:
Merci, monsieur le président et à vous tous, les membres du comité.
D'une part, même si je suis occupé, je ne considère pas que je vous accorde un privilège en me présentant ici. Au contraire, cela fait partie de mes responsabilités. Donc, pour vous, les parlementaires, il est normal que nous puissions répondre à vos questions sur ce que nous faisons à l'intérieur du ministère du Travail.
Le sous-ministre du ministère est M. Munir Sheikh, et il m'accompagne aujourd'hui. Il y a également d'autres fonctionnaires qui seront en mesure d'apporter leur aide, au besoin.
Si vous le permettez, je vais commencer mon allocution d'ouverture.
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à me présenter à nouveau devant vous au cours de cette session parlementaire d'automne. Vous vous rappelez que la première fois, j'étais avec ma collègue Mme Finley. Cette fois-ci, vous avez demandé que je comparaisse seul pour discuter plus avant du ministère du Travail.
En tant que ministre du Travail, je supervise les milieux de travail, et mes responsabilités comprennent les relations patronales-syndicales et les conditions de travail dans les entreprises régies par le gouvernement fédéral. Ces entreprises sont en grande partie dans les domaines des communications, du transport et des opérations bancaires.
[Traduction]
C'est dans les milieux de travail canadiens qu'est générée la richesse. C'est également là que de nombreux Canadiens en âge de travailler passent une grande partie de leur vie. Par conséquent, la qualité de ces lieux de travail a d'importantes répercussions sur notre économie et la société dont nous voulons nous doter, tous ensemble.
[Français]
Dans cet esprit, voici donc ce sur quoi porteront mes observations aujourd'hui.
Premièrement, je vous parlerai brièvement du Programme du travail au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social, de son mandat, de sa structure, de ses opérations et de ses lois.
Deuxièmement, je vous informerai de nos priorités et des mesures décisives que nous avons prises relativement à certains dossiers.
Ensuite, je vous ferai part de nos initiatives à venir qui portent sur l'amélioration de la qualité des milieux de travail relevant de la compétence fédérale au Canada.
[Traduction]
Comme vous le verrez, les mesures que nous prenons dans ces différents secteurs se révéleront utiles pour répondre aux besoins des travailleurs et des employeurs canadiens.
[Français]
Je vais parler brièvement de notre mandat.
Le Programme du travail vise deux secteurs principaux : les relations entre les travailleurs et les employeurs et les conditions en milieu de travail.
La Direction du Service fédéral de médiation et de conciliation administre les dispositions de la partie I, c'est-à-dire les relations industrielles du Code canadien du travail sur la résolution de conflits. Cela comprend la médiation et la conciliation, l'aide à la négociation de conventions collectives et le règlement d'autres conflits industriels.
La Direction nationale des opérations du travail est responsable d'exécuter un programme de réglementation et d'application de la loi par le biais de la partie II, c'est-à-dire en santé et sécurité au travail, et de la partie III, c'est-à-dire les normes du travail du Code canadien du travail et de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
[Traduction]
Un des principaux objectifs du Code est de prévenir les accidents et les blessures sur le lieu de travail. En outre, la Loi sur l'équité en matière d'emploi garantit un milieu de travail équitable et inclusif pour les membres des groupes désignés, notamment les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les membres des minorités visibles.
[Français]
La Direction des affaires du travail intergouvernementales et internationales suit les nouveaux développements liés au travail dans toutes les provinces. Elle offre également des conseils sur les échanges avec mes contreparties provinciales et territoriales. Sur le plan international, le programme représente la position du Canada à l'étranger sur des enjeux stratégiques concernant les conditions de travail, les relations de travail, les normes du travail et la santé et la sécurité au travail.
La Direction de la recherche en politiques soutient aussi le Programme du travail.
Les directions regroupent au total 675 employés au Canada, dont plus de 289 employés à l'administration centrale et 386 employés dans les différentes régions.
[Traduction]
Laissez-moi maintenant vous parler de cinq secteurs du Programme du travail dans lesquels nous avons été particulièrement actifs récemment.
[Français]
Premièrement, la Loi sur l'équité en matière d'emploi. L'année 2006 marque le 20e anniversaire de l'adoption de la loi originale, et mon ministère est très fier de célébrer les nombreuses réalisations de particuliers et d'organisations qui font la promotion d'un environnement de travail productif et inclusif pour tous les Canadiens.
Je tiens donc à attirer votre attention sur le rapport annuel sur la Loi sur l'équité en matière d'emploi, que j'ai eu le plaisir de présenter à la Chambre des communes en juin dernier.
