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Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Veuillez nous excuser pour le retard ce matin. Il nous faut absolument cette pièce en raison de notre téléconférence, qui débutera à midi. Je vous remercie donc de votre diligence et de votre patience.
Je tiens à informer les membres que notre réunion est ouverte au public. Encore une fois, nous poursuivons notre examen du projet de loi .
Je vous rappelle également que notre vidéoconférence débute à midi. Nous disposons donc d'une heure pour entendre notre premier témoin.
Je souhaite donc la bienvenue au directeur général d'Élections Québec, M. Marcel Blanchet.
Je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin, Marcel. Normalement nous vous accordons quelques minutes pour faire une exposé liminaire.
Ensuite, chers collègues, comme d'habitude, nous ouvrirons la période des questions et le premier tour sera de sept minutes. Je vous rappelle que nous ne disposons que d'une heure, et donc, si les membres veulent bien s'en tenir à des questions courtes et concises, ils pourront sans doute en poser plus que d'habitude.
Monsieur Blanchet, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, c'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation à venir partager avec vous l'expérience québécoise en ce qui a trait à la compilation des données sur les électeurs ayant voté au bureau de vote.
Je dirai, d'entrée de jeu, que des changements importants ont été apportés en cette matière en 2001 au Québec.
En effet, en mars 2001, le législateur québécois a adopté des modifications législatives qui ont eu pour effet d'instaurer les fonctions de préposés à la liste électorale à titre de membres du personnel électoral. Ces modifications avaient préalablement fait l'objet de discussions au Comité consultatif de la Loi électorale.
Pour la gouverne du comité permanent, je tiens à préciser que ces modifications législatives faisaient suite au jugement de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Hébert, rendu en 1999. Le jugement en question est venu invalider le deuxième alinéa de l'article 137 tel qu'il existait à l'époque et qui portait sur la rémunération des représentants des partis politiques dans les sections de vote.
Le requérant, Jacques Hébert, alors directeur général de l'Action démocratique du Québec, avait entre autres contesté la constitutionnalité de la disposition en vertu de laquelle les représentants des partis s'étant classés premier et deuxième dans la circonscription lors du scrutin précédent étaient rémunérés pour colliger les données sur les électeurs ayant exercé leur droit de vote, et ces personnes ne donnaient pas accès à ces données aux autres partis, donc aux tiers partis et aux candidats indépendants.
Par conséquent, depuis 2001, les représentants des partis agissant au bureau de vote ne sont plus rémunérés par le directeur général des élections. Les tâches de « pointeurs » — si vous me permettez l'expression — qu'ils réalisaient auparavant sont maintenant effectuées par les préposés à la liste électorale. Ceux-ci, à titre de membres du personnel électoral recommandés par les partis politiques étant arrivés premier et deuxième lors du scrutin précédent, sont rémunérés par le directeur général des élections. La Loi électorale précise qu'ils doivent mettre à la disposition des releveurs de listes de tous les partis politiques autorisés et candidats indépendants les informations sur les électeurs ayant voté.
Comme les autres membres du personnel électoral, les préposés à la liste électorale agissent sous l'autorité du directeur du scrutin. Ils reçoivent, durant la période électorale, une formation du directeur du scrutin. Cette formation est basée sur les directives élaborées par mon bureau à leur intention.
Au cours de la formation des préposés à la liste électorale, le directeur du scrutin insiste sur le fait qu'ils doivent agir en toute neutralité et en toute impartialité, bien que leur embauche soit recommandée par les partis politiques. Ils ne doivent se livrer à aucune activité de nature partisane le jour du scrutin. À l'instar des autres membres du personnel électoral, ils prêtent serment et jurent qu'ils exerceront leurs fonctions conformément à la loi.
Au bureau de vote, deux préposés à la liste électorale travaillent en équipe sous la responsabilité du scrutateur, à chaque table. Les directives destinées aux préposés à la liste électorale contiennent les renseignements nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Elles leur expliquent comment utiliser le matériel mis à leur disposition. De façon plus précise, les préposés à la liste électorale compilent les numéros de ligne des électeurs ayant voté au bureau de vote, en inscrivant ces données sur les relevés prévus à cette fin. Ainsi, chaque fois qu'un bulletin de vote est déposé dans l'urne, les deux préposés à la liste électorale noircissent, sur leur relevé, le numéro de ligne de l'électeur qui a voté. Ce numéro de ligne leur est fourni par le secrétaire du bureau de vote. À intervalles réguliers, à peu près aux demi-heures, les préposés à la liste électorale remettent les copies de ces relevés au préposé à l'information et au maintien de l'ordre de chaque endroit de vote — on l'appelle le PRIMO — ou à l'un de ses aides, qui les transmet à son tour aux releveurs de listes des partis politiques et des candidats indépendants.
