CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le vendredi 15 avril 2005
· | 1310 |
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
The Rev. Brice Balmer (directeur, House of Friendship) |
· | 1315 |
· | 1320 |
Le président |
Eunice Valenzuela (directeur, Mennonite Coalition for Refugee Support) |
· | 1325 |
Le président |
M. Marjan Maleki-Tehrani (à titre personnel) |
· | 1330 |
· | 1335 |
Le président |
M. Abdi A. Hussein (hydrogéologue, Ministère de l'environnement, Bureau de district de Guelph, à titre personnel) |
Le président |
Jackie Verma (à titre personnel) |
· | 1340 |
· | 1345 |
Le président |
M. Abdi A. Hussein |
Le président |
M. Abdi A. Hussein |
· | 1350 |
Le président |
Aislinn Clancy (Community Coalition on Refugee & Immigrant Concerns) |
· | 1355 |
Le président |
M. Gordon Armstrong (major, Commandant, St. Catherines, Armée du Salut au Canada) |
¸ | 1400 |
¸ | 1405 |
Le président |
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC) |
Aislinn Clancy |
Mme Nina Grewal |
Aislinn Clancy |
Mme Nina Grewal |
M. Marjan Maleki-Tehrani |
Le président |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ) |
¸ | 1410 |
M. Abdi A. Hussein |
M. Roger Clavet |
M. Marjan Maleki-Tehrani |
M. Roger Clavet |
M. Marjan Maleki-Tehrani |
M. Roger Clavet |
M. Marjan Maleki-Tehrani |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
¸ | 1415 |
¸ | 1420 |
Le président |
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.) |
Le président |
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.) |
¸ | 1425 |
Le président |
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC) |
¸ | 1430 |
The Rev. Brice Balmer |
¸ | 1435 |
M. Michael Chong |
Le président |
M. Michael Chong |
Le président |
M. Michael Chong |
Le président |
¸ | 1445 |
Le président |
M. Stelian George-Cosh (professeur, Collège Conestaga, Institut de la technologie, à titre personnel) |
¸ | 1450 |
¸ | 1455 |
Le président |
M. Rich Janzen (directeur en recherche, Centre for Research and Education in Human Services) |
¹ | 1500 |
Le président |
Mme Deborah Schlichter (directrice générale, House of Friendship) |
¹ | 1505 |
¹ | 1510 |
Le président |
Mazlum Sen |
¹ | 1515 |
Le président |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Michael Chong |
¹ | 1520 |
M. Stelian George-Cosh |
M. Michael Chong |
M. Stelian George-Cosh |
M. Michael Chong |
Le président |
M. Roger Clavet |
M. Rich Janzen |
M. Roger Clavet |
Mazlum Sen |
Le président |
M. Bill Siksay |
M. Jassy Narayan |
¹ | 1525 |
M. Rich Janzen |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Lui Temelkovski |
Mazlum Sen |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
Mme Colleen Beaumier |
Le président |
M. Bill Siksay |
Le président |
Mme Colleen Beaumier |
Le président |
M. Bill Siksay |
Mme Deborah Schlichter |
M. Bill Siksay |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 15 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
· (1310)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte.
Avant de commencer notre séance de cet après-midi—nous attendons des retardataires qui seront là dans quelques minutes—j'aimerais remercier le personnel du comité pour son excellent travail. Il nous reste sept autres journées d'audience; nous avons commencé cette série d'audience le 1er avril. Nous nous sommes rendus à Winnipeg et le lendemain, à Regina, Calgary et Edmonton. Vendredi, nous étions à Victoria. Samedi, nous avons tenu des audiences à Vancouver. Lundi, nous avons poursuivi nos audiences à Vancouver. Nous sommes ensuite revenus à Ottawa pour un vote et retournés à Toronto pour deux jours; nous sommes ici aujourd'hui. Ces personnes ont voyagé avec nous et ont dû laisser leur famille.
J'aimerais aussi remercier les gens d'Ottawa qui ont travaillé très fort pour organiser ce voyage. J'aimerais tout d'abord remercier Denyse Croteau, l'adjointe administrative du greffier. Elle a joué un rôle essentiel dans la réussite de ce voyage et elle mérite des remerciements spéciaux pour avoir supporté notre greffier, Bill Farrell, qui se trouve par ici. Bill est le grand chef de notre caravane; c'est lui qui veille à ce que tout fonctionne bien et que chacun soit où il doit être au moment où il doit l'être, à l'exception--voyez. M. Temelkovski est revenu.
Il n'est pas facile d'imposer des règles à des députés. C'est aussi difficile que de garder un troupeau de chats. Merci, Bill.
Jean-Philippe Brochu est un autre greffier qui est venu nous aider quelques jours pour les audiences les plus chargées. Il a accompli un travail admirable.
Il y a ensuite les pupitreuses, Lynne Noël et Fiona Story, qui sont toujours de bonne humeur, et nos interprètes, Nicole Sweeney, Paule Antonelli et Mona Raynaud. Ces personnes nous ont apporté une aide précieuse et il a été très agréable de travailler avec elles. Merci à toutes.
Diane Lefebvre et Richard Ménard s'occupent de la logistique. C'est eux qui planifient et organisent tout de A à Z. Merci à vous, Diane et Richard, pour votre excellent travail.
Ben Dolin est l'analyste et l'attaché de recherche du comité; c'est lui qui rédige finalement la plupart des rapports. C'est à lui qu'incombe la tâche de prendre connaissance des témoignages des centaines de témoins que nous avons entendus et de préparer un rapport qui reflète les idées du comité sur ces questions importantes. Merci, Ben.
J'aimerais aussi mentionner Jean-François Lafleur, Sylvain Dubois et Tatiana Ermandez. Enfin, il y a Grant Easson, qui représente Citoyenneté et Immigration, section des affaires parlementaires. Il a consciencieusement pris des notes pendant les témoignages présentés au comité et fera rapport au ministre. Il a été très agréable de faire ce voyage avec vous, Grant.
Au nom des membres du comité, j'aimerais remercier toutes ces personnes. Merci.
Des voix: Bravo.
Le président: La séance de cet après-midi doit être consacrée à la réunification des familles. Nous allons entendre un nombre de témoins assez important et nous allons veiller à nous en tenir à cinq minutes par intervention. Je n'ai pas été très strict ce matin et les membres du comité me l'ont fait remarquer. Cette formule donne également aux membres du comité le temps d'interagir avec les témoins, ce qui constitue une partie très importante du processus.
Pour commencer, je vais inviter Brice Balmer, de la House of Friendship, à prendre la parole.
The Rev. Brice Balmer (directeur, House of Friendship): Merci, et je suis heureux d'être ici.
La House of Friendship est un organisme important de la région de Kitchener-Waterloo qui offre ses services à près de 32 000 personnes par an. Je suis membre de cette organisation et entretiens également des liens avec certaines églises grâce à Interfaith Grand River, un organisme multiconfessionnel.
Les immigrants et les réfugiés ont plus de mal à s'établir au Canada aujourd'hui qu'il y a 20 ans, parce que le gouvernement fédéral a modifié son orientation de base qui consistait à accueillir les nouveaux arrivants et à s'attendre à ce que ces citoyens, avec de l'aide et une bonne préparation, apportent une contribution à notre pays et à nos collectivités locales.
Les systèmes d'aujourd'hui semblent viser davantage à vérifier la qualité et la capacité d'adaptation des immigrants, et refusent une bonne partie des personnes qui demandent à émigrer. Pourtant, nous sommes nombreux à nous poser des questions sur la valeur de ces tests, évaluations, examens médicaux et recherche d'antécédents. Est-ce que les questions de sécurité qui ont pris de l'importance au cours des cinq dernières années ne nous auraient pas rendu trop zélés et trop prudents et nous empêcheraient de voir qu'il y a des gens qui sont obligés de quitter leur pays et qui feraient d'excellents citoyens canadiens, en particulier ceux qui sont membres de familles déjà installées au Canada?
Je ne demande pas que l'on supprime le processus d'évaluation mais plutôt que l'on examine à nouveau ce que nous recherchons vraiment et ce qui est approprié et nécessaire. Dans quelle mesure Citoyenneté et Immigration Canada s'informe-t-il auprès des personnes qui sont nées et ont longtemps résidé dans les pays d'où viennent les candidats à l'immigration?
Après l'immigration, la réunification des familles est la question essentielle, et elle est bien souvent plus importante que la nourriture, les vêtements ou le logement. Les immigrants et les réfugiés mentionnent souvent que les agents de Citoyenneté et Immigration Canada leur ont promis que les membres de leur famille pourraient les rejoindre au Canada--des promesses qui ne sont pas respectées par la suite. C'est ce que leur disent les services d'immigration et lorsqu'ils arrivent ici, cela ne se fait pas.
Les restrictions que l'on impose aux candidats à l'immigration et aux visiteurs potentiels sont-elles vraiment nécessaires et appropriées? Citoyenneté et Immigration Canada sait-il vraiment ce que vivent les personnes qui s'inquiètent du sort des membres de leur famille demeurée dans leur pays d'origine et qui espèrent les revoir? Comment ces personnes peuvent-elles consacrer leurs efforts à s'établir au Canada quand elles s'inquiètent de leur famille qui se trouve dans des camps de réfugiés ou dans leur pays d'origine?
C'est une question qui touche non seulement les nouveaux Canadiens, mais également les immigrants établis au Canada et les communautés confessionnelles qui s'occupent de parrainer des réfugiés et des immigrants et de les aider à s'établir au Canada. Ces Canadiens consacrent énormément de temps et d'argent à ces activités. Ils renforcent la cohésion sociale de nos villes multiculturelles. Ils créent des réseaux qui englobent des cultures peu familières ou de nouvelles cultures canadiennes et ils sont déçus de l'attitude du gouvernement fédéral et de Citoyenneté et Immigration Canada qui ne font rien pour lutter contre les retards, les refus et les frustrations associés au processus d'immigration.
J'aimerais présenter quelques recommandations. Mon mémoire présente d'autres cas.
Premièrement, Citoyenneté et Immigration Canada devrait collaborer davantage avec le secteur bénévole canadien, y compris avec les communautés confessionnelles, qui parrainent les immigrants et leur famille, les aident à s'établir et les accueillent. Les demandes présentées par des réfugiés et des immigrants parrainés par des organismes communautaires ou religieux bien établis devraient être traitées en priorité. Serait-il possible de rééquilibrer la relation qui existe entre le gouvernement et les associations de bénévoles? Nous sentons toujours que Citoyenneté et Immigration Canada nous traite en inférieurs alors que nous jouons un rôle important dans les collectivités. Les associations bénévoles se sentent démunies; elles sont réduites à attendre le bon vouloir de l'administration et ignorent ce qui se passe dans le système par lequel doivent passer les réfugiés et les immigrants.
Deuxièmement, les promesses faites aux réfugiés et aux immigrants n'ont pas été tenues. Cela crée de la méfiance et du cynisme, non seulement chez les nouveaux Canadiens mais aussi chez ceux qui les parrainent et les autres Canadiens.
Troisièmement, la signature d'un cessez-le-feu ou l'arrivée de forces de maintien de la paix ne met pas toujours un terme aux troubles qui sévissent dans leur pays d'origine. Les nouveaux Canadiens savent très bien comment réagissent les habitants de leur pays d'origine. Ils savent que les rancoeurs et le désir de vengeance se traduisent souvent par des actes, même lorsqu'il y a des troupes de maintien de la paix. Ils ont des nouvelles plus précises que les ambassades canadiennes et les médias.
· (1315)
Quatrièmement, serait-il possible que Citoyenneté et Immigration Canada adopte une attitude positive à l'égard des personnes et des familles qui souhaitent s'établir au Canada, en particulier lorsqu'il s'agit de réunir des familles? On pourrait peut-être demander à des néo-Canadiens de sensibiliser et de former le personnel qui s'occupe de traiter les demandes de réunification des familles. J'ai parlé à un certain nombre de personnes qui travaillent dans ce domaine et elles m'ont rapporté qu'il y avait eu des coupures importantes dans le personnel de Citoyenneté et Immigration. Je me demande si ces coupures ont nui à la qualité et à la quantité des services fournis par le ministère?
Enfin, lorsqu'une famille présente une demande de réunification, serait-il possible de tenir compte du fait que la famille a réussi à s'établir, qu'elle entretient des relations amicales avec les répondants canadiens, et qu'elle participe aux activités des organismes locaux canadiens, notamment des communautés confessionnelles? Si la famille a réussi à s'établir au Canada et à s'intégrer, c'est probablement une caractéristique de la famille que l'on retrouvera chez les autres membres de la famille qui s'intégreront à ce réseau. Pourrait-on accélérer le processus de réunification des familles lorsque les membres de la famille ont réussi à s'établir et à s'intégrer au Canada?
Il existe des regroupements locaux qui sont en mesure de vérifier la réputation des organisations bénévoles et des groupes confessionnels. Dans la région de Waterloo, le KW Council of Churches, Interfaith Grand River, les deux conseils de planification sociale, les centres d'action bénévoles et le gouvernement régional sont parfaitement en mesure de fournir une évaluation des organismes du secteur bénévole ou de faire des recommandations à leur sujet.
Le mémoire traite de nombreuses questions que je n'ai pas abordées mais sa rédaction a été une expérience très utile pour moi, en qualité d'auteur, et aussi pour les nouveaux Canadiens, les organisations bénévoles et les communautés confessionnelles qui ont été consultées. Les organismes de la région de Waterloo s'inquiètent beaucoup de ce qui arrive à toutes ces personnes et sont très frustrés par la façon dont fonctionne le système actuel.
Je suis heureux que vous soyez venus et que vous soyez prêts à examiner sérieusement ce que nous disons; je tiens également à souligner que ce n'est pas une question qui touche uniquement les nouveaux Canadiens mais également ceux qui vivent au Canada depuis des années ou depuis leur naissance. Il appartient au gouvernement d'examiner si le système actuel n'a pas pour effet de nuire aux réseaux sociaux et à la cohésion sociale dont nous avons tant besoin.
Enfin, je mentionne qu'Ann Crossman du Lutheran Refugee Services m'accompagne et qu'elle pourra répondre aux questions. Elle a participé, avec beaucoup d'autres, à la praparation de notre rapport.
