:
Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
Monsieur Allison, merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant le comité aujourd'hui.
Je m'appelle Shirley Seward et je suis chef de la direction du Centre syndical et patronal du Canada. Je vous présente mon collègue Clarence Lochhead, qui est chercheur principal du CSPC, comme nous aimons à nous appeler.
Le Centre syndical et patronal du Canada est une organisation nationale indépendante et est devenu un centre de dialogue et d'élaboration de consensus entre le patronat et les syndicats. Notre conseil d'administration multipartite comprend des membres ayant droit de vote des communautés des affaires et des syndicats, ainsi que des représentants sans droit de vote des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des collèges et universités. Nos coprésidents sont Perrin Beatty, président et chef de la direction de Manufacturiers et Exportateurs canadiens, et Ken Georgetti, président du Congrès du travail du Canada.
[Français]
Vous avez devant vous la liste des membres du conseil d'administration du Centre syndical et patronal du Canada.
[Traduction]
Le centre a été fondé en 1984 et est la seule organisation pancanadienne représentant les milieux des affaires et des syndicats qui reste au Canada aujourd'hui. Sa mission est de prodiguer des conseils en matière de politiques publiques sur les questions relatives au marché du travail et aux compétences et d'améliorer les pratiques en matière de relations patronales-syndicales au Canada.
Le CSPC a lancé durant l'année dernière deux grandes initiatives regroupant de multiples intervenants qui, je crois, sont de nature à intéresser directement votre comité. La première est le Centre du savoir sur l'apprentissage et le milieu de travail, lancé en septembre 2005 et financé par le Conseil canadien sur l'apprentissage. Le Centre du savoir sur l'apprentissage et le milieu de travail regroupe plus de 100 organisations dans les milieux des affaires, des syndicats, de l'éducation, des fournisseurs privés de formation, des conseils sectoriels, des organismes de réflexion et des organisations de formation communautaire.
Simplement pour vous montrer, monsieur Allison, à quel point vous avez bien organisé votre liste de témoins d'aujourd'hui, mon organisation est le chef de file du projet du Centre du savoir sur l'apprentissage et le milieu de travail, et autant la Chambre de commerce du Canada que les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques sont membres de notre comité directeur. Je vous jure que nous ne nous sommes pas consultés à l'avance en vue de notre comparution.
Le centre du savoir a trois objectifs, qui sont tous les trois en rapport avec l'objet de votre étude de l'employabilité. Le premier est d'améliorer la quantité et la qualité de l'apprentissage et de la formation reliés à l'emploi. Le deuxième est d'améliorer l'accès à l'apprentissage relié à l'emploi pour certains groupes particuliers, comme les Autochtones, les immigrants et les personnes handicapées. Le troisième objectif est d'améliorer la transition entre le système d'enseignement et le monde du travail, et inversement.
Nous savons qu'il existe beaucoup de connaissances au Canada sur ce que l'on pourrait faire en vue d'apporter des améliorations dans chacun de ces domaines, mais ces connaissances ne sont pas organisées et sont sous-utilisées. Nous devons faire du bien meilleur travail pour ce qui est de faire parvenir une information juste aux personnes qui en ont besoin, dans une forme accessible et au bon moment, afin qu'elles puissent prendre des décisions plus éclairées en matière d'apprentissage et de formation en milieu de travail.
La deuxième nouvelle initiative du CSPC s'appelle Partenaires du milieu de travail, ou PMT. Il s'agit d'un projet de quatre ans financé par le gouvernement fédéral. Il a été lancé en octobre 2005. Cette initiative fait suite à des préoccupations exprimées par les syndicats et les gens d'affaires quant au besoin d'adopter une approche marquée par la collaboration pour répondre aux besoins du Canada relativement aux compétences et au marché du travail. C'est un projet absolument unique parce qu'il n'est pas dirigé par le gouvernement ou par un groupe de réflexion; il est dirigé par des dirigeants patronaux et syndicaux.
Dans le cadre de l'initiative PMT, nous avons effectué des recherches et nous avons fait des sondages auprès des gens d'affaires, des syndiqués et du grand public. Le plus important est que nous avons établi des groupes de travail régionaux comprenant des dirigeants du monde des affaires et des syndicats. Nous allons parcourir le pays pour nous pencher sur ces questions.
Nos deux premiers groupes de travail sont situés dans les provinces de l'Atlantique et en Saskatchewan. Les membres des groupes de travail — des dirigeants du monde des affaires et des syndicats au Canada de l'Atlantique et en Saskatchewan — ont entendu des centaines de personnes dans un contexte de dialogue et de discussion. Ont participé à ce dialogue des représentants des milieux des affaires et des syndicats, mais aussi, de façon beaucoup plus générale, du monde de l'éducation, des groupes communautaires, des groupes d'immigrants, des Autochtones et des gouvernements à tous les niveaux, y compris les municipalités.
Le dossier de l'employabilité a été l'un des grands thèmes de nos travaux. Nous avons fourni des documents d'information, en français et en anglais, qui vous permettront d'en apprendre davantage sur ces initiatives et notre champ d'activité.
Ces deux initiatives toutes nouvelles ont été amorcées l'automne dernier seulement et l'on n'a donc pas eu le temps d'accumuler beaucoup d'expérience. Cependant, comme nous avons rencontré des centaines de gens, et grâce au fait que les activités sont menées conjointement par des gens d'affaires et des représentants des syndicats, nous avons tiré un certain nombre de leçons sur la question de l'employabilité dans ses différentes facettes et dans différentes régions et provinces. Je voudrais vous en faire part aujourd'hui, au moment où vous amorcez vos très importants travaux sur l'employabilité. Je voudrais donc aborder six questions.
Premièrement, j'insiste sur l'importance cruciale de s'attaquer au problème de l'employabilité, particulièrement dans le contexte des pénuries de main-d'oeuvre auxquelles le Canada est confronté. Depuis dix ans, ces pénuries sont devenues une préoccupation prioritaire, non seulement parmi les dirigeants du monde des affaires, mais aussi pour les chefs syndicaux et les cadres supérieurs de la fonction publique.
