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Merci beaucoup de m'avoir invité. Je regrette que Michael Chettleburgh ne soit pas présent aujourd'hui, parce qu'il est d'accord avec moi sur la position que je vais prendre sur la marijuana.
Comme me le disait avec éloquence, il y a plusieurs dizaines d'années, le sergent Tommy O'Brien, un vieux et sage policier patrouilleur de la ville de New York à propos du crime organisé, pendant une balade dans la Petite Italie pour confronter un mafioso: « Tant que les gens apprécieront les services, car c'est ce dont il s'agit, c'est-à-dire la prostitution, les cigarettes non taxées, les bars clandestins et les jeux de hasard, il y aura toujours des mafiosi et des criminels pour les leur fournir. C'est comme n'importe quoi: si la population le demande, elle l'aura. » Il riait quand il a dit cela, et c'est tout à fait vrai aujourd'hui.
En tant que journaliste d'enquête depuis longtemps spécialisé dans le reportage sur le crime organisé, j'ai un point de vue différent que celui de la police et des procureurs, qui veulent généralement davantage de lois et une simplification des arrestations et des condamnations, ou de la plupart des politiciens, qui désirent habituellement marquer des points grâce à une solution miracle, simpliste et séduisante à des problèmes qui ne se résolvent pas si facilement.
J'observe et je documente le crime organisé au Canada depuis 1974. J'ai collaboré à des documentaires pour la télévision, à des livres, à des trames sonores et à des articles journalistiques, notamment de 1974 à 1979 pour la série Connections de la CBC, pour la série Mob Stories sur History Channel, où j'ai été interviewé, ainsi qu'Antonio. Dans les années 1980 et 1990, j'ai écrit Mob rule: Inside the Canadian Mafia, Dragons of Crime: Asian Mobs in Canada, et trois autres livres, dont un sur le crime organisé durant la prohibition dans les années 1920 au Canada.
J'ai collaboré à de nombreux documentaires pour la télévision sur le passage de clandestins — un pour A&E et un pour l'Office national du film et la CBC — à une série de 10 reportages pour CityTV sur les groupes criminels de Toronto, à un documentaire pour la télévision portant sur le trafic de cigarettes, d'armes à feu et d'alcool, pour l'émission Witness de la CBC, à un documentaire de la CBC à Montréal sur la guerre des motards dans les années 1990, et à de nombreux autres. J'ai également coécrit tous les articles de définition du « crime organisé » de toutes les éditions de l'Encyclopédie canadienne.
Le but de cette récapitulation est de souligner que, pendant presque 40 ans, mon travail a consisté à étudier, à observer et à documenter le crime organisé au Canada, plus précisément son évolution. Certaines de mes sources, d'anciens tueurs à gages, bandits, escrocs, motards et mafiosi, sont toujours des amis, comme certains policiers et d'autres sources de la pègre que je rencontre ou qui m'appellent fréquemment pour bavarder et comparer nos notes et nos analyses des dernières nouvelles du crime organisé. Je crois donc savoir ce dont je parle.
Depuis 1974, quand j'ai commencé à travailler sur Connections, et même depuis 1985, quand j'ai publié Mob rule: Inside the Canadian Mafia — le premier livre publié hors-Québec sur le crime organisé au pays — le Canada a fait beaucoup de progrès en matière de lois et de techniques d'application de la loi: mentionnons les excellentes lois antigang qui ont été renforcées il y a huit ans, la loi contre le blanchiment d'argent, une application plus vigoureuse de la loi sur l'immigration.
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Oh, je m'excuse. Je vais ralentir le rythme avec plaisir.
Les groupes criminels ont eux aussi beaucoup progressé, ils ont proliféré et ont connu une très grande croissance. C'est triste, mais c'est comme ça, malgré l'emprisonnement du chef des Hells Angels et plus récemment des gangsters de Vancouver, après qu'ils soient devenus trop arrogants, violents et hors de contrôle en tuant un grand nombre de personnes, y compris d'innocentes victimes.
Comme jamais auparavant, beaucoup plus de groupes du crime organisé ont des activités à la grandeur du Canada, même s'ils sont moins structurés et qu'ils obéissent moins à une hiérarchie stricte. C'est très vrai ici à Toronto, soit dit en passant.
Il n'existe qu'une solution à long terme. Bien sûr, on peut continuer d'appliquer la loi, notamment les lois antigang, de faire du rafistolage de lois et d'imposer des peines comme le propose le programme législatif répressif des conservateurs qui, malheureusement, n'offre rien pour juguler la croissance du crime organisé. En tant que société, il est temps que nous reconnaissions une bonne fois pour toutes l'énorme demande, de la part de la population, de certains des principaux produits et services offerts par le crime organisé. Le plus important est la marijuana, car c'est ce qui rapporte le plus d'argent aux groupes du crime organisé dans ce pays.
Il faut mettre fin à sa prohibition, autrement dit légaliser et taxer ce produit pour en retirer le commerce des mains de la pègre, comme ça été fait en mettant fin à la prohibition il y a 80 ans. J'ai rédigé un livre sur le sujet, soit Rocco Perri et la création de barons de la pègre au Canada et aux États-Unis par la prohibition de l'alcool, ce qui a entraîné des guerres entre mafias dans les deux pays.
La politique de prohibition de la marijuana est un échec colossal. Une partie des milliards de dollars générés par le trafic de la marijuana pourrait servir à informer la population sur l'utilisation abusive des drogues à usage récréatif. Je le dis parce que je connais bien le crime organisé et que je l'ai vu croître encore et encore, comme j'ai vu les forces de l'ordre essayer de suivre le rythme sans y parvenir à cause de la demande.
Nous devons légaliser certains des produits et services qui rapportent le plus au crime organisé et qui font sa prospérité, en commençant par la marijuana. Il faut que les États-Unis et le Canada passent à l'action en même temps. La Californie prévoit un référendum sur le sujet, et une victoire de la légalisation déclencherait un effet domino, comme l'a déjà fait l'usage médical de la marijuana dans les deux pays. Je connais beaucoup d'utilisateurs qui en prennent déjà « à des fins médicales » au Canada et aux États-Unis.