J'ouvre une parenthèse pour vous informer que j'ai remis au greffier du comité permanent des exemplaires des directives destinées aux préposés à la liste électorale. Ces directives contiennent en annexe les relevés de compilation des électeurs qui ont voté.
Les modifications législatives créant la fonction de préposé à la liste électorale n'ont pas eu d'impact financier chez nous. En effet, la rémunération antérieurement payée aux premiers représentants des partis politiques est maintenant versée aux préposés à la liste électorale. Ils reçoivent la même rémunération que les secrétaires de bureau de vote.
À l'occasion des élections générales de 2003, les quelque 38 000 préposés à la liste électorale affectés aux 19 364 bureaux de vote ont reçu un total de 3 541 597 $ à titre de rémunération. Aux élections de 1998, la rémunération des 43 891 premiers représentants s'était, quant à elle, établie à 3 848 087 $.
Il y a une différence, comme on peut le constater, entre 1998 et 2001. Il y en a moins en 2003 qu'en 1998 parce que les préposés à la liste ne sont pas présents pour le vote par anticipation, le vote des détenus ou le vote itinérant, ce qui était le cas des représentants politiques en 1998. Donc, on a pu économiser un peu à cet égard.
À l'occasion des prochaines élections générales, la rémunération globale des préposés à la liste électorale devrait dépasser, cette fois-ci, les 5 millions de dollars. L'augmentation par rapport à 2003 est attribuable au plus grand nombre de bureaux de vote et à la hausse de la rémunération. Ainsi, le tarif horaire fixé par le nouveau règlement sur la rémunération des membres, qui est entré en vigueur le 30 août dernier, passe de 7,85 $ de l'heure à 11,79 $.
En tant qu'institution gardienne des principes inhérents au système électoral québécois, le directeur général des élections a favorablement accueilli les dispositions législatives qui ont eu pour effet de créer la fonction de préposé à la liste électorale. Ces dispositions constituent, à mon sens, une nette avancée au regard de l'équité et de l'égalité des partis politiques. Les principes d'équité et d'égalité comptent au nombre des principes fondamentaux de notre système démocratique.
Bien que j'en salue le principe, pour les raisons que je viens d'exposer, l'expérience vécue aux élections générales de 2003 a révélé que des améliorations pourraient être apportées en ce qui a trait à la fonction de préposé à la liste électorale.
Nous avons, en effet, pu constater que les tâches à réaliser ne comportent pas suffisamment de volume pour occuper deux personnes à chacun des bureaux de vote.
De plus, les partis politiques connaissent d'énormes difficultés à recommander un nombre suffisant de personnes pour agir comme préposés à la liste électorale dans tous les bureaux. En l'absence de recommandations des partis, il incombe au directeur général des élections de recruter ce personnel afin de combler ces postes, ce qui n'est pas une mince tâche.
Lorsque le directeur du scrutin n'arrive pas à doter l'ensemble des postes, il m'appartient, en vertu des pouvoirs que me confère la Loi électorale, de prendre une disposition spéciale afin de permettre de nommer un seul préposé pour chaque bureau de vote. À défaut de pouvoir nommer un préposé à chaque bureau de vote, le directeur de scrutin pourra faire effectuer les fonctions soit par le scrutateur ou le secrétaire, mais cela se fait de façon très exceptionnelle.
Les difficultés de recrutement sont telles que j'ai dû prendre des décisions spéciales à chacune des élections générales et partielles tenues depuis 2001. Dans l'édition de 2003-2004 de mon rapport annuel, j'ai recommandé à l'Assemblée nationale de réduire de deux à un le nombre de préposés à la liste électorale par bureau de vote.
Je vous remercie de votre attention et j'accueillerai vos questions.
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Merci, monsieur Blanchet. Je respecte beaucoup le système électoral du Québec, qui est, en un sens, un modèle pour le reste du pays depuis 20 ou 25 ans. J'ai trouvé votre présentation très intéressante.
J'ai quelques questions sur d'autres sujets que vous n'avez pas abordés dans votre présentation, plus particulièrement sur les gens qui peuvent être oubliés ou perdus en raison du système qu'on envisage d'adopter en vertu du projet de loi. Je parle des sans-abri et des Autochtones.
[Traduction]
Je vais continuer en anglais maintenant.
Pour ce qui est de ceux qui pourraient être négligés ou ne pourraient exercer leur droit de vote... Votre système est semblable à celui que nous envisageons d'adopter; en fait, c'est le modèle québécois que nous envisageons d'adopter, du moins en ce qui concerne les pièces d'identité exigées pour voter. Et si je ne m'abuse, vous avez réglé le problème des personnes dont le nom pourrait ne pas figurer sur la liste électorale ou qui ne pourraient pas exercer leur droit de vote.