Les gens d'affaires d'inquiètent des pénuries de main-d'oeuvre pour des raisons tout à fait pratiques. Ils en font l'expérience sur le terrain. D'après le dernier sondage mené l'année dernière par le CSPC auprès des chefs de file, six gestionnaires sur dix, autant dans le secteur public que privé, et les deux tiers des dirigeants syndicaux connaissent actuellement ou prévoient des pénuries de main-d'oeuvre dans leurs compagnies ou leurs organisations : six sur dix, et les deux tiers dans le cas des syndicats.
Ce sont des statistiques et nous sommes convaincus, et nous savons que vous l'êtes également, qu'il faut bien circonscrire le problème. Nos groupes de travail régionaux des Partenaires du milieu de travail ont confirmé les résultats de notre sondage. Dans chacune des cinq discussions que nous avons tenues dans les provinces de l'Atlantique et en Saskatchewan jusqu'à maintenant, des centaines de participants ont décrit les pénuries de main-d'oeuvre comme un grave problème et ont dit leur conviction que la situation empirerait au cours des cinq prochaines années.
Ce serait une erreur de croire que les pénuries de main-d'oeuvre sont simplement des irritants mineurs ou des anomalies que nous pouvons nous permettre de négliger. Il ne faut pas croire non plus que c'est un problème à court terme auquel on pourra remédier par une solution rapide et toute faite. Les pénuries de main-d'oeuvre sont ancrées dans la situation démographique : la baisse de la fertilité et le vieillissement de la population. Les politiques socio-économiques ne peuvent plus tabler sur la disponibilité d'une offre de main-d'oeuvre inépuisable, surtout de main-d'oeuvre spécialisée. Dans ce nouveau Canada, nous devons mieux utiliser les ressources humaines dont nous disposons, multiplier les possibilités pour assurer la pleine participation de la population active et investir dans le perfectionnement des compétences de notre main-d'oeuvre actuelle.
Deuxièmement, nous devons avoir une idée claire de ce que nous voulons dire quand nous utilisons les mots ou expressions « employabilité » ou « problèmes d'employabilité ». La plupart des définitions de l'employabilité consistent en une description des qualités personnelles et des habiletés d'une personne, et ça s'arrête là. Ces qualités personnelles comprennent des habiletés essentielles comme de savoir lire, écrire et compter, des habiletés techniques, savoir faire une recherche d'emploi, et des qualités entrepreneuriales. Mais la problématique de l'employabilité va bien au-delà des caractéristiques personnelles et doit prendre en compte les rôles et responsabilités des nombreux intervenants sur le marché du travail et de l'apprentissage. Cela inclut les gens d'affaires qui embauchent des travailleurs, les éducateurs et les formateurs qui préparent les travailleurs à s'intégrer à la population active, les organisations d'immigrants qui aident les personnes nouvellement arrivées à s'intégrer au marché du travail, et les syndicats qui offrent souvent des cours de langue et des programmes d'alphabétisation.
L'un des messages clairs que nous avons reçus dans le cadre de nos travaux est le besoin d'une coordination plus étroite et d'une meilleure collaboration entre les divers intervenants des marchés de l'apprentissage et du travail. On reconnaît — vous serez contents de l'entendre — que le gouvernement ne peut pas résoudre tous les problèmes à lui seul; aucun intervenant ne pourra à lui seul résoudre ces problèmes. Mais les gens veulent que leurs gouvernements jouent un rôle plus constructif et fassent preuve d'une meilleure collaboration.
Un rôle que le gouvernement fédéral peut jouer est de continuer à créer et à soutenir des foyers de collaboration pour veiller à ce que les voix des gens d'affaires, du monde syndical et des autres intervenants communautaires, qui sont des participants actifs à la recherche de solutions, puissent se faire entendre.
Le gouvernement fédéral devrait aussi faciliter la diffusion des connaissances et le partage des pratiques novatrices en matière d'employabilité, surtout dans les domaines où il a accumulé une expertise considérable, notamment l'immigration, les questions autochtones et l'alphabétisation. Nous sommes conscients qu'il faut tenir compte du partage des compétences. Le défi pour le gouvernement fédéral est de trouver le rôle approprié qui sera à la fois positif, participatif et de soutien.
Troisièmement, le gouvernement fédéral doit être très conscient des circonstances particulières, aux niveaux régional, provincial et de la collectivité, qui définissent la problématique de l'employabilité et les solutions envisageables. Il n'y a pas de solution unique applicable universellement.
Nos groupes de travail PMT régionaux ont montré que, quoique les pénuries de main-d'oeuvre soient perçues comme un grave problème partout au Canada, les facteurs qui sont à la source du problème peuvent être remarquablement différents d'une région à l'autre.
Certaines régions connaissent des pénuries dans un contexte de quasi-plein emploi, et l'on songe notamment à l'Alberta. Ailleurs, les pénuries se produisent plutôt dans le contexte d'un taux de chômage élevé, par exemple dans certaines régions du Québec et de l'Atlantique. Certaines régions perdent en grand nombre leurs adolescents et leurs jeunes adultes qui s'en vont dans d'autres parties du pays. Certaines régions reçoivent beaucoup d'immigrants; d'autres n'en reçoivent que très peu. Dans certaines régions, la population active est caractérisée par la présence d'une population autochtone jeune et nombreuse. Nous avons appris que pour être efficaces, les solutions aux problèmes d'employabilité appliquées aux niveaux régional, provincial et communautaire doivent prendre en compte ces circonstances très différentes d'un endroit à l'autre.
Quatrièmement, il existe un grand besoin d'une information plus étoffée et meilleure sur le marché du travail. C'est essentiel pour les étudiants, les parents, les employeurs et les responsables de l'éducation. Ceux qui prennent des décisions en matière d'apprentissage et de marché du travail pour renforcer leur employabilité ne peuvent pas le faire en l'absence de toute information. L'information sur le marché du travail doit être plus accessible et plus conviviale. Comprendre le caractère évolutif de la population active du Canada, tel est peut-être le véritable point de départ d'un processus décisionnel constructif, et ce défi est d'autant plus difficile si l'on tient compte des profondes différences régionales dans notre population active. Il est clair que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle essentiel au niveau de la compilation et de la diffusion de l'information sur le marché du travail.
