Le Conseil canadien des employeurs est la voix des entreprises canadiennes sur les questions internationales liées au travail et auprès de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Le CCE représente les intérêts des entreprises canadiennes pour les questions liées au travail à l'échelle internationale depuis plus de 80 ans, depuis 1919, en fait, et les membres du CCE représentent un vaste échantillon des employeurs canadiens, dont bon nombre sont régis par le gouvernement fédéral.
Le CCE s'exprime au nom des entreprises canadiennes à l'Organisation internationale du travail, l'organisme des Nations Unies promulguant les normes internationales du travail; à l'Organisation internationale des employeurs, l'OIE, l'organisme international représentant les intérêts des employeurs auprès de l'OIT; et dans Ie cadre du processus du Sommet des Amériques.
Notre équivalent à l'OIT est le CTC, le Congrès du travail du Canada. Le CCE et ses membres s'opposent au projet de loi C-257 et sont d'avis que celui-ci devrait être rejeté. Quant aux questions de fond soulevées par le projet de loi C-257, le CCE appuie les témoignages des ETCOF, les employeurs des transports et communications de régie fédérale. D'après ce que nous savons, le directeur exécutif des ETCOF, Don Brazier, a présenté un mémoire et a témoigné devant le comité permanent le 5 décembre 2006.
Le témoignage du CCE devant le comité permanent se limite aux principes internationaux en matière de travail qui devraient servir de guide à tout examen du projet de loi C-257.
Je renvoie les membres du comité permanent au mémoire du CCE, que nous vous avons fourni dans les deux langues officielles. Nous souhaitons aborder deux questions principales dans notre témoignage. La première est la suivante : le projet de loi C-257 constitue une politisation injustifiée de la réforme du droit du travail à l'échelon fédéral. Michael McDermott, l'ancien sous-ministre adjoint principal responsable du programme du travail, a brièvement abordé cette question à l'occasion de son témoignage devant le comité permanent le 7 décembre.
La position du CCE est que la politisation de la réforme du droit du travail est contraire à la tradition de tripartisme découlant des principes internationaux en matière de travail et à laquelle le gouvernement fédéral adhère depuis longtemps.
Ensuite, le CCE est d'avis que les principes du droit international du travail n'appuient pas l'interdiction d'avoir recours à des travailleurs de remplacement.
L'OIT n'a jamais formulé de conclusion défavorable à l'endroit du Canada en ce qui concerne le recours aux travailleurs de remplacement et n'a jamais adopté de texte interdisant de manière explicite ce recours.
En ce qui concerne les inquiétudes liées à la politisation de la réforme du droit du travail, contrairement aux réformes du droit du travail entreprises dans de nombreuses provinces, la réforme fédérale est parvenue à éviter la politisation. À la place, on a adopté des processus de réforme tripartite au sein du régime fédéral afin de permettre une contribution active et significative de la part des employeurs, des syndicats et des gouvernements. Le tripartisme est axé sur le processus menant à une réforme substantielle du droit du travail. Il favorise la stabilité et l'équilibre dans un régime de relations de travail.
Un engagement envers le tripartisme est à la base de l'OIT, et il se reflète dans trois normes du travail internationales importantes, dont il est question en détail dans le mémoire du CCE. Ces normes favorisent la consultation et la coopération efficaces entre les autorités publiques, les employeurs et les associations de travailleurs. Ces principes internationaux permettent d'illustrer comment le processus politisé sous-tendant le projet de loi C-257 constitue un écart inquiétant face à la tradition qui existait au gouvernement fédéral.
La forte tradition d'engagement fédéral envers le tripartisme en matière de réforme du droit du travail s'est reflétée dans la mise sur pied de l'équipe Woods en 1968 et dans le rapport qu'elle a produit, ainsi que dans le rapport du groupe de travail Sims de 1995, intitulé « Vers l'équilibre », dont on a déjà abondamment parlé devant le comité permanent.
La principale inquiétude du CCE en ce qui concerne le processus menant à la présentation du projet de loi C-257 est que celui-ci constitue une tentative politique de réformer le code dans le but de modifier l'équilibre des pouvoirs entre les employeurs et les syndicats.
En ce qui concerne l'absence de processus tripartite mené par des experts dans le cadre de la rédaction du projet de loi C-257, au contraire, le groupe de travail Sims avait suivi un processus de consultation tripartite d'experts, dans le cadre duquel il avait entendu de nombreux arguments pour et contre l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement temporaire. Au bout du compte, ce processus a donné lieu à la conclusion qu'il fallait rejeter l'interdiction.
Le CCE est d'avis que le projet de loi C-257 sera en lui-même une source d'instabilité dans le secteur fédéral du droit du travail. En adoptant le projet de loi, on va ouvrir la porte à de nouveaux changements découlant non pas d'un processus de consultation tripartite d'experts, mais d'un processus politique, comme cela s'est produit en Ontario dans les années 90 — une expérience que, je crois, ni les employeurs ni les syndicats ne veulent refaire.
Au chapitre des principes internationaux du travail concernant les travailleurs de remplacement temporaire, il n'y a absolument aucune ligne directrice politique, norme ou loi à l'échelle internationale qui interdise le recours à ces travailleurs. Cependant, l'OIT a formulé des principes à l'appui du droit de participer à de libres négociations collectives, ainsi que du droit à la liberté syndicale.
Même si le Congrès du travail du Canada a formulé de nombreuses plaintes à l'intention de l'OIT sur des questions de relations de travail au Canada et dans les provinces, le Congrès n'a jamais formulé de plaintes au sujet des travailleurs de remplacement. En réalité, la plupart des plaintes ont trait à la loi imposant le retour au travail et aux lois provinciales qui limitent les négociations collectives et les grèves.
Avant l'application des recommandations du rapport Sims, l'OIT a reçu un certain nombre de plaintes concernant la loi imposant le retour au travail dans le secteur fédéral. Depuis le rapport Sims, en aucune occasion, la loi imposant le retour au travail —
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— et nous croyons que cela illustre bien l'équilibre qu'a établi le rapport Sims entre les différents enjeux concurrents au chapitre de la réforme du droit du travail.
Nous savons qu'on a discuté abondamment de l'article 87.4 au cours des audiences comme celles d'aujourd'hui, et qu'on a cru à tort que cet article assurait le maintien des services essentiels. Nous avons demandé un avis juridique là-dessus, et, d'après cet avis, il est clair que l'article 87.4 n'a jamais eu pour objectif de garantir le maintien des services essentiels, et que ce n'est pas quelque chose qu'il prévoit.
L'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement, qui modifierait l'équilibre qu'avait trouvé le rapport Sims, entraînerait un retour à l'époque où on avait assez régulièrement recours, en cas d'urgence, à des lois de retour au travail dans le secteur fédéral. Dans ce cas, nous nous attendrions à la multiplication des plaintes du mouvement syndical canadien auprès de l'OIT au sujet d'interférences dans le processus de libre négociation collective.
Enfin, nous souhaitons ajouter qu'en interdisant le recours aux travailleurs de remplacement, il ne faut pas oublier le fait que cette interdiction n'a pas seulement pour effet d'interdire les travailleurs qui viennent de l'extérieur, elle empêche aussi les employés des unités de négociation de traverser les lignes de piquetage. Elle aurait pour effet de forcer les membres dissidents de l'unité de négociation en grève —y compris les employés qui ne font pas partie du syndicat — à s'associer au syndicat et aux membres des unités de négociation en faveur de la grève. Il s'agit d'une forme de coercition législative qui soulève des préoccupations importantes quant à la liberté syndicale.
La liberté syndicale est l'une des assises des normes du travail internationales de l'OIT. En fait, le préambule du Code canadien du travail en parle. Elle est aussi protégée par l'alinéa 2d ) de la Charte des droits et libertés.
Merci.
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Le Syndicat des Métallos est une organisation ouvrière internationale comptant plus de 280 000 membres au Canada. Environ 15 000 d'entre eux occupent des emplois qui relèvent de la compétence fédérale.
Les Métallos sont des hommes et des femmes de tous les milieux sociaux, culturels et origines ethniques qui oeuvrent dans toutes les industries et professions. Nos membres sous l'autorité fédérale travaillent pour des entreprises de camionnage, de chemin de fer, de livraison de courrier, des banques, des lignes aériennes, dans les domaines de la sûreté des aéroports, de l'expédition, des services de traversier et des communications.
