d'établissement. Ce serait bien que vous stimuliez peut-être un peu d'intérêt dans mon coin à moi, Brampton. En tant que Canadienne qui suis née ici, j'ai terriblement honte lorsque je vais à mon hôtel de ville. Je n'y suis pas allée depuis un ou deux ans, mais lorsque je vais à la banque, par exemple, je suis parfois la seule personne de race blanche dans la queue. Je regarde autour de moi et le personnel qui travaille là reflète, sur le plan démographique, la réalité de la collectivité.

    Il y a deux ans, la dernière fois que je suis allée à l'hôtel de ville, j'ai eu bien du mal à trouver une personne de couleur. Le gouvernement fédéral dit qu'il a des pratiques de recrutement, mais nous constatons qu'au niveau entrée nous avons beaucoup de migrants et beaucoup de membres de minorités visibles—au bas de l'échelle. Je pense que nous comptons des ateliers de misère dont les équipes sont parmi les mieux instruites au monde. Vous constaterez que les emplois de débutant sont très accessibles aux immigrants car... premièrement, ils ne sont pas très bien rémunérés. Il nous faut cependant nous pencher sur la promotion des minorités, mais comment faire? Je pense que c'est à ces niveaux qu'il y a de graves lacunes.

    J'ai déjà dit ceci, et tout le monde commence à en avoir assez de l'entendre, mais lorsque comparaissent devant le comité des représentants du gouvernement, ceux-ci ont ou un accent anglais ou un accent français, selon votre oreille, et ils sont blancs à 99,9 p. 100.

    Comment faire pour instaurer un programme de promotion? Le gouvernement ne peut pas dire aux entreprises qu'il leur faut faire du recrutement et de la promotion si nous ne le faisons pas déjà nous-mêmes. Il nous faut donner l'exemple. Vous êtes-vous penchés sur ces pratiques—elles existent—et sur les solutions?

+-

    Mme Sylvia Searles: La Ville de Toronto est dotée d'un très vaste programme, mais même lorsque vous avez les politiques en place il vous faut veiller à ce que les pratiques soient là, qu'il s'agisse de fixer objectifs et échéanciers ou de faire en sorte que ce soit une priorité que votre équipe de gestion reflète la population desservie.

    Plus récemment, par exemple, la ville a vécu une réorganisation administrative, et dans le cadre de ce processus, pour les postes les plus élevés, il y a eu, lors des entrevues, un contrôleur de l'équité. Des questions ont été posées relativement à la diversité. On a veillé à ce que le bassin de demandeurs soit diversifié. Ce sont là des outils pour... Premièrement, il s'agit de veiller à ce que votre bassin de candidats soit divers. Deuxièmement, il ne s'agit pas d'embaucher des personnes non qualifiées—les qualités sont là et les gens ont les antécédents—c'est cette question d'accès.

+-

    Mme Lucille Joseph: Je peux ajouter quelque chose.

    Dans le cadre du programme Career Bridge, les stagiaires comptent en moyenne huit années d'expérience de travail, et ils vont donc démarrer au niveau intermédiaire. Il s'agit réellement de leur permettre de sauter l'étape débutant grâce au stage—il s'agit en quelque sorte d'une idée nouvelle, celle de stages pour les candidats de niveau mi-carrière, mais cela fonctionne. C'est une façon de combler l'écart.

    Une chose que nous avons observée dans le cadre du travail limité que nous avons fait avec les agences d'établissement est que l'idée d'une solution taille unique telle que la même petite agence s'efforce de s'occuper et de personnes qui viennent de circonstances très difficiles et qui essaient de s'établir ici et de professionnels formés à l'étranger qui ont extrêmement bien réussi en affaires... et de différencier certains de ces groupes afin que ceux et celles qui puissent marquer le rythme et accéder à des postes de niveau supérieur au sein d'un organisme donné bénéficient des bons systèmes de soutien, adaptés à eux au lieu d'être absorbés par certains des autres services de soutien... Je pense que cela aussi contribuerait à faciliter ce dont vous parlez.

+-

    M. Daniel Klass: J'aimerais faire ici un petit commentaire. L'une des meilleures façons d'au moins commencer à maîtriser le problème du racisme est d'arrêter d'utiliser ce terme. Il s'agit d'un concept désuet. Il n'a fait que créer des problèmes au sein des sociétés. Plus les gens recherchent des différences individuelles sur la base de la race, moins ils en trouvent, et je pense que nous devrions arrêter de nous concentrer sur le phénomène du racisme pour commencer à nous pencher sur le phénomène du rendement fondé sur des différences individuelles ayant peut-être plus à voir avec des tas d'autres facteurs que le bassin génétique de la personne. Il nous faut réfléchir de façon scientifique et constructive à la mesure dans laquelle nous avons inventé toute cette idée de race, et il nous faut commencer à la désinventer de façon à nous concentrer réellement sur les vraies différences qui existent entre les gens et à en traiter de façon équitable.

¸  +-(1440)  

+-

    Mme Sylvia Searles: L'analogie qui me vient à l'esprit est qu'il fut un temps où personne ne parlait de cancer, et il était donc très difficile de faire de l'éducation; il était très difficile d'y faire quoi que ce soit. Si nous ne donnons pas un nom à un problème, il devient difficile d'en traiter.

+-

    M. Daniel Klass: Mais le problème n'est pas la race. Il existe une chose appelée cancer—j'en suis à peu près convaincu—mais, que je sache, il n'existe pas grand-chose qui s'appelle race. Lorsque vous prêtez attention aux différences individuelles, vous constatez que de moins en moins de choses sont liées à la race. Bien franchement, toutes les utilisations qui ont été faites de différences fondées sur la race ont été des efforts extrêmement néfastes.

+-

    Mme Sylvia Searles: Ma seule suggestion serait qu'à un moment donné vous ayez une discussion avec les minorités raciales dans la salle pour voir si ce n'est pas réel pour nous. Mais je ne voudrais pas me lancer dans un débat là-dessus.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Je pense que vous commencez à ressembler ici à la Chambre des communes.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Docteur Klass, je conviens qu'il nous faut regarder au-delà, mais nous ne disposons pour l'heure pas d'un autre terme et nous savons que cela est fondé sur l'ignorance. Il n'y a en réalité pas de différences raciales, mais il faut néanmoins donner un nom à la chose.

+-

    M. Daniel Klass: Mais il ne sert à rien de lier cela à un concept scientifique inexistant.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Il nous faut néanmoins désigner la chose par un nom.

+-

    M. Daniel Klass: Eh bien, appelons cela « différences ethniques ». Appelons cela n'importe quoi d'autre, mais...

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Avez-vous d'autres questions, Colleen?

+-

    Mme Colleen Beaumier: Non, monsieur. Merci.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): J'aurais un commentaire à faire au sujet de quelque chose. Je pense que c'est Andi qui en a parlé—une conférence ou un forum de jeunes, un forum national de la jeunesse?

+-

    M. Andi Shi: Oh, une conférence nationale, un bulletin de nouvelles.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Pourriez-vous nous expliquer un peu cela?

+-

    M. Andi Shi: Eh bien, il ne se fait que très peu d'échanges entre les agences qui font ce travail au service des immigrants. Si nous pouvions avoir une conférence annuelle, alors les gens auraient une tribune qui leur permettrait de partager leurs pratiques exemplaires. Beaucoup de gens reproduisent la même chose ou alors ils ne font pas les choses de la meilleure façon. Si toutes les meilleures pratiques pouvaient être communiquées aux autres, je pense que cela donnerait lieu à beaucoup d'économies, et ce me semble être logique.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Très bien. Merci.

+-

    M. Andi Shi  J'aimerais enchaîner sur ce qu'a dit M. Klass au sujet des normes, de l'accès et des médecins. En Ontario, les gens sont nombreux à ne pas avoir de médecin de famille. En même temps, nous avons des milliers de médecins formés à l'étranger. D'après ce que j'entends dire, ils sont très bien formés. Ils exercent dans leur pays depuis cinq, dix ou quinze ans.

    J'ai de profondes convictions en la matière. Pourquoi ces personnes ne pourraient-elles pas suivre un programme de formation de six mois, passer par les ministères dans le cadre de stages, ce qui leur donnerait l'occasion de se familiariser avec les normes canadiennes, pour ensuite se lancer, pratiquer la médecine et utiliser leur expérience et leurs compétences?

    J'entends si souvent dire que l'on ne veut pas abaisser la norme. À mon sens, il n'est pas question d'abaisser la norme. Ces personnes ont de l'expérience. Elles ont vu beaucoup plus de patients que de nombreux médecins canadiens. Je ne pense pas qu'elles abaissent la norme. Il leur faut tout simplement se familiariser avec la norme. Qu'on utilise ces personnes. Je pense qu'il y a là une barrière psychologique.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Oui?

+-

    M. Daniel Klass: Je pense que nos programmes visent directement cette préoccupation, et c'est le cas également de nos recommandations.

+-

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Merci.

    J'aimerais vous remercier tous d'être venus comparaître devant nous, de nous avoir livré tous ces bons renseignements et ces bonnes recommandations, et de nous avoir écoutés. Nous allons siéger presque chaque jour pendant tout le mois d'avril et entendre peut-être un millier de personnes.

    Merci aussi de nous avoir sortis de la Chambre des communes, où se déroulent les vrais combats.

    Des voix: Oh! Oh!

    Le président suppléant (M. Lui Temelkovski): Nous allons faire une pause de 15 minutes et reprendre à 15 h.

¸  +-(1445)  


¹  +-(1505)  

+-

    Le président (l'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Nous allons commencer.

    Nous vous accordons cinq minutes pour faire vos exposés, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. L'échange est censé prendre cinq minutes, mais si les choses s'emballent, alors nous laisserons faire, si la discussion est excitante et qu'aucun député ne se plaint...

    Nous allons donc commencer avec Mme Raskovic, pour cinq minutes.

+-

    Mme Anica Raskovic (à titre personnel): Je m'appelle Anica Raskovic, et je comparais ici en tant que travailleuse communautaire—en fait à titre personnel.

    J'aimerais profiter de cette occasion qui m'est ici donnée aujourd'hui pour vous entretenir de deux des groupes les plus vulnérables dans notre société. Ce sont les femmes sans statut vivant en relation violente et les femmes réfugiées à l'assistance sociale. Je vais, pour vous en parler, m'appuyer sur des cas réels.

    Je vais commencer par vous parler de femmes sans statut vivant en relation violente. Je vais, comme je l'ai dit, commencer avec un cas réel, celui d'une femme qui est venue au Canada en visite il y a de cela dix ans. Elle a épousé un citoyen canadien, mais celui-ci ne l'a jamais parrainée. Ils ont à ce jour trois enfants âgés de neuf, sept et quatre ans. Elle est bonne mère et bonne épouse.

    Son mari a commencé à être violent envers elle pendant sa première grossesse. Il la bat, la dénigre et lui interdit d'avoir des amies, de travailler, d'aller à l'école ou de fréquenter l'église. Elle endure ces abus depuis dix ans et elle n'a jamais appelé la police de peur d'être déportée et de ne plus jamais revoir ses enfants. Son mari la maintient dans cette situation sans statut et utilise cela pour la contrôler. Chaque jour il la menace, lui disant que si elle ne se plie pas à sa volonté, il appellera l'Immigration et l'on viendra l'arrêter et la déporter et elle ne reverra plus jamais ses enfants.

    Ce n'est là qu'un cas, mais il existe des milliers et des milliers de femmes et d'enfants, d'enfants canadiens, qui subissent en silence des relations de violence. Ces femmes et ces enfants se voient refuser le droit humain fondamental de vivre une vie libre de violence. Il est presque impossible pour ces femmes sans statut de s'arracher à ces relations de violence. Les femmes sans statut, quel que soit le nombre d'années passées au Canada et le nombre de leurs enfants canadiens, ne sont pas admissibles au logement subventionné ni aux services de garderie, ne peuvent pas toucher de prestations d'impôt pour enfant, ne peuvent pas obtenir de permis de travail et ne sont pas admissibles aux services d'éducation, même pas un cours d'anglais langue seconde.

    Dans de telles circonstances, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que ces femmes améliorent leurs compétences, se trouvent un emploi et deviennent autosuffisantes. Il leur est possible de faire une demande pour raisons d'ordre humanitaire, mais une femme doit avoir un emploi et elle doit également prouver qu'elle ne peut pas retourner dans son pays, qu'elle y souffrira de privation. Il lui faut également trouver l'argent pour payer sa demande, soit plus de 900 $, et il lui faut également payer un avocat, et nous savons tous très bien que seuls 3 p. 100 des demandeurs pour raisons d'ordre humanitaire se font accepter et accorder le statut d'immigrant reçu.

    Étant donné la misère terrible que vivent ces femmes et ces enfants depuis très longtemps, je vous exhorte d'accorder le statut d'immigrant reçu aux femmes épouses de Canadiens.

    J'aimerais également vous parler des femmes réfugiées à l'assistance sociale. Je vais encore une fois commencer par vous raconter un cas réel, celui d'une réfugiée qui est arrivée au Canada il y a six ans avec trois enfants, un bébé de trois mois, et deux autres enfants âgés de huit et douze ans. Cette femme et ces enfants ont attendu six ans pour être réunis avec le mari, le père des enfants.

    Suite au traumatisme de la persécution et du déracinement, les femmes réfugiées, surtout les mères qui s'occupent d'enfants d'âge préscolaire et dont le conjoint est resté derrière, continuent de vivre des difficultés, du stress, des pressions et une humiliation énormes au Canada. Ces femmes doivent souvent recourir à l'aide sociale ce qui, en vertu des règles applicables à la catégorie de la famille, les empêche de parrainer leur conjoint ou d'autres enfants à charge. La séparation prolongée de ces femmes et de ces enfants victimes du trauma de la guerre de leur famille leur inflige des souffrances incommensurables et rend très difficile leur intégration à la société canadienne.

    La séparation des familles prolonge le temps qu'il faut à une nouvelle arrivante d'acquérir les compétences linguistiques et autres requises pour trouver un emploi et accéder à l'autonomie financière. Cela ne bénéficie même pas à l'économie canadienne car, ne conviendriez-vous pas que permettre au conjoint et au père de venir plus tôt offrirait de meilleures chances à la famille de devenir autosuffisante au lieu de dépendre de l'assistance sociale?

¹  +-(1510)  

    Je vous exhorte de permettre à ces femmes d'être réunies le plus tôt possible avec leur conjoint et enfants, ce qui leur permettra d'améliorer leur santé, leur bien-être général et leur possibilités de se sortir de la pauvreté.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entendre Mme Nasi.

+-

    Mme Zheni Nasi (à titre personnel): Merci.

    Mesdames et messieurs, merci d'être venus à Toronto aujourd'hui et de m'avoir donné l'occasion de m'entretenir avec vous au sujet de certaines questions relatives à la reconnaissance de l'expérience professionnelle et des titres des immigrants qualifiés.

    Je comparais aujourd'hui devant vous en tant qu'immigrante ayant passé moins de deux ans au Canada et qui suis professionnelle en matière d'immigration.

    Mesdames et messieurs, dans le cadre de mon exposé je vais tenter de situer mon expérience et celle d'autres immigrants qualifiés dans le contexte des pratiques d'établissement existantes et de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ou LIPR.

    Il importe de mettre en place un processus en vue de la reconnaissance de l'expérience professionnelle et des titres de compétences des immigrants qualifiés. Le problème est que la LIPR elle-même n'accorde pas suffisamment d'importance à cet aspect, qui est le premier pas dans l'intégration des immigrants au marché du travail canadien.

    L'alinéa 3(1)a) de la LIPR, portant sur l'objet de la loi, stipule que l'un des objectifs de la loi est « de permettre au Canada de retirer de l'immigration le maximum d'avantages sociaux, culturels et économiques ». L'alinéa 3(1)c) de la Loi précise qu'un autre objectif est « de favoriser le développement économique et la prospérité du Canada ». L'alinéa 3(1)e) de la Loi précise quant à lui qu'un objectif est « de promouvoir l'intégration des résidents permanents au Canada, compte tenu du fait que cette intégration suppose des obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne ».

    Je vais maintenant passer au tout dernier objectif de la LIPR, qui est « de veiller, de concert avec les provinces, à aider les résidents permanents à mieux faire reconnaître leurs titres de compétence et à s'intégrer plus rapidement à la société ». Même en tant que dernier objectif, le texte est vague et imprécis. L'impression que l'on a est que le travail du législateur était terminé du fait d'inclure cette déclaration dans la LIPR. N'est en place aucun processus de reconnaissance, aucune collaboration fédérale-provinciale.

    Mesdames et messieurs, c'est un travail en cours. J'applaudis à l'oeuvre visionnaire qu'a accomplie en principe le gouvernement fédéral avec la LIPR, et je conviens qu'il s'agit de l'un des meilleurs systèmes de sélection au monde. Cependant, ayant moi-même vécu le processus d'immigration, je sais que ce n'est pas parce qu'une ou deux personnes ont réussi que cela suffit.

    Le Canada a établi le système de sélection d'immigrants car celui-ci offrait certains avantages, et ma première recommandation est que chaque partie qui bénéficiera de l'immigration assume une part de responsabilité dans le processus.

    Un immigrant qualifié ne traite qu'avec...

+-

    Le président: Je vous inviterais à résumer un petit peu, car vous en êtes déjà à trois minutes et il ne vous en reste donc plus que deux, et cela ne vous suffira pas.

+-

    Mme Zheni Nasi: Dans ce cas, je vais tout de suite passer aux recommandations.

