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Bonjour, mesdames et messieurs.
La séance est ouverte. Nous attendons un autre témoin, mais il pourra se joindre à nous quand il arrivera. Nous allons commencer tout de suite parce que nous avons plusieurs témoins à entendre et à interroger et que le temps presse.
Je voudrais informer encore une fois les membres du comité que cette séance est publique.
Vous devriez avoir reçu ce matin une copie d’une lettre de Mme Johnson faisant suite à notre dernière séance. On lui avait demandé certains renseignements par écrit. Vous les avez devant vous. J’espère qu’ils compléteront les réponses qu'elle nous a données.
Notre réunion a bien sûr pour objet l’examen du projet de loi , Loi modifiant la Loi électorale du Canada, en vue de la tenue d’élections à date fixe.
Nous avons des témoins des différents partis. Je suppose que ce sont eux que nous voyons ici. Nous allons procéder dans l’ordre proposé, soit successivement le Parti conservateur, le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert.
Je suis ouvert aux suggestions des membres du comité. J’ai trouvé que les tours de table à cinq minutes marchaient bien. Toutefois, comme nous avons aujourd’hui un certain nombre de témoins, je voudrais proposer, avec votre permission, de porter le temps de parole à sept minutes, du moins pour le premier tour de table, pour qu’il soit possible à plusieurs témoins de répondre.
Est-ce que tout le monde est d’accord pour un premier tour de table à sept minutes? Je vois que vous êtes d’accord. Y a-t-il des membres du comité qui s’y opposent?
Madame Jennings.
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J’invite les membres du comité à répondre à cette question. Je n’ai pas moi-même d’observations à formuler à ce sujet.
Mme Jennings propose de prévoir une autre séance du comité à laquelle le Parti libéral du Canada pourrait envoyer des représentants. Le parti avait décliné l’invitation qu’il avait reçue pour aujourd’hui, apparemment à cause du super week-end.
Y a-t-il des observations?
Monsieur Preston d’abord, puis monsieur Hill, à moins que vous ne souhaitiez céder la parole à quelqu’un d’autre.
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Je vois que tout le monde est d’accord. Nous procéderons donc ainsi. Je rappelle aux membres du comité que nous recevrons d’autres témoins jeudi. M. Owen a mentionné qu’il serait peut-être nécessaire d’entendre d’autres témoins. Nous pourrions envisager, si le Parti libéral souhaite envoyer des représentants et que nous voulions entendre d’autres témoins, de l’inviter à cette séance.
Pour le moment, le comité décide de demander un mémoire au Parti libéral. Nous pourrons l’inviter plus tard au besoin. Passons maintenant à nos travaux d’aujourd’hui, si vous voulez bien.
Je voudrais d’abord vous remercier tous d’être venus aujourd’hui. Je reconnais quelques personnes, que je suis heureux de revoir. Merci beaucoup à tous d’avoir pris le temps de venir répondre à quelques questions que les membres du comité se posent au sujet des élections à date fixe.
Nous commencerons par des exposés de cinq minutes, si vous en avez besoin. Autrement, nous passerons directement aux questions.
M. Donison sera le premier à prendre la parole.
Merci.
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Merci, monsieur le président et membres du comité, d’avoir donné au Parti conservateur et aux autres partis politiques l’occasion de comparaître devant vous pour parler du projet de loi concernant la tenue d’élections à date fixe.
Je préfère parler d’élections à date fixe, monsieur le président, plutôt que de dates d’élections fixes. Ce sont les dates et non les élections que nous voulons fixer.
D’une façon générale, monsieur le président, je voudrais dire d’abord – j’en viendrai ensuite aux effets de cette mesure sur les aspects opérationnels des partis politiques – que c’est une idée qu’il est temps pour nous d’adopter. D’autres systèmes parlementaires de type britannique l’ont fait, comme des témoins l’ont déjà dit au comité. C’est le cas, par exemple, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve. De plus, des commissions de l’Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick ont recommandé la tenue d’élections à date fixe à leurs gouvernements provinciaux respectifs.
Il en est de même aux parlements de l’Écosse, du pays de Galles et, je crois, de trois des États de l’Australie, qui sont tous du type britannique. À ma connaissance, les élections à date fixe n’ont causé de difficultés dans aucun de ces parlements.
L’idée a quelques avantages. J’en parlerai d’une façon générale d’abord, puis j’aborderai plus particulièrement les aspects concernant les partis. Les élections à date fixe apportent une certaine réforme, tout en maintenant la souplesse nécessaire dans notre régime de gouvernement responsable fondé sur le modèle britannique. Il s’agit donc d’un changement officiel accessoire sans caractère constitutionnel.
Au fil des ans, nous avons noté que lorsqu’ils sont dans l’opposition, les politiciens parlent souvent de réforme électorale et parlementaire, mais qu’ils ne donnent pas de suites à leurs déclarations une fois qu’ils sont au pouvoir. Dans le cas présent, nous avons un premier ministre et un gouvernement qui ont spécifiquement inclus cette idée dans leur plate-forme électorale, et qui sont maintenant prêts à la mettre en œuvre.
De bien des façons, parmi tous les systèmes parlementaires de type britannique – nous avons bien sûr entendu beaucoup de commentaires à ce sujet, venant d’universitaires et d’autres –, le système canadien est probablement celui qui confère le plus pouvoirs au premier ministre. Autrement dit, celui-ci est plus puissant au Canada qu’ailleurs sur les plans institutionnel, politique et juridique. La tenue d’élections à date fixe imposera au premier ministre de renoncer à une partie de ses pouvoirs discrétionnaires pour ce qui est du déclenchement d’élections.
En ce qui concerne plus particulièrement les partis politiques, je crois que cette réforme est importante parce qu’elle renforce l’équité et la prévisibilité de notre système électoral. Il y a une plus grande équité car le parti au pouvoir, surtout s’il est en situation majoritaire – les membres du comité voudront peut-être discuter de ce point –, ne jouira plus d’un avantage sur les partis d’opposition puisque tout le monde, citoyens et électeurs, connaîtra d’avance la date des élections. Les règles du jeu seront donc les mêmes pour tous les partis, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition.
