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Merci beaucoup de nous avoir invités aujourd’hui.
Oui, nous comprenons bien que le comité souhaite tenir des discussions sur les questions d’employabilité. Nous sommes donc venus aujourd’hui pour aborder trois des six sujets que vous avez choisis: les pénuries de travailleurs qualifiés, la mobilité de la main-d’œuvre et la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Un autre groupe de représentants du ministère viendra la semaine prochaine, le 8 juin, pour discuter avec vous des trois autres sujets : les travailleurs saisonniers, les travailleurs âgés et l’alphabétisation en milieu de travail.
Si vous le permettez, je voudrais commencer par présenter mes collègues. Je suis accompagnée de Cliff Halliwell, directeur général intérimaire de la Recherche en politiques et de la coordination, de Barbara Glover, directrice générale intérimaire des Politiques du marché du travail, et de Corinne Prince-St-Amand, directrice générale chargée des programmes pour les travailleurs étrangers et les immigrants, qui s’occupe également de l’Accord sur le commerce intérieur et de la mobilité.
[Français]
Nous vous avons fourni de la documentation sur les dossiers d'aujourd'hui dans les deux langues officielles, ce qui, nous l'espérons, aidera à mettre en lumière des faits pertinents et des résultats de recherche à l'égard de l'enjeu que vous examinez.
Je débuterai mes observations par une brève description du marché du travail canadien. Elle sera suivie d'un court sommaire des trois enjeux d'aujourd'hui. Il nous fera plaisir de répondre ensuite à vos questions.
[Traduction]
Le marché canadien du travail va bien. Les taux de participation et d’emploi se classent parmi les plus élevés des pays de l’OCDE et le taux de chômage, à 6,4 p. 100, est à son plus bas en trois décennies. La croissance de l’emploi demeure forte : 220 000 emplois ont été créés en 2005, dont 205 000 à temps plein. Nous en sommes ainsi à la douzième année consécutive de gains en matière d’emplois à temps plein. De même, le salaire horaire moyen a augmenté de 3,5 p. 100 en 2005.
Bien que le Canada se soit classé derrière les États-Unis au chapitre de la croissance de la productivité de la main-d’œuvre dans les dernières années, en 2005, la productivité de la main-d’œuvre dans le secteur canadien des affaires a augmenté pour la première fois en trois ans. Elle s’est accrue de 2,2 p. 100, ce qui représente en fait la plus forte augmentation annuelle depuis le début de la décennie.
Dans les années qui viennent, un certain nombre de facteurs actuels et émergents pourraient à la fois aggraver les défis et nous ouvrir de nouvelles perspectives. Je ne mentionnerai ce matin que quelques-uns des principaux facteurs : la mondialisation, le boom du marché des produits de base, l’économie du savoir et le vieillissement de notre population.
Les États-Unis demeurent notre principal partenaire commercial, mais les économies émergentes, et notamment la Chine et l’Inde, ouvrent de nouveaux marchés pour nos produits et nos services et sont également la source d’une concurrence croissante dans un certain nombre de secteurs, dont celui de la fabrication.
Le boom du marché des produits de base constitue de plus en plus une importante source de croissance tant régionale que sectorielle et de changement dans le pays. En particulier, les pénuries de main-d’œuvre sont nettement plus prononcées et plus persistantes dans l’Ouest canadien, par suite de la forte croissance du secteur énergétique. En même temps, la hausse des prix de l’énergie, alliée à un dollar plus fort et à une concurrence internationale accrue, engendre des défis pour le secteur manufacturier du Canada central. De plus, un taux de chômage élevé persiste dans certaines régions de l’Est.
Le quatrième facteur important qui influe sur notre marché du travail est la transition vers une économie du savoir. À mesure que la portée et le rythme du changement technologique s’intensifient, la demande de main-d’œuvre évolue de plus en plus vers le domaine des travailleurs qualifiés. La demande de compétences spécialisées augmente dans un certain nombre de secteurs, notamment la santé, le pétrole et le gaz, le bâtiment et les mines.
Enfin, le vieillissement de la population pose bien sûr différents problèmes dans le contexte canadien, mais son effet le plus prononcé se manifestera probablement dans le domaine de l’offre future de main-d’œuvre. Avec un ralentissement de la croissance de la population active, il serait difficile de maintenir les taux de croissance antérieure et d’améliorer notre niveau de vie.