Nous sommes heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de présenter notre mémoire dans le cadre du processus visant à améliorer le Code canadien du travail et à interdire le recours à des travailleurs de remplacement pendant les conflits de travail dans les entreprises relevant de la compétence fédérale. Une telle occasion permet de faire progresser la lutte des Métallos pour la dignité, le respect et l'égalité de leurs membres, et d'améliorer la vie professionnelle de toute la population active au Canada.
Le Code canadien du travail. Le droit du travail au Canada reconnaît et donne effet depuis longtemps au droit de grève. Le droit d'un syndicat d'exercer des pressions économiques sur des employeurs par le retrait collectif des services de ses membres pour appuyer ses revendications contractuelles est un droit fondamental dans notre société démocratique. Aux termes du Code canadien du travail, le droit de grève est un élément fondamental d'un code complet de droits et d'obligations qui régit les relations de travail dans les entreprises relevant de la compétence fédérale.
Le Code canadien du travail confère aux syndicats le droit de négocier collectivement et, par la suite, d'administrer et d'appliquer les conventions collectives au nom de leurs membres. Le droit des syndicats de négocier collectivement est soigneusement équilibré par une obligation de représenter leurs membres de manière équitable. En guise de compromis pour être reconnus comme uniques agents négociateurs, les syndicats sont tenus légalement de garantir à tous les employés de l'unité de négociation qu'ils représentent une juste représentation. Le code permet aux employés de l'unité de négociation, dans certaines circonstances, de faire révoquer l'accréditation de leur syndicat ou de faire annuler son statut d'agent négociateur. Ce droit constitue un moyen supplémentaire de contrôler et d'équilibrer l'autorité des syndicats. Le code comporte des dispositions supplémentaires et exhaustives qui interdisent aux employeurs et aux syndicats de recourir à des pratiques de travail déloyales avant l'accréditation, pendant les campagnes de syndicalisation, tout au long de la durée de la convention collective, ainsi que durant les grèves et les lock-out.
Le droit de grève. L'équilibre du pouvoir économique entre les employeurs et les syndicats au tout début d'une grève est influencé par des facteurs dont les deux parties ont le droit de tenir compte : d'une part, le syndicat détermine s'il doit ou non entreprendre une grève et, d'autre part, l'employeur décide s'il doit ou non maintenir des positions pouvant entraîner une grève. Le syndicat évalue normalement le soutien qu'il a et prévoit sa capacité de réussir dans une situation de grève en tenant un vote de grève auprès de ses membres. Cela constitue une mesure fondamentale et démocratique du soutien à l'égard du syndicat qui démontre le consentement et l'habilité de l'unité de négociation à faire face aux pressions économiques. L'employeur s'engage dans un exercice semblable afin d'évaluer sa capacité à résister à une grève. Encore là, comme pour les autres aspects du rôle du syndicat à titre d'agent négociateur, le droit du syndicat de faire la grève est soigneusement restreint par les dispositions du code. Un équilibre entre les droits et les obligations des parties à la relation de négociation est atteint.
Pourquoi faut-il interdire le recours à des travailleurs de remplacement?
Les travailleurs de remplacement sont étrangers à la relation de négociation. Ils ne font pas partie de l'unité de négociation du syndicat. Ils ne participent pas à la négociation collective. Ils ne prennent pas part au vote de grève. C'est pourquoi la simple introduction de travailleurs de remplacement en elle-même bouleverse l'équilibre du pouvoir que les parties ont établi et évalué au début de la grève. En outre, des chercheurs ont lié l'introduction de travailleurs de remplacement à un grand nombre de résultats négatifs, notamment à une violence accrue sur les lignes de piquetage et à des grèves prolongées. De plus, une étude de la Princeton University à une usine de Bridgestone/Firestone à Decatur, au milieu des années 1990, a étudié la question de savoir si une grève litigieuse et l'embauche de travailleurs de remplacement étaient liées ou non à la production de pneus défectueux. Cette étude a conclu que le conflit de travail dans l'usine coïncidait étroitement avec une qualité de produits inférieure.
La recherche décrite ci-dessus reflète avec précision l'expérience de notre syndicat avec les travailleurs de remplacement. Lorsqu'un employeur embauche des travailleurs de remplacement pendant une grève, ceux-ci entrent en contact direct avec les grévistes et les autres membres du syndicat qui continuent d'appuyer la grève. D'après notre expérience, ce contact est provocateur et perturbateur. Les employeurs comptent souvent sur ce contact pour démoraliser les membres syndiqués.
Dans ces circonstances, il n'est pas surprenant que la présence de travailleurs de remplacement fasse augmenter le nombre d'incidents et la violence sur les lignes de piquetage. Cette hausse des incidents et de la violence mine les règles de droit.
Le recours à des travailleurs de remplacement fausse injustement l'équilibre du pouvoir économique dans une situation de grève, et il joue énormément contre tout syndicat qui choisit d'exercer son droit de grève. Il n'existe aucune raison légitime de permettre à l'employeur de recourir à des travailleurs de remplacement dans le contexte d'un système de relations de travail reconnaissant que les parties doivent déterminer la relation à la convention et non la mettre en danger, la miner ou même la faire détruire par des étrangers.
Le recours à des travailleurs de remplacement fausse l'équilibre que l'on cherche par ailleurs à atteindre en appliquant un code de conduite complet et détaillé régi par nos lois sur le travail.
En conclusion, notre syndicat accueille favorablement toute modification au code qui établit la base d'un système plus équitable pour la résolution des conflits. Nous croyons que le code aurait dû, il y a longtemps, faire l'objet de modifications indiquant clairement que le droit des employeurs de recourir à des travailleurs de remplacement pendant une grève est effectivement limité.
Nous appuyons les modifications que comporte le projet de loi C-257, qui vise clairement à éliminer l'injustice inhérente à un système qui permet à un employeur de continuer à exercer ses activités en recourant à des travailleurs de remplacement pendant une grève. Le Syndicat des Métallos appuie le projet de loi et félicite ses alliés politiques au Parlement pour leur travail.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Notre organisation représente toutes sortes de sociétés et de particuliers dans les domaines de la prospection et de l'exploitation minière dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Elle compte au-delà de 800 membres, allant de prospecteurs, de petites sociétés d'exploration, de sociétés d'exploitation minière, d'entreprises de services de tous genres et, de plus en plus, de sociétés autochtones oeuvrant dans le domaine de l'industrie minière. Les entreprises de service que nous comptons parmi nos membres se spécialisent dans le domaine de l'aviation, du forage, du camionnage, de la construction, de l'expédition et de la restauration, ainsi que dans de nombreux autres domaines. Bon nombre de résidents du Nord tirent directement ou indirectement leur subsistance de l'industrie minière.
Au nom de l'industrie minière du Nord, je vais m'exprimer contre l'adoption du projet de loi en question.
Les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut constituent le tiers du territoire du Canada. La taille de cette région, son paysage accidenté, les coûts élevés et le climat rude constituent ensemble des obstacles formidables à la croissance. Résultat : nous avons l'infrastructure la moins évoluée au Canada. Ces obstacles limitent souvent les choix que nous ne pouvons faire pour favoriser véritablement la croissance économique.
À l'heure actuelle, l'industrie la plus importante du Nord, ce sont les mines. En comptant les investissements réalisés dans le domaine de l'exploration, nous parlons d'une industrie de deux milliards de dollars. Avec les nouvelles mines, nous prévoyons que la valeur du secteur va atteindre trois milliards de dollars par année à moyen terme. À part le gouvernement, l'industrie minière est l'employeur le plus important, plus de 2 500 personnes travaillant aux mines des Territoires du Nord-Ouest seulement. Le secteur des mines compte pour la moitié de l'économie des Territoires du Nord-Ouest, c'est-à-dire la moitié de leur PIB. Il s'agit d'une industrie en croissance au Nunavut, où il y a une mine en rapport, et deux autres qui ont obtenu récemment l'approbation réglementaire et qui vont bientôt être en construction.