Je constate plus que jamais la nécessité de décriminaliser de nombreux produits et services offerts par le crime organisé, comme la prostitution, le jeu et la plupart des drogues. J'ai vu la pègre contrôler le jeu et l'alcool et en profiter, et ce rôle revient aujourd'hui en grande partie aux gouvernements. Il devrait en être de même pour la marijuana, et cela viendra; nous n'y pouvons rien.
La décriminalisation est dans l'air du temps, puisqu'elle est appuyée par une étude de l'Institut Fraser réalisée il y a près de 10 ans, par l'entrepreneur milliardaire George Soros, par Jesse Ventura, ex-gouverneur du Minnesota, en plus d'un numéro spécial de la revue The Economistparue il y a quelques mois et, tout particulièrement, de Law Enforcement Against Prohibition, LEAP, un organisme canado-américain formé d'anciens soldats de la guerre contre les drogues qui s'oppose maintenant à leur prohibition. Je ne sais pas si vous avez un représentant du LEAP ici. En avez-vous un? Vous devriez. Cet organisme compte des gouverneurs américains, des Canadiens distingués comme Larry Campbell, ancien membre de la GRC, coroner et maire de Vancouver, maintenant sénateur. Ce serait un excellent témoin, à mon avis. Larry Campbell, vraiment un bon gars.
Évidemment, pour éviter des guerres des gangs pour le contrôle du territoire américain et des voies d'accès aux États-Unis, comme c'est le cas maintenant au Mexique et dans les années 1920, pendant la prohibition, les deux pays doivent légiférer en même temps pour la décriminalisation. C'est un point extrêmement important. Nous ne pourrions pas seulement légaliser la marijuana dans ce pays. Selon moi, lorsque cela se produira en Californie, c'est à ce moment que nous devrons agir rapidement. C'est pourquoi vous devez vous pencher sur cette question maintenant, avant que cela se produise en Californie. La Californie est l'État américain le plus important, et lorsque les choses changent là-bas, elles changeront partout.
Certains, dont des membres du Parlement, font circuler l'idée de criminaliser spécifiquement les groupes en les désignant par leur nom, par exemple les Hells Angels. Cette idée est bancale sous plusieurs aspects. Premièrement, elle ne fonctionnerait pas, puisque les Hells Angels n'auraient qu'à passer à la clandestinité, comme ils l'ont déjà fait au Québec dans le commerce des drogues, où ils continuent de manière plutôt efficace à importer et à vendre des drogues. Il ne manque pas de drogues sur les rues de Montréal, je peux vous le dire.
Deuxièmement, il s'agit d'une pente glissante. Pourquoi seulement les Hells Angels? Pourquoi pas d'autres gangs du crime organisé? Pourquoi ne se concentrer que sur le crime organisé qu'on peut nommer? Malheureusement, beaucoup de groupes criminels, comme de nombreux gangs de rue ou gangs vietnamiens, sont très souples et s'adaptent facilement; ils n'ont pas vraiment de noms, sauf ceux que leur donnent les journalistes et les policiers.
Troisièmement, cela ferait des Hells Angels des martyrs des droits de la personne. Ce serait un beau coup de relations publiques et une aubaine pour un tel groupe sinistre. Au final, il est trop simpliste de criminaliser l'adhésion à un groupe reconnaissable à son nom. C'est une idée qui ne convient qu'aux policiers qui ne veulent pas consacrer le temps nécessaire à une enquête sur de véritables crimes ou à l'application de lois antigang, et elle est nuisible à nos libertés civiles au Canada. Je pourrais ajouter qu'après de nombreuses années d'application, elle n'a pas très bien réussi à éliminer les nombreuses mafias en Italie ou les triades de Hong Kong. D'un autre côté, on pourrait objecter qu'en Italie, elle a au moins permis de mettre les mafias sous forte pression. Antonio peut répondre aux questions à ce sujet.
Le temps est venu, au niveau national et international, de porter un coup dur aux groupes criminels en activité au Canada. Mettre fin à la prohibition de la marijuana est la première étape importante de cet objectif. L'application rigoureuse des lois antigang sévères apportera également une énorme contribution. Un financement fédéral accru et un appui visible et exprimé avec beaucoup de conviction au sujet de l'utilisation de lois antigang systématiquement et à l'échelle nationale sont nécessaires. Ces lois ont été utilisées efficacement contre les Rock Machine, les Hells Angels, des gangs de rue noirs hautement organisés à Toronto, des gangs ethniques du crime organisé ailleurs, et la puissante famille mafieuse Rizzuto.
À mon avis, il n'y a nul besoin d'adopter de nouvelles lois, mais seulement d'appliquer rigoureusement celles qui existent déjà et d'éliminer certaines autres, très vieilles et dépassées, comme celles portant sur la prohibition de certaines drogues récréatives largement utilisées et immensément populaires, dont la marijuana et peut-être l'ecstasy. Il nous faut des contrôles de qualité sur cette drogue extrêmement populaire, étant donné que la plupart des utilisateurs savent rarement de quoi se compose exactement une drogue souvent produite dans des garages et des sous-sols.
Mettre fin à la prohibition de la drogue, en commençant par la marijuana, est la seule chose à faire qui pourrait presque certainement réduire les pouvoirs, les revenus et le nombre de membres des groupes du crime organisé. Le temps est venu de cibler ce qui alimente la croissance et les profits de la pègre. Il est temps de l'attaquer là où elle est vulnérable, et la légalisation de la marijuana en Amérique du Nord y contribuera. Évidemment, il est impossible d'éliminer le crime organisé dans une société; nous ne pouvons qu'empêcher sa propagation et l'acculer au pied du mur.
Aujourd'hui, pendant que je me préparais à venir ici, et en ce moment même pendant la séance, il y a un juge du New Jersey qui est commentateur à la chaîne de télévision Fox, une chaîne que je ne regarde pas habituellement... En ce moment même, il prononce un discours sur la chaîne Fox au sujet de sa position concernant la légalisation de la marijuana. Voici ce qu'il a écrit sur Facebook ce matin:
Le temps n'est-il pas enfin venu pour le gouvernement d'abandonner sa façade victorienne et de laisser les gens faire de leur corps ce qu'ils souhaitent en privé...