Bref, il est évident que nous avons besoin d’une main-d’œuvre hautement qualifiée qui soit adaptable et flexible et puisse résister à toutes les pressions du changement.
Je voudrais maintenant passer à la question des travailleurs qualifiés et des pénuries dans ce domaine.
[Français]
Les indicateurs du marché du travail, comme le taux d'emploi, le taux de chômage, le taux de participation à la population active et le salaire réel n'offrent aucune preuve de l'existence d'une pénurie de main-d'oeuvre généralisée au Canada à l'heure actuelle.
Toutefois, une situation où s'équilibrent la demande et l'offre de main-d'oeuvre en général cache habituellement de nombreux cas de déséquilibre dans des régions, professions et secteurs particuliers, alors qu'une offre excédentaire à certains endroits coexiste avec une demande excédentaire à d'autres endroits.
[Traduction]
Il y a en ce moment des indices de pénurie dans plusieurs professions et métiers spécialisés, notamment dans le secteur de la santé. Nous considérons que c’est le résultat d’une hausse de la demande liée au vieillissement de la population ainsi que des départs à la retraite parmi les professionnels de la santé. Il y a également des pénuries dans le secteur du pétrole et du gaz, surtout à cause des grands investissements qui s’y font, particulièrement dans l’Ouest, et dans le domaine de la gestion, principalement à cause de nombreux départs à la retraite.
La plupart des professions et métiers spécialisés qui connaissent actuellement une forte demande de main-d’œuvre seront probablement dans la même situation pendant plusieurs années. Cela est notamment attribuable au départ à la retraite des membres de la génération du baby-boom, qui crée des vacances dans tous les secteurs.
Les réactions du marché, notamment sous forme de salaires plus élevés, peuvent sûrement atténuer ces pénuries avec le temps en encourageant les étudiants à s’inscrire à des programmes d’études leur permettant d’accéder aux professions les plus demandées et en encourageant les employeurs à passer des secteurs les moins actifs et les moins vigoureux aux secteurs, aux régions et aux professions les plus dynamiques.
Il va sans dire que le soutien des études postsecondaires et de la formation pendant toute la vie des travailleurs revêt une grande importance afin qu’ils disposent des compétences de base nécessaires pour s’adapter souvent aux changements du marché du travail.
Je voudrais simplement noter ici que, dans le récent budget 2006, le gouvernement fédéral a proposé un certain nombre d’initiatives en faveur d’une main-d’œuvre plus qualifiée et plus instruite. Il y a notamment des projets visant à discuter avec les provinces de nouvelles mesures de soutien prévisibles et à long terme de l’éducation postsecondaires et de la formation, quelques investissements immédiats dans l’infrastructure de l’éducation postsecondaire et des mesures d’appui aux programmes d’apprentissage.
Je passe maintenant à la question de la mobilité de la main-d’œuvre.
[Français]
La mobilité de la main-d'oeuvre est la capacité des travailleurs de passer d'un emploi, d'une profession, d'une région et d'un secteur à un autre.
Le type de mobilité vers lequel nous tendons à nous concentrer surtout est la capacité des travailleurs de déménager dans une région ou une province différente pour trouver un emploi. Le libre mouvement des travailleurs entre les provinces est un volet important de l'union économique du Canada.
[Traduction]
La mobilité de la main-d’œuvre est la capacité des travailleurs de passer d’un emploi, d’une profession, d’une région et d’un secteur à un autre. Pour aller un peu plus loin, je voudrais mentionner trois raisons pour lesquelles la mobilité est importante.
Premièrement, la mobilité est essentielle à la croissance et à la prospérité parce qu’elle permet d’affecter la main-d’œuvre à des usages plus productifs, dans des entreprises et des domaines pouvant profiter à l’économie canadienne.
Deuxièmement, la mobilité facilite l’adaptation, notamment aux forces de la mondialisation et à l’innovation technologique qui modifient les caractéristiques des entreprises et des travailleurs les plus susceptibles de réussir au Canada. Pour pouvoir s’adapter à ces changements, les travailleurs doivent être en mesure de passer des secteurs et des carrières en déclin à d’autres qui sont en croissance.
Troisièmement, il n’y a pas de doute que les citoyens ont le droit d’aller où bon leur semble au Canada. Le libre mouvement des travailleurs renforce l’union économique du Canada et l’ensemble de l’économie.
