Je suis accompagné d'Audrey Nowack, qui est conseillère juridique principale au bureau du commissaire. Elle travaille au bureau depuis beaucoup plus longtemps que moi et a une bien meilleure connaissance de la loi.
Je veux vous parler ce matin de quelques-uns des enjeux qui ont évolué ou émergé depuis mon arrivée.
[Français]
C'est la première fois que je comparais devant ce comité à titre de commissaire aux élections fédérales. J'ai été nommé commissaire le 18 septembre dernier. Je vous remercie de me donner cette occasion de vous parler des activités de mon bureau et de répondre à vos questions.
Je parlerai d'abord du rôle du commissaire, des processus d'observation et d'exécution de la Loi électorale du Canada déjà en place et de ceux nouvellement adoptés.
Je vais commencer par faire l'historique du rôle du commissaire.
Jusqu'en 1974, aucun responsable fédéral n'était chargé de veiller à l'exécution de la Loi électorale du Canada. Cette année-là, on a donc créé la fonction du commissaire aux dépenses d'élection. Ce dernier avait pour mandat de superviser l'application de nouvelles dispositions financières de la Loi électorale du Canada, qui avaient alors été ajoutées à la loi.
En 1977, les responsabilités du commissaire, renommé commissaire aux élections fédérales, ont été élargies de manière à couvrir toutes les dispositions de la loi, mandat similaire encore aujourd'hui.
[Traduction]
En 1993, on a mis sur pied un réseau national d'enquêteurs engagés par contrat et formés par mon bureau pour mener les enquêtes au nom du commissaire. C'était auparavant la GRC qui s'occupait de ces enquêtes.
Il y a toujours un protocole d'entente en vigueur entre le commissaire aux élections fédérales et le commissaire de la GRC pour que l'aide nécessaire soit offerte à la GRC par des experts en informatique, des technologues de l'information et des juricomptables, par exemple. Il arrive à l'occasion que la GRC et le bureau du commissaire mènent une enquête conjointe.
Mon bureau compte un enquêteur en chef qui est soutenu dans son travail par sept enquêteurs en chef adjoints. Tous ensemble, ils assurent la coordination des enquêtes menées sur place par 28 enquêteurs répartis dans les différentes régions du pays, surtout dans les grandes villes.
Par souci d'équité et d'uniformité du processus, les règles, les politiques et les procédures relatives aux enquêtes sont décrites dans un Manuel des enquêteurs, que l'on peut consulter sur le site Web d'Élections Canada. Ce manuel est actuellement mis à jour en fonction des changements découlant de la promulgation du projet de loi C-2 et d'autres modifications législatives.
Dans mon rôle de commissaire, je peux compter sur l'aide de conseillers juridiques à l'administration centrale pour la gestion des enquêtes. Comme vous le savez peut-être, les poursuites sont maintenant prises en charge par le nouveau Service fédéral des poursuites, qui a à sa tête le directeur des poursuites pénales. Jusqu'au 12 décembre, j'étais également responsable des poursuites en vertu de la Loi électorale du Canada. Je dois maintenant soumettre les cas par renvoi de mon bureau à celui du directeur des poursuites pénales. C'est un bureau de taille plutôt réduite.
Je vous parle maintenant des pouvoirs et responsabilités du commissaire. L'article 509 de la loi est la principale autorité législative qui institue le mandat du commissaire et sa mission de veiller à l'observation et à l'exécution de la loi. Pour s'acquitter de ces responsabilités, le commissaire peut prendre toutes les mesures jugées nécessaires dans l'intérêt public, y compris l'institution d'une enquête, une demande d'injonction, la conclusion d'une transaction et la recommandation d'une poursuite.
Les plaintes proviennent de différentes sources. Elles peuvent venir de candidats ou de leurs représentants, d'agents des partis politiques, de citoyens intéressés; c'est toutefois Élections Canada qui constitue la principale source de cas référés. Par exemple, pour l'élection de 2004, 75 p. 100 de l'ensemble des cas à traiter avaient été soumis par renvoi par Élections Canada.
