:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis très honorée d'être ici à titre de témoin. Je suis aussi un peu déstabilisée puisque j'ai l'habitude d'être assise du côté où sont aujourd'hui les parlementaires. Je vous demanderais, chers collègues, votre indulgence, s'il vous plaît.
Cela me fait plaisir étant donné que, lors de cette session, j'ai aussi eu le privilège de parrainer le projet de loi C-269. Ce projet de loi est le fruit d'un travail laborieux qui a été entrepris par le comité et par mon collègue Yves Lessard. Je suis très honorée d'avoir eu la chance de présenter ce projet de loi en cette 39e législature.
Le projet de loi C-269 vise à bonifier le régime actuel de l'assurance-emploi que les gouvernements, tant libéraux que conservateurs, ont dénaturé au fil des ans pour le rendre inéquitable, de sorte qu'il ressemble de moins en moins à une assurance. Plus de la moitié des chômeurs n'ont pas accès à cette assurance, même s'ils y cotisent et si le régime continue, année après année, d'accumuler des surplus dans ses coffres.
Il semble que les cotisations des travailleurs et des employeurs se soient transformées en taxes déguisées, et que les sommes amassées dans cette caisse servent à des fins autres que celles de l'assurance-emploi.
Le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes s'est penché sur cette question en 2004, et le 15 février 2005, il a émis 28 recommandations qui visent à bonifier le régime.
J'aimerais rappeler que les conservateurs ont appuyé certaines de ces recommandations du Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées voulant que le régime soit réservé au bénéfice des travailleurs.
Le Bloc québécois travaillait à ce comité et est en bonne partie responsable de l'adoption de ce rapport. C'est ainsi que le 8 mai 2006, je déposais un projet de loi, au nom du Bloc québécois, qui apportera, s'il est adopté, des modifications substantielles au régime.
L'adoption du projet de loi C-269 sera pour les travailleurs une planche de salut, et c'est pourquoi le gouvernement doit avoir la volonté politique de le modifier avant de faire davantage de ravages.
Il est bien de se rappeler qu'au Canada, jusqu'en 1990, le gouvernement cotisait à la caisse d'assurance-chômage. Toutefois, en 1990, le gouvernement conservateur de Brian Mulroney est venu détruire cet équilibre en mettant fin à la contribution du gouvernement fédéral à la caisse, laissant l'entièreté du financement aux employeurs et aux travailleurs. Ce retrait du financement fédéral a créé, à l'époque, un déficit important dans la caisse. Le gouvernement a par la suite tenté de le régler en sabrant la couverture offerte par le régime, en diminuant les montants versés aux chômeurs et en resserrant les règles d'admissibilité pour les travailleurs, ce qui a eu pour effet de réduire de moitié le nombre de personnes couvertes par le régime entre 1989 et 1997, et de créer des surplus faramineux dans la caisse.
Depuis plus de 15 ans, ce sont les travailleurs et les employeurs qui, seuls, cotisent à la caisse. Et chaque année, les surplus de cette caisse sont avalés par une machine fédérale toujours de plus en plus gourmande. Les surplus cumulatifs du compte de la caisse de l'assurance-emploi ont augmenté en flèche depuis 1994, pour atteindre à ce jour plus ou moins 50 milliards de dollars.
Il ne fait aucun doute que ce solde cumulatif provient, entre autres choses, de nombreux changements restreignant l'accès à l'assurance-emploi depuis le début des années 1990. La réforme de l'assurance-emploi, en 1996, a donné lieu à un régime plus restreint en resserrant les critères d'admissibilité.
Le solde cumulatif du compte de l'assurance-emploi appartient au régime de l'assurance-emploi, et le gouvernement a l'obligation morale d'en rétablir l'intégrité. Les surplus cumulatifs de la caisse de l'assurance-emploi doivent nécessairement être appliqués au régime d'assurance-emploi.
