:
Les affaires inscrites sur l'avis de convocation sont irrecevables pour trois raisons, que j'ai énumérées par écrit. J'aimerais vous les exposer maintenant.
Deux de ces raisons sont liées au contenu de la lettre envoyée à la greffière pour demander la tenue d'une séance, de même qu'au choix de mots particulier figurant sur l'avis de convocation, tel qu'il a été émis par la greffière à votre demande, monsieur le président. La troisième raison concerne la convention relative aux affaires en instance. En ce qui a trait à votre question de tout à l'heure, je tiens à préciser d'emblée que je ne souhaite pas laisser entendre que la présidence ou la greffière ont agi en contravention du Règlement. Ce que je veux dire, néanmoins, c'est que la question est irrecevable, pour les raisons que je vais vous exposer.
Nous sommes ici réunis parce qu'un avis de convocation a été émis en vertu du paragraphe 106(4) du Règlement. On m'a avisé que mercredi dernier, le 5 septembre, la greffière avait reçu une lettre signée par quatre membres du comité, qui demandaient formellement la tenue d'une réunion imprévue. La présidence, comme l'exige le Règlement, a ensuite demandé à la greffière d'émettre officiellement l'avis de convocation dans les plus brefs délais raisonnables — en fait, cela a été fait plus tard le même jour — pour que tous les membres du comité bénéficient des 48 heures d'avis obligatoires.
Laissez-moi vous exposer la première raison pour laquelle l'examen de la question, telle que celle-ci est décrite dans l'avis de convocation, est contraire au Règlement.
Le paragraphe 106(4) du Règlement prescrit ceci: « aux fins du présent paragraphe, les motifs de la convocation sont énoncés dans la demande ». Notez que les termes employés pour justifier cette réunion, tels qu'ils apparaissent dans la lettre à la greffière, sont identiques à ceux qu'on trouve dans l'avis de convocation. Il est clair, à mes yeux, que le président s'est contenté de demander à la greffière de recourir exactement aux même libellé que celui figurant dans la lettre de demande et de ne prendre aucune liberté de rédaction que ce soit quant à la raison avancée pour cette soi-disant réunion d'urgence.
Comme on l'indique dans le Marleau et Montpetit, à la page 843, la question à l'étude pour la séance d'aujourd'hui consiste simplement à déterminer « [si le comité] souhaite aborder le sujet demandé, plutôt que de délibérer sur celui-ci ».
Même s'il ne fait aucun doute que l'objectif premier de la séance est de déterminer si le comité souhaite entreprendre l'étude telle qu'elle est indiquée, je vous dirais qu'avant qu'une telle discussion n'ait lieu, il est impératif que la présidence détermine si le contenu de l'avis, tel qu'il a été envoyé par la greffière, est véritablement recevable. Dans le cas contraire, notre comité ne serait même pas en position d'engager une quelconque discussion concernant une éventuelle étude du sujet, comme l'ont demandé les quatre députés de l'opposition.
J'aimerais établir clairement ma position là-dessus, à savoir que l'avis de convocation pour ce comité n'était pas recevable pour un certain nombre de raisons.
Pour être franc, les motifs invoqués pour convoquer la séance, tels qu'ils apparaissent dans la lettre à la greffière et dans l'avis de convocation, sont si lacunaires et si manifestement dépourvus d'objectivité que tout examen allant dans le sens établi par la lettre mènerait ce comité bien au-delà du champ de compétences et du mandat dont il est investi, comme je m'apprête à vous l'expliquer en plus grand détail. J'en suis arrivé à la conclusion que ce comité n'est pas en position d'entreprendre une quelconque étude sur le sujet, comme l'ont proposé quatre signataires de la lettre.
En raison d'un délai limité dû à la manière dont ce comité a été convoqué, je n'ai pas eu l'occasion d'effectuer une enquête véritablement approfondie au sujet des règles du comité et des procédures pertinentes à la Chambre, mais je crois néanmoins sincèrement qu'il existe au moins trois raisons distinctes pour lesquelles le raisonnement ouvertement partisan et boiteux qui sous-tend cette séance est contraire au Règlement.