Ses résultats sont quand même encourageants. Ils révèlent que depuis 1987, la situation d'emploi de tous les groupes désignés s'est améliorée dans les milieux de travail régis par la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
[Traduction]
Il y a près de 40 p. 100 de membres des groupes désignés de plus dans les lieux de travail visés par la Loi. Cela signifie que les efforts que nous déployons pour lutter contre la discrimination et promouvoir l'équité portent fruit.
[Français]
Nous sommes heureux de ces résultats, mais notre gouvernement reconnaît également que des mesures ciblées d'équité en matière d'emploi demeurent nécessaires pour combler l'écart, plus particulièrement en ce qui a trait aux Autochtones et aux personnes handicapées. Nous voulons en effet que la représentation des groupes désignés reflète mieux leur disponibilité sur le marché du travail.
Deuxièmement, je dois vous parler des progrès que nous avons accomplis grâce à notre Stratégie pour un milieu de travail sans racisme. Cette stratégie est essentielle au succès du Canada, car elle nous permet de continuer à compter, pour faire face aux marchés mondiaux, sur une main-d'oeuvre hautement qualifiée, formée dans le respect de la diversité et de l'inclusion.
[Traduction]
Mais soyons précis, il s'agit d'une responsabilité que se partagent les employeurs, les employés, le gouvernement, les entreprises et les syndicats. Voilà pourquoi cette stratégie est essentielle.
[Français]
Je viens de terminer une visite de cinq villes afin de promouvoir des lieux de travail sans racisme et l'élimination des obstacles à l'emploi, ainsi que la mobilité ascendante pour les membres des minorités visibles et les Autochtones.
J'ai annoncé notre plan qui consiste à engager neuf agents de lutte contre le racisme, dont le mandat sera sur trois fronts : promouvoir l'intégration sur le lieu de travail des minorités raciales, c'est-à-dire être inclusif; établir un réseau entre les ressources communautaires et les employeurs; et fournir des outils et une aide aux employeurs qui tendent vers une représentation équitable au sein de leur personnel.
Troisièmement, Il faut noter le travail mené au sein du Programme du travail fédéral en matière d'équité salariale. Il y a quelques semaines, j'ai annoncé de nouvelles mesures pour veiller à ce que nos partenaires en milieu de travail soient bien informés de leurs obligations et de leurs responsabilités au chapitre de l'équité salariale, et qu'ils disposent des outils et de l'aide nécessaires pour respecter ces obligations. Les travailleurs méritent des résultats immédiats et significatifs à cet égard.
Quatrièmement, au niveau international, le Programme du travail continue d'aider le Canada à jouer un rôle de leader pour ce qui est de la promotion et de la protection des droits des travailleurs partout dans le monde.
[Traduction]
Comme l'a mentionné le premier ministre Harper dans un récent discours : « Les Canadiens, comme fiers citoyens et citoyennes, ne veulent pas d'un Canada qui se contente de suivre. Ils veulent un chef de file. »
[Français]
C'est précisément ce que nous avons l'intention de faire, et cela suppose le partage de pratiques exemplaires avec d'autres pays. Dans ce contexte, je tiens à mentionner que mes homologues M. Tian Chengpine, de Chine, et M. Osvaldo Andrade, du Chili, sont venus nous visiter pour en apprendre davantage sur les politiques du gouvernement du Canada qui régissent les milieux de travail. Cette rencontre a eu lieu il y a quelques semaines.
J'aimerais maintenant aborder un autre secteur d'activité, c'est-à-dire les milieux de travail sains. À cet égard, je prends des mesures concrètes relativement à la Déclaration conjointe sur les milieux de travail sains que j'ai signée en mars dernier avec mes collègues ministres du Travail de l'ensemble des provinces et des territoires.
Cette déclaration souligne l'importance des milieux de travail sains et leurs avantages pour la société canadienne. Notre engagement à appuyer cette déclaration s'est en partie manifesté par notre récente contribution à l'Initiative sur le sida en milieu de travail du Congrès du travail du Canada, mais aussi par une promotion constante du concept des milieux de travail sains lors d'événements publics.
[Traduction]
Je vous ai fait une mise à jour des principales activités du Programme du travail menées jusqu'à aujourd'hui. Je me fais un grand plaisir de vous présenter maintenant les initiatives que nous entreprendrons au cours des mois à venir.
[Français]
Premièrement, notre gouvernement accueille favorablement l'examen parlementaire de la Loi sur I'équité en matière d'emploi. Tel que stipulé dans la loi, il s'agira du second examen quinquennal de cette loi. Je crois comprendre, monsieur le président, que votre comité débutera ses travaux à cet égard cette année. J'aimerais rappeler aux membres du comité que le gouvernement et le soussigné sont prêts à collaborer avec vous.