Dans son rapport de novembre 2005, la vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser, faisait mention d'un surplus accumulé de plus de 48 milliards de dollars. Elle déclarait également que le gouvernement avait l'obligation de respecter la Loi sur l'assurance-emploi et affirmait ceci :
Au cours des six dernières années, nous avons attiré l'attention du Parlement sur nos préoccupations quant au respect, par le gouvernement, de l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi en ce qui a trait à l'établissement des taux de cotisation et à ses répercussions sur la taille et la croissance de l'excédent accumulé dans le Compte d'assurance-emploi. L'excédent accumulé dans le Compte a augmenté de 2 milliards de dollars en 2004-2005 pour atteindre 48 milliards de dollars au 31 mars 2005.
Aujourd'hui, plus ou moins 40 p. 100 des gens qui perdent leur emploi arrivent à se qualifier au programme de l'assurance-emploi, ce qui veut dire 4 travailleurs sur 10. Ce sont les femmes, les jeunes, les travailleurs saisonniers qui sont les plus touchés par les réformes imposées par le gouvernement fédéral. Nul besoin de vous dire que ce sont également ces groupes qui sont les plus dépendants du régime à cause de la fragilité et de la précarité de leur emploi.
Depuis les modifications apportées au régime, le nombre de femmes couvertes par l'assurance-emploi est passé de 73 à 33 p. 100. Elles occupent souvent des emplois saisonniers et à statut précaire.
On affirme également que dans plusieurs coins du pays, il est impossible pour les gens de cumuler plus de 360 heures de travail à cause du grand nombre d'emplois saisonniers liés aux activités de l'agriculture, de la foresterie et du tourisme. Les régions souffrent économiquement des fermetures d'usines et, dernièrement, plus particulièrement dans le secteur de la forêt. Dans ma circonscription, par exemple, dans la MRC d'Antoine-Labelle, 80 p. 100 de l'économie locale repose sur le secteur de la forêt, mais 80 p. 100 des activités de cette industrie sont suspendues en raison de la crise qui sévit en ce moment.
Les travailleurs sont victimes de mises à pied massives et, souvent, ils n'arrivent pas à se qualifier pour toucher des prestations d'assurance-emploi. Pourtant, ils ont contribué à la caisse durant plusieurs années. Pendant qu'on appauvrit les travailleurs en les privant du droit aux prestations d'assurance-emploi, on appauvrit également leurs familles et leur région. Les statistiques démontrent que depuis 1996, on observe une baisse du nombre des prestataires d'assurance-emploi, mais contrairement à ce qu'on peut supposer, il s'agit plutôt d'une baisse du nombre de prestataires admissibles. Les conditions d'accès sont tellement sévères que de moins en moins de gens se qualifient.
Il est temps de rendre aux cotisants ce qui leur est dû et d'arrêter le pillage de la caisse. Le régime des années 1990 n'est plus adapté aux réalités d'aujourd'hui. C'est pourquoi une réforme est nécessaire pour venir en aide aux travailleurs, et le projet de loi vise notamment à rétablir une forme d'équité pour les travailleurs dans l'octroi des prestations d'assurance-emploi. Il faut moderniser l'assurance-emploi pour la rendre plus accessible aux travailleurs précaires.
Ce projet de loi vise d'abord à réduire la période minimale de qualification à 360 heures, et ce, indépendamment du taux de chômage régional.
Cette mesure permettrait d'éliminer les iniquités entre les régions en fonction du taux de chômage. Cette règle permettrait aussi de couvrir les travailleurs saisonniers et les travailleurs à statut précaire. Les 360 heures demandées correspondent à 12 semaines de 30 heures. La durée des prestations peut varier selon la région et le taux de chômage régional. Pour les régions qui affichent un taux de chômage élevé, ceci permettra d'éliminer le fameux phénomène du « trou noir », ce qui nous amène à la recommandation suivante : augmenter la durée de la période de prestation maximale de 45 à 50 semaines.
Tous les ans, les travailleurs saisonniers font face au « trou noir ». Ils sont en détresse, parfois durant jusqu'à 10 semaines. Les statistiques démontrent que 35 p. 100 des prestataires se rendent jusqu'à la limite des prestations; le chiffre atteint 43 p. 100 dans l'une des MRC de ma circonscription. Selon un extrait du rapport, des témoins ont affirmé qu'il fallait rétablir la durée des prestations à 50 semaines, comme dans le cas des prestations spéciales. Cette mesure réglerait le problème de longue date du « trou noir », qui touche principalement les travailleurs saisonniers qui se trouvent privés de prestations avant le début de la saison suivante. Bien que le gouvernement ait pris des mesures pour régler ce problème, il ressort qu'il faut faire davantage à cet égard. Les régions-ressources sont particulièrement touchées. Le projet de loi met un terme au « trou noir » en faisant passer la durée des prestations de 45 à 50 semaines.