Ma première objection, dont je vais maintenant vous faire part, se divise en deux volets. Le premier réside dans la nature de l'étude qui est proposée et qui est exprimée dans l'avis de convocation. La partie pertinente de l'avis se lit comme suit: « discuter des allégations concernant la tentative systématique du Parti conservateur du Canada de frauder Élections Canada, de même que les contribuables canadiens ».
Monsieur le président, à ce que je sache, aucune allégation formelle du genre n'a été portée à l'encontre du Parti conservateur du Canada, à l'exception de celle faite le 5 septembre par les membres du comité ayant demandé la tenue de cette séance, allégation qui figure dans leur lettre à la greffière. Sauf erreur, je ne crois pas qu'il y ait eu constatation ou reconnaissance de quelque acte répréhensible que ce soit. Au contraire, dans les faits, ce sont les campagnes locales du Parti conservateur du Canada qui ont intenté des recours formels devant les tribunaux à l'encontre d'Élections Canada, au motif que l'organisme avait omis de leur rembourser les dépenses électorales auxquelles elles avaient légalement droit. Ce n'est pas l'inverse.
Cela m'amène à une seconde observation, monsieur le président, dans la suite logique mon premier point. Il y a clairement un désaccord important en ce qui concerne la quasi totalité des faits importants dans cette affaire. D'un côté, nous avons une déclaration écrite de la part de membres de ce comité qui ont demandé la convocation de la séance en alléguant des activités illicites. De l'autre, nous avons les membres du Parti conservateur du Canada, moi y compris, qui adoptent la position opposée, selon laquelle leur parti a agi de façon totalement appropriée et légale, et que c'est en fait Élections Canada qui a causé du tort au Parti conservateur dans cette affaire.
Maintenant, c'est un principe bien établi que ni les comités parlementaires ni le Président de la Chambre ne sont à même de statuer sur des questions de fait. En réalité, lorsque des litiges relatifs à des questions de fait sont survenus à la Chambre, le Président a toujours adopté la position selon laquelle il n'est tout simplement pas prêt à trancher en faveur d'un député plutôt que d'un autre. De la même façon, ce comité n'est pas juge des faits, et on ne peut lui demander de tirer de telles conclusions. On peut difficilement s'attendre à ce qu'un comité parlementaire soit objectif ou impartial.
Qui plus est, les règles de fonctionnement de notre comité et les possibilités limitées de poser des questions, contraintes qui sont inhérentes à notre Règlement, ne permettent tout simplement pas un contre-examen ou un établissement des faits adéquat, comme c'est habituellement le cas au sein d'une entité judiciaire ou quasi-judiciaire. Je dirais que nous serons tous d'accord avec cette affirmation selon laquelle notre comité n'est ni adéquatement formé, ni en position pour déterminer les faits. L'un des principes de base de notre droit parlementaire veut que le Président et, par extension, les comités parlementaires, ne se chargent pas de questions qui les obligeraient à tirer de telles conclusions de fait.
Maintenant, laissez-moi expliquer ma seconde raison. Je vous ai exposé la première en deux volets, et je vous parlerai maintenant de la seconde, qui justifie pourquoi cet avis de convocation est antiréglementaire.
D'abord, la manière dont il est rédigé obligerait le comité à tirer une conclusion de droit. Cette lacune, lorsqu'on l'ajoute à celle que j'ai décrite plus tôt, est encore plus flagrante et lourde de conséquences.
Je rappelle au comité que l'objet de cette séance est lié à la supposée — et ici je cite, encore une fois, l'avis de motion — « tentative systématique de frauder » de la part du Parti conservateur du Canada. Je le répète encore, jusqu'ici, il n'y a eu aucune constatation d'actes répréhensibles quelconques devant des tribunaux, groupes d'experts ou commissions d'enquête, ni aucune allégation de cette nature en dehors de cet avis de motion.