Cinquièmement, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en s'attaquant à ce que nous appelons des disjonctions en matière d'employabilité. Prenons l'exemple de l'alphabétisation. Comme vous le savez, quatre Canadiens sur dix ont des capacités de lecture et d'écriture inférieures au seuil souhaitable pour quiconque veut s'adapter à l'évolution rapide des exigences en matière d'habiletés dans une économie fondée sur le savoir.
Cependant, d'après le sondage mené en 2005 par le CSPC auprès des dirigeants, les employeurs ne croient pas que le faible niveau d'alphabétisme soit un problème sérieux pour l'économie. Les employeurs accordent une très faible priorité au renforcement des capacités de lire, d'écrire et de compter. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en favorisant une prise de conscience quant à l'existence de ces disjonctions en matière d'employabilité et en mettant en évidence les meilleures pratiques qui peuvent faire une différence.
Sixièmement, et c'est mon dernier point, tenir à jour les habiletés des Canadiens qui font partie de la population active est un aspect important pour maintenir l'employabilité et la compétitivité. Soutenir et renforcer notre effort d'apprentissage en milieu de travail, y compris en encourageant les employeurs à investir dans la formation en milieu de travail, voilà une dimension essentielle de tout programme de perfectionnement des compétences et d'employabilité.
Il existe déjà au Canada et ailleurs dans le monde un certain nombre de mesures fiscales et autres qui ont pour but de renforcer les efforts de formation en milieu de travail. Le gouvernement fédéral devrait explorer ces mécanismes dans le cadre de son approche globale à l'employabilité.
En conclusion, le CSPC accueille favorablement l'initiative du comité et la chance qui nous est donnée de travailler avec vous, non seulement aujourd'hui, mais à l'avenir, quand les deux grandes initiatives que nous avons lancées récemment seront davantage à maturité. Nous sommes par ailleurs ravis que les dirigeants du monde des affaires et des syndicats qui font partie de nos groupes de travail régionaux au Canada de l'Atlantique et en Saskatchewan auront l'occasion de présenter leurs propres conclusions à votre comité à l'automne. À ce moment-là, des groupes de Partenaires du milieu de travail auront été constitués et seront actifs en Ontario et au Manitoba et nous serions donc ravis de revenir témoigner.
Les difficultés en matière de compétences et d'employabilité au Canada sont grandes, mais non pas insurmontables. Nous sommes optimistes quant à la possibilité de trouver des solutions. En effet, il est logique, à la fois pour des raisons sociales et économiques, de s'attacher à résoudre les problèmes d'employabilité.
En ce moment même, les questions d'employabilité font l'objet de discussions parmi les dirigeants d'entreprises et syndicaux et les autres intervenants, de manière constructive, un peu partout au Canada. Nous comptons avoir le plaisir de rencontrer de nouveaux les membres du comité à mesure que vous poursuivrez vos travaux au cours des prochains mois.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Sharon Manson Singer et je suis présidente des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques. Le Dr Ron Saunders m'accompagne aujourd'hui; Ron est notre directeur du réseau sur l'emploi.
Au cours des sept ou huit prochaines minutes, je voudrais vous dire quelques mots sur notre organisation. Je vais ensuite vous faire part de certains faits tirés de notre récent ouvrage intitulé Too Many Left Behind. Je vais enfin vous raconter quelques histoires pour illustrer ce que cela veut dire d'être laissé pour compte et la manière dont nous résolvons nos problèmes au Canada.
Premièrement, les RCRPP sont un centre de recherche en politiques indépendant à but non lucratif. Nous réfléchissons à ce dont les Canadiens ont besoin, nous discutons avec les Canadiens pour savoir ce qu'ils veulent, après quoi nous diffusons l'information ainsi recueillie aux gouvernements à tous les niveaux. Nous sommes ravis qu'on nous ait invités à venir témoigner ici aujourd'hui. Nous pensons avoir des choses importantes à vous dire et nous sommes tout disposés à vous aider à mener à bien votre tâche.
Notre mission est de créer des connaissances et d'orienter le débat public sur des questions économiques et sociales qui ont une importance déterminante pour les Canadiens. Nous faisons cela en nous penchant sur des domaines qui sont très importants pour les Canadiens : le travail est évidemment une préoccupation centrale; les questions familiales; la santé; et la participation publique, c'est-à-dire tout le domaine de la démocratie et la manière dont les Canadiens peuvent s'impliquer.
Comme Shirley l'a déjà dit, le réseau de la main-d'oeuvre participe au comité directeur du Centre du savoir sur l'apprentissage et le milieu de travail, qui est un programme en partenariat.
Si vous le voulez bien, je vais vous faire part de certains faits assez troublants.
Premièrement, neuf millions de Canadiens en âge de travailler ne possèdent pas un niveau élémentaire d'alphabétisme; neuf millions de Canadiens en âge de travailler ne savent pas lire et écrire à un niveau considéré nécessaire pour vivre, être productifs et travailler dans la société actuelle. C'est une statistique renversante. Le Canada fait beaucoup moins bien à ce chapitre que les autres pays, selon les mesures de l'OCDE. Il y a 3,7 millions de Canadiens âgés de 25 à 64 ans qui ne détiennent pas de diplôme d'études secondaires ou de titre de compétences de niveau supérieur. En l'absence de ces titres et en l'absence de ce niveau de base d'alphabétisme, ils sont condamnés à des emplois mal payés, des emplois de bas de gamme, et ils ont moins de possibilités d'apprendre.
Nous ne donnons pas aux Canadiens qui ne réussissent pas du premier coup à décrocher un diplôme d'école secondaire de très bonnes chances de se reprendre. C'est très difficile pour eux de sortir de cette impasse dans laquelle ils se trouvent sur le marché du travail, et cette situation ne leur offre pas les possibilités que l'on recherche pour ses enfants, les membres de sa famille, les mères et les pères de notre prochaine génération.
Permettez que je vous décrive à quoi cette situation ressemble pour trois personnes qui vont servir d'exemples.
Prenons d'abord le cas de Pedro. Pedro a 29 ans. Il travaille depuis huit ans comme travailleur syndiqué dans une usine. Il a un bon emploi, un bon salaire et il est en sécurité. Il est également admissible à l'assurance-emploi. Il vient d'apprendre que son emploi n'existe plus. L'usine est fermée et la compagnie quitte le Canada. Qu'arrive-t-il à Pedro qui, lui, reste au Canada?