    Ma deuxième recommandation est que la LIPR offre l'infrastructure institutionnelle requise en vue de la reconnaissance de jure et de facto des pratiques professionnelles et des titres de compétence des immigrants. Par là je veux dire qu'il y a trop de façons dont l'immigrant qualifié est évalué, et cela englobe connaissance des langues officielles, traduction officielle de leurs titres, examen médical et examen du casier judiciaire. Cela doit être fait avant que la personne n'arrive au Canada.

    Une fois au Canada, l'intéressé doit passer par toutes les différentes évaluations, évaluation des titres en vue de l'établissement d'équivalences canadiennes, évaluation des compétences linguistiques par des agences communautaires, des établissements postsecondaires ou le gouvernement, en vue de la participation à des programmes d'intégration. Puis vient le processus d'accréditation, qui est suivi d'encore une autre évaluation. Il y a un trop grand nombre d'évaluations et cela ne fait que décourager les immigrants en attendant qu'ils se trouvent un emploi dans leur profession.

    Pour ce qui est de ma troisième recommandation, je dis que les demandeurs de la catégorie immigrants qualifiés devraient se voir fournir des renseignements clairs au sujet des évaluations professionnelles qu'il leur faudra avant de venir au Canada. Davantage de travail devrait être fait avant que l'immigrant n'arrive au Canada, et les évaluations linguistiques devraient être ramenées à une seule, car il y en a un bien trop grand nombre.

    Dans le cas des professions réglementées, le processus d'accréditation devrait démarrer dès que le demandeur a satisfait l'exigence minimale énoncée au paragraphe 75(2) du Règlement. Dans le cas de professions non réglementées, l'agent d'immigration au bureau des visas local devrait fournir au demandeur une trousse de renseignements sur le marché du travail portant particulièrement sur sa catégorie professionnelle, et ce dès que le demandeur satisfait les exigences minimales. Une telle trousse pourrait contenir des renseignements sur le processus d'accréditation pour la profession réglementée en question, sur les tendances dans le marché du travail pour cette catégorie professionnelle, sur des employeurs potentiels et sur les chasseurs de têtes et agences de recrutement dans le domaine, ainsi que sur les cours de communication d'entreprise que l'intéressé souhaiterait peut-être suivre avant de partir pour le Canada.

    Ma dernière recommandation est que les immigrants qualifiés ne devraient pas coûter cher au gouvernement du Canada. Ce que je veux dire ici c'est que ces personnes ont déjà investi dans leur formation et leur éducation et ont plusieurs années d'expérience professionnelle. Au Canada, elles se trouveront confrontées au défi que vivrait tout Canadien qui irait travailler à l'étranger : en d'autres termes, il leur faudra s'adapter à la façon de faire canadienne s'agissant de réseautage professionnel et de communication d'entreprise.

    Il nous faut nous demander si les programmes d'établissement sont à jour s'agissant des compétences et des besoins des immigrants. Les mêmes agences ne peuvent pas offrir leurs services et aux réfugiés et aux immigrants professionnels. Il nous faut voir si les services offerts par ces agences sont à jour s'agissant des besoins des immigrants.

    Pour conclure, j'aimerais vous demander de vous mettre à la place d'un immigrant qualifié. Quelles choses aimeriez-vous savoir et quel genre de préparation aimeriez-vous faire avant de venir au Canada? Quelles mesures prendriez-vous pour décrocher le plus rapidement possible votre premier emploi? Voilà quelques questions qui, si l'on y trouvait des réponses claires et approfondies, permettraient d'améliorer la politique en matière d'immigration et sa mise en oeuvre

    Merci de votre temps et de votre attention.

¹  +-(1515)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à Mme Croteau.

+-

    Mme Della Croteau (registraire adjoint, directrice des programmes, Ordre des pharmaciens de l'Ontario): Nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous est ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui. Chris Schillemore et moi-même comparaissons ici au nom de l'Ordre des pharmaciens de l'Ontario. Nous avons eu le bonheur d'oeuvrer à l'élaboration d'un programme de transition pour pharmaciens en Ontario, et c'est pourquoi nous sommes venus nous entretenir avec vous aujourd'hui.

    C'est nous qui réglementons la profession de pharmacien en Ontario. La province compte environ 10 000 pharmaciens, dont environ le quart viennent de l'extérieur de l'Amérique du Nord; nous avons traditionnellement accordé des licences à un grand nombre de diplômés étrangers. L'Ontario ne compte qu'une faculté de pharmacie. Nous ne produisons pas suffisamment de pharmaciens pour l'Ontario et c'est ainsi que nous avons lancé avec la faculté un partenariat visant à offrir un programme de transition aux diplômés étrangers arrivant en Ontario.

    Au fur et à mesure de l'évolution du rôle du pharmacien au Canada et en Amérique du Nord, nous sommes devenus de plus en plus des fournisseurs de soins primaires, ce qui exige une plus grande maîtrise des techniques d'évaluation des patients, de la thérapeutique et de la pharmacovigilance et, surtout, d'aptitudes en communication. Il est de plus en plus difficile pour les diplômés étrangers qui arrivent au Canada d'offrir tout de suite ce jeu de compétences.

    Nous avons, dans le cadre de ce programme pour diplômés étrangers en pharmacie—ce programme de transition qui est maintenant en place depuis près de cinq ans—découvert certaines lacunes. Il y en a quatre dont j'aimerais vous parler aujourd'hui et qui sont exposées dans notre mémoire.

    Le principal écueil est la facilité verbale en anglais. Même si un grand nombre de ces candidats réussissent aux examens de capacité linguistique générale, il leur faut, dans le cadre de l'exercice de leur profession, une bien plus grande maîtrise de la langue. Il leur faut apprendre les termes médicaux et pharmaceutiques et pouvoir les traduire en langage de non-initié dans une autre langue, lorsque l'anglais n'est pas leur langue première. Ce sont là des tâches difficiles. Mais ce sont des diplômés étrangers intelligents et tant et aussi longtemps qu'ils possèdent des capacités d'expression en langue anglaise de niveau raisonnable nous pouvons les aider à parfaire leurs connaissances dans le contexte canadien.

    Un deuxième écueil réside dans les attentes des immigrants au Canada. L'intervenante qui m'a précédée en a parlé. En tant qu'organisme accréditif, cela nous pose à nous aussi un problème, car les gens viennent nous voir comptant qu'ils vont obtenir une licence et qu'ils pourront exercer leur métier très vite après leur arrivée au pays. En fait, il leur faut veiller à maîtriser suffisamment la langue anglaise et à avoir des titres de compétence à jour. Ils peuvent faire beaucoup de ce travail préparatoire avant de venir au Canada s'ils savent quelles sont les exigences. Nous avons beaucoup fait sur le Web dans le but d'améliorer ces renseignements, mais beaucoup de travail reste à faire.

    Lors d'un récent voyage au Moyen-Orient, j'ai vu quantité d'annonces dans les journaux encourageant l'immigration au Canada, au Royaume-Uni et en Australie. Beaucoup des renseignements sont fournis par des entreprises privées et peut-être pas par notre gouvernement canadien, alors je vois d'où vient le décalage.

    Un autre écueil est ce que nous avons appelé le savoir-faire culturel. Les attentes des Canadiens sur le plan soins de santé sont différentes des attentes des gens vivant dans d'autres pays. Nous avons élaboré un vaste programme de mentorat au sein du programme de transition, ce dans le but de renseigner les immigrants au Canada au sujet du système canadien de soins de santé, des attentes des patients canadiens sur le plan soins de santé et de la communication en matière de questions de santé.

    Enfin, le dernier écueil est celui des connaissances sur les plans thérapie et pharmacothérapie. Les thérapies varient selon le pays d'origine. Au Canada, nous bénéficions d'un merveilleux système de soins de santé et avons accès à quantité de médicaments. Certains pharmaciens viennent nous voir et nous disent qu'ils viennent d'un pays où la malnutrition et la malaria sont les problèmes les plus courants, et il leur faut s'adapter à un système caractérisé par les maladies du coeur, des taux de cholestérol élevés et l'hypertension, affections qui sont typiques des pays riches. La thérapeutique sera différente. Ce n'est pas un problème, tant et aussi longtemps que vous avez un bon système de formation pour mettre ces personnes à jour.

¹  +-(1520)  

    D'autre part, nous avons au Canada un régime de reconnaissance mutuelle des pharmaciens à l'échelle du pays. Ainsi, même si l'Ontario absorbe sans doute environ 60 p. 100 de ces immigrants, il importe que cette formation de transition soit offerte régulièrement à l'échelle du pays.

    Nos recommandations sont donc que les candidats aient accès à de bons renseignements avant d'immigrer, et nous sommes en la matière prêts à travailler avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial pour faire ce qu'il faut pour que ces renseignements soient communiqués aux gens; que les immigrants comprennent le niveau de compétence en langue anglaise qui est nécessaire pour travailler en tant que professionnel au Canada; que l'on offre des programmes de transition communs; que l'on consente une aide financière aux réfugiés et aux personnes qui n'ont pas été préparées en fonction de ce qu'il faut pour venir s'établir au Canada; et que si nous allons avoir une stratégie de planification d'ensemble qui mise sur les diplômés étrangers pour alimenter la main-d'oeuvre canadienne, nous veillions à ce que des programmes d'éducation de transition continus soit à la disposition des diplômés, quel que soit leur point d'entrée au Canada.

    Nous vous avons fourni de la documentation au sujet du programme pour diplômés étrangers en pharmacie et d'autres détails, pour ceux d'entre vous que cela intéresse.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entendre Peter Ferreira.

+-

    M. Peter Ferreira (président, Congrès national portugais-canadien): Merci.

    Monsieur le président, membres du comité, merci de cette invitation à présenter nos propositions concernant les problèmes d'immigration que rencontre la communauté lusitano-canadienne.

    En tant que président du Congrès national portugais-canadien, et vice-président du Conseil ethnoculturel du Canada et ancien agent d'immigration principal, je m'adresse à vous avec pleine confiance pour exprimer les principales préoccupations énumérées dans notre mémoire.

    En tête des priorités fédérales en matière d'immigration devraient figurer la promotion de la citoyenneté, la satisfaction des besoins des travailleurs sans papiers et la recherche de solutions de rechange à l'expulsion de résidents de longue date. Les priorités fédérales en matière d'immigration s'éloignent de plus en plus des besoins de notre collectivité et des réalités de notre économie. Il nous faut une vision plus équilibrée de l'immigration qui valorise les personnes indépendamment de leurs titres de compétence et promeuve leur citoyenneté et inclusion.

    Trop de Portugais d'origine contribuent chaque jour à notre croissance économique et vie communautaire mais en se voyant refuser le statut de résident à cause d'un système d'immigration qui ignore les réalités du marché du travail canadien. Le Canada a besoin d'un programme de régularisation des travailleurs présents au Canada afin d'intégrer à la société ces travailleurs sans papiers. Cela conférerait aux plus vulnérables les droits dont jouissent tous les résidents du Canada et celui de devenir des citoyens ordinaires payant leurs impôts. Le fait de déporter automatiquement des résidents de longue date est une pratique injuste; elle ignore la réalité que si ces personnes ne sont pas nées au Canada, elles y ont certainement été faites, ayant été élevées, scolarisées et mariées parmi nous. Ces vies et ces familles se voient détruites et les collectivités en sont amoindries. Il est temps que notre pays, qui a tant fait pour les droits de la personne, se souvienne et reconsidère.

    J'aimerais souligner certaines de nos principales recommandations. Je ne vous en lirai que quelques-unes, à vous et aux membres du comité, monsieur le président.

    Les besoins particuliers des migrants ayant le Portugal pour pays d'origine ont moins à voir avec la reconnaissance formelle des qualifications techniques ou professionnelles au Canada qu'avec une refonte du système des points, le fondement de l'immigration dans la catégorie indépendante, ou la catégorie des travailleurs qualifiés comme on dit aujourd'hui.

    Le Congrès national portugais-canadien est en faveur d'une politique d'immigration qui tient compte de l'initiative individuelle, qui répond aux besoins d'un employeur et d'un travailleur prêts à s'engager mutuellement et qui transforme les travailleurs sans papiers en travailleurs temporaires en situation régulière.

    Nous sommes en faveur d'un système de migration parrainée et non parrainée qui reconnaît la bonne intégration dans la main-d'oeuvre canadienne comme le fondement du statut de résident permanent.

    Le congrès est en faveur d'un programme de régularisation des travailleurs sans papiers employés qui en fassent aussi de futurs citoyens canadiens.

    Sur le plan de l'expulsion des ressortissants étrangers, je fais mention particulièrement de ceux arrivés au Canada comme mineurs. Nous pensons que la modification de la LIPR, plus particulièrement du paragraphe 64(1), par la suppression des mots « grande criminalité », s'impose. À défaut, il faudrait modifier la prise en compte de la détention sous garde (temps mort), plus précisément ne pas compter le « temps mort » comme une peine pouvant interdire l'accès à un appel devant un tribunal compétent ou, si elle doit compter, la compter jour pour jour et non comme un désavantage accru.

    Il faudrait également donner accès à ceux qui, autrement, seraient assujettis à une peine de moins de deux ans, à de meilleurs programmes de réinsertion, à leur choix, sans qu'ils doivent demander une peine plus longue pour y avoir droit.

    En outre, il faudrait élaborer des critères principalement objectifs pour le système de points afin de donner aux personnes assujetties à une peine de deux ans ou plus, et donc à l'expulsion automatique, un droit d'appel devant un tribunal compétent. Le système de points tiendrait compte de plusieurs circonstances et se concentrerait principalement sur les facteurs qui peuvent être vérifiés de manière indépendante et objective. Par ordre de priorité, ces facteurs comprendraient notamment l'âge au moment de l'immigration, le nombre d'années de résidence, le dossier criminel et le risque de récidive, le danger pour le public, les personnes à charge au Canada, le dossier d'emploi au Canada, les problèmes de santé physique et mentale, y compris la toxicomanie. Si la personne remplit les critères objectifs du système de points, elle aura le droit d'interjeter appel de l'expulsion devant le tribunal compétent.

    De manière plus générale, il faudrait examiner les programmes d'établissement des immigrants et prendre des mesures supplémentaires pour s'assurer que les résidents permanents actuels et les futurs immigrants au Canada sont informés des avantages et des inconvénients de la citoyenneté canadienne.

Cette information devrait être diffusée en diverses langues.

¹  +-(1525)  

    Enfin, en collaboration avec les barreaux provinciaux, il faudrait s'assurer que les juges, les procureurs et les avocats sont informés des conséquences possibles du droit pénal sur le statut d'immigrant.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons à M. McLeod.

+-

    M. Norman McLeod (gérant, Politiques des stratégies sociales, Municipalité régionale de Peel): Merci beaucoup.

    Je transmets les regrets de notre président, qui espérait initialement comparaître ici en personne. Mais il est retenu aujourd'hui par les affaires régionales et je suis donc venu le remplacer. C'est pour moi un plaisir et je vous remercie de nous avoir invités.

    Il y a deux ans, la région de Peel a présenté une résolution officielle au gouvernement fédéral, indiquant que nous sommes prêts à mettre en oeuvre à titre de projet pilote quelques solutions novatrices en vue de l'intégration des immigrants dans la société locale. Mon but aujourd'hui est de renouveler cette proposition ou offre et de souligner le rôle que les municipalités peuvent jouer comme porte d'accès à la collectivité.

    L'intégration des immigrants dans la population active est un processus complexe, mais il se trouve que c'est au niveau des localités que se passe la vie concrète et que les gouvernements municipaux sont la porte d'accès aux autres secteurs de la collectivité. Lorsque nous avons proposé cela il y a quelques années, le gouvernement fédéral réfléchissait à un processus intitulé « La stratégie d'innovation du Canada » et nous pensions qu'il avait mis le doigt sur quelque chose d'intéressant consistant à réunir les secteurs au niveau local pour les amener à se concerter entre eux.

    Nous voulons promouvoir Peel comme site d'un projet potentiel car nous sommes à la pointe de tout ce processus. Si vous considérez l'agglomération de Toronto dans son ensemble, vous pouvez voir que c'est nous qui recevons la plus forte concentration d'immigrants du pays. Si l'on regarde les modalités, la dynamique actuelle, ils s'installent de plus en plus directement en banlieue, dans le district 905. Le flux d'immigration de Peel est déjà passé de moins de 12 p. 100 à plus de 20 p. 100 en l'espace de trois ans, étant donné le nombre d'immigrants qui afflue dans l'agglomération. Les immigrants ne s'installent plus d'abord dans le quartier du marché Kensington pour migrer ensuite vers la périphérie, génération après génération, ils s'installent directement en périphérie.

    Nous sommes à la pointe de toute cette problématique ici, à Peel, et à bien des égards nous pouvons offrir un nouveau départ. Nous n'avons pas la longue histoire des quartiers centraux avec leur infrastructure d'établissement qui remonte à des générations. C'est pour nous un désavantage—nous avons énormément de retard—mais c'est aussi un avantage si l'on veut mettre à l'essai de nouvelles approches de l'intégration des immigrants. Nous vous offrons cela, ainsi que nos bons offices pour la mise en oeuvre.

¹  +-(1530)  

+-

    Le président: Merci infiniment.

    Nous allons maintenant passer aux questions.

    Madame Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président et merci à vous tous de votre temps et de vos exposés. Ils m'ont certainement beaucoup appris.

    Ma question porte sur le fait, d'une part, que nous avons une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée au Canada mais que, d'autre part, lorsque les gens nous arrivent avec le système des points, leurs compétences sont reconnues dans leur pays d'origine mais non chez nous. Ainsi, des médecins sont chauffeurs de taxi et des ingénieurs sont pompistes.