· (1320)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à Mme Valenzuela.
Eunice Valenzuela (directeur, Mennonite Coalition for Refugee Support): Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter notre point de vue et notre expérience au sujet de la réunification des familles. La Mennonite Coalition for Refugee Support offre des services aux demandeurs d'asile dans la région de Kitchener-Waterloo depuis plus de 18 ans et c'est le seul organisme de cette région qui accompagne ces demandeurs dans le long processus de reconnaissance du statut de réfugié, un processus parfois injuste mais toujours douloureux.
L'année dernière, nous nous sommes occupés de plus de 400 familles et particuliers venant de tous les pays du monde. La plupart d'entre eux essaient de réunir leurs familles.
J'aimerais parler des obstacles qui s'opposent à la réunification des familles, des retards dans le processus de réunification des familles de réfugiés qui ont obtenu la protection du Canada après une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je vais vous décrire le cas d'une famille. J'en mentionne d'autres dans mon mémoire mais je voulais vous raconter l'histoire de cette famille qui en dit long sur la lutte qu'il faut livrer pour obtenir la réunification d'une famille.
Maria est arrivée en 1991; elle a été acceptée et a demandé le droit d'établissement en 1995. À la suite de sa demande, elle a été interrogée par des représentants du SCRS en décembre 1995. Un rapport a été envoyé à l'administration centrale de CIC en septembre 1997. En mars 2001, CIC lui a fait passer une autre entrevue. Cette fois-ci, CIC a écrit un rapport portant sur cette entrevue, l'entrevue antérieure avec le SCRS et la première entrevue du CIC. La dernière fois que nous avons eu une discussion avec le CIC sur ce dossier remonte à plus d'un an, et d'après cette conversation, le dossier de Maria se trouvait toujours dans le bureau du ministre de l'immigration. Nous n'avons reçu aucune nouvelle depuis. Maria a trois filles et un petit-fils qu'elle n'a jamais rencontré. Cela va bientôt faire 14 ans que cette mère est séparée de ses filles et de sa famille. Nous avons communiqué à plusieurs reprises avec le bureau de M. Telegdi, pour lui demander d'intervenir dans ce dossier et d'aider cette famille.
Cette histoire comme bien d'autres histoires de réfugiés reflète une cruauté systématique qui déshonore le Canada; je pense que la plupart des Canadiens estimeraient qu'il est intolérable de faire vivre aux réfugiés ce genre de choses.
Nous recommandons que CIC s'efforce d'éviter les conséquences très préjudiciables qu'entraînent les retards dans le traitement des demandes. Les membres de la famille des réfugiés devraient être autorisés à venir immédiatement au Canada pour que leurs demandes soient traitées une fois qu'ils sont réunis avec leurs familles et en sécurité.
Une autre recommandation concerne les enfants réfugiés. Les enfants réfugiés au Canada n'ont pas la possibilité d'être réunifiés avec les membres de leur famille, alors que les adultes peuvent présenter une demande qui englobe leur conjoint de droit ou de fait et leurs enfants. Les enfants réfugiés peuvent uniquement présenter une demande pour leur propre compte. Nous recommandons que le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés soit modifié de façon à ce que les enfants réfugiés puissent englober leurs parents, leurs frères et soeurs dans leur demande de résidence permanente.
Une autre recommandation concerne la définition de membres de la famille. La famille doit être définie selon des paramètres appropriés, sur le plan culturel, notamment. Si notre loi et notre définition ne permettent pas de réunifier les familles élargies, il faut alors modifier la loi et la définition pour que nous puissions répondre aux besoins des familles auxquelles nous apportons notre soutien. Nous recommandons d'élargir la définition de famille pour qu'elle comporte une dimension culturelle plus large.
Une autre recommandation concerne les droits exigés pour le traitement des demandes. Nous savons tous que les familles doivent payer des droits pour le traitement de leurs demandes d'établissement. Ces droits s'élèvent à 550 $ pour les adultes et à 150 $ pour un enfant, somme qui doit être versée au moment de la présentation de la demande; ces droits sont de 550 $ pour un enfant si le réfugié est mineur et que les parents n'ont pas obtenu le statut de réfugié ou si l'enfant est seul au Canada.
· (1325)
Cela pose un problème grave aux familles avec enfants, en particulier lorsque les membres de la famille des enfants réfugiés se trouvent à l'extérieur du Canada en train d'attendre d'être réunis avec leur famille. Nous demandons que l'on renonce aux droits de 550 $ pour faciliter aux membres de leur famille immédiate et élargie la possibilité de demander le droit de s'établir au Canada. Nous demandons également que le ministère renonce à demander les droits de traitement de 550 $ pour les demandes fondées sur des considérations humanitaires concernant les cas où les enfants et les femmes sont victimes de violence familiale. Nous recommandons de faciliter, de simplifier et d'accélérer le processus de réunification des familles et d'exempter de tout droit les personnes protégées et les demandes fondées sur des considérations humanitaires.
Pour conclure, la simple compassion exige que soit facilitée la réunification des familles. Nous devons respecter nos obligations internationales en matière de droits de la personne. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés devrait être modifiée pour faciliter la réunification des familles.
Je vous remercie. Je saisis l'occasion de vous remercier tous d'avoir adopté à l'unanimité la résolution demandant la création de la section d'appel des réfugiés. J'aimerais savoir les mesures que le comité va prendre pour assurer le suivi de cette résolution et quelles ont été les réactions du gouvernement à ce sujet.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant donner la parole à des particuliers qui vont nous présenter leurs expériences. Je vais d'abord inviter Mme Maleki-Tehrani à prendre la parole.
M. Marjan Maleki-Tehrani (à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, je suis une électrice de la circonscription de Waterloo. J'ai quitté l'Iran pour arriver au Canada en 2000 à titre d'immigrante ayant obtenu le droit d'établissement. Il m'a fallu près de quatre ans pour obtenir mon visa d'immigration au Canada. Je suis venue seule au Canada, sans famille, ni amis. J'ai été admise au programme de doctorat en psychologie du développement à l'Université de Waterloo.
À l'époque où j'ai obtenu le droit d'établissement au Canada, mon père a appris qu'il avait le cancer. J'ai demandé l'autorisation de prolonger mon séjour en Iran pour accompagner mon père pendant ses derniers jours mais cela a été refusé par l'ambassade canadienne. Mon père est décédé six jours après mon arrivée au Canada. Peu de temps après, j'ai également perdu ma grand-mère. Ma mère a obtenu un visa pour venir m'aider à vivre mon deuil, étant donné que je me trouvais dans un nouveau pays, seule, sans aucun soutien. Elle n'est pas restée pendant toute la durée de la validité de son visa, parce qu'elle a dû retourner en Iran pour s'occuper de ma jeune soeur.
J'ai décidé d'aider ma mère et ma soeur à venir au Canada en 2002. Au départ, je n'ai parrainé que ma mère mais j'ai appris par la suite que je pouvais parrainer ma soeur à titre de personne à charge de ma mère. J'ai retiré ma demande initiale et présenté une nouvelle demande en ajoutant ma soeur. Ma demande a été rejetée parce que je n'avais pas déclaré le revenu que j'avais gagné au cours de l'année ayant précédé la date de ma demande. J'avais fait l'erreur d'utiliser l'année civile. À cause de cette erreur, mes gains étaient inférieurs au seuil minimum. J'ai demandé une nouvelle fois de parrainer ma soeur et ma mère en octobre 2003 et je n'ai pas encore eu de réponse du bureau d'immigration. J'ai essayé d'obtenir que ma mère et ma soeur viennent me voir par la suite mais je n'y ai pas réussi.
Je me suis enfuie d'Iran et j'ai quitté un régime oppressif et recherché la protection d'un pays démocratique dans l'espoir de commencer une nouvelle vie. J'ai attendu longtemps et planifié mon projet pendant des années pour atteindre mon objectif. La dictature a recours à une stratégie déshumanisante qui consiste à séparer les membres d'une même famille dans le but de torturer ses citoyens, tant sur le plan psychologique que physique. Le gouvernement a envoyé mon père travailler les trois dernières années de sa vie dans une raffinerie en ruine dans la partie sud du pays. Il a été séparé de sa famille parce qu'il refusait de participer à un système corrompu et le régime l'a torturé pour cette raison.
Les cinq dernières années que j'ai vécues au Canada ont fait remonter les souvenirs amers de cette séparation, sous une forme différente. Je suis encore privée de ma famille, et je fais face à tous les problèmes sans le soutien d'amis ou de membres de ma famille. Ma vie solitaire a eu des répercussions sur ma santé; je souffre de douleurs dorsales chroniques depuis décembre 2000, soit six mois après mon arrivée au Canada, parce que j'ai dû porter mes bagages qui pesaient 150 kilos chaque fois que je déménageais, ce que j'ai fait sans aucune aide. J'ai passé des journées sans manger parce que j'étais clouée au lit à cause de mes maux de dos--je n'avais personne à qui demander de l'aide. J'ai souffert énormément au cours des cinq dernières années. Cette expérience douloureuse m'a profondément changé; j'étais une personne forte, persévérante et pleine d'espoir qui s'est battue contre tous les obstacles pendant 15 ans pour commencer une nouvelle vie avec sa famille dans un nouveau refuge et je suis aujourd'hui une personne gravement handicapée sur le plan mental et psychologique.
· (1330)
En tant qu'être humain, je fais partie d'une famille, tant sur le plan culturel, spirituel que social. Je ne peux pas imaginer de vivre sans ma famille, surtout depuis que ma grand-mère et mon père sont décédés. J'ai fait beaucoup d'effort pour obtenir une bourse et j'ai travaillé à temps partiel à l'université pour pouvoir parrainer ma mère et ma soeur. Le Canada a déclaré qu'il reconnaissait l'importance de la réunification des familles. Selon un communiqué du 6 janvier 1999 qu'a affiché Citoyenneté et Immigration sur son site Web, la réunification des familles demeure un élément essentiel de la politique canadienne en matière d'immigration, le Canada favorise traditionnellement la réunification des Canadiens et des résidents permanents avec les membres de leurs familles proches qui se trouvent à l'étranger. Ce n'est toutefois pas ce que j'ai connu dans mes rapports avec Citoyenneté et Immigration pour ce qui est de parrainer les membres de ma famille pour qu'ils viennent au Canada.
D'après un document du 21 février 2005 affiché par Citoyenneté et Immigration sur son site Web, le traitement des demandes de parrainage des membres de la famille dans la catégorie des parents prend 20 mois environ, et à cette date-là, les dossiers qui étaient traités avaient été présentés au mois de juin 2003. Par rapport aux autres catégories de demande, le temps de traitement va de 29 jours pour les conjoints à cinq à six mois pour les aides familiaux résidants. Le traitement d'un dossier consiste à veiller à ce que tous les renseignements exigés figurent dans la demande et à classer les dossiers avant de les transmettre à un agent d'immigration. Une fois le dossier traité, 80 p. 100 environ des demandes provenant du Moyen-Orient et de l'Afrique donnent lieu à une décision de 23 à 45 mois plus tard. Dans mon cas, le dossier a été finalisé à Damas en Syrie et la décision a pris environ 34 mois. Au total, entre la présentation de la demande et la décision, 54 mois se sont écoulés, soit quatre ans et six mois, selon les données fournies par Citoyenneté et Immigration. Au mois de février, on avait traité 21 dossiers remontant à juin 2003 et j'ai envoyé ma troisième demande en octobre 2003. Je pourrais devoir attendre encore plus de 20 mois pour que cette demande soit examinée. Cela veut dire que la décision finale au sujet de ma demande pourrait prendre beaucoup plus longtemps.
Cela fait déjà plus de quatre ans que j'essaie de réunir les membres de ma famille et je souffre de dépression et d'avoir à vivre sans aucun soutien familial. Mon médecin et mon psychiatre pensent que cela vient en partie du fait que je suis très isolée au Canada, n'ayant aucune famille avec moi, et à cause du fait que je crains pour leur sécurité et leur bien-être et à cause des nombreux défis auxquels je dois faire face seule.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, il faut que le traitement des demandes soit plus rapide et plus généreux. Dans mon cas, qu'il ait fallu près de quatre ans et six mois pour réunir ma famille ne m'indique pas que le gouvernement veut vraiment favoriser la réunification des familles. Il faut qu'il prenne en considération le fait que le répondant qui présente la demande peut offrir un soutien et un contexte familial aux autres membres de la famille, lorsqu'il s'agit de classer les dossiers de réunification des familles par priorité.
Je vous remercie.
· (1335)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre M. Abdi Hussein. Essayez de respecter le temps imparti, parce qu'il y a beaucoup de témoins à entendre.
M. Abdi A. Hussein (hydrogéologue, Ministère de l'environnement, Bureau de district de Guelph, à titre personnel): Je vais faire mon possible.
Je suis originaire de Somalie, un pays qui a été détruit par une guerre civile...
Excusez-moi.
Le président: Voulez-vous attendre un moment? Nous pouvons continuer avec quelqu'un d'autre.
Madame Verma.
Jackie Verma (à titre personnel): Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Je m'appelle Jackie Verma et j'habite avec mon mari au 53 boulevard Simmons à Brampton (Ontario) depuis 1990. Nous sommes citoyens canadiens. J'aimerais d'abord remercier le comité de me permettre d'aborder la question du parrainage par les grands-parents des petits enfants non orphelins.
Je suis venue ici à titre personnel mais aussi au nom de tous les grands-parents qui veulent parrainer leurs petits-enfants, parce qu'ils vivent dans des conditions sociales, économiques et sanitaires difficiles. Certains parents ne sont pas en mesure d'élever eux-mêmes leurs enfants à cause de problèmes personnels. Dans les pires cas, un des parents est décédé, le parent survivant est profondément bouleversé, n'a aucune source de revenu et souffre d'une maladie grave. Lorsque cela se produit, les enfants sont confiés à un orphelinat ou à une société d'aide à l'enfance. Dans les pays en développement, où ces institutions n'existent pas et la situation est pire, ces enfants se retrouvent simplement dans la rue.