Ensuite, le projet de loi vise à augmenter les prestations hebdomadaires à 60 p. 100 du revenu assurable plutôt que 55 p. 100 à l'heure actuelle.
Les emplois précaires sont généralement les moins bien rémunérés. Cette modification permettra aux prestataires de recevoir un minimum vital. Le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées le recommandait en 2005. Cette mesure viendrait en aide particulièrement aux femmes, puisque le taux de prestation de 55 p. 100 touche particulièrement les petits travailleurs, dont deux tiers sont des femmes.
Le projet de loi abroge aussi le délai de carence entre le moment où les gens perdent leur emploi et font une demande de prestations, et le moment où ils reçoivent leur premier chèque.
Le travailleur n'a pas à être pénalisé pour avoir perdu son emploi, et ses obligations financières demeurent alors que l'argent tarde à arriver. Le délai de carence pénalise le travailleur qui a perdu son emploi sans avoir été licencié et qui n'a pas démissionné. Ces travailleurs ont un revenu souvent faible, et il pourrait devenir plus faible compte tenu de la période de chômage dans laquelle ils s'engagent, et qui n'a aucune justification puisque le délai de carence n'affecte pas la durée maximale des prestations.
Le projet de loi élimine la distinction entre les personnes qui deviennent membres de la population active et ceux qui le redeviennent.
Cette mesure est totalement discriminatoire et s'attaque particulièrement aux jeunes et aux femmes, dont le travail est plus précaire. Le fait d'avoir touché des prestations contribue pour beaucoup à déterminer si un assuré devient ou redevient membre de la population active. Les conditions d'admissibilité sont devenues incohérentes et fragmentées. Une personne qui n'est pas définie comme une personne qui devient ou redevient membre de la population active doit cumuler moins d'heures d'emploi assurables pour avoir droit aux prestations régulières, alors que celui qui est défini comme tel doit accumuler 910 heures, ce qui est de plus en plus difficile dans bien des régions. Cela constitue une dissuasion majeure pour les personnes qui songent à travailler dans les secteurs de l'agriculture, de la forêt et dans plusieurs autres secteurs d'activités dont la nature de l'emploi est saisonnière. Il est quasiment impossible pour ces personnes d'accumuler 910 heures dans ces secteurs.
Ensuite, le projet de loi élimine le lien de dépendance présumé entre les personnes.
Le fardeau de la preuve incombe toujours aux employés de l'entreprise familiale ayant un lien de dépendance avec l'employeur, qui sont coupables jusqu'à preuve du contraire. Nous comprenons qu'il est important de décourager les relations frauduleuses entre employeurs et employés. Cependant, ce n'est pas aux travailleurs de prouver leur bonne foi lorsqu'ils perdent leur emploi, mais bien au régime de faire enquête si un doute subsiste.
Le projet de loi augmente le maximum de la rémunération annuelle assurable, qui était de 39 000 $ lors du dépôt du projet de loi.
On sait que le maximum est maintenant fixé à 40 000 $. On demandait qu'il passe de 39 000 $ à 41 500 $ et d'introduire une formule d'indexation. Le mode actuel de cotisation est en fait une taxe régressive qui touche particulièrement les bas salariés. Une fois le montant de la rémunération annuelle assurable atteint, les plus hauts salariés ne cotisent plus à l'assurance-emploi, alors que le plus bas salarié contribue durant toute l'année.
Le Bloc québécois recommande une plus grande équité. Le maximum a déjà été de 43 000 $. De plus, les hauts salariés ne sont couverts qu'à 55 p. 100 de 39 000 $, qui était le maximum de la rémunération annuelle assurable au moment du dépôt du projet de loi. Ce n'est pas évident de payer ses factures avec si peu, même si ce n'est que pour quelques semaines.