Dans les faits, les députés qui ont fait cette demande ont présenté leur requête d'une façon qui les protégeait, en recourant au privilège parlementaire, parce que leur lettre à la greffière est un document parlementaire. Autrement dit, ils ne se sont pas mis à lancer des accusations de tentative systématique de frauder Élections Canada et les contribuables canadiens à l'extérieur du Parlement, où ils ne sont pas protégés par le privilège parlementaire. Je pense que c'est une observation intéressante, monsieur le président.
En conséquence, il reste à prouver que le Parti conservateur du Canada s'est livré à un quelconque acte répréhensible pouvant être considéré comme une tentative systématique de frauder. J'ajouterais même que l'expression péjorative et politiquement incendiaire « tentative systématique de frauder » n'a été utilisée par personne d'autre que les députés de l'opposition.
Je pense que personne ici aujourd'hui ne me contredira si j'affirme que pour que ce comité commence à étudier une question explicitement décrite comme une tentative systématique de frauder, il faudrait d'abord qu'il y ait eu, quelque part, une constatation qu'une loi ou un règlement a été violé. Ainsi, les agissements du Parti conservateur relativement à l'élection fédérale de 2006 pourraient, sur une base externe autre que l'allégation faite par les membres ayant convoqué cette réunion, être considérés tels que les députés les ont décrits.
C'est banal de le dire, mais ce comité n'est pas en position de prendre une quelconque décision judiciaire ni d'examiner des questions de légalité ou de se prononcer sur les subtilités de fonctionnement des législations et règlements. Le comité n'est pas un tribunal; son personnel et ses membres n'ont pas reçu de formation juridique. Je ne pense pas que nous pourrions être qualifiés d'entièrement objectifs ou non partisans.
Enfin, je dirais qu'aucun membre de ce comité n'a jamais été membre de la magistrature. Nous n'avons tout simplement pas le pouvoir légal de faire un tel examen. C'est sans conteste une question qu'il revient aux tribunaux de trancher.
À cet égard, il importe de souligner qu'en ce moment-même, l'affaire est devant les tribunaux, qu'il y a eu des actes de procédure et que d'autres preuves devraient être déposées plus tard cette année. Je répète qu'il s'agit d'une poursuite du Parti conservateur du Canada contre Élections Canada, qui retiendrait de l'argent dû au Parti conservateur du Canada. Ce n'est donc pas l'inverse, comme le laissent entendre les quatre députés qui ont réclamé la tenue de cette séance.
Pour ce qui est de l'inaptitude de ce comité à prendre une décision juridique ou de son interdiction de le faire, monsieur le président, j'aimerais vous rappeler quelques décisions du Président de la Chambre, qui me semblent pertinentes dans la situation.
Premièrement, le 13 mai 2003, monsieur le a pris la décision suivante quand il a été appelé à se prononcer sur les questions de privilège soulevées par l'honorable député de sur le transfert de pouvoirs, de devoirs et de fonctions ministériels dans le contexte de la Loi sur les armes à feu. Le Président affirme ce qui suit à la page 6 124 :
Or, comme mes prédécesseurs et moi-même l'avons signalé dans de nombreuses décisions antérieures où il était question d'interprétation des lois, la présidence n'a pas le pouvoir de statuer sur des questions de droit.
Il poursuit, et je le cite encore :
Il est évident qu'il n'appartient pas à la présidence de se prononcer sur la légalité de la décision du gouvernement de transférer la responsabilité de la Loi sur les armes à feu d'un ministre fédéral à un autre. Il revient aux tribunaux d'en décider. Je dois plutôt examiner l'allégation du député du point de vue strictement procédural.
Monsieur le Président Fraser avait rendu une décision semblable le 1er octobre 1990 au sujet de la nomination par le gouvernement d'un certain nombre de sénateurs. Dans cette décision, le Président a dit à la page 13 620, et je cite :
Pour commencer, il n'appartient pas au Président de la Chambre de juger de questions constitutionnelles. Son rôle n'est pas d'interpréter les diverses opinions juridiques qui peuvent avoir cours dans le pays.