À titre de générateur d'importantes possibilités d'emploi et d'affaires, nous sommes en faveur de l'accroissement des avantages pour les gens du Nord et les Autochtones. L'industrie minière peut aussi stimuler la mise en oeuvre de nouvelles infrastructures comme les routes, les ports et les centrales hydro-électriques, dont profitent aussi les collectivités de notre région. Cependant, l'efficacité du code du travail est un facteur essentiel de la capacité de l'industrie minière d'offrir ces avantages à long terme aux résidents du Nord. Nous ne sommes pas convaincus que le projet de loi va nous aider.
Nous savons que certaines personnes sont susceptibles d'évoquer la grève de la mine Giant, dans les Territoires du Nord-Ouest, en prétendant qu'il s'agit d'une excellente justification à l'appui d'une loi anti-briseurs de grève. Ce serait cependant simplifier à l'excès la situation complexe qui a abouti à cette grève. Il n'y a pas eu d'enquête officielle pour déterminer ce qui a causé la grève, et les mesures prises en conséquence par l'employeur et par le syndicat. C'est malheureux, puisque, selon nous, un vote au scrutin secret aura peut-être donné le résultat contraire, comme l'aurait fait l'imposition plus précoce d'un recours à la médiation. En ce qui concerne l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement, notre position n'a rien à voir avec cet événement historique malheureux.
La réalité contemporaine de l'industrie minière est que les nouvelles mines sont situées dans des régions très éloignées du pays, difficilement accessibles. Les nouvelles mines sont des camps autonomes où les travailleurs se rendent par avion en fonction d'horaires variables. Les mines génèrent leur propre électricité, offrent leurs propres services comparables à des services municipaux, et sont desservies par des voies de communication saisonnières et précaires. Nos nouvelles mines de diamant sont desservies par une route de glace ouverte pendant huit à douze semaines. On construit cette route chaque année, et on l'entretient pendant cette très courte période. Elle traverse plus de 700 kilomètres de toundra et de lacs glacés. Pour vous donner une idée, il y a 763 kilomètres entre Calgary et Regina, et 792 kilomètres entre Toronto et Québec. C'est la mine qui paie pour la construction et l'entretien de cette route.
Le fait que les mines du Nord soient autonomes et éloignées signifie qu'on doit transporter, pendant cette très courte période, et sur de longues distances, ce dont on a besoin pour un an, comme de l'essence, tant pour les activités que pour la production d'électricité, des explosifs, de l'acier, du ciment, des pneus pour les camions et d'autres fournitures essentielles, qu'il faut ensuite stocker sur place. Les mines en rapport prévoient à elles seules transporter cette année l'équivalent de plus de 10 500 camions de matériel et de fournitures vers le Nord au cours de cette courte saison.
Auparavant, des navires de charge brise-glace se rendaient aux mines du Grand Nord pendant environ cinq mois par année. Les nouvelles mines dont l'ouverture est projetée au Nunavut devront être ravitaillées par bateau ou par barge au cours de la courte période où la voie maritime est praticable. Ces mines continueront d'être particulièrement vulnérables aux arrêts de travail au cours de cette période.
Un syndicat pourrait utiliser cette vulnérabilité relative à l'approvisionnement pour appuyer ses demandes. En provoquant une grève pendant la période où l'approvisionnement est possible, le syndicat tiendrait essentiellement la mine en otage. Dans le pire des cas, la mine devrait fermer. Même si une partie seulement de la cargaison essentielle n'était pas livrée pendant la période où c'est possible, cela pourrait nuire à la viabilité de la mine. Si la mine devait faire des concessions coûteuses aux grévistes, les frais grimperaient, et la durée de vie de l'exploitation minière pourrait être réduite.
L'exploitation des mines modernes est complexe; elle se fait dans le cadre d'un régime réglementaire très complexe, dans un contexte de lois environnementales strictes, et elle est assujettie à un certain nombre d'ententes dont le respect est obligatoire pour l'obtention des permis d'exploitation. Les exploitations minières doivent offrir des avantages aux habitants du Nord, et surtout aux Autochtones, sous forme d'emplois, de formation et d'occasions d'affaires. De plus, elles effectuent des paiements directs aux collectivités autochtones dans le cadre d'ententes sur les répercussions et les avantages. Ajouter l'incertitude provoquée par l'interférence découlant de mesures syndicales à des liens logistiques ténus et fragiles sur le plan temporel pourrait surcharger inutilement les exploitations minières et les rendre peut-être non viables sur le plan économique.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui, ainsi que la greffière du comité et le personnel de m'avoir aidé pour ce qui est de la traduction.
Le rapport du groupe de travail de 1996 qu'on a utilisé comme fondement pour la dernière réforme majeure du code canadien du travail s'intitulait, de façon plutôt appropriée, Vers l'équilibre. C'est ironique que la seule question sur laquelle le groupe d'experts n'a pas réussi à se mettre d'accord est celle dont doit s'occuper le comité, la question des travailleurs de remplacement.
Dans le rapport en question — j'ai mis la référence complète dans mon mémoire — les membres du groupe de travail font remarquer, à la fin, que, malgré les divergences de vues, il y a certains aspects sur lesquels ils se sont mis d'accord, et ils ont aussi proposé plusieurs autres façons de protéger les droits des différentes parties pendant un arrêt de travail.
Au moment de préparer l'exposé que je vous présente aujourd'hui, j'ai examiné les témoignages que vous avez entendus jusqu'à présent, et, sans aucun doute, « équilibre » est le mot qui revient le plus souvent. Tous les témoins, peu importe le point de vue qu'ils défendent, reconnaissent que l'équilibre est une norme à laquelle il faut faire appel. Cependant, il semble que cet équilibre, comme la beauté, tient à une question de point de vue. Les gens qui ont témoigné devant le comité percevaient l'équilibre de façons très différentes.
Ainsi, plutôt que de vous fournir encore des données et des statistiques ou de passer au peigne fin celles que vous avez déjà devant vous et pour lesquelles on vous a proposé diverses interprétations, j'ai pensé utiliser le peu de temps qui m'a été alloué pour vous faire d'abord part de mon parti pris, puisque si l'équilibre, comme la beauté, est subjectif, alors il n'est que juste d'avouer son parti pris, puis pour formuler trois observations qui, je l'espère, vous aideront dans le cadre de votre étude du projet de loi.
J'ai grandi au sein d'une famille immigrante d'une petite ville de l'Ontario. À l'époque, je me faisais une image négative des syndicats. Les employés de l'entreprise où ma mère travaillait étaient syndiqués, et cela n'a pas été une expérience positive pour elle. J'entendais parler d'inquiétudes au sujet de la mise en place de certaines conditions qui avaient des effets négatifs sur elle, et avec lesquelles elle était en désaccord, contrairement à la majorité. Nous vivions dans une ferme familiale, et les fréquentes interruptions du service postal, qui étaient la norme à l'époque, posaient d'importants problèmes pour notre famille, sur le plan économique.
Il va sans dire que lorsque, dans la vingtaine, j'ai accepté un poste de représentant syndical, cela n'a pas vraiment fait le bonheur de ma famille ni de beaucoup de mes amis. Pendant 11 ans, j'ai été à l'avant-plan des négociations syndicales. J'ai négocié des ententes qui concernaient des dizaines, et parfois même des milliers, de travailleurs. J'ai représenté mon syndicat pendant les négociations sur le contrat social en Ontario. J'ai représenté le syndicat dans le cadre d'un programme de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre du secteur de la santé évalué à 30 millions de dollars. J'ai siégé à des conseils d'arbitrage constitués en vertu de la Loi sur l'arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux de l'Ontario et de dispositions relatives aux griefs de nombreuses conventions collectives.
J'ai pris publiquement parti, d'une façon que je qualifierais de conservatrice, en faveur de la négociation collective, en soutenant, premièrement, que la nature du travail au sein de l'économie moderne crée une demande naturelle d'organisations représentant les travailleurs, deuxièmement, que la plupart des arguments économiques traditionnellement utilisés pour décrire les syndicats comme ayant un effet préjudiciable sur l'économie sont, en fait, fallacieux, et troisièmement, que les syndicats peuvent contribuer de manière importante à la justice et à la démocratie en milieu de travail.