Il faut établir un calcul de prestations sur les 12 meilleures semaines de l'année travaillées de façon à ne pas pénaliser les travailleurs saisonniers qui travaillent parfois de petites semaines.
Seules les semaines ayant les plus fortes rénumérations dans la nouvelle période de calcul du taux seraient considérées et la moyenne de la rémunération serait calculée sur les 12 meilleures semaines d'emploi assurables. M. Yvon Godin, du NPD, a déposé en mai 2006 le projet de loi C-265 en ce sens. Nous croyons qu'il est essentiel d'instaurer une nouvelle formule de calcul.
Finalement, il faut élargir aux travailleurs autonomes la couverture du régime, puisque ces derniers représentent actuellement 16 p. 100 de la population active. Ceux-ci ne bénéficient d'aucune couverture en cas de perte d'emploi. Les cotisations seraient sur un base volontaire et le taux devrait être fixé par l'actuaire en chef en fonction des besoins. La couverture devrait être complète.
Je veux terminer en rappelant au comité qu'après les travailleurs et les employeurs, après la vérificatrice générale du Canada et après le Bloc québécois, l'ONU jette également le discrédit sur le gouvernement fédéral et sur l'actuel régime de l'assurance-emploi. En effet, dans un article paru dans La Presse du 23 mai 2006, on pouvait lire que le Comité des droits sociaux, économiques et culturels de l'ONU, et je cite :
[...] recommande que l'État réévalue son programme d'assurance-emploi avec pour objectif d'en améliorer l'accès et d'augmenter les prestations dont profitent tous les travailleurs sans emploi.
De plus, au cours de la dernière campagne électorale, les conservateurs se sont engagés à mettre en place un programme d'assurance-emploi indépendant, ainsi qu'à créer un fonds autonome administré par les employés et les employeurs. Je rappelle qu'ils ont aussi appuyé les recommandations du Comité permanent des ressources humaines voulant que le régime soit réservé au seul bénéfice des travailleurs. Ils ont qualifié l'accumulation des surplus dans la caisse de pratique intellectuellement malhonnête, ce qui évoque une volonté délibérée de surtaxer les travailleurs et leurs employeurs dans le but de détourner les sommes afin de financer d'autres priorités gouvernementales.
De toute évidence, la gestion de la caisse de l'assurance-emploi présente de graves lacunes. La priorité est de mettre un terme aux injustices qui causent un préjudice aux travailleurs, à leurs familles ainsi qu'aux entreprises. Il faut rapidement prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs puissent bénéficier de l'assurance à laquelle ils cotisent.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité. C'est la première fois que je comparais comme témoin, après avoir posé les questions pendant six ans.
J'en profite également pour remercier les témoins qui m'accompagnent aujourd'hui. Ils ont été d'une aide inestimable dans l'élaboration de ce projet de loi et m'ont fourni des renseignements très précieux. Manuel représente la Fondation des maladies du coeur et Ken, la Société canadienne du cancer. Ils prendront chacun trois minutes pour vous faire part de leur point de vue, et nous nous tiendrons ensuite à votre disposition pour répondre à vos questions.
Comme vous le savez, je présente le projet de loi C-278. Ce projet de loi vise à faire passer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées dans le cas d'une maladie, d'une blessure ou d'une mise en quarantaine de quinze à cinquante semaines.
Lorsque la Loi de l'assurance-emploi a été adoptée, à la fin des années 90, les prestations de maladie ont été prévues dans un esprit de compassion et d'aide aux personnes ayant quitté le marché du travail temporairement pour des raisons de santé. Cette aide financière vise à permettre à un individu de se concentrer sur son traitement et de se soigner de manière à pouvoir revenir au sein de la population active dès que possible.
La loi actuelle permet au requérant de recevoir des prestations pendant un maximum de 15 semaines. La période durant laquelle un requérant est admissible est déterminée par le certificat médical délivré par un professionnel de la santé attestant l'incapacité au travail de la personne et fixant la durée probable de la maladie.