En fait, il est en assez bonne posture parce qu'il touche des prestations d'assurance-emploi. À titre de prestataire de l'assurance-emploi, il a droit à beaucoup de programmes fédéraux qui vont l'aider à se perfectionner ou à acquérir de nouvelles habiletés pour se recycler, mais il trouve difficile d'avoir accès aux services. Il n'y a aucune ligne téléphonique centrale où il pourrait trouver toute l'information dont il a besoin pour savoir comment s'en sortir. C'est difficile pour lui, mais il va avoir de l'aide.
Voyons maintenant le cas de Debbie. Debbie a 25 ans. Elle a un emploi au salaire minimum dans le secteur du détail. Elle est une travailleuse du secteur des services et elle travaille depuis quatre ans. Elle a une fille de sept ans et elle s'inquiète beaucoup de son avenir. Debbie aimerait avoir une meilleure vie et elle aimerait améliorer son sort. Elle a une onzième année et il lui manque quelques cours de mathématiques et de sciences. Elle pense qu'elle voudrait vraiment faire mieux. Elle aimerait devenir technicienne médicale ou infirmière et elle voudrait vraiment améliorer sa condition.
Elle a probablement une longue route devant elle, parce qu'en fait, son investissement dans son propre capital humain est assez faible pour commencer puisqu'elle n'a même pas fini l'école secondaire. Le chemin sera très long pour elle car elle devra subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant pendant qu'elle tentera de s'inscrire à une école décernant des diplômes professionnels, ce qui lui permettrait d'apporter une précieuse contribution. Comme vous le savez, nous avons assurément besoin de travailleurs de la santé dans notre pays. Il y a une pénurie chronique. Nous voudrions que Debbie soit encouragée à se perfectionner pour enfin trouver du travail dans ce secteur.
Dans quelle mesure son cheminement sera-t-il difficile? Elle est confrontée à des dissuasions financières qui lui rendent vraiment difficile l'accès à l'aide dont elle aura besoin pour assurer la sécurité de sa fille pendant qu'elle investit dans sa propre éducation. Il semble bien que Debbie sera probablement forcée de contracter un emprunt personnel pour aller de l'avant. Elle occupe un emploi au salaire minimum et les facteurs de risque sont donc assez élevés pour elle si elle veut essayer d'investir dans sa propre éducation. C'est un véritable obstacle pour cette personne qui s'efforce de s'affirmer davantage dans la société.
Je vais vous raconter encore une autre histoire, après quoi je vais vous parler un peu de la situation aux quatre coins du pays en ce qui concerne l'accès.
Que dire de Nadja? Nadja a 33 ans. Elle est sans emploi et elle est actuellement assistée sociale. Elle a travaillé comme nettoyeuse et elle a une dixième année. Comme vous pouvez l'imaginer, elle a quitté l'école depuis un bon bout de temps. Elle n'a rien fait pour investir dans son éducation et les compagnies de nettoyage pour lesquelles elle a travaillé ne l'ont pas encouragée à renforcer sa capacité de lire et d'écrire ou à poursuivre ses études. Elle a quitté l'école secondaire à l'âge de 16 ans et elle a décroché depuis longtemps.
Comment cela se présente-t-il pour Nadja? Comment va-t-elle perfectionner ses compétences et s'ouvrir de nouvelles portes en investissant dans son propre capital humain? Nadja cherche elle aussi de l'aide parce qu'elle est assistée sociale. La plupart des provinces d'un bout à l'autre du pays aident les prestataires de l'assistance sociale à acquérir un niveau d'alphabétisme de base. En fait, en Ontario, c'est obligatoire pour les assistés sociaux de renforcer leur niveau d'alphabétisme, mais c'est un système fragmenté qui manque d'uniformité d'un bout à l'autre du pays. De plus, à moins que le préposé qui s'occupe de son cas ne l'aide à trouver les ressources dont elle a besoin, ce sera très difficile pour Nadja de comprendre le système d'apprentissage pour adultes et de s'y retrouver.
Ce que l'on peut dire quant à ce qui s'est passé au Canada en vue de donner une deuxième chance à ces travailleurs adultes, c'est que la plupart des provinces ont lancé d'importantes initiatives pour améliorer leurs systèmes d'éducation pour adultes. Mais ces systèmes demeurent très complexes, fragmentés et incomplets. Les sites Web sont la méthode la plus fréquemment utilisée pour obtenir de l'information, mais ils sont complexes et la navigation y est difficile. N'oublions pas qu'on a affaire à des gens qui ont un faible niveau d'alphabétisme, pour qui l'information affichée sur les sites Web n'est pas facilement accessible.
On constate beaucoup de lacunes. Il y a des lacunes dans la coordination et les services de counselling qui sont disponibles pour aider les apprenants adultes à retourner dans le système d'éducation. Chose certaine, l'aide financière est très complexe et difficile à obtenir et, dans certains cas, n'est pas vraiment disponible de sources gouvernementales, mais seulement de sources privées. L'aide des employeurs et les investissements gouvernementaux ont été médiocres, surtout de la part des employeurs. Là encore, le Canada se situe en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE pour ce qui est de l'investissement de nos employeurs dans la formation de la main-d'oeuvre.
Nous savons que quand nous relevons le niveau d'alphabétisme de nos travailleurs adultes d'un cran à partir du bas, la productivité fait un bond en conséquence. Le fait de relever un très faible niveau d'alphabétisme influe fortement sur le niveau de productivité du Canada. Cet effort déployé au plus bas niveau entraîne un relèvement sensible et généralisé et cela fait une plus grande différence que d'investir dans la formation de pointe de nos travailleurs les plus qualifiés. Relever le niveau de la base fait une énorme différence.
Nous vous recommandons d'adopter une vision d'un système d'apprentissage pour adultes selon laquelle personne ne quittera l'école sans avoir acquis un ensemble minimal de compétences liées à l'employabilité. À l'âge adulte, tout le monde aurait donc une deuxième chance raisonnable à la fois d'améliorer les compétences de base et de maintenir, perfectionner ou transformer des compétences avancées tout au long de la vie.