:
J'utilise ici deux termes distincts: « plaintes » et « renvois ». Par plaintes, j'entends les cas qui ne proviennent pas d'Élections Canada, mais bien d'autres sources. Lorsque je parle de renvois, il s'agit des cas soumis à l'interne.
Pour ce qui est du processus d'observation et d'exécution de la loi, dès que mon bureau est saisi d'une plainte ou d'un renvoi, un de mes conseillers juridiques est chargé de mener une évaluation préliminaire. Il lui faut déterminer si l'agissement qui fait l'objet de la plainte ou du renvoi correspond à une infraction expressément prévue dans la loi et quel type d'enquête il faut mener, le cas échéant.
En ma qualité de commissaire, l'article 513 m'autorise à instituer une enquête, si j'estime que l'intérêt public le justifie. Pour ce faire, je ne peux pas m'appuyer sur de simples hypothèses. J'ai besoin d'indications objectives et fiables à l'effet qu'il y a pu avoir violation bien définie de la loi. Dans ce contexte, nous demandons souvent des éclaircissements au sujet d'une plainte, surtout lorsqu'elle vient d'un citoyen, et de plus amples détails — données de base, dates, lieux, documents, autres témoins possibles — pour nous aider à décider s'il y a lieu de tenir une enquête.
Après avoir examiné l'information fournie, le conseiller juridique rédige un bref rapport où il analyse la plainte et propose une ligne de conduite à adopter. S'il recommande une enquête, son rapport inclura également un plan élaboré de concert avec l'enquêteur en chef. De nombreux cas soumis n'exigent aucune enquête et sont réglés ou simplement fermés parce qu'ils ne justifient pas que l'on fasse enquête. Nous avons toujours environ une quarantaine de cas soumis à une enquête.
Je prends connaissance du rapport du conseiller juridique et je décide des mesures à prendre en indiquant certaines orientations générales aux enquêteurs. En fait, j'approuve le plan avant qu'il ne soit mis en oeuvre.
Une fois l'enquête terminée, le conseiller juridique rédige un deuxième rapport dans lequel il analyse les résultats de l'enquête afin de déterminer s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise en vertu de la loi. Il peut alors recommander une façon de régler la cause. Il arrive de temps à autre qu'on me soumette des rapports provisoires, mais c'est surtout parce que je suis curieux et que je veux savoir ce qui se passe.
C'est à moi qu'il incombe de déterminer si nous devrions recommander une poursuite, proposer une transaction, envoyer une lettre de mise en garde ou une autre forme de communication, ou ne rien faire du tout. En période électorale, on peut envisager le recours à une injonction pour faire cesser certains agissements ou apporter des correctifs de manière à régler rapidement un problème. Nous n'avons jamais eu à demander une telle injonction, mais il demeure intéressant de simplement pouvoir compter sur cette possibilité.
Pour tous les dossiers qui sont traités, nous écrivons au plaignant à la fin du processus afin de lui expliquer ce qui a été décidé. Ce n'est pas nécessairement le cas pour les dossiers soumis à l'interne en provenance d'Élections Canada, mais tous les autres plaignants sont tenus au fait de la situation.
Pour ce qui est des mesures d'exécution, deux outils principaux sont bien décrits dans la loi: les transactions et les poursuites. La loi reconnaît toutefois que d'autres mesures peuvent être prises.
Les transactions sont essentiellement des ententes volontaires conclues entre moi-même et la personne ou l'organisation qui a contrevenu à la loi. Ces dispositions ont été ajoutées à la loi par le Parlement en 2000. Les transactions sont de plus en plus utilisées pour assurer l'observation de la loi. Elles ont l'avantage de produire des résultats sans avoir recours aux tribunaux, un processus long et coûteux, comme vous le savez tous. Par souci de transparence, un résumé de ces transactions est publié dans la Gazette du Canada et peut être consulté sur le site Web d'Élections Canada.
En pareil cas, il y a eu de toute évidence infraction à la loi, ce qu'admet d'ailleurs la personne responsable, mais il n'est pas nécessaire d'intenter des poursuites. Ces mesures procurent une souplesse accrue dans l'exécution de la loi et viennent compléter en ce sens les poursuites, mais sans s'y substituer.