Je me demande, cependant, ce que vous avez à nous recommander, ou ce que vous avez trouvé comme solution qui puisse garantir que les sans-abri et les Autochtones, en particulier, pourront exercer leur droit de vote — notamment dans le Grand Nord, ou dans des régions où les électeurs ne peuvent pas facilement se rendre aux bureaux de vote.
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Le système québécois n'est quand même pas parfait. L'année dernière, à la suite des recommandations que j'ai faites après l'élection générale de 2003, un train de mesures a été adopté par l'Assemblée nationale du Québec qui visait à modifier substantiellement la Loi électorale québécoise pour faciliter l'exercice du droit de vote des personnes qui se trouvent dans une situation difficile.
À cet égard, on s'est également inspiré de mesures de la Loi électorale du Canada, notamment celle qui permet de voter au bureau du directeur du scrutin. Cette mesure n'existait pas au Québec. En fait, on veut élargir cette mesure afin de permettre à une personne de voter n'importe où au Québec, dans n'importe quel bureau de directeur du scrutin. Son vote serait compté dans la circonscription de son domicile. Pour ce faire, on a prévu tout un mécanisme, dont le développement de systèmes informatiques. On prévoit également le vote à domicile pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer.
En ce qui concerne les populations autochtones, on fait face à la même difficulté que partout ailleurs. La semaine dernière, j'étais en réunion avec mes collègues directeurs généraux des élections des autres provinces et territoires du Canada. Comme vous le savez, les Autochtones ne sont pas toujours très intéressés à voter. Nous devons donc faire de la publicité pour les inciter à participer au système démocratique, mais il ne s'agit pas d'un problème d'accessibilité. On s'assure que ces personnes ont toute l'information et tout ce qui est requis sur place pour leur permettre d'exercer leur droit de vote.
Les sans-abri, quant à eux, n'ont généralement pas d'adresse. C'est leur situation, par définition. On les incite à s'inscrire à l'endroit où ils vont généralement pour se nourrir, se laver ou dormir. En fait, les centres d'accueil pour itinérants à Montréal et à Québec peuvent servir de domicile aux fins de la Loi électorale, afin de permettre à ces personnes d'exercer leur droit de vote.
En gros, c'est ce que nous faisons. Encore une fois, on n'a pas d'autres mesures plus efficaces ou plus novatrices pour accommoder ces gens. Notre système fonctionne bien. On ne reçoit pas de plaintes de la part de ces gens voulant qu'on ne leur fournisse pas ce qu'il faut pour pouvoir exercer leur droit fondamental de voter.
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Au fédéral, la personne qui surveille la boîte s'appelle également le scrutateur, et celle qu'on appelle le secrétaire dans le système québécois s'appelle ici le greffier.
Ensuite, chacun des partis a son représentant à la table. Quand il y a six ou sept partis politiques, les directeurs du scrutin s'arrachent les cheveux. Ils peuvent dire qu'ils veulent que seulement deux personnes soient à la table. À ce moment-là, les autres sont en arrière à rayer des noms sur leurs listes. C'est ainsi que les choses se déroulent.
Comme M. Proulx l'a mentionné, le directeur général des élections, M. Kingsley, et les membres de son équipe, dont certains sont présents ici, nous ont dit qu'il faudrait qu'il y ait un photocopieur pour chaque lieu de scrutin. Ou bien ils ne comprenaient pas qu'on utilisait au Québec des formules NCR, no carbon required, ou bien ils voulaient compliquer les choses au possible. Le meilleur moyen de tuer un chien, c'est de dire qu'il a la rage. Vous n'avez donc pas de photocopieurs dans les lieux de votation.
M. Kingsley a invoqué l'argument des coûts, et le leader du gouvernement l'a répété. Les deux objectifs sont de ne pas augmenter les coûts et de faire en sorte que le processus de votation soit fluide. Si, au fédéral, on décidait de ne pas adopter un système de préposés à la liste électorale en raison des coûts et qu'on demandait au greffier, qui est déjà responsable de rayer les noms de la liste, de remplir la carte de bingo en même temps qu'il raye le nom de Michel Guimond, électeur 122 au bureau 126, est-ce que cela retarderait le processus?
Cela peut se faire pendant que l'électeur est en train de voter dans l'isoloir. Cela ne se fait pas nécessairement en sa présence. Pendant que l'électeur vote en arrière, le greffier a-t-il autre chose à faire en attendant que le prochain électeur se présente? Est-ce qu'un tel système nuirait à la fluidité du vote, à votre avis?