Le temps est maintenant venu pour le gouvernement de sortir de nos maisons et de nous laisser tranquilles. Les gouvernements en Amérique consacrent environ 50 milliards de dollars par année à la lutte antidrogue, mais l'utilisation de drogues récréatives augmente chaque année. Quand allons-nous comprendre que la prohibition est un désastre?
C'est ainsi qu'il termine son commentaire sur Facebook ce matin.
Je crois que mes 10 minutes sont écoulées.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
La dernière fois que je me suis adressé au comité, c'était en 2001. Je me souviens que nous nous étions posé la question suivante: pourquoi le crime organisé craint-il les lois et les frontières américaines et pas les nôtres? Depuis 2001, rien n'a changé. En fait, la situation empire.
Selon le dernier rapport du Service des renseignements criminels, la plupart des marchés criminels semblent résister grandement à la désorganisation à long terme, et dans certains cas, ils continuent de s'adonner au crime pendant l'incarcération. Le même rapport fait état de centaines d'organisations criminelles.
J'avais l'habitude d'appeler notre pays une terre d'accueil pour le crime organisé. Le problème principal concerne la définition du crime organisé. Il y a les organisations criminelles qui s'isolent du risque, comme la mafia et la 'Ndrangheta, qui ont tendance à être moins visibles et plus difficiles à relier à des comportements criminels. Elles sont davantage axées sur les affaires et elles ont établi des liens avec des politiciens, des gens d'affaires et des professionnels.
Si vous avez le temps de lire le rapport de renseignements préparé par la GRC et la police de Montréal concernant la mafia au Québec, vous y trouverez les noms de sociétés importantes, de politiciens, d'avocats et de constructeurs. Ce rapport vous apprendra réellement en quoi consistent les pouvoirs d'une organisation criminelle comme la mafia. De plus, vous y apprendrez qu'elle est plus dangereuse lorsqu'elle ne peut être ébranlée.
Les liens avec les décideurs, les gens d'affaires, les politiciens et les professionnels sont le fondement de la puissance criminelle. Néanmoins, c'est un domaine qui est interdit. Combien d'enquêtes ciblent les soi-disant zones grises où les politiciens, les criminels, les professionnels et les gens d'affaires se réunissent pour diverses raisons? Il n'y en a pas beaucoup. C'est ça, la véritable cible.
Selon le Service des renseignements criminels, la démarcation entre l'illégalité et la légalité est mince et elle peut être redéfinie par des changements apportés aux règlements ou aux lois. De ce fait, certains groupes criminels s'adonnent à plusieurs activités qui sont à la limite de la légitimité ou tout à fait légitimes. Certains exploitent des entreprises qui visent principalement à faciliter les activités criminelles, tandis que d'autres font des échanges commerciaux légitimes, mais facilitent également des activités illicites au moyen, par exemple, du blanchiment d'argent ou de fraudes fiscales, ce qui donne lieu à de la fraude ou à une manipulation illicite des marchés boursiers. Un groupe criminel peut posséder ou exploiter ces entreprises ouvertement, cacher ses transactions par l'entremise d'intermédiaires, agir de concert avec les propriétaires ou les employés, user de coercition à l'encontre de ces personnes ou les tromper. Ces entreprises peuvent également permettre aux groupes criminels de garder une distance entre eux et les activités criminelles, et offrir une apparence de légitimité. Si c'est le véritable problème, pourquoi restons-nous les bras croisés à ne rien faire? Plutôt, et pour des raisons évidentes, nous continuons à relier le crime organisé uniquement à la violence et à la criminalité en col blanc.
Les activités des gangs de rue ont souvent des répercussions plus directes sur la population générale que celles des groupes du crime organisé, surtout parce que certains gangs représentent une menace pour la sécurité publique en raison de leur grande propension à la violence. Le problème est grave au Québec, puisque de nombreux secteurs de l'économie sont infiltrés par des criminels en col blanc. Il y a de plus en plus de violence dans les rues de Montréal. Quatre-vint-dix pour cent du commerce de la drogue sont entre les mains des gangs de rue, et ils se battent pour agrandir le territoire dans lequel ils exercent un contrôle sur la drogue. Ce ne sont pas des enfants avec des fusils. En Alberta, la police a vu des membres de gangs de rue échanger des messages textes alors que les présumés criminels étaient assis à la même table. Aucun mot n'a été échangé pendant la rencontre. Ils se servaient de BlackBerry parce que ces appareils ne peuvent pas être interceptés par la police. Ce n'est qu'un exemple du niveau d'ingéniosité de nos gangs de rue.
J'espère que cette rencontre ne sera pas aussi inutile que les autres. Pendant de nombreuses années, nous, les Canadiens, avons maintenu la politique de l'autruche en ayant la tête bien profondément enfouie dans le sable. Nous avons même une loi antigang qui n'est pratiquement pas invoquée à l'extérieur du Québec.
Je me rappelle un temps où le crime organisé était une priorité tant pour le gouvernement fédéral que pour les gouvernements provinciaux. En fait, cette nouvelle n'a servi qu'à faire les grands titres des journaux car aucune mesure concrète n'a été prise. Quelle qu'en soit la raison, nous nous trouvons maintenant face à des organisations criminelles dont la puissance et l'ingéniosité sont incommensurablement supérieures à ce qu'elles étaient auparavant. Certaines organisations ont réussi avec un brio magistral à s'adjoindre les services d'équipes de rêve composées d'avocats et de comptables agréés; quelques-unes ont même été en mesure d'infiltrer avec succès les forces de l'ordre.
Permettez-moi de citer le procureur de la Couronne Stephen Sherriff qui, dans un discours prononcé en 2001, a dit qu'il ne servait à rien de pleurer sur le lait renversé, mais qu'il fallait réaliser que ce qui avait commencé par une petite flaque s'était transformé en déversement. Malheureusement, presque dix ans plus tard, nous en sommes là. Ne perdons pas notre temps à discuter de tout le terrain à rattraper; l'important c'est de ne plus perdre de temps. Si nous n'agissons pas dès maintenant, plus de personnes innocentes seront en danger, plus de gens d'affaires se retrouveront entre les griffes des organisations criminelles et plus de stupéfiants seront échangés dans la rue.