Le second avantage, qui est encore plus important de mon point de vue de directeur exécutif d’un parti politique, réside dans la plus grande prévisibilité, qui permet une meilleure planification touchant l’organisation du parti et le recrutement des volontaires et des candidats. J’insiste particulièrement sur le recrutement des candidats. J’ai remarqué dans un mémoire qui vous a été présenté par un professeur d’université, M. Milner – c’est d’ailleurs un facteur auquel je n’avais pas pensé, monsieur le président –, que des élections à date fixe donneront aux femmes et aux minorités la possibilité de mieux se préparer s’ils souhaitent poser leur candidature. Je n’y avais pas pensé. Je crois que c’est un facteur à considérer, qui constitue un avantage supplémentaire du projet de loi.
Par conséquent, monsieur le président, cette mesure substituera aux intérêts du parti au pouvoir les intérêts du pays et des citoyens.
Pour conclure et me mettre ensuite à votre disposition pour répondre à vos questions, je voudrais citer les propos d’un éminent politicien canadien à ce sujet. J’ai le texte ici, et je suis bien sûr disposé à le déposer. Il a dit ce qui suit:
Les élections sont des événements démocratiques qui appartiennent à nous tous. Ils n’appartiennent pas au parti au pouvoir, qui peut ainsi les manipuler à son propre avantage. Les élections n’appartiennent pas aux premiers ministres, qui peuvent ainsi les utiliser à leur convenance en fonction de leur propre programme politique. Les élections appartiennent à nous tous, en tant que citoyens, et nous avons le droit de savoir quand elles auront lieu, afin que nous puissions planifier efficacement et y participer pleinement. Monsieur le Président, les élections appartiennent à tous les partis politiques. Nous devrions tous être sur un même pied d’égalité et pouvoir nous porter candidats en toute équité.
Je viens de citer la déclaration faite à l’Assemblée législative de l’Ontario par l’honorable Dalton McGuinty, premier ministre libéral de la province, lorsqu’il a présenté le projet de loi instaurant des élections à date fixe en Ontario.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Au Bloc québécois, nous sommes favorables au principe du projet de loi, mais nous ne sommes pas dupes. Les prérogatives du premier ministre ne changent pas, et rien dans ce projet de loi ne nous assure que cette date fixe sera respectée, particulièrement dans le cas d'un gouvernement minoritaire.
L'autre aspect qui nous semble plus important est la date proposée dans ce projet de loi. La spécificité du Québec s'exprime de différentes façons, et il est parfois difficile, pour les gens de l'extérieur, d'en saisir tous les contours. Au Québec, par voie réglementaire, depuis plus de 30 ans, les déménagements sont circonscrits dans une période déterminée, qui est le 1er juillet. Le 1er juillet, il y a 250 000 ménages qui déménagent, ce qui représente, grosso modo, 575 000 électeurs, soit à peu près 10 p. 100 de l'électorat québécois.
Précédemment, M. Kingsley vous a fait la démonstration qu'il lui était impossible d'intégrer l'ensemble des données provenant particulièrement du Québec et concernant les déménagements, et de repousser le dépôt des listes électorales du 15 octobre au 15 novembre afin de pouvoir intégrer ces changements. Il a indiqué, semble-t-il, qu'il ferait tout en son pouvoir pour s'assurer que les listes électorales soient le plus possible conformes à la réalité. S'il est pour lui impossible aujourd'hui de déposer le 15 octobre des listes électorales qui contiennent les changements survenus au Québec, il lui serait encore moins possible de le faire au mois de septembre.
Sûrement, il ne viendrait à l'idée d'aucun parlementaire de mettre en péril le droit de vote de tous les Terre-Neuviens et de tous les gens de l'Île-du-Prince-Édouard, qui totalisent moins que le nombre d'électeurs qui déménagent au Québec, soit l'équivalent de sept circonscriptions. Par exemple, toute la Ville de Québec ou encore le Saguenay—Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord et une partie de la Gaspésie pourraient voir leur droit de vote menacé.
Quant à nous, le choix de la date cause donc véritablement un problème sur lequel le comité doit se pencher. Il nous semble que le comité doit revoir les autres hypothèses quant à une date qui pourrait convenir.
Merci.
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Je vous remercie de m’avoir invitée à venir vous parler du du point de vue du NPD.
Nous avons distribué un mémoire dont chacun devrait avoir un exemplaire. Nous y exposons quelques-unes des raisons pour lesquelles nous appuyons le projet de loi, faisons une mise en garde et mentionnons quelques autres mesures qu’il faudrait prendre, à notre avis.
Nous appuyons le projet de loi parce que nous croyons que des élections à date fixe renforceront la démocratie au Canada et rassureront les Canadiens sur le caractère équitable et transparent de notre système électoral, ce dont nous avons grand besoin dans le climat actuel.
En fait, l’idée de telles élections faisait partie du plan d’éthique en sept points proposé par notre chef, Jack Layton, et par l’honorable Ed Broadbent avant les dernières élections. Ce plan comprenait un projet d’élections à date fixe et quelques autres initiatives d’une grande importance conçues pour revitaliser notre démocratie, rendre le gouvernement responsable envers les Canadiens et rétablir la confiance dans notre système électoral.
Nous appuyons des élections à date fixe parce que nous croyons qu’elles assureraient des règles du jeu équitables aux partis politiques. Dans le système actuel, le moment du déclenchement des élections constitue un puissant moyen pour le parti au pouvoir. La possibilité qu’il a de choisir la date au moment où il est prêt et dans la meilleure position possible lui assure un avantage que nous croyons injuste et sape la démocratie et la transparence. Nous estimons que des élections tenues à intervalles prévisibles, plutôt qu’au moment jugé opportun par les entreprises de sondage, constitueront une grande amélioration.
Nous croyons en outre qu’elles assureraient une plus grande prévisibilité aux Canadiens, à Élections Canada, qui doit actuellement être prêt à tout moment, au gouvernement et aux partis politiques. Dans ces conditions, le gouvernement peut consacrer ses efforts à une bonne gestion des affaires publiques et faire en sorte que le Parlement travaille pour les gens. De plus, Élections Canada ne gaspillera pas l’argent des contribuables pour être constamment en mesure d’organiser des élections.
Nous appuyons également le projet de loi parce que nous croyons qu’il aidera à rétablir la confiance dans l’équité de notre système électoral. Un certain nombre de Canadiens – nous ne savons pas vraiment combien – ont complètement perdu toute foi dans notre démocratie. Nous croyons que le projet de loi peut rétablir l’équité et, ce qui est plus important encore, la perception d’équité.