Nous accueillons également M. Jim Quail, du British Columbia Public Interest Advocacy Centre, et Mme Tina Marie Bradford. Nous vous remercions de votre présence également. Tina, nous savons qui vous êtes, puisque vous avez été la dernière à dire oui de la tête.
Chers témoins, je tiens à vous faire savoir que vous n'entendez nos voix qu'en anglais, mais les membres pourront poser leurs questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, selon leur préférence. Je demande également aux témoins de bien vouloir fermer leur micro lorsqu'ils n'ont pas la parole, si vous avez la possibilité de le faire. Je ne vois pas de microphones individuels devant vous, mais si vous avez la possibilité de fermer les micros, cela nous aiderait énormément.
De plus, selon notre expérience des vidéoconférences, il est préférable pour nous que vous parliez lentement, car les interprètes n'ont évidemment pas de copie de votre texte.
Chers témoins, je sais qu'on vous a dit que vous auriez droit à cinq minutes. Je vais évidemment respecter cette consigne, mais si vous n'avez pas besoin de vos cinq minutes, ne vous sentez pas obligés de les utiliser. Voilà.
Nous passons donc aux exposés liminaires, et Tina Marie sera la première intervenante. Alors je vous invite à commencer, nous allons entendre les autres en commençant par la personne à votre droite. Veuillez vous présenter avant de faire votre exposé liminaire. Je vous remercie.
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Monsieur le président et membres du comité, je m'appelle Tina Marie Bradford et je suis avocate spécialisée en droit du travail en exercice en Colombie-Britannique.
Avant l'année dernière, j'étais résidente de la circonscription électorale de Vancouver-Est. Les problèmes de pauvreté, d'abus de substances, de toxicomanie et de maladie mentale sont particulièrement courants dans une zone de cette circonscription de Vancouver-Est, et cette zone est communément appelée le Downtown Eastside.
Je voudrais vous parler brièvement de mes expériences en tant qu'organisatrice d'un groupe d'avocats bénévoles qui aident les citoyens marginalisés du Downtown Eastside pendant les élections — municipales, provinciales, et surtout, fédérales — en leur permettant d'obtenir suffisamment de pièces d'identité pour pouvoir voter aux élections.
J'ai rempli ce rôle en tant qu'organisatrice et bénévole au cours des deux dernières élections fédérales et des dernières élections provinciales et municipales.
Pour vous faire un peu mieux connaître le Downtown Eastside, ce quartier relativement petit — la superficie correspond à quelques pâtés de maisons qui forment un quadrilatère — est un foyer de pauvreté à Vancouver. La plupart des résidents du Downtown Eastside sont des sans-abri ou des itinérants, et bon nombre d'entre eux vivent dans des maisons de chambres ou hôtels ou abris où la criminalité est très répandue. En raison de leur situation, la plupart d'entre eux ont du mal à obtenir des pièces d'identité du gouvernement, et si par hasard ils en obtiennent, leurs objets personnels sont régulièrement volés, si bien qu'ils ne les gardent pas pendant bien longtemps.
N'importe qui qui sortirait son portefeuille aujourd'hui pourrait facilement produire différentes pièces d'identité. Mais pour les habitants du Downtown Eastside, c'est problématique. Généralement ils n'ont pas de voiture ni de permis de conduire, et comme ils ne sont pas propriétaires d'une voiture, ils n'ont pas accès à des documents d'assurance. Ils ne sont pas propriétaires fonciers, et par conséquent ils n'ont pas de relevés d'impôts fonciers ou d'autres documents qu'on peut avoir lorsqu'on est propriétaire foncier. Ils ne peuvent pas obtenir de crédit, et n'ont donc pas de cartes de crédit ou de cartes de débit, et ils ne pourraient certainement pas faire toutes les démarches requises pour obtenir un passeport canadien, étant donné qu'ils n'ont même pas les pièces d'identité les plus élémentaires. Et même s'ils ont eu certaines de ces choses à un moment donné dans leur vie, le plus souvent, ils finissent par les perdre.
Lors d'élections antérieures, certains citoyens ont constaté avec inquiétude que certaines personnes se voyaient régulièrement refuser le droit de vote aux bureaux de vote du Downtown Eastside. En 2002, un groupe d'avocats a décidé de collaborer afin d'aider ces personnes qui étaient privées du droit de vote.
En conséquence, un système a été mis en place en vertu duquel nous mettions des tables dans les rues à forte circulation de piétons du Downtown Eastside lors des scrutins anticipés et nous leur faisions faire une affirmation solennelle sous serment et ce document serait considéré comme une preuve d'identité suffisante pour leur permettre d'aller voter au bureau de vote.