En tant que Canadien, j'aimerais savoir s'il y a une volonté politique de lutter contre le crime organisé. Au cours des 20 dernières années, rien ne m'en a laissé l'impression.
Merci.
Mon nom est Margaret Beare, professeure à l'Université York, où pendant 10 ans j'ai été directrice du Nathanson Centre for the Study of Organized Crime and Corruption dont le nom a été changé pour celui de Nathanson Centre on Transnational Human Rights, Crime and Security. Toutefois, les services de police et le crime organisé continuent d'être le principal sujet à l'étude au centre. Auparavant, j'ai travaillé pendant 13 ans au ministère du Solliciteur général du Canada, que l'on connaît maintenant sous le nom de ministère de la Sécurité publique. J'y occupais le poste de directrice des Politiques et recherches en matière de police.
Notre groupe profite d'un léger avantage en ce sens que vous, du comité, vous vous rencontrez depuis quelques temps; d'ailleurs, j'ai eu la possibilité de prendre connaissance des témoignages qui vous ont déjà été présentés. Bon nombre de ces témoignages sont empreints de passion et d'engagement et je vous remercie de me donner la possibilité d'ajouter mon opinion, mon expérience et, dans une large mesure, mes espoirs de changement à cet ensemble de perspectives dont vous avez su tirer l'essentiel.
Les divers témoignages qui vous ont été présentés font ressortir la nécessité de se concentrer sur les causes profondes du crime organisé avant d'engager la lutte. De toute évidence, il est impossible qu'une seule mesure puisse s'attaquer à tous les types de crime organisé, mais j'aimerais que l'on s'attarde un instant sur les types d'activités qui sont effectivement liées à ces causes profondes.
Comme vous le savez peut-être, hier, se tenait à Toronto un sommet sur les gangs et un message clair s'en dégageait: il faut examiner l'affiliation aux gangs, étudier qui sont les membres de ces groupes ou gangs de rue et tenter de les comprendre; en fait, de ne pas présumer automatiquement qu'il s'agit de groupes criminels à insérer dans le fameux triangle magique: affiliation, organisation criminelle et catégorisation.
Il y a consensus sur le fait qu'un travail efficace de réduction de la violence auprès des gangs de rue passe par la mise en valeur de l'emploi, de la scolarisation, de l'insertion sociale et des services sociaux. Toutefois, cette démarche semble perçue comme une solution politique empoisonnée, à peine plus qu'une simple rhétorique reposant sur un éventail de textes de loi répressifs dont vous avez tous entendu parler. Parmi les mesures avancées, notons les peines minimales obligatoires, l'accroissement des pouvoirs de la police et des sanctions vis-à-vis des organisations criminelles et le débat sur le fait qu'il est commode de qualifier les groupes d'organisations criminelles.
Tant James qu'Antonio ont abordé cette question dans une certaine mesure; James a mis l'accent sur les réseaux et la nature « souple » d'un grand nombre de groupes criminels organisés, tandis qu'Antonio a parlé de zones grises, de la confusion entre corruption politique, corruption des fonctionnaires et trafic d'influence, et de « l'aspect criminel ».
Qu'est-ce qui se cache derrière l'étiquette que l'on attribue à un groupe? De ce point de vue, les Hells Angels sont un groupe intéressant parce que tout leur sourit. Ils ont la veste, le club, le nom et un petit quelque chose de spécial. Les groupes criminels organisés que nous serions peut-être plus avisés d'examiner sont les groupes plus souples qui mènent à la fois des activités légales et illégales.
Je vais terminer en parlant d'une étude sur les femmes dans le milieu du crime organisé. La communauté internationale s'inquiète de plus en plus du fait que des femmes accèdent au rôle de chef. Mis à part quelques exemples anecdotiques, je crois que nous n'avons rien à craindre des femmes pendant un bout de temps bien qu'elles jouent un rôle important dans certaines activités de traite de personnes dans certains réseaux. Ce sont principalement des femmes pauvres, sans emploi, victimes d'abus, souvent analphabètes et monoparentales, les mêmes que nous croisons dans nos prisons canadiennes. Elles sont davantage victimes qu'auteures d'actes de violence. Nous voyons de plus en plus de ces femmes visées par des peines minimales obligatoires liées au trafic de la drogue, notamment parce qu'elles ont servi de mules ou de passeurs de drogue. Cependant, à l'analyse des décisions des tribunaux, on se rend compte que ce sont plutôt des femmes naïves, dupées, intimidées, mais aussi, que certaines d'entre elles ont choisi consciemment d'exécuter des tâches comportant des risques et de ne recevoir que la part la moins profitable des réseaux de trafic tout en étant les plus exposées alors que d'autres personnes dirigent les opérations et deviennent éventuellement, mais pas nécessairement, riches.
Je viens tout juste de finir de lire une étude sur la répression du jeu. Vous vous demandez probablement en quoi le jeu est lié aux problèmes que nous étudions actuellement. À mon avis, on parle ici de politiques en matière de justice qui, du moins dans une certaine mesure, semblent aller au gré des tendances relevées dans les sondages.
Bien que l'on reconnaisse que le jeu illégal demeure une source importante de revenus pour les groupes criminels organisés — d'ailleurs les meurtres récents à Montréal révèlent que certains joueurs ont participé et participent toujours à ce genre d'activité — la volonté politique de continuer à financer la lutte contre le jeu clandestin est plutôt faible. Plus intéressant encore, il y a tout ce battage à l'échelle internationale au sujet du blanchiment d'argent, du financement du terrorisme et, évidemment, des gangs et des armes à feu. Une réponse plus efficace serait peut-être de se concentrer davantage sur le travail traditionnel des policiers dans la rue plutôt que d'affecter, peut-être avec un peu trop d'insistance, nos précieuses ressources à des équipes d'élite.