Nous pensons que les Canadiens seront plus susceptibles de voter et de participer au processus électoral si le système est équitable et transparent. D’autres ont parlé de l’accroissement de la diversité des électeurs et, en particulier, du plus grand attrait des élections pour les femmes et les jeunes.
Bien sûr, nous espérons aussi que des élections à date fixe augmenteront le taux de participation des électeurs. À notre avis, si les Canadiens savent d’avance quand les élections auront lieu, ils en comprendront mieux l’importance et se renseigneront sur les enjeux. Nous pourrons, de notre côté, mieux expliquer les enjeux, nous assurer de l’inscription des gens sur les listes électorales et veiller à ce que les Canadiens exercent leur droit de vote.
Il y a lieu de faire une importante mise en garde. Lorsque des élections s’annoncent, le parti au pouvoir pourrait avoir un avantage autre que celui de fixer la date des élections: utiliser les ressources de l’État pour faire la promotion du parti auprès de l’électorat grâce à de la publicité, des annonces et des visites de nature électorale. Nous croyons qu’il importe de surveiller étroitement cet aspect.
Nous recommandons que le projet de loi soit adopté dans le contexte d’une série de réformes destinées à revitaliser notre démocratie. Je parle d’enlever des pouvoirs aux lobbyistes, de faire en sorte que les décisions soient prises au vu et au su de tous, de procéder à des nominations fondées sur les compétences plutôt que sur les contacts politiques, de changer le mode de nomination des juges de la Cour suprême en désignant un comité indépendant chargé de définir les critères et de superviser l’examen et le débat, de mettre fin aux abus commis lors de la nomination d’autres titulaires de charges publiques, d’améliorer les mesures législatives concernant la liberté d’information, d’adopter une loi sur la dénonciation dans l’intérêt public qui s’appliquerait aux secteurs public et privé, d’adopter une nouvelle loi imposant aux députés de rendre compte de leurs actes lorsqu’ils passent d’un parti à un autre, de façon que les électeurs puissent décider s’ils sont d’accord ou non, d’adopter une loi sur la responsabilité des dirigeants permettant d’examiner les courses à la direction des partis et d’assurer une certaine forme de représentation proportionnelle.
Je tiens à assurer aux témoins que certaines des conversations qui se déroulent autour de la table porte sur les arguments intéressants qui sont avancés, mais je veux en même temps demander à mes collègues de s’en tenir au minimum à cet égard.
Madame McGrath, je voudrais également demander aux témoins de se concentrer sur le sujet à l’étude. Il y a énormément de choses intéressantes à dire, mais il faudrait les laisser pour un autre moment. Nous devons nous concentrer sur la question des élections à date fixe.
Je vais vous laisser poursuivre, mais je vous serais reconnaissant d’éviter les digressions.
Je voudrais vous remercier, monsieur le président et membres du comité, d’avoir invité le Parti vert à vous présenter son point de vue sur le . Je ne prendrai que quelques minutes pour vous donner un bref aperçu de ce que nous pensons.
Nous ne nous opposons pas au projet de loi, mais nous ne croyons pas que des élections à date fixe présentent un intérêt particulier. Même s’il peut y avoir de nombreux avantages et inconvénients, aucun des avantages allégués ne semble assez important pour faire adopter cet amendement en priorité.
Si l’objet du est de revitaliser la démocratie au Canada grâce à des élections plus équitables, à une participation accrue de l’électorat, à une plus grande responsabilité ou à d'autres facteurs favorisant des élections à date fixe, nous ne croyons pas que ces résultats en découleront inévitablement.
Comme la tradition parlementaire canadienne nécessite qu’un gouvernement ait la confiance d’une majorité des députés à la Chambre des communes, nous ne voyons pas de quelle façon des élections à date fixe sont souhaitables ou même nécessairement possibles. Étant un parti politique qui doit planifier en vue des élections, nous pourrions croire à première vue qu’une date fixe nous simplifierait la vie ou nous permettrait de faire des préparatifs d’une façon plus prévisible. Il n’en reste pas moins qu’un gouvernement peut tomber à n’importe quel moment. Nous devons donc être prêts n’importe quand ou presque, de même qu’Élections Canada d’ailleurs.
Même si le Parti vert est convaincu que de nombreux aspects de notre système électoral ont besoin d’être améliorés, le fait de tenir des élections à date fixe ne figure pas dans notre liste de priorités. Nous estimons que le temps et l’énergie consacrés à ce projet de loi devraient plutôt servir à nous rapprocher d’une forme de représentation proportionnelle.
Nous sommes en faveur d’une plus grande participation de l’électorat, d’un plus grand engagement des citoyens, de plus de transparence et de responsabilité au gouvernement, d’une participation accrue des jeunes, des néo-Canadiens et des Canadiens marginalisés ainsi que d’un cynisme moindre envers la politique en général. Nous croyons que ce sont là des objectifs nécessaires et louables que le gouvernement devrait poursuivre. Nous ne voyons cependant pas de quelle façon des élections à date fixe peuvent y contribuer.
Je répète que nous ne nous opposons pas à des élections à date fixe, mais nous ne considérons pas que ce projet de loi contribue au genre de réforme électorale dont le Canada a besoin. Nous espérons qu’il pourra au moins constituer le premier pas vers une telle réforme.
Je vous remercie.
Collègues, nous allons maintenant entreprendre notre premier tour de table. Je voudrais vous demander encore une fois d’essayer de poser des questions courtes. Les réponses seront peut-être aussi succinctes. Nous avons beaucoup de matière à couvrir et beaucoup de témoins à interroger. Vous pouvez demander des commentaires à un témoin particulier, mais n’hésitez pas à en demander à tous les témoins, pourvu que ce soit concis. C’est à votre choix.
Pour commencer notre tour de table à sept minutes, je donne la parole à M. Owen.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins et les remercie pour leurs exposés. Ma question sera très brève. Elle s’adresse à vous tous.