J'ai soulevé ces points uniquement pour démontrer que, en venant ici, j'ai un préjugé favorable envers la négociation collective. Je crois qu'il s'agit d'une bonne chose, et il ne fait aucun doute, pour moi, que la restriction concernant les travailleurs de remplacement que propose le projet de loi renforcera la position des syndicats dans le cadre des conflits de travail. Après avoir peiné avec des membres de syndicats en situation de grève, je suis en mesure de comprendre l'attrait que recèle le fait de voir modifier les règles de la guerre de façon à offrir un avantage à l'une des deux parties. Cependant, permettez-moi de faire trois commentaires qui, à mon avis, devraient donner à réfléchir à ceux qui pensent que le projet de loi va nécessairement donner les résultats intéressants qu'ils espèrent.
Je voudrais commencer par faire un commentaire au sujet de ce qu'est l'équilibre dans les relations de travail. À la table de négociations des conventions collectives, on apprend très rapidement que le processus est aussi important que la substance des négociations. Il arrive souvent qu'il ressorte la même chose d'une convention collective, et, en fonction de la perception du processus, lorsqu'on retourne voir les membres du syndicat pour leur demander d'approuver cette convention collective, ils la rejettent ou l'approuvent en fonction de leur perception du processus, et non pas nécessairement de la substance de la convention collective.
Je crois qu'il existe un impératif semblable dans le processus de réforme du droit du travail. Le rapport Sims a donné lieu à un ensemble de réformes pour lesquelles presque tous étaient d'accord.
Les lois qui en ont découlé ont généralement été considérées comme étant équilibrées non seulement en raison de leur contenu, mais aussi du processus suivi.
Je soutiens respectueusement que, peu importe le bien-fondé des arguments concernant les travailleurs de remplacement, le processus même concernant à examiner un projet de loi comportant une seule modification au code du travail relativement à une question controversée — le seul point sur lequel les trois commissaires n'ont pas réussi à se mettre d'accord dans le rapport Sims — constitue une approche déséquilibrée et imprudente relativement aux relations de travail.
J'ai participé à de nombreuses réunions de ratification de conventions collectives, et il m'est arrivé souvent que des membres de syndicats me demandent « Pouvons-nous voter sur telle ou telle disposition séparément? » Chaque fois, il s'agissait d'une disposition controversée qui avait fait l'objet de concessions au cours du processus de négociation. Supprimer cette disposition aurait vraiment compromis l'équilibre du document.
D'autres personnes ont parlé de la politisation du processus, ce à quoi il faut faire attention, d'après le rapport Sims. Pendant toutes les années 90, je travaillais dans le domaine des relations de travail en Ontario, et j'ai vu ce qui se produit lorsque la balance penche d'un côté ou de l'autre.
Deuxièmement, il ne s'agit pas seulement d'un équilibre entre le syndicat et la direction d'une entreprise; il s'agit aussi d'un équilibre entre la majorité et la minorité. La négociation collective, de par sa nature même, est une affaire de majorité : un syndicat doit s'exprimer d'une seule voix. Nous devons cependant reconnaître l'existence de voix dissidentes. Dans certaines situations de conflit de travail — il y en a que j'ai vécues — le problème n'est pas toujours tant entre l'employeur et les employés qu'une division parfois profonde au sein du syndicat lui-même, qui force les éléments politiques du processus à évoluer d'une certaine manière. Il y a beaucoup de choses à dire, et j'en parle dans mon mémoire.
La troisième chose que je veux dire, c'est que je déplore la diminution de notre représentation — et je pense qu'il s'agit d'un problème de politique publique important —, et les chiffres diminuent depuis plusieurs années. Un projet de loi comme celui qui nous occupe aujourd'hui nous ramène, j'en ai bien peur, à la définition des règles de la guerre et aux points négatifs des relations de travail.
Je veux citer des données que nous avons demandé à Gallup de recueillir pour nous, qui, en gros, indiquent que lorsqu'on demande aux Canadiens s'ils sont en faveur des syndicats, on obtient une réponse positive, plus positive que jamais, mais si on leur pose des questions au sujet des détails des différentes activités syndicales —les grèves, et certaines autres activités — les résultats sont remarquablement négatifs. En d'autres termes, les Canadiens sont en faveur des syndicats, mais pas nécessairement de la manière dont certaines négociations collectives se sont déroulées dans le passé.
Je sais que mon temps est presque écoulé, alors je vais vous laisser mes commentaires écrits. Je crois que nous devons régler un certain nombre de problèmes beaucoup plus pressants si nous voulons qu'un mouvement syndical essentiel continue de représenter les travailleurs à l'avenir.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, bonjour. Merci de m'avoir invité à témoigner.
Je suis le directeur général et le greffier de la Région de l'Atlantique du Conseil canadien des relations industrielles. À ce titre, je suis responsable des activités du Conseil dans les provinces de l'Atlantique. Je représente aujourd'hui le Conseil, invité par le comité à témoigner.
Permettez-moi de commencer par expliquer brièvement le rôle et le mandat du Conseil. Le CCRI est un tribunal quasi judiciaire, indépendant et de représentation. Le Conseil est chargé de l'interprétation et de l'application du Code canadien du travail, Partie I, Relations du travail, et de certaines dispositions de la Partie II. Le Code régit les relations de travail des entreprises qui sont assujetties à la réglementation fédérale. Le Conseil a pour mandat de favoriser l'établissement et le maintien de relations de travail harmonieuses et le règlement positif des différends. Dans l'exécution de son mandat, il est appelé à interpréter et à appliquer les dispositions du Code d'une manière permettant l'atteinte des buts et des objectifs établis par le Parlement et énoncés dans le Code. Dans le cadre des demandes et des plaintes dont il est saisi, il tente de régler les questions soulevées et de rendre des décisions de façon juste, rapide et économique, et d'une manière qui sert le mieux les objectifs en matière de relations de travail qui sont énoncés dans le Code. Il y parvient grâce aux divers mécanismes de règlement des différends dont il dispose. Le Conseil joue un rôle à la fois de médiateur et de décideur dans le règlement des demandes et des différends dont il est saisi.
Il est tout aussi important de comprendre que le Conseil est un tribunal neutre et impartial. Il ne contribue aucunement à l'élaboration des politiques ou à la formulation des dispositions législatives qu'il est ensuite appelé à interpréter et à appliquer. Il ne lui appartient donc vraiment pas de se présenter devant le comité pour exprimer une opinion ou adopter un point de vue sur des modifications que l'on propose d'apporter au Code. Je me propose donc d'aborder, dans un premier temps, le paragraphe 94(2.1) du Code, la disposition qui traite, à l'heure actuelle, des travailleurs de remplacement, de me pencher ensuite brièvement sur l'article 87.4, qui régit le maintien des activités, puis de discuter, en dernier lieu, des répercussions que, de l'avis du Conseil, des modifications au Code pourraient avoir sur ses ressources et ses capacités.
Depuis l'adoption, en 1999, de la disposition qui, à l'heure actuelle, traite des travailleurs de remplacement, le Conseil a été saisi d'environ 20 plaintes s'y rapportant. Seize d'entre elles ont été retirées, trois ont été rejetées, et l'une d'entre elles est en instance. La question des travailleurs de remplacement est généralement considérée comme une question importante, délicate et controversée qui touche les syndicats et le patronat. En outre, les demandes présentées en vertu de la disposition qui traite des travailleurs de remplacement surviennent généralement à un moment où les relations de travail entre les parties sont particulièrement tendues et difficiles. C'est la raison pour laquelle le Conseil traite ces dossiers en priorité et en mode accéléré. Toutefois, sur le plan de la procédure, cette tâche peut se révéler ardue. En effet, nous avons pu constater par le passé que de telles demandes s'accompagnent généralement de plaintes concernant des pratiques de travail déloyales et d'allégations de mauvaise foi dans les négociations. Dans l'espoir d'en arriver à une résolution globale et efficace sur le plan des relations de travail, le Conseil regroupe souvent différentes plaintes ou les entend ensemble. Cela exige fréquemment la présentation d'éléments de preuve plus nombreux et la tenue d'une audience plus longue pour que toutes les questions puissent être pleinement débattues et tranchées et que les principes de justice naturelle soient respectés à toutes les étapes du processus pour toutes les parties en cause.
