:
Je déclare la séance ouverte.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 25 octobre 2006, le comité reprend maintenant son étude du projet de loi .
Je tiens à remercier tous nos témoins d'avoir répondu à notre invitation. La séance d'aujourd'hui marque la fin de nos audiences sur le projet de loi à l'étude. Nous entendrons en effet les hauts fonctionnaires du ministère le 13 février et passerons à l'étude, article par article, les 14 et 15 février.
À nouveau, je vous remercie tous d'avoir répondu à notre invitation. Je vais commencer par céder la parole à M. Nicholls, après quoi nous passerons, par vidéoconférence, à nos amis de Canpotex Ltée. Ensuite, nous entendrons tous les autres témoins. Je demanderais à chaque groupe de se limiter à sept minutes. Suivront un tour de table de sept minutes, puis un autre de cinq minutes. Les intervenants seront, dans l'ordre, les libéraux, les bloquistes, les néo-démocrates et les conservateurs. Nous allons tenter de faire deux ou trois tours de table.
Monsieur Nicholls, vous serez le premier.
Vous êtes de Billiton Diamonds, je crois?
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Monsieur le président, je vous remercie beaucoup.
Ma présence aujourd'hui fait suite à une lettre du 11 décembre envoyée au comité permanent au nom de BHP Billiton Diamonds.
Je m'appelle Graham Nicholls et je suis le vice-président et directeur de BHP Billiton Diamonds Inc. Je suis accompagné aujourd'hui, pour faire mon exposé, de Maurice Zoe, coordonnateur au site autochtone de Etaki Diamond Mine, et Nancy Deshaw, notre avocate-conseil, est aussi présente pour répondre à des questions précises.
BHP Billiton est la plus grande société de ressources diversifiées au monde. Son principal atout au Canada est la mine de diamants d'Ekati, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui représente un investissement de plusieurs milliards de dollars et tombe sous le coup de la loi fédérale en matière de travail. Ekati emploie entre 1 500 et 2 000 personnes, employés et entrepreneurs contractuels compris. Plus de 30 p. 100 de la main-d'oeuvre totale sont autochtones.
Nous avons d'importantes obligations socioéconomiques à l'égard des collectivités de la région, et notre fonctionnement est soumis à des licences rigoureuses afin d'assurer la protection de l'environnement.
L'exploitation des mines de diamants est la source de plus de 40 p. 100 du PIB des Territoires du Nord-Ouest et de recettes considérables pour le gouvernement fédéral, à la fois en impôts et en redevances.
Notre mine est située dans la toundra, à environ 300 kilomètres au nord-est de Yellowknife. Pour y avoir accès et assurer l'approvisionnement en carburant et en fournitures diverses, nous dépendons du transport aérien et, l'hiver, d'une route de glace. L'exploitation de la mine, au sein d'un environnement sensible, est très complexe. Elle ne peut, à la suite d'un différend, être fermée sans risque et sans avoir d'effets négatifs sur l'économie locale, sur le tissu social des collectivités autochtones et sur l'environnement.
L'année dernière, il y a eu une grève à Ekati. Nous avons continué à fonctionner en ayant recours à des employés non syndiqués et à des entrepreneurs contractuels, ainsi qu'à 42 p. 100 des employés de l'unité de négociation qui avaient choisi librement de reprendre le travail. Nous n'avons pas eu recours à des travailleurs de remplacement. Tous les gens qui sont revenus travailler à la mine y travaillaient déjà, avant le début de la grève. Une première convention collective a été conclue et 97 p. 100 des travailleurs ont repris le travail après la grève. La perturbation des autres intéressés a été minime, et nos programmes et engagements en matière de sécurité et d'environnement n'ont pas été compromis.
La grève aurait duré beaucoup plus longtemps si une disposition législative telle que le avait été en vigueur, car les travailleurs, à Ekati, ont le droit de reprendre le travail et de manifester le fait de ne pas soutenir le syndicat dans la prolongation de la grève. Avec les dispositions législatives proposées, l'exercice de ce droit deviendrait illégal, de même que l'expression de l'opinion des travailleurs dont beaucoup sont autochtones.
La grève avait été imposée par le syndicat sans avoir été soumise à un suffrage indépendant; le code existant permet au syndicat d'agir ainsi lorsqu'un accord provisoire a été mis au vote et rejeté. Cependant, le code prévoit aussi un garde-fou contre les syndicats qui prolongent les grèves sans le soutien des syndiqués, en donnant à ces derniers la possibilité de reprendre le travail. Voilà un exemple des nombreux garde-fous permettant de préserver l'équilibre actuel du système.
Le projet de loi à l'étude est de conception étroite et unilatérale et remettrait en cause le fragile équilibre assuré par les dispositions législatives existantes. Nous estimons que le code fonctionne bien. Il n'y a nul besoin de modifier ce qui fonctionne bien. Des mécanismes sont déjà en place pour assurer que le recours à des travailleurs de remplacement ne viendrait pas saper le rôle des syndicats. S'il était adopté, ce projet de loi entraînerait à coup sûr d'autres différends et d'autres dispositions législatives visant à l'affiner, ce qui créerait encore plus d'incertitude et d'instabilité pour tous les intéressés.
Les dispositions législatives envisagées sont d'autant plus problématiques que rien ne prouve qu'elles limiteraient la fréquence ou la durée des arrêts de travail. De fait, selon les principales observations mentionnées dans le rapport de Ressources humaines et Développement des compétences Canada en octobre 2006, c'est probablement le contraire qui se passerait.
Nous devons insister, en tant qu'investisseur au niveau mondial, sur le fait que ce projet de loi aura un effet négatif sur la compétitivité du Canada. Ainsi, si nous sentions que la situation devenait difficile à gérer, la décision de développer substantiellement notre activité minière serait remise en cause. Si notre pouvoir de négociation venait à être limité et si les syndicats se trouvaient dans la possibilité de tirer parti de notre dépendance à l'égard de la route d'hiver ou du transport aérien, ou encore de profiter de notre incapacité de cesser l'exploitation de la mine sans nous exposer nous-mêmes, ainsi que les intéressés et l'environnement, à des risques et à des dommages excessifs, notre envie d'investir s'en trouverait aussi diminuée.
Les dispositions législatives favorisant seulement les syndicats et faisant courir des risques à la pérennité des entreprises et à la capacité des employés de remplir leurs engagements contractuels, tant vis-à-vis des organismes de réglementation que des clients, auront inévitablement des conséquences négatives sur la croissance et les investissements au Canada.
J'aimerais maintenant céder la parole à Maurice Zoe, qui va vous parler du point de vue des Autochtones, compte tenu de notre expérience à Ekati.
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Bonjour. Je m'appelle Maurice Zoe. J'ai vécu toute ma vie dans les Territoire du Nord-Ouest. Je suis citoyen tlicho de Behchoko (Fort Rae), la collectivité autochtone la plus importante du Nord. Je suis employé à Ekati comme coordonnateur du site autochtone et chargé des loisirs depuis 1997.
Je suis content et honoré d'être ici pour vous faire part de mes opinions relatives aux travailleurs autochtones et à la manière dont les collectivités autochtones ont été affectées par la grève et par les activités syndicales qui ont eu lieu l'année dernière à la mine de diamants d'Ekati.
Nombreux sont ceux d'entre nous qui ne cherchaient ni ne s'attendaient à une grève, en faveur de laquelle ils n'avaient voté. Quand c'est arrivé, les effets négatifs se sont propagés à toute la collectivité et l'existence de nombreuses personnes s'en est trouvé affectée. Un taux de chômage élevé dans les collectivités signifie aucune autre possibilité d'emploi et aucun revenu. Les frustrations et défis générés par le non-emploi perturbent les familles et l'unité de la bande. Les parents, grands-parents et membres de la famille élargie ont été affectés, mentalement et émotionnellement. Il y avait des preuves que la contrebande d'alcool, ainsi que le trafic de drogue, avaient augmenté, car les gens étaient soumis à un stress.