Il y a des cas où l'intérêt public justifie que l'on intente des poursuites même si la personne en cause souhaiterait conclure une transaction. Avant qu'on ne recommande des poursuites au directeur des poursuites pénales — depuis le 12 décembre, comme je l'ai signalé — le commissaire doit être convaincu qu'il existe des preuves suffisantes pour établir qu'il y a eu infraction hors de tout doute raisonnable et qu'il y a matière raisonnable à condamnation. Le cas échéant, il faut ensuite se demander si la poursuite servira l'intérêt public, en tenant compte de différentes considérations à cet égard, comme la possibilité de recourir à d'autres modes d'exécution de la loi, la gravité de l'infraction présumée et les circonstances aggravantes et atténuantes.
Ces infractions réglementaires exigent en fait le même traitement que toute autre sanction criminelle découlant d'une poursuite en vertu de la loi et nécessitent donc une analyse qui tienne compte du respect des protections et des droits accordés par la Charte canadienne des droits et libertés.
Il y a de nombreux cas où des mesures informelles sont prises pour veiller à l'observation et l'exécution de la loi. Je les qualifie d'informelles parce que nous nous servons d'outils qui ne sont pas expressément prévus par la loi. Dans bien des cas soumis par Élections Canada, les infractions présumées à la loi sont bénignes, involontaires ou de nature technique. Il y a par exemple de nombreuses personnes qui négligent de produire un rapport dans les délais impartis. Une grande partie des dossiers qui sont soumis par Élections Canada font suite à de telles violations de la loi. Si vous vous demandez pourquoi ces cas nous sont tout de même référés, je vous rappelle que c'est à nous, et non à Élections Canada, qu'il incombe en vertu de la loi de prendre une décision à cet égard.
Il y a donc certaines plaintes touchant des infractions mineures qui ne nécessitent même pas une transaction, et encore moins une recommandation de poursuite. Dans bien des cas, il suffit d'envoyer une mise en garde à la personne prise en faute pour s'assurer qu'elle fera le nécessaire à l'avenir. J'ai rédigé à cette fin une lettre de mise en garde du commissaire. J'y expose les faits établis en fonction de l'information dont dispose mon bureau. J'y précise ce que prévoit la loi et, partant, la nature de l'infraction commise et les pénalités prévues. Après avoir indiqué au contrevenant en quoi il avait enfreint la loi, je l'invite à communiquer avec un conseiller juridique si les faits sont erronés. Sinon, je lui demande de ne pas réitérer ses agissements.
C'est un mécanisme que j'ai mis en place en septembre lorsque j'ai entrepris mes fonctions, parce que j'avais l'impression qu'il nous fallait un outil supplémentaire pour traiter différentes fautes mineures qui constituent tout de même des violations de la loi. À bien des égards, ces situations étaient si fréquentes qu'il fallait faire quelque chose.
Les personnes qui reçoivent cette lettre de mise en garde sont priées d'en accuser réception en retournant une copie signée de la lettre. Depuis septembre, 86 lettres de mise en garde ont été envoyées pour des infractions mineures à la loi. Par exemple, plus de 100 cas nous ont été soumis pour des rapports de course à l'investiture présentés en retard. Dans certains cas, le retard était d'une semaine; pour d'autres, on parlait de six mois. Nous avons fait un tri pour dégager les cas les plus graves. Mais cette grande quantité de rapports en retard nous a amenés à conclure qu'il y avait un problème dans le système. Nous avons donc envoyé quelque 47 lettres de mise en garde pour environ 150 renvois afin d'aviser ces gens qu'ils ne s'étaient pas acquittés de leurs responsabilités en vertu de la loi.
Ces lettres ont été très bien accueillies. En plus des accusés de réception, j'ai reçu de longues missives où les gens m'expliquaient comment et pourquoi ils avaient enfreint la loi, en plus de présenter leurs excuses et d'affirmer qu'ils ne le referaient plus. Il y a eu un cas dans les Maritimes où une station de radio n'avait pas respecté la période d'interdiction. C'est le réseau de radiodiffusion qui a répondu en indiquant qu'il allait changer sa politique. Une erreur avait été commise dans une des stations, mais on allait modifier la politique organisationnelle et en informer toutes les stations du réseau.