Qu'est-ce qu'une affirmation solennelle? Je ne sais pas si les membres du comité ont la copie de l'affirmation solennelle que je leur ai fait parvenir.
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Dans ce cas, j'ai intérêt à accélérer.
L'affirmation solennelle est une formule prescrite par la Loi sur la preuve. Elle est semblable à ce qu'on appelle un affidavit — c'est-à-dire un document qu'on soumet à l'examen d'un tribunal, mais étant donné que ce document n'est pas présenté devant un tribunal, on parle plutôt d'une affirmation solennelle.
L'affirmation solennelle indique le nom de la personne, son lieu de résidence et comporte sa signature; ce sont les trois exigences de la Loi actuelle, et ensuite l'intéressé jure sous serment devant l'avocat que l'information est exacte, car en Colombie-Britannique, les avocats peuvent agir à titre de commissaires aux serments.
Au cours des deux élections fédérales, nous avons préparé environ 350 ou 400 affirmations solennelles sous serment pour chaque élection. Par conséquent, nous avons donné la possibilité de voter à 350 ou 400 personnes qui autrement se verraient refuser le droit de vote.
Le projet de loi élimine la possibilité pour un électeur de ne produire qu'une seule pièce d'identité, telle que l'affirmation solennelle, et prévoit désormais que deux pièces d'identité seront requises. Ainsi le travail que nous accomplissons pour aider ces personnes ne sera plus possible. Ces dernières se verraient refuser le droit de voter si elles se présentaient au bureau de vote avec l'affirmation solennelle seulement.
En conséquence, bien entendu, un grand nombre de ces personnes se verraient maintenant refuser le droit de vote. Avant de faire faire une affirmation solennelle sous serment, nous faisons une enquête préliminaire afin de vérifier et de confirmer l'identité de la personne. Nous lui demandons de regarder ce qu'elle a dans ses poches comme éventuelle pièce d'identité — par exemple, le reçu d'un versement de loyer, un document de la cour, un document dans lequel l'intéressé s'engage à comparaître devant le tribunal s'il a été libéré sous caution, ou une ordonnance qui porte son nom. Ainsi nous pouvons déterminer leur admissibilité avant de l'assermenter et de lui faire faire l'affirmation solennelle.
Évidemment, si elle n'a rien du tout comme pièce d'identité, elle n'aurait que ce document à présenter au bureau de vote, et il n'est pas probable que cette pièce soit considérée comme une pièce d'identité suffisante.
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Merci, monsieur le président. Je m'appelle Murray Mollard et je suis le directeur général de la B.C. Civil Liberties Association. Je remercie le comité de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être déjà, notre association a plus de 43 ans et, même si nous nous intéressons à toute la gamme des enjeux liés aux libertés civiles, je dirais que le droit de vote et les droits politiques en général sont au coeur de notre travail. La démocratie et la possibilité pour les citoyens de concrétiser pleinement leurs libertés au sein d'une démocratie constituent des valeurs et des principes fondamentaux que l'Association s'efforce en tout temps de protéger.
En ce qui nous concerne, le projet de loi soulève justement cette question de droit. Le fait qu'il empêchera les électeurs admissibles d'exercer leur droit de vote fondamental en fait une grande priorité pour l'Association.
Aujourd'hui, j'ai voulu faire autre chose que d'affirmer devant les membres du comité qu'à cause de cette mesure certaines personnes ne pourront plus exercer leur droit de vote. J'ai donc essayé de me mettre en rapport avec différents organismes de service social dans le quartier dont vous parlait Tina Marie — soit le Downtown Eastside — qui assurent des services directement à différentes clientèles, y compris les personnes marginalisées, les sans-abri, les toxicomanes, les itinérants, et les personnes ayant des problèmes de santé mentale. Je voudrais donc vous lire des extraits de certaines de ces lettres. Elles ont été envoyées au comité, mais j'aimerais rapidement vous en lire un certain nombre.
La première lettre est d'Ethel Whitty, directrice du Carnegie Community Centre.
Je vous écris afin d'exprimer mes inquiétudes au sujet du projet de loi C-31.
Des milliers de personnes vivant à Vancouver n'ont pas les pièces d'identité réglementaires du fait de vivre dans la pauvreté, d'être malades ou invalides ou de n'avoir pas d'adresse stable. Bon nombre d'entre elles sont connues de leurs voisins et le système actuel de vérification de l'identité au moment de l'inscription électorale leur permet d'exercer leur droit de vote.