Les chefs et les dirigeants autochtones sentaient qu'ils devaient rester neutres pendant la grève, mais bon nombre de nos membres ont décidé de reprendre le travail plutôt que de rester chez eux et ce, même quand le syndicat menaçait de leur infliger des amendes ou de les inscrire sur une liste noire. Ils voulaient conserver leurs revenus et éviter les conséquences négatives sur eux-mêmes, sur leurs familles et sur leur collectivité.
Le syndicat n'a pas semblé comprendre le fonctionnement des collectivités autochtones. Les syndicats de travailleurs ne font pas partie de nos collectivités ou de notre classe dirigeante. Dans ce cas-là, avec la grève, ils nous imposaient un fardeau important, mais au moins nous avions la possibilité de faire notre propre choix et de reprendre le travail.
Ce sont les besoins et les croyances de nos collectivités qui ont priorité, et non ce que veut le syndicat — particulièrement quand le syndicat prétend mettre en danger les droits que nous avons négociés avec la mine en matière d'emploi préférentiel et de contrats en cherchant à obtenir des clauses d'ancienneté et d'interdiction d'embaucher à l'extérieur.
En donnant plus de pouvoir aux syndicats, les dispositions législatives nous priveront, nous et nos dirigeants, de ce pouvoir. Nous perdrons les emplois et les contrats qui nous ont été promis, ainsi que le droit de décider par nous-mêmes de ce que nous voulons faire. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où reprendre le travail signifie enfreindre la loi.
Je vous remercie de m'avoir permis de partager avec vous mes vues.
Je vous remercie. En fait, je ne vais pas utiliser les sept minutes au complet, j'en suis sûr. Je vais faire une brève déclaration et résumer ma lettre du 18 décembre.
Canpotex est une société de commercialisation des exportations représentant les trois producteurs de potasse de la Saskatchewan, Agrium, Potash Corporation of Saskatchewan et Mosaic. Ce sont d'importants producteurs intégrés d'engrais.
Nous sommes le plus important exportateur mondial de potasse. Au cours des dernières années, nous avons vendu en moyenne chaque année quelque 7,5 millions de tonnes métriques, ce qui, bien sûr, représente une contribution plutôt importante à l'économie de la Saskatchewan ainsi qu'à l'économie canadienne.
Étant donné la nature du produit de Canpotex qui est en vrac et le fait que notre entreprise ne fait que de l'exportation, nous comptons énormément sur l'industrie canadienne du transport, tant les chemins de fer que les terminaux. En fait, nous en sommes complètement dépendants pour ce qui est du transport par rail jusqu'à la côte et pour la manutention de notre produit au terminal, sur la côte. Les interruptions de travail dans cette industrie la préoccupe au plus haut point en raison de la perte immédiate de ventes et le tort considérable à long terme qu'elle cause à sa réputation internationale de distributeur fiable de potasse sur les marchés internationaux. En effet, bien que nous ne soyons pas directement visés par le Code canadien du travail en ce sens que nos travailleurs ne sont pas touchés, manifestement tous les travailleurs des chemins de fer le sont, comme l'industrie ferroviaire et les installations de manutention aux terminaux.
En 1997, nous avons sensiblement modifié notre exploitation en mettant en place une installation portuaire à Portland, dans l'Oregon, à l'extérieur du Canada, simplement en raison des perturbations causées antérieurement à notre exploitation de Vancouver. Ces interruptions de travail ont nui à notre réputation et nous ont fait perdre des ventes dont il difficile de se remettre.
En ce qui concerne le projet de loi comme tel, nos commentaires se limitent à ceci. Bien que nous ne soyons pas directement touchés, il pourrait nous nuire. Nos expéditions cesseraient immédiatement et, dès lors, nous serions bien incapables de livrer notre produit. Il nous est impossible de prendre d'autres arrangements sur ce plan, et nous perdrions, c'est sûr, des ventes.
Le marché international de la potasse est très compétitif. Bien que nous soyons un important exportateur, nous devons faire face à une vive concurrence de la part de pays comme la Russie, le Bélarus, l'Allemagne et Israël, où il n'existe pas de pareille loi, ce qui nous désavantagerait au départ.
J'exhorte donc le comité à bien vouloir regarder de près le projet de loi à l'étude avant d'en recommander l'adoption, parce qu'il aura peut-être des effets délétères sur tous les expéditeurs, pas seulement sur Canpotex.
Je vous remercie.
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Monsieur le président, je vous remercie beaucoup.
Je m'appelle Michael Atkinson et en tant que président de l'Association canadienne de la construction, c'est moi qui suis le chef du personnel au sein de l'organisme. Je suis accompagné de Jeff Morrison, directeur des relations gouvernementales et des affaires publiques au sein de l'organisme.
Nous représentons l'industrie de la construction dans le secteur non résidentiel. Typiquement, nos membres construisent tout sauf des résidences unifamiliales. Nous comptons quelque 20 000 membres individuels répartis un peu partout au Canada.
Bien que les relations de travail dans l'industrie de la construction soient habituellement régies par une loi provinciale, le Code canadien du travail vise les travailleurs de la construction des territoires et les lois provinciales s'en inspirent souvent. Par conséquent, notre industrie est vivement préoccupée par le projet visant à modifier le code de manière à interdire carrément le recours à des travailleurs de remplacement.
Notre industrie profite actuellement d'une demande sans précédent dans de nombreuses régions et dans bien des secteurs, surtout en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les territoires. Bon nombre de ces projets sont liés à l'exploitation du pétrole et du gaz et à la nécessité de renouveler l'infrastructure publique, de même qu'aux projets pipeliniers. C'est particulièrement vrai dans le Nord canadien.
La dernière fois que des modifications de ce genre ont été sérieusement envisagées, on a véritablement tenté de consulter tous les intéressés, y compris le grand public. Le groupe de travail dirigé par Andrew Sims ne s'est pas prononcé en faveur d'un interdiction complète et directe des travailleurs de remplacement. Il a plutôt proposé que le recours à ces travailleurs soit interdit quand il vise à nuire au rôle légitime du syndicat. La majorité des membres de ce groupe de travail estimait qu'une interdiction complète ferait trop pencher la balance d'un seul côté.
L'objet du projet de loi à l'étude est simplement de refuser aux employeurs le droit de continuer à exploiter leur entreprise durant une grève ou un lockout. De plus, on refuse à l'employé qui fait partie d'une unité de négociation en grève la possibilité de franchir la ligne de piquetage et de retourner au travail pour gagner sa vie. Enfin, alors que l'employeur ne peut engager des travailleurs de remplacement, les travailleurs en grève, eux, sont libres de travailler ailleurs. Un pareil déséquilibre ne favorise pas un climat de négociation collective prudent et responsable. Dans un contexte où il y a équilibre, le droit du syndicat de faire la grève doit être contrebalancé jusque dans une certaine mesure par la capacité de l'employeur de maintenir son exploitation durant un conflit de travail.
Je vais demander à M. Morrison de vous faire quelques observations, après quoi je reprendrai le bâton pour vous faire mes dernières observations.
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Monsieur le président, comme M. Nicholls l'a dit dans son témoignage, quel problème souhaite-t-on régler en adoptant de telles modifications? Depuis plusieurs années déjà, le Code canadien du travail prévoit une restriction limitée du recours à des travailleurs de remplacement, et le Conseil canadien des relations industrielles n'a eu aucune décision à rendre à ce sujet. Rien ne démontre que l'interdiction du recours à des travailleurs de remplacement réduirait la durée des grèves ou la violence aux piquets de grève.
J'aimerais apporter un commentaire, monsieur le président. J'espère que chaque député ici présent dénoncera la violence aux piquets de grève. Il n'y a pas de circonstances où la violence soit acceptable.
La Colombie-Britannique et le Québec sont les deux seules compétences territoriales qui interdisent l'utilisation de travailleurs de remplacement. On constate qu'un nombre beaucoup plus élevé de grèves sont déclenchées au Québec que dans les autres provinces n'ayant pas de loi antibriseurs de grève, et que la durée des arrêts de travail au Québec n'a pas diminué. De fait, les études démontrent le contraire.