Nous sommes nombreux à avoir été témoins des difficultés financières vécues par des électeurs, des amis et des parents qui tentaient de se rétablir après une maladie comme le cancer, ou encore une maladie de coeur ou du système respiratoire, ou l'une ou l'autre des nombreuses affections graves qui menacent les Canadiens. Une histoire se répète, et malheureusement trop souvent pour les députés ici présents et pour leur personnel — nous en avons été témoins nous-mêmes — et c'est celle des personnes qui, après avoir demandé les prestations de maladie et les avoir reçues durant quinze semaines, se sont retrouvées à la fin de cette période incapables de retourner au travail.
Une enquête réalisée en 2004 auprès de femmes luttant contre le cancer du sein a révélé qu'au moins 76 p. 100 des répondantes avaient déclaré avoir été absentes du travail durant plus de 15 semaines. L'un de nos médecins, le Dr Ron MacCormick, chef du service d'oncologie au Cape Breton Cancer Centre, vous confirmera qu'il faut parfois attendre jusqu'à un an après un traitement contre le cancer pour qu'un patient retrouve son énergie. De fait, la plupart des oncologues vous diront que les traitements de chirurgie, de chimiothérapie ou de radiothérapie eux-mêmes peuvent s'échelonner sur une année.
La triste réalité est que ces maladies ne font pas de discrimination quant à l'âge des personnes. Et le mauvais côté de cette situation, c'est que les personnes atteintes ont encore de nombreuses années de travail devant elles. En outre, si nous n'adoptons pas de programmes visant à combler l'écart pendant qu'elles sont malades, nous continuerons de voir ces personnes retourner trop rapidement au travail avec le risque de rechutes que cela comporte.
Ces malades sont trop nombreux à affronter inutilement un stress financier alors qu'ils devraient pouvoir concentrer toute leur énergie à lutter contre la maladie et à se rétablir. Aucun Canadien, ni aucun de leurs proches ne devrait se retrouver dans la situation difficile d'avoir à jongler avec le problème de payer le loyer, l'épicerie ou le chauffage durant cette période.
Monsieur le président, je tiens à dissiper l'idée fausse selon laquelle un requérant ayant épuisé ses prestations de maladie de l'assurance-emploi peut tout simplement présenter une demande de prestations d'invalidité au Régime de pensions du Canada. Comme beaucoup de députés le savent trop bien, les critères entourant ce régime sont stricts, et dans la majorité des cas, on refuse ces prestations aux patients parce qu'ils ne répondent pas à la définition de l'invalidité totale. Quant au petit nombre qui répondent à ces critères, ils doivent d'abord franchir le processus de demande d'une durée de trois mois, et un long délai de carence avant que les prestations d'invalidité du RPC ne leur soient versées.
Je vous le répète, seul un petit nombre de ces personnes deviendront admissibles aux prestations d'invalidité du RPC. Il faut également reconnaître — et c'est très important — que ce ne sont pas tous les employeurs, comme beaucoup d'entre vous le savent, qui offrent des régimes d'assurance-invalidité à long terme.
Il est évident que cette approche à taille unique ne répond pas aux besoins des Canadiens qui sont malades, et cela a été reconnu par le sous-comité de ce même comité, au cours de la dernière législature. Parmi les recommandations de ce comité, on trouvait notamment celle d'accroître le nombre de semaines durant lesquelles des prestations de maladie pouvaient être demandées. Selon le rapport de contrôle et d'évaluation du régime de l'assurance-emploi 2005 : « En 2004-2005, environ 32 p. 100 des personnes ayant touché des prestations de maladie ont utilisé la totalité des 15 semaines de prestations auxquelles elles avaient droit. » Le fait que cette proportion soit demeurée relativement stable au cours des dernières années, donne à penser qu'une période de 15 semaines de prestations n'est peut-être pas suffisante pour certains types de prestataires ou de maladies.
Il est très difficile d'établir avec exactitude combien de Canadiens pourraient avoir besoin d'une aide supplémentaire étant donné que la durée de la période pendant laquelle un requérant est admissible à recevoir des prestations dépend d'une source indépendante — c'est-à-dire du médecin. Les données pour 2004-2005 donnent à entendre toutefois qu'un maximum potentiel de 95 000 requérants pourraient être admissibles à un plus grand nombre de semaines de prestations de maladie en vertu du projet de loi C-278. En se fondant sur le rapport de contrôle et d'évaluation du régime de l'assurance-emploi 2005, on peut supposer qu'une faible proportion de ces 95 000 requérants demanderaient des prestations pour la durée totale de 50 semaines.