Or les enfants sont notre avenir; nous croyons qu'il faut laisser les grands-parents qui en sont capables financièrement prendre soin de leurs petits-enfants. La loi canadienne ne permet pas aux grands-parents de parrainer leurs petits-enfants tant qu'il leur reste un parent. Cependant, il arrive que ce parent soit malade ou simplement incapable de combler les besoins de base d'un enfant. Dans ces cas, les enfants seraient beaucoup mieux chez leurs grands-parents que dans la rue ou confiés à un orphelinat ou à une société d'aide à l'enfance.
Mon expérience personnelle illustre parfaitement la situation que je viens de décrire.
· (1340)
Notre fils est décédé en janvier 1997, à l'âge de 31 ans seulement, laissant derrière lui sa femme et ses deux enfants, tous deux ayant alors moins de 5 ans. Sa veuve était alors très jeune et n'avait aucune source de revenu. Depuis le décès de notre fils, mon mari et moi nous occupons financièrement des deux garçons et aimerions beaucoup qu'ils viennent habiter avec nous au Canada. Je serais pour eux le père que Dieu leur a enlevé. Ils auraient une enfance heureuse et deviendraient de solides citoyens.
En 2000, notre belle-fille a demandé d'émigrer au Canada pour des raisons humanitaires. En 2002, lorsque l'ambassade l'a envoyée passer un examen médical, nous avons appris qu'elle avait le sida. Elle n'est donc pas admissible au Canada pour des motifs médicaux et, si les enfants restent avec elle, ils risquent d'attraper eux aussi le virus. Ce n'est donc plus seulement une question d'argent, mais aussi de santé.
Je vous pose humblement la question suivante, que croyez-vous qu'il adviendra de ces enfants? Mon mari et moi sommes les seules personnes au monde à qui la mère fait entièrement confiance pour prendre soin des garçons. Nous ne voulons pas les enlever à leur mère, mais nous n'avons pas le choix parce que leur santé est en danger. Leur mère est d'accord pour qu'ils viennent vivre avec nous, car elle comprend les dangers auxquels ils s'exposent en restant avec elle et en grandissant dans leur contexte social actuel. Nous sommes prêts à les élever, à leur éviter de vivre une situation sociale difficile et à les mettre à l'abri d'une infection mortelle, mais la loi ne nous le permet pas.
Lorsqu'une situation comme celle-ci se produit, les grands-parents qui veulent s'occuper de leurs petits-enfants ne peuvent continuer à vivre comme si de rien n'était. Cela se traduit par des difficultés affectives et des problèmes de santé. Croyez-moi, vivre ainsi est un véritable enfer. Je me base sur notre expérience personnelle pour vous dire que mon mari souffre maintenant de troubles du sommeil qui affectent ses activités quotidiennes. Nous vivons tous les deux dans la même maison et lorsqu'il souffre, je souffre aussi.
Pour terminer, nous vous demandons respectueusement de modifier la Loi sur l'immigration pour que les grands-parents puissent parrainer leurs petits-enfants dans ce genre de situation. En plus de sauver des vies, ce changement permettra aux grands-parents de remplir leur rôle et de combler leur désir de donner une enfance saine à leurs petits-enfants, qui sont les citoyens de demain.
Je vous remercie.
· (1345)
Le président: Merci.
Monsieur Hussein.
M. Abdi A. Hussein: Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner la possibilité de prendre la parole.
Je m'appelle Abdi Hussein. Je vis à Waterloo. Je suis originaire de Somalie...
Le président: Monsieur Hussein, nous pouvons passer à quelqu'un d'autre.
M. Abdi A. Hussein: Nous avons connu la guerre civile, la destruction et l'anarchie depuis 1990. De nombreuses familles, comme la nôtre, ont été séparées pendant la guerre civile à cause des combats. Certains sont morts, d'autres ont disparu. Nous avons essayé de parrainer ceux qui ont réussi à survivre à cette guerre civile, mais ma famille a été soumise à un processus cruel, déraisonnable et injuste. Nous avons demandé que ma belle-mère et son plus jeune fils émigrent au Canada dans le cadre du processus de réunification des familles. Ce processus a duré quatre ans et quatre mois. Cela a fait courir des risques très graves à ces personnes. Cela nous a coûté plus de 20 000 $ US. Heureusement que ma femme et moi sommes bien établis dans cette collectivité. Nous avons de bons emplois et nous avons pu assumer ces dépenses, la chose que nous avons eu du mal à assumer est l'aspect affectif du processus.
Mesdames et messieurs, vous trouverez les détails de cette histoire dans le mémoire que je vous ai remis, mais j'aimerais vous dire quelques mots de certains aspects sur lesquels j'aimerais attirer votre attention. La période qui s'est écoulée entre la demande et l'approbation de la demande de réunification de la famille a été beaucoup trop longue. Comme je vous l'ai mentionné, j'ai déposé la demande en octobre 2000 et rien ne s'est passé dans ce dossier jusqu'à ce que, trois ans après, nous demandions à notre député d'intervenir. Le dossier de la famille a été complété, ce qui a pris quatre ans et quatre mois. Je suis heureux de vous dire que le jeune fils qui avait 16 ans au moment où nous l'avons parrainé est arrivé ici à l'âge adulte et qu'il s'est trouvé immédiatement un emploi; c'est maintenant un membre de la collectivité qui paie des impôts.
Nous avons connu des agents d'immigration de premier niveau qui exercent leurs pouvoirs de façon arbitraire, sans aucun contrôle, ce qui nous a fait beaucoup souffrir. Il est arrivé à plusieurs reprises que nous pensions que les agents d'immigration agissaient comme des dictateurs, qu'ils étaient incompétents, corrompus, ne comprenaient pas ou ne tenaient délibérément aucun compte des dispositions législatives applicables lorsqu'ils ont supprimé le nom du dossier de sa mère, sans nous fournir aucune raison ni explication, et en nous disant qu'ils n'avaient pas le droit d'émigrer, et en ne répondant pas à nos demandes de renseignement. Il y a eu de nombreux autres cas où ils ont exercé leur pouvoir incontrôlé dans le seul but de nous créer de grosses difficultés et de mettre en danger les membres de notre famille se trouvant à l'étranger. Dans ce dossier, un fils a été sauvagement battu, parce qu'il vivait dans un pays tiers avec la mère. Ils ne pouvaient vivre en Somalie parce qu'ils avaient fui la guerre civile. Nous avons dû assumer des frais médicaux en plus des difficultés émotives.
· (1350)
L'autre aspect que je veux mentionner est que les agents d'immigration traitent avec mépris et soupçon les gens originaires de certains pays et ayant adopté certaines confessions, en partant pratiquement toujours du principe que ces gens essaient de tricher. C'est une discrimination inacceptable. C'est la déduction que nous tirons du fait qu'on nous a obligés à obtenir une preuve génétique de nos relations de famille. Notre fils a dû passer un test, de nature subjective et peu probante, pour établir son âge. Tout cela en dit long. Mesdames et messieurs, vous trouverez davantage de renseignements dans le mémoire que je vous ai remis.
En conclusion, je mentionne ces aspects non pas pour me plaindre, mais dans l'espoir qu'à l'avenir, les demandes seront traitées avec plus d'égards et que les auteurs de demande recevront le genre de service qui est la norme dans d'autres services de visas canadiens dans d'autres parties du monde. Il y a beaucoup de gens originaires d'Afrique, du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud que je connais et qui ont fait l'objet d'une discrimination inacceptable.
Nous pensons que le système est dysfonctionnel et qu'il faut le réparer. J'aimerais recommander en conclusion que l'on mette sur pied un processus accéléré distinct pour la réunification des familles qui serait appliqué au Canada, dans des délais précis, et assorti de larges droits d'appel et d'intervention des supérieurs pour remédier aux décisions erronées des agents de première ligne. Il faudrait créer un poste d'ombudsman à l'immigration qui aurait de larges pouvoirs et un personnel lui permettant de surveiller le déroulement du processus de réunification des familles. Enfin, cet ombudsman à l'immigration devrait pouvoir participer à des séances de médiation et faire des recommandations au ministre en vue de remédier aux carences du processus de réunification des familles.
Je vous remercie de m'avoir donné votre temps.
Le président: Merci.
Les députés qui ont examiné ces questions depuis quelque temps savent qu'il est parfois assez difficile de s'occuper de ce genre de cas dans nos bureaux. C'est une des raisons pour laquelle le travail que nous effectuons dans ce comité nous passionne.
Le témoin suivant est Mme Clancy, qui représente la Community Coalition on Refugee and Immigrant Concerns.
Aislinn Clancy (Community Coalition on Refugee & Immigrant Concerns): Merci d'être venus ici et d'écouter les témoignages et les cas que l'on vous rapporte aujourd'hui.
Au nom de la CCRIC, nous vous remercions des changements apportés au parrainage des conjoints de droit et de fait, et de la possibilité pour les couples de rester dans le même pays et de ne pas les obliger de retourner dans leur pays d'origine.
La réunification des familles est un aspect très important, pour la raison que la séparation peut avoir de nombreux effets négatifs; elle peut constituer un obstacle à l'établissement au Canada, en raison du stress psychologique et de la dépression qui réduisent la capacité des nouveaux arrivés d'améliorer leur situation financière et de le faire dans un confort émotif relatif. De plus, les enfants subissent les conséquences d'un événement traumatique aussi bien avant qu'après sa survenue. Le fait de les priver de leurs parents pendant de longues périodes peut être à l'origine de problèmes à l'âge adulte, car ils interprètent parfois de façon très différente l'attitude de leurs parents, en pensant qu'ils ne veulent peut-être pas les avoir avec eux ou parce qu'ils ne comprennent pas les motifs pour lesquels ils sont séparés de leurs parents. Toutes ces choses sont très coûteuses pour le gouvernement canadien et aussi pour les nouveaux arrivés.
Nous aimerions dire quelques mots de certains obstacles qui s'opposent à la réunification des familles, notamment la définition de la famille, le montant des droits exigés et la durée du traitement des demandes. Le Canada se targue d'être un pays multiculturel, mais notre définition de la famille, un élément essentiel, ne tient pas compte des aspects multiculturels pour ce qui est des grands-parents et de certains aspects concernant les conjoints de même sexe, etc.
Il en coûte très cher de parrainer des membres de sa famille; il faut notamment effectuer des tests d'ADN, et il y a le fait que les nouveaux arrivants ont en général une famille nombreuse avec beaucoup d'enfants.
L'emploi est également un grave obstacle qui empêche les nouveaux arrivés d'assumer les frais qu'entraîne le parrainage de membres de leur famille. L'emploi est un problème très grave. Je dirais que quatre personnes sur cinq n'occupent un emploi que pour une semaine à la fois. Si nous regardons ce qui se passe, nous constatons que la plupart des gens sont ici sans famille et sans amis. Une telle situation les défavorise énormément. Nous avons examiné certains programmes magnifiques qui existent, comme celui que parraine la Maytree Foundation à Toronto, et nous espérons pouvoir mettre sur pied des programmes de ce genre à Kitchener-Waterloo, de façon à créer des réseaux sociaux.
La réunification des familles aide les nouveaux arrivés à prendre de l'assurance, à avoir confiance en eux et à être positifs, ce qui leur donne le courage et la confiance dont ils ont besoin pour lutter contre les obstacles à l'emploi.
La durée du traitement des demandes est un autre aspect préoccupant. Cette durée varie d'un dossier à un autre, mais elle varie également selon la région géographique et la catégorie concernée. Nous espérons que la durée du traitement pourra être uniformisée à l'avenir, de sorte que la personne qui présente sa demande en Côte d'Ivoire ou en Afrique du Sud ne soit pas désavantagée en raison du lieu où elle est née ou du service des visas auquel elle a présenté sa demande. De plus, il ne devrait pas y avoir de discrimination basée sur la catégorie mentionnée de la demande, qu'il s'agisse de parrainage ou de la catégorie des travailleurs indépendants.
Nous voulions également mentionner les difficultés de communication qui se posent, lorsque les gens vivent dans une situation précaire, ne savent pas qui s'occupe de leur dossier, ni où en est l'étude de leur demande. Cela constitue un gros obstacle à l'intégration des nouveaux arrivés.
Voilà pour l'essentiel ce que nous avons à dire au sujet de la réunification des familles. Nous espérons que vous étudierez la possibilité de modifier la définition et d'améliorer la situation dans le domaine de l'emploi.
Un autre aspect important est que si nous accueillons des personnes venant de toutes les régions du monde, il demeure que l'intégration au Canada et le fait de quitter son pays constituent un processus très douloureux; il y a très peu de programmes ici—en particulier dans la région de Kitchener-Waterloo—qui accordent un soutien psychologique aux nombreux arrivés qui viennent de pays ravagés par la guerre. Nous les aidons à acquérir des aptitudes et des compétences, en leur remettant un chèque—qui ne suffit pas toujours à subvenir à leurs besoins fondamentaux, encore moins à parrainer des membres de la famille—et nous les aidons à se loger, mais comment répondre aux besoins psychologiques qui découlent des expériences traumatiques qu'ont subies de nombreux nouveaux arrivés avant qu'ils n'émigrent au Canada?
· (1355)
Le président: Merci.
Nous allons entendre maintenant M. Gordon Armstrong.
M. Gordon Armstrong (major, Commandant, St. Catherines, Armée du Salut au Canada): Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les membres du comité. Après avoir écouté un certain nombre de mes collègues, je pourrais me contenter de dire ditto, ce qui nous ferait économiser beaucoup de temps, mais nous avons beaucoup travaillé sur ce document, et je vais donc poursuivre.
Je ne sais pas très bien quel est mon rôle aujourd'hui ou qui je représente. Je représente l'Armée du Salut, mais pas uniquement cet organisme. Je suis ici en tant que pasteur, et représente Dieu, d'une certaine façon, mais ce n'est pas mon seul rôle. J'aimerais en fait être considéré comme un ambassadeur du Canada. J'ai consacré beaucoup de temps et d'efforts pour devenir un bon Canadien.
En novembre 2001, j'ai reçu un appel de mon bureau de Fort Erie. Nous venons de la région de Niagara et non pas de Waterloo. Des réfugiés avaient traversé le pont de la Paix pour demander asile au Canada. On m'avait appelé parce qu'ils étaient sous la pluie, qu'ils avaient faim et froid. On ne les avait pas laissés entrer à l'intérieur, parce qu'il n'y avait pas de pièce où on pouvait les accueillir dans ce bâtiment. Je leur ai apporté des couvertures et des boissons chaudes et j'ai finalement réussi à convaincre les agents des douanes de les laisser entrer dans une pièce. J'étais fier d'être Canadien.