Si certains secteurs relèvent de la compétence fédérale, c'est parce qu'ils revêtent une importance pour le Canada dans son ensemble. La majorité de ces secteurs ne sont pas des producteurs ou des fabricants de produits, par exemple, mais bien des entreprises qui offrent des services essentiels à tous les Canadiens et dont la responsabilité est d'assurer la libre circulation des produits, des services, des capitaux et des personnes dans tous le pays et au-delà des frontières.
Les arrêts de travail dans les secteurs régis par le gouvernement fédéral ont inévitablement des répercussions négatives sur l'économie, sur notre secteur de la construction et en général.
Monsieur Atkinson.
:
Monsieur le président, en guise de conclusion, j'aimerais attirer l'attention du comité sur deux points. Tout d'abord, il appartient à ceux qui proposent de pareilles réformes de faire la preuve que les mesures actuelles sont insuffisantes pour protéger les travailleurs syndiqués et qu'une réforme s'impose, pas à ceux qui sont en faveur du statu quo. C'est là un principe de base de toute réforme réglementaire. Or, ce fardeau de la preuve n'a pas été assumé.
Les mesures actuelles sont suffisantes, et rien, dans les faits, ne laisse croire le contraire. Les mesures actuellement prévues dans le code sont plus qu'adéquates pour protéger les travailleurs syndiqués et leurs syndicats en autorisant la commission à interdire le recours aux travailleurs de remplacement dans certaines situations où l'employeur s'est avéré utiliser des pratiques de travail déloyales. Il vaut assurément mieux d'appliquer cette mesure au cas par cas, plutôt que de faire une interdiction arbitraire et générale.
L'ex-ministre libérale du Travail Claudette Bradshaw a peut-être le mieux résumé la situation quand elle a déclaré qu'à son avis, le rôle du législateur n'est pas de prendre parti, mais plutôt d'établir une règle du droit où les besoins de l'un ne sont pas satisfaits aux frais de l'autre.
Il faut que le comité fasse en sorte que la loi continue de prévoir une approche équitable et équilibrée.
Je vous remercie beaucoup.
:
Monsieur le président, je vous remercie. Je m'appelle Sean Finn. Je suis le premier vice-président et le chef des Affaires juridiques du CN.
[Français]
Monsieur le président, c'est un plaisir pour nous d'être ici présents aujourd'hui et d'avoir l'occasion de vous présenter nos commentaires au sujet du projet de loi C-257.
[Traduction]
Le CN prend très au sérieux le , qui le préoccupe vivement. Le CN compte quelque 15 000 employés syndiqués au Canada. Ces employés sont membres de sept syndicats regroupés en 21 unités de négociation agréées. Ils sont visés par 30 conventions collectives.
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles certains secteurs relèvent d'une réglementation fédérale. Entre autres, nous sommes des entreprises aux opérations et aux impacts économiques suffisamment vastes pour avoir une influence sensible sur l'économie canadienne.
Le CN est, comme vous le savez, un chemin de fer marchandises desservant huit provinces canadiennes et le centre des États-Unis. Au Canada, le CN dessert les ports de Vancouver, Prince Rupert, Montréal et Halifax. Dans le cas des ports de Halifax et de Prince Rupert, il est le seul chemin de fer qui les dessert. La majorité des trains de VIA Rail Canada empruntent les voies du CN, tout comme la plus grande partie des trains de banlieue de GO Transit à Toronto et de l'Agence métropolitaine de transport à Montréal.
Depuis 1971, on a dénombré quatre grèves mettant en cause le CN et ses syndicats. Les grèves survenues en 1974, 1986 et 1995 ont toutes nécessité l'adoption par le gouvernement fédéral d'une législation ordonnant la reprise du travail. Le Parlement l'avait fait parce qu'il jugeait essentiel de faire en sorte que l'économie canadienne ne subisse pas de dommages graves et que les clients du CN ne soient pas obligés de fermer des usines et de mettre à pied des travailleurs, ce qui aurait eu un impact substantiel sur leur exploitation.
En 2004, le CN a fait face à une grève d'un mois des TCA. Il poursuivi son exploitation durant l'arrêt de travail en exerçant les droits que lui confère la législation actuelle du travail, en ayant recours à ses cadres — ils devaient être compétents et qualifiés — de même qu'à des retraités pour poursuivre l'opération du chemin de fer et la prestation de services à ses clients. La grève s'est en règle générale déroulée dans un climat de paix et, en fin de compte, un règlement a été conclu dans le cadre de la négociation collective et ratifié par une importante majorité sans intervention de la part du gouvernement. Je me réjouis de souligner que, la semaine dernière justement, les mêmes employés TAC, sans arrêt de travail, ont ratifié une nouvelle convention de quatre ans.
Si le projet de loi à l'étude était adopté, y compris sa stricte limite sur les tâches que peuvent assurer les cadres et l'interdiction d'avoir recours à des cadres retraités pour aider à faire fonctionner le chemin de fer, il nous serait impossible de maintenir notre exploitation durant une grève.
Aux termes de la législation du travail actuelle, il est important de noter que les négociations syndicales se font à l'échelle du réseau. Avec les changements suggérés dans le projet de loi, les travailleurs auront le pouvoir de perturber les activités des entreprises à l'échelle du pays. Les entreprises ne disposeront pas de ressources suffisantes pour assurer les activités qui sont essentielles au maintien des services nationaux indispensables au bien-être des citoyens canadiens. Ce sera le retour à un système où les conflits de travail nationaux touchant les chemins de fer exigeront immanquablement l'intervention du Parlement. Ce n'est pas ainsi qu'on inspire la confiance entre la direction et le syndicat ou qu'on améliore les relations de travail.
J'aimerais m'arrêter pendant quelques minutes aux dommages secondaires qui seraient causés, même si la grève du chemin de fer était courte.
Tout d'abord, le service de transport dans des trains de banlieue à Toronto et à Montréal serait vite interrompu, causant la saturation du réseau routier ainsi que de graves problèmes à la fois pour les travailleurs et les employeurs de la région touchée. Parfois, selon le syndicat en grève, le service de VIA Rail pourrait même être en grande partie interrompu.
Je dois vous rappeler que, bien qu'il soit possible de demander que des travailleurs soient désignés comme étant essentiels, les motifs qui permettent de le faire sont très limités et les chances de succès, à moins que les syndicats ne soient d'accord, sont minimes. Les conséquences économiques ne sont pas prises en compte.
Les chemins de fer canadiens constituent un moteur économique important. L'économie canadienne est lourdement tributaire du commerce. La plus grande partie de nos produits en vrac et bon nombre de nos produits manufacturés sont acheminés par rail vers les points d'exportation, comme l'a mentionné Canpotex. L'acheminement des céréales, des produits forestiers, du charbon, du soufre, des engrais, des métaux et minéraux et de nombreuses autres marchandises en vrac se fait presque exclusivement par rail à destination des États-Unis ou des points d'exportation que sont les ports canadiens. Les entreprises canadiennes qui se fient de plus en plus à la livraison juste-à-temps de leurs composants et de leurs fournitures pour assurer le fonctionnement continu de leurs chaînes de montage verraient celles-ci ralentir et, tôt ou tard, stopper. Par ailleurs, elles verraient leurs coûts de stockage augmenter et, parfois, éprouveraient de sérieuses difficultés à trouver des emplacements pour stocker leur production. Les ports canadiens seraient aux prises avec d'importants arriérés à l'égard des conteneurs entrants, et les navires en attente de produits exportés auraient à attendre dans le port, de sorte que leurs factures de surestaries augmenterait. Enfin, les agriculteurs canadiens et autres producteurs primaires en souffriraient, tout comme la réputation internationale du Canada.
Il ne s'agirait pas de problèmes à court terme ou ponctuels, étant donné que cela ferait douter de la fiabilité des fournisseurs canadiens à tenir leurs engagements. Dans le passé, les grèves survenues dans les ports de la côte Ouest ont causé un déplacement du volume vers les ports américains, et une partie de ce trafic n'est jamais revenue.