Mme McGrath a fait une mise en garde, à juste titre, je crois, au sujet de l’utilisation par le gouvernement des deniers publics pour faire de la publicité. Nous sommes tous d’accord, je pense, que le gouvernement ne doit pas abuser de son pouvoir d’annoncer des politiques publiques et de faire de la publicité pour semer la confusion parmi les électeurs et leur faire croire que la publicité politique constitue en fait de la publicité gouvernementale.
Je crois que la mise en garde est appropriée. Toutefois, j’aimerais vous demander, à titre de responsables de partis politiques nationaux, de nous parler de votre expérience ou de vos préoccupations au sujet de la question soulevée par quelques-uns, à savoir que des élections à date fixe peuvent mener à des campagnes électorales prolongées, pouvant même commencer l’année précédente, et limiter la capacité du gouvernement de s’occuper des affaires publiques. Cette mesure peut donc avoir une influence sur la politique, entraîner d’importantes dépenses ou, au contraire, constituer un avantage financier.
Ce sont quelques-unes des préoccupations que j’ai entendues. Nous aimerions connaître votre point de vue. S’agit-il de problèmes réels liés à des élections à date fixe, même si elles sont assorties d’une certaine souplesse, comme dans le cas présent, et, si oui, y a-t-il des moyens de surmonter ces problèmes?
Je vous remercie.
Je crois qu’il y a effectivement lieu de tenir compte de ces questions. Il est bien possible qu’à l’approche de la date prévue, tout le monde se mette en campagne pendant une très longue période, comme on peut le constater aux États-Unis. Cela se produit probablement dans d’autres pays aussi, mais on s’en aperçoit moins. C’est sûrement une préoccupation.
De plus, un peu comme les étudiants qui peuvent être tentés de se préparer constamment en vue des examens, les gouvernements pourraient bien, dans leurs dernières années, concentrer tellement leur attention sur les élections qu’ils négligeraient dans une certaine mesure les affaires présentées à la Chambre et les grands problèmes à régler.
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Je ne crois pas que le projet de loi C-16 modifie en quoi que ce soit la moralité ou l'intégrité des gouvernements. Dans le système actuel comme dans le système proposé, ceux qui voudront utiliser les deniers publics à des fins partisanes pourront le faire de la même façon. Cependant, un fait demeure: parmi les 40 démocraties parlementaires du monde, la très grande majorité a adopté une date fixe.
Quant à l'utilisation des fonds publics, je pense que le projet de loi C-16 ne changera rien. La dernière fois, en 2004, l'élection a été reportée de presque un mois par rapport à la date anticipée. On peut s'interroger sur l'utilisation des fonds publics durant ce mois. La même chose vaut pour l'élection de 2006. Si on examinait le moindrement la courte histoire récente des élections fédérales, on pourrait probablement retrouver des annonces, des investissements, des projets mis de l'avant quelques jours ou quelques semaines avant le déclenchement d'une élection, qui était la prérogative du premier ministre.
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Merci aux témoins de s'être déplacés ce matin.
Monsieur Gardner, j'ai une question à vous poser. Vous avez tout à fait raison sur la question des déménagements le 1er juillet. Par contre, lorsqu'un député de votre parti a questionné M. Kingsley à cet effet, sa réponse à été qu'il n'y avait pas de problème et qu'on allait probablement souligner le fait que de toute façon, les citoyens canadiens vont s'enregistrer le jour de l'élection. Toutefois, cela cause une kyrielle de problèmes, en ce sens qu'ils ne sont pas inscrits dans les bonnes listes, donc, ils ne reçoivent pas nécessairement leur courrier, etc.
Le deuxième problème que je vois, en ce qui a trait à la date, est le conflit qu'il y aurait entre une élection fédérale et les élections municipales tenues au Québec, et ce, malgré ce qu'on peut lire dans un document d'information émis par le leader du gouvernement à la Chambre et ministre de la Réforme démocratique. En effet, ce document stipule que le troisième lundi d'octobre a été retenu parce qu'il s'agit du moment le moins susceptible d'entrer en conflit avec des élections provinciales à date fixe, les congés fériés, les fêtes religieuses et les élections municipales. On a probablement oublié de tenir compte du Québec.
Pouvez-vous, en 30 secondes, nous donner un aperçu de l'impact — que je connais très bien — du chevauchement des dates, surtout en ce qui concerne l'aspect organisationnel?
M. Gardner a soulevé un excellent point, mais nous ne pouvons pas supposer que cela s’applique à tout le monde. Les différents groupes de la population ne sont pas tous susceptibles de déménager à la même fréquence. Nous pouvons nous attendre, par exemple, à ce que les jeunes déménagent plus souvent que les aînés. Par conséquent, certains groupes sont plus susceptibles que d’autres de ne pas figurer sur les listes électorales. C’est là une préoccupation tout à fait légitime dont il est très important de s’occuper.
Je ne suis pas sûr de la date qui conviendrait le mieux.
[Français]
Monsieur Gardner, y a-t-il une date que votre parti préfère?
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Nous nous sommes penchés sur les différentes hypothèses parce qu'il y a la question des élections municipales, mais aussi parce que la fin de semaine précédant le troisième lundi d'octobre est celle de l'Action de grâces, qui revient chaque année. Cela peut poser un problème quant à la participation. De plus, au Québec, à partir de cette période, il y a des congés scolaires dans les institutions universitaires et dans les cégeps, ce qui touche des gens aptes à voter.
La date que nous pouvons vous suggérer et qui n'entre pas en conflit avec des congés civiques provinciaux ou autres serait le premier lundi du mois de mai. À une occasion, d'ici l'année 2020, la fin de semaine précédente sera celle de Pâques, soit en 2011. Ce serait la seule fois où le BVA aurait lieu pendant un congé. Autrement, il y a la question de la date, mais on peut aussi soulever plein d'autres trucs qui sont affectés le troisième lundi d'octobre.
Le premier lundi du mois de mai n'entre pas en conflit avec quoi que ce soit. De plus, les étudiants sont encore dans les institutions scolaires. On parle toujours de favoriser le vote des jeunes: ils seraient alors dans leur milieu, soit là où ils sont probablement inscrits sur la liste.
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Je voudrais simplement mentionner que le comité ne peut pas se fier à un acte de foi du directeur général des élections à l'effet qu'il va faire tout son possible pour que la liste électorale soit complète. Il a une obligation de résultat.