En juillet 2003, Juan et sa femme, Clara, sont entrés dans mon bureau et m'ont présenté une demande étrange. Juan venait d'apprendre qu'il avait la leucémie. L'Université McMaster et l'Armée du Salut ont travaillé ensemble pour faire venir sa soeur de Colombie pour qu'elle passe des examens, pour voir si elle pourrait lui donner sa moelle épinière. Les résultats des examens ont été positifs. Juan a été opéré et il travaille maintenant dans sa nouvelle vie. J'étais fier d'être Canadien ce jour-là.
En novembre 2004, le Centre des réfugiés nous a encore appelé. Buffalo venait d'apprendre que la frontière allait fermer. La vague est arrivée. Avec notre gouvernement régional, nous avons ouvert un hôtel temporaire. Nous avons pu nourrir, habiller et abriter nos nouveaux arrivants et leur faire un accueil spécial pendant les Fêtes de Noël. Nous étions fiers d'être canadiens.
Le 29 décembre 2004, quelque 400 réfugiés ont décidé de franchir illégalement la frontière dans un dernier effort pour entrer au Canada. On nous a appelé en fin de soirée. Ils ont été placés dans des autobus scolaires pendant plusieurs heures et nous avons pu les nourrir et leur donner quelque chose à boire pendant ces nuits extrêmement froides. La langue était une barrière mais des réfugiés qui avaient déjà participé à un programme d'accueil sont venus interpréter ce qu'ils disaient. Nous étions fiers de pouvoir accueillir ces réfugiés au Canada dans ces autobus, même si nous avons dû les renvoyer aux États-Unis pendant une brève période.
Mais lorsque je dois dire à Nubia et à Angela que leur fille de 13 ans n'a pas le droit de venir au Canada ou dire à Mary que son fils de 17 ans qui doit se cacher ne peut venir au Canada, je ne suis plus très fier d'être canadien. Je ne suis pas non plus très fier d'être canadien lorsque je reçois des lettres des services de santé de Niagara qui me disent des choses comme : «Andrea... se rend régulièrement à ses rendez-vous de thérapie depuis 2004» et «Andrea souffre d'un syndrome de stress post-traumatique relié aux événements qui se sont produits en Colombie». Son mari, son père, et son cousin ont été criblés de balles et défigurés parce qu'ils refusaient de s'engager auprès de la guérilla. Cette lettre disait aussi : «Elle est émotivement épuisée, elle a du mal à dormir et à fonctionner», il est «extrêmement important» que son fils de 10 ans rejoigne Andrea «le plus tôt possible» parce qu'elle «craint énormément pour son sort». Eh bien, je me demande pourquoi.
Votre présence me rend humble et lorsque nous demandons à ces nouveaux arrivés au Canada de faire les choses très dangereuses que nous leur demandons de faire, tant sur le plan physique que mental, je ne peux pas dire que je suis fier d'être canadien.
¸ (1400)
Comme cela vous a déjà été demandé, notre première recommandation consiste à accorder aux membres de la famille des réfugiés au sens de la convention un permis de résidence temporaire les autorisant à se rendre immédiatement au Canada pour que le processus d'attribution du statut de résident permanent puisse se poursuivre pendant que ces personnes sont en sécurité au sein de leur famille.
Deuxièmement, adopter des mesures législatives qui exigent que la réunification d'enfants séparés et en danger soit accélérée dès qu'un de ses parents, ou les deux, est reconnu comme une personne a protéger au Canada. D'une façon générale, nous pensons que dès qu'un des parents a obtenu le statut de réfugié au sens de la convention, le personnel du CIC au Canada et les employés des ambassades canadiennes devraient accélérer la réunification des membres immédiats de la famille, qu'il s'agisse de conjoints, compagnons ou d'enfants à charge de moins de 22 ans.
Le fait que nous soyons ici aujourd'hui et que nous puissions vous présenter ces cas et nos préoccupations et que le gouvernement soit prêt à écouter... Je suis de nouveau fier d'être canadien.
Je vous remercie de votre temps et des efforts que vous déployez pendant cette période.
¸ (1405)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Madame Grewal.
Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici. Merci de nous consacrer votre temps et merci de nous avoir présenté vos exposés.
J'ai été très triste d'entendre toutes les difficultés que vous avez connues pour réunir vos familles avec ceux qui vous sont chers. Nous savons tous que la famille est une chose très importante. La famille est une valeur sacrée. Je vous invite à poursuivre vos efforts et à ne pas abandonner.
Auparavant, les demandes de réunification étaient traitées en 24 mois. Il faut aujourd'hui deux fois plus de temps. Pourquoi la durée de traitement des demandes est-t-elle plus longue maintenant? Quelle en est la raison? Faudrait-il augmenter le personnel dans nos ambassades? Que devrait-on faire pour améliorer le système?
Madame Clancy, vous avez mentionné dans votre exposé qu'il ne faudrait pas faire de discrimination entre les différents pays et les différentes catégories. Pourriez-vous nous en dire davantage?
Aislinn Clancy: Je me basais sur des chiffres publiés par l'Association du Barreau canadien qui indiquent que, depuis cinq ans, le nombre des demandes de parrainage d'un membre de la famille qui ont été approuvées a diminué de 75 p. 100. Ce chiffre a été établi par comparaison aux délais de traitement et au pourcentage d'approbation des demandes présentées dans les autres catégories, celle des travailleurs indépendants, notamment.
Mme Nina Grewal: Au sujet de ma première question, y a-t-il des problèmes, des lacunes dans notre système? Que faut-il faire pour améliorer le système, accélérer le traitement des dossiers d'immigration, qui prennent deux fois plus de temps?
Aislinn Clancy: Veiller à ce que la durée de traitement des demandes soit le même pour tous, quelle que soit la région géographique d'où vous venez ou la catégorie de la demande. Cela veut peut-être dire renforcer le personnel des services de visas où les périodes d'attente sont plus longues. Cela veut dire peut-être adopter des politiques qui exigent que soient traitées de la même façon toutes les demandes, qu'il s'agisse de parrainage ou de travailleurs indépendants, etc.
Mme Nina Grewal: Y a-t-il un autre témoin qui voudrait répondre?
M. Marjan Maleki-Tehrani: La région géographique où la demande est présentée fait une énorme différence. J'ai présenté ma demande en Syrie, parce qu'à l'heure actuelle, toutes les demandes déposées au Moyen-Orient sont traitées en Syrie. Il y a trois ans, ce n'était pas le cas. Un Iranien qui parrainait ses parents il y a trois ans—il vient de Kiev en Ukraine—a réussi à faire venir ses parents en moins d'un an. Mais aujourd'hui, les services en Syrie traitent un grand nombre de dossiers et sont surchargés.
Pour ce qui est des différences de statut, aspect qu'a mentionné Mme Clancy... Ce même monsieur s'est marié cette année. Il s'est rendu en Iran et il s'est marié moins d'un mois après. Il est revenu et sa femme sera autorisée à le rejoindre dans moins de 30 jours. Après avoir vécu 30 ans avec ma mère et ma famille, il me faudra près de huit ans pour que mon dossier soit traité. C'est le genre de discrimination que l'on fait entre un conjoint et un membre de la famille. Je ne comprends pas pourquoi on fait cette différence. Qui peut dire qu'un conjoint est plus important sur le plan émotif qu'un père ou une mère?
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci, monsieur le président.
C'est très émouvant. Personne n'est insensible à ce que vous vivez. À cet égard, je sympathise sincèrement avec vous.
Madame Verma, d'abord, vous m'avez convaincu qu'il est important que nous appuyions les demandes de parrainage des petits-enfants non orphelins. Je ne suis pas encore grand-père, mais j'ai un fils de 20 ans. Au nom de votre fils, on va essayer de faire adopter au moins cette permission, ce droit de parrainer les petits-enfants non orphelins.
J'aimerais revenir à deux autres témoignages.
Monsieur Hussein, de Somalie, il a fallu quatre ans et quatre mois pour réunir une famille. Tout le monde sait que ce sont des délais trop longs.
Vous avez parlé de ces décisions, que nous voyons dans nos comtés aussi. Ce sont des décisions arbitraires. Comme vous avez utilisé le terme « mépris », je vais l'utiliser aussi: il y a parfois du mépris de la part des agents d'immigration.
En ce qui concerne votre suggestion de créer un poste d'ombudsman de l'immigration, j'aimerais savoir si cet ombudsman aurait aussi le pouvoir d'enquêter sur les abus de pouvoir de certains agents d'immigration dans le cadre de décisions illogiques. Est-ce ainsi que vous voyez le rôle d'un ombudsman? Pourrait-il renverser des décisions qui sont absolument stupides? Pourriez-vous m'aider à ce sujet?
¸ (1410)
[Traduction]
M. Abdi A. Hussein: Merci d'avoir posé cette question.
Je n'ai pas de formation juridique, mais je dirais que logiquement, si ce bureau a le pouvoir de surveiller le déroulement du processus, si la loi prévoit un délai à respecter, cela donnerait aux gens comme moi, et à bien d'autres qui n'ont pas la possibilité de s'adresser ailleurs, la possibilité de soumettre leur cas à l'ombudsman. Celui-ci aurait le pouvoir d'intervenir à titre de médiateur et s'il constate que le processus n'a pas été suivi, qu'il y a eu abus de pouvoir de la part des agents de première ligne, il pourrait présenter au ministre des recommandations lui demandant d'effectuer les changements nécessaires.
[Français]
M. Roger Clavet: J'ai une autre question que j'adresse cette fois à Mme Maleki-Tehrani, une Iranienne qui est arrivée au Canada en 2000.
Les cinq dernières années ont été un calvaire: votre père est décédé, vous avez demandé le parrainage de votre mère et de votre jeune soeur, et cela a été rejeté. Quatre ans et six mois plus tard, cela continue. Vous avez fui un régime oppressif en Iran.
Trouvez-vous que la torture psychologique que vous avez vécue en Iran est pire que celle que vous vivez en ce moment au Canada?
[Traduction]
M. Marjan Maleki-Tehrani: C'est de la torture, mais une autre sorte de torture. Lorsqu'ils me posent la question, je réponds toujours que c'est comme si j'étais en prison, mais c'est une très belle prison. Je ne peux même pas jouir de ce que j'ai. J'ai une liberté nouvelle mais j'ai perdu aussi. On obtient des choses mais on en perd d'autres, c'est donc une autre sorte de torture.
[Français]
M. Roger Clavet: Avez-vous demandé l'aide de citoyens? Vous êtes passée par le processus d'immigration, mais avez-vous demandé l'aide des citoyens autour de vous? Il y a sûrement des gens au Canada qui vous ont aidée?
[Traduction]
M. Marjan Maleki-Tehrani: Savez-vous ce qui est arrivé? En 2001, peu de temps après que j'ai perdu ma grand-mère, qui était en Angleterre à l'époque, je n'ai même pas pu me rendre à ses funérailles parce qu'il m'aurait fallu plusieurs mois pour obtenir un visa pour me rendre en Angleterre. Mon conseiller m'a même dit, Marjan, tu devrais peut-être rentrer chez toi, parce que les gens, en particulier en Amérique du Nord, sont très occupés. Ils n'ont pas vraiment le temps de te donner le soutien que pourraient te donner des amis proches et des membres de ta famille.
De sorte que oui, j'ai parlé à beaucoup de gens et ils m'ont tous dit, Marjan, personne ne pourra les remplacer et te conseiller, en particulier dans la communauté iranienne : si tu es tellement désespérée, tu devrais peut-être retourner dans ton pays.
M. Roger Clavet: Je vous remercie.
M. Marjan Maleki-Tehrani: Je vous en prie.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à M. Siksay.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président et merci à tous ceux qui sont ici cet après-midi.
Pendant 18 ans, j'ai été adjoint de circonscription auprès d'un député et mon travail, comme celui des assistants de M. Telegdi qui sont ici aujourd'hui, consistait à travailler avec des gens qui se trouvaient dans la même situation que ceux qui nous ont décrit ce qu'ils avaient vécu personnellement. C'était un travail très difficile et très frustrant. Il était très difficile de savoir ce qu'il fallait faire, comment donner aux gens le soutien dont ils avaient besoin, et finalement, comment changer les choses pour régler ces situations et veiller à ce que cela ne se reproduise pas. Je suis heureux d'être membre d'un comité qui travaille sur ces questions et qui essaie d'amener le gouvernement à apporter des changements. J'espère que nous y parviendrons pour aider ceux d'entre vous dont les demandes sont en cours de traitement et de veiller à ce que cela n'arrive plus à l'avenir. Mais je suis heureux de voir que vous êtes venus nous expliquer personnellement ce qui vous est arrivé. Je sais que cela n'est pas facile à faire. Je vous remercie d'être ici.
Je suis tout à fait en faveur des suggestions et des recommandations qui ont été faites cet après-midi. Elles sont toutes tout à fait valides. Il est monstrueux--le mot n'est pas trop fort--d'obliger les familles de réfugiés à vivre ce genre de chose après que nous ayons accordé une protection à un de ses membres. Nous faisons ces promesses, nous offrons une protection à ces personnes, mais ensuite, nous ne faisons pas ce qu'il faut pour être sûr que cette protection se concrétise vraiment dans la vie des membres de leurs familles. Il est monstrueux de parler de réunification des familles et de ne pas tenir compte de ce qui constituent les familles de ces personnes, des genres de relations qui unissent les membres de ces familles, les relations entre parents et petits-enfants, frères et soeurs. Il faudrait aussi que notre droit reconnaisse, à mon avis, les oncles et les tantes. J'ai essayé de le faire en proposant un projet de loi d'origine parlementaire au cours de la présente législature, en proposant une méthode pour y parvenir. Malheureusement, ce projet de loi n'a pas été approuvé par un nombre suffisant de députés. Je reconnais avec vous qu'il faut élargir la définition de famille pour tenir compte de la réalité et je veux travailler dans ce but.