Il vaut également la peine d'examiner la décision rendue par le Président Parent le 16 février 1995 sur une question relative à des infractions possibles à la Loi sur la protection des renseignements personnels et une plainte à cet égard déposée devant le CRTC. Cette décision est étroitement liée à la question qui nous occupe puisqu'à bien des égards, les faits sont assez semblables dans les deux affaires. Dans sa décision, le Président a dit ce qui suit, et je cite encore :
Il ne m'appartient pas de décider si, au moment où la vice-première ministre l'a citée à la Chambre, la lettre faisait ou non partie des archives publiques du CRTC. L'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des lois politiques régissant les archives du CRTC n'est pas de ma compétence. Comme mes prédécesseurs l'ont maintes fois décidé, il n'est pas maintenant et il n'a jamais été dans les attributions du Président, de trancher des questions de droit. C'est une pratique de longue date. J'attire l'attention des députés sur l'ouvrage de Bourinot intitulé Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada, quatrième édition, 1916, à la page 180, qui signale que
— et je cite sa propre citation de Bourinot —
le Président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ou juridique.
Monsieur le président, si l'on regarde de près cette décision de 1995 et qu'on l'applique à la question en l'espèce, la seule différence substantielle c'est que pour notre part, nous devrions déterminer s'il y a eu infraction à l'une des dispositions de la Loi électorale du Canada plutôt qu'à la Loi sur la protection des renseignements personnels, comme c'était le cas dans l'affaire soumise au Président en 1995.
J'ai un dernier précédent à citer, monsieur le président. Le 17 mars 1987, le Président Fraser a été appelé à se prononcer sur une question découlant de la Loi sur les langues officielles. Le Président a d'abord cité Bourinot, à la page 180, qui dicte que le Président « ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ou juridique ».
Le Président a poussé ensuite un peu son examen et a fait la déclaration claire et concise qui suit, et je cite maintenant le Président Fraser lui-même. Il a dit que « l'application de la loi est une question de droit sur laquelle il revient aux tribunaux et non à la présidence de se prononcer ».
La position prise par le Président dans ces contextes est assez claire, et je pense qu'on ne peut pas s'attendre à ce que ce comité, comme la présidence, se prononce sur la loi, puisqu'en fait, il n'est pas autorisé à décider d'une question d'ordre juridique. Par conséquent, toute étude qui requerrait que le comité le fasse n'est pas recevable et du coup, on ne devrait pas en autoriser la tenue.
Comme l'indiquent les actes de procédure déposés par les agents officiels des candidats conservateurs demandeurs dans la poursuite dont sont saisis les tribunaux, qui font dorénavant partie des dossiers publics, les représentants des demandeurs ont déterminé qu'ils n'avaient pas agi contre la loi. Les activités du Parti conservateur ont toujours été parfaitement conformes à la Loi électorale du Canada, et tant qu'un juge n'aura pas examiné la preuve et entendu les parties, il n'y a aucun jugement qui en détermine la répréhensibilité ou l'illégalité, comme le laisse entendre l'ordre du jour.
De toute évidence, il reste encore à prouver ou à montrer que quelqu'un cherche à conclure, s'attend à conclure ou allègue qu'il y a tentative systématique de fraude, pour reprendre encore une fois les mots de l'ordre du jour. Si ce comité se lançait dans cette étude aujourd'hui, il se ferait juge des faits et de la loi, alors qu'il est très clair qu'il n'en a pas la compétence.
Comme je l'ai déjà dit, il fait très peu de doute que ce comité n'a pas la formation, les outils ou le pouvoir nécessaires pour effectuer l'examen requis pour tirer une quelconque conclusion. Il est clair qu'un tel examen dépasse le mandat et la compétence de ce comité, et je ne peux que présumer que les députés de l'opposition le savaient quand ils ont soumis leur lettre à la greffière.
Pour ces deux raisons, je suis d'avis, en toute déférence, que cet avis de motion est irrecevable. Bien honnêtement, l'une ou l'autre des deux raisons que j'ai exposées suffirait pour que le président demande aux députés de l'opposition de préparer et de soumettre une autre demande à la greffière, mais de faire un effort sincère cette fois-ci pour jouer moins de partisanerie et être moins préjudiciables dans leur demande pour que ce comité puisse entreprendre un véritable travail significatif.