Je comprends que les gens ont le droit d'exercer ou non leur droit de vote, mais la première condition est d'être inscrit sur la liste électorale. Or, c'est la responsabilité du directeur général des élections de fournir une liste électorale complète.
Il y a trois façons de régler le problème, je pense. La première serait de demander au gouvernement du Québec de changer la date des déménagements au Québec, ce qui m'apparaît peu probable. La deuxième serait de faire la souveraineté du Québec: le Canada pourra alors choisir la date qui lui conviendra. La troisième serait de revoir le calendrier afin de trouver une meilleure date.
Si j’ai bien compris, le choix du troisième lundi d’octobre avait pour principal objet d’éviter les conflits avec d’autres élections et avec des fêtes religieuses. Certaines de ces fêtes sont mobiles, mais le projet de loi prévoit une certaine souplesse à cet égard. Il fallait en même temps choisir une date qui ne coïncide pas avec un moment où les gens ont d’autres activités très importantes.
Tout bien considéré, je ne crois pas qu’il existe une date parfaite. Si vous nous transmettez d’autres observations par écrit, je vous saurais gré de faire état des facteurs que vous jugez en principe les plus importants. Vous pouvez désigner des dates précises, mais je vous prie de mentionner les principes sur lesquels elles se fondent. M. Gardner a énoncé très clairement la raison pour laquelle des gens pourraient ne pas figurer sur les listes électorales. Si le Parlement cherche à fixer la date à inscrire dans la loi et qu’il opte pour une date différente de celle que propose le gouvernement, il devra expliquer les raisons de son choix et préciser la hiérarchie des facteurs dont il a tenu compte à ceux qui sont en définitive responsables de l’administration des élections, c’est-à-dire les différents partis.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais que le représentant du Parti conservateur réponde à la question suivante. Avez-vous examiné la journée du scrutin?
Je vais demander à un représentant du Bloc québécois de faire un commentaire à ce sujet également, parce que la semaine dernière, M. Proulx a posé quelques questions sur le fait qu'au Québec, les élections scolaires et les élections municipales sont tenues un dimanche. Selon vous, la tenue d'élections le dimanche pourrait-elle accroître le taux de participation?
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Je crois que, par tradition, beaucoup de Canadiens ne considèrent pas que le dimanche convienne à ce genre d’activité politique. Je ne suis donc pas très bien disposé envers un tel choix.
Je crois que depuis l’époque de John A. Macdonald ou, du moins, de Wilfrid Laurier, les élections ont toujours lieu le lundi ou le mardi, si le lundi est férié. Je pense que les Canadiens s’y sont habitués, et je ne vois aucune raison de choisir un autre jour.
Pour ce qui est du taux de participation, il est bien possible qu’il diminue si les élections ont lieu un dimanche. Beaucoup de Canadiens ne voudront tout simplement pas voter ce jour-là.
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Vous avez fait allusion aux élections scolaires et aux élections municipales, qui ont lieu le dimanche au Québec. Évidemment, ce sont des paliers de gouvernement différents. Le taux de participation, au scolaire, est de 10 à 15 p. 100. Au municipal, il se situe entre 40 et 50 p. 100, tout au plus. Ce sont donc des taux de participation relativement faibles, du moins plus faibles que le taux de participation à une élection fédérale ou à une élection québécoise, qui , pendant de nombreuses années, se situait autour de 80 p. 100 lorsque l'élection était tenue un lundi. Ce taux a baissé lors des derniers scrutins.
Je ne pense pas qu'on puisse établir une relation directe entre le taux de participation et la tenue d'une élection un lundi ou un dimanche. Il est évident qu'au niveau des organisations, la disponibilité des gens peut, à première vue, sembler plus grande le dimanche, mais il n'y a aucune indication permettant de croire que le taux de participation serait accru si l'élection avait lieu un dimanche.
Cependant, j'en profite aussi pour ouvrir une parenthèse. La devise du Québec est Je me souviens. Or, lorsqu'on consulte un peu les registres électoraux canadiens depuis la Confédération, on s'aperçoit que les gouvernements, lorsqu'ils étaient libres de choisir la date du scrutin, ont choisi des dates un peu éparpillées dans toutes les saisons: automne, printemps, été, hiver.
Un des motifs qui pouvaient inciter le gouvernement à opter pour le mois d'octobre était peut-être son processus d'adoption du budget. On s'aperçoit que près de 40 p. 100 des élections tenues depuis la Confédération l'ont été au cours du processus budgétaire. Donc, même si les gouvernements avaient la liberté de choisir la date, ils ont choisi une date à l'intérieur du processus budgétaire. Je ne pense donc pas que cela puisse être un argument pour défendre l'idée de la tenue d'une élection à l'automne.
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Honnêtement, il n'y a pas de statistiques là-dessus. Par contre, c'est la dernière longue fin de semaine avant la période des Fêtes. Beaucoup de gens quittent pour aller à l'extérieur, ne serait-ce que dans une autre région, que ce soit au Québec ou ailleurs. Donc, je ne suis pas certain, autant en ce qui a trait aux travailleurs d'élection ou aux directeurs du scrutin qu'en ce qui a trait aux organisations et au taux de participation, que ce soit la meilleure date pour les trois jours du BVA, puisque la dernière journée du BVA serait la journée de l'Action de grâces.
Par ailleurs, j'aimerais répondre à une question que M. Guimond a soulevée tout à l'heure relativement aux listes préliminaires. Normalement, les candidats qui déposent leur acte de candidature reçoivent, au plus tard cinq jours après, leur liste préliminaire. Dans le cas dont il est ici question, le jour 31 serait le 18 septembre. Donc, à la lumière de toutes les explications qu'on vous a données plus tôt, on voit là un problème quant à la mise à jour des listes.
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Je voudrais remercier tous les témoins qui ont présenté des exposés aujourd’hui. Il est très utile pour nous de connaître l’opinion des partis. Vous nous avez fait part d’un point de vue différent.
Nous devons recevoir des témoins qui ont étudié l’aspect constitutionnel de la question, la coutume, les conventions, etc. Je ne poserai donc pas de questions à ce sujet, à moins que vous n’en voyiez la nécessité. Le Nouveau Parti démocratique appuie le projet de loi parce qu’il croit que les règles du jeu seront ainsi les mêmes pour tous. Nous avons proposé des élections à date fixe avant la dernière campagne électorale. Nous avons cependant une réserve. Le gouvernement détient les cordons de la bourse. Nous avons donc des préoccupations concernant la publicité et la distribution de fonds publics en période préélectorale.