En quoi mon point de vue est-il lié à ces trois éléments? Ce qu'il faut, c'est qu'un comité comme le vôtre, auquel je suis, par ailleurs, très heureuse de m'adresser aujourd'hui, ait la volonté politique de se tenir debout face aux dirigeants politiques. Lorsque les représentants du Service correctionnel du Canada ont informé le premier ministre des effets négatifs importants qu'ont les peines minimales obligatoires sur la population carcérale, il leur a répondu que le plus dur c'était d'en convaincre les bureaucrates. Tant les travaux de recherche, les faits que l'expérience du personnel de recherche spécialisé dans le domaine correctionnel et du personnel des prisons, tout cela ne présentait aucun intérêt pour lui.
Se tenir debout et dire tout ce que l'on sait, tant sur le plan national qu'international, c'est reconnaître que les peines obligatoires font plus de mal que de bien; que les arrestations massives de membres de gang, qui ne peuvent être absorbées ni par nos systèmes d'aide juridique ni par nos tribunaux, doivent être un dernier recours par rapport à d'autres mesures mises en vigueur dans les secteurs les plus en difficulté de nos villes. Ce que la décision Gladue tente de nous dire, à la lumière de la surreprésentation excessive des Autochtones dans nos prisons, c'est qu'il ne peut y avoir égalité devant la justice lorsque, au départ, tous les gens ne sont pas égaux. C'est pourquoi la justice doit se montrer plus souple et plus intelligente, être exempte de toute influence politique et libre de prendre des décisions courageuses inspirées d'une justice sociale toute canadienne.
J'aimerais joindre ma voix à celles du groupe qui clament que les lois actuelles de lutte contre la drogue ne sont ni efficaces, ni pures, ni simples. Quelque soit votre point de vue au sujet de la marijuana, ce que nous faisons ne fonctionne pas. Ménagez vos ressources et affectez-les à la lutte contre d'autres stupéfiants si vous le devez, mais la décriminalisation est la seule réponse raisonnable lorsque l'on parle de marijuana.
Pendant quelques années, j'ai fait partie du Comité sur l'abus des drogues de l'Association canadienne des chefs de police et je peux vous dire que l'une d'entre elles fut particulièrement intéressante, l'année où le comité a recommandé la décriminalisation au gouvernement. Hélas, lorsque les chefs de police sont revenus dans leur service respectif, ils ont apparemment été très secoués du fait que la décision officielle avait été modifiée. Cependant, c'était là le signal que les corps policiers sont à même de voir la folie qu'engendrent certaines lois, et cette organisation policière très puissante a presque eu le courage de le dire au gouvernement.
Je vous remercie beaucoup.
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Oui, vendre de la drogue. Les stéroïdes font partie des drogues. Ils sont illégaux. On fait beaucoup d’argent avec les stéroïdes et l’ecstasy et, comme je l’ai mentionné plus tôt, Dieu seul sait ce qu’on y trouve.
De toute façon, je crois que beaucoup de personnes joignent les gangs de jeunes pour de nombreuses raisons, notamment l’appât du gain. Un grand nombre de ces personnes sont promues au sein de gangs criminels de plus grande envergure. À mesure qu'on se perfectionne... Voyez-vous, pour de nombreux gangs de jeunes, vendre des stupéfiants dans la rue, c'est une chose, mais chez les groupes mafieux plus anciens et, par exemple, les groupes criminels asiatiques, les plus jeunes, dans la vingtaine, ont commencé par l'extorsion.
L'extorsion n'est pas une activité très payante, mais elle paie, et elle se produit auprès de la communauté à laquelle on appartient. C'est ce qui se produit actuellement chez les Tigres tamouls. D'autres groupes s'attaquent quant à eux aux nouveaux arrivants. Je les soupçonne de s'en prendre aux Somaliens et à d'autres. C'est une tendance qui s'est dessinée avec le temps, et on peut remonter jusqu'à l'arrivée des Italiens dans les années 1920. La plupart des premiers groupes mafieux faisaient de l'extorsion, mais ce n'était pas payant et, par conséquent, ils se sont lancés dans des activités plus pointues, comme la criminalité internationale et le trafic de stupéfiants à grande échelle, de l'héroïne à la cocaïne en passant par la marijuana. Je crois que les jeunes membres des gangs vont là où on trouve de l'argent, ce qui explique pourquoi ils joignent les gangs criminalisés.
Ce sont les deux portes d'entrée des gangs.
En ce qui concerne les femmes, Margaret n'en a pas fait mention, mais dans les années 1920 et 1930, des femmes dirigeaient la mafia en Ontario: Bessie Perri et Annie Newman. Elles ne sont donc pas nouvelles sur le terrain. Rocco Perri, qui était le chef de gang chargé de toute la contrebande canadienne d'alcool à destination des États-Unis, les consultait avant de prendre une décision. Que ce soit pour éliminer un agent des douanes ou en corrompre un autre, il comptait sur Bessie et ses femmes. Il n'aurait pas réussi sans ses femmes.
Antonio a aussi écrit un livre à ce sujet. C'est assez impressionnant, en effet, de voir les femmes dans ce rôle, et ce chapitre de notre histoire n'a jamais été raconté. Nous apprenons notre histoire à la télé américaine, il est donc naturel que l'histoire du Canada ne s'y trouve pas, mais il y a eu des femmes criminelles. Comme Bessie disait à Rocco dans les années 1910, au moment où la prohibition s'en venait: « Nous devons nous engager dans cette direction, il y a beaucoup d'argent à faire! » Ils ont empoché une petite fortune; aujourd'hui, on parlerait de centaines de millions de dollars. Elle était couverte de diamants et ils avaient un immense manoir. Bien entendu, elle a été assassinée, et son meurtre n'a toujours pas été résolu 60 à 70 ans plus tard. Il y a donc une morale à cette histoire.
J'en ai assez dit.
Antonio, aviez-vous quelque chose à ajouter?
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Je m'appelle Julius Tiangson. Je suis directeur exécutif du Gateway Centre for New Canadians. Nous sommes un organisme d'établissement situé à Mississauga, et nous servons principalement des jeunes âgés de 13 à 24 ans.
Je vais commencer par parler un peu de moi. Je suis arrivé au Canada en 1985 comme travailleur étranger temporaire. Pendant un an et demi, j'ai fait partie d'un programme d'échanges de travail et à l'époque, j'ai tellement aimé le Canada que j'ai décidé de m'y établir.