Je comprends totalement la tentation de marquer des points politiques dans les médias, mais ce faisant, les députés de l'opposition enfreignent les règles.
Je vais maintenant exposer la troisième raison, la plus convaincante à mon avis, pour laquelle cette étude est irrecevable: c'est que les raisons données pour cette étude entreraient en conflit avec la convention relative aux affaires en instance sub judice qui fait partie des usages parlementaires depuis le début de la Confédération au Canada, un usage qui, bien sûr, faisait partie des usages parlementaires britanniques bien auparavant. On l'a déjà dit, il y a actuellement poursuite devant les tribunaux sur cette question. Plus précisément, je le répète, les campagnes conservatrices locales sont en train de poursuivre Élections Canada pour non-remboursement des dépenses électorales de plusieurs candidats. Du coup, toute étude à cet égard contreviendrait à la convention relative aux affaires en instance sub judice.
:
Je parlais de la convention relative aux affaires en instance
sub judice. Toute étude sur cette question contreviendrait à la convention relative aux affaires en instance
sub judice. C'est cette convention parlementaire qui dicte que les députés ne s'expriment sur des affaires qui sont devant les tribunaux pour éviter de porter préjudice à des actions en justice ou de les biaiser par leurs débats et leurs discussions. Dans la même veine, monsieur le président, j'attire votre attention sur le chapitre 13 de Marleau et Montpetit, à la rubrique intitulée « La convention relative aux affaires en instance
sub judice », qui se trouve à la page 534. Voici ce qu'il y est écrit :
Au cours d'un débat, des restrictions sont imposées à la liberté de parole des députés qui ne peuvent faire allusion à des affaires en instance dans l'intérêt de la justice et de l'équité. De telles affaires ne peuvent pas non plus faire l'objet de motions ou de questions à la Chambre. Même s'il existe des précédents qui peuvent guider la présidence, on n'a jamais tenté de codifier la pratique connue sous le nom de « convention relative aux affaires en instance sub judice ».
À la page 534, il poursuit en disant que :
La convention relative aux affaires en instance sub judice est avant tout une restriction que la Chambre s'impose volontairement pour protéger un accusé, ou une autre partie à des poursuites en justice ou à une enquête judiciaire, de tout effet préjudiciable d'une discussion publique de la question.
L'examen présenté par Marleau et Montpetit se fonde à la fois sur les Débats de la Chambre des communes et sur la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne. J'aimerais citer la sixième édition du Beauchesne, à la page 160, citation 505, qui dit ce qui suit :
Les députés s'entendent pour ne pas évoquer les affaires dont un tribunal ou une cour d'archives sont saisis. Cette convention a pour but de protéger les parties, tant avant que pendant le procès, et les personnes qui pourraient être touchées par les résultats d'une enquête judiciaire.
Je vais continuer par la citation 511, qu'on trouve à la page 161 :
La liberté de parole constitue, pour les députés, un droit fondamental sans lequel ils ne pourraient remplir convenablement leurs fonctions. Le président ne doit limiter cette liberté de parole que dans des circonstances exceptionnelles où il est évident que, s'il ne le fait pas, cela risque de faire du tort à certaines personnes.
Il est clair qu'il ne peut pas y avoir plus grand préjudice que celui d'intérêts partisans sur le financement des partis. Les spéculations non éclairées des députés de partis de l'opposition sur une tribune très publicisée pourrait, selon toute probabilité, porter gravement préjudice à des audiences ou à des instances judiciaires.
Étant donné la portée nationale de la couverture médiatique des délibérations de ce comité, je vous avertis que le droit des partis à cette poursuite à un procès impartial serait mis gravement en péril si ce comité devait entreprendre un examen sur la question, comme le propose l'ordre du jour d'aujourd'hui.