J’aimerais avoir votre avis sur l’opportunité de proposer des modifications destinées à interdire au gouvernement – nous pouvons également parler de dates – d’utiliser les fonds publics à des fins publicitaires juste avant les élections. Nous aurions besoin à cette fin de modifications ou de mesures législatives parallèles. Voilà pour la première question.
Ensuite, je dirais qu’octobre n’est pas un mauvais moment puisque le budget sera déjà assez loin. Le budget des dépenses devrait avoir déjà paru, mais le gouvernement n’aurait pas la possibilité de dilapider des fonds. Il devrait y avoir des restrictions. Juste avant les élections, les annonces pleuvent et de l’argent est distribué partout dans le pays. Qu’en pensez-vous?
Je vais commencer par ces questions. J’en aurai quelques autres ensuite. Pour le moment, je voudrais connaître votre avis au sujet des restrictions à imposer sur la publicité et les annonces du gouvernement, sauf en cas d’urgence.
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Mon confrère m'annonce la défaite de Jean Charest au Québec. Trois milliards de dollars ont été investis depuis le mois de juin.
Je pense, comme je vous le disais tout à l'heure, que si on veut envisager de contrôler l'intégrité et la moralité des gouvernements à l'égard de l'utilisation des fonds publics en période préélectorale, il faudra qu'il y ait un processus de plaintes. Il faudra aussi qu'il y ait une autorité indépendante qui pourra juger si telle action du gouvernement est contraire à la Loi électorale et à ce qui est autorisé en matière de dépenses électorales.
On est dans la zone préélectorale. Actuellement, il n'y a absolument rien. Le projet de loi qui est devant vous ne change rien à la réalité actuelle. Il m'apparaît un peu futile de penser qu'on sera en mesure de mettre en place des mécanismes de contrôle efficaces.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci pour vos présentations.
Je veux simplement dire qu'en tant que Québécoise, j'ai les mêmes préoccupations que vous avez mentionnées, monsieur Gardner, au sujet de la date indiquée dans le projet de loi comme date fixe pour la tenue des élections.
J'ai moi-même vécu l'expérience, pendant quelques années successives, de déménager le 1er juillet. Alors, je trouve que la date qui est proposée est vraiment problématique pour les Québécois.
Ma question s'adresse plutôt à Mme McGrath et peut-être également à M. Chernushenko.
D'abord, madame McGrath, vous avez prétendu que la présence d'une date fixe pourrait encourager ou inciter les Canadiens à exercer leur droit de vote, ce qui mènerait à une augmentation du taux de participation. J'aimerais que vous nous disiez — parce que j'en ai cherché mais que je n'en ai pas trouvé — quelles études démontrent la corrélation positive entre la présence d'une date fixe pour la tenue d'élections et le taux de participation?
Je connais des études qui démontrent qu'il y a des juridictions où il y a des dates fixes, mais il y a, rattachées à cela, des pénalités et des sanctions à l'endroit des citoyens qui n'exercent pas leur droit de vote. Cependant, je n'ai pas vu d'études où le choix de voter est véritablement libre et où le taux de participation est beaucoup plus élevé que dans les juridictions où les dates ne sont pas fixes. Alors, j'aimerais bien avoir cette information.
Ma deuxième question s'adresse à M. Donison. De quelle façon le projet de loi limite-t-il le pouvoir du premier ministre de se rendre chez le Gouverneur général pour demander la tenue d'une élection, et ce, à un autre moment qu'à la date fixée. J'ai lu le projet de loi très attentivement et je n'ai pas vu une telle restriction. Même que le leader du gouvernement à la Chambre s'est vanté du fait que le projet de loi C-16 ne restreint aucunement le pouvoir discrétionnaire du Gouverneur général de déclencher des élections n'importe quand avant la date fixée.
Pouvez-vous me dire où vous voyez cette limite, puisque que vous avez mentionné que nous avons maintenant un premier ministre et un parti qui seraient prêt, comme vous l'avez dit, à
[Traduction]
« passer à l’action ». Où voit-on cela dans le projet de loi ?
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Je ne peux pas vous citer des études particulières confirmant l’augmentation du taux de participation par suite de la tenue d’élections à date fixe. Je suppose que le comité fait faire des recherches qui devraient permettre de trouver de telles études.
Je sais intuitivement qu’il y a dans la population un malaise général ou un certain manque de confiance dans le système démocratique. Le projet de loi ne va pas nécessairement y remédier. Comme je l’ai dit, il devrait faire partie d’une réforme démocratique plus large. Je pense cependant qu’en connaissant d’avance la date des élections, on a la possibilité de diffuser des renseignements, de mettre les gens au courant des questions qui se posent, ce qui devrait les encourager à participer davantage au processus électoral.
Je suppose que le comité dispose de capacités de recherche permettant de trouver quelques-unes de ces études. Je crois en fait avoir lu des observations en ce sens dans le document de référence du comité.
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Une minute pour répondre à cette question, monsieur le président? Je vais essayer.
Monsieur le président, Mme Jennings a tout à fait raison de dire que, sur le plan juridique, rien dans le projet de loi ne modifie la situation actuelle ou les conventions constitutionnelles. La seule façon d’apporter un tel changement consiste à proposer une modification constitutionnelle en vertu de l’article 41, ce qui nécessite le consentement unanime parce que la modification touche aux fonctions de la Couronne.
Encore une fois, cependant, nous n’avons pas à nous occuper de la théorie. Nous pouvons voir ce qui se passe en pratique. Je mentionne une fois de plus tous les systèmes parlementaires de type britannique qui ont adopté des élections à date fixe. Aucun de ces systèmes n’a restreint les pouvoirs discrétionnaires de la Couronne, mais ils fonctionnent dans tous les cas. J’en ai donné un exemple concret, monsieur le président. Si le premier ministre ontarien, M. McGuinty, décidait d’aller voir le lieutenant-gouverneur, il lui faudrait invoquer un motif drôlement sérieux pour dissoudre l’Assemblée.