Nous voudrions dire que les adultes doivent avoir accès facilement à des renseignements faciles à comprendre sur les possibilités d'apprentissage pour adultes — c'est difficile de savoir comment s'améliorer si l'on ne peut même pas trouver comment s'y prendre —, que nous devons fournir l'aide et le counselling nécessaires et que le tout doit être coordonné. Le guichet unique est vraiment une manière de s'y prendre pour faciliter le tout. Nous recommandons que le développement des compétences des travailleurs, en particulier des travailleurs qui sont au bas de l'échelle, soit considéré important et perçu comme un investissement rentable. Songez à l'image d'un navire qu'on renfloue : en relevant le fond, on donne un coup de pouce à la productivité du Canada tout entier.
Maintenant, comment s'y prendre pour y parvenir? Je pense que nous pouvons commencer par mettre en place un cadre de travail fondé sur le droit d'apprendre. Et si l'on songe à la manière dont nous traitons notre réseau d'écoles primaires et d'écoles secondaires, nous avons le droit fondamental à l'éducation, mais dès qu'on quitte l'école secondaire, même sans avoir décroché un diplôme, il n'y a plus jamais de système en place qui offre vraiment le droit d'apprendre. Que va faire Pedro? Que va faire Nadja? Et que penser de Debbie? Comment allons-nous aider ces gens-là à contribuer pleinement à la société canadienne?
Nous devons examiner nos programmes d'aide financière, car ils sont actuellement conçus en réalité pour des enfants qui quittent la maison pour la première fois et qui commencent des études postsecondaires. Ils ne sont pas conçus en fonction des apprenants adultes qui ont des familles et qui retournent à l'école. La plupart des programmes d'aide financière exigent que l'on réduise tous ses actifs, autrement dit, que l'on commence par dépenser l'argent des REEE que l'on a épargné pour payer les études des enfants, des REER que l'on a épargné pour la retraite. Notre système d'aide financière ne tient pas compte de tout ce que nous encourageons nos travailleurs à faire au Canada et il demande en fait aux gens de se diminuer au lieu de se renforcer.
Les programmes d'aide financière de notre gouvernement fonctionnent à l'inverse de notre approche dans le secteur privé. Dans le secteur privé, quand on a des actifs, les gens sont prêts à vous donner beaucoup d'argent. Ce que nous disons aux gens, quand nous leur demandons de présenter une demande d'aide financière au gouvernement, c'est ceci : dépouillez-vous de tous vos actifs, après quoi nous finirons par vous donner quelque chose. Je pense donc que les apprenants adultes qui tentent de faire des choix rationnels et d'investir dans leur propre capital humain se butent à des obstacles contraignants pour leurs familles, et ces obstacles rendent très difficile pour eux de consentir cet investissement.
Nous pensons qu'il est important d'investir dans l'acquisition des habiletés de base et qu'il incombe au gouvernement de le faire. Nous pensons que c'est un investissement valable et important.
Enfin, je voudrais faire un plaidoyer au nom de Nadja, Debbie et Pedro. Je vous prie instamment d'adopter une approche coordonnée qui me rendrait la tâche plus facile pour ce qui est de m'y retrouver et de faire une différence.
Nous vous avons remis des documents dans lesquels vous trouverez des tableaux et des statistiques, mais je veux vraiment vous donner l'occasion de rencontrer des Canadiens qui sont en butte à des difficultés à cause du manque de coordination et de la difficulté d'avoir accès à l'apprentissage pour adultes et de discuter un peu de ce que tout cela veut dire pour nous, pour notre pays.
Je tiens à vous remercier beaucoup et je réitère, comme ma collègue et amie Shirley l'a dit, que nous sommes ici pour vous aider. Si nous pouvons vous être utile dans le cadre de vos travaux, nous nous ferons un plaisir de vous rendre service, en particulier en mettant à votre disposition notre expertise en matière d'apprentissage pour adultes et d'autres domaines associés au travail et à nos politiques dans ce domaine.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui, et je vous présente mon collègue M. McKinstry, qui est premier analyste de politiques dans notre organisation.
Je ne prendrai pas beaucoup de temps aujourd'hui. Je vais seulement aborder trois ou quatre points et je vous ferai des recommandations dont je serai ensuite tout disposé à discuter.
Je ne m'étendrai pas non plus sur la Chambre de commerce du Canada. Je pense que la plupart des gens autour de la table connaissent très bien notre organisation. Nous représentons quelque 170 000 entreprises d'un bout à l'autre du pays. Vous comprendrez que nos membres sont des employeurs et qu'ils sont donc directement intéressés à tout l'éventail des questions entourant l'employabilité, et j'espère en aborder un certain nombre aujourd'hui.
Étant donné la conjoncture économique et notre bonne performance économique, qui a entraîné le plus bas taux de chômage depuis 32 ans, ce qui a présenté au marché du travail des défis nouveaux et intéressants, nommément le besoin d'accroître la productivité face à la nouvelle concurrence planétaire et l'émergence de pénuries de compétences et de main-d'oeuvre, la chambre est heureuse que votre comité ait entrepris une étude sur l'employabilité au Canada. Les pénuries de compétences et de main-d'oeuvre deviennent de plus en plus apparentes dans beaucoup de secteurs et de régions du pays, et si cette situation persiste, elle continuera de limiter la capacité de croissance de notre économie.
Nous allons nous attarder aujourd'hui dans nos commentaires et nos recommandations à la question du besoin d'une plus grande mobilité des travailleurs. Nous allons vous parler un peu de l'assurance-emploi et du système que nous avons aujourd'hui et du besoin, à notre avis, d'y apporter certaines améliorations et certaines réformes, notamment parce que le régime peut décourager l'attachement au marché du travail et la mobilité de la main-d'oeuvre — deux points importants eu égard à l'étude que vous avez entreprise.
Nous voulons aussi vous parler du taux marginal d'imposition sur le revenu qui est élevé pour les travailleurs à faible revenu; nous sommes revenus à la charge sur cette question durant plusieurs cycles budgétaires, et je voudrais en parler encore aujourd'hui. Il y a ensuite la question de la reconnaissance des titres, et je sais que bon nombre d'entre vous connaissent bien ce dossier. Et enfin, nous allons vous parler un peu des programmes d'apprentissage, autre composante importante de notre développement économique.