J'ai travaillé avec les jeunes au cours des 20 dernières années, particulièrement avec les jeunes immigrants. Ils viennent ici en vertu du Programme concernant les aides familiaux résidants ou du programme de résidence permanente — plusieurs diraient « la voie normale ». J'ai travaillé avec des familles sur les effets sur les enfants et les jeunes de certaines politiques canadiennes en matière d'immigration qui concernent la réunification des familles, ainsi que sur les options qui s'offrent à eux, ici, au Canada.
Un des éléments sur lesquels nous ne nous sommes pas penchés attentivement, c'est le rôle de certaines de nos politiques d'immigration au cours des dernières décennies, ainsi que leurs répercussions sur les options qu'ont les enfants et les jeunes immigrants lorsqu'il s'établissent au Canada. Je voudrais soulever trois observations.
La première concerne la politique sur l'immigration. Je crois que la politique en vigueur prolonge le processus de réunification des familles. De mon point de vue, il y a clairement des effets sur les enfants et sur les jeunes qui sont venus s'établir en premier au Canada.
Il y a eu des études sur le sujet — et certaines ont été financées par Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que le Programme de développement social —, qui montre qu'il y a une incidence sociale sur les vies des enfants et des jeunes. Il y a des conséquences associées à leur participation au crime organisé ou aux gangs de rue. Ce sont des études importantes. En ce moment, je ne peux en citer précisément, mais il y en a de bonnes sur le sujet.
Ensuite, la majorité des nouveaux immigrants s'installent ici, au pays, et leurs enfants et les jeunes cherchent, d'une certaine façon, un endroit bien à eux, un endroit qui leur appartient, un endroit où ils peuvent participer et s'engager dans quelque chose de productif.
Qu'on parle de travailleurs étrangers temporaires qui ont connu le système de points et qui sont maintenant des immigrants, ou de ceux qui utilisent la voie classique — quel que soit leur statut —, au moment de leur établissement, les parents de ces nouveaux arrivants ont du mal à s'intégrer économiquement à ce pays, ce qui ne donne d'autre choix pour leurs enfants que de participer à des activités parascolaires. Cette solution les empêcherait de s'engager dans les gangs de rue.
Enfin, de mon point de vue, il y a le rôle de nombreuses organisations dans la collectivité, ainsi que le rôle du gouvernement fédéral, des provinces et des municipalités relativement à l'assurance qu'il existe des endroits vraiment accessibles dans de nombreux centres urbains où les immigrants tendent à s'établir. Ils sont dans la région métropolitaine de Toronto, à Montréal, à Vancouver, et de plus en plus dans des villes comme Edmonton et Calgary. Ce sont de grands centres où, en raison des possibilités s'offrant à eux sur le plan économique, de nombreux immigrants tendent à s'établir avec leurs familles.
Le manque d'accessibilité et le manque de programmes dès le moment où les enfants et les jeunes s'établissent au pays auront pour conséquence au bout du compte, si je puis dire, que bien des enfants auront des problèmes avec la loi.
Nous avons un service, ou disons un programme qui offre la possibilité aux jeunes de purger dans notre centre la peine dont ils ont écopé. Au cours des trois dernières années où nous avons offert ce service, j'ai pu observer qu'au moins 80 p. 100 des enfants qui viennent d'arriver au pays entravent la loi tout simplement parce qu'ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment, en compagnie des mauvaises personnes. Et si nous creusons un peu plus nous constatons que la majorité d'entre eux commettent des délits tout simplement parce que leurs parents ou eux-mêmes n'ont pas les moyens de faire une autre activité ou d'aller à un autre endroit.
Donc, l'accessibilité aux programmes à l'intention des enfants et des jeunes qui viennent de s'installer au pays est essentielle pour qu'ils ne se joignent pas à un gang de rue.
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Mon idée est que si nous voulons vraiment mettre l'accent sur les activités qui permettent aux criminels d'encaisser de l'argent sale, il faudrait au moins maintenir le financement dans ce domaine.
Alors même que je tâchais de faire cette recherche, l'équipe d'opérations interpolices sur le jeu de la Colombie-Britannique a été dissolue. Je croyais qu'il y avait une équipe d'opérations interpolices en Ontario, mais j'ai constaté qu'elle avait été remplacée par des groupes autonomes, et il semble que cela s'explique par le fait que les gangs et les armes à feu constituent les principales priorités.
Donc, les agents responsables du maintien de l'ordre dans les rues n'ont pas seulement l'impression que l'on n'accorde pas suffisamment d'importance au jeu; ils ont également l'impression que les services policiers sont en train de perdre l'expertise sans laquelle ils ne sauront même plus ce qu'ils devraient rechercher.
Nous avons réalisé deux études sur le jeu dans l'ensemble du pays pendant que je travaillais au ministère du Solliciteur général. J'étais à Ottawa, à l'époque, et j'y ai côtoyé des agents responsables des crimes et délits, qui m'ont parlé du nombre de restaurants qui avaient littéralement changé de propriétaire au cours d'une partie de carte. J'ai demandé à l'agent de police de Toronto si je pourrais obtenir la même information dans sa ville, et il m'a répondu par la négative; ils ne patrouillent pas leur ville pour effectuer de telles opérations de maintien de l'ordre.
La seule explication que j'ai pu trouver était, encore une fois, que les ressources avaient été attribuées ailleurs. Mais il était également vrai, comme James ou Antonio l'a souligné, que, compte tenu de l'ampleur de l'offre de jeu en provenance des gouvernements, on se dit probablement qu'il serait quelque peu hypocrite de s'attaquer aux activités illégales.
Malheureusement, les activités illégales, dans ce domaine, ne sont pas une affaire de petits malfaiteurs. Elles sont... Allez donc savoir! On a demandé d'où provenaient les plus grandes quantités d'argent. Eh bien! à mon avis, les jeux de hasard ne devraient pas être écartés. Peut-être qu'ils ne sont plus au sommet de la hiérarchie, mais ce n'est pas de la roupie de sansonnet.
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Je voulais parler plus précisément du problème des gangs et, je suppose, en réponse à ce que vous venez de dire, des mécanismes de recrutement.