La seconde activité à venir du Programme du travail consistera à étudier les résultats du rapport de la Commission sur l'examen des normes du travail. Il s'agit du premier examen d'importance sur les normes du travail et d'emploi fédérales depuis plus de 40 ans. Dirigée par M. Harry Arthurs de l'Université York, la commission a accordé une attention toute spéciale aux opinions des citoyens en ce qui a trait, notamment, aux liens entre les nouveaux emplois, à l'équilibre travail-famille et à l'incidence des normes du travail sur la productivité.
J'ai hâte de recevoir ce rapport.
[Traduction]
J'ai hâte de recevoir ce rapport. Je suis impatient de connaître le point de vue des employeurs, des syndicats et des employés ainsi que leurs recommandations sur des sujets tels que les heures supplémentaires, l'horaire de travail et le recouvrement du salaire.
[Français]
Par ailleurs, nous réaliserons d'importants progrès dans le cadre du Programme de protection des salariés. Vous me poserez certainement des questions sur ce programme plus tard. Cet important programme vise à protéger les travailleurs qui sont les plus vulnérables en cas de faillite.
Dans le cadre de la réforme de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur le Programme de protection des salariés a été adoptée plus tôt par le Parlement. La mise en oeuvre de cette loi suppose une somme considérable d'efforts.
En conclusion, comme vous pouvez le constater, nos efforts actuels et à venir sont importants. Il est essentiel que les employeurs et les travailleurs oeuvrent de concert. Le Canada s'est doté d'une formule gagnante, c'est-à-dire une économie et une société qui continuent de se développer parce que nous travaillons ensemble pour offrir des lieux de travail sécuritaires, sains et productifs.
Cette collaboration repose non seulement sur un engagement, mais aussi sur le rôle d'un intermédiaire entre les deux parties. C'est ce que j'entrevois comme étant ma mission en tant que ministre du Travail. Je continuerai de travailler avec ardeur pour réduire les différends entre les employeurs et les employés, et je me dois de demeurer neutre.
[Traduction]
Tout cela fait partie de ma vision de la main-d'oeuvre, une main-d'oeuvre qui bénéficie de relations industrielles solides et durables, appuyées par des relations fructueuses entre ses intervenants.
[Français]
Les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que leur gouvernement s'efforce continuellement d'améliorer la qualité de leur milieu de travail, et ce, tant pour les travailleurs que pour les employeurs.
Non seulement nous visons un milieu de travail équitable, sécuritaire et inclusif, mais nous voulons également que le Canada puisse se doter d'une main-d'oeuvre compétitive de calibre mondial.
Aussi, je suis des plus réceptifs à l'idée de travailler avec les membres du comité pour relever les défis que présente un marché du travail dynamique et en constante évolution.
Je vous remercie de votre attention et je suis maintenant prêt à tenter de répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Blackburn, je vous remercie beaucoup de comparaître devant le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Je pense que votre présence ici est importante, d'autant plus que la dernière fois que vous êtes venu, on n'a pas eu suffisamment de temps pour parler. J'ai l'impression que ce sera encore la même chose aujourd'hui.
Quelque chose de très important se passe au Parlement ces temps-ci. Un vote s'en vient; il aura lieu mercredi prochain et il portera sur le projet de loi sur les travailleurs de remplacement.
Je voudrais vous rappeler que le 5 novembre 1990, alors que vous étiez député de Jonquière, toujours pour le Parti conservateur, vous aviez voté en faveur du projet de loi antibriseurs de grève, le projet de loi C-201 déposé par votre collègue conservateur le député du comté de Richelieu de l'époque. Je veux vous le rappeler parce qu'il est clair que c'est quelque chose vous a inspiré, à l'époque. Vous n'avez pas pu voter, à cette époque, de façon mécanique sans croire que la loi antibriseurs de grève était non seulement utile au Québec, comme vous l'avez déjà dit publiquement à la Chambre, mais aussi pour l'ensemble des autres travailleurs du Canada.
Je voudrais que vous vous rappeliez, pendant quelques instants, après au moins une minute de réflexion, des raisons qui vous ont poussé, à l'époque, à voter en faveur de ce projet de loi. Vous représentez toujours le comté de Jonquière—Alma, qui est un des comtés les plus syndiqués au Québec, sinon un des comtés les plus syndiqués au Canada.