Mme Valenzuela a posé une question au sujet de la section d'appel des réfugiés. Tous les membres du comité ont adopté une position très ferme à ce sujet. Un certain nombre d'entre nous ont soulevé cette question. Chaque fois que le ministre comparaît devant nous, il peut être sûr que je l'interrogerai au sujet de la section d'appel des réfugiés. Lorsque j'ai rencontré pour la première fois les deux ministres, c'est un sujet que j'ai soulevé avec eux. Aucun d'entre eux ne m'a donné une réponse satisfaisante. Ce n'est pourtant pas une proposition coûteuse : 2 millions de dollars pour le fonctionnement de la section d'appel des réfugiés et peut-être un montant de 8 millions de dollars pour la mettre sur pied. C'est une dépense minime, c'est une question administrative. Ce n'est peut-être pas la meilleure solution mais tout ceux qui travaillent dans le secteur des réfugiés reconnaissent que c'est une mesure nécessaire. Cela fait partie des lois adoptées par le gouvernement. Pourquoi celui-ci refuse-t-il de mettre en oeuvre une loi que le Parlement a adoptée, qu'il a lui-même proposée, je n'arrive pas à le comprendre. Nous allons suivre cette question en préparant un rapport à ce sujet. Nous allons obtenir une réponse officielle du gouvernement, si j'ai bien compris, mais d'autres, moi notamment, soulèvent cette question chaque fois que nous le pouvons et avons posé au ministre des questions pendant la période des questions à la Chambre. Il faut absolument faire quelque chose à ce sujet.
Mon intervention ressemble davantage à un discours qu'à des questions, c'est malheureux, mais il y a tant à dire.
Le major Armstrong a parlé du travail qui se faisait à la frontière à Fort Érié. Je ne suis pas très favorable à l'entente relative aux tiers pays sûrs. Je sais que vous aurez probablement beaucoup moins de travail à faire à la frontière à cause de cette entente. Auparavant, les gens arrivaient au Canada et étaient accueillis par l'Armée du Salut ou d'autres organismes qui leur fournissaient certaines choses, mais cela ne sera pas aussi facile désormais. S'ils arrivent des États-Unis, ils vont rester dans ce pays ou y être renvoyés. À Fort Érié, on recevait entre 75 et 95 demandes de réfugiés par semaine et je pense qu'il y en a eu seulement 70 au total pour les mois de janvier et février. Nous avons donc imposé de sévères restrictions à l'aide que nous pouvons donner aux gens qui recherchent l'asile au Canada. C'est un aspect dont on a beaucoup parlé au comité et nous allons continuer à suivre la mise en oeuvre de cette entente mais encore une fois, cela ressemble davantage à une restriction plutôt qu'à un élargissement de nos responsabilités, de notre espoir d'être un pays utile.
¸ (1415)
Il faut absolument que je fasse un commentaire de nature encore plus manifestement politique. Notre pays n'a pas vraiment décidé d'augmenter les fonds qu'il affecte à son programme d'immigration. Depuis des années, il n'attribue aucuns nouveaux crédits au traitement des demandes et à l'exécution de ses obligations fondamentales. Ce ministère a subi de grosses coupures budgétaires dans les années 1990 et n'a jamais récupéré ces fonds.
Nous sommes également un pays qui n'a plus de déficit au palier fédéral. Nous accumulons les budgets excédentaires et nous continuons d'offrir des réductions d'impôt aux riches Canadiens et aux grandes sociétés. Lorsqu'on entend parler des problèmes et des situations comme celles qui ont été décrites aujourd'hui, on sait comment on pourrait utiliser nos impôts, nos ressources collectives, pour répondre à des besoins de ce genre. Je pense que notre pays a échoué dans ce domaine et personnellement, je voudrais que nous décidions de redresser la barre.
Si cela veut dire dépenser davantage de fonds... vous savez, les gens disent toujours que l'argent ne règle pas tout. C'est vrai, mais l'argent aide dans certaines situations et je pense que ce sont là des situations où de l'argent aiderait. Avec mon nouveau poste de député, je me retrouve aujourd'hui dans la catégorie des Canadiens riches et je voudrais que mes impôts aident à régler ce genre de problèmes.
Je vous demande de m'excuser de ne pas vous avoir donné la possibilité de prendre la parole, mais je voulais que tout cela figure au compte rendu.
Je vous remercie d'être venu.
¸ (1420)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Siksay.
Nous allons maintenant passer à M. Temelkovski.
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci, monsieur le président.
Cet après-midi a été dur. Nous connaissons tous des cas difficiles. J'avais 13 ans lorsque je suis arrivé au Canada avec ma mère et mon frère. Nous n'avons revu mon père que quatre ans plus tard mais cela est réglé maintenant. Les choses s'arrangent toujours.
Ce n'est pas une question facile. Elle comporte de nombreuses facettes. On nous a parlé du cas d'une grand-mère et de ses petits-enfants; on nous a parlé de quelqu'un qui voulait faire venir sa belle-mère; nous avons entendu une autre personne nous dire que son fils, sa mère et sa soeur lui manquaient. Si nous voulions faire venir au Canada toutes ces personnes, il faudrait augmenter considérablement le nombre des personnes qui émigrent au Canada. Il y a des files d'attente à l'heure actuelle et 750 000 personnes qui voudraient venir au Canada. Ce n'est pas aussi facile qu'on le pense.
Il est difficile d'apporter une réponse à ces questions et le gouvernement doit établir des priorités comme toute personne qui est responsable d'un budget. Faut-il acheter une plus grosse voiture ou une plus grosse télévision? Je ne veux pas banaliser ces aspects mais les gouvernements doivent prendre des décisions difficiles, ce qui a parfois pour effet d'exclure certaines personnes ou de remettre à plus tard la réunification des familles. Cela n'est vraiment pas facile.
Nous avons entendu tellement de choses. Il est bon que nous entendions tout ceci et j'espère que notre rapport reflétera... J'espère que le gouvernement tiendra compte de nos recommandations, et elles sont nombreuses.
Nous sommes en train de terminer notre deuxième semaine de voyage. Dimanche prochain, nous irons à St. John's; la semaine prochaine, nous nous trouverons sur la côte Est et nous entendrons d'autres récits. La semaine d'ensuite, nous serons encore en déplacement. On nous pose beaucoup de questions auxquelles il est difficile de répondre, et on nous raconte beaucoup d'histoires tragiques; nous sommes très sensibles à toutes ces questions. La plupart d'entre nous ont vécu tout cela directement ou indirectement. Nous avons connu le genre de situation dont vous nous parlez, alors n'abandonnez pas.
Je vous remercie d'être venu, de nous avoir fait connaître tous ces cas et de nous rappeler une fois de plus de quoi il s'agit.
Merci.
Le président: Merci.
Madame Beaumier.
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Lib.): Merci.
Vous dites que les priorités causent de la discrimination. Est-ce que pour cette personne son conjoint et ses enfants sont plus importants que son père et sa mère? Peut-être pas; cependant, le conjoint et les enfants—en particulier, compte tenu du fait que ceux qui ont mis des enfants au monde ont la responsabilité de les élever. La seule façon de régler ce problème est d'augmenter le nombre des immigrants.
Monsieur Hussein, je voudrais que vous sachiez que, lorsque le personnel de l'ambassade est impoli et que les agents d'immigration vous traitent comme un enfant, il n'y a absolument pas de discrimination parce qu'ils nous parlent de la même façon—grossièrement. Il y en a peut-être quelques-uns qui travaillent trop mais nous savons tous que le traitement que reçoivent les candidats à l'immigration dans les ambassades n'est pas celui que notre pays devrait leur accorder.
Jackie, je suis vraiment très fière de vous. Pour régler ces problèmes, nous pourrions tous vous dire de venir nous voir parce que nous avons des idées. Je pense que vous avez déjà parlé à votre député. J'ai demandé à Jackie de venir demain parce que nous allons essayer une autre méthode. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous ne sommes pas ici pour résoudre des cas particuliers. J'aimerais tous vous ramener chez moi mais cela ne réglerait pas le problème.
Je vous remercie d'être venus. Je sais que cela est souvent difficile. Je sais que Jackie l'a fait pour ses grands-parents qui ne sont pas ici pour présenter leur point de vue.
Il est vrai que les décisions que nous prendrons aujourd'hui arriveront trop tard pour vous, Marjan, parce que vous avez déjà vécu tout cela. Mais M. Temelkovski a raison. Lorsque vous serez vieille comme moi, vous comprendrez que tous les problèmes se règlent d'une façon ou d'une autre. Je vous remercie toutefois d'avoir attiré notre attention sur ces situations. Nous nous efforcerons de faire bouger les choses et d'aller aussi loin que nous le pouvons.
¸ (1425)
Le président: Merci.
Monsieur Chong.
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Merci, monsieur le président.
Je suis sensible à la plupart des situations que vous avez décrites aujourd'hui, mais je ne suis pas d'accord avec les personnes qui ont fait ici certaines déclarations. Certains ont affirmé que les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international font de la discrimination contre les personnes qui souhaitent immigrer au Canada.
Il est possible que certains d'entre vous aient eu des expériences malheureuses avec ces ministères, mais il n'est pas possible de faire des déclarations aussi générales au sujet des milliers et des milliers de fonctionnaires qui travaillent pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et pour Citoyenneté et Immigration Canada. Ce sont des fonctionnaires dévoués et consciencieux qui ont passé de nombreuses années de leur vie à servir le Canada. Je pense qu'il est bon de le rappeler.
Il y a bien sûr certains problèmes dans les ministères. Les listes d'attente en sont un. Mais ce sont des problèmes systémiques et je ne pense pas que l'on devrait dénigrer les milliers de fonctionnaires qui travaillent consciencieusement. Je voulais commencer en faisant ces remarques.
Les intervenants qui ont témoigné aujourd'hui n'ont pas offert beaucoup de solutions concrètes pour régler les problèmes auxquels nous faisons face. C'est pourquoi j'adresserais mes questions à M. Balmer et à Mme Clancy au sujet des nombreux défis auxquels nous faisons face au Canada dans le domaine de l'immigration. Plus précisément, j'aimerais avoir votre point de vue sur l'idée de rééquilibrer l'importance relative que nous accordons à la catégorie des immigrants économiques par rapport à la catégorie des immigrants humanitaires. À l'heure actuelle, le rapport est de 60-40. Cela a été rééquilibré il y a quelques années par le gouvernement. Auparavant, on accordait une plus grande importance à la catégorie des immigrants pour des raisons humanitaires. Si vous pensez que le rapport actuel de 60-40 entre immigration à but économique et immigration à but humanitaire n'est pas acceptable, quel est le pourcentage qui vous paraîtrait souhaitable?
Au sujet de la durée du traitement des demandes, avez-vous des idées sur la façon d'accélérer ce traitement? Pensez-vous que les ministères devraient embaucher davantage de personnel? Pensez-vous qu'il faudrait peut-être utiliser la technologie pour accélérer le processus? Est-ce qu'il y a trop de paperasse et pas suffisamment de technologie?
Voilà le genre de problèmes auxquels j'aimerais que vous proposiez certaines solutions concrètes, certaines idées précises sur la façon de les régler.
¸ (1430)
The Rev. Brice Balmer: Puisque vous me posez cette question, je dirais tout d'abord que je ne voudrais pas que l'on pense que je critique certains employés particuliers. Il y a un grave problème de transparence dont tout le monde parle et cela est incontestable. Immigration Canada n'est pas un ministère transparent. Nous ne savons pas pourquoi. Nous ne savons pas où se trouvent les dossiers. Nous ne savons pas ce qui se passe. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est la faute de certains employés. Il y a un problème systémique que vous connaissez peut-être mieux que moi.
Je peux vous dire ce qui se passe au niveau local. Je travaille au niveau local avec un organisme bénévole, avec des groupes confessionnels, et je peux vous dire que ce manque de transparence inquiète beaucoup de gens.
Comment favoriser la transparence du système d'immigration canadien?
Deuxièmement, je dirais que dans les organismes bénévoles et les groupes communautaires avec qui je travaille, nous nous préoccupons beaucoup, en tant que Canadiens, des aspects humanitaires. Les gens qui viennent ici pour des raisons économiques peuvent fort bien aller ailleurs pour les mêmes raisons, mais il y a des cas humanitaires qui ne peuvent pas être envoyés ailleurs. C'est donc un aspect qui me préoccupe beaucoup, compte tenu, en particulier, du fait que ces cas humanitaires se règlent très bien une fois que ces personnes sont intégrées. La difficulté est d'aider les gens à s'établir, pour qu'ils puissent s'en sortir avec leur famille et réussir.
J'ai pris comme exemple les Hmong de l'Asie du Sud-Est, qui vivaient dans les montagnes. La plupart des femmes étaient analphabètes. Ils sont venus et 25 ans plus tard, ces gens ont leurs maisons, leurs propres groupes de musiciens, etc. Ils ont très bien réussi, mais nous avions à cette époque les moyens de les aider à s'établir. Il y avait davantage de soutien au Canada pour les nouveaux arrivés.
Je crains qu'effectivement nous ayons besoin d'embaucher du personnel. Je pense que c'est le cas. J'ai parlé à d'anciens fonctionnaires d'Immigration Canada qui m'ont dit qu'il n'y avait pas suffisamment de personnel et qu'on aurait besoin de bien former les employés pour qu'ils sachent ce qui se passe dans les pays d'où viennent les candidats à l'immigration.
Je pense également que nous devrions faire davantage pour amener les collectivités locales à offrir ces programmes. Dans l'organisme pour lequel je travaille dans la région de Waterloo, nous nous occupons beaucoup d'établissement, nous dépensons des sommes considérables d'origine locale, qui proviennent tant du secteur bénévole que du gouvernement local, pour faire ce que nous avons à faire. Il y a environ deux ans—lorsque Elinor Caplan était ministre de l'Immigration—je lui ai écrit une lettre parce que l'on disait que le système d'immigration canadien devrait fonctionner de façon parallèle au système en vigueur dans la région de Waterloo. Je disais que la House of Friendship dépensait 27 000 $ par an à fournir des caisses de nourriture aux nouveaux Canadiens qui recevaient des prestations de DRHC et que nous aimerions voir ce montant de 27 000 $ traité comme une prestation de bien-être, parce que c'était le principe qu'ils voulaient appliquer. Elle m'a répondu qu'ils ne le feraient pas.