Nous n’avons pas d’objectifs précis quant au degré de mobilité que la main-d’œuvre devrait avoir. En l’absence d’obstacles artificiels, les forces du marché devraient déterminer les mouvements nécessaires. Si un secteur en plein essor a besoin d’un plus grand nombre de travailleurs, il peut les obtenir en offrant de meilleurs salaires, des incitatifs au déménagement, etc. Toutefois, si les travailleurs compétents et expérimentés sont empêchés de prendre les emplois vacants parce qu’ils ne peuvent pas obtenir un permis dans une province ou une région différente du pays, on peut dire que le marché du travail ne fonctionne pas correctement.
Les plus importants obstacles à la mobilité comprennent la nécessité pour les travailleurs d’obtenir un nouvel agrément ou de faire reconnaître leurs titres de compétences lorsqu’ils changent de province. Les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral ont convenu de coopérer en vue de l’élimination de ces obstacles dans les professions réglementées. Vous trouverez les engagements pris à cet égard dans le premier document qui traitait de la question, l’Accord sur le commerce intérieur signé en 1994. Les progrès accomplis n’ont cependant pas été aussi rapides qu’ils auraient pu l’être.
Une enquête réalisée en 2005 par le forum fédéral-provincial-territorial des ministres du marché du travail a révélé que 35 p. 100 des travailleurs ont des difficultés à obtenir un nouveau permis lorsqu’ils changent de province. Une proportion encore plus importante des travailleurs (50 p. 100) ont les mêmes difficultés s’ils ont été formés ou ont obtenu leurs titres de compétences à l’étranger.
Voilà pour la mobilité de la main-d’œuvre. Je vais maintenant passer brièvement à la reconnaissance des titres de compétences étrangers. On s’attend à ce que la totalité de la croissance nette de la population active soit due à l’immigration, qui nous aidera donc à répondre à nos besoins futurs de main-d’œuvre et à régler nos problèmes de productivité.
La recherche nous révèle cependant qu’environ 60 p. 100 des immigrants qui travaillent au Canada n’ont pas un emploi du même niveau que dans leur pays d’origine, indépendamment de leur niveau d’instruction. Cette situation est surtout attribuable au fait que nous ne reconnaissons pas leurs titres de compétences, que leurs capacités linguistiques sont insuffisantes et qu’ils n’ont pas l’expérience canadienne exigée par les employeurs.
Ressources humaines et Développement social Canada avait mis en place depuis quelques années un programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers dans le cadre duquel nous collaborons avec les provinces, les territoires, d’autres partenaires et les intervenants tels que les organismes de réglementation, les conseils sectoriels, les organismes provinciaux d’évaluation et les établissements postsecondaires pour mettre en œuvre des processus plus équitables et plus transparents de reconnaissance des titres de compétences permettant d’atténuer les difficultés que connaissent les immigrants.
Depuis son lancement en 2003, le programme a financé différents projets de diagnostic, de recherche, de formation de partenariats, d’encouragement des employeurs, d’élaboration d’outils et de processus pouvant accélérer l’évaluation et la reconnaissance des titres de compétences et de rationalisation de ces processus, par exemple en administrant des examens réglementaires en ligne et en établissant certains services d’intégration à l’étranger dans le cadre de projets pilotes.
Au départ, après avoir consulté les provinces, les responsables du programme ont concentré leurs efforts sur trois professions réglementées — les médecins, les infirmières et les ingénieurs — à cause des pénuries qui existent dans tout le pays dans le cas des deux premières et, dans le cas de la troisième, parce que la majorité des candidats à l’immigration de la composante économique déclarent qu’ils sont ingénieurs. Par la suite, sur la base de discussions tenues dans les 18 à 24 derniers mois avec les provinces et les territoires, nous avons commencé à nous occuper de cinq autres professions de la santé qui sont très demandées : les pharmaciens, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, les techniciens de laboratoire médical et les techniciens en radiation médicale.
Dans ce cas aussi, le récent budget fédéral réserve 18 millions de dollars sur deux ans pour consulter les provinces, les territoires et les intervenants sur le mandat, la structure et la gouvernance d’un organisme national et pour commencer à établir cet organisme, qui serait chargé de participer à l’évaluation et à la reconnaissance des titres de compétences.
Monsieur le président, c’est tout ce que j’ai à dire. Nous serons heureux de répondre aux questions concernant cet exposé, la documentation que nous avons fournie ou tout autre sujet que les membres du comité souhaiteraient discuter avec nous.