Votre changement d'opinion est donc très étonnant. Vous nous avez dit qu'il y avait moins d'investissements dans les provinces où il existe une loi antibriseurs de grève. Le Bloc québécois a démonté cet argument, qui provient de l'Institut économique de Montréal et du Fraser Institute, deux groupes de réflexion de droite qui, comme vous le savez, torturent chaque fois les chiffres jusqu'à ce qu'ils avouent ce que ces gens veulent entendre, et qui sont toujours favorables aux employeurs. De toute façon, ces chiffres couvraient la période de 1967 à 1993. Ces chiffres ne sont pas très jeunes et ils étaient fournis par de très grandes entreprises, alors que — vous le savez — l'économie du Québec est basée davantage sur les PME.
La deuxième fois que vous êtes venu, vous avez dit que les lois antibriseurs de grève n'offraient aucun avantage. Vous avez tenu ces propos le 22 septembre dernier, alors que nos collègues du NPD déposaient un projet de loi semblable au projet de loi C-257. Vous avez dit, et je vous cite :
Il n'y a donc pas de preuve établissant que l'interdiction de l'utilisation de travailleurs de remplacement apporte un seul des avantages bénéfiques prétendus pour les travailleurs: [...]
Comme vous le savez, l'ensemble du monde du travail dit qu'il y a des avantages. On dit que les conflits durent moins longtemps, qu'ils sont moins violents et que les retours au travail et l'ambiance au travail sont de loin meilleurs. On dit aussi que cela assure un équilibre entre les moyens de pression des travailleurs et ceux des employeurs.
Revenons-en au mot « équilibre », parce qu'on l'a entendu hier et aujourd'hui à la Chambre. C'est votre nouvel argument. Je vous ai entendu dire que l'équilibre — et je vous cite encore —, « [...] c'est le droit de l'employeur de continuer à opérer son entreprise [...] »
Monsieur le ministre, ce n'est pas cela, l'équilibre. L'équilibre signifie que l'employeur et l'employé ont les mêmes droits. Lorsqu'il y a un conflit de travail, l'employeur se passe de ses revenus de production, et le travailleur se passe de ses revenus de travail. Il y a effectivement moins de production, et le travailleur n'a pas de travail. C'est pourquoi il y a véritablement un équilibre. L'équilibre ne signifie pas qu'un employeur s'en met plein les poches pendant un conflit de travail et que les travailleurs souffrent d'endettement, de détresse psychologique en voyant d'autres travailleurs passer dans leur uniforme, s'en aller à leur casier, à leur banc de travail, faire leur ouvrage et toucher un salaire souvent inférieur à celui qu'ils touchaient. Ce n'est pas cela, l'équilibre, monsieur Blackburn. Vous l'avez déjà su, et je vous soupçonne de le savoir encore. Je crois savoir pourquoi vous y êtes opposé aujourd'hui , mais j'aimerais mieux vous le faire avouer ou faire en sorte que les gens qui nous entendent en arrivent à cette déduction.
Cela étant dit, je vais vous laisser quelques minutes pour réagir, parce que je voudrais vraiment comprendre pourquoi vous avez changé d'idée. Vous avez déjà changé d'idée, puisque vous y avez déjà cru.
Vous avez déjà tenu un discours semblable à celui que je tiens aujourd'hui. Cependant, en tant que ministre, au lieu de défendre auprès de votre caucus, de votre Cabinet, les idées qui sont éprouvées au Québec, si le Parti conservateur vous dit qu'il n'aime pas telle chose, vous lui répondez que c'est correct et que telles seront les choses que vous rapporterez.
C'est ainsi que vous êtes perçu par l'ensemble du Québec actuellement et par les travailleurs de votre circonscription, Jonquière. Ce n'est plaisant pour personne.
Je vous laisse donc réagir à ce que je viens de dire.
:
Merci, madame la députée.
En effet, lors d'une tournée au Canada, j'ai eu l'occasion de promouvoir l'absence de racisme en milieu de travail. Je dois vous avouer que j'ai entendu des choses fort intéressantes, que je vais d'ailleurs partager avec les membres du comité, si vous me le permettez.
Selon un sondage de Statistique Canada, 1,8 million de Canadiens disaient avoir été victimes de racisme dans leur vie, et la plupart l'avaient été dans leur milieu de travail. En outre, d'ici sept ans, Vancouver, Toronto et Montréal, qui sont quand même les trois plus grandes villes au Canada, seront composées à 50 p. 100 de minorités visibles. Telle sera la nouvelle réalité au Canada.
Sur la base de cette nouvelle réalité, le racisme en milieu de travail doit nous inquiéter. C'est dans ce contexte que je me suis rendu dans un premier temps à Vancouver, justement pour y promouvoir l'absence de racisme dans les milieux de travail.