Des élections à date fixe créent l’impression, dans les classes politiques et parmi les citoyens, qu’il existe une nouvelle norme. Par conséquent, un premier ministre fédéral ou provincial qui décide de se prévaloir de ses pouvoirs discrétionnaires et de ceux de la Couronne prendrait d’énormes risques. Différentes administrations ont adopté cette mesure. J’oserai même dire qu’une nouvelle convention constitutionnelle, ou presque, s’est créée. Les premiers ministres ne peuvent tout simplement pas... à moins d’une crise nationale ou si le gouvernement perd clairement la confiance des élus, ce qui est vraiment très rare en situation majoritaire.
Vous avez donc raison en théorie, madame Jennings, mais dans la pratique, ce projet de loi établira une nouvelle norme. Nous en avons certainement été témoins dans les cas de la Colombie-Britannique et de l’Ontario.
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Monsieur Donison, je veux revenir sur une chose que vous avez mentionnée tout à l'heure et qui ressemble à une réponse que le leader du gouvernement m'avait donnée.
Le premier ministre, malgré la présence d'un gouvernement majoritaire, conserverait la prérogative ou le privilège, dans une certaine mesure, d'aller voir le Gouverneur général et de lui demander de dissoudre le gouvernement pour une bonne raison.
Êtes-vous d'accord avec moi que ce qui constitue une bonne raison ou une raison majeure est une donnée totalement subjective? Ce n'est pas une donnée objective. En droit, ce qui est une bonne raison pour vous n'est peut-être pas une bonne raison pour moi; c'est subjectif.
Vous rappelez-vous le prétexte que Jean Chrétien avait invoqué pour déclencher les élections en 2000, alors qu'il avait été réélu en 1997? Je m'en rappelle comme si c'était hier. Il était à Rideau Hall. Au retour de sa visite chez la Gouverneure générale, les journalistes lui avaient demandé pourquoi, moins de quatre ans après la dernière élection, il en déclenchait une nouvelle? Il avait répondu qu'il avait besoin d'un mandat de la population canadienne pour dépenser les surplus budgétaires comme proposait de le faire.
M. Marcel Proulx: C'était une bonne raison.
L'hon. Marlene Jennings: C'était une excellente raison.
Tant et aussi longtemps qu'on vivra le déséquilibre fiscal, le gouvernement fédéral aura des surplus budgétaires et des provinces seront dans la dèche, et ce, tant et aussi longtemps qu'elles seront dans ce régime.
Réalisez-vous que la réponse que vous avez donnée tout à l'heure et celle que le leader du gouvernement m'a donnée la semaine dernière est une réponse teintée de subjectivité: on dit qu'il devra avoir une bonne raison. Qui sera capable de décider ce qu'est une bonne raison? Bien sûr, si l'électorat considère que la raison est futile ou partisane ou qu'elle constitue une tentative « d'en passer une p'tite vite » à l'opposition, il pourra le sanctionner.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
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Monsieur le président, je ne peux que répéter ce que j’ai déjà dit. Nous ne pouvons pas modifier la situation juridique. Vous avez bien raison, c’est un peu subjectif, mais à moins d’une crise nationale ou bien dans le cas d’un gouvernement majoritaire qui perdrait la confiance de la Chambre pour une raison ou une autre, ce qui est rare sinon impossible dans notre système, je crois que nous devons maintenir la souplesse du modèle de gouvernement responsable.
En réalité, un premier ministre... Vous citez l’exemple de 2000. Je vous citerai en outre ce qui s’est produit en 1997, sous un gouvernement libéral majoritaire, et aussi en 2004. Dans tous ces cas, nous avons eu des élections anticipées. Je ne cherche pas à être partisan, monsieur Guimond, mais dans le cas de M. Chrétien en 1997 et de M. Martin en 2004, il n’y a pas de doute que les élections étaient anticipées. Elles ont été déclenchées plus tôt que prévu – des livres ont été écrits à ce sujet – pour profiter de la situation d’un nouveau parti d’opposition qui venait de se doter d’un nouveau chef.
Je suis persuadé qu’une fois ce projet de loi adopté, c’est à ses risques et périls qu’un premier ministre essaierait de faire ce qu’ont fait M. Chrétien et M. Martin en 1997, en 2000 et en 2004.
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Mais rien, dans le libellé actuel du projet de loi, ne nous garantit que la même chose ne pourra pas se reproduire. C'est certain que maintenant, la différence est qu'un terme est fixé. Ne me répondez pas que si le gouvernement a perdu la confiance de la Chambre... Imaginez que nous ayons un gouvernement majoritaire. Je vous donne un exemple. Il va de soi, si le gouvernement est minoritaire et qu'il perd la confiance de la Chambre, qu'il n'aura d'autre le choix que de tenir des élections.
Je vais répéter les propos que Mme Michaëlle Jean a tenus dans le cadre des entrevues qu'elle a accordées pour souligner la fin de la première année de son règne, propos qui m'ont fait rire. Elle a dit que la décision la plus difficile qu'elle avait prise dans la dernière année avait été de dissoudre le Parlement. Elle n'avait pas le choix! Qu'elle n'essaie pas de nous faire croire que c'était une décision difficile, qu'elle a été torturée et qu'elle n'a pas dormi de la nuit: elle n'avait pas le choix! Alors, ne soulevez pas cet argument.
Dans le cas d'un gouvernement majoritaire, si le projet de loi était adopté tel que libellé actuellement, le premier ministre pourrait-il décider quand même de déclencher des élections avant terme?
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Merci, monsieur le président.
J’ai à poser quelques autres questions à ce sujet. J’ai parlé de « date fixe flexible » parce que je pense qu’il est important pour les citoyens de comprendre que nous avons un gouvernement minoritaire qui peut tomber, ce qui donnerait lieu bien sûr à des élections.
Au sujet du taux de participation, nous avons demandé aux témoins de la Colombie-Britannique et à la directrice des élections de la province de nous parler de leur expérience pour ce qui est d’encourager les femmes, les minorités visibles et les Autochtones – comme le mentionne le document de M. Milner cité par M. Donison – à participer au processus démocratique. La directrice des élections n’avait rien à nous dire sur cette question. J’espère que nous pourrons examiner cet aspect, qui est très important pour le Nouveau Parti démocratique et pour tout le monde, j’en suis sûr, parce que le projet de loi en soi n’est pas suffisant. D’autres réformes sont nécessaires.