L'article 87.4 du Code porte sur le maintien des activités pendant une grève ou un lock-out. Il est l'une des diverses dispositions ayant trait à la grève qu'on a intégrées au Code en 1999, à la suite de la révision de la loi. Cette disposition aborde de front la question des obligations dont les parties doivent s'acquitter pour que certaines activités et certains services soient maintenus, pendant une grève ou un lock-out, dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques immédiats et graves pour la sécurité ou la santé publique. Cette disposition impose aux parties l'obligation conjointe d'assurer la sécurité ou la santé du public pendant une grève ou un lock-out et, à ce titre, traite d'enjeux et de circonstances très différents de ceux qui sont le point de mire de la disposition relative aux travailleurs de remplacement. Aux termes de la disposition actuelle sur les travailleurs de remplacement, le recours à ces travailleurs dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat, plutôt que pour atteindre des objectifs légitimes de négociation, constitue une pratique de travail déloyale.
En ce qui concerne les répercussions que pourraient avoir des changements apportés aux textes législatifs actuels, le Conseil est en mesure, en raison de son expérience, de formuler les observations et les commentaires suivants à l'intention du comité.
La question des travailleurs de remplacement étant très délicate et portant généralement à controverse pour les syndicats et pour les employeurs, la modification de cette disposition particulière du Code entraînera probablement une augmentation de la charge de travail du Conseil.
Nous avons été à même de constater, à l'occasion des modifications de la loi les plus récentes, que l'adoption d'une nouvelle disposition entraîne une hausse du nombre de demandes ou de plaintes déposées, les parties souhaitant mettre à l'épreuve la nouvelle disposition et sonder le Conseil en ce qui a trait à son interprétation ou son application de celle-ci. Il en découle par le fait même une hausse du nombre de demandes de réexamen, car les parties mettent la disposition à l'épreuve non seulement en première instance, mais également dans le cadre d'un réexamen et devant les tribunaux. En outre, la jurisprudence concernant telle ou telle question ou disposition n'est jamais établie sur le fondement d'une seule affaire ou d'une seule décision; elle évolue au fil des années dans le contexte propre à chaque cas, tel qu'il est présenté au Conseil.
La hausse du nombre de demandes engendre des pressions accrues sur toutes les ressources du Conseil, sur les plans administratif, opérationnel et décisionnel. Ces pressions accrues sur les ressources sont particulièrement importantes compte tenu du traitement en priorité des plaintes déposées en vertu des nouvelles dispositions que, à mon avis, le Conseil n'aurait d'autre choix que d'effectuer. Dans le but d'éviter toute montée de la tension entre les parties, je crois que le Conseil devra réagir rapidement pour régler les différends mettant en cause des travailleurs de remplacement.
En conclusion, j'aimerais répéter que le Conseil est neutre et impartial, et que son rôle est d'interpréter et d'appliquer les dispositions du Code, ainsi que d'aider les parties à résoudre leurs conflits de travail de manière constructive. Compte tenu de la neutralité que doit observer le Conseil, il ne lui appartient pas d'exprimer une opinion sur des questions portant sur l'élaboration de politiques et sur les répercussions de modifications qu'on propose d'apporter à la loi sur les parties et sur l'équilibre de leur pouvoir de négociation.
Merci.
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Ah bon, d'accord. Très bien. Je voulais simplement éclaircir ce point, parce que j'avais mal interprété ce que vous disiez, alors merci beaucoup.
Je dois dire, monsieur Pennings, que j'ai beaucoup apprécié votre exposé, surtout la partie concernant l'importance du processus. Je comprends que le processus est extrêmement important lorsqu'il s'agit d'apporter un quelconque amendement aux lois du travail.
Je ne fais cependant pas partie du gouvernement. Nous ne faisons pas partie du gouvernement; nous représentons l'opposition. Nous nous occupons par ailleurs d'un projet de loi d'initiative parlementaire, que beaucoup de gens appuient, mais il y a aussi beaucoup de gens contre. Au bout du compte, si le gouvernement avait souhaité modifier le processus et proposer son propre projet de loi, il aurait pu le faire, et nous aurions peut-être pu nous occuper des questions liées au processus. Je dois cependant vous dire que le projet dont le comité s'occupe est un projet de loi d'initiative parlementaire, juste pour que vous le sachiez.
Dans un monde idéal, je suis d'accord avec vous, il y aurait dû y avoir un processus différent pour la présentation de ce projet de loi, qu'on soit pour ou contre celui-ci. Je vous remercie donc d'avoir soulevé ce point. Je crois qu'il s'agissait d'un point tout à fait valable.
Je n'ai pas d'autres questions à poser, mais ma collègue, Ruby Dhalla, en a.
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Je vais essayer d'expliquer la procédure le plus clairement possible.
Premièrement, l'article 87.4 prévoit une obligation non seulement pour le syndicat et pour l'employeur, mais aussi pour les employés, de s'assurer que, pendant une grève ou un lock-out, tout ce qui doit être fait pour protéger la sécurité et la santé publiques est fait. L'article 87.4 est donc formulé de façon à permettre à l'employeur et au syndicat de négocier. S'ils en viennent à une entente, alors, en vertu du paragraphe 87.4(3), ils peuvent déposer cette entente devant le Conseil, et celle-ci devient un ordre du Conseil.
S'ils n'arrivent pas à s'entendre, alors, aux termes de l'article 87.4, dans un délai de 15 jours après un avis de différend, l'une ou l'autre partie peut se présenter devant le Conseil. Une fois que cela est fait, le Conseil enquête et rend une décision quant à ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité et la santé publique. Les parties ne sont pas autorisées à décréter une grève ou un lock-out légal avant que le Conseil ait rendu sa décision.
À l'époque où la loi était toute nouvelle et que les gens ne la connaissaient pas bien, il y avait une autre disposition — le paragraphe 87.4(5) —, qui autorisait le ministre du Travail à renvoyer la question devant le Conseil. À l'époque où cette disposition était nouvelle, il arrivait parfois, évidemment, que les parties arrivent à l'étape de l'avis de différend sans avoir répondu aux exigences des premières parties de l'article 87.4. Une fois que le ministre du Travail renvoie la question devant le Conseil, cela est aussi vrai : les parties n'ont pas le droit de décréter une grève ou un lock-out légal avant que le Conseil ait rendu une décision.
C'est, en gros, la manière dont les choses sont censées fonctionner.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui, et merci à notre invité qui participe à la séance par vidéoconférence.
J'ai trois questions qui s'adressent à différents témoins, alors je vais toutes les poser d'un coup, puis vous pourrez y répondre.
Premièrement, monsieur Pennings, je sais que vous êtes ici à titre personnel, et vos observations m'ont vraiment intéressée. Je veux simplement m'assurer que je suis bien renseignée : vous dirigez une organisation qui s'appelle la Work Research Foundation, vous avez auparavant travaillé pour l'Alliance canadienne et vous êtes l'un des militants importants en ce qui a trait à la question du droit au travail. J'aimerais que vous nous éclairiez sur votre expérience.
Deuxièmement, monsieur Bedard — ainsi que les métallos qui sont ici aujourd'hui — vous avez parlé de l'OIT et de son importance et vous avez parlé de la Convention 87 en ce qui concerne la liberté syndicale, en disant que vous pensiez que le projet de loi y était contraire. Je ne sais pas si vous le savez, mais la jurisprudence là-dessus à l'échelle internationale est importante, et les experts juridiques de l'OIT ont déclaré que l'embauche de travailleurs de remplacement pour briser une grève constituait une violation grave de la liberté syndicale. Je ne sais pas si vous connaissez cet avis. Vous pourriez peut-être formuler un commentaire à ce sujet — et les métallos aussi.
En fait, puisque nous parlons de l'OIT, il y a une autre convention, la Convention 98, qui concerne le droit d'association et le droit à la négociation collective. Le Canada ne l'a pas encore ratifiée. Je me demande, monsieur Bedard, si le Conseil canadien des employeurs sera en faveur de la ratification de cette convention par le gouvernement canadien, parce que je pense vous avoir entendu dire que vous étiez en faveur de cela.