Dans les différentes villes, nous avons expliqué que nous allions embaucher neuf nouvelles personnes qui iront dans les entreprises pour parler de racisme en milieu de travail et pour essayer de promouvoir des milieux de travail sains et inclusifs. Ce faisant, nous allons donc rendre le débat public. Il ne faut pas que le débat sur le racisme se fasse seulement entre deux personnes qui discutent dans un coin. Il faut maintenant le faire sur la place publique, car la diversité au Canada est maintenant une réalité avec laquelle nous devons composer.
Lorsque je suis arrivé à Vancouver, non seulement m'a-t-on parlé de racisme en milieu de travail et des pratiques entérinées pour essayer de l'éliminer, mais on m'a également parlé de l'importance de reconnaître les diplômes étrangers des immigrants venus ici, au Canada. C'est un drame — on peut le concevoir — qu'on ne reconnaisse pas le diplôme, obtenu à l'étranger, d'un ingénieur, d'un docteur ou d'une autre personne qui a des compétences et qui a immigré au Canada.
Que vont-ils faire dans la vie? Mettons-nous à leur place. Si nous émigrions dans un autre pays et qu'on ne reconnaisse pas nos compétences, notre formation et nos diplômes, que ferions-nous pour nous épanouir? C'est une réalité à laquelle notre gouvernement s'attelle actuellement, de concert avec les provinces, pour essayer de trouver une solution afin de reconnaître les compétences des travailleurs immigrants venus ici, au Canada.
Lorsque je suis arrivé à Calgary, il y avait là une autre réalité. En plus de parler du racisme et de promouvoir l'absence de racisme en milieu de travail et les milieux de travail sains, il a fallu tenir compte de la situation de cette ville qui vit un boom économique. Trente milliards de dollars doivent être investis au cours des prochaines années, alors que la main-d'oeuvre est inexistante pour faire ce qu'on doit faire, c'est-à-dire construire de nouvelles infrastructures municipales.
En tant que ministre du Travail, je leur ai dit que la solution n'était pas de remplir des avions de travailleurs choisis dans les régions et de les amener sur les lieux. En effet, cela crée un problème ailleurs, ce qui n'est pas mieux. Le maire Bronconnier m'a alors mentionné que ce dont les grandes villes de l'Alberta ont besoin pour pallier le boom albertain, ce sont des choses qui pourraient peut-être être fabriquées dans des régions du Québec ou dans d'autres régions du Canada.
La troisième réalité que j'ai dû regarder en face en ce qui concerne le marché du travail, c'est celle de Montréal. Par exemple, chez Michelin, les intervenants de cette entreprise m'ont dit que 40 p. 100 de leur main-d'oeuvre sera admissible à la retraite d'ici cinq ans.
Que fait-on lorsque 40 p. 100 des employés d'une entreprise vont prendre leur retraite d'ici cinq ans ou pourront prendre leur retraite d'ici cinq ans? C'est une nouvelle réalité qui doit nous faire réfléchir: on ne peut plus continuer dans cette direction. Aussi, il va falloir, ultérieurement, permettre aux employés des entreprises de demeurer plus longtemps sur le marché du travail. Il va falloir revoir notre façon de faire.
Enfin, lorsque je suis arrivé à Halifax, ce fut un autre constat. Bien sûr, en plus de parler du racisme en milieu de travail, le ministre du Travail m'a indiqué que ses entrepreneurs étaient venus lui dire qu'ils avaient perdu des employés. L'un d'entre eux lui avait dit la semaine précédente qu'il avait perdu 36 de ses travailleurs, que ces derniers étaient allés travailler en Alberta. Ainsi, il était incapable de respecter son contrat, parce qu'il avait perdu sa main-d'oeuvre au profit d'une autre province.
Je veux boucler la boucle en disant que le monde du travail est actuellement propice aux changements. Nous devons faire ces constats et nous devrons adapter nos façons de faire à la réalité dans un avenir proche.
Monsieur Blackburn, je m'étais promis de ne pas revenir sur les quelques chiffres que vous avez cités. Je n'ai pas le goût de le faire, et vous comprenez que les gens n'ont pas le goût de m'entendre parler de cela non plus. Toutefois, je me sens dans l'obligation de le faire, parce que vous avez cité des chiffres qui font votre affaire. En effet, vous avez cité des chiffres qui soutiennent vos arguments, mais ce ne sont pas les chiffres exacts.
Vous parlez de la durée des conflits, mais ce n'est pas ce dont il faut parler. De fait, il faut parler des jours-personnes perdus. Ensuite, il faut faire une distinction entre ceux qui relèvent du Code québécois du travail et ceux qui relèvent du Code canadien du travail. Ainsi, vous aurez des chiffres qui parleront assurément des vraies choses.