    Il faut faire quelque chose pour y remédier. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quoi?

+-

    Mme Della Croteau: Au nom de l'Ordre des pharmaciens de l'Ontario... nous avons désespérément besoin de pharmaciens. Beaucoup de pharmaciens nous arrivent de l'étranger et nous collaborons à un programme de transition pour les aider à acquérir la formation voulue. Ces pharmaciens vont à l'université et suivent un programme de formation. Avant que nous mettions en place ce programme de transition, avec la participation des établissements éducatifs, rien de tel n'était disponible. Comment pourrait-on former ces gens autrement?

    Jadis, on les plaçait dans une pharmacie en espérant qu'ils acquièrent les compétences voulues, mais ceci est un système bien meilleur et bien plus efficient; ils acquièrent les compétence et la formation dont ils ont besoin beaucoup plus vite et avec ce programme, ils bénéficient d'un mentorat sur le lieu de travail.

    Je signale d'ailleurs que les employeurs sont très satisfaits des diplômés qui sortent de ce programme et beaucoup financent même ces étudiants de façon à obtenir la qualité professionnelle qu'ils souhaitent sur le lieu de travail.

+-

    M. Peter Ferreira: C'est une très bonne question.

    Ma collègue, dans son mémoire, a dit que ces publicités que l'on voit à l'étranger...

    Je suis en partie responsable, car certaines de ces publicités sont de moi. Comme je l'ai dit dans mon mémoire, je suis ancien agent supérieur du ministère de l'Immigration. Je suis consultant parajuridique et j'ai des bureaux en Inde et au Moyen-Orient, et vous avez peut-être vu certaines de mes annonces.

    De fait, mon cabinet fait venir des milliers de personnes chaque année, des personnes qualifiées qui ont en moyenne 17 années de scolarité. Ce sont des pharmaciens, des dentistes, des comptables... de tout.

    Je promeus évidemment le Canada. C'est mon boulot. Mais je leur dois également l'explication qu'une fois qu'ils arriveront ici, il sera extrêmement difficile de faire reconnaître leurs titres de compétence. Je suis heureux d'entendre que votre association tend les bras à ces gens, et je suppose donc que vous ferez tout pour faciliter—jusqu'à un certain point, le maximum—autant que vous pourrez. Mais ce problème existe depuis de nombreuses années et, comme vous, je n'apprécie pas de lire dans les journaux plein d'histoires sur ces chauffeurs de taxi surqualifiés. Cela doit cesser.

    Sans faire de reproche à aucun gouvernement en particulier, je pense que la province devrait faire plus. Manifestement, l'accréditation est principalement le fait de ces organes publics et le gouvernement provincial pourrait faire beaucoup plus.

    C'est regrettable, car j'ai des clients qui persistent à essayer pendant deux ou trois ans, et nous savons ce que la plupart d'entre eux finissent par faire. Ils finissent par rentrer chez eux, et c'est dommage. C'est dommage car nous sommes les perdants. Le Canada n'en est pas plus riche pour autant.

    L'un de mes collègues disait que ces gens possèdent une haute instruction qui ne nous a rien coûté. Le Canada n'a pas dépensé un sou pour instruire ces gens. Je ne veux pas mettre en question ce que font ou ne font pas les organisations professionnelles, je crois qu'elles font réellement tout ce qu'elles peuvent et un jour elles vont régler ce problème.

    Je vois le problème tous les jours et cela me frustre car nous perdons beaucoup de bons éléments.

¹  +-(1535)  

+-

    M. Norman McLeod: Les diplômes ne sont qu'une partie du problème. Notre région est très active au sein du Toronto Region Immigrant Employment Council et nous nous débattons avec ce problème depuis longtemps autour de cette table.

    Il y a un autre élément dans cette problématique, l'expérience professionnelle. Nombre des solutions qui ont été proposées focalisent sur les immigrants eux-mêmes sur le rattrapage des connaissances qu'ils ont à effectuer. Mais nous pensons qu'il y a beaucoup à faire aussi pour éduquer les employeurs et les aider à interpréter non seulement les diplômes mais aussi l'expérience que possèdent les immigrants. L'expérience est souvent la plus grande partie du problème, même pour ceux qui ont les diplômes, et un employeur qui ne peut interpréter ou comprendre l'expérience et ne sait pas comment contacter les personnes de référence n'est pas en mesure d'évaluer ces personnes.

    Une des propositions que vous trouverez dans notre mémoire préconise que le gouvernement fédéral prenne la tête d'une campagne pour éduquer les entreprises concernant les qualifications et l'expérience des immigrants. Là encore, nous pensons que la meilleure façon est de lancer des projets pilotes au niveau local, pour rassembler les employeurs locaux et leur offrir de les aider à interpréter ces compétences

+-

    Mme Anica Raskovic: Bien que je n'ai pas abordé cela, je peux en parler néanmoins. Je suis immigrante et je connais les mêmes problèmes. Je pense que c'est une réellement bonne question.

    Parfois, je pense que c'est le système de points lui-même qui induit les immigrants en erreur, car si vous recrutez des immigrants dans le monde en fonction de leur profession, ils s'attendent à ce que nous, au Canada, respecteront ces compétences et qu'ils pourront les exercer chez nous.

    Dans mon travail, je travaille avec des enfants, des adolescents et des familles, mais la plupart des parents sont des immigrants et ce problème est sans cesse évoqué. Lorsque les gens m'indiquent leur expérience professionnelle et leurs titres de compétences, je suis toujours étonnée. Comme vous l'avez dit, ils sont chauffeurs de taxi et nettoyeurs, et cela peut aller quelques temps mais vous savez tous que lorsque les gens sont coupés trop longtemps de leur profession, il est très difficile de la réintégrer.

    Je pense donc qu'il faudrait un meilleur système, peut-être en commençant déjà à l'étranger. Il faudrait faire quelque chose avant même qu'ils arrivent au Canada. Il faut mieux informer les gens afin qu'ils puissent peut-être se préparer déjà dans leur pays d'origine, avant leur arrivée ici.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à M. Roger Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président.

    Madame Raskovic, il y a trois éléments. Vous parlez des femmes immigrantes victimes d'agressions ou d'abus et des assistées sociales. Ce sont trois étiquettes difficiles à porter.

    Qu'est-ce qui peut être fait pour rebâtir l'estime personnelle de ces personnes? La situation n'est pas facile pour les immigrantes victimes d'agressions qui sont en plus des assistées sociales. Est-ce qu'on peut, avec une loi en matière d'immigration, travailler sur l'estime personnelle de ces femmes?

¹  +-(1540)  

[Traduction]

+-

    Mme Anica Raskovic: Si j'ai bien compris la question, ce que l'on peut faire pour l'estime de soi de ces femmes, je pense réellement que lorsqu'une femme est mariée à un Canadien, elle devrait recevoir la résidence permanente et plus tard la possibilité d'être naturalisée. Avec les dispositions actuelles de la loi, la femme est à la merci de son partenaire, selon qu'il veut ou ne veut pas la parrainer. Souvent, l'homme utilise cela comme un instrument d'oppression. Il refuse de la parrainer afin de la tenir à sa merci. La solution est donc d'accorder immédiatement le statut de résidente permanente.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci. J'ai une question cette fois pour M. Ferreira, du Congrès national portugais-canadien. Je le remercie pour l'excellente présentation qu'il a faite.

    Ma question porte sur les conséquences du droit pénal sur le statut de l'immigrant. C'est la première fois que j'entends dire qu'il y a un impact, lorsque les juges prononcent une condamnation ou lorsque les avocats et les procureurs en demandent une. Souvent, ils ne soupçonnent pas que cela peut avoir une influence sur le statut d'un immigrant.

    J'aimerais que vous me donniez un exemple où une telle condamnation de la part d'un juge peut avoir des conséquences absolument désastreuses pour la suite de la demande de citoyenneté d'un immigrant ou d'un nouvel arrivant.

[Traduction]

+-

    M. Peter Ferreira: Si j'ai bien saisi la question, nous voyons de temps à autre des immigrants condamnés pour une infraction relativement grave. Je ne parle pas ici de meurtre ni de rien du genre. Nous parlons de gens qui, la plupart du temps, seraient condamnés à moins de deux ans, mais qui, du fait qu'ils souhaitent avoir accès à une assistance dans le système carcéral, des services d'insertion, parfois plaident coupables et écopent de plus de deux ans.

    Avec une peine de deux ans et plus, c'est l'expulsion automatique. Nous disons donc qu'il faut sensibiliser les avocats et d'autres qui ont affaire avec ce justiciable pour assurer que ces autres facteurs, dont j'ai dressé la liste, soient pris en compte. Je connais des personnes qui sont au Canada depuis l'âge de six semaines ou six mois. Elles sont toutes autant Canadiennes que nous. La seule différence, c'est que leurs parents n'ont jamais pris la peine de remplir les formulaires ou ne savaient pas que c'était nécessaire.

    En portant cela à votre attention, nous espérons que votre comité recommandera aux parties intéressées de prendre en compte tous ces éléments. Nous voyons des gens que l'on expédie à la hâte à travers le système, car comme nous le savons, il y a des listes d'attente, les tribunaux sont encombrés et il y a beaucoup de pression pour boucler les dossiers de manière favorable au système.

    Nous disons qu'il est injuste qu'il n'existe aucun droit d'appel pour une personne condamnée à deux ans et un jour, ou une peine de cet ordre. Lorsqu'on a supprimé le droit d'appel... car, souvenez-vous, auparavant des personnes pouvaient s'adresser à la Commission d'appel de l'immigration. Ce n'est plus le cas. Je dis qu'il faudrait revoir cela, car cela semblait marcher.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: J'ai une dernière question, cette fois pour M. McLeod, membre du conseil de la Municipalité régionale de Peel.

    Vous aviez fait une offre au gouvernement du Canada en 2003. Il est rare de voir une région ou une ville aussi enthousiaste pour accueillir des immigrants. Les immigrants représentent déjà 43 p. 100 de la population de Peel.

    Est-ce que le fédéral a accepté votre offre de projet-pilote pour faire des programmes de formation à l'emploi en 2003? On aurait dû sauter sur l'occasion. Est-ce que le fédéral a dit oui à cette proposition?

¹  +-(1545)  

[Traduction]

+-

    M. Norman McLeod: Je ne serais pas là si c'était le cas; d'ailleurs, c'est pourquoi nous renouvelons l'offre. Le besoin va grandissant et plus nous nous intéressons à la question, et plus nous avons une vision claire de ce qu'il faut faire. Nous renouvelons l'offre parce que personne... nous avons reçu, bien sûr, une réponse polie du ministre, mais je pense qu'il y a eu une élection et quelques autres changements depuis.

+-

    M. Roger Clavet: Et cela englobera Brampton et Mississauga?

+-

    M. Norman McLeod: Brampton et Mississauga et Caledon. Ce sont les trois municipalités qui...

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci, monsieur McLeod.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci à tous des exposés que vous avez présentés cet après-midi; ils nous sont très utiles. Je sais qu'il est difficile de raconter votre expérience personnelle dans un cadre comme celui-ci, et nous vous en remercions.

    J'ai une question pour vous, monsieur McLeod. Est-ce que les immigrants parviennent facilement à trouver du travail dans les petites et moyennes entreprises dans la région de Peel? C'est l'une des choses que vous avez mentionnées, que vous comptez 75 000 entreprises dans la région. On nous a parlé de succès enregistrés auprès des grosses sociétés, mais on nous parle rarement des petites ou moyennes entreprises et j'aimerais savoir si vous avez des expériences positives dans votre région dont vous pourriez nous parler.

+-

    M. Norman McLeod: J'espère vous apporter ces récits de réussite un jour, mai c'est justement le but de toute notre offre. De fait, nous avons conscience que c'est là où il faut agir, que la majorité des emplois sont dans les petites et moyennes entreprises. Nous accès à ces dernières par le biais d'un réseau local. Nous pensons que c'est le meilleur moyen.

    Nous pilotons le programme de mentorat à Peel. La région de Peel collabore avec le Toronto Region Immigrant Employment Council sur un programme pilote à Peel et nous espérons que ce sera l'un des résultats.

+-

    M. Bill Siksay: Mais il n'a pas encore démarré.

+-

    M. Norman McLeod: Il commence tout juste.

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur Ferreira, vous dites être l'un de ceux qui font de la publicité outre-mer et je ne peux m'empêcher de vous poser quelques questions à ce sujet. Vous dites également que nous perdons des immigrants déçus de ce qu'ils trouvent ici.

    On nous a beaucoup parlé de la nécessité de mieux renseigner les gens sur le Canada. On nous dit également que les candidats à l'immigration tendent à être parmi les gens les plus optimistes et remplis d'espoir du monde, ce qui signifie souvent qu'ils ne veulent pas entendre les choses négatives. Je soupçonne donc que vous avez essayé de mettre les points sur les i avec certains clients, qu'ils sont venus quand même et sont repartis déçus.

    Pourriez-vous nous dire, sur la foi de votre expérience propre, quel genre d'information nous devrions dispenser et comment aider les candidats à la comprendre ou à l'entendre plus clairement que ce ne semble être le cas aujourd'hui?

+-

    M. Peter Ferreira: Oui, je suis l'un de ceux qui va plus loin et leur dit que, bien souvent, ils constateront que le Canada n'est pas le pays qu'ils imaginaient, mais qu'avec beaucoup de travail, des sacrifices et en frappant à beaucoup de portes, ils réussiront. Le Canada reste quand même une terre d'opportunité.

    Ceux qui sont repartis pensent peut-être que je les ai un peu trompés, mais bien entendu, lorsque vous avez des statistiques qui disent six ou sept d'années d'affilée que nous sommes le meilleur pays du monde, il est très facile de vendre l'image du Canada.

    Il est vrai que certains sont repartis chez eux, quel que soit leur pays d'origine. Je connais mieux le sous-continent indien, car la plupart de mes clients viennent de cette région du monde et de la Chine.

    Que pourrait faire le gouvernement canadien de plus? Ils ont de belles brochures dans les bureaux de visa canadiens, avec des photos sur papier glacé montrant de merveilleuses montagnes et dépeignant une qualité de vie... c'est le genre de choses que j'emmène avec moi dans mes visites dans les régions. Je vends dont évidemment le Canada et je suis l'un de ces ambassadeurs itinérants, très fiers d'être Canadien.

    Bien sûr, nous avons des candidats à l'immigration qui se tournent vers l'Australie et d'autres pays, et ils songent aux États-Unis, bien entendu. Certains utilisent le Canada comme porte d'entrée dérobée aux États-Unis, non pour la raison que vous pouvez croire, mais pour la bonne raison—non pas que vous pensiez à cela, mais il s'est produit tant de choses depuis le 11 septembre que je dois surveiller mes propos, car si je dis qu'ils ont l'intention d'aller aux États-Unis, ils ont manifestement l'intention de réussir et de s'installer aux États-Unis, pour une part d'entre eux. Nous en perdons donc quelques-uns au profit des États-Unis, c'est évident.

    Je pense que les ambassades et bureaux de visa canadiens outre-mer pourraient donner plus de renseignements sur le processus d'accréditation. Ils pourraient mieux renseigner les gens sur la façon de contacter ces organismes. Ils ne le font pas. Je dois le faire moi-même, car sinon...

    Nous parlons-là de gens intelligents. Nous parlons de gens très instruits. Alors que dans mon mémoire je traitais principalement des immigrants pas ou peu instruits, j'ai préconisé un mélange vu les personnes que je représente.

    Le système des points, à l'heure actuelle, pénalise mes compatriotes. Il n'y a probablement plus d'immigration du Portugal, à l'exception des parents et grands-parents, mais pour ce qui est de la main-d'oeuvre qualifiée, il n'y en a pratiquement plus. Vous aurez de la chance si vous en trouvez 20 ou 30 comparé aux 25 000 qui viennent du continent indien.

    Je pense donc que, par le biais des bureaux de visa—qui sont surchargés, je le sais—le gouvernement pourrait à tout le moins dispenser de l'information, sur le site Internet gouvernemental ou sur copie papier, à nombre de ces gens.

    Je fais ce travail de mon propre chef. J'ai des liens vers le Star. J'ai des liens vers les gouvernements provinciaux. J'espère que certains de mes clients utiliseront ces liens et, bien sûr, j'espère aussi qu'ils trouveront leur chemin vers ces associations qui vont régir leur vie professionnelle.

    Je ne pense donc pas que cela coûterait trop cher au gouvernement à faire. Nous ne parlons pas de millions et de millions de dollars. Nous parlons d'imprimer quelques brochures contenant des renseignements utiles. Nous cherchons à convaincre ces gens de s'établir chez nous. Nous voulons qu'ils s'y installent vraiment. D'ailleurs, comme vous le savez, ils ont tous besoin d'un minimum d'argent pour réussir leur adaptation. Nous parlons de six mois, et si vous êtes célibataire, il vous faut 10 000 $. Si vous n'avez pas 10 000 $ en poche, vous ne venez pas. Mais c'est presque comme si c'était tout ce qui nous intéresse. Vous avez les 10 000 $ au cas où vous soyez chômeur pendant six mois? Très bien, parfait. Mais on ne leur dit pas grand-chose d'autre.

    Je fais ce travail depuis 30 ans. J'ai commencé en 1975. J'ai travaillé dans la fonction publique et en dehors. Si je suis fier dans une certaine mesure de ce que je fais... « fier » n'est pas le bon mot; si je suis satisfait de fournir à mes clients l'information dont ils ont besoin, je ne suis pas en mesure de couvrir tous les aspects. Il y a des limites à ce que je peux faire. Je pense donc que le gouvernement pourrait être un meilleur partenaire à cet égard.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Je peux vous assurer que je vous ai accordé du temps supplémentaire.