Les réactions ont donc été plutôt favorables. Certaines personnes ont indiqué qu'elles préféraient la mise en garde à toute autre mesure — ce qui n'a rien d'étonnant. Un certain nombre de réponses nous sont revenues sur le papier à en-tête d'un parti via les agents officiels ou autrement. Quoi qu'il en soit, j'étais très heureux que cette mesure soit si bien accueillie.
Nous avons également un autre outil à notre disposition. Au cours d'une élection, il est possible d'assurer l'observation de la loi en communiquant simplement avec les responsables du parti, lesquels vont rectifier le tir pour mettre fin à ce que nous considérons comme une infraction probable à la loi. Il suffit d'un simple coup de téléphone. Autrement dit, c'est une formule d'autoréglementation par les partis. Nous faisons appel à leur propension à bien faire les choses. S'il se produit dans une circonscription des agissements qui, selon nous, contreviennent à la loi, nous communiquons avec le parti pour lui demander de corriger la situation. Et les partis donnent suite à cette demande.
Par ailleurs, j'ai autorisé depuis mon entrée en fonction la diffusion de deux communiqués résumant les résultats de deux enquêtes. Le premier concernait une enquête sur des allégations d'irrégularités dans le vote dans Desnethé-Missinippi-Churchill River, une vaste circonscription du nord de la Saskatchewan. Le second communiqué concernait des allégations du même type dans Edmonton Centre. Nous avons reçu plusieurs plaintes dans ces deux dossiers.
Après avoir mené une enquête approfondie, nous avons déterminé qu'il n'y avait eu ni actes répréhensibles ni irrégularités d'importance lors du scrutin de 2006 dans ces deux districts électoraux. Cependant, étant donné que les médias s'étaient beaucoup intéressés à ces affaires au moment de l'élection, il persistait dans les deux cas l'impression qu'il y avait eu des irrégularités et que les résultats du scrutin n'étaient pas nécessairement valables. Dans l'intérêt public, j'ai cru nécessaire de corriger cette fausse impression et de donner l'heure juste à la population. Pour ce faire, une déclaration publique s'imposait. La pertinence de recourir à de tels communiqués continuera d'être évaluée en fonction des circonstances particulières à chaque cas. Ce n'est pas le genre de mesures que je souhaite devoir prendre fréquemment. Mais dans les deux cas en question, je sentais vraiment que les gens avaient l'impression qu'il s'était produit des actes répréhensibles.
Parlons maintenant du Service fédéral des poursuites. C'est le nom qu'on a donné au nouvel organisme gouvernemental qui est responsable de toutes les poursuites fédérales, y compris celles concernant la Loi électorale du Canada. Depuis la promulgation du projet de loi , c'est le directeur des poursuites pénales qui a pris en charge la responsabilité des poursuites.
C'est donc le directeur des poursuites pénales qui décide si des poursuites seront intentées et le mode de fonctionnement qui sera adopté. S'il détermine qu'il y aura poursuite, il me demande de porter des accusations. C'est ainsi que le système fonctionne. Après la conclusion de l'enquête, je soumets le cas au directeur des poursuites pénales. C'est encore mon bureau qui prend les décisions relatives aux enquêtes.
Une fois que l'enquête est terminée, nous appliquons les critères que je vous ai décrits pour déterminer s'il y a lieu de saisir le directeur des poursuites pénales du dossier et de lui soumettre une recommandation.
J'ai rencontré les responsables du Service fédéral des poursuites qui m'ont assuré que les cas que nous leur référons seront évalués promptement. Je craignais que la nouvelle structure prolonge les délais encore davantage et je mets tout en oeuvre pour éviter qu'il en soit ainsi.
Depuis que j'ai entrepris mon mandat de commissaire, j'ai pu constater que les Canadiens ont généralement à coeur de s'acquitter des responsabilités qui leur incombent en vertu de la loi. La majorité des Canadiens sont extrêmement favorables à la pleine application de cette loi. Dès qu'on les informe qu'ils n'ont pas respecté certaines obligations, bon nombre des contrevenants réagissent tout de suite de façon positive et se montrent tout à fait disposés à se conformer à la loi. En outre, les partis politiques interviennent souvent pour veiller à ce que leurs membres observent la loi; ils constituent généralement des alliés efficaces à ce chapitre.