Je ne vais pas revenir sur vos chiffres, mais je vais vous citer seulement ceux de 2002. Mes chiffres proviennent du ministère du Travail du Québec. Alors que seulement 7,3 p. 100 des travailleurs québécois oeuvraient dans des organisations de compétence fédérale, ils étaient responsables de 48 p. 100 des journées de travail perdues à cause de conflits de travail. Voilà de quoi il faut parler. Si vous voulez me parler de chiffres, parlez-moi de ceux-là.
Par contre, si vous me parlez de la fréquence des grèves, sachez qu'il existe une analyse que J.W. Budd a faite en 1993, donc 15 ans après l'adoption de la loi antibriseurs de grève du Québec. Après avoir examiné plus de 2 000 conventions collectives au Canada, M. Budd est parvenu à la conclusion qu'il existe peu de preuves que les lois antibriseurs de grève augmentent l'incidence des grèves. M. Budd est un professeur de l'Université du Minnesota.
Je ne veux pas reprendre tout ce que vous avez dit. Je ne veux même pas revenir sur le consensus de 1999 sur la loi canadienne des travailleurs de remplacement dont vous avez parlé. En fait, il n'y a pas eu de consensus; c'est faux. Il y a alors eu un rapport minoritaire d'un professeur de l'Université Laval.
Par ailleurs, je veux vous parler du Code canadien du travail. Vous avez apporté un nouvel argument alambiqué, à savoir que le Canada ne veut pas imposer une loi aux provinces. On ne vous demande pas d'imposer une loi aux provinces, on vous demande simplement de vous occuper des travailleurs qui relèvent de la compétence fédérale. C'est seulement cela. Voilà ce que c'est que d'exercer un leadership, monsieur le ministre. Et c'est que vous devriez faire.
De fait, vous devriez dire que les travailleurs qui sont relèvent de la compétence fédérale devraient profiter de cela. C'est la raison d'être de votre Code canadien du travail. Il ne s'adresse pas à l'ensemble des travailleurs des provinces. La seule chose qu'il y a dans le Code canadien du travail, à la partie III, ce sont les normes du travail. On y dit que le salaire minimum est celui que les provinces décideront.
J'ai une réflexion à vous proposer. En ce qui concerne le Code du travail, pourquoi ne diriez-vous pas que ce code est celui que les provinces se donneront? Pourquoi ne faites-vous pas cela?
Nous, au Québec, serions alors bien heureux, parce que nous aurions réglé notre problème et que tous les travailleurs seraient assujettis à loi antibriseurs de grève. Et vous continueriez à ne pas exercer votre leadership. Avez-vous vraiment besoin d'un code du travail?
M. Harry Arthurs travaille depuis deux ans à la refonte de la partie III du Code canadien du travail. Le 6 juin dernier, monsieur le ministre, vous nous avez dit que son rapport arriverait en juin. Maintenant, vous dites que vous ne l'avez pas encore reçu. Le problème de M. Arthurs repose peut-être sur le fait que le travail relève davantage des provinces et du Québec. Tel est peut-être le problème de M. Arthurs. Pour quelle raison n'arrive-t-il pas à produire un rapport qui soit intéressant?
Vous avez parlé des travailleurs autonomes. Ils relèvent des provinces. Alors, ne vous en mêlez pas. Je sais que vous avez de la difficulté à moderniser vos normes du travail, mais il existe peut-être deux problèmes.
Premièrement, c'est parce que vous divisez cela en trois volets : premier volet, deuxième volet, troisième volet. Il y a des choses, monsieur le ministre, qu'il faut changer ensemble. Il faudrait que les travailleuses relevant de la compétence fédérale aient droit à un retrait préventif lorsque les femmes enceintes travaillent dans un milieu malsain. À cet égard, il faut travailler au deuxième volet de la santé et de la sécurité et au le troisième volet des normes du travail. Il est nécessaire de travailler à ces deux volets en même temps.
Je sais que M. Arthurs est très compétent et j'ai beaucoup d'admiration pour tout le travail qu'il a fait et qu'il fait maintenant. Cependant, vous lui avez mis des oeillères, en lui demandant de moderniser le Code canadien du travail tout en ne tenant compte que de la partie III.
Cela étant dit, je vous demande de réfléchir à la possibilité que le fédéral n'ait plus de Code du travail et que vous laissiez cette responsabilité aux provinces.