Le fait de modifier le système actuel afin d'exiger deux pièces d'identité pour l'inscription électorale les priverait de leur droit de vote. Je vous exhorte donc à examiner avec soin les conséquences éventuelles de l'adoption du projet de loi C-31.
Là j'ai une lettre de Karen O'Shannacery, directrice générale de la Lookout Emergency Aid Society :
C'est avec inquiétude que j'ai appris que la Loi pourrait être modifiée afin d'exiger une preuve d'identité ou encore qu'un éventuel électeur soit assermenté et qu'une autre personne ayant une preuve d'identité se porte garante. Voilà qui créera des difficultés déraisonnables pour nos résidents et notre clientèle et qui les empêchera certainement — du moins la grande majorité d'entre eux — d'exercer leur droit de vote.
Je n'ai pas l'intention de vous lire toute la lettre; je me contente de vous lire le dernier paragraphe :
À notre avis, nos résidents et clients devraient pouvoir voter, comme tous les autres citoyens, et cela signifie que nous devons leur donner la possibilité de voter. Les gens ne devraient donc pas avoir à attester leur identité et leur admissibilité en faisant une affirmation solennelle sous serment. Nous vous exhortons donc à ne pas adopter les modifications proposées et d'opter à la place pour cette autre solution.
Cette lettre-ci est de la directrice générale de la Motivation, Power & Achievement Society, soit Roberta Chapman :
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La MPA désire exprimer officiellement son opposition au projet de loi C-31.
Ce projet de loi fera en sorte qu'il sera extrêmement difficile, sinon impossible aux sans-abri d'exercer leur droit de vote. Les sans-abri constituent l'un des populations les plus vulnérables en raison des compressions budgétaires touchant les services sociaux et devraient pouvoir le démontrer en votant.
La MPA est d'avis que les affirmations solennelles représentent une solution appropriée pour les sans-abri et les itinérants. Il faut encourager tout le monde à voter, y compris les sans-abri. Bon nombre de sans-abri ont des vies difficiles et souffrent de maladies mentales. Ce projet de loi ne fait que les marginaliser davantage par rapport au processus de vote, en leur donnant moins l'occasion de s'exprimer, plutôt que l'inverse. Quel segment de la population est plus lésé que celui des sans-abri, et si eux ne peuvent se défendre, qui défendra leur droit de voter?
Encore une fois, je ne vais pas vous lire toute la lettre. Celle-ci vient de Jean Swanson, coordonnatrice du Carnegie Community Action Project :
Je vous écris au nom du Carnegie Community Action Project pour vous informer que la nouvelle exigence du projet de loi C-31, soit la présentation de deux pièces d'identité pour être électeur admissible, privera des milliers de personnes vivant dans notre quartier de leur droit de vote...
Il faut absolument empêcher l'adoption de cette mesure législative si nous voulons continuer à proclamer que le Canada est une démocratie.
Je ne crois pas me tromper en vous disant que ceux et celles qui travaillent directement avec les personnes marginalisées, comme Tina Marie vous l'a déjà affirmé, savent à quel point il leur est difficile d'obtenir et de garder des pièces d'identité.
Selon notre association, des amendements à ce projet de loi s'imposent. Nous vous exhortons donc à examiner avec soin et à adopter des dispositions dans ce sens. Par exemple, il serait possible de modifier le projet de paragraphe 43.1(2) du projet de loi afin de prévoir qu'une affirmation solennelle faite sous serment soit suffisante pour établir le nom, l'admissibilité, et le lieu de résidence de l'électeur. On pourrait également modifier la Loi. De plus, il faudrait modifier l'alinéa 161(1)a) afin de prévoir qu'on puisse avoir recours à une affirmation solennelle.
Nous vous faisons remarquer qu'à l'heure actuelle, le recours à une affirmation solennelle dépend des services bénévoles d'avocats qui sont prêts à se proposer. Donc, il ne s'agit pas là nécessairement d'une solution parfaite. Par exemple, nous vous demandons d'envisager de permettre aux scrutateurs d'assermenter les gens, mais non en se fondant sur le système de vérification de l'identité. Pendant la période de questions, Tina Marie pourra certainement vous parler de son expérience du système de vérification de l'identité, et de son inefficacité, étant donné que les intéressés peuvent ne pas connaître d'autres personnes dont le nom figure déjà sur la liste des électeurs inscrits qui possèdent les pièces d'identité requises. Même si nous comprenons que, dans votre esprit, il s'agit là d'une mesure de protection, à notre avis, cette nécessité de vérifier l'identité des électeurs potentiels empêchera des personnes qui ont le droit de voter de le faire.
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Oui, je vais être bref. Je m'appelle Jim Quail. J'exerce le droit en Colombie-Britannique depuis 26 ans et je suis directeur général du British Columbia Public Interest Advocacy Centre.