Je vous ai présenté mes supporters ici présents, mais la liste de ceux qui appuient ce projet de loi C-278 est impressionnante. Elle comprend aussi des lettres d'appui, notamment de la Société canadienne du cancer, de l'Association pulmonaire du Canada, du Cape Breton Cancer Centre, de travailleurs sociaux de l'hôpital Princess Margaret, à Toronto, ainsi que de nombreux travailleurs de la santé de première ligne.
Monsieur le président, nous bénéficions également du soutien d'organisations syndicales comme le Congrès du travail du Canada et les Travailleurs canadiens de l'automobile.
Je vous demande instamment de leur emboîter le pas et de soutenir ce projet de loi. C'est un projet de loi qui répond aux besoins de notre époque. Les prestations de maladie de l'assurance-emploi demeurent le seul véhicule viable pour alléger le fardeau financier des personnes atteintes de maladies graves, et de ceux pour lesquels une période de 15 semaines est tout simplement trop courte pour leur permettre de se rétablir et de retourner au travail.
Merci, monsieur le président. J'en ai terminé avec ma partie. Je vais céder la parole à mon invité.
Tout d'abord, permettez-moi de remercier tous les partis et tous les députés pour leur appui à la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer. Il s'agit d'un projet fabuleux, et je trouve que ce projet de loi s'intègre bien dans cette stratégie.
La Société canadienne du cancer, au nom de ses 220 000 bénévoles de partout au pays est heureuse de cette occasion de parler de la question des prestations de maladie de l'assurance-emploi. Nous félicitons les membres du comité de s'attaquer à cette importante question dans le domaine de la santé.
Je vais vous donner cinq raisons pour lesquelles 15 semaines sont insuffisantes pour les patients atteints de cancer.
Premièrement, il arrive qu'une personne soit malade ou incapable de travailler durant une assez longue période avant de présenter une demande de prestations. Dans le cas d'un patient atteint de cancer, il faut compter avec les délais d'attente pour obtenir des tests de dépistage et une chirurgie préalables au diagnostic, ainsi qu'avec une période de récupération avant le début du traitement.
Deuxièmement, une fois qu'il a commencé, ce traitement s'échelonne habituellement sur plusieurs mois, et la récupération peut elle aussi prendre encore plusieurs mois.
Troisièmement, les personnes atteintes d'une maladie grave vivent des stress financiers collatéraux nombreux, relativement au coût du traitement et des médicaments non assurés, aux frais de déplacement en vue de suivre un traitement spécialisé, à une diète spéciale et à des fournitures médicales non prescrites. Un soutien du revenu temporaire de longue durée pourrait contribuer énormément à alléger ces fardeaux. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, une enquête du Réseau pancanadien du cancer du sein menée en 2004 auprès d'environ 500 femmes atteintes du cancer du sein a révélé que ces femmes et leur famille affrontent des répercussions financières importantes, imprévues et très pénibles. À la question si la période de prestations de maladie versées par l'assurance-emploi d'une durée de 15 semaines était suffisante pour les aider à passer à travers le traitement, 75 p. 100 des répondantes ont déclaré qu'elle était trop courte, et 76 p. 100 des répondantes ont déclaré avoir été absentes du travail pendant plus de 15 semaines.
Quatrièmement, les patients qui reçoivent de la chimiothérapie peuvent se retrouver avec un système immunitaire affaibli durant un certain temps après avoir achevé leur traitement et, par conséquent, doivent être tenus à l'écart des groupes, ce qui prolonge la période optimale de récupération.
Cinquièmement, même une fois que le traitement d'une maladie grave est terminé, il arrive que les patients ressentent de vagues effets persistants, même s'il est difficile de les documenter sur le plan médical. Par exemple, les patients ayant subi une chimiothérapie disent avoir du mal à se concentrer et manquer de résistance — ils font référence à ce fameux brouillard de la chimio — épuisement, changement de personnalité et autres symptômes semblables. Ces effets secondaires nuisent à leur capacité d'effectuer les tâches qu'ils accomplissaient sans danger avant leur maladie. Les problèmes psychologiques entourant les maladies graves et la mesure dans laquelle les patients sont aptes au travail sont peut-être mal documentés, mais ils sont bien réels.