Concernant l'hypothèse que la convention relative aux affaires en instance sub judice existe pour protéger l'intégrité de procès au criminel uniquement — et je souligne qu'il faut faire la distinction entre des affaires au civil et des affaires au criminel, et qu'il s'agit ici d'une affaire au civil et non au criminel comme l'indique l'ordre du jour —, j'aimerais également lire pour le compte rendu un extrait du Marleau et Montpetit qu'on trouve à la page 535 :
Aucune distinction n'a jamais été faite au Canada entre les tribunaux criminels et les tribunaux civils aux fins de l'application de la convention et elle s'est appliquée également à certains tribunaux autres que des cours de justice. La convention relative aux affaires en instance sub judice est là pour garantir à chacun un juste procès et empêcher toute influence indue qui pourrait préjudicier à une décision judiciaire ou rapport d'un tribunal d'enquête.
Monsieur le président, on nous rappelle ici la prudence associée à l'application de la convention. Personne ne remet en question que l'objectif ultime est de faire en sorte que les participants à une poursuite en justice ne soient influencés d'aucune façon par le Parlement ou ses membres.
À la page 536 du Marleau et Montpetit, on peut lire que :
La présidence a en de nombreuses occasions fait allusion à la nécessité de faire preuve de prudence dans les allusions aux affaires en instance judiciaire, peu importe la nature du tribunal.
Cette citation transparaît également au chapitre 11 du Marleau et Montpetit, à la page 428, qui renvoie à la décision du Président Parent du 6 avril 1995. Il dit ce qui suit :
La difficulté où je me trouve en tant que Président tient à ce que toute tentative de déterminer si un commentaire pourrait avoir des conséquences est au mieux spéculative, et non préventive, puisque je ne puis arriver à telle décision qu'après que le commentaire a été fait. En conséquence, la plupart des présidents ont plutôt eu tendance à décourager les députés de commenter les affaires en instance devant les tribunaux que de leur permettre de trouver les limites de la convention et d'éprouver le pouvoir discrétionnaire du Président.
En toute déférence, monsieur le président, je crois qu'il est presque indéniable que le sujet que ce comité est appelé à étudier est assujetti à la convention relative aux affaires en instance sub judice. Je crois aussi que toute étude de ce type de la part de notre comité serait fort susceptible d'avoir une influence directe sur les instances judiciaires d'ici à ce qu'un tribunal ne prononce un jugement et pourrait même, en partie, y être préjudiciable.
J'aimerais citer aussi le Président Fraser dans sa décision du 7 décembre 1987, à la page 11 542, quand il expose clairement que si une question ne répond pas aux conditions techniques de Beauchesne elle peut tout de même être considérée sub judice, et je cite le Président Fraser ici: « si elle [la présidence] estimait dans l'ensemble du contexte que la question porterait préjudice à l'une ou l'autres des parties ».
La décision rendue par le Président Parent le 7 novembre 1989, est également utile :
La Chambre a sans aucun doute le droit fondamental d'étudier les questions d'intérêt public, mais en vertu de notre coutume sur les questions dont les tribunaux sont saisis, la présidence a le devoir de s'assurer que ce droit légitime de la Chambre n'aille pas à l'encontre des droits et des intérêts du citoyen ordinaire qui est traduit en justice.
Je peux affirmer avec une certaine certitude qu'ici, dans cette salle de comité, le grand objectif de la réunion est de porter préjudice à l'une des parties à cette poursuite, plus précisément au demandeur.
Même si l'application de la convention relative aux affaires en instance sub judice ne dépend pas de la validité des motifs exposés par les députés de l'opposition, il doit être clair pour toutes les personnes présentes ici aujourd'hui que tout préjudice potentiel à une partie au litige est intentionnel et ce, à des fins partisanes manifestes. Cela ne fait qu'amplifier les raisons pour lesquelles cette motion devrait être jugée irrecevable.
J'ai beaucoup d'autres précédents, que je ne vous lirai pas, monsieur le président, mais que je vais simplement porter à votre attention. Je vais vous en remettre des photocopies. Pour les membres du comité, je vais maintenant lire les références appropriées pour qu'ils puissent les trouver dans le hansard s'ils le souhaitent: le 7 décembre 1987, à la page 11 542; le 15 novembre 2005, aux pages 9 664 et 9 665; le 7 novembre 1989, aux pages 5 654 à 5 657; le 13 juin 2003, aux pages 7 280 et 7 281; le 8 mars 1990, aux pages 9 006 à 9 009 et le 5 novembre 1990, à la page 15 120.