    Monsieur Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président et merci aux témoins de leurs exposés d'aujourd'hui.

    J'aimerais continuer avec vous, Peter. Pensez-vous que les consultants travaillant au Canada sont astreints à des exigences éducatives et professionnelles suffisantes?

+-

    M. Peter Ferreira: Pendant très longtemps, monsieur, je ne le pensais pas. J'ai toujours quelques réserves, mais je m'explique.

    Jusqu'il y a un an environ, j'étais le directeur de l'Organisation des conseillers professionnels en immigration, l'OCPI, qui n'existe plus. Cela faisait 15 années que nous faisions pression sur le gouvernement fédéral. Nous payions des lobbyistes pour intervenir auprès du ministre de l'Immigration afin qu'il impose une réglementation couvrant les consultants en immigration. Nous l'avons finalement obtenue l'an dernier. Il a fallu 15 ans. Il semblait que nul ne voulait toucher à cela à Ottawa. Je suis maintenant membre de la Société canadienne des consultants en immigration, SCCI.

    Beaucoup d'autres ont passé leurs examens jusqu'à présent, mais c'est un examen préliminaire. Nous allons devoir subir un autre examen d'ici la fin de l'année. J'espère que nous pourrons éliminer beaucoup de ces gens qui sont capables d'étudier mais n'ont pas l'expérience pratique et les connaissances pour offrir un service satisfaisant aux clients.

    J'ai donc encore des réserves. Je suis beaucoup plus rassuré, maintenant que nous avons la SCCI de notre côté. C'est un organe établi par le gouvernement qui supervise mes prestations.

+-

    M. Lui Temelkovski: Est-ce que moi, simple particulier, je pourrais aller recruter des immigrants à l'étranger? Dois-je répondre à certaines exigences comme vous, ou êtes-vous limité aux déplacements à l'étranger?

¹  +-(1555)  

+-

    M. Peter Ferreira: Vous n'avez besoin de répondre à cette exigence que si vous signez une demande pour le compte de votre client et que vous déclarez avoir dressé cette demande.

    Ce qui se passe, c'est que beaucoup de gens qui échouent à l'examen agissent comme experts-conseils de manière anonyme, sans apposer leur nom ou celui de leur cabinet sur les demandes. Ils donneront l'apparence que leurs clients présentent leur demande de façon autonome.

+-

    M. Lui Temelkovski: J'ai une dernière question là-dessus. Est-ce qu'un consultant peut faire beaucoup plus que faciliter les formalités auprès du ministère? Pouvez-vous influencer...

+-

    M. Peter Ferreira: Non. Certains de mes clients peuvent croire que je peux influencer les employés de CIC, mais je m'en abstiens totalement. J'espère que ma bonne réputation contribuera au succès de mon client, mais je n'y compte pas. Si un client vient me voir qui n'est pas admissible à immigrer, je lui dis carrément : « Vous ne parlez pas anglais, vous n'êtes pas admissible. Vous n'avez pas les 15 années de scolarité requises ».

    Ce qui se passe souvent, c'est que vous aurez des consultants peu scrupuleux qui diront à leurs clients qu'ils sont admissibles alors qu'ils ne le sont pas. Je veux dire que je ne peux parler que pour moi. Je sais ce que moi je fais.

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci.

    Madame Croteau, en ce qui concerne la profession pharmaceutique, nous avons reçu quelques pharmaciens, ainsi que l'association elle-même. Les candidats ne sont autorisés à passer l'examen de pharmacien que deux fois, après quoi ils ne peuvent plus s'y présenter.

    Est-ce qu'il existe des conditions distinctes pour les pharmaciens formés à l'étranger, sachant qu'il existe une telle pénurie de pharmaciens au Canada?

+-

    Mme Della Croteau: Eh bien, notre approche a été de leur proposer un enseignement qui leur permette de remplir les conditions. Des centaines de personnes sont maintenant passées par notre programme de transition. Notre taux de réussite—je l'indique dans le mémoire—est d'environ 96 p. 100 à ces examens pour nos diplômés. Au lieu que les gens présentent ces examens à répétition, notre méthode est de leur dispenser le savoir et les compétences requises pour réussir l'examen et pouvoir exercer au Canada.

    Je crois savoir que le Bureau des examinateurs en pharmacie du Canada va comparaître devant vous. Toutes les provinces ont recours au Bureau des examinateurs en pharmacie du Canada comme organe d'accréditation. Notre approche, dans la province, a été de faire en sorte que ces candidats possèdent le savoir et les compétences requises pour que l'examen ne soit pas un problème.

    Si nous leur enseignons les mêmes choses qu'à nos diplômés de l'Université de Toronto, qui eux aussi ont un taux de réussite de 96 p. 100, alors ce sera l'égalité des chances.

+-

    M. Lui Temelkovski: Existe-t-il beaucoup de différences entre des pharmaciens formés en Allemagne et ceux formés au Canada?

+-

    Mme Della Croteau: Nous ne voyons pas beaucoup de pharmaciens formés en Allemagne. Beaucoup de nos pharmaciens viennent d'Égypte, d'Inde, du Pakistan—du monde entier, mais nous voyons très peu d'Européens. Il y a une pénurie de pharmaciens en Europe, et donc nous recevons très peu d'immigrants venant d'Europe.

    La pratique chez nous est très similaire à celle du Royaume-Uni, d'Australie et d'Afrique du Sud. Ce sont les pays où la pratique est la plus semblable.

    Les pharmaciens diplômés en Inde, par exemple, travaillent le plus souvent dans l'industrie pharmaceutique et la fabrication de médicaments, qui sont de très bons emplois en Inde, et ils y sont très respectés. Lorsqu'ils arrivent au Canada, ce n'est pas... Ils n'ont pas besoin d'une licence chez nous pour faire ce travail. C'est un système totalement différent, et s'ils veulent exercer la pharmacie au Canada, il leur faut un ensemble de compétences différent. Il y a donc un malentendu.

    Puis-je également ajouter qu'ils ont besoin habituellement d'une année de formation pratique et je crois qu'un candidat aurait beaucoup de chances s'il parvient à remplir toutes les exigences en un an. Souvent, ils arrivent avec de la famille. Aussi, beaucoup d'entre eux nous ont dit—parce qu'ils sont pharmaciens en exercice dans leur pays—que nous devons les préparer pour qu'ils puissent subvenir aux besoins de leur famille pendant ce temps, que s'ils avaient été mieux préparés, ils ne se trouveraient pas dans cette situation difficile. Ils suivent le programme de transition tout en occupant un emploi afin de pouvoir payer le loyer.

    Nous pourrions mieux les préparer. Vu qu'ils sont des professionnels, ils pourraient avoir ces fonds disponibles—10 000 $.

º  +-(1600)  

+-

    M. Lui Temelkovski: J'ai une autre question pour Peter. Vous pourriez peut-être me répondre là-dessus.

    Vous avez mentionné que le Canada ne dépense pas un sou pour les études de ces professionnels étrangers et je crois que vous avez placé cela sous un jour positif, le fait que cela ne nous coûte rien.

+-

    M. Peter Ferreira: C'est juste.

+-

    M. Lui Temelkovski: Mais que pensez-vous de l'envers de la médaille?

+-

    M. Peter Ferreira: C'est une situation entièrement favorable pour le Canada. Je ne vois pas d'envers de la médaille, mais à ce stade—et ce n'est pas réellement ce que j'ai abordé dans le mémoire, si l'on veut baisser la note de passage ou abaisser la barre... mais l'envers de la médaille... Je ne sais pas. Je suis de nature positive et je pense que le Canada ne dépense... Évidemment, si quelqu'un arrive au Canada et va trébucher... le Canada va devoir...

+-

    M. Lui Temelkovski: Je vais vous aider. Que penseriez-vous si nous avions une centaine de pharmaciens par an quittant le Canada pour s'installer ailleurs? C'est cela l'envers de la médaille.

+-

    M. Peter Ferreira: C'est juste. D'accord, je comprends maintenant la question.

    Oui, et cela arrive. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il y en a qui partent au sud—c'est sûr, il y en a. Il n'y a pas que ceux qui vendent les médicaments sur l'Internet, il en part physiquement. Mais ce ne sont pas des pharmaciens.

+-

    M. Lui Temelkovski: En les faisant venir d'Afrique du Sud ou de Somalie ou d'ailleurs, n'avons-nous pas des obligations internationales envers ces pays? Il en coûte 100 000 $ à ce pays pour former un pharmacien.

+-

    M. Peter Ferreira: Certains de ces pays considèrent cela comme du vol, oui. Mais là encore...

+-

    M. Lui Temelkovski: Est-ce que nous considérerions cela comme du vol s'ils partaient de chez nous?

+-

    M. Peter Ferreira: S'ils partaient? Je pense que nous y verrions un rendement négatif sur notre investissement. Je ne sais pas si c'est du vol, mais oui, ce pourrait l'être.

+-

    M. Lui Temelkovski: D'accord, je vous remercie.

+-

    Le président: Vous avez soulevé un point très intéressant, monsieur Ferreira, et c'en est un dont nous avons déjà parlé précédemment. Il s'agit de la révocation de la citoyenneté ou de l'expulsion de gens qui sont venus ici comme enfants, peu importe que ce soit à l'âge de six mois ou de six jours ou de six ans, mais pour une raison ou pour une autre, ils n'ont pas été naturalisés et nous les mettons à la porte par excès de zèle. Ils ne sont pas arrivés avec des problèmes, tout ce qui leur est arrivé est arrivé dans ce pays. Donc, si l'on veut parler de responsabilité sociale, nous ne faisons pas preuve d'une grande responsabilité sociale en renvoyant quelqu'un dans un pays dont il ne parle pas la langue et où il ne pourra peut-être même pas survivre. L'envers de la médaille, c'est lorsque quelqu'un nous fait la même chose à l'envers, ou lorsque quelqu'un arrive ici de l'étranger sans même parler la langue.

    Dans le dernier projet de loi sur la citoyenneté—et je crois que c'est important—nous proposions d'offrir la citoyenneté aux enfants adoptés, dès l'achèvement des formalités d'adoption, ce qui est une bonne chose. Mais dans le cas de ces personnes qui sont là depuis 20 ans, d'aucuns disent qu'ils sont des citoyens de facto, et je tends à être de cet avis.

    Je pense qu'il nous faut réellement revoir cela, car cela cause beaucoup de problèmes dans les familles lorsque le gamin cause des ennuis. Il a maintenant 20 ans et on l'expulse du pays, et qu'est-ce que le restant de la famille est censé faire? Nous parlons d'institutions, et je sais que nous aimerions que la famille reste une institution autant que possible.

    C'est une question dont il ne faut pas hésiter à parler et j'espère que vous tous y réfléchirez et nous ferez part de vos avis. Il est difficile de séparer ce genre de choses de la vie sociale des nouveaux arrivants, car évidemment s'ils sont là et perdent un membre de la famille, ce sera un problème.

    L'autre chose que je voudrais mentionner, et j'en viens là au volet citoyenneté, c'est que nous réfléchissons à un préambule pour la Loi sur la citoyenneté, nous réfléchissons à un serment de citoyenneté, et nous espérons recueillir des avis là-dessus, et aussi sur le regroupement familial, car là encore c'est en rapport avec la satisfaction des immigrants dans notre pays.

    L'autre grande question c'est ce coefficient de 60-40. D'aucuns disent que ce devrait être 40-60. Des témoins nous ont dit que quelqu'un qui arrive au Canada dans la catégorie économique et gagne 30 000 $ va être très malheureux parce qu'il n'exerce pas son métier, alors que quelqu'un qui arrive dans la catégorie familiale et gagne encore moins d'argent sera heureux, parce que son orientation est différente. Il faudrait donc revoir ce rapport de 60-40. Si vous vous installez au Canada, cela doit-il signifier que vous n'aurez plus jamais de contact étroit avec vos parents? Je sais que c'est un réel problème pour ceux qui viennent de sociétés où l'on honore beaucoup plus les anciens que nous ne le faisons, ceux qui viennent d'une culture totalement différente où les parents vivent chez les enfants.

    Quoi qu'il en soit, voilà une question à laquelle vous voudrez peut-être réfléchir et nous serions heureux de vos réponses.

    M. Siksay a une question que je vais lui permettre de poser car il a eu beaucoup moins de temps que M. Temelkovski.

º  +-(1605)  

+-

    M. Bill Siksay: Je m'en tire bien cet après-midi, monsieur le président, mais je vous remercie.

    Je voulais demander à Mme Nasi de nous parler du genre d'information qu'il faudrait diffuser aux gens outre-mer, de toute la question de l'optimisme des immigrants, et de ce qu'il faudrait pour que les gens comprennent la situation qui les attend au Canada. Je sais que vous avez évoqué cela dans votre exposé et M. Ferreira en a parlé aussi, mais j'aimerais savoir si vous auriez d'autres suggestions ou commentaires à ce sujet.

+-

    Mme Zheni Nasi: Eh bien, je pense que pour les immigrants diplômés, tout le processus du départ pour le Canada commence avec la demande et s'arrête lorsqu'ils atterrissent ici. C'est pourquoi j'ai dit que c'est un travail inachevé, car si nous voulons retirer le maximum de l'immigration, nos efforts ne doivent pas s'arrêter une fois qu'ils atterrissent au Canada, il faut s'occuper d'eux ensuite.

    Donc, si quelqu'un est dans une profession réglementée, je suis fortement d'avis que l'information sur cette profession, spécifiquement, doit être fournie dès lors que la personne répond aux critères minimaux de la catégorie des immigrants qualifiés. Dans ces conditions, ils peuvent obtenir la trousse avec tous les renseignements dont ils ont besoin.

    Si le candidat qualifié à l'immigration n'est pas dans une profession réglementée, alors on peut lui donner l'information plus générale.

    Je peux vous citer maints exemples de réussite où des immigrants qualifiés, dès leur première année, touchent un salaire de six chiffres, rien qu'en passant par un cabinet de recrutement. C'est pourquoi je dis qu'ils sont un investissement. Ils ont investi dans la formation et l'éducation. Ce dont ils ont besoin, c'est de nouer des contacts dans leur spécialité et peut-être des renseignements sur la façon de faire les affaires au Canada.

    Il faut donc changer le modèle et fournir davantage d'information déjà à l'étranger. Dans mon cas, et dans celui de beaucoup d'autres que je connais, je ne suis pas passé par un consultant. C'est une bonne chose. Le gouvernement du Canada facilite beaucoup les choses aux immigrants qualifiés, ce qui leur permet de se passer d'un avocat ou d'un consultant. Mais toute l'information n'est pas dispensée.

    On m'a présenté le bon côté des choses au bureau de visa canadien. Personne à l'extérieur ne m'a induite en erreur—pas moi personnellement. Tous les immigrants qualifiés qui viennent ici n'ont pas été induits en erreur par quelqu'un.

    Le mieux que nous puissions faire, c'est distribuer autant d'information que possible. Par exemple, quelqu'un n'a pas besoin d'être ici pour obtenir l'accréditation de l'épouse. Il y a beaucoup de choses que l'on peut faire avant l'arrivée, voilà sur quoi j'insiste.

+-

    M. Bill Siksay: Madame Raskovic, je vais tenter ma chance. J'aimerais votre avis.

    Vous avez dit que le mécanisme HC est tellement compliqué qu'il est souvent inaccessible aux gens. J'aimerais que vous nous en disiez plus. Vous avez dit que c'est coûteux, qu'il faut prouver un danger outre-mer, ce genre de choses, et que ce n'est pas nécessairement l'option la plus facile ou la meilleure pour les femmes que vous décrivez.

º  +-(1610)  

+-

    Mme Anica Raskovic: Pour une femme sans papiers vivant dans une relation abusive, sa seule option pour en sortir est de demander le droit de séjour pour raison humanitaire. Mais pour être admise, elle doit avoir un emploi et être financièrement en mesure de vivre seule.

    Je vais décrire une situation où elle n'est habituellement pas admissible. Parfois, vous rencontrez une femme qui vit au Canada depuis 10 ans mais elle connaît à peine quelques mots d'anglais parce qu'elle n'a jamais le droit de sortir.

    Hormis cela, pour être admissible, elle doit prouver qu'elle serait en danger si elle rentrait dans son pays d'origine, qu'elle aurait une existence difficile, et elle doit avoir passé au Canada plus de sept ans et pouvoir payer les droits voulus. Je ne connais pas le chiffre exact, mais c'est plus de 900 $. Elle doit donc disposer de cet argent. Elle a aussi besoin d'un avocat, c'est sûr. Elle ne peut remplir les formalités seule, il lui faut donc de l'argent pour un avocat.

    J'ai dit que la plupart des demandes pour raison humanitaire sont rejetées. Seules 3 p. 100 sont acceptées. C'est la réalité.

+-

    Le président: Merci.

    Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer et de nous avoir accordé votre temps. Je sais que vous nous remerciez de vous écouter, mais c'est à nous de vous remercier de votre participation. Nous allons rédiger des rapports sur les différents sujets sur lesquels nous menons des consultations à travers le pays. Comme je l'ai dit, si vous avez d'autres avis à nous soumettre, n'hésitez pas à nous écrire. vous pouvez également suivre nos travaux. Nous avons des discussions intéressantes et recevons des témoins faisant partie des meilleurs experts sur ces sujets, et vous pouvez nous trouver sur le site Internet du Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Lorsque nous en aurons terminé avec notre travail, notre chargé de recherche, M. Ben Dolin, enverra à tout le monde une copie du rapport sur le thème sur lequel chacun a comparu.