Ma troisième question s'adresse à M. Vaydik, des Territoires du Nord-Ouest. Vous avez parlé de la vie dans le Nord, mais il me semble qu'il y a un argument encore plus fort en faveur de l'interdiction du recours aux travailleurs de remplacement en cas de conflit de travail et de grève dans une région éloignée. Dans ce genre de situations, comme nous l'avons constaté, dans le passé, je crois, il est très difficile de former un piquet de grève; on parle de demander à des gens de parcourir des milliers de milles en avion, comme ça été le cas à la mine de diamants Ekati. Il est alors beaucoup plus facile pour l'employeur de faire venir des travailleurs de remplacement. Je pense donc que l'expérience nous a appris que, dans ce genre de situations, interdire le recours aux travailleurs de remplacement constitue une mesure très importante pour prévenir la violence et la prolongation des conflits, qui peuvent survenir si l'employeur fait venir des travailleurs de remplacement, ce qui est plus facile pour lui dans un lieu éloigné.
Ce sont mes trois questions; si les témoins veulent bien y répondre.
Je suis vice-président à la recherche de la Work Research Foundation. Dans le formulaire, vous pouvez cocher soit patronat, soit syndicat, soit à titre personnel, et je ne représente ni une organisation syndicale ni une organisation patronale, et c'est pourquoi, j'imagine, j'ai coché la case à titre personnel. Je ne représente pas vraiment ici l'un ou l'autre des deux côtés.
La Work Research Foundation est un groupe de réflexion indépendant. Nous effectuons des travaux dans le domaine des relations de travail. Nous avons organisé un certain nombre de sondages en collaboration avec Environics et Angus Reid, et nous avons fait connaître un certain nombre de choses.
Essentiellement, même si nous sommes tout à fait en faveur de la négociation collective, nous pensons qu'il faut apporter des modifications fondamentales au régime de relations de travail. C'est le point de vue que nous avons toujours défendu.
C'est là que je me situe du point de vue philosophique. Oui, j'ai milité à divers moments de ma carrière.
En ce qui concerne vos commentaires au sujet du droit au travail, je n'ai jamais été en faveur de ce droit. J'ai été assez contre le droit au travail. Je pense que la négociation collective est une bonne chose. De la même manière que les employeurs embauchent des avocats, les travailleurs peuvent embaucher les syndicats pour défendre leurs intérêts.
En fait, la démocratie doit fonctionner. Il faut pouvoir parler au nom du groupe. En fait, j'ai toujours été contre le droit au travail.
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Oui. Je crois que le projet de loi pose véritablement problème en ce sens.
Le secteur fédéral est différent de tous les autres secteurs d'emploi du Canada. Il englobe l'infrastructure fédérale : les transports, les communications, les banques —
Le Conseil est en faveur d'unités nationales de négociation, ce qui fait que les organisations syndiquées tendent à avoir une portée nationale. Ainsi, d'un océan à l'autre, ils touchent toutes leurs activités. Ce n'est donc pas une seule usine, dans une seule ville, qui relève d'une unité de négociation, ce qui est habituel dans le cadre d'une accréditation provinciale, qui se fait usine par usine. Il s'agit en général plutôt de grandes entreprises qui font des affaires à l'échelle nationale, et qui offrent des services tout à fait essentiels comme les transports, les communications, ou encore les ports et ce genre de choses.
D'après ce que je comprends, le projet de loi parle des travailleurs de remplacement comme de gens qu'ont fait venir d'ailleurs — j'imagine que l'expression qu'on utilise, c'est « étrangers ». Il va cependant plus loin. Il vise les employés déjà au service de l'entreprise, qui font partie de l'unité de négociation et qui choisissent de ne pas participer à la grève, ce qui pose un problème important pour nous au chapitre de la liberté syndicale. C'est le point que j'ai soulevé. Il s'agit d'une question fondamentale que nous devons régler.
Le projet de loi porte aussi sur les entrepreneurs qui travaillent dans l'établissement. Le projet de loi parle de l'« établissement ». Le code définit ce qu'est un établissement. Il s'agit d'une zone géographique où se trouve l'organisation de l'employeur. Cette définition limite véritablement le recours aux cadres dans les établissements, définis en termes géographiques. Dans le cas d'une unité de négociation de portée nationale, cependant, si les employés en grève font partie de cette unité de négociation, cette façon de penser compromet grandement la capacité de l'employeur de recourir même à ses cadres. Bien entendu, il est aussi interdit d'avoir recours aux sous-traitants, même s'il semble s'agir de sous-traitants embauchés auparavant, avant l'arrêt de travail, dans l'établissement en question.
La question est donc beaucoup plus vaste que certaines choses qu'on a dites aujourd'hui et qui semblent laisser entendre qu'il ne s'agit que de gens qui viennent de l'extérieur pour travailler temporairement pendant une grève. Je crois que la question est beaucoup plus vaste que cela.
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Non, pas du tout, et j'ai vécu certaines expériences de négociations en ce qui concerne les ententes de maintien des activités.
Je crois qu'un témoin de la TWU a déposé la semaine dernière une entente de maintien des activités conclue entre ce syndicat et Telus. Il s'agit d'un cas intéressant. L'entente a été conclue deux ans après le début des négociations.
Le syndicat a refusé de s'asseoir avec l'employeur pour parler des exigences relatives au maintien des activités. L'employeur a dû présenter une demande au Conseil canadien, qui a rendu une décision et ordonné au syndicat de discuter avec l'employeur en vue de la conclusion d'une entente de maintien des activités.
Le syndicat a accepté de le faire, avec une réticence extrême, et si vous examinez le document — l'employeur l'a présenté à la TWU, et le document était joint au mémoire du syndicat — même dans la lettre d'entente, au paragraphe 9, on dit que l'entente est conclue sans préjudice, que la TWU pense qu'une entente de maintien des activités n'est pas obligatoire dans le secteur des télécommunications.
Le projet de loi tourne tout entier autour de cette section. L'article 87.4 parle de façon très précise de la santé et de la sécurité, tandis que nous soutiendrions avec force que, dans le secteur fédéral, du point de vue des services essentiels, cela dépasse largement la santé et la sécurité. Il s'agit de fournir les services de télécommunications aux familles ordinaires; tout le secteur bancaire dépend des télécommunications, comme beaucoup d'autres. Ce serait tiré par les cheveux de dire qu'il y a un lien direct avec la santé et la sécurité, mais on peut dire, bien entendu, qu'il s'agit de la vitalité économique du Canada.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier aussi nos invités d'être venus nous faire part de leur opinion sur le projet de loi C-257.
Je commencerai par commenter un certain nombre d'affirmations de M. Bedard. Je pense que tout le monde ici comprend que nous avons la délicate et importante responsabilité de faire des recommandations à la Chambre des communes relativement à ce projet de loi. On essaie le plus possible de retenir l'essentiel de vos propos. Vous représentez un organisme ayant un très grand rayonnement, et j'ai tenté de cerner la justification de votre opposition au projet de loi C-257. Vous avez, d'entrée de jeu, parlé de politisation non justifiée des relations de travail. Vous avez dit qu'ouvrir la porte à d'autres changements causera de nombreuses plaintes. Tout au cours des échanges, je n'ai pas entendu d'exemple concret de cela. J'ai cherché ailleurs et je pense que M. Vaydik nous a donné le meilleur exemple de ce qu'on pourrait appréhender, parce qu'on arrive avec du concret.
J'ai grandi dans le Nord québécois, dans une région qui ressemble à celle que M. Vaydik représente présentement et où vivent aussi des communautés autochtones. J'ai connu les ponts de glace qui servent à transporter le bois et d'autres matières. Vous avez donné cet exemple et parlé d'une grève dans le domaine du transport, le camionnage par exemple. Vous avez dit qu'environ 110 500 cargaisons passaient sur les ponts de glace en quelques semaines parce que, par la suite, la glace fondait. Pendant que vous avez expliqué cela, je me suis dit que vous alliez sûrement parler des humains à un moment donné. Mais non, vous nous avez dit qu'il était important d'amener de l'équipement, des pneus et de la machinerie pour faire fonctionner la mine. Je me suis dit que vous parliez sûrement d'une mine de sel, qu'il devait y avoir quelque chose. Non, il était question des mines de diamant. Je me suis demandé ce qui était si essentiel pour qu'on appréhende l'arrêt momentané des opérations de la mine. Est-ce que le fait de manquer de diamants pour garnir les parures des riches de la Terre est quelque chose d'essentiel? Je ne veux pas vous offenser lorsque je dis cela. Au contraire, je vous remercie, parce que cela illustre bien ce qui est recherché par le présent projet de loi.