:
D'accord. Je peux parler en français, si vous préférez.
[Français]
Je m'excuse, monsieur l'interprète.
[Traduction]
Quiconque est allé en Chine et a rencontré les exporteurs ou les expéditeurs chinois peut vous dire qu'une des premières questions à laquelle il faut répondre quand une délégation canadienne y va pour promouvoir les échanges commerciaux entre l'Asie et l'Amérique du Nord en passant par le Canada est: qu'en est-il de la situation là-bas vis-à-vis de la main-d'oeuvre? Il est peut-être question des ports, des camionneurs ou des chemins de fer, mais vous pouvez être sûr que chaque arrêt de travail qui retarde le transport des marchandises de nos clients jusqu'au marché nuit à notre position concurrentielle et à la compétitivité du Canada.
Le gouvernement voit l'initiative de la porte d'entrée du Pacifique comme extrêmement prometteuse. Il est question, dans la région atlantique canadienne, d'une initiative de porte d'entrée de l'Atlantique. Nous, du CN, y voyons aussi beaucoup de promesses, mais nous ne sous-évaluons pas la rapidité avec laquelle nous pouvons perdre nos atouts concurrentiels si le climat de travail est incertain. Le CN est emballé par le potentiel du port à conteneurs en construction qui débutera son exploitation cet automne, à Prince Rupert.
Par le passé, la législation du travail a toujours été ébauchée avec soin, à l'issue d'un long processus de consultation mené auprès des travailleurs et des employeurs. Les lois canadiennes actuelles régissant le travail sont le résultat d'années de discussions et d'analyses. En fin de compte, elles représentent une approche de compromis selon laquelle nul n'est tout à fait gagnant, ni tout à fait perdant. La modification arbitraire d'un aspect du Code canadien du travail détruirait ce fragile équilibre et pourrait nuire sensiblement aux relations de travail dans les entreprises visées par la loi.
Nous aimerions voir de nombreux changements apportés à la loi actuelle, et je suis sûr que les syndicats en ont aussi une longue liste. Il est effectivement temps d'envisager des changements ou de refaire l'examen de la loi actuelle et de bien le faire. Il faut qu'on nomme un groupe d'experts qui serait chargé d'examiner la loi au complet et de soumettre une série de recommandations reflétant les préoccupations de toutes les parties et fondées sur les faits et l'expérience.
Enfin, monsieur le président, le CN croit que le projet de loi comporte de sérieuses lacunes et qu'il ne peut être amélioré de façon satisfaisante par voie d'amendement. Il demande donc instamment aux membres du comité de voter contre le projet de loi dans sa totalité.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté.
:
Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, je vous suis reconnaissant de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui.
Je m'appelle David Turnbull et je suis le président-directeur général de la Canadian Courier and Logistics Association. Je suis accompagné de Bill Henderson, vice-président principal, Exploitation, de Courrier Purolator. J'aimerais faire part au comité, au nom de l'association, de nos importantes préoccupations à l'égard du projet de loi .
L'industrie canadienne des messageries assure la livraison essentielle de colis, d'envois et de documents urgents à des petites, moyennes et grandes entreprises ainsi qu'à des institutions gouvernementales, à des établissements de santé publics et à des particuliers. L'industrie canadienne des messageries est un maillon vital de l'économie, avec des revenus évalués à 5,5 milliards de dollars, qui emploie environ 46 800 personnes.
Actuellement, les industries canadiennes de la fabrication et du commerce de détail dépendent de la livraison juste à temps des pièces de remplacement et des stocks essentiels. L'interruption de ces livraisons au moment opportun peut entraîner des ralentissements et même la fermeture de chaînes de production, ce qui a des répercussions sur l'économie canadienne. L'industrie de l'automobile, entre autres, transfère des pièces entre différentes usines pour l'assemblage. La plupart des petites pièces sont transportées à plusieurs reprises entre les États-Unis et le Canada par des entreprises de messagerie.
Chaque jour, nos membres assurent la distribution de fournitures médicales vitales et de matériel de diagnostic. La Société canadienne du sang recueille du sang total dans plus de 14 200 lieux de collecte de sang et expédie le sang, le plasma et d'autres produits sanguins dans près de 750 hôpitaux partout au Canada en faisant appel aux services des entreprises de messagerie pour leur transport. Quand surviennent des catastrophes, des fournitures essentielles sont livrées par l'entremise d'établissements nationaux et internationaux de notre industrie.
Passons maintenant aux répercussions du projet de loi sur l'industrie des messageries. L'adoption du projet de loi C-257 compromettra sérieusement la capacité de l'industrie des messageries à livrer des colis et des envois essentiels dans l'éventualité d'une grève ou d'un lockout. Le projet de loi C-257 propose un changement fondamental de l'équilibre entre les intérêts des syndicats et ceux des entreprises. Il favoriserait lourdement les intérêts syndicaux. Le projet de loi forcerait une entreprise à interrompre ses opérations tout en autorisant les travailleurs en grève à chercher un emploi ailleurs. Comment cette proposition peut-elle être considérée comme étant équilibrée?
Aucune preuve tangible ne nous permet de croire que le Code canadien du travail actuel est problématique en ce qui concerne les travailleurs de remplacement. De nombreux documents et témoignages présentés à votre comité ont cité des données produites par Statistique Canada réfutant la prémisse du projet de loi . Le nombre d'arrêts de travail par 10 000 employés dans la province de Québec est bien supérieur à celui qui est observé dans des entreprises comparables réglementées par le gouvernement fédéral et ce, malgré le fait que le Québec limite le recours aux travailleurs de remplacement et que la loi fédérale n'a pas de pareille restriction.
La réglementation fédérale actuelle offre un équilibre parfait entre les intérêts des travailleurs et ceux des entreprises. Elle a été adoptée après des consultations exhaustives et en réponse aux nombreuses rétroactions reçues. Aucune consultation exhaustive de ce genre n'a eu lieu avant la formulation du projet de loi .
La Canadian Courier and Logistics Association est convaincue que l'adoption du projet de loi aura pour effet de réduire la compétitivité des entreprises canadiennes. Elle rendra le Canada moins attrayant pour des investissements étrangers directs. Les petites et moyennes entreprises envisageront de déménager aux États-Unis ou dans d'autres pays, suite à des interruptions de travail nationales.
Il importe de noter que les opérations des entreprises tant syndiquées que non syndiquées pourraient être touchées par des grèves dans d'autres secteurs. L'effet domino de la fermeture d'établissements tels que les aéroports à cause de la révocation des certificats de sécurité pourrait avoir des répercussions sur toute l'économie canadienne. En plus de ces considérations économiques, l'interruption des services de messagerie pour la livraison de médicaments vitaux risquerait de compromettre sérieusement la santé des Canadiens et des Canadiennes.
Compte tenu de ce qui précède, la Canadian Courier and Logistics Association demande avec instance au comité de rejeter le projet de loi.
En résumé, voici l'impact que le projet de loi aura sur l'industrie et le public canadiens: il modifiera l'équilibre actuel prévu dans la partie I du Code canadien du travail, sans consultation complète. Il entraînera des arrêts de travail plus longs et plus fréquents. Il nuira financièrement aux travailleurs qui seront pris à partie dans des différends n'ayant aucun rapport avec leur employeur. Il empêchera la livraison de pièces et d'articles d'inventaire essentiels dans le cas d'une grève ou d'un lockout. Par conséquent, il nuira à la viabilité de nombreuses petites et moyennes entreprises, mettant ainsi des emplois en danger. Il mettra les investissements et l'économie canadienne en danger. Il empêchera les entreprises de messagerie de continuer de fournir des services essentiels aux Canadiens et Canadiennes. Il nuira à la santé et à la sécurité publiques et forcera inévitablement le Parlement à promulguer des lois de retour au travail en cas de grève.