    Merci beaucoup et merci de votre intérêt.

    Nous allons suspendre la séance pendant une quinzaine de minutes.

º  +-(1610)  


º  +-(1625)  

+-

    Le président: Nous allons reprendre la séance.

    Je vous souhaite la bienvenue à tous. Si vous avez suivi nos travaux, vous savez que nous traitons de trois grands thèmes. Aujourd'hui, nous vous invitons à faire des exposés de cinq minutes, et puisque vous êtes huit, nous allons veiller à ce qu'il n'y ait pas trop de dépassement, car nous voulons avoir le temps de vous poser quelques questions.

    Nous allons commencer avec Hong Zhu, pour cinq minutes.

º  +-(1630)  

+-

    Mme Hong Zhu (à titre personnel): Merci.

    C'est un honneur pour moi que de comparaître aujourd'hui à titre de chercheuse en immigration et d'immigrante moi-même. Je serai brève.

    Comme je le dis dans mon mémoire, j'ai fait une enquête sur l'expérience d'intégration de 39 immigrants chinois indépendants entre 1997 et 2004. Je vais répondre à la question de savoir si les problèmes d'intégration à la population active révèlent des lacunes dans les programmes d'immigration du Canada et, dans l'affirmative, quels changements il convient d'apporter aux politiques fédérales touchant le recrutement de travailleurs qualifiés.

    Je ferai état de trois constats et formulerai quatre recommandations.

    Le premier constat est que, pour survivre, et surtout pour assurer une vie stable à leurs enfants, de nombreux immigrants indépendants chinois, ou IIC, ont dû accepter des emplois de manoeuvre plutôt que d'utiliser leur expertise. Sur les 39 IIC participants, 18 ont fait du travail manuel. À long terme, comme le dit Maslow, le fait pour « des gens intelligents de mener des vies stupides en faisant un travail stupide » produit des maladies mentales, cause un manque d'harmonie familiale et engendre d'autres problèmes sociaux.

    Deuxièmement, afin de s'intégrer au milieu de travail canadien, les IIC usent de différentes stratégies pour transformer leur capital humain, tel que programmes de formation en alternance travail-étude, participation à des programmes de placement professionnel et nouveau départ à un échelon inférieur dans sa profession. L'élément décisif commun à toutes ces stratégies est la volonté d'accéder directement au milieu de travail, là où les immigrants peuvent acquérir l'expérience professionnelle canadienne et apprendre la culture d'entreprise connexe.

    Troisièmement, la maîtrise d'une langue officielle—ici l'anglais—est la clé de toutes les dimensions de l'intégration des immigrants. L'anglais est un atout à la fois comme forme de capital humain, comme moyen de présenter d'autres formes de capital humain, et comme pouvoir symbolique à tous les échelons de l'intégration des immigrants. En outre, les IIC manquent souvent d'une compétence de communication suffisante en anglais pour utiliser leur potentiel et ont donc besoin d'une formation poussée en anglais pour acquérir le vocabulaire de leur profession. Or, les programmes ALS destinés aux immigrants ont été conçus il y a des décennies pour offrir une alphabétisation de base qui ne répond pas aux besoins particuliers des immigrants professionnels.

    Je formule quatre recommandations.

    Premièrement, le gouvernement fédéral devrait indiquer clairement si la mission de l'immigration consiste simplement à accroître la population, à importer des travailleurs manuels ou à privilégier une main-d'oeuvre intellectuelle. La mission étant claire, il devrait intégrer le recrutement des immigrants au développement des ressources humaines, ajuster les catégories à l'intérieur du plan d'immigration annuel conformément aux besoins du développement économique, et revenir à la pratique des entretiens personnels avec les postulants au lieu de se fier aux résultats de tests linguistiques.

    Deuxièmement, alignez les titres de compétences exigés des immigrants membres de profession libérale sur ceux des associations professionnelles canadiennes et procédez à l'étranger à l'examen et à la reconnaissance des diplômes et titres de compétences professionnelle des postulants avant leur arrivée au Canada. Cela évitera de gaspiller le capital humain des immigrants et économisera en même temps des ressources au Canada.

    Troisièmement, financez des programmes de recyclage pour immigrants dans le cadre de l'éducation générale et affectez les crédits directement aux immigrants individuels en leur faisant suivre des programmes de formation en alternance étude-travail, des stages, et d'autres programmes d'apprentissage. Intégrez la formation linguistique à la formation sur le tas et envoyez les immigrants professionnels dans des milieux de travail en rapport avec leur profession où ils pourront acquérir les compétences et linguistiques et culturelles au contact de leurs collègues canadiens.

    Quatrièmement, je recommande que les employeurs embauchent des immigrants professionnels selon deux filières. En premier lieu, les administrations publiques devraient donner l'exemple en augmentant la proportion d'immigrants parmi les fonctionnaires. Les employés immigrants devraient être vus et entendus à tous les niveaux de gouvernement.

º  +-(1635)  

    En second lieu, le gouvernement devrait encourager d'autres employeurs à embaucher des immigrants professionnels au moyen de subventions monétaires, telles que déductions fiscales pour les entreprises qui embauchent une certaine proportion d'immigrants récents.

    Pour conclure, si le recrutement d'immigrants professionnels répond aux intérêts du Canada, le gouvernement devrait assumer l'obligation d'utiliser l'intelligence et les compétences de ces dernier, faute de quoi le Canada sera responsable du gaspillage de cet énorme capital humain.

    Les solutions sont très claires. Fournir aux immigrants professionnels une formation sur le tas, une formation dans une des langues officielles et l'accès à des milieux de travail où ils pourront utiliser leur intelligence et leurs compétences professionnelles.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je signale aux membres du comité que l'on vient de nous remettre la thèse de doctorat de Mme Zhu et on peut y lire : « Merci au Comité de la citoyenneté et de l'immigration pour son engagement envers la construction nationale du Canada ». Elle fait environ 370 pages de long, et nous allons donc la remettre à Ben qui va en faire la synthèse pour nous. Et, bien sûr, nous ferons venir Mme Zhu pour éprouver Ben et vérifier qu'il a bien tout lu.

    C'est réellement excellent.

    Je veux juste vous signaler—et je n'aime pas me répéter, c'est au cas où vous auriez manqué cela—notre comité compte 12 membres. Six d'entre eux sont nés à l'étranger. Nous avons dans notre comité les deux réfugiés siégeant à la Chambre des communes. Je suis venu comme réfugié de Hongrie en 1957. Je le dis car cela est révélateur de la nature du pays dans lequel nous vivons.

    Permettez-moi de dire que nous ne défendons pas le statu quo. Nous sommes un comité qui a choisi lui-même les sujets qu'il voulait étudier et ce sont là ceux que nous avons jugés réellement importants.

    Cela dit, si M. Siksay et M. Clavet sont nés au Canada, ils ont beaucoup de compréhension pour les nouveaux arrivants et c'est là une attitude générale au sein de notre comité.

    Merci beaucoup, madame Zhu.

    Nous entendons maintenant Shuyang Wang.

+-

    M. Shuyang Wang (à titre personnel): Bonjour, je me nomme Shuyang Wang et je suis un immigrant de fraîche date.

    J'aimerais saisir cette occasion pour parler de l'importance de la reconnaissance de l'expérience et des diplômes étrangers des immigrants arrivant au Canada.

    Je vais parler de ma propre expérience de nouveau venu au Canada. Je suis là depuis bientôt deux ans. Avant mon arrivée, j'avais déjà 14 années d'expérience professionnelle en informatique, dont quatre années comme spécialiste informaticien supérieur chez IBM. En outre, j'avais cinq certifications internationales en informatique.

    Lorsque j'ai demandé un visa d'immigrant indépendant en 2000, le marché du travail dans le secteur informatique était florissant en Amérique du Nord. J'ai dû attendre plus de trois ans mon visa. Il m'a finalement été accordé en 2003. Dans l'intervalle, je me débrouillais très bien chez IBM. On m'avait affecté à un poste de soutien de projets aux États-Unis pour un an. J'ai été averti à l'improviste de l'octroi de mon visa canadien quelques jours à peine avant mon départ pour les États-Unis.

    J'ai choisi à la place d'immigrer au Canada, suivant en cela mes rêves et mes espoirs d'un avenir meilleur pour ma famille et moi-même.

    Lorsque je suis arrivé à Toronto en juin 2003, j'ai connu toutes les difficultés d'un nouvel arrivant. Il m'a fallu plus d'un an pour apprendre l'anglais. En même temps, je suivais différents programmes d'emploi où j'ai appris à rédiger des CV et des stratégies de recherche d'emploi. Cependant, cela ne m'a pas permis de trouver de poste dans ma profession. En outre, certaines entreprises exploitaient les compétences des nouveaux arrivants en les faisant travailler sans rémunération, sous prétexte de leur offrir une expérience canadienne.

    J'ai investi toute mon énergie et tout mon enthousiasme pour m'adapter et m'intégrer à ce nouveau pays. Les gens du coin m'ont dit que ce que l'on sait compte moins que qui l'on connaît et je me suis activement intégré à différents réseaux, tels que le réseau des parents d'élèves de St.Christopher House et Parents for Action Now, une association des parents de l'Ouest de Toronto. Cela m'a permis de rencontrer beaucoup d'immigrants hautement instruits et expérimentés qui vivent des situations similaires. La plupart d'entre nous convenons qu'un bon emploi stable constitue le facteur d'ajustement et d'intégration dans la société canadienne le plus important.

    J'ai essayé de m'inscrire au programme de transition vers une carrière il y a un an, mais les critères d'admissibilité étaient tellement stricts que je n'ai pas été admis. Je me suis présenté au programme de mentorat au début de l'année et on m'a dit d'attendre jusqu'à début février pour la séance d'orientation et l'attribution d'un mentor. J'attends toujours. Je les ai rappelés et on m'a dit que je devais continuer à attendre.

    J'ai la preuve que je peux bien faire mon travail professionnel, car je fournis occasionnellement des services d'expert-conseil en informatique à une société locale.

    Pendant ces deux années de recherche d'un travail, j'ai épuisé toutes mes économies et n'ai pas eu d'autres choix que de prendre un travail manuel pour survivre. Je sais que plus longtemps je passe en dehors de ma profession et plus il me sera difficile de la réintégrer. J'ai pourtant une attitude très positive, en dépit des difficultés que je rencontre. Mais dernièrement, je me dis que j'ai pris la mauvaise décision en venant au Canada. Vivre dans ces circonstances pendant une longue période est très néfaste à la santé des nouveaux arrivants. Mes espoirs et mes rêves s'envolent, ce qui se répercute sur mon estime personnelle et mon bien-être général.

    Je vous exhorte à créer davantage de programmes d'emploi, avec une plus grande capacité, qui soient accessibles à tous les nouveaux arrivants, afin qu'ils puissent acquérir une expérience professionnelle canadienne précieuse et démontrer leurs connaissances et aptitudes professionnelles. Je pense que ces programmes finiront par conduire ces nouveaux arrivants vers un vrai emploi professionnel.

    En outre, j'espère que vous mettrez en oeuvre un meilleur système pour renseigner les nouveaux arrivants.

    Merci.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous entendons maintenant Magdalena Szmygin.

+-

    Mme Magdalena Szmygin (journaliste, à titre personnel): Bon après-midi. Je suis Magdalena Szmygin. Je suis avocate. Pour que nous nous comprenions, il est crucial que je vous explique ce que cela signifie.

    Être avocate en Pologne dans les années 80 signifiait que l'on était au sommet de l'échelle professionnelle et sociale. Pour quelque raison, les conditions à remplir pour exercer cette profession étaient très différentes de ce qu'elles sont au Canada. Contrairement à ici, nous devions habituellement réussir un examen initial, au moins pour pouvoir travailler comme procureur, avant de pouvoir accéder à la profession juridique. Donc, ceux qui étaient avocats en Pologne à cette époque, étaient hautement instruits et jouissaient de tous les privilèges d'une profession d'élite.

    Nous étions fiers de notre profession ainsi que de notre rigoureuse déontologie professionnelle. Nous préférions perdre un client plutôt que de mal le conseiller. Nous préférions perdre un procès plutôt que de le gagner d'une manière sale et socialement inacceptable. Les avocats incarnaient ce qu'il y a de mieux sur le plan de l'éthique et du savoir-faire. Être avocat signifiait être un défenseur des droits des gens. Nous considérions aussi comme notre devoir d'aider tout nouvel arrivant dans notre pays qui était avocat à intégrer la profession aussi vite et aussi facilement que possible.

    Cette longue introduction était très importante. J'espère qu'elle éclaire les raisons de certaines de mes décisions antérieures qui aujourd'hui, même à mes yeux, apparaissent naïves et fondées davantage sur des suppositions que sur la réalité.

    Cela nous amène aussi directement à mes recommandations. Si j'avais rencontré un mentor au lieu de soit-disant amis avocats au début de ma vie canadienne, je serais déjà avocate et une excellente avocate.

    Si j'avais choisi de ne pas devenir avocate, j'aurais pu faire bien meilleur usage de mes compétences dans ma carrière soigneusement planifiée. C'est pourquoi un stage spécial est un élément indispensable de tout programme d'accréditation que vous pourrez établir à l'intention des immigrants qualifiés. C'est ma deuxième recommandation.

    Je me serais aussi sentie beaucoup plus confiante si j'avais eu le soutien d'une organisation bien structurée pour m'aider dans ma vie professionnelle quotidienne et mes problèmes de transition. C'est là ma troisième recommandation.

    Enfin, j'aurais beaucoup mieux réussi si l'attitude générale des employeurs à l'égard des étrangers avait été différente, si au lieu de trouver les mots les plus aimables pour communiquer le refus presque automatique, ceux qui n'allaient pas être mes employeurs avaient cherché à réellement comprendre quels atouts j'offrais.

    Enfin, les meilleurs programmes resteront inefficaces tant que la société, ou du moins les ordres professionnels, ne comprendront pas ce que signifie être avocat, médecin, vétérinaire, informaticien dans nos pays d'origine et, inversement, tant que les avocats, médecins, vétérinaires ou informaticiens ne comprendront pas ce que signifie être professionnel au Canada. Toutes les modifications au système de reconnaissance des compétences devraient être fondées sur cet élément : la compréhension et l'acception mutuelle.

    Merci beaucoup de m'avoir invitée. Merci beaucoup de votre temps. Comme je l'ai dit dans mon mémoire écrit, je suis libre pour vous aider dans toutes vos entreprises.

º  +-(1645)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons passer à M. Benjamin.

+-

    M. Chris Benjamin (coordinateur, Bénévolat et diversité, Ressources humaines, Office de protection de la nature de Toronto et de la région): Merci de me recevoir.

    Je me nomme Chris Benjamin. Je travaille pour la Toronto and Region Conservation Authority. J'aimerais vous parler brièvement de mes expériences du travail avec des Néo-Canadiens dans le domaine environnemental.

    Je suis le coordonnateur des bénévoles et aussi coordonnateur de la diversité à la TRCA et je vois donc beaucoup de spécialistes en écologie immigrants qui cherchent à acquérir une expérience canadienne, ce qu'on leur dit être nécessaire pour trouver un emploi. Ils proposent donc de faire du travail bénévole et je cherche à les aider en identifiant des opportunités pour eux, leur permettant d'accumuler une expérience bénévole, en les formant, tout ce qu'il nous est possible de faire.

    Un phénomène que nous constatons est que beaucoup d'employeurs dans ce secteur—et je crois dans la plupart des autres secteurs—ne comprennent pas les titres de compétences que leur présentent les Néo-Canadiens. Pour cette raison, les diplômes étrangers sont sous-évalués.

    Par exemple, vous pourrez voir quelqu'un titulaire d'une maîtrise en biologie de Russie et l'on part du principe qu'elle n'est pas de même niveau qu'un diplôme canadien, et on la considère donc comme l'équivalent d'un simple baccalauréat. Or, la réalité est que le diplôme russe est tout aussi bon, voire meilleur, car souvent le baccalauréat dans les pays d'Europe de l'Est requiert un an de plus, et c'est donc une année de scolarité supplémentaire pour ces diplômés. Voilà un exemple.

    Par ailleurs, lorsque les gens font évaluer leurs diplômes par des organisations comme World Education Services, les employeurs ne reconnaissent pas l'évaluation ou ne savent pas de quoi il s'agit. Ces programmes ne sont pas suffisamment connus. Bien qu'ils fassent beaucoup de bonnes choses, ils ne sont pas totalement efficaces par manque de familiarité.

    Un autre élément est que souvent les immigrants qui parviennent jusqu'au stade de l'entretien vont commettre des erreurs parce qu'ils possèdent des schémas culturels différents. Ainsi, par exemple, dans le domaine de l'urbanisme, au lieu de choisir le tracé le plus écologique pour une conduite, ils vont choisir le tracé le plus économique. C'est ce que nous avons pu observer nous-mêmes à plusieurs reprises.

    Selon mon point de vue, il faut agir à deux niveaux, d'une part au niveau de l'immigrant lui-même, en lui fournissant la formation voulue, la familiarisation avec le contexte local, l'accréditation, le mentorat et les stages. Mais il faut aussi une action au niveau des employeurs, afin de mieux leur expliquer ce que suppose le recrutement d'un immigrant—à quoi s'attendre, la valeur d'un diplôme étranger et les différences culturelles qu'il faut connaître. Les employeurs ont besoin d'une formation culturelle et d'être mieux informés de cet énorme bassin de ressources humaines.