En effet, pour bien des patients, la récupération des effets du cancer peut s'échelonner sur plusieurs mois. Exiger des patients qui récupèrent après un cancer de retourner sur le marché du travail avant d'avoir retrouvé un semblant de santé revient à mettre en péril les perspectives de rétablissement des patients et de leur famille.
Lorsqu'un patient atteint d'un cancer retourne trop tôt au travail, nous devons tous en payer le prix. Lorsque leur récupération cesse et que leur santé en souffre, cela entraîne des coûts supplémentaires, non seulement pour le système de santé, mais aussi pour la vie de famille et pour l'économie et diminue leur contribution à la société.
Le projet de loi C-278 est un bon projet de loi. La Société canadienne du cancer demande instamment au comité de lui donner son appui.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs du comité, de me donner l'occasion de vous présenter le point de vue de la Fondation des maladies du coeur du Canada en ce qui concerne le projet de loi C-278.
J'aimerais tout d'abord féliciter M. Eyking de présenter cette importante initiative qui pourrait venir en aide à un grand nombre de personnes, partout au pays.
Aujourd'hui, je vais vous entretenir brièvement des répercussions que ce projet de loi pourrait avoir sur les malades atteints de maladies du coeur.
Les maladies du coeur sont la première cause de décès, d'hospitalisation et de prescription de médicaments, ainsi que les plus importants inducteurs de coût liés à la maladie de l'économie canadienne.
Premièrement, je vais vous parler brièvement des répercussions de ce projet de loi sur ceux qui sont atteints de maladies de coeur. Dans certaines circonstances, ce projet de loi pourrait venir en aide aux patients qui se rétablissent d'un pontage coronarien. On sait que les patients ayant subi un pontage peuvent généralement retourner au travail huit à douze semaines plus tard. Toutefois, en présence d'une co-morbidité comme le diabète ou la dépression ou si le patient a un emploi exigeant un effort physique, la période de récupération pourrait être plus longue. Cette période pourrait potentiellement dépasser 15 semaines, aussi il est clair que ces patients pourraient bénéficier d'un prolongement de la période de prestations.
Mais, pour les fins de notre discussion d'aujourd'hui, le cas des personnes ayant souffert d'une attaque, une maladie encore plus incapacitante, est davantage pertinent. Sur les 15 000 Canadiens qui sont décédés à la suite d'une attaque en 2003, environ 1 300 étaient âgés de moins de 65 ans. Sachant qu'environ 80 p. 100 des victimes d'une attaque y survivent, on peut estimer que chaque année environ 5 200 Canadiens âgés de moins de 65 ans y survivent.
Une étude pertinente pour ce groupe d'âge laisse croire que seulement 20 p. 100 retrouveront un emploi rémunérateur dans les trois ans suivant leur attaque, et que seulement quelques-uns retourneront au travail dans l'année suivant l'attaque. Naturellement, certains de ces survivants se retrouveront gravement handicapés et pourraient être admissibles aux prestations d'invalidité du RPC. Cependant, les personnes aux prises avec un handicap léger ou modéré ne sont pas admissibles aux prestations du RPC. Ce groupe pourrait bénéficier du prolongement de la période de 15 semaines.
Nous avons également appris dans une autre étude portant sur les survivants à une attaque âgés de 15 à 45 ans, que la durée moyenne de la période requise avant le retour au travail était d'environ huit mois. Au Canada, ce groupe particulier se chiffrerait autour de 1 000 personnes qui pourraient évidemment bénéficier du prolongement de la période de prestations. Je vous signale également que 1 000 personnes ne représentent pas un fardeau insurmontable pour le régime d'assurance-emploi.
Enfin, je souhaite également mentionner, comme beaucoup de membres du comité le savent déjà, que le revenu a des répercussions importantes sur la santé. C'est pourquoi en fournissant un soutien du revenu à ceux qui sont malades plus longtemps que la période de 15 semaines, on pourrait contribuer à améliorer leur santé et, par conséquent, accroître les chances que les survivants à une attaque retournent au travail plus rapidement et améliorent leur productivité.