Il est bon de se rappeler que la ferme résolution de tous les intervenants à se conformer aux règles assure le déroulement harmonieux d'un processus électoral et la confiance du public à cet égard. Pour ma part, je m'efforce d'atteindre cet objectif d'observation de la loi en ayant recours à différents mécanismes sans que, dans la mesure du possible, des accusations ne soient portées. Le Service fédéral des poursuites est favorable à cette approche, tout comme les tribunaux. En conséquence, des poursuites ne devraient être intentées que lorsqu'il y a infraction grave à la loi.
Toutes les fois que je devais décider d'intenter ou non des poursuites — lorsque cela relevait de ma responsabilité — je me posais différentes questions: Est-ce que l'intérêt public le justifie? A-t-on sciemment violé la loi? Y a-t-il absence de remords? Y a-t-il refus de se conformer à la loi? Est-il vraiment nécessaire d'intenter des poursuites?
Comme vous le savez, je dois agir de façon indépendante dans mon processus décisionnel et protéger le caractère confidentiel des dossiers sur lesquels mon bureau enquête. Je dois en effet me montrer équitable envers quiconque traite avec mon bureau et protéger la vie privée des personnes en cause. Je ne pourrai donc pas répondre à certains types de questions — sur les dossiers faisant l'objet d'une enquête, par exemple — car cela pourrait nuire à mon bureau dans la réalisation de son mandat. Je suis aussi un peu hésitant à formuler des avis juridiques sur des questions hypothétiques et il en va de même des avis en matière de politiques, car je n'ai rien à apprendre aux membres de votre comité à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président.
Je dois commencer par vous féliciter, en retard, pour votre nomination à ce poste, monsieur Corbett. On connaît l'autre William Corbett, mais à ne pas confondre. Il faudrait savoir lequel est le vrai! Je veux aussi remercier mes collègues membres du comité d'avoir accepté ma suggestion de vous demander de venir témoigner devant nous. J'en profite pour me vanter: mes collègues connaissent mon humilité proverbiale. Il n'est pas usuel que le commissaire aux élections témoigne devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Je vais poser mes questions rapidement pour vous donner le temps d'y répondre et ne pas m'endormir moi-même en vous les posant.
Monsieur Corbett, votre fonction a un problème de crédibilité. Peut-être pas pour nous, députés, mais aux yeux des principaux organisateurs d'élections dans les comtés de nos partis respectifs. Je m'explique.
Nous, de l'extérieur, avons parfois l'impression de faire plusieurs plaintes qui n'aboutissent à rien. En campagne électorale, on devient paranoïaques. On pense toujours que nos adversaires font quelque chose d'inapproprié, qu'on est les seuls à détenir la vérité et à faire le bien, que nos adversaires font le mal et nous font mal. On a l'impression qu'on fait des plaintes et que cela ne donne absolument rien.
Afin de dénoncer ou de défaire ce mythe, je vais vous demander quelque chose.
Pouvez-vous fournir, au profit des membres du comité, un tableau de toutes les plaintes qui ont été déposées lors des élections de 2006 et de 2004, si vous disposez de telles données? J'aimerais que ce tableau contienne le nombre de plaintes déposées et leur statut: refusée, retirée ou sous enquête.
Cela permettrait en quelque sorte de connaître l'utilité de votre fonction. Afin de respecter les règles de confidentialité applicables aux plaintes, ne mettez pas de noms ni aucune information qui pourrait permettre d'identifier des personnes. Je ne veux pas savoir que telle dame dans le comté de mon ami Jay Hill, au 226 de la rue Scott, à Prince George, a déposé une plainte à l'endroit de l'organisation conservatrice de sa circonscription. Cela ne m'intéresse pas. Mais je veux savoir quelle était la plainte et l'article de loi en cause. Je suis d'accord avec M. Scott Reid sur ce qu'il a dit au sujet de l'article de loi invoqué. Comme il l'a dit, s'il y a des lois qui posent problème ou des articles de loi qui suscitent des plaintes, c'est peut-être en raison d'un problème de clarté.