Si, d'aventure, il y avait un danger de manquer d'aliments, de biens essentiels ou de biens pour la santé des communautés autochtones, on pourrait dire qu'il ne faut pas de travailleurs de remplacement , qu'il faut voir avec le syndicat — car il s'agit de personnes sensées — et convenir de services essentiels. Je pense à des communautés au Nunavut, à Kuudjuak, à Kuujjuarapik, et à Purvinituq. Vous connaissez probablement ces communautés qui sont très isolées et en même temps organisées, très autonomes, mais qui ont besoin de services essentiels. J'utilise cette intervention pour bien marquer la distinction à faire entre ce qui est essentiel pour une communauté et ce qui ne l'est pas.
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Je peux peut-être faire suite à ce que M. Lessard disait : la question que j'ai posée plus tôt à M. Vaydik portait sur le Nord.
Vous avez parlé de la mine de diamants et de l'histoire là-bas. Tout de même, dans le cas du conflit de travail récent à la mine de diamants d'Ekati, il faut dire qu'il s'agit d'une société multinationale qui a amassé d'énormes profits et il y a eu des problèmes en ce qui concerne les travailleurs de remplacement.
Je voulais simplement soulever la question à nouveau. M. Lessard a soulevé la question des services essentiels, et le projet de loi renferme une disposition sur la façon de les définir, en lien avec le code du travail. Par contre, je crois qu'il y a bien lieu de faire valoir pour diverses raisons que, dans les endroits très éloignés, là où il est difficile d'organiser un piquet de grève et facile, pour l'employeur, de faire venir des travailleurs de remplacement par avion, ce genre de dispositions législatives devient très important en tant que mesure de prévention.
De nombreux témoins sont venus nous dire que la plupart des employeurs n'auront pas besoin de ce genre de dispositions législatives. Il est à espérer que votre commission ne recevra pas beaucoup de demandes. Il existe quand même des cas où des conflits surviennent et où des travailleurs de remplacement sont amenés sur place, et c'est là l'objet du conflit, plutôt que le règlement d'une grève. C'est une des bonnes raisons qui militent en faveur de ce projet de loi.
Je voudrais demander à M. Vaydik de dire pourquoi ce ne serait pas là en vérité un outil de prévention, particulièrement dans le cas des entreprises situées dans des endroits reculés.
Le lieu est éloigné pour les deux parties. La direction doit relever des défis de ce fait, tout comme le syndicat doit le faire, mais il faut aller là où se trouve le minerai. Nous avons découvert des gisements qui sont très précieux, comme vous le faites remarquer, mais ils sont situés dans des lieux très éloignés.
Pour parler de l'exemple récent de la grève d'Ekati, je sais que les piquets de grève étaient installés aux points d'embarquement, pour le transport, dans le cas des sites éloignés dont il est question, et dans plusieurs autres localités outre Yellowknife. Évidemment, il aurait été inutile d'organiser un piquet de grève sur le site minier lui-même, mais les voies de transport ont été choisies comme lieu pour le piquet de grève.
En toute équité, l'entreprise et le syndicat se sont bien entendus après une période assez courte, et il n'y a pas eu d'incidents vraiment déplorables au piquet de grève.
Vous dites qu'il y a eu des problèmes. Je crois qu'il y a aussi des problèmes du côté de la direction. Je regrette de n'avoir pas apporté de diapo du chemin hivernal qui serpente dans la toundra. Il n'y a littéralement rien de part et d'autre de cette route sur des centaines de kilomètres. C'est un lien très ténu qui pourrait très facilement être bloqué par des piqueteurs.
C'est là la crainte qu'ont les gens, à mon avis : que le nouveau projet de loi fasse pencher la balance en faveur du syndicat.
Pour ce qui est de la nature des services essentiels, si vous n'êtes pas d'avis que faire un travail est un service essentiel — les gens nous paient pour que nous allions chercher ces diamants. Ce sont des emplois qui sont vivement sollicités dans l'économie fragile du Nord.
Il y a environ 2 500 emplois dans le secteur minier diamantaire en ce moment. Selon nos données économiques, pour la première fois, les Territoires du Nord-Ouest deviennent peut-être « nantis » plutôt que « démunis ». C'est une époque formidable pour qui se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest, et la cause en est la découverte et l'extraction de diamants.
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Permettez-moi de répondre rapidement.
Je sais que, dans le cas du conflit d'Ekati, le recours à des travailleurs de remplacement a prolongé la durée du conflit. Si cela n'avait pas été permis, je crois que vous auriez réglé le conflit beaucoup plus rapidement. Et, oui, il y a eu des piquets de grève.
Souvent, nous avons eu droit à des témoignages qui mêlent la question de la grève à celle des travailleurs de remplacement. Oui, il y a des problèmes entourant une grève qui ne plaisent pas aux gens, des deux côtés. Par contre, il n'est pas question d'une grève ici; il est question d'interdire le recours à des travailleurs de remplacement, à titre de mesure de prévention, pour nous assurer de bien insister sur les questions entourant la grève et pour régler le conflit le plus rapidement possible.
Je suis vraiment d'avis qu'il y a une confusion qui entoure tout cela; bon nombre des groupes d'employeurs ne cessent de revenir à la question de l'impact d'une grève. Eh bien, oui, nous savons qu'une grève a un impact, mais il y a ce droit légal de faire la grève, et ce n'est pas la question dont nous discutons ici.
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Il y a deux choses auxquelles il faut penser, du point de vue de l'équilibre. Évidemment, le recours à des travailleurs de remplacement a une incidence sur la grève. J'ai déjà eu affaire à une grève, et ce n'est pas beau. C'est difficile de part et d'autre; les nerfs sont à fleur de peau. Évidemment, une fois qu'il y a grève, les deux parties font ce qu'elles peuvent pour remporter la bataille. Les deux essaient de respecter les lois, mais nous savons tous que, parfois, cela est mis à rude épreuve en cas de grève. Je ne crois pas que ce soit un élément ou l'autre de l'équation qui soit en cause. On peut trouver des exemples d'abus d'un côté comme de l'autre.
Je parlerais de l'effet du projet de loi — non pas l'effet qu'il aura au moment de s'appliquer, mais l'effet qu'il aura sur le processus de négociation — qui sera nettement plus important. C'est une chose qui comporte deux aspects aussi. D'une part, il peut y avoir des situations où ce serait une mesure de prévention, cela servirait à prévenir ou à écourter un lock-out. D'autre part, je prévois aussi des situations où cela entraînera plus souvent un arrêt de travail. Nous pourrions imaginer des scénarios et, évidemment, personne n'a ici une boule de cristal qui lui permet de prédire l'avenir avec exactitude.
J'ai eu affaire à un conflit de travail où le problème essentiel se situait à l'intérieur même du syndicat. Les membres du syndicat étaient divisés à 51 voix contre 49 pour ainsi dire et, au bout du compte, rien ne pouvait se signer. Cela a amené un arrêt de travail.
Il y avait des questions à régler à l'interne — et c'est le fait de rater quelques chèques de paie qui a apporté à la situation la rigueur voulue, pour que les gens s'entendent un peu au sein des unités de négociation. J'imagine que c'est à cela que ça revient en dernière analyse.
Il faut élargir le droit du travail, le rendre complet, pour tenir compte de toutes les situations possibles. Nous pouvons chercher des données qui se rapportent à l'un ou l'autre des éléments de l'équation, mais chaque cas demeure unique. Je soupçonne que l'adoption de ce projet de loi modifiera effectivement l'équilibre des choses en amont, et de manières que personne, à mon avis, ne peut prédire de manière entière et exacte. C'est pourquoi vous avez devant les yeux tous les chiffres contradictoires que vous devez parcourir.
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Merci, monsieur le président.
Je suis nouveau au comité, comme on l'a fait remarquer, mais je fais partie du syndicat des travailleurs de l'acier depuis un certain nombre d'années; j'ai travaillé dans une mine à Flin Flon.