J'espère qu'il y aura un compte rendu du sommet auquel je n'ai pas pu participer hier, car plusieurs anciens membres de bandes criminelles ont très bien expliqué pourquoi et comment ils avaient adhéré à un gang. Un d'entre eux a notamment précisé que, pour bon nombre d'entre eux, c'est à contrecoeur qu'ils ont rejoint les rangs d'une bande criminelle et que ce que en fait...
J'ai évoqué la question de l'emploi, de l'alphabétisme, de l'intégration sociale et des services sociaux, autant de facteurs dont on reconnaît l'importance, mais surtout en paroles. Ce n'est pas ici le lieu de proposer l'adoption d'une démarche en particulier, mais je tiens à citer un livre de Jock Young dans lequel l'auteur parle de l'estompage des lignes de démarcation et constate que notre vie urbaine sécrète à la fois des facteurs d'intégration et des facteurs d'exclusion.
Les jeunes gens et jeunes filles qui adhérent à des bandes dans certains quartiers de Toronto sont, comme d'autres jeunes, attirés par l'idée de célébrité que leur projette la télévision — par la publicité et diverses émissions — mais qui reste pour eux un domaine dont ils sont exclus. La revente de drogues, par exemple, leur donne au moins l'impression de participer à quelque chose. Pourquoi ne pas employer une partie des ressources actuellement consacrées à tous ces efforts que nous faisons... peut-être même à la lutte contre les bandes et contre les armes à feu, et nous concentrer davantage sur les services sociaux, l'emploi, l'alphabétisme et les divers autres facteurs d'intégration sociale?
Je fais partie, dans mon quartier, du comité de liaison avec la police et les habitants du quartier s'inquiétaient beaucoup du fait que quelqu'un s'amusait à briser les miroirs des voitures garées dans la rue. Il s'agissait, en fait, de quelque chose sans grande importance, mais les policiers chargés de la mobilisation citoyenne sont venus assister à la réunion suivante. Les miroirs cassés... Attaquons-nous à ces incivilités tout à fait problématiques, mais pas dans le contexte d'une lutte contre les bandes et les armes à feu. Ayons, plutôt, recours aux moyens dont j'ai fait état tout à l'heure.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos intervenants d'aujourd'hui.
Monsieur le pasteur Tiangson, c'est avec plaisir que je vous retrouve. Je suis un peu au courant de l'activité de votre centre de Mississauga, et je tiens à saluer l'excellent travail que vous faites auprès des jeunes, qu'ils soient récemment arrivés au Canada ou non, et particulièrement auprès de jeunes à risque. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des divers programmes que vous mettez en oeuvre.
Au fait, je suis d'accord avec vous au sujet des politiques d'immigration et de la manière dont elles affectent les jeunes nouvellement arrivés. Je vous remercie de nous avoir précisé cela.
Plusieurs intervenants prônent la légalisation de la marihuana. Il y a quelques années, le gouvernement libéral envisageait de décriminaliser ou de légaliser la marihuana. Des policiers de la région de Peel, y compris le chef de la police régionale, étaient venus me dire que, ce serait, d'après eux, une très mauvaise chose. Il s'agissait de personnes qui avaient beaucoup réfléchi à la question et qui avaient une longue expérience de la police dans une grande région en pleine expansion et abritant une population très diverse. D'après eux, la marihuana est une sorte de drogue d'initiation qui mène aux drogues dures. Non seulement la marihuana mène-t-elle aux drogues dures, mais sa consommation entraîne d'autres problèmes sociaux encore, telle que l'augmentation des violences familiales, du nombre de petits délits tels que le vol auxquels les gens ont recours pour se procurer de la drogue. La consommation de cette drogue accroît par ailleurs le nombre de cas de conduite d'un véhicule automobile avec facultés affaiblies et, partant, le nombre d'accidents.
Pourriez-vous nous dire en quelques mots quels seraient, d'après vous, les effets d'une éventuelle légalisation de la marihuana sur les jeunes Canadiens dont s'occupe votre organisation.
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Nous offrons, sous l'égide de Citoyenneté et Immigration, des services d'établissement. Cela a commencé il y a deux ans et demi dans le cadre d'un projet pilote. Ces services semblent devoir être pérennisés dans notre zone d'activité en raison, je pense, des résultats enregistrés au niveau des jeunes et des nouveaux arrivants.
Chaque année, dans la ville de Mississauga, nous veillons à l'intégration de 300 nouveaux arrivants, et de 200 autres personnes. Chaque année, nous accueillons de 500 à 600 jeunes. Nous facilitons leur insertion en leur offrant des programmes axés sur ce qui peut les intéresser, avec, par exemple, des programmes de danse urbaine, de graphisme, de photo, d'informatique, des cours d'Adobe Photoshop et divers autres types de programmes conçus pour intéresser les jeunes. Vous étiez d'ailleurs parmi nous lorsque, il y a quelques semaines, nous avons organisé une grande présentation de nos activités. Plus de 300 jeunes d'une douzaine de nationalités différentes sont venus montrer leur talent, ce qui a, bien sûr, exigé de leur part, un sérieux effort de préparation. Il leur a fallu pour cela participer à un certain nombre d'activités collectives sachant que ce qu'ils faisaient était à la fois dans leur intérêt et dans celui de la communauté environnante.
Permettez-moi également de dire quelque chose des 200 autres jeunes que nous accueillons, mais qui n'appartiennent ni à la catégorie des nouveaux arrivants ni à la catégorie des clients des services directs assurés dans le cadre du programme que nous administrons pour le compte de Citoyenneté et Immigration. Il s'agit des jeunes qui prennent part à notre programme de mesures de substitution, dont bon nombre d'enfants d'immigrants récents. La plupart doivent à la marihuana les ennuis qu'ils ont eus avec la justice. Peut-être se trouvaient-ils en compagnie d'amis ou dans la voiture d'un ami ayant fait l'objet d'une vérification policière à l'occasion de laquelle un peu de marihuana a été trouvée dans le cendrier. En pareil cas, si trois ou quatre personnes se trouvent dans le véhicule, toutes sont accusées. Ceux pour qui ce n'est pas la première fois feront à coup sûr l'objet d'une accusation. Les circonstances des jeunes qu'on oriente vers nous varient, mais la grande majorité d'entre eux ont fait l'objet d'une accusation pour cause de marihuana.