    J'ajouterais qu'il faut également beaucoup plus de coopération entre niveaux de gouvernement. Il me semble exister un manque de coordination entre le niveau provincial, fédéral et municipal et avec le secteur privé et sans but lucratif. Il faut réellement un effort plus global pour aider les gens à s'intégrer à l'économie, et cet effort doit commencer avant l'arrivée au Canada et se poursuivre après.

    C'est tout ce que j'ai à dire. Je signale aussi que je dois partir à 17 h 30, veuillez m'en excuser, mais je vous remercie de m'avoir reçu.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: D'accord. Merci beaucoup.

    Nous allons passer à M. Timothy Owen.

+-

    M. Timothy Owen (directeur, World Education Services): Merci de votre invitation à prendre la parole aujourd'hui. Je suis Timothy Owen et je suis le directeur de World Education Services.

    Je souscris à nombre des choses que Chris vient de mentionner.

    Nous savons tous quels sont les problèmes et je pense que le défi ici est de trouver les solutions. J'aimerais en évoquer quelques-unes et parler du rôle que des organisations comme la nôtre peuvent jouer à cet égard.

    Nous savons qu'il existe une compétition internationale pour la main-d'oeuvre hautement qualifiée et que le Canada a su dans le passé choisir et intégrer des immigrants instruits venus du monde entier, mais la concurrence s'intensifie et je crois que le Canada va perdre sa bonne réputation s'il ne renforce pas sa capacité d'intégrer ces spécialistes en cette ère de mondialisation. Nous sommes également en concurrence pour attirer les meilleurs étudiants étrangers, qui deviendront en toute probabilité la main-d'oeuvre du futur. Je pense qu'il faut appréhender tout cela dans le contexte de la reconnaissance des titres de compétences étrangers.

    World Education Services, ou WES, est une organisation internationale sans but lucratif qui évalue les diplômes étrangers. Bien que nous soyons une société indépendante, nous sommes également le service d'évaluation reconnu par le gouvernement provincial de l'Ontario, et ce depuis cinq ans.

    Nous avons pour mission de faciliter l'accès à l'emploi et aux études supérieures de personnes diplômées à l'étranger par la fourniture d'évaluations précises et fiables des titres de compétences étrangers. Nous avons une base de données informatiques qui nous donne accès à des centaines de milliers d'évaluations antérieures et qui contient des renseignements sur plus de 40 000 établissements d'enseignement dans le monde. Nous prévoyons d'évaluer cette année de 9 000 à 10 000 dossiers de personnes qui nous soumettent leurs titres de compétences.

    Nous sommes membres de l'Alliance canadienne des services d'évaluation de diplômes, un organisme d'assurance de la qualité qui regroupe cinq services d'évaluation habilités par les autorités provinciales en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba, au Québec et en Ontario. Nous promouvons les principes de bonnes pratiques pour l'évaluation des diplômes étrangers, pratiques qui sont conformes aux pratiques exemplaires énoncées par l'UNESCO.

    Nous sommes servis par un secrétariat, assuré par le Centre d'information canadien sur les diplômes internationaux, connu sous son sigle CICDI, et qui est un organe du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Il existe donc cette grande alliance entre les divers organes provinciaux responsables de l'éducation.

    Notre rôle est notamment d'assurer la transparence des méthodes d'évaluation des titres de compétences étrangers au Canada; de promouvoir leur transférabilité à travers le pays; d'assurer une plus grande uniformité des évaluations des diplômes étrangers et de promouvoir une meilleure connaissance de ces derniers dans la collectivité. Comme Chris vient de le dire, les employeurs sont peu informés de l'existence de ces services.

    L'an dernier, les membres de l'Alliance canadienne des services d'évaluation de diplômes ont assisté 27 000 personnes qui leur ont soumis leurs titres de compétence.

    Contrairement aux évaluations internes effectuées par les ordres professionnels ou les établissements postsecondaires, qui sont très nombreux comme vous le savez, les évaluations effectuées par les membres de l'Alliance donnent lieu à un rapport écrit officiel qui peut être utilisé par l'intéressé de nombreuses façons différentes tout au long de sa vie. De fait, ces rapports peuvent servir à la recherche d'emploi, peuvent être présentés à des employeurs, à des organes de réglementation, ou à des établissements d'enseignement supérieurs ou pour accéder à des programmes d'apprentissage. Tant la personne présentant les diplômes que l'institution à laquelle il est candidat reçoivent copie de ce rapport officiel.

    Les rapports attestent l'authenticité du diplôme, le statut de l'établissement et indiquent le grade ou diplôme canadien comparable, trois choses que recherchent et les organes d'accréditation et les établissements universitaires et employeurs. Souvent, ils se plaignent de ne pas connaître le statut de l'établissement ou de ne pas avoir la certitude que les documents sont authentiques. Nos rapports fournissent cette assurance.

    Les rapports peuvent également être utilisés en conjonction avec toute autre formalité requise pour déterminer l'admissibilité à un ordre professionnel ou à un établissement d'enseignement supérieur ou un emploi.

º  +-(1655)  

De fait, nos rapports sont utilisés principalement par les ordres professionnels à travers le pays pour déterminer l'accréditation des personnes ou leur admissibilité à passer les examens d'admission dans la profession réglementée. Une centaine d'ordres professionnels et 150 établissements postsecondaires à travers le Canada utilisent régulièrement l'un de ces services d'évaluation—bien que, comme vous le savez, beaucoup ne le fassent pas, surtout certains des ordres professionnels les plus importants. Nous pensons qu'en collaboration avec ces organes de réglementation, nous pouvons fournir une assistance qui accélérerait le processus d'évaluation des compétences étrangères et l'admission de ces personnes dans les professions.

    J'ai quatre recommandations. Je crois réellement que derrière tout cela, si nous voulons progresser dans ce domaine, il faut une meilleure coopération entre les autorités provinciales et fédérales. Nous savons qu'il se pose des problèmes dans tout le Canada dans ce domaine, mais sans une coopération réelle nous n'allons pas progresser. Puisque l'Alliance des services d'évaluation de diplômes est une alliance pancanadienne et est représentative des gouvernements provinciaux, celle-ci est très bien placée pour fournir cet appui.

    Les recommandations sont principalement que le gouvernement fédéral et les autorités provinciales collaborent pour encourager l'utilisation de ces services, tant par les sujets lors des démarches précédant leur départ que par les employeurs et les usagers finaux au Canada, afin que l'on soit au courant de l'existence de ces services et du fait qu'ils constituent une ressource crédible et fiable et pour que, comme Chris l'a dit, lorsque quelqu'un voit un tel rapport, il sache quoi en faire.

    Nous pensons également qu'il faut une coopération entre les gouvernements s'agissant d'élaborer et promouvoir des normes pancanadiennes d'évaluation des titres de compétence. Les ordres professionnels et certains établissements postsecondaires ont pu vous dire qu'ils ont leur propre système. Eh bien, il existe des normes internationales communes d'évaluation des diplômes étrangers et je pense qu'il vaudrait la peine d'élaborer une norme pancanadienne fondée sur ces principes internationaux.

    Enfin, il devrait exister des opportunités telles que les gouvernements fédéral et provinciaux collaboreraient pour réunir tous ceux qui évaluent les diplômes, que ce soit dans ces services provinciaux ou dans les ordres professionnels, afin de discuter et de partager les résultats de recherche et mettre au point de meilleurs mécanismes de transférabilité de ces titres de compétences.

    C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Fung.

+-

    Mme Gloria Fung (vice-présidente, Canada-Hong Kong Link): Bon après-midi. Je suis Gloria Fung. Je suis la vice-présidente de Canada-Hong Kong Link, et je suis accompagnée de Norman Beach, un membre de notre comité de l'immigration. Il enseigne également l'anglais à des immigrants et réfugiés.

    Premièrement, je voudrais remercier le comité permanent de cette invitation à présenter nos positions sur la reconnaissance de l'expérience et des diplômes étrangers.

    Canada-Hong Kong Link est une organisation communautaire sans but lucratif fondée en 1996 en vue de promouvoir l'esprit communautaire chez les Sino-Canadiens par le biais de la participation à tous les aspects de la société canadienne. Nous intervenons activement dans les politiques relatives à l'immigration, aux réfugiés et aux services d'établissement, par un éventail d'activités différentes. Nous avons déjà comparu en d'autres occasions devant le comité permanent.

    Nous allons nous concentrer aujourd'hui sur la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger. Le défaut de cette reconnaissance est considéré de longue date comme un obstacle majeur à la bonne intégration des immigrants au Canada. De nombreux travailleurs qualifiés, à leur arrivée ici, s'aperçoivent que les conditions de licence imposées empêchent leur accréditation. Ils deviennent soit chômeurs de longue durée soit sont obligés d'occuper des emplois non qualifiés à très faible salaire qui ne reflètent pas leur expérience et leurs diplômes.

    Cela conduit très souvent à la misère et à des problèmes de santé mentale. Nous avons assisté ces dernières années à un énorme exode d'immigrants, particulièrement dans la communauté sino-canadienne, où ce taux atteint 20 p. 100, comparé au taux moyen de 4 à 6 p. 100. Nombre sont désillusionnés par leurs perspectives au Canada.

    Étant donné que l'immigration est vitale à la croissance future du canada, nous pensons que le gouvernement fédéral devrait adopter une approche plus dynamique et globale de ces politiques d'immigration et d'intégration de façon à fixer le bassin des immigrants qualifiés que nous avons su attirer dans notre pays.

    Nous formulons les huit recommandations suivantes.

    Premièrement, CIC devrait ouvrir un bureau de coordination afin de faciliter l'accréditation et l'évaluation des diplômes étrangers des candidats à l'immigration qualifiés, avant même leur arrivée au Canada. Un ensemble universel de normes, critères et procédures devrait être créé afin de rationaliser le processus d'évaluation.

    Deuxièmement, pour aider les immigrants potentiels et nouveaux arrivants à remplir les conditions canadiennes d'accréditation, les collèges, universités et écoles professionnelles canadiennes pourraient offrir des cours par correspondance sur l'Internet afin d'aider les professionnels formés à l'étranger à acquérir les certificats professionnels avant même leur arrivée au Canada.

    Troisièmement, l'information sur les marchés du travail canadien, les conditions de reconnaissance professionnelle et les mécanismes d'accréditation professionnelle des diverses provinces devraient être fournies aux immigrants potentiels sur un portail Internet afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées sur leur relocalisation. Cette base de données devrait être mise à jour régulièrement avec l'aide des associations professionnelles, d'organisations commerciales, d'ONG ainsi que des gouvernements provinciaux.

    Quatrièmement, CIC devrait revoir en permanence sa politique d'immigration, particulièrement le système des points pour travailleurs qualifiés, afin d'assurer qu'elle répond aux besoins constamment changeants de notre marché du travail et de notre économie.

    Cinquièmement, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient conclure des partenariats avec les secteurs privés et bénévoles afin de supprimer les barrières à la reconnaissance de l'expérience et des titres de compétences étrangers, de manière à freiner l'exode des cerveaux. Le gouvernement devrait entreprendre de concert avec les divers intéressés une planification stratégique, un partage d'information, le suivi des enjeux et mettre en place une législation touchant la reconnaissance des titres de compétences étrangers.

    Sixièmement, une campagne de sensibilisation pour faire ressortir l'intérêt d'une expérience internationale dans l'économie mondialisée et promouvoir la diversité, l'inclusion et l'égalité en milieu de travail est essentiel si l'on veut remplir l'objectif de l'intégration des professionnels formés à l'étranger.

»  +-(1700)  

    Septièmement, divers niveaux de gouvernement devraient offrir des encouragements tels que crédits d'impôt, programmes de stages ou subventions salariales aux employeurs prêts à embaucher des professionnels formés à l'étranger.

    Enfin, une aide financière pourrait être offerte aux nouveaux arrivants désireux de s'inscrire à des programmes de transition ou suivre une formation au Canada.

    J'aimerais maintenant demander à Norman Beach de faire part de nos vues concernant les services d'établissement.

+-

    M. Norman Beach (membre du comité de l'immigration, Canada-Hong Kong Link): Merci beaucoup, Gloria.

    Merci de cette invitation.

    Je vais me concentrer sur l'aspect linguistique de l'utilisation des compétences que les immigrants nous apportent. Hong Zhu et Shuyang Wang ont tous deux mentionné la haute importance des programmes de transition qui autorisent les immigrants à utiliser leurs compétences pour réussir les examens d'accréditation et acquérir les compétences non techniques dont ils ont besoin sur un marché du travail qui ne leur est pas familier.

    Je signale également que Statistique Canada a recensé les avis de plusieurs milliers d'immigrants sur les difficultés qu'ils rencontrent s'agissant de pousser leurs études ou formation, ce qui est essentiel à la productivité et au marché du travail. Les problèmes linguistiques ont été cités au premier rang, même avant les difficultés financières.

    Évidemment, les deux vont de pair, car il est important de connaître la langue pour trouver de bons emplois et contribuer au pays.

    Le gouvernement fédéral intervient sur un plan en particulier, celui de l'apprentissage linguistique. C'est un progrès, mais il se pose un énorme problème du fait que c'est un programme à coût partagé. Cela devient un problème pour les organismes qui savent élaborer les programmes. Ils n'ont pas l'argent pour les mener à bien. Initialement, CIC pensait que les crédits fédéraux feraient plus en partageant les coûts, mais les fournisseurs de services et les gouvernements provinciaux ont du mal à contribuer leur part et cela crée un problème. C'est certainement un énorme problème en Ontario, province qui est sous-représentée dans ces projets.

    Comme nous le savons, les immigrants ontarien bénéficient du plus petit financement per capita et lorsqu'on compare le montant de ces crédits au droit d'entrée, à toutes fins pratiques les immigrants paient de leur poche les services d'établissement. En l'occurrence, je ne pense pas qu'un programme à coût partagé soit la meilleure solution et ces services devraient être pleinement financés par le gouvernement fédéral... en sus du fait que les immigrants ontariens devraient recevoir leur juste part des crédits.

    L'autre aspect est celui-ci. Lorsqu'on considère la formation linguistique avancée pour les travailleurs qualifiés, c'est un volet très important, mais un grand nombre d'immigrants nous arrivent qui ne sont pas prêts pour la formation linguistique avancée. Il peut s'agir de professionnels qualifiés, ou de conjoints ou encore de réfugiés.

    Dans neuf provinces sur dix, les demandeurs du statut de réfugié ne sont pas admissibles aux services financés par le gouvernement fédéral. Par conséquent, nous recommandons que les demandeurs du statut de réfugié deviennent admissibles à toute formation linguistique financée par le gouvernement fédéral. Les immigrants qui doivent accepter des emplois de survie à leur arrivée et ne peuvent commencer toute de suite la formation linguistique deviennent inadmissibles au bout de quelques temps. Ils ne sont plus considérés comme nouveaux arrivants. Ils ne peuvent plus suivre les cours de langue destinés aux nouveaux arrivants. Nous pensons que c'est là un énorme gaspillage. Eux aussi devraient être admissibles. Les citoyens naturalisés devraient aussi être admissibles.

    Nous savons que votre comité s'est prononcé en faveur de ces idées. Nous voulons offrir notre appui et nous espérons que cela se fera.

    Enfin, les listes d'attente sont devenues un problème sérieux au Canada et cela touche même les personnes admissibles. Du fait de la stagnation des crédits, elles doivent attendre parfois dix ans, en dehors du Québec. Est-ce que le nouveau budget va y remédier? À notre avis, non. Les 20 millions de dollars débloqués la première année pour tout le pays ne suffiront pas pour combler les besoins d'un secteur des services d'établissement en panne après près de dix années de gel des crédits. Les nombres d'immigrants sont également en hausse. L'an dernier, 15 000 personnes de plus sont arrivées. Si vous faites le calcul, à 1 500 $ en moyenne, tout cet argent supplémentaire sera absorbé par les nouveaux arrivants et je ne vois donc pas comment les gens sur les listes d'attente vont être servis.

    Le comité a recommandé il y a deux ans un financement de base per capita de 3 000 $, au lieu de la situation où neuf provinces sur dix se voient plafonnées et doivent se débrouiller avec ce qui reste. Nous saluons cette idée et souhaitons que l'on y travaille réellement.

»  +-(1705)  

    En outre, avec le niveau de financement actuel, et même avec le plan quinquennal, dans cinq ans, si les niveaux d'immigration actuels se maintiennent, le financement per capita hors Québec ne représentera plus que la moitié de l'étalon que vous proposez.

    Nous saluons l'augmentation apportée. Nous pensons simplement qu'elle est insuffisante et qu'il faudrait plus d'argent maintenant, et pas dans cinq ans.

    Je vous remercie du temps qui nous a été alloué.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons à Mme McIsaac.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac (agent de projet, Toronto Region Immigrant Employment Council): Merci, monsieur le président et honorables membres.

    Merci de votre patience et attention. Je crois que je suis la dernière d'une longue liste de témoins aujourd'hui.

    J'appartiens à la Fondation Maytree. C'est une fondation privée basée ici, à Toronto, et qui a lancé en septembre 2003 une initiative appelée Toronto Region Immigrant Employment Council en conjonction avec la Toronto City Summit Alliance.

    TRIEC, comme nous l'appelons, est un effort consistant à rassembler les différentes parties intéressées par ce problèmes. Il regroupe les employeurs, les syndicats, les organes de réglementation professionnelle, des collèges et universités, des organisations communautaires, des professionnels immigrants ainsi que les trois paliers de gouvernement—fédéral, provincial et municipal.