Nous produisons chaque année une série de prévisions que nous plaçons sur notre site Web à l’intention des gens qui veulent savoir où se trouvent les secteurs de pénurie et les secteurs où il pourrait y avoir un excédent de main-d’œuvre dans le marché du travail canadien. Les prévisions sont présentées comme vous le voyez ici. Elles sont le résultat des analyses que le ministère fait depuis plus d’un quart de siècle.
Nous travaillons actuellement sur les prévisions de 2006, mais j’ai des résultats préliminaires qui donnent une idée des domaines dans lesquels il y a une forte demande. Vous serez peut-être intéressés ou amusés de savoir qu'en tête de ma liste de domaines de pénurie, il y a les législateurs et les cadres supérieurs. Je soupçonne que c’est davantage dans la catégorie des cadres supérieurs que se situent les pénuries.
J’ai cependant dans ma liste un grand nombre de professions et de métiers: gestionnaires de ressources humaines, spécialistes des ressources humaines et en services aux entreprises, géologues, géochimistes, géophysiciens, ingénieurs civils. La liste est très longue. Elle contient toutes les professions de la santé ainsi que les avocats, les notaires au Québec, les professeurs d’université, les psychologues, les spécialistes en relations publiques et en communications. On y trouve aussi beaucoup de métiers: constructeurs et rénovateurs de maisons, exploitants d’installations, gestionnaires d’entretien, et j’en passe.
De toute évidence, il y a une multitude de professions qui connaissent une forte demande, et ce n’est pas seulement par suite d’une forte croissance de l’économie dans certains domaines. En fait, d’après nos prévisions, deux sur trois des postes qui deviendront vacants dans les 10 prochaines années seront dus non à la création de nouveaux emplois, mais plutôt à des départs à la retraite. Cela signifie que le vieillissement de la population engendre des pressions dans une vaste gamme de professions, et pas seulement dans les secteurs les plus dynamiques, comme le pétrole et le gaz ou la santé.
Quant aux incidences de ces pressions, on peut facilement prévoir une hausse des salaires pour encourager les gens à rester dans la population active ou pour les amener à passer aux secteurs où la demande est la plus forte. Pour un travailleur, je ne crois pas que ce soit là un problème difficile, c’est plutôt une situation avantageuse. À mon avis, les entreprises devront apprendre à s’adapter à ces pressions. Elles devront commencer à investir dans la nouvelle technologie pour améliorer les rendements et mieux utiliser leurs travailleurs. Cela pourrait jouer un rôle important dans la réduction de l’écart de productivité ou de rendement par travailleur qui existe entre le Canada et les États-Unis.
Je voudrais parler surtout de la question de la formation et du perfectionnement et demander pourquoi nous l’abordons si tard. Nous savions qu’il y aurait des pénuries de main-d’œuvre lorsque nous avons examiné l’évolution démographique et les autres changements survenus.
J’ai eu la chance de participer à des visites en Europe, notamment en Irlande et en Finlande. Lorsque les Irlandais ont décidé de rétablir leur économie dans les années 1970, ils ont commencé par étudier la question des pénuries de main-d’œuvre et de la formation nécessaire et sont très rapidement passés à l’action. Leur première initiative a consisté à mettre en place les ressources voulues pour former tous ceux qui pouvaient l’être.
La Finlande a fait la même chose. De plus, la Finlande, l’Irlande et d’autres pays européens ont modifié leur législation de l’immigration pour permettre à leurs citoyens qui étaient allés chercher du travail en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde de rentrer dans leur pays et d’avoir une double citoyenneté. Cela n’était pas permis auparavant. Les pays européens ont fait ces changements parce qu’ils s’attendaient à des pénuries de main-d’œuvre. Dans chacun de ces pays, quand on demandait quel était le plus grand obstacle à la croissance, la réponse mentionnait toujours l’accès à une main-d’œuvre spécialisée et à des travailleurs qualifiés.
Et voilà où nous en sommes aujourd’hui. Nous avons reçu beaucoup de ces immigrants et nous espérons en recevoir d’autres. En effet, comme vous l’avez dit, la natalité étant ce qu’elle est au Canada, nous allons devoir compter sur l’immigration pour avoir les travailleurs spécialisés et qualifiés dont nous avons besoin.