Donc, en résumé, la Canadian Courier and Logistics Association demande avec instance au comité de ne pas adopter le projet de loi.
J'ignore si le greffier a distribué ma documentation. J'ai décrit avec beaucoup de détail certains des produits médicaux qui sont transportés par nos services de même que certaines des pièces automobiles, pour vous donner une idée, et M. Henderson serait ravi de vous parler de certains produits médicaux que nous livrons. Je vous demande instamment d'examiner la documentation et de tenir compte des vastes répercussions qu'aura le projet de loi sur tout le Canada. Ce n'est pas une seule industrie, mais bien chaque Canadien et Canadienne qui sera affecté si le projet de loi à l'étude est adopté.
Monsieur le président, je vous remercie.
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Monsieur Turnbull et M. Henderson, c'est moi qui vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Il y a quelques points de nature strictement administrative dont j'aimerais discuter avec les membres du comité.
M. Henderson doit nous quitter au plus tard à 16 h 30, et il en va de même pour nos témoins par vidéoconférence. Je tiens donc à ce que vous sachiez que nous n'aurons qu'un seul tour complet de table durant la vidéoconférence, de même qu'avec M. Henderson, si vous avez des questions à leur poser.
Second point, tout au long de ces audiences, on a demandé à obtenir des données empiriques établissant sur les conséquences qu'aurait le projet de loi sur l'investissement au Canada. Nous avons aujourd'hui à la table M. Nicholls. Vous pourriez aborder cette question avec lui et voir s'ils investiraient ici au Canada ou pas. Vous avez ici un témoin qui peut répondre à cette question.
Le premier à prendre la parole sera M. Silva, pour sept minutes.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'avoir pris la peine de venir ici aujourd'hui. Je leur suis reconnaissant de leurs observations et des préoccupations qu'ils expriment. J'ai déjà rencontré certains de ces témoins aujourd'hui dans mon bureau, comme M. Atkinson et M. Morrison. À nouveau, je vous suis reconnaissant d'être venus partager vos opinions avec nous.
J'aimerais poser certaines questions au CN, parce qu'il se trouve justement sur le point de vivre peut-être une grève, de sorte qu'il a peut-être des renseignements plus courants à nous fournir.
Vous avez 15 000 employés syndiqués au Canada, selon votre déclaration. Comment caractérisez-vous vos employés? Sont-ce des travailleurs faiblement, moyennement ou hautement qualifiés?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais d'abord m'adresser à M. Finn, mais aussi à tous ceux qui se trouvent autour de la table ou qui nous écoutent au moyen de la vidéoconférence. Je vais redire une énième fois qu'en français, l'article (2.2) proposé est très clair. Je sais que M. Finn parle très bien français. Il suffit de regarder la version française, dans laquelle on dit ce qui suit:
(2.2) Malgré le paragraphe (2.1), l’employeur peut utiliser les services des personnes suivantes pendant la durée d’une grève ou d’un lock-out :
On précise ensuite ceci:
a) toute personne employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec les employés;
Il pourra lire aussi l'alinéa b). Pour leur part, les articles (2.3) et (2.4) doivent être lus ensemble. C'est beaucoup plus clair en français qu'en anglais. Quand à l'article (2.4), on dit « Ces mesures », au sujet des mesures de conservation, par exemple, on sait que ça renvoie à l'article (2.3). En effet, nulle part ailleurs on ne parle de ces mesures.
C'est clair en français, mais ça mérite d'être clarifié davantage, alors qu'en anglais, ça mérite d'être réécrit. En effet, je pense que dans ce dernier cas, la confusion est plus grande encore. Je sais que, comme M. Finn, vous êtes vraiment très intelligents. Vous saurez donc, sans aucun doute, comprendre ces choses.
Je suis un peu étonnée voire déçue de voir qu'aujourd'hui, le groupe de témoins est constitué uniquement de représentants d'employeurs. On avait l'habitude, jusqu'à maintenant, de faire en sorte que les parties syndicale et patronale soient représentées à part égale. Ce genre d'arrangement permet aux représentants des employeurs d'entendre l'opinion des syndicats ou de personnes représentant des gens favorables au projet de loi, de constater qu'un problème existe bel et bien, et qu'il est humain. Quand on rencontre les gens, on arrive mieux à voir à quel point les problèmes sont véritables. Je vous en parlerai si j'en ai le temps. J'espère que ce sera le cas.
Monsieur Zoe, je voudrais savoir si vous êtes syndiqué.
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Dans votre document, il est écrit, et vous l'avez répété verbalement:
Nombreux sont ceux d’entre nous qui ne cherchaient ni ne s’attendaient à une grève, en faveur de laquelle ils n’avaient jamais voté.
Pourtant, il y a 300 et quelques syndiqués à la mine Ekati, près de 400 même, et il y a eu deux votes de grève.
Vous savez comment cela fonctionne. Les mineurs sont amenés par avion et restent là pour une période de deux semaines. Ensuite, ils retournent chez eux pour une période de deux semaines. Il y a eu deux votes, un à la fin février 2006 — excusez-moi, mais je ne connais pas les dates exactes — et un au début mars, je crois, autour du 10 mars. Il y a quand même eu 74 p. 100 des votes exprimés en faveur de la grève. Les deux tiers des travailleurs se sont exprimés en faveur de cette grève.
S'il n'y avait pas eu de vote de grève, évidemment, M. Nicholls aurait été le premier à aller aux barricades ou, à tout le moins, à se plaindre. Il aurait déposé une plainte en bonne et due forme au Conseil canadien des relations industrielles. Alors, je suis assez étonnée d'entendre votre allégation à ce sujet.
Par ailleurs, je dois dire que la fin de votre présentation est davantage anti-syndicale que anti-projet de loi . Je comprends que vous ayez des besoins et que votre communauté a des besoins et des croyances, mais c'est délicat de dire qu'ils vont à l'encontre des activités syndicales.
Cela étant dit, je pense que cette opinion vous est personnelle et qu'elle vous appartient.
Dans un conflit de travail, il faut considérer l'équilibre. Tout le monde a raison de le dire, sauf qu'on n'a pas la même définition de l'équilibre. L'équilibre, c'est la partie patronale et la partie syndicale qui travaillent ensemble et qui négocient ensemble depuis longtemps, puis en arrivent à la conclusion qu'il doit y avoir une grève ou un lock-out. L'employeur se prive d'une partie de sa production parce que, selon le projet de loi C-257 et selon les 30 ans d'expérience qu'il y a au Québec, effectivement, les cadres peuvent travailler. Par ailleurs, le travailleur est privé de son travail et de ses revenus. Alors, c'est vraiment l'équilibre.
Quand les travailleurs de remplacement arrivent, c'est comme si un troisième joueur arrivait dans un match qui est déjà commencé et qu'il venait prendre la part de l'employeur.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Il est important de noter, je crois, que la façon dont les audiences du comité ont été menées, aucun arrangement n'a été pris pour inviter ici des travailleurs autochtones syndiqués de la mine de diamants d'Ekati qui étaient en faveur de la grève.
Alors, monsieur Zoe, bien que je respecte votre point de vue et le rôle que vous jouez — un rôle important, à mon avis — nous entendons votre point de vue, mais pas celui des membres du syndicat qui sont autochtones et qui étaient en faveur de la grève. Je crois que nous devons le souligner.
Deuxièmement, monsieur Nicholls, vous avez fait certains commentaires qui me paraissent intéressants. Dans votre mémoire, vous avez dit que Ekati, ou BHP, n'avait pas eu recours à des travailleurs de remplacement. Pourtant il me paraît très clair que Ekati a ordonné aux entrepreneurs de faire le travail des grévistes. Ce ne sont pas des employés de BHP, alors c'étaient des travailleurs de remplacement.