Premièrement, parlons un peu de la mobilité de la main-d'oeuvre. Il est certain que la mobilité de la main-d'oeuvre à l'intérieur du Canada est essentielle pour assurer le bon fonctionnement de l'économie. La mobilité de la main-d'oeuvre, c'est la capacité des travailleurs qualifiés d'exercer leur profession partout où la possibilité s'en présente. À l'heure actuelle, entre 15 p. 100 et 20 p. 100 des travailleurs au Canada travaillent dans des professions et métiers réglementés. La plupart des professions et métiers réglementés sont régis par des organismes de réglementation au niveau provincial ou par les gouvernements provinciaux eux-mêmes.
Le chapitre 7 de l'Accord de 1994 sur le commerce intérieur visait à permettre à tout travailleur ayant compétence pour exercer un métier dans une province ou un territoire de se voir accorder des possibilités d'emploi dans ce métier dans toute autre province ou territoire. Les progrès dans la mise en application du chapitre 7 de cet accord sur le commerce ont été déraisonnablement lents. Pour beaucoup de professions, les exigences pour l'octroi d'un permis varient sensiblement d'une province à l'autre. Dans beaucoup de professions et métiers, les responsables de la réglementation sont encore en train de se débattre avec des questions comme les changements à la loi, le champ d'activité, les exigences en matière d'éducation et les mécanismes d'évaluation. La chambre recommande que le chapitre 7 de l'ACI soit pleinement mis en oeuvre.
Les travailleurs qui ne peuvent pas se déplacer librement et exercer leur profession n'importe où au pays sont limités dans leur capacité de tirer profit des possibilités de carrière qui s'offrent à eux, et les coûts supplémentaires et les retards pour ceux qui s'inscrivent en vue d'exercer leur métier dans une autre province représentent une perte financière pour l'employé et un perte économique pour la société. En outre, il y a une perte de productivité et de compétitivité si les employeurs tardent à combler des postes vacants quand ils doivent embaucher des employés venus de l'extérieur de la province. Cela peut avoir comme effet secondaire de nuire aux investissements. En conséquence, la chambre recommande que le gouvernement fédéral encourage les gouvernements provinciaux et territoriaux, les associations professionnelles et les syndicats à aplanir les difficultés actuelles en matière de règles et de réglementation qui découragent le libre mouvement de la main-d'oeuvre.
Je vais maintenant toucher un mot du régime d'assurance-emploi.
Notre système actuel, à notre avis, est loin d'être satisfaisant pour ce qui est d'encourager l'attachement au marché du travail et la mobilité de la main-d'oeuvre; dans certains cas, il fait même obstacle à la participation au marché du travail. L'objet premier de notre système d'AE, qui est financé à la fois par les employeurs et les employés, comme vous le savez pertinemment, est de fournir une aide financière temporaire à ceux qui perdent leur emploi sans qu'il y soit de leur faute. Cependant, la manière dont le système est conçu peut décourager l'attachement au marché du travail, la participation à la population active et la mobilité de la main-d'oeuvre. En effet, les gens peuvent continuer de travailler dans des postes saisonniers — ce n'est qu'un exemple, et j'y reviendrai dans un instant — comme le font beaucoup de Canadiens, et toucher des prestations d'AE pendant le reste de l'année. De plus, aucune sanction au niveau des prestations n'est prévue dans le programme d'AE. Ainsi, les récidivistes qui ont régulièrement recours au système touchent les mêmes prestations que ceux qui sont prestataires pour la première fois ou rarement.
Je voudrais maintenant toucher un mot d'un programme dont la reconduction a récemment été annoncée par le gouvernement et qui nous préoccupe beaucoup, ainsi que tous les employeurs d'un bout à l'autre du pays, à savoir le projet pilote des prestataires d'AE, le soi-disant programme s'adressant à ceux qui vivent une période creuse saisonnière. Ce projet pilote de 18 mois, offert à ceux qui habitent dans des régions où le chômage dépassait 10 p. 100 à l'époque — ce taux a maintenant été ramené à 8 p. 100, et l'on peut en discuter — augmente le soutien du revenu offert par l'AE en donnant accès à cinq semaines supplémentaires de prestations, jusqu'à un maximum de 45 semaines.
La Chambre de commerce du Canada croit que cela nuit aux efforts pour contrer les pénuries de main-d'oeuvre et de compétences qui existent partout au Canada. En outre, la chambre recommande le rétablissement de l'AE à titre de véritable programme d'assurance. Je pense que c'est là le problème le plus important auquel nous sommes confrontés quand il s'agit du programme d'assurance-emploi — de faire en sorte qu'il redevienne ce qu'il devait être au départ. Cela renforcerait l'efficience du marché du travail, stimulerait la productivité et la croissance économique et avec le temps, augmenterait en conséquence le niveau de vie de tous les Canadiens.
Les taux d'imposition marginaux de l'impôt sur le revenu sont élevés pour les travailleurs à faible revenu : au seul énoncé de cette problématique, on sent qu'il y a quelque chose qui cloche. C'est une situation vraiment malheureuse et, comme je l'ai dit, nous sommes revenus à la charge à ce sujet tout au long de plusieurs cycles budgétaires. Il faut espérer que nous parviendrons au but.
Il faut en faire davantage pour alléger le fardeau fiscal des travailleurs à revenus faibles et moyens, surtout les familles qui gagnent entre 25 000 $ et 45 000 $ par année. Pour ces familles, qu'il s'agisse d'un couple dont un seul des conjoints travaille ou d'un couple qui a deux enfants, le taux d'imposition marginal trop élevé décourage l'effort et le travail, parce que bon nombre des transferts publics qu'ils reçoivent — par exemple la prestation fiscale pour enfants, le crédit de TPS et le crédit pour taxe de vente provinciale, le crédit d'impôt foncier, l'aide financière aux étudiants, et l'assistance sociale — sont récupérés par le fisc à mesure que le revenu augmente. En fait, pour beaucoup de familles à revenu faible et moyen, le taux d'imposition marginal réel, compte tenu des prestations fondées sur le revenu, est supérieur à 60 p. 100 et donc plus élevé que le taux applicable à la tranche supérieure des revenus. C'est non seulement inéquitable, mais cela transmet aussi un message puissamment négatif quant au mérite du travail, de l'épargne et du perfectionnement des compétences dans l'économie.