:
D'abord, notre gouvernement reconnaît les principes de l'équité salariale tels qu'ils sont écrits dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. D'ailleurs, j'étais député au sein du gouvernement qui, à l'époque, en 1986, a agi en matière de réglementation. Ultérieurement, en 1995, le gouvernement libéral a décidé de couper les vivres, afin de promouvoir l'équité salariale en milieu de travail. Précisons d'abord que la Loi canadienne sur les droits de la personne établit un salaire égal pour un travail d'égale valeur.
Lorsque nous avons rencontré les différents mouvements syndicaux, les mouvements de femmes et les intervenants du monde patronal, nous avons réalisé qu'il n'y avait pas de consensus entre eux, pas même entre les syndicats. En ce qui concerne la façon d'atteindre l'équité salariale, pas deux ne pensaient la même chose. Certains voulaient que nous adoptions le modèle du Québec; d'autres, le modèle ontarien; et d'autres encore, le modèle Bilson, dont le rapport comportant 113 recommandations a été déposé récemment.
Aussi, puisque nous sommes un gouvernement minoritaire — nous sommes conscients de cette réalité, car l'opposition nous le dit tous les jours à la Chambre des communes —, nous nous sommes questionnés à cet égard : même si nous adoptions une nouvelle loi, cela ne permettrait pas d'aller plus loin, car il faut toujours veiller à faire appliquer la loi. Nous avons alors décidé de faire appliquer l'article 8 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Mais comment allions-nous faire?
Le ministère du Travail dispose de 90 inspecteurs qui vont régulièrement dans les entreprises pour vérifier si les entrepreneurs et autres se conforment aux lois du Code canadien du travail. Cela dit, ces 90 inspecteurs vont recevoir une formation spéciale portant sur la question de l'équité salariale. Ils vont alors se rendre dans les entreprises pour demander aux employeurs s'ils appliquent le principe de l'équité salariale et s'ils vont de l'avant à cet égard. Ils vont éduquer et informer les employeurs afin que ceux-ci avancent dans l'application des principes d'équité salariale quant à la rémunération de leurs employés.
Le ministère du Travail dispose également de 15 médiateurs, et il en aura un 16e bientôt. L'un de ces médiateurs possède actuellement une compétence particulière dans le domaine de la médiation service-conseil en ce qui a trait aux négociations dans le domaine de l'équité salariale. Les autres vont aussi recevoir une plus grande formation à ce sujet. Si on arrive au constat, après quelques rencontres, que l'employeur ne veut rien faire et n'est pas de bonne foi, ces médiateurs auront alors le mandat de porter plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, afin qu'elle puisse faire enquête et agir en conséquence.
Voici notre vision : en procédant ainsi, nous forçons en quelque sorte les employeurs à avancer, mais pas de façon négative. En fait, nous le faisons de façon proactive, en expliquant qu'une loi existe et que les employeurs doivent appliquer l'équité salariale. À mon avis, les deux parties prenantes à la discussion seront ainsi en mesure d'avancer dans ce contexte.
Voilà ce que nous avons décidé de faire, car même si nous avions eu une autre loi, il aurait quand même fallu veiller à la faire appliquer d'abord.
Prenons le Québec, c'est un autre bel exemple. En effet, au Québec, en 1995 ou en 1997 — si je me souviens bien — on a adopté la Loi sur l'équité salariale. Toutes les entreprises devaient s'y conformer pour 2001. On constate qu'en 2006, quelque 60 p. 100 des entreprises n'ont pas encore atteint l'équité salariale.
À mon avis, nous nous sommes encore engagés dans une bonne direction, car c'est proactif et positif.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, j'ai été ministre. J'ai été ministre responsable des Sports, j'ai été ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, j'ai géré plus de 75 000 employés et un budget de 1,3 milliard de dollars, et avec grande fierté, j'ai travaillé avec les gens. J'ai été président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, je connais donc bien le rôle d'un ministre.
Le rôle d'un ministre n'est pas d'être un député de conviction et un ministre de territoire; le rôle d'un ministre est de ne pas être à la remorque. Le rôle d'un ministre est aussi d'être inspirant. Lorsqu'on veut travailler pour l'équité et pour l'environnement, lorsque la paix sociale est mise en cause, lorsqu'on veut trouver un équilibre entre le droit des travailleurs et le droit de l'employeur, le rôle d'un ministre — donc votre rôle, monsieur le ministre — est d'être ce trait d'union.
Ne venez pas nous raconter d'histoires ce matin et nous dire que vous ne voulez pas forcer la main des provinces. Vous avez une législation qui s'appelle le Code canadien du travail. Au Québec, les grèves qui ont compté le plus grand nombre de jours ne relevaient pas du Code du travail du Québec, mais du Code canadien du travail. Cela crée des problèmes dans les familles, cela crée des problèmes sociaux importants, et vous savez pertinemment que je peux vous citer Vidéotron en exemple. Ne venez pas nous en conter, nous ne sommes pas des valises, nous n'avons pas de poignée dans le dos.