    Notre action est concentrée principalement sur les immigrants qualifiés et la recherche de solutions locales plus efficaces pour les intégrer dans l'économie locale. Je parlerai aujourd'hui de certaines de ces solutions et des leçons que nous avons apprises jusqu'à présent.

    Nous avons trois objectifs fondamentaux chez TRIEC. Le premier consiste à améliorer l'accès aux services pertinents et à valeur ajoutée qui soutiennent l'intégration au marché du travail des immigrants qualifiés. Notre travail dans ce domaine jusqu'à présent a privilégié les programmes de stage et de mentorat. Vous avez déjà entendu le témoignage de Career Bridge aujourd'hui, et je ne vais donc pas m'attarder là-dessus, sauf pour souligner la qualité des résultats.

    Cependant, comme nous l'a dit M. Wang, cela ne suffit pas. Il faut élargir ce programme. Il faut offrir davantage de stages. Cent cinquante stages en 12 mois dans une ville qui reçoit plus de 100 000 immigrants ne représentent même pas une goutte d'eau dans une baignoire. Ce genre de programmes doit disposer de ressources et d'une capacité accrue afin que davantage de personnes puissent bénéficier du taux d'embauche de 85 p. 100 que connaissent les inscrits à ce programme.

    TRIEC a également lancé une initiative de mentorat qui met les immigrants qualifiés en rapport avec des homologues employés dans leur profession, mettant ainsi à leur portée le capital social et les réseaux qui sont une partie indispensable de toute recherche d'emploi. Dans ces initiatives, nous travaillons non seulement avec les pouvoirs publics comme partenaires mais aussi avec des organisations communautaires, des établissements d'enseignement et, surtout, des employeurs. La clé du succès est notre partenariat avec les employeurs.

    Un autre volet important des services aux immigrants, c'est l'enseignement de la langue, comme nous venons de l'entendre. Maints immigrants possèdent les compétences techniques nécessaires pour exercer leur profession, mais ne possèdent pas le vocabulaire propre à leur spécialité et les compétences de communication requises pour s'imposer sur le marché du travail.

    Les investissements futurs dans la formation linguistique devront englober les aptitudes à la communication en milieu de travail. La formation linguistique actuelle financée par le programme fédéral de Cours de langue pour les immigrants au Canada se limite aux rudiments de la langue et ne s'étend pas aux aptitudes supérieures requises par le marché du travail. Les employeurs nous disent—et je pense que l'intérêt de TRIEC est que les employeurs sont très bien représentés chez nous—que le niveau CLIC 5 ne suffit pas. Il faut élargir l'accès aux crédits de formation linguistique accrus dont M. Beach vient de parler. Nous formulons quelques recommandations à cet égard.

    Premièrement, nous pensons que le gouvernement fédéral, en conjonction avec le gouvernement provincial, devrait élargir les programmes d'intégration au marché du travail fructueux, tels que les stages, le mentorat et autres programmes de transition, et collaborer de près avec les employeurs et d'autres partenaires pour cela.

    Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait actualiser et élargir la formation et l'évaluation linguistique en fonction des besoins de l'industrie et du nouveau profil des immigrants qualifiés.

    Notre deuxième objectif chez TRIEC est de modifier la façon dont les parties intéressées travaillent avec les immigrants qualifiés. À cet égard, nous focalisons principalement sur les employeurs—des partenaires clés dans toute solution—et c'est ce que plusieurs personnes ont déjà fait ressortir aujourd'hui. Les employeurs, en général, ne sont pas systématiquement impliqués dans cette question. Et si l'on jette un regard rapide sur les témoins comparaissant aujourd'hui, je n'y vois pas beaucoup d'employeurs, et c'est une lacune. Ils ne sont pas engagés. Il faut les encourager à participer à des programmes d'acquisition d'expérience professionnelle et commencer à modifier la façon dont ils perçoivent les immigrants qualifiés comme bassin potentiel de talent.

    Pour ce qui est de l'engagement des employeurs en vue de l'intégration des immigrants au marché du travail, nous recommandons que le gouvernement fédéral verse des encouragements aux employeurs, aux associations patronales et aux syndicats afin qu'ils deviennent plus actifs en la matière. Je pense que c'est d'une importance vitale. En tant que l'un des plus gros employeurs du pays, le gouvernement fédéral doit donner l'exemple en la matière et participer directement à des programmes de stage et de mentorat pour immigrants. La Commission de la fonction publique ne fait pas assez à cet égard. Jusqu'à présent, nous n'avons eu qu'un seul stage, à Patrimoine canadien. C'est tout—pas de mentor. Je pense donc qu'il y a là une action importante et nous espérons que vous vous en ferez les champions pour nous.

»  +-(1710)  

    Enfin, le troisième objectif de TRIEC est de modifier la façon dont les gouvernements interagissent au niveau de la planification et programmation dans ce domaine. Lorsque nous nous sommes assis pour planifier TRIEC, nous avons commencé par une analyse de la problématique. Nous avons trouvé un système où un grand nombre d'intéressés travaillent indépendamment les uns des autres, dans des silos, et largement coupés des lieux où vivent et travaillent les immigrants, soit les villes. Il y a un manque de coordination à cet égard, tant verticalement qu'horizontalement.

    TRIEC a commencé à travailler sur l'intégration des immigrants au marché du travail avec une coordination au niveau local. Citoyenneté et Immigration Canada a soutenu cette initiative et selon notre expérience jusqu'à présent, nous considérons que le gouvernement fédéral devrait continuer à appuyer la coordination locale dans d'autres villes et permettre à celles-ci de trouver leurs propres solutions. De fait, cela devrait être l'élément clé de toute stratégie de régionalisation future. C'est déjà en train. Une coordination locale a commencé dans des villes comme Waterloo, Ottawa, Vancouver et Halifax, mais ces organes ont besoin d'un soutien. Cela coûte cher et il faut une capacité pour assurer ce genre de coordination qui permet d'identifier des solutions locales.

    Nous avons formulé cette recommandation également au groupe de travail du premier ministre sur les villes et collectivités. Nous ne disons pas qu'il faudrait un modèle TRIEC dans chaque ville. Nous pensons que chaque collectivité doit déterminer ses propres besoins et disposer d'un soutien pour édifier sa capacité à mettre en oeuvre les solutions.

    Nous savons que les villes ne sont traditionnellement pas représentées à la table de planification de l'immigration, et ce bien que la vaste majorité des immigrants s'établissent dans une ville. En outre, il y a peu de collaboration horizontale entre les ministères d'un niveau de gouvernement donné.

    Les solutions dans ce contexte comprennent notre recommandation que nous adressons aujourd'hui au gouvernement fédéral d'appuyer, premièrement, la coordination locale des parties intéressées à l'intégration des immigrants et, deuxièmement, pour ce qui est de la province de l'Ontario, de poursuivre un accord sur l'établissement des immigrants faisant expressément référence à l'intégration dans le marché du travail.

    Pour conclure, nous savons que les immigrants apportent d'importantes contributions à notre économie, à notre culture et à la vie locale. Ils fondent des entreprises, créent des emplois, stimulent l'économie en augmentant la demande de produits de consommation et répondent aux besoins du marché du travail. Mais six immigrants sur dix venant au Canada restent cantonnés dans des carrières autres que celles pour lesquelles ils ont étudié et nous laissons clairement échapper une bonne partie du potentiel de l'immigration.

    Nous exhortons le comité permanent à se faire le champion de cet effort afin que tous les Canadiens puissent retirer le plein bénéfice des connaissances et de l'expérience de nos citoyens les plus récents.

    Merci.

»  +-(1715)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant passer au tour de questions de cinq minutes, en commençant avec Mme Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal: Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être venus. Merci de votre temps et de vos exposés.

    Ma question est très simple. Vous savez qu'il existe au Canada une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Lorsque les gens nous arrivent avec le système des points, ils ont les qualifications. Leurs diplômes sont reconnus chez eux. Mais lorsqu'ils arrivent ici, leurs diplômes ne sont plus reconnus. Ils doivent se contenter de toutes sortes de petits boulots, travaillant comme pompistes et conduisant des taxis.

    Que faut-il donc faire? Pourriez-vous nous dire en quelques mots ce qu'il faudrait faire?

+-

    M. Timothy Owen: Eh bien, je crois que l'un des thèmes communs que l'on entend, c'est que les employeurs doivent s'engager plus dans le processus. Peut-être faudrait-il une campagne de sensibilisation publique à laquelle les gouvernements fédéraux, provinciaux et locaux pourraient collaborer—tous ont un rôle dans cela. Il existe déjà maintes solutions, maints programmes qui peuvent aider les gens à utiliser leurs compétences et les faire reconnaître, mais à moins que les employeurs n'en aient connaissance, les reconnaissent et les apprécient, ils ne prendront pas la décision finale d'embauche, celle qui compte réellement.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Je suis d'accord. Je suis même convaincue à 100 p. 100 qu'il faut focaliser davantage sur les employeurs. Nous avons passé beaucoup de temps ces dernières décennies à agir au niveau de l'immigrant, et je pense maintenant qu'il faut agir un peu au niveau des employeurs, construire leur capacité à mieux reconnaître, mieux recruter, conserver et promouvoir les immigrants dans leur lieu de travail. Mais je pense que cela exige pas mal d'efforts et un partenariat entre divers paliers de gouvernement. Il n'est pas facile d'agir sur le secteur privé. Nous-mêmes avons consacré beaucoup d'efforts à cela. Nous lançons un site Internet appelé embaucheimmigrant.ca, qui est financé par CItoyenneté et Immigration Canada. C'est un site bilingue qui sera prêt le 21 juin.

    Mais à partir de là il faut vraiment une action stratégique d'extension et d'implication des employeurs. Nous nous concertons beaucoup avec les employeurs autour de la table chez TRIEC et ils ne cessent de nous dire : « Aidez-nous pour que cela devienne plus facile. Nous allons le faire. Nous savons que nous en avons besoin ». Manulife Financial préside notre conseil et se fait notre champion. Cette société est là parce qu'elle sait que nous devons rester compétitifs. Nous avons besoin d'immigrants qualifiés au Canada pour être compétitifs dans le monde. Les employeurs ont besoin d'immigrants qualifiés en raison de la pénurie de compétences et de main-d'oeuvre qui se profile. Ils savent qu'ils vont devoir s'améliorer.

    Mais je parlais là d'une grosse société avec beaucoup de capacité. Les nouveaux emplois sont dans les petites et moyennes entreprises. Celles-ci n'ont pas la capacité. Elles ont besoin d'aide, que ce soit par le biais de stimulants fiscaux et de subventions salariales ciblées, ce genre de choses, ou par d'autres façons de renforcer la capacité à percevoir ces compétences de manière différentes de façon à ce qu'elles ne considèrent plus l'expérience étrangère comme une tare et la voient plutôt comme un atout qui va les aider à devenir plus compétitifs.

    Mais cela suppose un changement de mentalité qui exige beaucoup de travail et d'éducation

+-

    Mme Gloria Fung: Je me fais l'écho des deux intervenants précédents à ce sujet.

    Je crois qu'il faut attaquer le problème des deux côtés. Premièrement, il faut donner aux immigrants une image très réaliste du marché du travail afin qu'ils ne se fassent pas une idée trop rose de la situation au Canada avant leur arrivée. Je crois que cela tient beaucoup à l'information insuffisante qu'on leur donne avant la présentation de leur demande. C'est pourquoi Canada-Hong Kong Link a formulé des recommandations très concrètes à ce sujet, notamment la création d'une base de données à laquelle participeraient les divers niveaux de gouvernement mais aussi les ordres et associations professionnels.

    Parallèlement, il faut accélérer tout le processus d'accréditation, car nous avons actuellement quantité de barrières inutiles érigées par les ordres professionnels. Je pense qu'il faut adopter une approche très réaliste du problème. Les trois paliers de gouvernement doivent travailler main dans la main pour démanteler toutes ces barrières.

    D'un autre côté, il faut aussi transformer la perception des employeurs canadiens.

    Je me souviens encore de mon arrivée au Canada il y a 15 ans. J'avais pas mal d'expérience internationale. J'étais responsable de tous les projets de la Banque mondiale en Chine, ainsi que des projets européens d'auto-crédit, mais je ne pouvais trouver d'emploi comme représentant commercial dans la plupart des sociétés canadiennes car la première question que l'on me posait était : « Avez-vous une expérience canadienne? »

    J'étais surpris que l'on me pose une telle question, car avec la mondialisation de notre économie, l'expérience internationale devrait être considérée comme un atout. Elle est tellement vitale pour notre réussite future dans la compétition internationale. Il faut donc transformer la perception de la plupart des employeurs canadiens. C'est pourquoi je pense que les trois paliers de gouvernement doivent lancer une campagne pour expliquer aux employeurs combien il est important d'utiliser l'expérience internationale que les immigrants nous apportent et qui peut rendre les entreprises canadiennes plus compétitives à l'étranger.

    Dans le même temps, il est tout aussi important d'introduire les notions d'inclusion, de diversité et d'égalité dans notre milieu de travail. Comme Elizabeth vient de le dire, le gouvernement doit prendre la tête de cette campagne. Je ne vois pas encore l'égalité réalisée dans le secteur public. Je pense que le gouvernement devrait prendre la tête et montrer l'exemple au secteur privé.

»  +-(1720)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons à M. Roger Clavet.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Je vous remercie, monsieur le président. Toute la journée, nous avons entendu des témoignages et des précisions sur la manière d'améliorer le système. C'est ainsi depuis le début des audiences.

    Si vous le permettez, j'aimerais cette fois mettre de côté l'aspect bureaucratique. L'un des témoignages que j'ai lu et entendu représente probablement beaucoup d'immigrants. C'est celui de Magdalena Szmygin. J'aimerais consacrer mes cinq minutes à revoir le parcours de cette personne et à comprendre tout le monde.

    Sur le chemin des immigrants, des gens posent des gestes de survie tous les jours. Cette dame est polonaise, journaliste, avocate. Si elle était née ici, des livres auraient été écrits sur elle. On ferait de sa vie un film ou une série télévisée. On ferait de l'argent. Elle a défendu la liberté de presse, elle a été représentante syndicale durant la grève du syndicat Solidarnosc en Pologne, mouvement qui a été forcé à la clandestinité. Elle s'est exilée, elle a acheté un journal illégal en Grèce pour aider sa communauté. Elle a continué.

    Faute d'être reconnue au Canada, elle fait depuis 13 ans des petits métiers — mille métiers, mille misères —: emballeuse dans un magasin d'aliments naturels, aide familiale. Elle est avocate! Elle a continué, elle s'est remise aux études, au lieu de pleurer sur son sort. Quel courage. Elle a donc étudié le design, l'administration des affaires et la publicité. On l'a obligée à rembourser son prêt étudiant. Quelque chose ne tourne pas rond dans le système.

    On lui a demandé de cacher ses engagements. On l'embauche, mais elle ne devra pas dire qu'elle travaille ou milite pour Amnistie internationale. Il lui faudra dire qu'elle joue au golf, qu'elle chante, qu'elle a des passe-temps, la danse et la musique, mais pas d'engagement politique.

    Pendant ce temps, elle a fondé un groupe d'entraide, le RUBICON Help Centre, pour faire reconnaître les compétences internationales: non pas les siennes, mais celles des autres. Elle a proposé une campagne nationale.

    Je pense que c'est l'exemple du combat de tous les immigrants et immigrantes. Qu'un pays se permette de mettre de côté des gens de cette compétence est un scandale. Cette femme a dit tout à l'heure que si elle avait vu un mentor qui la conseille au lieu d'un consultant en immigration, elle aurait été avocate.

    Madame, permettez-moi de vous dire que vous êtes la meilleure avocate dans la cause des immigrants qui sont silencieux, qui ne disent pas un mot, qui font mille métiers et connaissent mille misères. En terminant, j'aimerais vous dire que, oui, il faut être souple — et vous l'avez été —, mais qu'il ne faut jamais oublier son passé.

    Quelle est cette force qui vous fait continuer?

»  +-(1725)  

[Traduction]

+-

    Mme Magdalena Szmygin: Merci beaucoup pour votre reconnaissance de mes titres et aptitudes.

    J'aimerais ajouter que je suis d'accord avec tous ceux qui disent que l'essentiel est de modifier la perception de la réalité, pas la réalité. La réalité ici est plutôt bonne. Nous avons de bons programmes, ici, au Canada. Nous faisons des efforts. Notre réunion ici est la preuve que nous cherchons à améliorer nos programmes encore davantage avec tant de représentants d'excellentes organisations, sans but lucratif, caritatives et gouvernementales, qui toutes travaillent pour aider les nouveaux arrivants à trouver de bons emplois au Canada et se faire une bonne vie.

    J'apprécie beaucoup tout cela et je pense que cela pourrait même suffire si les employeurs—et je suis d'accord avec vous—avaient une attitude différente. Donc, tout ce que l'on peut faire sur ce front, il faudra le faire avec les employeurs.

    C'est juste et je vous remercie beaucoup de le souligner. Je dirais seulement que le problème est plus grand et plus ardu que la plupart d'entre nous ne le réalisent peut-être car cette anecdote que je vous ai racontée n'est que l'un de plusieurs épisodes éprouvants mais je pense que c'était un très bon exemple.

    J'ai reçu ce conseil d'un très bon cabinet juridique, le cabinet Kent. Ils m'ont dit que mon résumé serait bien meilleur si je retranchais tout ce que j'ai fait avant mon arrivée ici.