L'une des activités du Centre consiste à représenter les groupes et les citoyens à faible revenu participant à des causes types touchant la violation de leurs droits. Si ce projet de loi est adopté tel quel, je peux vous garantir que nous allons faire porter l'affaire devant un tribunal, et je vous signale que, à notre avis, le projet de loi dans sa forme actuelle est extrêmement vulnérable.
Moi, aussi, j'ai fait partie d'équipes d'avocats bénévoles travaillant dans le quartier du Downtown Eastside le jour du scrutin, mais je ne vais pas utiliser mon temps de parole pour vous parler de cela.
Quoi qu'il en soit, j'exhorte le Parlement à tout simplement ne pas retenir ces modifications que le gouvernement propose d'apporter à la Loi électorale du Canada. À mon avis, ce problème n'est pas uniquement lié à la pauvreté — d'autres ont déjà fait valoir les arguments à cet égard — étant donné que ce projet de loi créera une situation où de nombreux électeurs qui viennent aux bureaux de vote seront renvoyés chez eux pour obtenir les pièces d'identité requises. Donc, non seulement cette mesure sera problématique pour les personnes qui peuvent ne pas avoir de pièces d'identité, mais elle créera des obstacles pour les personnes qui ont des problèmes de mobilité — les personnes âgées, les personnes qui ont un handicap, etc. — car, bien souvent, ces dernières ne pourront pas voter, notamment si elles décident de se présenter aux bureaux de vote tard le jour du scrutin.
Pour ma part, je voudrais surtout faire valoir un certain nombre d'arguments qui concernent des questions juridiques.
Il faut que le Parlement se rende compte que la mesure proposée aurait pour résultat de créer de nouvelles exigences qu'un électeur ou citoyen canadien serait obligé de remplir avant de pouvoir recevoir un bulletin de vote. Or la Charte des droits et libertés garantit à chaque citoyen le droit de voter aux élections parlementaires et, par conséquent, on n'a pas besoin de faire preuve de beaucoup d'imagination pour concevoir que le gouvernement pourrait avoir à justifier cette mesure législative aux termes de l'article 1 de la Charte.
Selon moi, ce projet de loi crée de nouveaux obstacles ou de nouvelles exigences en ce qui concerne le droit légal de recevoir un bulletin de vote pour les raisons suivantes: un citoyen serait tenu d'avoir des pièces d'identité, soit des pièces d'identité avec photo émise par un gouvernement ou d'autres pièces d'identité, que nous ignorons pour le moment, et qui seront établies par le Directeur général des élections.
Par ailleurs, s'il est question de pièces d'identité délivrées par le gouvernement qui portent la photographie et l'adresse du titulaire, nous parlons à ce moment-là de permis de conduire et de passeports. Il est possible que les gardiens de prison et des citoyens qui ont d'autres métiers possèdent une pièce d'identité avec photo indiquant leur adresse, mais, à toutes fins pratiques, ce sont essentiellement les deux pièces d'identité qu'un électeur pourrait normalement produire. Si vous n'avez pas de cartes et vous n'avez pas de permis de conduire, et si vous n'avez pas non plus de passeport, vous ne pourrez plus voter selon ce que prévoit cet article. Vous serez obligé de produire les deux autres pièces d'identité qui restent inconnues pour le moment.
Le système de vérification de l'identité ne constitue pas non plus une bonne solution puisqu'il faudrait trouver un électeur inscrit qui habite dans la zone desservie par le bureau de vote — donc, potentiellement 200 électeurs — possédant les pièces d'identité requises, qui puisse se présenter au bureau de vote avec vous, et qui n'a pas servi de garant à un autre électeur. Il est absolument certain que les modifications proposées auraient pour résultat de priver du droit de vote un grand nombre de personnes qui ont le droit de vote en vertu de la Constitution.
En réalité, vous dites aux gens que même s'ils sont des citoyens ayant le droit de vote, vous refusez de leur donner un bulletin de vote. Cette mesure doit potentiellement empêcher quelqu'un de recevoir un bulletin de vote de manière frauduleuse, alors qu'il s'agit déjà d'une infraction donnant lieu à des sanctions pénales aux termes de la Loi actuelle. On peut donc se demander quels problèmes au juste vous essayez de régler.
Pour nous, la question est assez simple puisqu'il s'agit de prime abord d'une violation d'un droit protégé par la Charte, si bien que le gouvernement aurait à démontrer que cette violation est raisonnable et justifiée en vertu de l'article 1. À mon avis, on ne pourra pas s'appuyer sur des preuves anecdotiques pour convaincre un tribunal que cette mesure est constitutionnelle. J'exhorte donc le comité et le Parlement à examiner de près cette question et à envisager sérieusement de ne pas retenir les modifications proposées à la Loi électorale du Canada.