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Merci beaucoup et merci à vous, monsieur Corbett, pour votre présence aujourd'hui.
Je pense que l'on peut affirmer sans crainte de se tromper que l'ensemble de règles applicables à Élections Canada est extrêmement complexe. Nous appartenons tous à des partis politiques et nous comptons sur notre parti pour nous fournir de l'information mais, malgré tout, on en vient à se sentir bien seul. Nous devons arriver à déterminer si nous agissons effectivement comme il se doit.
Il va donc de soi que je crois comme vous que, dans la majorité des cas, les choses ont mal tourné non pas en raison d'une action délibérée, mais simplement parce que les règles sont trop compliquées. Il y a tellement de détails à connaître; je trouve que c'est effrayant. Vous avez toujours l'impression de commettre un acte répréhensible, mais vous n'avez probablement rien fait de mal. Quoi qu'il en soit, si c'était l'objectif visé, cela fonctionne parfaitement.
Je m'intéresse davantage au processus informel de règlement des plaintes qu'à ce qui peut arriver en cas d'enquête officielle et parfois de poursuites, parce que je crois que c'est alors une autre mécanique qui entre en jeu, avec notamment l'intervention des avocats. Je me demandais si vous aviez un protocole établi pour la marche à suivre avant que le processus officiel ne soit enclenché. Je pense d'ailleurs à un système semblable. Dans la plupart des lieux de travail, il y a des politiques concernant le harcèlement et généralement des modalités préétablies sur les mesures à prendre lorsqu'une plainte est déposée. On essaie de régler la situation de manière informelle avant de procéder à une enquête en bonne et due forme, mais il y a néanmoins un protocole très clair à cet égard.
Ainsi, par exemple, lorsque vous envoyez ces lettres de mise en garde, est-ce que les gens qui les reçoivent savent qu'il s'agit d'une mise en garde? Cela me rappelle ce qu'on peut recevoir de Revenu Canada; cela nous laisse un peu perplexe. Comme nous connaissons tous le traitement des dossiers, on se demande si notre cas est encore très bénin ou si l'on flirte avec le seuil de leur tolérance. Pour la personne qui reçoit ces avis, c'est extrêmement difficile de le savoir.
On peut le constater même avec le petit échange que vous avez eu avec M. Reid — il y a peut-être ici des gens qui comprennent bien la nature de ces avis sur le site d'Élections Canada. Nous pouvons toujours hocher la tête pour montrer que nous saisissons, mais le citoyen moyen ne saura pas davantage de quoi il s'agit.
J'aimerais donc savoir quel processus ou protocole vous avez mis en place pour faire en sorte que les gens puissent s'y retrouver. Je pense qu'il est très important pour les gens de savoir où ils en sont rendus dans le processus et de connaître leurs droits, surtout s'il y a deux parties en cause.
Mme Redman a soulevé la question de la confidentialité. Si une affaire touche deux partis ou deux candidats, qu'il soit ou non du même parti, qu'advient-il au chapitre de la divulgation des renseignements dans ce contexte informel? Si vous pouviez nous éclairer à ce sujet, ce serait apprécié.
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Merci de comparaître devant nous aujourd'hui, monsieur Corbett. Je vous en suis reconnaissant. J'ai préparé environ quatre questions. Vous pouvez peut-être les prendre en note. Je vais vous les présenter très rapidement et j'espère réussir à vous laisser la moitié de mes cinq minutes, au moins, pour que vous y répondiez, si vous le voulez bien.
La première porte sur les facteurs pris en considération pour déterminer ce qui est dans l'intérêt du public. Si je vous ai bien compris, il y aurait un certain nombre de critères. Par exemple, faut-il vraiment poursuivre? Y a-t-il une probabilité raisonnable de réussite si vous recommandez de porter des accusations ou à tout le moins, d'effectuer une enquête approfondie en vue d'une poursuite? Enfin, est-ce dans l'intérêt du public?