En effet, on le voit très clairement dans l'une des lettres que vous avez adressées à vos propres employés, la lettre numéro 4, dans laquelle vous écrivez qu'un grand nombre d'employés sont curieux de savoir comment vous avez l'intention de poursuivre les activités durant une grève éventuelle. Puis vous précisez que vous avez l'intention de fonctionner normalement, avec vos propres employés et les employés de vos partenaires stratégiques. Par ailleurs, votre porte-parole a dit clairement à la SRC que vous aviez recours à des travailleurs de la construction, des entrepreneurs et des partenaires stratégiques.
Je suis très surprise que vous disiez aujourd'hui que vous n'avez pas eu recours à des travailleurs de remplacement, parce qu'il me semble que l'information que nous avons est différente. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
Je suis curieuse de savoir si les services d'AFI ont été utilisés. En venant ici, je lisais certaines choses sur cette organisation. À titre d'information, AFI International Group Inc. est une entreprise qui recrute le meilleur personnel qui soit pour les clients qui ont besoin de travailleurs de remplacement pour continuer leurs activités, y compris pour le contrôle du rendement et l'administration de la paie et des avantages sociaux, ce qui évite aux clients d'être directement responsables de la main-d'oeuvre temporaire. C'est ce qu'on peut lire dans son site Web.
Je suis curieuse de savoir si BHP a eu recours à AFI, notamment pour assurer une certaine surveillance et utiliser certaines tactiques que plusieurs grévistes ont trouvées plutôt intimidantes, comme celle de filmer les gens, de les suivre en automobile et à pied. J'aimerais donc savoir si BHP a eu recours aux services d'AFI.
Si vous pouviez répondre à ces questions, ce serait bien.
Je vais tout d'abord répondre à la dernière question. Je ne connais pas très bien AFI et j'ignore si on a eu recours à ses services à Ekati. C'est tout à fait nouveau pour moi, alors je ne peux pas dire que je peux confirmer cette information.
Pour ce qui est des vidéos, je me souviens d'avoir été filmé par une ligne de piquetage à l'aéroport. Des vidéos ont donc été utilisées, mais par des piqueteurs.
Concernant les entrepreneurs, la plupart du temps, les entrepreneurs sont plus nombreux que les employés sur le terrain. Nous utilisons beaucoup d'entrepreneurs dans toutes nos activités. Les entrepreneurs et les employés travaillent côte à côte, font le même travail, utilisent le même équipement. Les entrepreneurs ont continué de travailler, de même que les employés qui ont choisi librement de retourner au travail.
Oui, nous avons eu recours à des entrepreneurs. Nous l'avons toujours fait. Nous avons continué de faire appel à eux durant la grève.
Quant à savoir s'il s'agit de travailleurs de remplacement, j'imagine qu'ils le deviendraient dans le cadre de la nouvelle loi, mais au sens habituel du terme tel qu'on le trouve dans la loi actuelle, nous ne croyons pas que ce sont des travailleurs de remplacement et nous n'avons pas eu recours à des travailleurs de remplacement.
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Votre réponse est très intéressante parce qu'elle nous montre bien pourquoi cette modification au Code canadien du travail s'impose pour clarifier les règles, puisque, à votre avis, vous n'avez pas eu recours à des travailleurs de remplacement. Or, il est clair selon moi que ce n'étaient pas des employés de votre organisation, et c'étaient donc des travailleurs de remplacement, et un déséquilibre a donc été créé.
Pareille nuance devient très importante et c'est pourquoi des précisions doivent être apportées dans le code du travail.
De même, dans votre mémoire, vous avez remis en question le vote de grève. Vous avez dit que ce n'était pas un vote de grève indépendant, et il me semble pourtant que la question est de savoir si un vote de grève est légal ou non. Vous pourriez peut-être répondre à cette question.
Si Ekati ne croyait pas que c'était un vote légal, l'entreprise aurait pu le contester en vertu du Code canadien du travail, en déposant une plainte conformément à l'article 87.3. Je ne crois pas que l'entreprise l'ait fait. Nous avons donc l'impression que ce vote de grève n'était pas légitime, mais pourtant tout à fait légal et l'entreprise ne l'a pas contesté. Est-ce exact?
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Je tiens à dire un mot, puisqu'on compte le plus grand nombre de mines de potasse dans ma circonscription. J'ai essayé de montrer à quel point c'est important dans la province de la Saskatchewan. Nous n'avons pas seulement de l'agriculture et de la potasse; quand on regarde l'ensemble du tableau, il y a l'exploitation minière. Je crois qu'il est juste de dire que toutes les provinces seraient affectées ou que ce pourrait être une situation très difficile pour chaque province où l'activité minière est importante. C'est ce vers quoi notre pays se dirige; l'exploitation minière est un secteur d'avant plan dans notre pays.
Je tenais à vous remercier pour votre exposé. J'ai interrogé de nombreux témoins, à maintes reprises, pour savoir si leur main-d'oeuvre était syndiquée. Dans le cas du secteur bancaire, par exemple, ce n'est pas très pertinent. Pourriez-vous me donner des exemples concrets?
J'aimerais également demander à M. Turnbull de me donner un exemple concret de la façon dont la fermeture d'une industrie comme le transport ferroviaire pourrait affecter ses membres et ses clients. Nous savons comment les entreprises et les employés sont affectés, mais ce qui manque dans tout ce débat, c'est le public — les clients, les consommateurs. Je crois que vous en avez parlé dans votre déclaration préliminaire, ou c'était peut-être un témoin ici, lorsque vous avez parlé du commerce international et l'ensemble du tableau. J'aimerais donc que vous me disiez tous les deux comment l'arrêt d'un service ferroviaire, par exemple, affecterait vos membres et vos clients.
Monsieur Neiman, aimeriez-vous parler un peu de...?
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Bien sûr. Dans la plupart des pays où nous faisons affaire, soit environ 26 pays, nous livrons une assez forte concurrence à d'autres fournisseurs de potasse, comme je l'ai dit tout à l'heure. Ils proviennent notamment de la Russie et du Bélarus, qui produisent beaucoup de potasse, et également de l'Allemagne et d'Israël.
Dans la plupart des pays, nous avons des contrats avec divers clients et dans bien des cas, un grand nombre de nos clients ont aussi des relations d'approvisionnement non seulement avec nous, mais aussi avec d'autres. Dans certains cas, nous bénéficions de relations exclusives, mais c'est plutôt l'exception que la règle générale.
Si nous n'étions pas en mesure de respecter nos engagements, ce serait très simple: nos clients, qui ont déjà une relation avec nos compétiteurs, achèteraient tout simplement davantage auprès de nos compétiteurs, et nos ventes en souffriraient. Dans certains cas, les torts causés pourraient être très graves, puisqu'il faudrait beaucoup de temps pour regagner la confiance de ces clients et leur fournir les mêmes quantités qu'avant la grève. Cela pourrait causer beaucoup de problèmes.
Nous avons vécu cette situation...
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Tout d'abord, j'aimerais souligner que notre secteur, l'industrie des messageries, a un excellent dossier au chapitre des relations de travail. À ma connaissance, au cours des deux dernières décennies, il y a eu une journée de grève dans une seule entreprise, ce qui est tout un record. Nous croyons qu'il faut bien traiter nos employés et travailler avec eux.
Je m'inquiète toute particulièrement de l'effet domino d'une grève dans d'autres secteurs. J'utilise l'exemple du secteur de l'automobile. Il y a de nombreuses petites composantes qui traversent la frontière canado-américaine jusqu'à sept fois, jusqu'à ce que le produit soit fini; de petites composantes sont ajoutées à la chaîne de montage et expédiées de part et d'autre de la frontière. Vous mettriez fin à une foule d'activités dans le secteur canadien de l'automobile si vous bloquiez les ports, par exemple.
Il y a toutes sortes d'exemples dans les soins de santé. J'ai montré dans le détail tous ces produits de santé et de diagnostic qui sont expédiés par nos messagers tous les jours. Disons qu'en raison d'une grève, un aéroport perdrait son certificat de sécurité de fonctionnement; si les mesures de sécurité adéquates ne sont pas en place, la conséquence naturelle serait que l'aéroport perdrait son certificat de sécurité de fonctionnement, ce qui entraînerait l'arrêt des services de messagerie. Il existe un nombre incroyable d'entreprises au Canada qui dépendent de la livraison rapide de petits colis; ce sont leurs stocks. Disons qu'une pièce d'équipement brise dans une usine et doit être réparée. À qui l'usine s'adresse-t-elle? Elle fait appel aux services de messagerie pour le transport de ces pièces.