    Et parce que quelqu'un d'autre m'avait déjà dit cela—et après m'être portée candidate à plusieurs emplois pour lesquels je pensais être qualifiée, sans succès... j'ai réalisé que je devais acquérir des titres de compétences canadiens. J'ai étudié le journalisme, l'administration, le droit administratif, le design, la publicité—un cours publicitaire de deux ans, pour apprendre que cela ne me servait à rien car j'étais trop âgée pour être directrice artistique d'une agence de publicité.

    Je suis donc revenue à mon ancienne profession. Je suis allée voir le cabinet juridique Kent où l'on m'a dit : « Enlevez que vous étiez avocate et que vous avez une maîtrise; ne le mentionnez pas, il vaudrait mieux pour vous de ne pas le mentionner ». Je l'ai donc enlevé.

    Vu que j'étais alors membre d'Amnistie internationale, et je suis toujours membre de B'nai Brith Canada car je m'intéresse à l'Holocauste, j'ai coopéré avec eux. Ils m'ont dit : « Vous ne devriez pas mentionner ces activités parallèles et intérêts. Vos passe-temps sont le jogging et le cinéma; c'est plus humain ». C'est le conseil qu'ils m'ont donné et je l'ai suivi. Mais je ne blâme pas ces personnes. C'était deux femmes plutôt agréables qui voulaient juste m'aider, sachant quelle est la situation dans ce cabinet... car elles collaboraient avec des employeurs.

    Elles m'ont même envoyée une fois, juste pour montrer comment fonctionnent les choses, dans un bureau informatique qui cherchait un auxiliaire juridique. Elles m'ont dit : « Cette fois-ci tu leur dis tout. Tu étais avocate en Pologne ». Et ce directeur, cet administrateur de la société, a eu avec moi un entretien très long et très agréable, à mon avis, mais il m'a dit finalement : « Vous savez, nous avons déjà une avocate ». J'ai répondu que j'étais candidate à un poste d'auxiliaire juridique, mais il m'a dit : « Vu que vous étiez avocate en Pologne, elle va peut-être se sentir menacée et ne sera pas très à l'aise ».

»  +-(1730)  

    Il n'a pas dit : « Non, je ne veux pas vous employer ». Mais, parce que j'avais fait part aussi de mon activité dans Amnistie internationale, il m'a dit : « Vous faites beaucoup de travail bénévole. Aurez-vous le temps de travailler pour moi? » Je lui ai dit que j'avais besoin de gagner de l'argent, bien sûr. Mais il m'a dit qu'il n'était pas très convaincu. C'est à ce moment-là que j'ai compris que je n'allais pas être prise...

+-

    M. Roger Clavet: Madame, vous êtes une vraie survivante et vous avez toute mon admiration.

+-

    Mme Magdalena Szmygin: Merci beaucoup. J'allais ajouter que c'est un problème plus sérieux qu'on ne l'a dit.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président et merci à tous de vos présentations.

    Je ne puis imaginer—si, je peux imaginer ce que c'est d'aborder un entretien en faisant semblant de ne pas être soi-même. Il faut un temps où j'ai dû faire cela et je suis heureux que certains d'entre nous n'y soient plus obligés, mais il en reste encore qui sont coincés dans cette situation. C'est une impression horrible et j'attends avec impatience le jour où ce ne sera plus nécessaire.

    En écoutant votre histoire, monsieur Wang, cela m'a rappelé le témoignage que nous avons entendu à Calgary d'un professeur de génie à la retraite, qui parlait de la situation des gens qui travaillent dans les centres d'appels en Inde—des ingénieurs dans des centres d'appels—qui répondent à des appels téléphoniques d'ingénieurs du Canada concernant le travail technique qu'ils font ou les programmes techniques qu'ils utilisent dans leur travail. Mais lorsque ces mêmes personnes arrivent au Canada, on ne veut pas les employer parce qu'elles n'ont pas l'expérience canadienne ou les qualifications requises par nos employeurs. Pourtant, lorsque nous avons des problèmes, c'est vers eux que nous nous tournions. L'ironie de ce genre de choses ne m'a pas échappé au cours de ces travaux itinérants.

    Je veux dire à M. Wang et à Mme Szmygin que j'ai réellement apprécié que vous vous soyez autant livrés personnellement. Ce n'est pas facile à faire dans une situation comme celle-ci et je vous en remercie infiniment.

    J'aimerais demander ceci à M. Owen. On nous a beaucoup parlé dans les différentes villes de l'évaluation des titres de compétences et vous êtes la première personne que nous voyons qui fait effectivement ce travail. Pourriez-vous nous expliquer le processus?

    Lorsque quelqu'un arrive chez vous et dit qu'il veut faire évaluer ses diplômes, pouvez-vous nous expliquer quelles étapes votre organisation suit pour cela, afin que nous ayons une idée de la manière dont cela fonctionne?

+-

    M. Timothy Owen: Bien sûr, volontiers.

    La première chose que nous faisons, bien sûr, c'est d'examiner les documents pour vérifier leur authenticité et dans bien des cas cela signifie que nous avons soit reçu quelque chose directement de l'établissement qui les a décernés ou bien nous vérifions directement par écrit ou courriel. Nous ne commençons pas une évaluation tant que nous ne sommes pas assurés de l'authenticité.

    Nous examinons l'établissement pour voir son statut dans le pays, voir où il se situe par rapport à d'autres établissements similaires et nous plaçons le diplôme dans le pays d'origine pour déterminer le niveau, la portée et la finalité—si je puis l'appeler ainsi. Ce sont là les trois éléments que nous examinons. Quelles sont les conditions d'inscription au programme? Où se situe-t-il par rapport à d'autres diplômes à l'intérieur du système éducatif de ce pays? Quel est le niveau des études suivies dans ce programme? Quelle est la portée et l'intensité des études? À quoi mènent-elles? S'agit-il d'un diplôme final au-delà duquel on ne peut aller dans la filière académique? Est-ce un diplôme technique débouchant sur une licence professionnelle? Est-ce un diplôme professionnel?

    Nous examinons ces facteurs pour déterminer le type du diplôme et nous superposons ces facteurs sur le diplôme le plus équivalent que nous ayons au Canada. Nous déterminons ainsi s'il s'agit d'un diplôme de type collégial, d'un diplôme technique ou d'un diplôme universitaire et à quel niveau, sur la base de ces facteurs.

    Voilà en bref ce que nous faisons.

+-

    M. Bill Siksay: Recevez-vous beaucoup de demandes de personnes encore à l'étranger qui entament tout juste les formalités?

+-

    M. Timothy Owen: Au cours du dernier trimestre, environ 10 p. 100 des demandes venaient de l'étranger. Nous pensons que ce devrait être trois ou quatre fois cette proportion, pour toutes les raisons que nous avons entendues ici. Les gens devraient avoir une meilleure idée de ce que vaudront leurs diplômes avant de partir pour le Canada et je pense que la capacité existe aujourd'hui, avec les services en ligne. Il s'agit d'en faire la promotion outre-mer.

»  +-(1735)  

+-

    M. Bill Siksay: Dans ma circonscription, il y a une très forte population immigrante, qui vient aujourd'hui principalement de la République populaire de Chine et auparavant de Hong Kong et Taïwan. Je trouve que les gens qui nous arrivent comme immigrants qualifiés sont souvent très isolés de la collectivité. Ils ont des liens avec leur propre famille qui a immigré avec eux, mais peu de relations avec les autres familles. Ils n'ont pas de connexions avec les organisations communautaires et n'ont jamais eu à nouer ce genre de relations dans leur pays d'origine non plus, parce que là-bas ils étaient bien intégrés à leur milieu.

    Je me demande quelle sorte d'assistance ils trouvent au Canada s'agissant de nouer des contacts avec ces organisations. Il semble que dans ma circonscription la seule manière dont cela se fasse, c'est si leurs enfants vont à l'école. C'est souvent au moyen de contacts scolaires qu'ils sont branchés sur ces autres groupes ou organisations qui peuvent les aider avec leur intégration.

    Peut-être Mme Szmygin ou M. Wang ont-ils des connaissances à ce sujet, ou certains des autres qui travaillent avec les immigrants fraîchement arrivés. Je m'intéresse particulièrement aux travailleurs qualifiés et aux genres de contacts qu'ils peuvent nouer pour une aide à l'établissement.

+-

    Mme Gloria Fung: J'aimerais essayer de répondre à cette question.

    En gros, il est difficile pour les travailleurs qualifiés de se projeter dans la société dite générale. Du fait qu'ils ne sont pas acceptés par la plupart des employeurs, ils sont cantonnés au sein de leur économie ethnique. C'est l'expérience d'un très grand nombre d'immigrants chinois. Ce n'est pas qu'ils aiment travailler là, mais parce qu'ils ne peuvent trouver d'emplois en dehors de leur économie ethnique. C'est donc un problème très sérieux qui les confine dans une expérience canadienne très limitée.

    Un autre facteur encore conduit au même phénomène, celui des compétences linguistiques.

    Comme Norman l'a signalé tout à l'heure, lorsqu'on parle d'intégration, lorsqu'on parle d'établissement des immigrants au Canada, il est tout à fait primordial que les trois paliers de gouvernement apportent en temps voulu les services d'intégration et d'établissement nécessaires, car s'ils ne les obtiennent pas pendant la première ou deuxième année, ils vont aboutir dans un mauvais emploi, sans possibilité de retour. C'est le cas d'un grand nombre de personnes hautement instruites et qualifiées. Une fois qu'une femme professeure se retrouve serveuse dans un restaurant, comment pourra-t-elle gagner la confiance d'un futur employeur dans une université? C'est un problème très réel qu'ils connaissent tous et c'est pourquoi le temps presse.

    Lorsqu'on parle de reconnaissance des titres de compétences et de l'expérience acquis à l'étranger, il ne faut pas oublier l'importance d'un soutien suffisant, particulièrement d'ordre financier, pour faciliter l'établissement et rendre l'intégration possible. C'est pourquoi il est aussi très important que le gouvernement fédéral alloue des crédits suffisants tout au long des cinq prochaines années.

    Je suis réellement déçue de voir que le budget 2005 n'alloue que 20 millions de dollars la première année, 30 millions la seconde et 50 millions la troisième. L'argent arrive trop tard. Je ne suis même pas sûre que ce gouvernement dure encore un an ou deux et on ne sait pas si ce budget va être maintenu. C'est un souci très réaliste que nous avons tous. J'espère donc beaucoup que ces 298 millions de dollars pour les services d'établissement vont être maintenus, qu'un autre gouvernement ne va pas venir les supprimer. En outre, il faudrait que les montants soient également répartis entre les cinq années au lieu d'être concentrés vers la fin de la période.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons passer à M. Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous pour les témoins.

    Je voudrais poser juste deux questions.

    Monsieur Owen, une fois que vous les avez évalués ou que vous avez traduit... Fournissez-vous un service de traduction?

»  +-(1740)  

+-

    M. Timothy Owen: Non, nous demandons que les principaux documents soient traduits en français ou en anglais, en sus de nous être remis dans la langue originale.

+-

    M. Lui Temelkovski: D'accord, et pensent-ils alors qu'ils sont maintenant ingénieurs au Canada parce qu'ils ont un bout de papier en anglais?

+-

    M. Timothy Owen: Non. En tout cas nous prenons bien soin de leur expliquer que la décision d'admission dans une profession ou une université appartient à l'autorité concernée et que notre rapport est un outil que celle-ci peut utiliser à cette fin. Nous expliquons cela aussi clairement que possible.

+-

    M. Lui Temelkovski: C'est très important. Si votre organisation peut faire cela, c'est excellent car cela crée le lien avec l'autorité suivante.

    Mon autre commentaire concerne ce que Roger disait à Magdalena, lorsqu'il demandait où elle trouve sa force.

    Je suis arrivé au Canada à l'âge de 13 ans. Je ne parlais pas un mot d'anglais—et j'ai parfois encore des difficultés. Je ne parlais que le macédonien.

    Je vais vous parler de ma mère. Elle a suivi les cours du soir avec moi. J'allais à l'école ordinaire et à l'école du soir pour apprendre l'anglais, et elle venait à l'école du soir avec moi pour apprendre à dire « fourchette » et « couteau » et « magasin » et « chapeau » et « robe »—des choses dont elle avait besoin à la maison. Mais elle ne savait écrire qu'en lettres moulées, pas en écriture cursive. Aussi, l'enseignant écrivait-il les mots en lettres moulées au tableau pour elle, et lorsqu'elle s'est rendue compte qu'elle retardait toute la classe, elle a dit qu'elle n'y retournerait pas parce qu'elle faisait perdre leur temps à dix autres étudiants.

    Donc, cette énergie que vous apportez tous provient des difficultés qu'il faut surmonter, des difficultés de tous les jours : apprendre une langue, apprendre à se servir d'un téléphone, parfois d'une douche.

    Je m'amuse dans mon bureau. Dans mon travail antérieur, on me demandait parfois comment écrire tel ou tel mot, et je plaisantais avec eux. Je disais : « Pourquoi me demandez-vous à moi? Je viens d'un tout petit coin du monde, d'un petit village perdu au bout du monde, où je n'avais jamais vu d'eau courante, ni chaude ni froide. Nous avions une bicyclette pour tout le village »—et patati et patata. Je leur disais : « Maintenant, c'est à moi que vous demandez cela? J'ai un bureau ici et du personnel, j'ai tout ce qu'il faut et c'est à moi que vous demandez? »

    La force provient donc des difficultés surmontées. Je peux vous le dire, si ma mère avait eu de l'argent, si mes parents avaient eu de l'argent, ils seraient rentrés en Macédoine.

    C'est difficile, c'est sûr, mais au bout de quelque temps vous apprenez à vous débrouiller, et au bout de quelque temps vous apprenez à vous intégrer un peu mieux. Après quelque temps, vous vous élevez au-dessus de vos voisins et au bout de quelque temps ils vous demandent : « Comment se fait-il que tous les immigrants ont une maison? » On nous demandait cela, car nous étions propriétaires de notre maison. Nous avions acheté notre maison.

    Je suppose qu'il y a 20 ou 40 ans il y aurait eu plus de membres autour de cette table comme Bill et Roger, des députés nés dans ce pays, mais les choses ont changé. Je suis né en dehors du pays, Nina aussi, de même qu'Andrew. Je pense que beaucoup d'entre vous l'êtes aussi, tout comme les membres de l'auditoire.

    Je pense que les décisions politiques que nous prenons aujourd'hui sont bien différentes de celles de vos pères et grands-pères. Elles sont très différentes à cause de la force que chacun d'entre nous, immigrants, apporte au Canada. Ceci est mon pays. J'ai épousé une non-macédonienne, et j'ai appris à parler italien, car elle est Italienne. Elle a appris le macédonien. Nos enfants parlent anglais, à regret. Nous voulons qu'ils connaissent beaucoup de langues, mais c'est cela le Canada.

    La lutte continue et nous continuons à travailler. La force vient de ne pas voir son doctorat reconnu immédiatement, de ne pas trouver un emploi immédiatement dans l'informatique.

»  -(1745)  

    Mais nous payons un lourd prix. Il faut espérer que la même génération recueillera le fruit, mais la prochaine le fera sûrement.

    Merci, monsieur le président.

-

    Le président: Merci beaucoup.

    J'ai juste un commentaire sur votre commentaire. Je suppose que les choses ont quelque peu changé. Vous savez, c'est une chose que d'arriver dans le pays comme réfugié, si vous fuyez une situation. Vous prenez les choses comme elles viennent. Vous n'êtes pas ravi, mais la sécurité prime.

    Mais nous avons beaucoup de gens qui nous arrivent aujourd'hui persuadés que leurs diplômes seront reconnus. Lorsque mon père est arrivé, il avait deux diplômes, en architecture et urbanisme. S'il était venu comme migrant économique il aurait été plutôt fâché, mais puisqu'il était réfugié, c'était différent. En outre, le gouvernement était plutôt gentil avec les réfugiés hongrois. Cela a lancé une vague, qui s'est d'ailleurs maintenue. C'était un grand test pour le pays.

    Nous sommes très heureux d'avoir eu l'occasion de tenir cette discussion. Vous avez probablement vu quelques malles se faire déplacer. Nous sommes comme un groupe de rock, nous sommes sur la route. Mais nous ne faisons pas de musique.

    Nous avons des gens derrière nous, qui sont des interprètes, et c'est parce que nous sommes un pays bilingue où quiconque s'adresse au comité a le droit de le faire en français, dans l'une des langues officielles. Nous avons nos greffiers et notre chargé de recherche. Nous avons même une personne du ministère qui garde l'oeil sur ce que fait notre comité et transmet le message à Ottawa.

    De manière générale, nous avons entendu des messages pas mal convergents. Je tends à penser qu'il n'y aura pas d'élections tout de suite, qu'elle se fera attendre encore un peu. C'est l'une des choses qui excitent les médias et tous les journalistes se montent la tête. Je ne pense pas qu'elles viennent tout de suite. J'aimerais bien expédier un certain nombre de choses d'abord, en particulier la Loi sur la citoyenneté. Je pense que tous les Canadiens, qu'ils soient nés ici ou ailleurs, devraient avoir le droit à la protection de la Charte des droits et libertés. Si vous visitez mon site Internet et regardez tout ce que j'y affiche sur la citoyenneté, vous trouveriez là beaucoup plus de choses que vous ne voulez lire. Vous vous enflammerez probablement et voudrez vous joindre à la bataille.

    Je vous remercie infiniment. J'aimerais prendre une photo de groupe, car vous êtes le dernier groupe que nous avons reçu à Toronto. La semaine prochaine, nous sommes de nouveau en déplacement, tout comme la semaine suivante, et nous aurons donc sillonné tout le pays en l'espace de trois semaines et demie.

    Merci beaucoup. La séance est levée.