Pour évaluer si c'est dans l'intérêt du public, tenez-vous compte de l'effet dissuasif? Il me semble que si la personne contrevenante se montre pleine de remords et repentante, pour reprendre vos mots, c'est très bien pour cette personne, mais qu'en est-il des autres qui ont commis la même infraction? Envisagez-vous de les dissuader de refaire la même chose, si la situation n'a pas été rendue publique, mais qu'on a simplement envoyé une lettre de mise en garde, par exemple, à la personne visée?
De plus, cela aurait une incidence sur les statistiques, à mon avis. Cela m'amène à la question que M. Guimond a soulevée sur le tableau ou la liste de toutes les infractions sur lesquelles il y a des enquêtes en cours. Les statistiques peuvent être biaisées. Nous avons actuellement un débat sur le projet de loi et la question de savoir s'il faut vraiment nous pencher sur toute la question des fraudes électorales en ce moment.
On cite les statistiques et dit qu'il n'y a pas beaucoup d'enquêtes, ni beaucoup d'accusations portées, ni beaucoup de personnes poursuivies et trouvées coupables. Par conséquent, on est porté à déduire qu'il n'y a pas de problème même si nous, les députés, entendons constamment parler de problèmes. Avez-vous songé au fait qu'on pourrait utiliser les statistiques pour montrer au public que le système actuel fonctionne assez bien, merci, et qu'il n'y a pas lieu de le réformer? C'est aussi ça, l'intérêt du public.
J'aimerais aussi vous parler des deux cas où vous dites avoir fait enquête, mais où vous n'avez trouvé aucune preuve tangible, je pense que ce sont les mots que vous avez utilisés. Ces affaires ont eu lieu dans le nord de la Saskatchewan et à Edmonton-Centre. Pouvez-vous donner au comité une idée du temps qui a été consacré à ces deux enquêtes et des coûts qui ont été engagés? J'essaie de comprendre exactement tout ce que vous avez investi dans les enquêtes sur ces plaintes avant que de décider de ne pas intenter de poursuites.
Enfin, dans la même foulée, vous n'avez pas mentionné la circonscription de Trinity—Spadina dans vos observations d'aujourd'hui, même si selon la transcription de nos dernières délibérations, où le directeur général est venu ici, il a promis à notre comité de mener enquête sur cette circonscription. Pouvez-vous nous dire si cette enquête est toujours en cours et où elle est rendue?
Je ne sais pas combien de temps j'ai pris pour vous poser ces quatre questions. Merci, monsieur le président.
Oui, l'effet dissuasif est un aspect de l'intérêt du public. Il y a à la fois l'effet dissuasif sur les personnes et l'effet dissuasif général sur les autres personnes qui pourraient être enclines à faire la même chose. Il faut également en tenir compte.
Cependant, je dois souligner qu'il y a une éthique remarquable qui s'observe dans les élections au Canada, que les gens respectent la Loi électorale. Je n'ai pas l'impression qu'il soit très nécessaire de dissuader les gens de contrevenir à la loi. Le double vote intentionnel n'est pas un fléau. Personnellement, je suis plutôt porté à me pencher sur la personne: pouvons-nous régler le problème avec la personne sans recourir aux tribunaux? Les choses pourraient changer si mes enquêtes montraient qu'il y a une infraction contre laquelle nous devons lutter plus sérieusement. N'oubliez pas que jusqu'ici, les tribunaux donnent surtout des absolutions sous conditions et des petites amendes dans les affaires dont ils sont saisis, et je ne sais pas à quel point ces jugements sont dissuasifs. Quoi qu'il en soit, vous avez raison, cela fait partie de l'intérêt du public.
Au sujet des statistiques sur les fraudes électorales, si j'ai cité ces deux affaires, c'est qu'elles sont terminées, qu'elles sont bouclées, que j'ai déjà mis mes décisions par écrit. Dans le nord de la Saskatchewan, nous avons envoyé des enquêteurs d'Ottawa mener enquête et interroger des gens dans la réserve d'Ahtahkakoop. Nous avons obtenu une bonne collaboration des dirigeants de la bande, en particulier. Certaines personnes ont refusé de nous parler. Nous n'avons pas de pouvoirs magiques. Nous n'avons pas plus d'autorité que quiconque pour obtenir de la collaboration. Cette enquête a été raisonnablement coûteuse, mais nous y avons envoyé des gens d'Ottawa, parce que nous n'avions pas d'enquêteur là-bas et que nous devions tirer la situation au clair.