Voilà qui termine mon exposé.
D'abord, à mon avis, une affirmation solennelle correspond à une assez bonne preuve d'identité, comparativement à d'autres pièces que les gens pourraient obtenir selon la liste établie par le Directeur général des élections. Et comme la Loi prévoit déjà qu'une personne qui fait une fausse affirmation solennelle sous serment est passible de sanctions criminelles, vous devriez envisager très sérieusement de retenir cette solution pour les personnes qui doivent prouver leur identité.
Une autre possibilité qui pourrait intéresser le comité consisterait à prévoir certaines restrictions relativement au processus de vérification de l'identité. Par exemple, la personne qui se porte garante doit habiter dans la zone desservie par le bureau de vote, ce qui constitue une restriction assez extrême. Il en va de même pour l'exigence selon laquelle celui qui se porte garant ne peut le faire que pour un seul électeur. Par exemple, un travailleur social ou quelqu'un de ce genre pourrait connaître plusieurs personnes. Quelqu'un qui travaille au centre communautaire dans la zone concernée peut connaître plusieurs personnes et être en mesure de se porter garant pour ces dernières, alors qu'à toutes fins pratiques, la Loi actuelle nous empêche d'avoir recours à cette ressource. On ne peut se porter garant que pour un seul électeur, et c'est tout pour cette élection-là.
Donc, si vous cherchez à réduire l 'impact, je vous proposerais ces deux moyens: premièrement, prévoir dans la Loi qu'une affirmation solennelle faite sous serment selon la formule prescrite constitue une pièce d'identité acceptable, en établissant un mécanisme qui permette de les assermenter aux bureaux de vote; et, deuxièmement, revoir le processus de vérification de l'identité afin d'éliminer les conditions inutiles qui limitent l'application de cette procédure.
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Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à Mme Bradford.
Comme vous avez travaillé sur le terrain dans la région d'East Hastings, vous avez de l'expérience dans ce domaine, et j'aimerais donc revenir un peu sur vos observations.
Il me semble que, dans un sens, vous essayez de faire le recensement des électeurs dont le nom ne figure pas sur la liste, étant donné que ce sont des sans-abri. Voilà qui soulève une question dont on n'a pas beaucoup parlé dans le cadre de nos discussions sur le projet de loi. Il n'en a certainement pas été question dans les témoignages du Directeur général des élections, mais c'est à mon sens un problème plus fondamental, à savoir l'abandon de l'ancien système de recensement des électeurs.
Il était prévu que l'on fasse à la place des recensements ciblés, et que le Directeur des élections, en particulier, soit tenu de faire du recensement dans les zones où il y a beaucoup de sans-abri juste avant les prochaines élections, afin que l'on arrive justement à recenser les membres de cette population. Si cela devait se faire, à votre avis, cette solution permettrait-elle d'améliorer la situation? Est-ce que cela améliorerait un peu la situation, selon vous?
Je pose la question à Mme Bradford. J'ai aussi une question de suivi, mais je n'ai que trois minutes.
Chers témoins, au nom du comité, je voudrais vous remercier d'avoir participé aujourd'hui et de nous avoir aidés à faire notre recherche. Et je voudrais surtout vous remercier pour votre dévouement pour les Canadiens vivant dans votre région et de vouloir vous assurer que les Canadiens dans tout le Canada sont bien servis. Nous avons pris bonne note de votre contribution.
Monsieur Mollard, monsieur Quail, et madame Bradford, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de vous entretenir avec les membres du comité ce matin. J'hésite à employer le terme « congédier », mais nous vous congédions effectivement.
Chers membres du comité, je voudrais traiter certaines questions très rapidement. Nous avons un ou deux points à traiter avant de lever la séance. La réunion est toujours publique, mais nous manquons de temps. Je rappelle aux membres qu'il n'y aura pas de réunion jeudi de cette semaine. Par contre, nous recevrons plusieurs témoins le 5 décembre. Certains n'ont pas encore confirmé leur présence, mais bon nombre d'entre eux l'ont déjà fait.
Je me suis peut-être mal exprimé à la dernière réunion. Le membre représentant le Nouveau Parti démocratique a demandé que l'on invite également les représentants de la Fédération canadienne des étudiants à comparaître.
Le comité est-il donc d'accord pour les inviter, sans doute avec les autres groupes qui comparaîtront le mardi 5 décembre? Est-ce le souhait du comité?
Des voix: D'accord.
Le président: Nous allons donc les inviter.
Monsieur Reid, vous avez la parole.