C'est pourquoi la chambre a recommandé que le gouvernement fédéral consacre la plus grande partie du surplus prévu à la baisse des impôts, en particulier pour les familles à revenu faible et moyen, parce que leur taux d'imposition marginal est le plus élevé, à cause de la récupération fiscale de nombreuses prestations.
Pour ce qui est des titres étrangers, chaque année, comme vous le savez très bien, je crois, le Canada reçoit entre 220 000 et 245 000 immigrants. Je fais observer que ce chiffre comprend les réfugiés, qui représentent une composante appréciable.
Beaucoup de ces immigrants sont hautement qualifiés. Bien qu'ils aient un niveau de scolarité élevé, les immigrants éprouvent de plus en plus de difficultés sur le marché du travail et subissent des pertes financières parce que leurs études ne sont pas reconnues. Statistique Canada signale que 70 p. 100 des nouveaux arrivants qui ont tenté d'entrer sur le marché du travail ont identifié au moins un problème associé à ce processus — par exemple, la transférabilité de leurs titres de compétences étrangers, l'absence de contacts, et la barrière linguistique.
Beaucoup d'immigrants qualifiés qui viennent au Canada s'aperçoivent qu'il leur est difficile de trouver du travail dans la profession ou le métier pour lequel ils ont des titres et qualités, parce que leurs titres ne sont pas reconnus par les employeurs ou les associations professionnelles. Cela représente un important obstacle quand il s'agit d'attirer des immigrants, ce qui sape notre compétitivité. Qu'on ne s'y trompe pas : l'immigration est un facteur de compétitivité, étant donné la situation démographique de notre pays. De plus, confrontés à l'obligation d'engager des dépenses pour recommencer leurs études ou suivre des cours supplémentaires, certains abandonnent tout simplement, ce qui entraîne une perte de productivité pour notre économie.
La chambre de commerce croit que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce dossier, un rôle fondamental, en s'attaquant à cette disjonction entre le processus de demande d'immigration et la reconnaissance des titres étrangers. Pour ce faire, le gouvernement fédéral doit travailler de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les associations professionnelles et commerciales, les établissements d'enseignement et les organisations qui sont au service des immigrants afin de mettre en place un service accéléré d'évaluation et de reconnaissance des titres étrangers au Canada; les intéressés pourraient faire appel à ce service pour évaluer leurs titres de compétences et leur délivrer des certificats permettant de travailler dans des professions réglementées et non réglementées.
Pour sauver du temps, monsieur le président, je n'ai pas abordé aujourd'hui un certain nombre de questions associées aux mesures annoncées dans le récent budget, mais nous reconnaissons pleinement que le dernier budget fédéral accordait justement une certaine attention à ce problème.
Au sujet des programmes d'apprentissage, le Canada ne forme pas suffisamment d'apprentis pour répondre à la demande actuelle et future. Les statistiques ne mentent pas. À l'heure actuelle, les employeurs canadiens payent entre 75 p. 100 et 90 p. 100 du coût des programmes d'apprentissage qui sont le lien entre la formation et l'employabilité. La formation en apprentissage relève des provinces et des territoires, mais exige la participation et l'engagement du gouvernement fédéral comme superviseur des objectifs et des normes à l'échelle nationale, de l'orientation du marché et de la position concurrentielle internationale.
Il n'y a pas de normes sur la qualité et la pertinence des programmes d'apprentissage et il n'y a pas d'information accessible sur les emplois, surtout pour ceux qui doivent changer de carrière. Il faut donner accès à une formation spécifique sans dédoublement.
Il faut inscrire dans le programme d'études traditionnel un éventail plus large de compétences, notamment en mathématiques, en sciences, dans l'art de lancer une entreprise, de créer un esprit d'équipe, et dans la formation de leaders. Les métiers spécialisés doivent attirer une proportion équitable d'étudiants, il faut faire en sorte que l'industrie puisse les conserver à leur poste et il faut reconnaître la valeur de leur formation et de leurs compétences à l'échelle internationale.
Il y a actuellement un écart entre la formation qui est fournie et les compétences qui sont nécessaires. Pour combler cet écart, il faut recueillir des données pour quantifier et qualifier les besoins précis à l'intention des formateurs. Cette information pourrait ensuite être utilisée par les employeurs, le gouvernement, les établissements d'enseignement postsecondaire et les associations industrielles comme base pour l'établissement de programmes appropriés pour répondre aux besoins de l'industrie.
Dans le dernier budget, on a reconnu ce besoin d'une plus grande participation aux programmes d'apprentissage et l'on a pris certaines mesures positives pour appuyer à la fois les employeurs et les apprentis. Cependant, un effort soutenu doit être déployé à la fois par le gouvernement et l'entreprise pour veiller à ce que les gens qui s'inscrivent à des programmes d'apprentissage se voient ensuite offrir des possibilités intéressantes.
Cela met fin à notre exposé d'aujourd'hui, monsieur le président. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de témoigner et nous sommes tout disposés à donner de plus amples explications sur les points que j'ai abordés.
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Monsieur le président, je pense que la députée a posé deux questions. Je vais commenter brièvement la première. Pour la deuxième, je peux dire que je suis un peu étonné qu'on me pose cette question à votre comité, mais je vais me faire un plaisir de vous parler du changement climatique.
Pour ce qui est de la problématique, je ne pense pas avoir parlé de vider une province pour trouver des solutions à l'emploi dans une autre, de vider une province au profit d'une autre. Ce qui me préoccupe, par contre, c'est que nous devons veiller à nous doter d'un marché du travail qui ait une certaine souplesse, qui soit dépourvu d'une rigidité sanctionnée par le gouvernement, pour que nous puissions placer les gens dans les emplois qu'ils veulent occuper. Il n'est pas question de forcer les gens à faire cela; nous voulons plutôt créer des possibilités pour que les gens puissent le faire, au lieu de mettre des bâtons dans les roues des gens qui voudraient aller là où se trouvent des emplois.