Encore une fois, je pense qu'une partie des difficultés auxquelles je fais face est que vous avez transféré de nombreuses responsabilités aux donateurs, aux contribuables régionaux, aux bénévoles, et qu'en plus le système n'est absolument pas transparent. Nous essayons de faire ce que nous pouvons au niveau local, pour écouter et aider les gens dont on vous a parlé aujourd'hui. Nous les accompagnons dans leur quotidien. L'organisme pour lequel je travaille s'occupe de près de 32 000 personnes—ce ne sont pas tous des nouveaux Canadiens, mais la moitié peut-être en sont.
Nous travaillons donc au niveau local mais nous avons le sentiment que le gouvernement fédéral nous a abandonnés. Comme l'a déclaré Bill, il y a de l'argent là-bas, qui sert à rembourser la dette, mais c'est l'argent des contribuables, des gens de la région. Nous nous sentons démunis. Et nous entendons ces histoires tous les jours, le genre d'histoires que l'on vous a racontées. Que pouvons-nous faire?
C'est pour moi une question humanitaire, une question de morale et d'éthique, c'est ce que je pense. Il se trouve que je suis pasteur et travailleur social, mais je pense qu'il y a un problème moral, éthique et communautaire au palier fédéral. Je ne pense pas que ce problème existe au niveau local. Je pense que c'est au niveau fédéral qu'il existe.
¸ (1435)
M. Michael Chong: De sorte que lorsque vous dites...
Le président: Vous avez dépassé la période prévue. Merci, mais nous sommes rendus à sept minutes et 22 secondes. Je vous remercie.
Des voix: Oh, oh!
Le président: De toute façon, je tiens à remercier tous ceux qui sont venus assister à cette partie de nos audiences.
Brice, la chose qui me dérange le plus est que la plus grosse dépense du gouvernement fédéral sert à rembourser les intérêts de la dette; quand je pense à ce que nous pourrions faire avec tout cet argent.
Je pense que Lui l'a bien dit : c'est une question complexe. Je ne veux certainement pas nier les expériences qu'ont vécues les gens qui sont intervenus, parce qu'ils parlent de leur expérience personnelle. Les membres permanents du comité ont entendu de nombreuses histoires de ce genre et nous avons demandé à des fonctionnaires d'expliquer la raison d'être de situations comme l'attribution de visa, parce que c'est un grave problème. L'an dernier, le nombre de visas rejetés est passé de 70 000 à plus de 150 000, et chacun de ces refus, qui représentent plus de 20 p. 10 du nombre total des demandes, a un visage humain. Les députés ont constamment à faire face à ce genre de choses.
C'est pourquoi je tiens à vous remercier. Vous avez été entendu et vous avez présenté des recommandations. Nous allons préparer un rapport et nous veillerons à ce que chacun d'entre vous en obtienne un exemplaire. Cela dit, je vais suspendre la séance quelques minutes et nous reprendrons dans cinq minutes pour la deuxième partie.
Merci.
M. Michael Chong: J'invoque le Règlement, monsieur le président, pour préciser que je ne siège pas habituellement à ce comité et que je ne connais donc pas bien les règles que vous avez adoptées la première journée ou lors d'une des premières séances du comité. Je me demande quel était l'ordre dans lequel les députés posaient les questions. Dans le comité où je siège habituellement, l'ordre est le suivant, les Conservateurs, le Bloc, le Nouveau parti démocratique et le Parti libéral, et l'on revient ensuite à l'opposition. Je constate que nous n'avons pas procédé de cette façon et je me demandais quel était l'ordre que vous suiviez.
Le président: En fait, le président veille à ce que les membres permanents du comité qui ont consacré beaucoup de temps à cette question puissent poser leurs questions.
En fait, monsieur Chong, vous avez eu sept minutes, ce qui est plus que le temps attribué aux autres membres. Je vous remercie.
M. Michael Chong: Non, je comprends cela, mais je voulais simplement savoir quel était l'ordre choisi ou quelles étaient les règles appliquées pour établir cet ordre.
Le président: Je viens de vous le dire : vous pouvez poser une question lorsque les membres permanents ont terminé leur intervention.
De toute façon, la séance est suspendue.
¸ (1445)
Le président: S'il vous plaît. Nous allons commencer la session suivante, qui porte sur les compétences acquises à l'étranger. Les exposés ne doivent pas dépasser cinq minutes. Je sais que les situations dont vous parlez peuvent susciter de vives réactions mais ce sujet ne devrait pas être aussi chargé d'émotions que celui de l'autre session. Nous allons donc essayer de respecter ces périodes de cinq minutes.
Nous allons commencer par M. George-Cosh.
M. Stelian George-Cosh (professeur, Collège Conestaga, Institut de la technologie, à titre personnel): Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser au comité permanent.
Je suis arrivé au Canada il y a plus de 20 ans. J'ai suivi la filière pour me faire reconnaître le titre d'ingénieur par les Professional Engineers of Ontario. Cela m'a pris environ trois ans. Depuis cinq ans, je suis membre bénévole du comité des programmes universitaires et du comité de la reconnaissance professionnelle; je me suis donc familiarisé avec tous les aspects de ce processus, non seulement de mon point de vue personnel mais aussi de celui des centaines de personnes à qui j'ai parlé. Ce que je vais vous présenter est donc principalement basé sur la profession d'ingénieur, mais je connais également la situation des médecins, des travailleurs de la santé et des économistes.
Très brièvement, le candidat à l'immigration au Canada fait l'objet d'une évaluation en fonction d'un système de points qui tient compte de ses diplômes universitaires et de son expérience de travail, entre autres. Le niveau d'instruction est défini par le nombre des années d'études et l'expérience de travail par celui du nombre des années pendant lesquelles le candidat a travaillé. En fonction de ses points, le requérant est accepté à titre de résident permanent et arrive au Canada. Mais comme professionnel, il n'est pas au Canada, il se trouve dans une province canadienne, un aspect qu'il ne connaissait pas et ne comprend pas.
Le Canada utilise un système de reconnaissance des compétences universitaires qui est unique au monde. Le statut universitaire est complètement distinct du statut professionnel. L'étudiant diplômé d'un programme universitaire d'ingénierie ne peut exercer sa profession que s'il est accepté par un organisme provincial chargé de réglementer la profession d'ingénieur dans la province. De la même façon, l'étudiant qui a réussi un programme médical ne peut pratiquer la médecine. Il y a des organismes de réglementation pour toutes les professions et les métiers réglementés dans chacune des provinces. Il arrive qu'un métier soit réglementé dans une province mais pas dans une autre, parce que les conditions d'attribution des permis ou de reconnaissance professionnelle varient d'une province à l'autre. Une fois obtenu le permis d'exercer, il n'est pas toujours possible de l'utiliser dans d'autres provinces, parce que les conditions de reconnaissance ne sont pas les mêmes partout.
Cela est extrêmement troublant pour les nouveaux immigrants. Ils viennent de pays où il suffit d'un diplôme universitaire pour que les organismes gouvernementaux et surtout le marché du travail et les employeurs leur accordent la reconnaissance professionnelle. Le nouvel arrivé doit entamer un long parcours pour faire reconnaître ses compétences professionnelles et ensuite, pour obtenir un emploi. Bien souvent, le nouvel arrivé prend n'importe quel travail pour survivre, même s'il est beaucoup trop qualifié pour le travail, parce qu'il faut vivre, et les rancoeurs s'accumulent progressivement. Ces immigrants essaient pendant des années d'obtenir la reconnaissance professionnelle à l'aide de leurs diplômes universitaires et de trouver un emploi dans la profession qu'ils exerçaient avant de venir au Canada.
Récemment, un bon nombre d'entre eux ont commencé à quitter le Canada, parce qu'ils ont échoué dans cette poursuite de la reconnaissance professionnelle. Ce sont aujourd'hui des pays qui, pendant des dizaines d'années, envoyaient des immigrants au Canada qui bénéficient aujourd'hui de cet exode des cerveaux; et les gens qui émigrent du Canada sont ceux qui avaient obtenu d'excellents scores selon le système d'immigration, ceux qui ont été acceptés comme des professionnels de qualité en fonction de leurs diplômes universitaires et de leur expérience de travail. Un expert en ressources humaines a publié en Roumanie un article intitulé « Attention, les Roumains qui avaient conquis l'Ouest reviennent ». La Roumanie et la Moldavie ont modifié certaines choses pour faciliter le rapatriement de leurs ressortissants en 2003. Pour autant que je sache, en Roumanie, d'où émigrent tous les ans près de 5 000 professionnels—je ne parle pas des familles de réfugiés ou de la catégorie des réfugiés, je parle uniquement des professionnels—je peux vous dire que depuis deux ou trois ans, des centaines d'entre eux retournent chez eux.
Je participe activement à l'un des principaux forums canadiens destinés aux Roumains. J'ai appris auprès de ces professionnels qu'ils aiment toujours beaucoup le Canada, à cause de son niveau de vie, du respect des droits de la personne et de l'absence de problèmes raciaux. La principale raison qui les pousse à quitter notre pays est notre système de reconnaissance des compétences professionnelles et de permis d'exercer. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas et qu'il faudrait corriger.
¸ (1450)
Ces dernières années, le gouvernement fédéral et les provinces ont consacré beaucoup d'argent pour essayer d'améliorer les choses, qu'il s'agisse de la reconnaissance des titres de compétence étrangers ou de l'attribution des permis d'exercer pour les professions et les métiers. L'existence d'un problème a été reconnue par les différents paliers de gouvernement, par de nombreux organismes et médias, et par des nombreux politiciens. Votre commission parlementaire en est le meilleur exemple, et nous espérons que vous arriverez à corriger la situation.
Jusqu'ici, les mesures qui ont été prises respectaient la structure constitutionnelle. Le gouvernement fédéral est responsable de l'immigration mais il ne peut pas faire grand-chose pour accélérer le processus d'attribution des permis d'exercer une profession au Canada, puisque cela relève de la compétence des provinces. La répartition de ces pouvoirs constitue un obstacle pour notre processus d'immigration. La reconnaissance professionnelle relève des différents organismes provinciaux, et elle n'est pas donc pas identique d'une province à l'autre ou transférable d'une province à une autre. C'est pourquoi les efforts que déploie le gouvernement fédéral dans le domaine de la reconnaissance professionnelle et du permis d'exercer risquent de ne pas déboucher si les organismes provinciaux de réglementation ne collaborent pas.
Dans d'autres pays... l'Union européenne a uniformisé le processus de reconnaissance professionnelle pour qu'il soit facilement compris et accepté dans tous les États de l'Union européenne.
Je recommande la mesure suivante. Une bonne partie du processus de reconnaissance professionnelle consiste à reconnaître et à évaluer les titres de compétence étrangers. C'est une opération complexe parce que les immigrants viennent d'un grand nombre de pays. Il faudrait donc mettre sur pied un organisme fédéral qui utiliserait sa propre méthode pour évaluer les titres de compétences étrangers. Il pourrait recourir aux services des experts qui effectuent la même opération au palier provincial, mais ce serait plus efficace à cause des économies d'échelle.
Cela harmoniserait le processus d'immigration et uniformiserait l'évaluation des candidats professionnels à l'immigration au Canada, tout en facilitant la reconnaissance de leur statut professionnel dans toutes les provinces du Canada. Le moment est mûr pour le faire et la commission permanente de la Chambre des communes a le pouvoir de régler ce problème.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole.
¸ (1455)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à M. Janzen.
M. Rich Janzen (directeur en recherche, Centre for Research and Education in Human Services): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant vous.
Je m'appelle Rich Janzen et je représente le Centre for Research and Education in Human Services. Je vais partager aujourd'hui mon temps de parole avec Jassy Narayan, qui va se présenter elle-même dans un moment.
Notre mémoire reflète le processus de planification communautaire que nous avons suivi pour préparer le sommet sur les compétences des immigrants qui va se tenir bientôt dans la région de Waterloo. Notre groupe travaille depuis quatre mois à élaborer une stratégie régionale globale visant à intégrer les immigrants professionnels sur le marché du travail local. Plus de 70 personnes venant de divers secteurs de notre communauté ont participé aux discussions préparatoires à ce sommet. L'intérêt manifesté pour ce sommet a été très vif dans tous les secteurs, qu'il s'agisse du monde des affaires, de l'éducation, du gouvernement, des organismes communautaires et des groupes d'immigrants. Quinze des principales institutions de la région commanditent ce sommet et nous espérons que ce sommet débouchera sur la création d'un conseil de l'emploi des immigrants.
Le mémoire que nous vous avons remis fait la synthèse des discussions préparatoires à ce sommet. Plus précisément, il décrit les plans d'action suggérés pour les différents groupes de travail chargés de préparer le sommet. Ces actions seront présentées, analysées et évaluées au cours du sommet le 28 avril. Notre mémoire permettra donc à votre comité permanent d'apprendre ce que fait une région canadienne de taille moyenne pour lutter contre les obstacles auxquels font face les immigrants qui veulent se trouver un travail décent. En réalité, le mémoire n'a pas été préparé par Jassy et moi mais reflète l'opinion de l'ensemble de la communauté.
Je devrais également mentionner que les recommandations ont été rédigées en pensant à des mesures locales. Ces recommandations n'invitent pas le gouvernement du Canada à prendre certaines mesures, même si certaines vont dans ce sens, mais ce sont plutôt des suggestions de ce que l'on peut faire au niveau local en collaboration avec des partenaires provinciaux et nationaux. Nous pensons que Citoyenneté et Immigration Canada peut jouer un rôle important pour appuyer les collectivités locales qui essaient de résoudre les problèmes que soulève l'emploi des immigrants. Nous pensons également que les stratégies que nous formulons pourraient être adoptées par d'autres collectivités au Canada.
Nous exposons dans notre mémoire 18 recommandations différentes et je ne vais pas toutes les passer en revue. Certaines traitent des stratégies à adopter pour reconnaître les titres de compétence des immigrants, notamment en sensibilisant davantage les intéressés à l'existence de services d'évaluation des titres de compétence et en proposant que l'évaluation de ces compétences soit intégrée au processus de sélection des immigrants. Certaines recommandations traitent de l'amélioration des compétences des immigrants, par exemple, grâce à des programmes de formation linguistique et à l'élargissement de l'accès à des programmes et à des cours destinés à des professionnels ayant reçu leur formation à l'étranger.