C'est là le danger, parce que des millions de travailleurs pourraient être affectés par une grève dans un autre secteur.
Nous doutons que nous soyons aux prises avec des grèves, mais on ne sait jamais. Compte tenu de notre excellent dossier en matière de relations de travail, nous ne croyons pas qu'une grève sera déclenchée dans notre secteur. Ce sont les effets d'entraînement.
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De manière plus générale, les entreprises canadiennes doivent avoir la possibilité non seulement de préserver leurs actifs, mais de s'assurer qu'elles peuvent servir leurs clients et contribuer à l'économie.
Voilà pourquoi, en 1999, quand le Code canadien du travail a été modifié, M. Sims a clairement laissé entendre que nous devions établir un juste équilibre entre ces deux pôles — et je comprends cela. Mais ses commentaires au sujet des briseurs de grève au Québec...
Il ne s'agit pas ici d'un débat provincial, une province ne représentant le pays et vice versa. Toutefois, il est essentiel de reconnaître que la plupart des entreprises canadiennes sont réglementées par cette loi et que nous devons assurer un certain niveau de service, puisque c'est important pour le pays.
Si cela veut dire faire appel à des travailleurs de remplacement, parce que dans notre cas, nous avons besoin de travailleurs qualifiés et utilisons les services de gérants, eh bien soit. Or, je tiens à préciser qu'il n'est pas question ici du CN. Il y a d'autres secteurs au Canada qui vont devoir continuer de desservir leur clientèle sans faire appel à des travailleurs hautement qualifiés. C'est ce que nous appelons l'équilibre des pouvoirs.
Donc, pour répondre à votre question, dans le cas du CN, la réponse est non, cela ne serait pas suffisant. Le projet de loi, à notre avis, comporte des lacunes...
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Il est clair que nous ferons tout en notre pouvoir pour desservir les clients et ne pas fermer un port. En utilisant les services des gérants et des employés à la retraite... qui sait ce que nous réserve l'avenir? C'est l'un des enjeux, manifestement.
Nous avons des employés syndiqués qui se chargent de préparer les lettres de voiture et les documents douaniers. Ces personnes ne sont pas nécessairement des travailleurs qualifiés, mais vous ne pouvez envoyer un train de Halifax à Chicago sans d'abord remplir les document douaniers. Les trains doivent pouvoir franchir la frontière. Je peux charger un train de conteneurs à Halifax, me rendre à la frontière canado-américaine et ne pas traverser parce que je n'ai pas les documents douaniers.
Je reviens au point que j'ai soulevé. J'ai assisté à un certain nombre d'audiences et je pense que la Chambre de commerce du Canada, entre autres, a dit très clairement qu'il faut regarder au-delà du secteur ferroviaire. Quels sont les besoins des clients? Comment nous assurer que les clients sont bien servis? Les petites entreprises sont des clients de Purolator et du CN, et ces clients ont besoin d'acheminer leurs produits vers les marchés. Il serait difficile d'expliquer à un client d'Halifax qui veut faire expédier un conteneur que le train ne peut traverser la frontière, la documentation étant incomplète.
Le fait est que le système n'a pas à être modifié. Les TCA ont fait la grève en février 2004. C'était la première fois, en 20 ans, qu'une grève du transport ferroviaire n'était pas réglée au moyen d'une loi imposant le retour au travail. Les employés sont revenus au bout de 30 jours. Les activités ferroviaires ont repris. Nous avons desservi nos clients. Les parties sont revenues et ont signé une nouvelle entente.
Le système fonctionne. La semaine dernière, les TCA, qui ont fait la grève il y a deux ans,ont signé une nouvelle entente de trois ans.
Donc, je ne crois pas que nous ayons besoin d'une disposition, dans une loi fédérale qui dit que nous avons le droit, ou non, d'utiliser des travailleurs de remplacement au Canada. Sauf votre respect, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que les petites entreprises ne sont pas touchées par cette mesure. Elles le sont.
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Merci, monsieur le président. Je veux remercier nos invités d'avoir accepté notre invitation.
Je vais simplement faire un commentaires au sujet de l'intervention de M. Nicholls relativement à la capacité des travailleurs de juger du bien-fondé de la décision.
Lorsqu'on dit qu'ils ont pris la décision de faire la grève parce qu'ils n'ont pas compris l'implication du vote, je pense que c'est assez méprisant, d'autant plus que dans cette situation, il s'agit d'Autochtones. J'ai travaillé avec des Autochtones et ce sont des gens soucieux de pouvoir communiquer entre eux et de bien comprendre les situations. Je les ai même vus interrompre des assemblées auxquelles j'ai participé pour tenir des réunions de groupe entre eux afin d'être bien sûrs qu'ils avaient tout compris. Alors, ce sont des gens qui se préoccupent de bien comprendre les choses avant de prendre une décision.
Je pars de cet exemple pour dire qu'on ne peut miser sur un argument comme le vôtre pour établir le bien-fondé du projet de loi .
J'aime beaucoup le point de vue de M. Turnbull qui nous amène à examiner ce qui doit être vraiment essentiel. Je pense que tout ne peut être essentiel et je pense qu'il sera d'accord avec moi. Sinon, si MM. Finn et Turnbull, par exemple, nous disaient que tout doit être essentiel, il ne vous resterait plus alors qu'à demander l'abolition du droit de grève. Or, je ne pense pas que ce soit ce que vous plaidez aujourd'hui. Il y a donc des choses qui ne sont pas essentielles.
D'après l'expérience observée au Québec, il y a des secteurs névralgiques, y compris celui de la santé, où il y a un droit de grève, mais aussi des services essentiels. Or, ces services sont basés sur des rapports d'entente, d'abord, sur ce qui doit être essentiel ou non, et lorsque les parties ne s'entendent pas, c'est un tiers qui tranche la question.
Je veux bien comprendre parce que nous aurons à nous prononcer sur cette question. Vous deux avez argumenté en ce sens et vous pouvez intervenir, ainsi que les autres. Que doit-on privilégier entre les deux? Est-ce une approche où on convient des services essentiels avec le syndicat, ou le droit aux travailleurs de remplacement?
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J'y arrive. J'essaie tout simplement de situer les choses dans leur contexte.
Il est important de pouvoir fournir ces services. J'ai dit qu'un très grand nombre de secteurs seraient touchés. Je n'ai utilisé que deux exemples : les secteurs de l'automobile et des soins de santé.
D'abord, je ne pense pas que le projet de loi puisse être amélioré, pour deux raisons bien précises. Il y a d'abord l'aspect technique — il faudrait modifier de très nombreuses lois, des lois fédérales qui ne sont pas mentionnées dans le projet de loi du Bloc —, chose impossible, à mon avis. Ensuite, les entreprises et les organisations sous réglementation fédérale, de par leur nature, fournissent des services importants à l'ensemble du Canada.
Or, il n'y a, selon moi, aucun problème pour l'instant. Quand on regarde du côté du Québec, le nombre de jours perdus à cause de grèves, la loi interdisant le recours aux travailleurs de remplacement, et que l'on compare cette situation à l'expérience du fédéral, on constate que l'on propose ici une solution à un problème qui n'existe pas. Il n'y a pas de problème.
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Je peux peut-être enchaîner là-dessus et clarifier un peu les choses.
D'abord, je ne suis pas étonnée de voir — et je ne suis pas la seule — que les grands employeurs, les très grandes entreprises n'aiment pas ce projet de loi. Ils sont contre tout changement. Je ne suis pas du tout surprise d'entendre BHP dire que le ciel va nous tomber sur la tête, que nous allons peut-être être obligés de revoir notre décision. C'est ce qui arrive quand on essaie de modifier une loi.