Ce n'est pas un concept nouveau. La mobilité de la main-d'oeuvre existe bel et bien au Canada aujourd'hui. La question est de savoir si elle est suffisante. Elle existe bel et bien aux États-Unis et dans beaucoup d'économies, en fait dans le monde entier. Nous devrons compter, comme Shirley vient de le dire, sur la mobilité de la main-d'oeuvre des autres pays, de la main-d'oeuvre qui viendra chez nous pour combler nos besoins de main-d'oeuvre dans les prochaines années, compte tenu de la réalité démographique du Canada.
Donc notre position, et ici je réponds à la question sur la situation de l'AE, est tout à fait centrée sur l'idée qu'il y a deux choses que nous ne pouvons pas avoir. Premièrement, il est clair que nous ne voulons pas d'une situation où nous n'incitons pas les gens à envisager d'aller là où se trouve le travail, là où des emplois attendent d'être comblés dans notre propre pays. Donc, au lieu de voir les frontières provinciales comme des obstacles, on veut éliminer cette barrière. Il faut l'éliminer pour la reconnaissance des titres, il faut l'éliminer pour des raisons réglementaires, il faut éliminer toutes les frontières, dans la mesure du possible.
Ce que nous ne faisons pas dans l'AE, c'est d'éliminer les obstacles. Ce projet pilote que je viens d'évoquer en est un exemple, et c'est un exemple frappant parce que c'est récent. L'essai vient juste de prendre fin au début du mois. Je n'entrerai pas dans les détails aujourd'hui, à moins que vous ne le souhaitiez, mais du point de vue d'une bonne politique publique, je ne donnerais pas une très bonne note à cet épisode.
Pour ce qui est du changement climatique et de l'élaboration de solutions écoénergétiques, si vous m'accordez une minute, monsieur le président, je vais vous en parler. La chambre s'intéresse beaucoup au dossier du changement climatique depuis de nombreuses années, parce que c'est tellement vital, pas seulement du point de vue environnemental, mais aussi pour l'économie du Canada. Telle est notre position depuis de nombreuses années.
Pour ce qui est d'acheter des crédits à l'étranger, comme exemple d'une solution possible, ce n'est pas un modèle que la chambre de commerce... Depuis maintenant bien des années, nous soutenons qu'il n'est pas très logique d'acheter de l'air chaud russe ou d'autres crédits pour assumer nos obligations à l'égard de Kyoto. Ces derniers temps, on a accordé beaucoup plus d'importance à une approche rationnelle qui a émergé de la réunion de décembre à Montréal, la plus récente conférence des partis, et dont on continue de discuter. Nous commençons maintenant à voir le changement climatique dans une bonne optique.
Je vais faire deux brèves observations.
Premièrement, c'est de la technologie que viendront les solutions dans ce dossier. Nous devons encourager davantage le développement technologique dans l'économie.
Par ailleurs, il faut agir au bon moment. C'est un phénomène planétaire avec lequel nous sommes aux prises, et non pas un problème que nous pouvons régler au Canada. À l'heure actuelle, aux termes du Protocole de Kyoto, il n'existe aucun système permettant à tous les grands pollueurs et émetteurs de gaz à effet de serre de jouer le rôle central qu'ils doivent jouer. Je pense qu'il y a là une occasion, compte tenu des faits nouveaux qui se font jour sur la scène internationale, nous permettant de participer au dossier dans une perspective canadienne. Je compte que nous allons jouer un rôle à ce niveau.
Je vais m'en tenir là, monsieur le président.
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Merci beaucoup pour votre question.
C'est un autre exemple de disjonction. Nous avons vu récemment des gouvernements déclarer que l'un des moyens de résoudre le problème de la pénurie de compétences, c'est d'inciter les gens à travailler plus longtemps. Nous avons donc pris trois mesures pour fouiller cette question. Nous avons eu deux groupes de travail dans le Canada de l'Atlantique et en Saskatchewan, nous avons fait une enquête auprès des dirigeants du monde des affaires et syndical, et nous avons fait un sondage auprès du grand public.
Quand nous avons posé cette question précise dans tous les contextes susmentionnés, nous n'avons perçu absolument aucun désir parmi le grand public, les dirigeants du monde des affaires et des syndicats, ou les centaines de personnes qui ont participé aux discussions dans l'Atlantique et en Saskatchewan, de recourir à la prolongation de la vie professionnelle comme solution aux problèmes des pénuries de main-d'oeuvre. Ce que les gens voulaient, c'était plutôt de s'assurer de mettre en place de bons programmes de mentorat pendant que les travailleurs âgés sont encore au travail, de manière que les jeunes travailleurs acquièrent de l'expérience au contact de leurs collègues plus âgés.
J'ose dire que les grandes politiques nationales comportent de graves lacunes si l'on tient compte de ce qui se passe vraiment dans les régions. Je vais utiliser l'exemple flagrant de l'AE dans l'Île-du-Prince-Édouard, où notre groupe de travail a été très actif.
À moins d'éliminer l'industrie de la pêche au Canada de l'Atlantique, il n'y a aucun moyen, à court terme, d'éviter le problème des travailleurs saisonniers. Ce n'est pas la faute des travailleurs si le travail est saisonnier. Dans le cas de l'Î.-P.-É., les gens voulaient continuer à travailler dans le domaine de la pêche, mais ils voulaient avoir accès à l'AE, non pas essentiellement comme soutien du revenu, mais pour obtenir des cours de perfectionnement des compétences et d'entreprenariat pour ouvrir de petites entreprises et se recycler dans d'autres secteurs.
Il est absolument essentiel que votre comité se rende dans différentes régions du pays, et je sais d'ailleurs qu'il va le faire. De même, au chapitre des migrations, ce qui est très bon pour certaines provinces prend une toute autre allure dans des provinces comme celles de l'Atlantique, le Québec dans une certaine mesure, et la Saskatchewan, où le plus grave problème que les gens évoquent, sans exception, est la perte des jeunes travailleurs, avec les conséquences que cela entraîne pour l'économie locale. Nous devons faire très attention — et j'espère que le comité va se rendre dans les régions — de connaître le point de vue des régions et d'en tenir compte, au lieu de se contenter de dicter les politiques et de prendre des mesures fédérales à partir d'un point central.
Merci.