Je suis cependant inquiet de voir qu’en ce moment, nous ne donnons pas à nos propres gens une assez bonne formation. Dans ma collectivité, je connais des jeunes qui ne vont pas à l’école, ne vont pas au collège, ne s’inscrivent pas à des programmes d’apprentissage parce que c’est trop difficile, trop compliqué et surtout trop coûteux. Par conséquent, beaucoup d’entre eux prennent des emplois dans des magasins d’alimentation ou des centres d’appel, ce qui constitue une sous-utilisation de leur potentiel et de leurs compétences. Cela nous ramène à la question de la productivité et de la compétitivité.
Nous avons donc des milliers et des milliers de personnes... Nous avons reçu la semaine dernière trois études d’après lesquelles non seulement les pauvres s’appauvrissent encore plus, mais les travailleurs aussi deviennent de plus en plus pauvres. Nous avons maintenant une classe de travailleurs économiquement faibles qui constituent une proportion croissante de notre population. Les gens acceptent des emplois mal rémunérés parce qu’ils ne semblent pas trouver des moyens d’obtenir une formation pouvant leur permettre d’accéder à de meilleurs emplois.
Je voudrais donc savoir ceci: Pourquoi avons-nous tellement tardé à agir? Pourquoi sommes-nous assis ici aujourd’hui, en 2006, à nous demander s’il y aura un problème alors que nous savions — ou du moins que d’autres savaient — que des difficultés s’annonçaient il y a déjà 20 ou 30 ans?
Dans les années 1960 et 1970, pendant que j’étais encore à l’école, des centaines et des centaines de personnes étaient inscrites à des programmes d’apprentissage un peu partout, notamment chez Algoma Ore et Algoma Steel, dans ma région. Presque dans chaque entreprise, il y avait 20 ou 30 apprentis qui ne semblaient pas avoir eu de difficultés à se faire engager. Les gens travaillaient fort pour acquérir des compétences et obtenaient de l’aide pour le faire. Je me souviens, par exemple, d’étudiants de Wawa qui s’inscrivaient au George Brown College de Toronto afin d’obtenir la formation officielle dont ils avaient besoin pour avoir des papiers. Il ne semble plus possible de le faire aujourd’hui. Les sociétés ne sont plus intéressées et les jeunes trouvent cela trop difficile et trop coûteux.
Que faisons-nous pour remédier à ce problème?
Je me suis peut-être un peu trop étendu, mais je voudrais mentionner un autre facteur. Nous avons maintenant des travailleurs formés à l’étranger qui veulent venir chez nous pour acquérir de l’expérience et apprendre comment nous faisons les choses au Canada. Ils sont en concurrence avec nos propres gens qui veulent aussi obtenir de la formation parce qu’il y a trop peu de places accessibles.
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Merci, monsieur le président.
En effet, ce dossier est extrêmement complexe. Nous avons mis de l'avant des politiques qui, à mon avis, permettaient de relever plusieurs défis. Malheureusement, lorsqu'on consulte les statistiques de l'OCDE, on constate que le Canada a perdu du terrain sur les plans de la productivité et de la compétitivité. Dans certains domaines, nous n'avons réussi qu'à nous maintenir la tête hors de l'eau. Nous avons bien fait sur le plan de l'économie du savoir et de l'éducation, mais nous connaissons certaines difficultés en termes de politiques liées à la productivité et à la compétitivité. Cela représente un grand défi, compte tenu de ce qui se passe en Asie du Sud, notamment en Chine et en Inde.
Il serait important de discuter ici d'une question existentielle: la mobilité et les besoins régionaux. Lorsque vous mettez de l'avant une politique de péréquation ou que vous voulez vous assurer de freiner l'exode des régions et d'être respectueux d'une stratégie rurale et urbaine, il est essentiel de s'assurer que le mot « mobilité » ne signifie pas « exode ».
Lorsque j'étais ministre la Citoyenneté et de l'Immigration, nous travaillions avec vous, non seulement de façon passive — en d'autres mots, nous allions chercher l'information que vous possédiez — mais aussi de façon active, notamment au chapitre de la reconnaissance et de l'identification des besoins des travailleurs temporaires, par exemple. Vous avez signé une entente avec le Mexique et, dernièrement, avec le Guatemala.
Croyez-vous qu'une des solutions pour s'assurer que les régions ne se vident pas, tout en étant respectueux de la Charte des droits et libertés et en répondant aux besoins de mobilité, serait d'adopter davantage ce genre de politiques?