L'enquête sur le Edmonton-Centre a nécessité beaucoup plus de travail, parce que nous avons dû faire du porte-à-porte pour aller voir les personnes qui auraient voté dans la mauvaise circonscription selon nos analyses, pour aller leur parler et déterminer pourquoi elles avaient voté ici plutôt que là. Nous avons constaté un problème systémique dans les listes électorales de cette région, comme vous le savez, parce qu'en Alberta, on peut mettre l'adresse de son entreprise ou de son comptable sur sa déclaration de revenus et on peut mettre l'adresse de son entreprise sur son permis de conduire. La liste électorale était donc difficile à établir, et Élections Canada a décrit dans son communiqué comment il espérait régler ce problème. Cette enquête a été considérablement plus onéreuse, parce que comme je l'ai dit, nous avons dû faire du porte-à-porte pour recueillir des données. Je ne peux pas vous donner de montant ni de nombre d'heures précis.
En matière de fraude électorale, je n'ai pas conclu que nous n'avions pas de preuve tangible. J'ai conclu qu'il n'y avait pas de fraude électorale. Il n'y a pas eu de fraude électorale organisée, c'est certain. Il n'y a pas d'organisation qui a fait voter des électeurs dans une circonscription où ils ne devaient pas voter. Il y a eu des personnes qui ont voté au mauvais endroit, si l'on veut. Nous n'avons pas trouvé de preuve de double vote, ce qui est important. Les gens n'on pas voté à un endroit puis à un autre, deux fois, non. À mon avis, il ne s'agit pas seulement d'une absence de preuve, mais d'une indication qu'il n'y a pas eu de fraude électorale.
Nous relevons certains cas de fraude électorale où des personnes votent deux fois, volontairement ou non, mais pas de fraude électorale organisée. Ces deux enquêtes montrent qu'il n'y en a pas. L'enquête sur Spadina n'est toujours pas terminée, comme vous le savez, donc je ne peux me prononcer là-dessus. Elle n'est pas encore conclue.
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J'aimerais seulement souligner que le premier ministre a parlé aux ministres de son cabinet et leur a recommandé de se soucier de la question.
Je suis d'accord avec M. Owen quant au fait qu'il y a eu des améliorations ces derniers temps. Ma voiture est une Toyota hybride. Mon chauffeur m'a dit que lorsqu'elle est au ralenti, elle fonctionne à l'électricité : le moteur ne tourne même pas. Il est équipé d'un radiateur électrique. L'évolution de la technologie a permis de réaliser de grandes avancées. J'ignore combien de ministres ont des véhicules hybrides — je n'ai pas fait d'étude là-dessus — mais j'estime qu'il y a eu des améliorations.
Cette motion du NPD arrive à point nommé. Que nous soyons ministres ou simples citoyens, nous devrions tous nous faire rappeler, de temps à autre, qu'il faut faire notre possible pour protéger l'environnement. Le premier ministre a exprimé que c'était là son souhait. Même cette vieille lettre d'un ancien Président de la Chambre, à laquelle nous avons fait référence, dit: « Je vous demande de parler à votre chauffeur afin d'éviter que les véhicules tournent au ralenti inutilement ».
Nous avons eu une brève discussion à ce sujet car, comme je l'ai fait remarquer, cela ne concerne pas uniquement les ministres. Le personnel parlementaire et les députés, qui ne sont pas ministres et ne disposent ni de voiture de fonction, ni de chauffeur, doivent eux aussi faire chauffer le moteur de leur véhicule pour pouvoir rentrer chez eux, quand il fait près de -30oC. Nous avons tous besoin d'un rappel.
Nous pouvons donc envoyer cette lettre. Si elle peut entraîner une prise de conscience accrue et des directives de la part du Président ou du Bureau de régie interne, je crois que tout le monde sera content.
Aux remarques de mon collègue, M. Owen, j'ajouterais que l'autre changement par rapport au gouvernement précédent, c'est que notre cabinet est plus réduit, et qu'il y a donc moins de véhicules et de chauffeurs sur la Colline parlementaire.