J'aimerais vous demander d'exercer votre pouvoir de président du comité pour déterminer que cet avis de séance est irrecevable. Monsieur le président, si nous appliquons la convention relative aux affaires en instance sub judice à cette question et à toute autre séance ultérieure sur le sujet, jusqu'à ce que le litige en instance soit terminé, nous allons protéger l'intégrité de l'instance judiciaire entre le Parti conservateur du Canada et Élections Canada.
De plus, je vous demanderais de déclarer irrecevable tout commentaire ou toute motion qui mentionne particulièrement ce sujet jusqu'à ce que ce procès soit terminé.
Et de peur que vous croyez que je suis le seul à trouver que c'est la chose à faire, j'aimerais vous faire part des observations qu'a faites le directeur général des élections un peu plus tôt aujourd'hui en réponse à une question à ce sujet. Je vais vous donner d'abord la question, puis sa réponse.
Il a été interrogé plus tôt, aujourd'hui, par Glen McGregor du Ottawa Citizen :
Monsieur Mayrand, pour changer de sujet, pouvez-vous m'expliquer votre décision, c'est-à-dire la raison pour laquelle vous avez décidé de rejeter les demandes des candidats conservateurs de se faire rembourser leurs dépenses médiatiques régionales et celles pour lesquelles vous avez décidé de renvoyer la question au commissaire aux élections?
Ce à quoi M. Mayrand, a répondu: « Comme vous le savez, cette affaire est en instance devant les tribunaux et fait l'objet d'une enquête. Par conséquent, je ne ferai aucun commentaire sur le sujet. »
Je pense qu'il agit comme il se doit en informant les médias qu'il ne fera pas de commentaire sur une question en instance devant les tribunaux. Je pense qu'il conviendrait que nous aussi respections ce que la loi exige de nous, monsieur le président.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier de votre patience.
Une voix: Ils ne sont pas patients.
M. Scott Reid: Pour conclure, je me rappelle ces mots du , le 7 avril 2003, qu'on trouve à la page 5 198, sur les affaires des comités. Il a dit ce qui suit :
Nos usages reconnaissent également que les comités sont maîtres de leurs travaux... Cela dit, on s'attend des comités qu'ils adoptent de telles limites d'une façon normale et conforme aux règles de procédure.
Le Président a ensuite cité une décision du Président Fraser, qui remonte au 26 mars 1990. Il a dit, à la page 9 758, que :
Les présidents de comité devraient être soucieux de leurs responsabilités et veiller à ce que les décisions qu'ils prennent ou rendent ne s'écartent pas de l'équilibre délicat prévu par nos règles... J'exhorte tous les présidents et tous les membres du comité, autant que faire se peut, à respecter scrupuleusement dans leurs délibérations le Règlement de la Chambre des communes.
Enfin, j'aimerais rappeler au président les mots de notre Président actuel, quand il s'est penché précisément sur les rôles des présidents de comité dans une décision rendue le 18 avril 2002, à la page 10 540, où il affirme ce qui suit :
Je suis convaincu que les présidents des comités continueront à s'acquitter consciencieusement de leurs responsabilités en rendant des décisions équitables et pondérées qui s'inspirent des traditions démocratiques de la Chambre. Les membres du comité doivent, pour leur part, chercher à résoudre les problèmes de procédure de façon que les règles soient respectées et que les délibérations en comité soient équilibrées et productives.
Je vous demande d'étudier la question attentivement et de réfléchir à la documentation qui vous est présentée. Je vous demande de rendre une décision juste et équilibrée en fonction des trois éléments que j'ai portés à votre attention, qui pourraient tous suffire à eux seuls, d'après moi, pour justifier que la question présentée à l'ordre du jour soit irrecevable.
Merci, monsieur le président.