Présentement, les politiques favorisent uniquement les fermiers et les empaqueteurs de viande. D'ailleurs, je sais qu'on le fait à Winnipeg. Croyez-vous que nous devrions également avoir une entente avec des associations professionnelles? Devrions-nous avoir un guichet unique pour la reconnaissance des besoins et des titres?
Par exemple, si on a besoin d'un médecin à Moose Jaw, on va s'organiser pour embaucher quelqu'un temporairement. Toutefois, plutôt que de parler d'un contrat de six mois, on pourrait parler d'un contrat de cinq ans, puisque c'est le temps qu'il faut pour qu'une personne prenne racine avec sa famille et participe pleinement, non seulement à l'effort économique, mais aussi à la vie communautaire.
Avez-vous fait des études là-dessus?
Mme Prince-St-Amand ou Mme Jackson pourraient-elles répondre à mes questions?
Puis-je dire un mot d'abord des statistiques les plus récentes sur les médecins qui sont chez nous qui ont été formés à l'étranger? Nous savons que, en 2005, il y avait environ 14 000 médecins diplômés à l'étranger qui exerçaient au Canada. Ils ont surmonté les obstacles que vous avez décrits, et ils exercent la médecine. Ce que nous ignorons, et nous n'avons pas de données sûres là-dessus, c'est combien il y en a d'autres chez nous qui ne peuvent obtenir leur permis d'exercice.
Les responsables de notre Programme de reconnaissance des titres de compétence étrangers travaillent depuis deux ans avec le Conseil médical du Canada pour essayer de résoudre ce problème. Trois projets sont en cours en ce moment même.
Le premier est une évaluation en ligne. Les médecins formés à l'étranger peuvent, depuis leur pays d'origine, avant leur arrivée en sol canadien, faire une évaluation électronique sur Internet pour vérifier leurs titres par rapport aux exigences canadiennes et savoir, avant même de décider d'émigrer au Canada, s'ils sont généralement à la hauteur et s'il y aura des problèmes d'intégration dans leur profession lorsqu'ils arriveront.
Un deuxième projet que nous réalisons avec le Conseil médical du Canada porte sur l'examen d'évaluation. Par le passé, cet examen, auquel doivent se soumettre les médecins formés au Canada aussi bien que ceux qui ont étudié à l'étranger, était proposé une fois par année au Canada, à Toronto. Par conséquent, les médecins formés à l'étranger devaient venir par avion à Toronto pour se présenter à leur examen d'évaluation, ce qui leur coûtait très cher. Le projet consiste à offrir l'examen dans de nombreux pays, en plus du Canada, et beaucoup plus souvent au cours de l'année. Cela aide à augmenter le nombre de candidats étrangers qui peuvent se présenter à l'examen. On espère ainsi faire augmenter le nombre de médecins qui exercent leur profession dans nos localités.
Notre dernier projet, toujours avec le Conseil médical du Canada, qui vise à aider les médecins et à répondre à la demande dans toutes les régions du Canada, est une agence nationale de vérification des titres de compétence. Cette agence sera en somme un guichet unique pour les médecins qui souhaitent venir s'installer au Canada. Comme vous le savez si vous avez jamais discuté avec un étranger qui veut venir au Canada et qui exerce une profession pour laquelle il faut avoir un permis, il faut apporter de nombreux exemplaires des documents originaux, qui doivent être évalués et reconnus par les autorités réglementaires compétentes avant que la personne ne puisse se présenter à l'examen pour obtenir son permis.
Les médecins formés à l'étranger pourront envoyer une série de documents à cette agence pour faire évaluer et reconnaître leurs titres de compétence. L'agence créera un fichier dans une base de données pour le médecin, au cas où il obtiendrait d'autres accréditations au cours de sa carrière. On y trouvera un historique à jour et la liste des titres de compétence tout au long de sa pratique.
C'est dire que les autorités en matière de santé, au lieu de devoir s'assurer d'abord que les titres ne sont pas frauduleux, qu'ils ont été évalués correctement et que le candidat satisfait à toutes les exigences pour avoir son permis, devront s'adresser à un seul endroit. Les employeurs n'auront plus à vérifier aux divers endroits où le médecin a exercé sa profession pour voir s'il s'agit de vrais hôpitaux de bonne réputation. Tout ce travail sera fait par l'agence nationale pour les médecins...