À part cela, il ne faut pas oublier de prendre en considération les aspects humains et la compassion dans cette question. Autrement dit, il faut tenir compte de la nécessité de venir en aide aux individus et aux familles aux prises avec les difficultés associées à des maladies graves comme les maladies du coeur.
En conclusion, la Fondation est d'avis que prolonger la période de prestations d'assurance-chômage au-delà de 15 semaines bénéficierait aux patients atteints de maladies du coeur.
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Merci, monsieur le président.
À mon tour, bien sûr, je veux féliciter notre collègue M. Eyking de son initiative. C'est une initiative dont nous partageons tout à fait l'objectif. Et je veux aussi remercier vos deux invités d'être ici aujourd'hui.
Vous savez, en ce qui me concerne , cela donne de nouveau tout son sens au travail qu'on doit faire ici comme députés, c'est-à-dire de soumettre des projets de loi ou une réglementation qui vont venir soutenir les gens qui sont le plus dans le besoin.
Je veux profiter de l'occasion pour souligner le travail remarquable fait par les bénévoles auprès des gens qui ont des problèmes de santé. M. Kyle mentionnait tout à l'heure que son organisation compte plus de 220 000 bénévoles. C'est extraordinaire, le travail de ces gens. On les appelle souvent les aidants naturels, comme si c'était naturel qu'ils pallient une carence gouvernementale parfois. Généralement, les gens vont aider leurs proches par simple bonté de coeur et ils n'ont pas besoin de soutien, ou de quoi que ce soit.
Mais, en d'autres circonstances, ils doivent renoncer à leur travail pour des périodes déterminées. À juste titre, M. Eyking nous faisait part tout à l'heure du fait que 32 p. 100 des gens qui utilisent ce qu'on appelle les congés de compassion le font durant la période limite de 15 semaines. Cela démontre que 32 p. 100 de ces gens auraient eu besoin de plus de semaines. C'est un ratio qui est stable. La moyenne est de neuf semaines par année, et elle s'accroît au fil des ans à raison d'à peu près 1 p. 100. Alors, on voit que c'est stable. Donc, on ne se trompe pas beaucoup dans l'évaluation des coûts que cela va représenter, d'autant plus que cela semble faire consensus ici, je pense.
Aujourd'hui, je suis heureux de retrouver deux de nos collègues qui étaient là en 2004, M. Cuzner et M. Godin, lorsqu'on a travaillé aux recommandations sur la réforme de l'assurance-emploi. Cela comprend 28 recommandations. La recommandation 27 porte justement là-dessus. Si on est conséquents, on devrait soutenir votre projet de loi. Si on est conséquents aussi, on devrait tous, y compris les conservateurs, promouvoir ce soutien.
Je ne voudrais pas qu'on mêle les choses. J'ai beaucoup de sympathie pour la situation de M. Lake. On s'est retrouvés tout à l'heure avec un argument au sujet d'un autre projet de loi. Dans ce cas-ci, il n'est pas question de chevauchement en ce qui concerne les responsabilités des uns et des autres. C'est une responsabilité fédérale par rapport à des sommes d'argent qui sont retenues par le fédéral alors qu'il devrait remplir ses responsabilités.
Je ne m'éterniserai pas, monsieur le président, sur la nécessité de ce projet de loi. La question que je voudrais poser à nos trois invités est celle-ci. Il y a un argument qui a cours présentement selon lequel on pourrait fragiliser la protection des travailleurs par rapport à leur assurance personnelle ou à l'assurance collective en milieu d'emploi. Il me semble que ce serait aux assureurs de s'ajuster en conséquence. Ils l'ont toujours fait lorsqu'une nouvelle loi a été adoptée. Je voudrais vous entendre à ce sujet. On nous a même écrit. J'ai ici une lettre de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Je ne reproche pas à ces gens de nous avoir écrit pour nous faire part de leurs intérêts, mais je voudrais quand même qu'on fasse la part des choses par rapport aux conséquences réelles. Avez-vous eu l'occasion d'y réfléchir? Et si oui, dans quel sens?