Nous avons parlé de l’établissement des listes électorales. Nous devons investir des ressources et toute économie réalisée – on a dit que la Colombie-Britannique a pu faire des économies en louant des locaux et en engageant du personnel d’avance – dans un processus de dénombrement vraiment démocratique. Nous avons les recensements, les déclarations de revenus et beaucoup d’autres moyens de recueillir des données, mais nous devons établir un processus de dénombrement qui permette aux gens non seulement de connaître la date des élections, mais aussi d’y participer. Je vais me limiter à cela et voir si les témoins trouvent cette question importante.
Il reste encore à chercher des moyens d’encourager plus de femmes, de membres de minorités visibles et d’Autochtones à participer – nous n’avons pas de données à ce sujet – et aussi à poser leur candidature. Notre parti a pris quelques mesures à cet égard. Je suis heureux de dire que notre caucus compte relativement plus de femmes que celui de n’importe quel autre parti.
Qu’en pensez-vous? Je pose la question à tous les témoins.
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Je ne crois pas que le , fondamentalement, contribuera à une plus grande équité au niveau des candidatures et des personnes qui seront élues. Je pense qu'une transformation en profondeur de la société devra se produire avant que nous puissions voir une plus grande parité, et je ne pense pas que le projet de loi C-16 viendra modifier cette réalité déplorable.
Il y a un autre type de législation, dans les démocraties parlementaires aux quatre coins de la planète, qui fixe des délais. Par exemple, on établit qu'une élection doit être tenue à l'intérieur d'une période de deux mois. Si on compare les taux de participation au sein de ces démocraties parlementaires qui respectent une date fixe avec ceux des démocraties où il n'y en a pas, on constate qu'il n'y a pas de grandes variations. C'est sûr qu'il y a des traits culturels quant aux habitudes de participation, mais de façon générale, il n'y a pas de grands écarts dans les taux de participation. Par conséquent, je ne pense pas que la question de la présence ou de l'absence d'une date fixe ou d'une date approximative modifiera les comportements sur le plan de la participation de l'électorat.
Comme le projet de loi n’a, à notre avis, que très peu d’avantages concrets, lorsque nous parlons d’élections à date fixe flexible, j’en viens à la conclusion que nous faisons beaucoup de bruit pour rien. Si nous voulons garder certains aspects de notre système actuel qui assurent la flexibilité, maintiennent un gouvernement responsable et nécessitent la confiance de la Chambre, il ne reste plus que des élections à date fixe qui n’ont pas vraiment lieu à date fixe. La conclusion, c’est qu’un gouvernement peut faire des choses beaucoup plus importantes, beaucoup plus fondamentales pour combattre le déficit démocratique que de tenir des élections à date fixe.
Nous en revenons au point de vue du Parti vert: nous n’avons pas de raison particulière de nous opposer au projet de loi, mais nous ne voyons pas pourquoi il faut investir tant de ressources pour le faire adopter quand on peut envisager tant d’autres choses, comme la représentation proportionnelle, les efforts que chaque parti peut déployer pour avoir, parmi ses candidats, plus de membres de minorités visibles et non visibles, plus de femmes, etc. Je préférerais que les efforts aillent plutôt dans ce sens.
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Je dis simplement que, dans notre système parlementaire de type britannique, si le gouvernement perd un vote sur une question de confiance, la Couronne doit en prendre acte. Les constitutionnalistes peuvent discuter d’une telle situation.
Il n’en reste pas moins... Je veux encore une fois insister sur la pratique, par opposition à la théorie. Les membres du comité évoquent sans cesse l’aspect théorique. Je peux le comprendre, mais il faut tenir compte des faits: aux endroits qui ont opté pour des élections à date fixe, aucune restriction juridique n’a été imposée sur les pouvoirs du premier ministre ou de la Couronne. La réalité politique, c’est que les politiciens se conforment à ce modèle, qui a presque donné lieu à un nouveau paradigme. Par conséquent, s’il est évident pour l’opposition et la presse que le gouvernement a manœuvré pour organiser sa propre défaite dans le cadre de ce nouveau paradigme, le premier ministre et son gouvernement auront à affronter des conséquences plus graves que cela n’a été le cas dans le passé.
Monsieur Donison, je ne suis pas sûre de comprendre. Vous dites qu’aux endroits qui ont adopté des élections à date fixe flexible, la prérogative qui existe encore a donné lieu à un nouveau paradigme. À ma connaissance, la Colombie-Britannique vient tout juste d’adopter le principe des élections à date fixe. L’Ontario l’a fait il n’y a pas très longtemps. D’autres provinces ont seulement exprimé l’intention de le faire. En Australie, les deux États que vous avez mentionnés n’ont adopté que récemment les élections à date fixe. Par conséquent, vos affirmations se fondent sur des faits très, très récents... Nous parlons de systèmes qui ont eu une, peut-être deux élections à date fixe flexible. Il n’existe pas d’exemples datant de 50 ou 60 ans dans des démocraties parlementaires.
Si vous connaissez de tels exemples, je vous prie de nous en parler. Autrement, ce que vous dites ne tient en fait que de l’intuition et de l’anecdote. Je ne crois pas qu’il existe des preuves assez claires et convaincantes pour justifier vos affirmations et conclusions.
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Je suppose que vous ne demandez non plus aucune réponse aux témoins.
Je voudrais maintenant vous remercier puisqu’il ne semble plus y avoir de questions. Je vous suis très reconnaissant d’être venus aujourd’hui. Il nous arrive souvent de demander à des témoins de comparaître à bref délai, mais nous vous remercions d’avoir répondu à notre invitation.
Vous pouvez maintenant disposer. Merci encore, au nom du comité.
Pendant que les témoins ramassent leurs affaires, la séance reste publique.
Je voudrais rappeler aux membres du comité que la prochaine séance aura lieu mardi et que nous recevrons un groupe de témoins, qui sont tous professeurs d’université. M. Henry Milner, qui se trouve en Suède, témoignera par vidéoconférence. M. Andrew Heard nous parlera de Victoria, également par vidéoconférence. M. Louis Massicotte sera ici en personne. La réunion se tiendra dans la salle 253-D. Vous recevrez un rappel de la greffière.
Y a-t-il d’autres questions ou d’autres affaires? La séance est donc levée.