J'ai fait partie aussi du secteur privé à divers titres, dans les sociétés, et j'ai été membre du conseil d'une administration aéroportuaire. Je comprends les deux parties. J'entends beaucoup de discussions là-dessus et je reçois une correspondance abondante à ce sujet.
Bien entendu, l'élément clé consiste à savoir — et n'attendez pas que je vous donne une réponse là-dessus — comment on définit les « services essentiels » et quelle direction il faut adopter, ce qui se produit dans le cas des aéroports et autrement.
En deuxième lieu, bien entendu, il y a l'impact sur des régions économiquement marginalisées du pays. Il y a des avantages et des inconvénients qu'il faut noter.
Même si j'ai une expérience favorable des syndicats et une expérience du monde du commerce, il n'en demeure pas moins que, dans le cas qui nous occupe, la nature humaine étant ce qu'elle est, quand on utilise des travailleurs de remplacement, il est entendu que l'employeur s'en sert comme d'un marteau contre les grévistes. M. Lake demande s'il faut renvoyer la pendule de l'autre côté, c'est-à-dire retirer à l'employeur le marteau et, la nature humaine étant ce qu'elle est, le remettre aux syndicats pour qu'ils s'en servent contre l'employeur.
C'est une question qu'on me pose de part et d'autre. Dans le cas de la Saskatchewan — les syndicats y sont forts —, les deux parties vont valoir leurs points de vue.
Peut-être que M. Roy pourrait en toucher un mot. Je sais qu'il a essayé d'intervenir à quelques reprises, en réaction à certaines des réponses données. Vous pourriez me donner votre perspective sur la réponse qui a été donnée plus tôt.
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Cela me fait plaisir d'avoir l'occasion de répondre à une question.
Je suis un travailleur d'usine. J'ai travaillé dans des usines pendant 15 ans à Sept-Îles sur la Côte-Nord, au Québec. Depuis que je travaille, le Code du travail du Québec interdit les travailleurs de remplacement. J'ai participé à des grèves, et l'employeur en face de nous était de force égale en matière de négociation. Quand on a fait la grève, il n'y avait pas de travailleurs de remplacement. Cela disciplinait les parties et les forçait à s'asseoir et à négocier de bonne foi.
Je vais vous citer un exemple. Sur la Côte-Nord, à Sept-Îles, la Compagnie Minière IOC et Chemin de Fer QNS&L, une compagnie de minerai de fer sous réglementation fédérale, a imposé un lock-out en février 1994 pour forcer les travailleurs à accepter les conditions de l'entreprise. Lors du lock-out, l'entreprise a engagé des travailleurs de remplacement. Des hélicoptères passaient pendant la nuit au-dessus des travailleurs pour amener des travailleurs de remplacement. Des gardes du corps surveillaient les travailleuses et travailleurs sur la ligne de piquetage. Le résultat de tout cela a été de la violence, des congédiements et toutes sortes de mesures violentes. On a concentré toutes nos énergies à régler toutes ces situations plutôt que de régler la convention collective. Pour tous les dossiers qui sont sous réglementation provinciale, les travailleurs de remplacement sont interdits, car on ne veut pas vivre de telles situations. Les parties sont généralement disciplinées et elles savent conclure des conventions collectives.
Vous en avez la preuve au Québec. Il n'y a pas de révolution. Je ne vous dis pas que les propriétaires d'entreprises étaient heureux quand cela est arrivé. Cependant, ils ont appris à vivre avec cela et il n'y a pas eu de désastre économique, ni de renversement, ni de révolution. Au contraire, cela a discipliné les deux parties et les a forcées à s'asseoir autour d'une table pour conclure une convention collective correctement.
Au Québec, on conclut des conventions collectives entre 95 et 97 p. 100 du temps sans conflit. On doit avoir réussi quelque chose. Avant que nous ayons cette loi, dans les années 1970, au Québec, il y avait des travailleurs de remplacement. Les gens de Murdochville ont connu l'époque des travailleurs de remplacement qui venaient prendre la place des travailleurs dans les usines. Ça a brisé des collectivités pendant des années. C'est ce qui brise les relations entre les êtres humains. C'est ce qui brise la vie économique d'une région.
Quand une convention collective est signée alors qu'il y a un rapport de force où les parties sont égales, cela fait en sorte que les parties soient disciplinées. Ce n'est pas un miracle. Venez au Québec et vous verrez que ça a réussi.
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Merci, monsieur Allison.
J'ai trois questions à poser, à M. Bedard et à M. Pennings à la fois.
La première question a trait aux expériences que j'ai vécues en Ontario. À titre de député de l'Ontario, j'ai vu des cas où nous avons vécu des expériences malheureuses où il y avait interdiction de travailleurs de remplacement. Je me souviens vivement des années 1993 à 1995, et de la récession économique qui est survenue à ce moment-là. Il est très intéressant de savoir que le premier ministre Harris a éliminé cette faute économique. Il y a moins longtemps, le premier ministre libéral de l'Ontario, Dalton McGuinty, a choisi la même approche que Harris et déterminé que l'interdiction des travailleurs de remplacement n'était pas la voie à suivre. Je voudrais donc vous demander, d'abord, pourquoi, à votre avis, l'Ontario a choisi une telle approche.
Deuxièmement, très près de ma circonscription, le secteur de l'automobile tient une place importante. Je sais que les gens s'y soucient non seulement de la récession économique qu'il pourrait y avoir, mais aussi de la possibilité que des investissements ne soient pas faits. Je voudrais savoir ce que vous pensez de l'effet de cette mesure sur les investissements éventuels. Croyez-vous que les employeurs qui se penchent sur différents secteurs avant de décider d'investir envisagent vraiment ce critère et cherchent les régions qui interdisent les travailleurs de remplacement? Est-ce un élément qui entrerait dans leur processus décisionnel?
Troisièmement, pour ce qui est de l'équilibre dans son ensemble en ce qui concerne la négociation collective, quels en seraient selon vous les effets sur l'équilibre délicat que nous avons réussi à avoir? En ce moment, la recherche d'une paix entre les syndicats et les employeurs est un succès modéré au Canada, si on compare la situation à ce qui se passait il y a 25 ans. Entre autres choses, si ce projet doit être adopté au Canada, je crains qu'il y ait un plus grand recours aux lois de retour au travail. Craignez-vous qu'on revienne à un contexte où les recours seront plus fréquents, ce qui nuira à l'équilibre atteint?
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Si j'ai bien compris les questions, pour ce qui est de l'usine du secteur de l'automobile, tout à fait.
Il est question ici du secteur fédéral, et j'ai entendu les observations qui ont été faites. Je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt, soit que le secteur fédéral ne ressemble guère aux autres secteurs au Canada pour ce qui est du droit du travail. C'est l'épine dorsale du Canada, d'une province à l'autre. Alors, l'usine du secteur de l'automobile... et c'est un élément de la question : il est question du secteur fédéral. Si quelque chose fait obstacle au secteur fédéral en ce qui concerne les services clés que fournissent les employés du secteur fédéral, il n'y a plus de camions qui arrivent à l'usine, les trains ne peuvent livrer la marchandise, si bien que les activités de l'usine en question ralentissent. Et cette usine ne fait pas partie du conflit. De fait, elle se trouve sur un autre territoire du point de vue des relations de travail. Les conflits de travail ont donc un impact, cela ne fait aucun doute, sur pratiquement toutes les entreprises au Canada.
J'aimerais parler aussi des exemples que nous invoquons. Certains d'entre eux ne s'appliquent pas au secteur fédéral. Quelqu'un a fait remarquer que les relations de travail sont marquées par une certaine paix par les temps qui courent. Chaque employeur, chaque syndicat traverse des cycles, cela ne fait aucun doute. Par conséquent, dans la plupart des administrations au Canada et à l'étranger, les relations de travail du secteur fédéral sont considérées comme étant extrêmement heureuses. Voilà pour le secteur fédéral.
Quant à la décision d'investir, les relations de travail représentent un facteur qui entre certes en ligne de compte. C'est un facteur envisagé, sans aucun doute. C'est bien une considération, j'en suis convaincu. Il en a été question, je crois, dans le mémoire de la Colombie-Britannique; je présume que c'est donc le cas. Je ne suis pas dans le secret des dieux.
Quant à l'équilibre qui a été atteint —