Mais il y a toute une liste d'autres stratégies qui s'appliquent à des questions plus larges que la reconnaissance professionnelle. Certaines s'adressent au monde du travail—améliorer les aptitudes des immigrants dans le domaine de la communication et de la langue de travail, modifier les cultures d'entreprise de façon à favoriser l'intégration des immigrants et donner à ces derniers une expérience de travail canadienne—d'autres visent directement à accorder un soutien aux immigrants en leur fournissant des renseignements actuels, complets et fiables à divers points d'accès.
Mais la dernière recommandation, la 18e, sur laquelle nous voulons insister, est la création à Waterloo d'un conseil régional d'emploi pour les immigrants, et Jassy va vous l'exposer.
¹ (1500)
M. Jassy Narayan (co-présentateur de l`organisation conjointe du sommet sur les compétences des immigrants qui aura lieu dans la région de Waterloo, Membre de trois groupes de travail réunis avant le sommet et membre fondateur et ancien président, Focus for Ethnic Women, Centre for Research and Education in Human Services): Bonjour. Je m'appelle Jassy Narayan et je vis et travaille dans cette collectivité depuis les années 1960.
Je suis affiliée à un organisme de cette collectivité appelé Focus for Ethnic Women, qui aide les immigrantes et les femmes membres de minorités visibles à trouver du travail et à s'intégrer à la collectivité depuis plus de 17 ans. Nous estimons qu'au cours de cette période, nous avons donné à 1 700 femmes originaires de plus de 50 pays la possibilité de se trouver un emploi.
Au nom de Focus for Ethnic Women, je participe au processus de planification du sommet sur les compétences des immigrants dont Rich a parlé, qui doit avoir lieu le 20 avril. Notre projet et notre vision sont de créer un conseil permanent qui s'occuperait des compétences des immigrants et les aiderait à trouver du travail.
En tant que membre d'une collectivité composée de diverses cultures, je vois dans ce sommet et dans ce futur conseil un espoir et une promesse. J'étais ici ce matin lorsque quelqu'un a parlé de poésie. Cet après-midi, avant notre intervention, il y avait de la souffrance, et j'aimerais placer notre exposé sous le signe de l'espoir. Je le vois comme un espoir parce que de nombreux immigrants qui vivent dans cette collectivité se sont sentis isolés dans leur recherche d'un emploi satisfaisant et pour que soient reconnus non pas simplement leurs compétences mais tout ce qu'ils représentent.
J'y vois une promesse parce qu'une communauté plus large et diversifiée, celle dont Rich a parlé et qui est mentionnée dans vos documents, veut faire de ce projet une entreprise canadienne et non pas simplement un autre terrain sur lequel luttent les immigrants. Je crois que de cette façon, les immigrants qui vivent dans cette collectivité sentiront qu'il ne s'agit pas d'une autre lutte pour des gens qui sont déjà en train de lutter... mais pour le problème de l'emploi et toutes les autres choses dont Rich a parlé... pour que cela fasse partie des préoccupations de notre collectivité.
L'un des aspects les plus encourageants du sommet projeté et du conseil proposé est que ce projet permettra de s'attaquer aux nombreuses barrières racistes systémiques auxquelles les immigrants font face tous les jours dans la collectivité, que ce soit sur une base individuelle, familiale ou communautaire. Le conseil proposé constitue un modèle unique, comme le dit Rich, pour les collectivités urbaines de taille moyenne. Ce modèle s'appuie sur l'expérience de Toronto que nous avons sensiblement modifié pour profiter des forces et de l'expérience que l'on retrouve dans notre collectivité. Nous estimons que Citoyenneté et Immigration Canada devrait jouer un rôle de leader dans le financement et la coordination de modèles comme celui que nous avons conçu et élaboré pour les différentes régions du Canada.
Au niveau communautaire local, nous nous sommes déjà engagés à travailler à l'intégration des compétences que nous, les immigrants, apportons à ce pays, et nous demandons au gouvernement fédéral de nous soutenir dans ce projet.
Merci.
Le président: Merci.
Nous allons entendre maintenant Mme Deborah Schlichter, de la House of Friendship, pour cinq minutes.
Mme Deborah Schlichter (directrice générale, House of Friendship): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
Avant de commencer, je vais vous décrire brièvement ce qu'est la House of Friendship. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui offre divers services. Nous proposons 16 programmes et services différents aux familles et aux personnes à faible revenu de la région de Waterloo. C'est grâce à cette expérience que nous présentons nos préoccupations au sujet de l'effet que peut avoir sur les immigrants la non-reconnaissance de leurs titres de compétence acquis à l'étranger et de leur expérience internationale. Nous allons donc vous parler de l'effet de cette absence de reconnaissance.
L'un de nos programmes est un programme d'aide alimentaire d'urgence. En 2004, nous avons remis près de 27 000 caisses de nourriture à des individus et à des familles qui avaient besoin à court terme d'une aide alimentaire. Près de 40 p. 100 des personnes qui bénéficient de notre programme viennent d'arriver au Canada. C'est un chiffre étonnant. Ils survivent grâce à des programmes d'aide du gouvernement ou parce qu'ils occupent des emplois peu rémunérés. Cependant, une bonne partie des bénéficiaires de notre programme possèdent une grande richesse d'expérience internationale et une formation spécialisée acquise à l'étranger. Pourquoi ont-ils besoin d'une aide alimentaire? C'est la question.
Pour illustrer cet aspect, j'aimerais vous décrire la situation d'une famille qui a eu recours à notre programme d'aide alimentaire et qui m'a autorisée à vous en parler. Altug et sa femme Sevil sont arrivés au Canada en provenance de Turquie en août 2003, avec leur fille qui a aujourd'hui huit ans. Altug a un baccalauréat d'ingénieur en sciences alimentaires, qui est très semblable à notre baccalauréat en sciences alimentaires. Sevil, son épouse, possède un doctorat dans le même domaine, en ingénierie alimentaire. Tous les deux ont une grande expérience de l'industrie alimentaire; ils ont principalement travaillé pour des sociétés alimentaires internationales comme Coca-Cola, qui oeuvrent dans le monde entier. Ils ont suivi des cours d'anglais dans leur pays d'origine avant de venir au Canada. Ils avaient une certaine connaissance de l'anglais écrit et parlé avant leur arrivée. Ils sont arrivés au Canada pleins d'espoir. Ils ont également apporté avec eux l'équivalent de 30 000 $ canadiens, en s'attendant à trouver du travail au cours des six mois suivants. Ils se sont immédiatement inscrits dans un programme d'anglais langue seconde dans le but d'améliorer leurs connaissances linguistiques et de faciliter ainsi la recherche d'un emploi.
Leur petit capital a très rapidement disparu. Toutes leurs économies ont été absorbées par le coût très élevé du logement et des autres besoins fondamentaux. Ils se retrouvés sur le programme Ontario au travail et éprouvé beaucoup de difficulté à vivre avec la prestation qui leur était accordée. Ils se sont adressés à notre programme d'aide alimentaire d'urgence pour les aider à boucler le mois. Ils ont également commencé à travailler bénévolement dans notre programme. Nous incitons les bénéficiaires de notre programme à le faire et ils ont vu là une possibilité d'utiliser bénévolement leur grande expérience dans le domaine alimentaire, puisqu'ils n'avaient pas pu trouver de travail, et aussi, l'occasion d'améliorer leur connaissance de l'anglais.
Nous sommes maintenant en avril 2005. Sevil a finalement obtenu un travail à temps plein dans une industrie alimentaire en novembre 2004. Altug va passer une entrevue pour un emploi intéressant et il espère qu'il va finalement réussir à se trouver du travail.
Voici certaines observations qu'ont formulées Altug et Sevil. D'un côté, ils ont trouvé très utile le nouveau programme canadien, pour l'appui qu'ils ont ainsi obtenu, tout comme la formation en langue anglaise et le programme d'aide à l'emploi des centres de travail. Les programmes de soutien les ont réellement beaucoup aidés. Ils ont également trouvé utile de participer à un stage de travail qui leur a permis de travailler dans un environnement canadien et d'acquérir de l'expérience. Par contre, ils ont aussi quelques observations critiques.
¹ (1505)
Pour eux, les premiers six mois qu'ils ont passés au Canada ont été un véritable cauchemar. Ils ont non seulement dû s'adapter à une nouvelle culture, à une nouvelle langue, à un nouveau climat, mais ils ont aussi vu leurs rêves et leurs espoirs s'évanouir très rapidement. La recherche d'un travail a été très décourageante : lorsqu'ils présentaient leur candidature à un poste de débutant, on leur disait qu'ils étaient trop qualifiés; lorsqu'ils postulaient à des postes pour lesquels ils étaient qualifiés et possédaient l'expérience requise, on leur disait que leur connaissance de l'anglais était insuffisante.
Ils estiment également que le personnel de l'ambassade canadienne en Turquie les a trompés. On leur a dit qu'ils n'auraient aucune difficulté à s'adapter au Canada, ce qui était trompeur; ils n'ont pas été informés des difficultés auxquelles ils feraient face. S'ils avaient su à l'époque ce qu'ils savent maintenant, ils affirment qu'ils ne seraient pas venus. Ils sont très déçus.
Les données du recensement de 2001 indiquent que le taux de chômage chez les immigrants récents est supérieur à celui des autres Canadiens. Le taux de chômage chez les immigrants récents de la région de Waterloo est de près de 14 p. 100, contre 5 p. 100 pour les personnes nées au Canada. Lorsque les nouveaux immigrants n'arrivent pas à trouver du travail ou un emploi qui leur donne un revenu suffisant et qui soit conforme à leur expérience et à leur formation, il leur arrive rapidement de tomber dans la pauvreté. Dans la région de Waterloo, plus de 33 p. 100 des immigrants récents avaient un revenu faible en 2000, contre un peu moins de 10 p. 100 pour les personnes nées au Canada.
Que peut-on faire? Je sais que vous cherchez des suggestions, des réponses et des idées. Ils semblent avoir attaché une grande importance aux programmes qui leur ont été offerts. Il faudrait les poursuivre et les étendre—notamment la formation en anglais, ainsi que tout le soutien dont les immigrants ont besoin pour surmonter les obstacles. Les services de garderie, le transport, tous ces coûts sont très importants. Continuez et renforcez les programmes de soutien qui existent déjà pour les nouveaux immigrants pour les aider à s'adapter, c'est-à-dire les programmes d'établissement et les programmes d'aide financière et d'aide à l'emploi. Recherchez les façons de reconnaître les titres de compétence et l'expérience acquis à l'étranger—vous avez déjà entendu certaines suggestions à ce sujet. Ce qui est vraiment important est de réduire l'écart qui existe entre les compétences, l'expérience et l'espoir qu'apportent les gens qui viennent au Canada et leur chance de trouver un emploi qui corresponde à cette expérience et à cet espoir.
Le fait que des gens qui possèdent des compétences et des expériences de travail extrêmement utiles et ne puissent s'en servir est très préoccupant; ils se retrouvent dans la pauvreté, ils survivent avec des salaires dérisoires ou grâce à des programmes d'aide gouvernementale et ont recours à des programmes d'urgence, comme l'aide alimentaire, pour subvenir à leurs besoins essentiels. C'est là une des graves conséquences qu'entraîne la non-reconnaissance de l'expérience et des titres de compétence étrangers que possèdent les nouveaux immigrants.
Merci.
¹ (1510)
Le président: Merci.
Monsieur Sen.
Mazlum Sen: Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner la possibilité de prendre la parole devant vous. Comme d'autres de mes collègues, je n'étais pas inscrit mais on m'a donné cette possibilité au dernier moment. Je vous en remercie. Je vais vous parler de mes expériences, et formuler également quelques recommandations essentielles, si vous le permettez.
Je vais parler de deux aspects, la période antérieure à l'arrivée au Canada et la période qui suit l'arrivée au Canada. Je suis consultant en immigration de profession et j'aide donc les personnes à immigrer au Canada. Certains de leurs noms ont été mentionnés. Lorsque les gens se portent candidats à l'immigration, ils nourrissent beaucoup d'espoir et bien sûr, le Canada est un pays magnifique. Le premier obstacle auquel ils font face est le ministère canadien de l'Immigration. Malheureusement, le ministère de l'Immigration du Canada ne fonctionne pas aussi bien que certains membres du comité le disent.
Je peux affirmer qu'il est très difficile de communiquer avec eux. Il arrive que le traitement de dossiers simples prenne quatre ou cinq ans au lieu d'un an. Pourquoi? Parce que les fonctionnaires ne sont pas assez nombreux et qu'ils ont reçu une formation insuffisante. Par exemple, j'ai des dossiers qui se sont perdus. J'ai des documents qui prouvent que l'ambassade a reçu... après avoir écrit plusieurs fois, on n'a pas donné de numéro; j'ai donc dû retirer la demande et me taire.
Je vais vous parler d'une autre personne qui a présenté sa demande il y a quatre ou cinq ans. On lui a demandé de passer un examen médical. L'examen médical a été effectué. Il y avait un problème de tuberculose. Le problème de tuberculose a été constaté. Lorsque le problème est constaté, cette personne ne devrait pas être interrogée à nouveau à ce sujet. Mais cela ne s'est pas passé ainsi. Le dossier s'est promené d'un endroit à un autre. Cela a pris quatre ans. Cette personne-là n'est toujours pas au Canada. J'espère qu'elle arrivera bientôt.
Il y a aussi ce qui se passe après l'arrivée des nouveaux immigrants. Comme l'a mentionné Mme Schlichter, la plupart des gens sont trop qualifiés ou n'arrivent pas à faire reconnaître leurs titres de compétence. Par exemple, si vous étiez ambassadeur en Turquie... si vous étiez malade en Turquie, à qui vous adresseriez-vous? Vous iriez voir un médecin turc qui vous soignerait. Si vous étiez philippin, vous iriez voir un médecin philippin pour qu'il vous soigne ou un médecin roumain en Roumanie... Comment se fait-il que la personne qui peut soigner notre ambassadeur en Turquie ne peut pas prendre soin des gens qui vivent à Kitchener ou à Waterloo? C'est le dilemme auquel nous faisons face.