Je tiens à signaler que la Colombie-Britannique et le Québec, où cette loi est en vigueur depuis de nombreuses années, n'ont été témoins d'aucune fuite de capitaux. Les entreprises continuent de fonctionner normalement. En fait, cette loi a contribué à assurer la stabilité de la main-d'oeuvre. Ils ont une façon de voir les choses, mais l'avenir nous donnera peut-être droit à d'autres résultats.
Je voudrais poser une question à M. Finn et à M. Turnbull: on a l'impression que ce projet de loi est en quelque sorte distinct, qu'il n'a rien à voir avec le Code canadien du travail. En fait, il modifie le Code.
Monsieur Finn, vous avez dit que le CN a connu, ces dernières années, quatre grèves. Je voudrais savoir si le CN a déjà eu recours l'article 87.4 du Code canadien du travail, qui traite du « maintien de certaines activités ». En fait, cette disposition définit ce qu'on entend par services essentiels.
Monsieur Turnbull, vous dites que le projet de loi pose problème parce qu'il ne vous permet pas de mettre en place des mesures dites de continuation, seulement des mesures de conservation. Or, en fait, l'article suivant du Code canadien du travail décrit tout le processus que doit suivre l'entreprise, l'employeur ou le syndicat pour s'adresser au Conseil et conclure une entente au sujet des services essentiels.
Il s'agit là d'un point très important, car, d'après certains membres du comité, il n'existe aucune disposition qui définit les services essentiels pouvant faire l'objet d'une entente. En fait, c'est ce que dit le Code dans l'article suivant. Vous pouvez ne pas l'aimer, mais est-ce que le CN ou votre entreprise a eu recours à cet article pour conclure des ententes et assurer le maintien des activités et des services, ou ce que nous appelons les services essentiels?
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Non, pas à ce moment-là.
En 2004, nous avons songé à l'invoquer, surtout dans le cas du réseau GO ou de la commission des transports de Montréal. Le ministre fédéral ou l'expéditeur peuvent le faire, mais pas un client. Je vais y revenir dans quelques instants.
Plus important encore, comme vous le savez, d'après les critères établis, il incombe à l'expéditeur — dans notre cas, le CN — de démontrer au Conseil canadien des relations industrielles qu'il existe un danger immédiat à la santé ou à la sécurité du public. Il n'y a pas de critères commerciaux, de sorte que le fait que CCRI dise à Alcan de fermer quatre fonderies, celle de Kitimat et les trois au Québec, parce qu'il y a une grève du réseau ferroviaire au Canada ne figure pas au nombre des critères qui permettent de définir un service comme étant essentiel. Rien ne prouve que le fait de ne pas produire de l'aluminium a un impact sur la santé ou la sécurité du public. Manifestement, il est difficile de présenter un tel argument dans ce cas-là.
Dans le cas du réseau GO, vous devez démontrer qu'une grève du réseau de transport au centre-ville de Toronto constitue un danger pour la santé publique, parce qu'il y aura un tel engorgement que l'ambulance ne pourra se rendre du lieu d'accident à l'hôpital. Or, il est très difficile de prouver une telle chose. Il arrive parfois qu'il y ait des grèves des transports à Toronto qui n'ont rien à voir avec les chemins de fer.
Pour répondre à votre question, nous ne l'avons pas fait, mais nous estimons que les critères prévus à l'article 87.4 sont effectivement restrictifs et qu'ils ne peuvent être appliqués. Sans préjuger de la décision, on arriverait vraisemblablement à la conclusion qu'aucun service du CN ne serait jugé essentiel.
Pourquoi? Parce qu'il n'existe aucun argument économique qui puisse justifier une telle conclusion. Toutefois, si vous avancez qu'une grève du réseau ferroviaire au Canada aurait pour effet d'entraîner la fermeture du port de Vancouver, du port de Halifax et des fonderies, en plus d'avoir un impact majeur sur l'industrie de l'automobile, pourquoi croyez-vous que le Parlement a décidé, à trois reprises — en 1974, en 1986 et en 1995 —, d'adopter une loi imposant le retour au travail ou à tout le moins l'arbitrage? Le Parlement s'est rendu compte que cette grève avait des répercussions sur l'économie canadienne.
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Le Parlement a toujours le pouvoir, ou le droit, d'intervenir, et c'est un point que nous prenons très au sérieux. Mais le fait est qu'on ne cesse de nous répéter qu'il n'existe aucune disposition qui définit les services essentiels.
Il est vrai qu'une grève a un impact. Nous nous entendons tous là-dessus. Une grève a un impact sur les travailleurs et leurs familles, la collectivité locale, l'employeur, l'entreprise, les services, et le public. Or, il existe — et je veux que vous l'affirmiez — une disposition qui définit les services essentiels...
Elle ne va peut-être pas aussi loin que vous le voulez. Votre rôle, en tant qu'employeur, est de défendre votre position, n'est-ce pas? Votre rôle est de dire que, pour vous, X, Y et Z sont des services essentiels. Vous vous présentez devant le Conseil, le syndicat fait la même chose, et vous défendez vos points de vue. Mais cette disposition existe, le processus existe, même si on laisse entendre, ici, le contraire.
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Je tiens tout simplement à clarifier l'une des prémisses de votre question, madame Davies.
Vous avez dit que les vues exprimées par les gros employeurs ne vous étonnent pas. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas considérés comme un gros employeur. L'Association canadienne de la construction représente environ 20 000 entreprises: entre 90 et 95 p. 100 de celles-ci sont des petites entreprises qui comptent 20 employés ou moins.
Pour revenir à ce qu'a dit M. Dhaliwal — que les petites entreprises qui accueillent favorablement ce projet de loi sont nombreuses —, je peux vous dire que M. Atkinson et moi sommes ici non pas parce que ce projet de loi a une incidence sur le secteur de la construction, nous ne sommes pas une industrie sous réglementation fédérale, mais parce qu'un grand nombre de nos membres, des petites entreprises, craignent justement les répercussions, et je parle ici de l'effet d'entraînement, que M. Turnbull a mentionnées.
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Tout à fait, et j'aimerais entendre ce que M. Nicholls a à dire à ce sujet, parce que lorsque vous avez parlé de l'effet domino, plus tôt, je pensais en fait à lui et à sa situation.
Vos travailleurs sont des employés fédéraux syndiqués, justement les gens que la loi est censée aider.
Imaginez une grève ou un lock-out, non pas dans votre entreprise, mais plutôt dans l'industrie du transport aérien, sur laquelle vous comptez énormément durant l'été, lorsque les routes de glace ne sont plus praticables, et dont vous dépendez tant. Si un syndicat, dans le secteur aérien, se servait de cette loi pour cesser toute activité dans votre région, quelle serait l'incidence sur votre entreprise et, par le fait même, sur vos employés?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser une question à M. Zoe.
J'ai le privilège de siéger au comité des affaires autochtones également, et je suis certainement en faveur de toute initiative visant à favoriser le développement économique des communautés autochtones. Là-dessus, nous donnons tout notre appui.
Si mes chiffres sont exacts, BHP compte entre 1 500 et 2 000 employés, dont environ 30 p. 100, soit près de 600 personnes, sont des Autochtones. Quel pourcentage de la communauté — j'ignore comment vous allez le définir géographiquement — cela représente-t-il pour vous? Cinquante pour cent, 10 p. 100...?
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D'accord, merci beaucoup.
Avant de remercier les témoins, j'aimerais rappeler aux membres du comité de bien vouloir transmettre à la greffière le nom des témoins que vous aimeriez convoquer concernant les projets de loi , ou au plus tard mardi midi. Christine vous enverra un avis à cet effet, mais nous sommes déjà jeudi et il ne nous reste que vendredi et lundi. N'oubliez pas non plus les amendements pour le , mais vous avez jusqu'à mercredi midi pour y penser.
En terminant, je tiens à remercier tous les témoins de leur participation aujourd'hui, et ce, malgré leurs emplois du temps.
La séance est levée.