Monsieur le ministre, je vous donne une dernière chance, avant de passer à une autre question. À l'époque, vous avez démontré, avec raison, une certaine conviction en tant que député. Je ne veux même pas avoir l'air d'en douter, je vous crois. Vous êtes un homme de coeur, vous êtes capable de prendre des décisions. Dites-moi pourquoi, à l'époque, vous étiez en faveur d'une loi antibriseurs de grève et que vous êtes maintenant contre.
Est-ce le ministère qui, comme il l'a déjà dit à l'ancien ministre du Travail, vous a dit de ne pas entrer là-dedans et de ne pas voter en faveur? Est-ce le bureau du premier ministre, qui semble contrôler tous ses députés et ses ministres, qui vous dit de ne pas le faire? Quelle est la réponse?
:
Avant de répondre à cette question, je vais préciser que l'information soumise par le député qui nous a questionnés plus tôt était fausse : il n'y a pas eu de coupe. Je pense qu'il est important de le préciser. En effet, quelque chose ne concordait pas avec l'information que j'avais.
Par ailleurs, on parle de milieu de travail sain en entreprise, mais il faut aussi aborder cette question au sein de l'entreprise et dans le cadre de sa vie personnelle, donc à la maison. Au cours du printemps dernier, tous les ministres du Travail des provinces et des territoires se sont réunis à Whistler. Nous avons signé une convention commune dans laquelle il était question de promouvoir un milieu de travail sain en entreprise. Bien sûr, on parle ici d'éviter les accidents en milieu de travail. Je veux rappeler l'importance de ce problème parce qu'il y a malgré tout environ quatre personnes par jour qui décèdent au Canada des suites d'un accident en milieu de travail. C'est quand même beaucoup. Il y a aussi un grand nombre de personnes qui se blessent sur les lieux de travail.
Vu cette situation, nous nous sommes engagés mutuellement à aborder, chaque fois que nous pourrions le faire sur la place publique, les situations observées dans les entreprises qui nous paraissaient dangereuses. Il n'est pas question ici de constater la chose et de continuer son chemin, mais bien de constater les faits, s'arrêter, prendre le temps de se dire qu'il s'agit d'une situation dangereuse et aviser la personne en cause pour qu'on prenne des mesures afin d'éviter qu'éventuellement quelqu'un se blesse, soit victime d'un accident ou décède.
De la même façon, monsieur le député, nous devons être conscients des dangers qui peuvent survenir dans nos propres maisons, dans notre vie quotidienne. Lorsque nous constatons une situation dangereuse, c'est à nous, en tant que personnes, d'intervenir et de voir à éviter ce genre de situation. Il arrive souvent, par exemple, qu'un membre de la famille se juche sur une chaise pour changer une ampoule. Il faut adopter des pratiques sécuritaires, autrement, on risque de subir de graves conséquences. Nous faisons tous certaines choses machinalement. Il s'agit simplement d'en être conscient. À partir du moment où on est sensibilisé, on voit les choses différemment.
Maintenant, chaque fois que je mets les pieds dans une entreprise, à titre de ministre du Travail ou de ministre responsable de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, je vois les choses sous un nouvel angle. Je regarde les travailleurs et je vérifie s'ils se trouvent dans une situation dangereuse. Je me soucie de cet aspect. Tous les ministres du Travail des provinces et moi-même tentons de promouvoir des milieux sains où la sécurité est omniprésente. Chaque décès en milieu de travail est un drame. Les collègues de travail et les familles, bien sûr, en sont durement et longuement affectés. Il y a aussi des victimes d'accident qui sont blessées à long terme.
J'ai fait une tournée pancanadienne visant à promouvoir l'absence de racisme sur les lieux de travail. Il y était question également de milieux de travail sains où il n'y a pas de harcèlement sexuel ou psychologique. Il faut aussi promouvoir ce qu'on appelle l'équilibre travail-famille. Par exemple, si l'enfant d'un employé est malade, il est bien évident que quelqu'un doit être à la maison. Dans de tels cas, le patron doit être conciliant et promouvoir la qualité de vie. Un employé qui jouit d'une bonne qualité de vie au travail a une productivité accrue. L'employeur y gagne donc lui aussi. La même chose s'applique lorsqu'il n'y a pas d'accident sur les lieux de travail. C'est une situation gagnant-gagnant. Concilier milieu de travail sain et vie familiale tout en s'assurant que les employés soient contents dans leur sphère de travail est une bonne façon de faire les choses.