Je recommanderais pour ce genre de cas d'ouvrir un centre d'accueil ou de formation juste à côté d'un hôpital, dans lequel les médecins, pharmaciens ou infirmiers étrangers pourraient travailler sur une base bénévole sous la supervision d'un médecin. Personne ne s'opposerait à un projet de ce genre. Je pense que la seule opposition pourrait venir de l'association des médecins, qui est l'organisme qui réglemente ce programme.
Aux États-Unis, il n'y a qu'un seul examen. Lorsqu'un médecin réussit cet examen, il peut exercer la médecine, sans aucun problème.
Mes observations ne se limitent pas à ce qui précède. À un moment donné, je me suis senti frustré et j'ai essayé de m'occuper des hommes d'affaires immigrants... Je me suis aperçu que les gens d'affaires immigrants étaient de bons immigrants. M. Clavet sait que le Québec accueille 92 p. 100 des investisseurs, et cela représente beaucoup d'argent. Cet argent pourrait être consacré aux nouveaux arrivants. Chaque immigrant apporte 400 000 $ à la province. Aujourd'hui, la Nouvelle-Écosse fait la même chose, tout comme l'Île-du-Prince-Édouard. Cet argent pourrait être attribué à des sociétés canadiennes à un intérêt inférieur. Au lieu de cela, ils devraient imposer certaines conditions, comme celle d'embaucher cinq nouveaux immigrants. Cet argent serait ainsi dépensé pour des immigrants.
¹ (1515)
Il est possible de faire ce genre de choses. Voilà les observations ou les recommandations que je voulais faire. Bien sûr, il faut conserver les programmes pour les nouveaux ingénieurs, les programmes de renforcement des compétences, les programmes de stage et même accorder des avantages fiscaux aux sociétés canadiennes qui embauchent des immigrants, qui ainsi leur reviendront moins cher.
Je vous remercie. C'était là mes recommandations.
Le président: Je vous remercie.
Je sais que les membres du comité ont des vols à prendre et l'autobus va bientôt arriver. La seule façon que je vais pouvoir vous laisser partir à temps, c'est que chacun s'en tienne à une intervention de deux minutes. Est-ce que cela vous convient ou préférez-vous plutôt prolonger la séance?
M. Bill Siksay: À quelle heure arrive notre autobus, monsieur le président?
Le président: À 15 h 30.
Je ne suis pas obligé d'aller à Vancouver mais je sais que c'est votre cas; je sais également que vous serez de l'autre côté du pays lundi. Qu'en pensez-vous?
M. Bill Siksay: Allons-y.
Le président: Nous allons donc donner deux minutes à chaque intervenant. Nous avons tous vos documents. Commençons.
Mike, vous pouvez y aller.
M. Michael Chong: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. George-Cosh. Je suis content de vous voir ici aujourd'hui. J'ai en fait rencontré l'autre jour John Tibbits, le président de Conestoga, un homme très impressionnant.
Pensez-vous que les associations professionnelles, les associations d'ingénieurs, l'Ontario Medical Association, les autres organismes professionnels de réglementation des diverses provinces sont vraiment disposés à travailler avec les immigrants et à reconnaître leurs titres de compétence ou plutôt réticentes à faciliter la reconnaissance des diplômes étrangers?
¹ (1520)
M. Stelian George-Cosh: Elles sont probablement réticentes parce que chacune de ces associations essaie de défendre son territoire. Mais si le gouvernement fédéral mettait sur pied une agence, dont seraient membres des experts de toutes les provinces, de tous les organismes de réglementation qui effectuent ce travail à l'heure actuelle, alors je ne pense pas qu'il y aurait de problème. Elles accepteraient sûrement de participer à un tel programme. Et lorsque l'organisme fédéral commencerait à attribuer des permis d'exercer ou à reconnaître des titres de compétence, je pense que cela fonctionnerait bien.
M. Michael Chong: Nous devrions donc mettre au point un système national et non pas provincial de reconnaissance professionnelle?
M. Stelian George-Cosh: Eh bien, les immigrants viennent au Canada et veulent pouvoir s'adresser au Canada, au gouvernement fédéral.
M. Michael Chong: Merci.
Le président: Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président.
J'ai une question pour Mme Narayan ou M. Janzen. Un sommet sur les compétences des immigrants se tiendra le 28 avril, si j'ai bien compris, dans la région de Waterloo. C'est un sommet assez unique. Vous allez créer un conseil pour l'emploi des immigrants dans cette région. Pouvez-vous me dire rapidement en quoi consisterait ce genre de conseil pour l'emploi des immigrants?
[Traduction]
M. Rich Janzen: Nous allons commencer la phase préparatoire du conseil de l'emploi pour les immigrants juste après le sommet. L'idée est d'examiner les barrières auxquelles les immigrants font face lorsqu'ils veulent trouver un emploi satisfaisant, et pour cela, de mettre sur pied un conseil composé de dirigeants communautaires élus et non élus ainsi que de personnes qui ont de l'expérience en tant qu'employeurs ou en tant qu'immigrants, de gens qui, réunis, pourront concevoir des solutions efficaces applicables à différents secteurs. Les solutions que nous appliquons pour donner du travail aux immigrants sont bien souvent particulières à un secteur donné. Il existe d'excellents organismes d'aide à l'emploi pour les immigrants qui accordent un bon soutien aux immigrants mais il n'y a pas toujours de liens entre les organismes communautaires, le monde des affaires, les établissements d'enseignement et le gouvernement local. C'est donc une instance qui pourrait regrouper les différentes composantes de notre collectivité en vue de trouver de nouvelles solutions mieux coordonnées pour aplanir ces obstacles.
[Français]
M. Roger Clavet: Merci.
[Traduction]
J'aimerais poser une brève question à M. Sen. Je pense que votre idée d'avoir quelque chose près d'un hôpital pour des médecins, des techniciens et des infirmiers formés à l'étranger est excellente. Je pense que c'est une bonne idée. Serait-ce efficace? Comment cela fonctionnerait-il?
Mazlum Sen: Je proposais en fait... par exemple, il y a l'hôpital Grand River. Il y a le service d'urgence et l'on pourrait créer un autre pavillon et l'appeler centre d'éducation et de formation, par exemple. Un médecin pourrait superviser de 15 à 20 médecins, qui ont déjà été formés dans leur propre pays. Quelqu'un dans mon cas, au lieu d'aller dans la salle d'urgence et d'attendre cinq heures, pourrait se rendre dans ce centre d'éducation et de formation et demander à un médecin de voir ce qui ne va pas.
Par exemple, à l'heure actuelle, on peut, en Ontario, parler à une infirmière au téléphone qui va vous dire ce qu'il faut faire. Un tel centre ne serait-il pas préférable à une infirmière qui se trouve à l'autre bout de la ligne et qui ne peut même pas vous voir?
Le président: Merci.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins pour leurs exposés.
J'ai des questions pour vous tous mais malheureusement, nous n'avons pas de temps. Je voulais demander quelque chose à M. Janzen et Mme Narayan, mais j'aimerais d'abord faire un commentaire. Je suis heureux de constater que votre programme comporte un volet qui concerne expressément le racisme. Il est intéressant de constater que les gens n'aiment pas beaucoup utiliser ce mot dans les audiences que nous tenons dans les différentes régions du pays. À Toronto, il y avait des représentants d'un groupe qui nous expliquaient leur programme et qui utilisaient très naturellement ce terme parce qu'il leur paraissait très important de pouvoir en parler directement. C'est pourquoi je suis heureux de voir que vous travaillez dans ce programme et que vous êtes capable de prononcer ce mot.
Je voulais vous poser une question sur la participation des petites et moyennes entreprises à ce processus. Avez-vous réussi à les intégrer à cette démarche? Sont-elles prêtes à participer? Nous savons que ce sont elles qui créent la plupart des emplois dans notre système économique, mais c'est également un groupe qui paraît réticent à participer à ce genre d'initiative.
M. Jassy Narayan: Je voudrais faire un commentaire au sujet du racisme et Rich vous parlera ensuite de ces entreprises.
Les organismes qui sont racistes de façon systémique ne vous disent jamais qu'ils le sont, c'est donc un mot que les immigrants utilisent beaucoup pour essayer de changer les choses. L'espoir est que les organismes qui n'emploient pas les immigrants dans la proportion où ils résident dans la collectivité... et un élément important de ce contexte est que nous avons le plus faible taux de chômage au Canada. Il a fallu pour y parvenir que les immigrants travaillent beaucoup, qu'ils paient des impôts, etc. Nous constatons que nos grandes institutions embauchent très peu d'immigrants. C'est pourquoi j'utilise ce mot pour que les gens s'y habituent parce que c'est l'expérience que nous avons vécue.
Rich va vous parler des entreprises.
¹ (1525)
M. Rich Janzen: Traditionnellement, les employeurs sont un groupe qui n'a pas fait sa part pour faciliter l'emploi des immigrants. Localement, ils commencent à le faire. Nous avons communiqué avec des moyennes et grandes entreprises au moment de la planification du sommet. Nous sommes heureux que notre chambre de commerce locale, la Greater Kitchener-Waterloo Chamber of Commerce, ait accepté de codiriger avec mon organisation l'étape préparatoire de la création du conseil. Cela indique très clairement que le milieu des affaires commence à se sensibiliser à cette question; les entreprises savent qu'elles peuvent en retirer quelque chose. Ce n'est pas seulement une question qui touche les immigrants, c'est une question qui touche toute la collectivité.
M. Bill Siksay: Merci.
Le président: Monsieur Temelkovski.
M. Lui Temelkovski: Merci, monsieur le président. J'aimerais faire un bref commentaire. M. Sen a mentionné que les entreprises devraient employer des professionnels formés à l'étranger, ne serait-ce que parce qu'ils coûtent moins cher, parce que cela leur coûte moins cher et je ne suis pas sûr...
Mazlum Sen: Lorsque je dis moins cher... j'ai certains clients, quand ils sont arrivés ici, qui étaient, disons, directeur général d'une entreprise et qui gagnaient 100 000 $ dans leur pays. Ils sont prêts à accepter un poste qui leur permet de gagner 40 000 $ si cela leur donne le titre d'ingénieur. Cela ne coûte pas moins cher pour ce qui est des normes canadiennes—sinon ce serait contraire à la loi—mais cela coûterait moins cher que ce qu'ils pourraient obtenir en Turquie.
Si vous voulez faire venir une personne avec un visa de travail, cette personne pourrait demander 100 000 $ parce que le salaire se négocie, mais là elle serait prête à travailler pour 40 000 $. J'ai des clients qui sont venus ici, qui gagnaient 100 000 $, mais parce qu'ils voulaient assurer leur avenir, ou offrir à leurs enfants une meilleure éducation, ils étaient prêts à prendre des postes d'ingénieur débutant, sans problème.
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président: Madame Beaumier.
Mme Colleen Beaumier: Je n'ai pas de questions à poser.
C'est un problème. Je pense que le gouvernement fédéral devrait lui aussi donner l'exemple avec ses pratiques en matière d'embauche et de promotion.
Le président: Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Puis-je utiliser les minutes de quelqu'un d'autre, monsieur le président?
Le président: D'accord. Je vais les répartir entre vous et M. Chong.
Mme Colleen Beaumier: Si j'avais su que vous alliez lui donner encore la parole, je n'aurais pas renoncé aux minutes qui me restaient.
Le président: Très bien.
Allez-y, Bill.
M. Bill Siksay: J'aimerais demander à Mme Schlichter de nous parler de l'exemple qu'elle nous a donné du couple qui est arrivé ici en ayant déjà travaillé pour une société multinationale, et dont l'expérience n'a pas été reconnue au Canada. Je trouve ça quelque peu inhabituel parce qu'il me semble qu'il doit y avoir une sorte de culture d'entreprise commune dans la même société. Par exemple, je pense que vous aviez parlé de Coca-Cola.
Pourriez-vous m'en dire davantage au sujet de leur expérience? A-t-on tout simplement refusé de reconnaître leur expérience lorsqu'ils ont passé des entrevues au Canada?
Mme Deborah Schlichter: C'est également la question que je me posais. Il paraît logique de penser qu'au sein de la même organisation, de la même société internationale, les employés pourraient passer d'un pays à l'autre, mais ce n'est pas le cas. Cela dépend de la personne qui est chargée de l'embauche. Il y a des obstacles et nous avons entendu parler aujourd'hui de l'existence d'obstacles systémiques dans les pratiques d'embauche.
De sorte que même lorsqu'il s'agit de la même organisation, l'expérience n'est pas reconnue dans les autres pays.
M. Bill Siksay: Merci.
Le président: Je vous remercie.
Pour résumer, lorsque nous étions l'autre jour à Toronto, nous avons entendu une avocate qui était originaire de Pologne. Nous étions encore une fois en retard et nous devions nous dépêcher pour attraper l'autobus, mais hier soir, j'ai beaucoup réfléchi à ce qu'elle avait dit.
Il me semble que le Canada joue un rôle suffisamment important sur le plan international pour que s'établissent nécessairement des liens entre les Canadiens qui ont ce genre d'expérience et les entreprises qui font des affaires en Pologne, dans l'exportation ou un autre secteur. Je me demande si nous ne pourrions pas approfondir cette idée parce que, lorsque je me trouvais en Ukraine pour les élections, j'ai constaté le même phénomène.
De nombreux avocats canadiens, qui possèdent des diplômes de droit canadiens, se sont rendus en Ukraine. Ils aident les Ukrainiens à mettre sur pied leur système juridique. Mais en plus, cela leur donne l'occasion de pratiquer le droit tant au Canada qu'en Ukraine, parce que cela est très rentable. Je trouve qu'il y a là une excellente occasion et que nous devrions réfléchir aux façons de mieux l'utiliser.
Je remercie tout le monde d'être venu. On nous a parlé de cette question dans toutes les villes où nous sommes allés. Nous allons produire un rapport et notre excellent attaché de recherche, M. Ben Dolin, va veiller à vous en remettre un exemplaire.
Merci d'être venus. Nous vous reverrons la prochaine fois. J'espère qu'il ne faudra pas attendre trop longtemps avant que le prochain comité parlementaire revienne ici. Peut-être que M. Chong pourrait en conduire un.
La séance est levée.