D'après ce que je sais de la communauté des immigrants récents, nombreux sont ceux qui considèrent que, chez les jeunes, la marihuana est une sorte de drogue d'initiation qui les entraînent vers d'autres drogues. C'est comme cela que les parents voient la chose. Ainsi, lorsque leurs enfants se trouvent accusés ou impliqués dans ce genre de situation, qu'ils aient eux-mêmes fumé de la marihuana ou qu'ils aient été pris dans un véhicule avec des amis qui en fumaient, ils en éprouvent une grande inquiétude. Nombreux sont ceux qui sont venus eux-mêmes à inscrire leurs enfants de 15, 16 ou 17 ans. Hier j'ai accueilli une jeune fille de 19 ans. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle est venue accompagnée de ses parents. Je pense que dans l'esprit de leur culture d'origine, c'est une chose grave et inquiétante que de voir leurs enfants avoir des démêlés avec la justice et prendre de la marihuana. Ils craignent que cela les entraîne vers d'autres drogues.
D'après ce que j'ai pu voir et apprendre, je crois pouvoir dire que chez les jeunes qui y goûtent et qui ne bénéficient pas de nos mesures d'intervention, la mari va entraîner d'autres problèmes sociaux et, partant, des sentiments d'angoisse ou des dépression au moment même où ils se trouvent au seuil de la maturité et recherchent particulièrement l'approbation de leurs camarades. La drogue va provoquer chez eux divers types de troubles sociaux.
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Monsieur Nicaso, je vous poserai une question. Je vais peut-être revenir sur des choses que nous avons entendues cet après-midi autour de la table. Nous faisons une étude sur le crime organisé. Nous voulons essayer de le contrer, peut-être de l'éradiquer, mais il faut trouver une solution, et c'est pour cela qu'on vient voir différentes personnes dans différentes villes et qu'on a entendu plusieurs témoins d'un bout à l'autre du Canada, à Vancouver, à Halifax, etc.
Pour ma part, étant député au sein du Parti conservateur, je vous annonce mes couleurs: il faut que nous trouvions une solution et cela ne peut plus durer. Je vais vous expliquer pourquoi maintenant.
M. Nicaso a surtout amené une réflexion au regard de certains renseignements que nous connaissons. En 1924 au Québec, on a établi ce qu'on appelait la Régie des alcools pour contrôler, parce que la petite mafia du coin faisait de l'alcool, vendait cet alcool, et on disait en plus que c'était bon pour la santé. Aujourd'hui, cela rapporte au gouvernement du Québec près de un milliard de dollars et on compte beaucoup de morts sur les routes. Il y a environ 650 morts à cause de l'alcool et, en moyenne, 12 000 arrestations uniquement pour de la consommation d'alcool sans accident. C'est la première chose. C'est ce qu'on nous a dit au cours des dernières années.
En ce qui concerne le domaine du jeu, c'est très récent. Le Québec a mis la main sur le jeu. Il a installé des casinos, il y a « des gratteux » et d'autres choses relatives au jeu. On voulait retirer la mafia de ce secteur. C'est le gouvernement du Québec qui récolte maintenant l'argent. Avant, on tuait les joueurs qui ne payaient pas; maintenant, les joueurs se suicident. Ce n'est pas mieux, on a autant de morts des deux côtés, sauf que ce n'est pas le même qui les tue.
On a maintenant modifié la loi sur la prostitution: il n'y a que les clients ayant fait de la sollicitation qui sont reconnus coupables. Ce sont nos normes. On a modifié la loi et il y a eu un jugement de la Cour suprême. On pensait avoir réglé le problème, mais il y a encore autant de prostitués, qu'on aille à Toronto, à Montréal ou ailleurs. Et on ne me fera pas croire qu'on ne sait pas qu'il y a de la prostitution. Il y en a plein tous les jours, et cela marche à la minute et à l'heure. On ne fait rien puisqu'on n'est pas en mesure de la contrôler.
On parle du trafic des personnes. Quelqu'un parmi vous a parlé du trafic des personnes. On sait maintenant que la marijuana n'est même plus importante puisqu'on utilise désormais les femmes. La femme rapporte à tous les jours. On n'a pas besoin de racheter de la marchandise. Elle travaille tout le temps.
Je vous invite à regarder un reportage complet sur le trafic des personnes à Montréal, qui sera diffusé sur les ondes de Radio-Canada ce soir. Vous comprendrez alors mieux où en est rendu le trafic des personnes.
Alors, monsieur Nicaso, je suis vraiment inquiet. Vous décrivez le système. Quelles sont, à votre avis, les pistes de solution, puisque vous avez étudié la situation? Que peut faire le gouvernement?
On essaie le monopole, on essaie les taxes. On a même augmenté les taxes sur les cigarettes, un produit légal. Or, en augmentant les taxes, le gouvernement a augmenté la contrebande.
Qu'est-ce qu'on doit faire? C'est pour cela qu'on fait ces réunions.
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La question mérite en effet d'être posée. Mon approche en ce domaine est différente. D'après moi, le seul moyen de combattre les organisations criminelles est de tarir leurs sources de financement. Il n'y a pas d'autre moyen, car leurs membres ont intégré le risque d'emprisonnement et, pour eux, les coups les plus durs sont ceux qui les frappent au portefeuille.
Bon nombre de provinces canadiennes ont adopté de nouvelles dispositions législatives qui permettent aussi d'agir au civil. C'est aussi le cas de l'Italie, mais là ce n'est qu'après que soit intervenue une condamnation pénale que peut être engagée la procédure de saisie et de confiscation des produits de la criminalité. Dans certaines provinces canadiennes, la procédure est plus simple, car elle n'exige pas que l'intéressé soit au préalable condamné au pénal. L'Ontario a notamment adopté une loi permettant au gouvernement de confisquer les produits de la criminalité.
Nous avons, en fait, acquis une certaine notoriété dans le monde, car au Canada le risque d'être poursuivi et emprisonné est moindre qu'ailleurs. Notre système judiciaire est une aimable plaisanterie, car ce que nous faisons en fait c'est négocier avec les criminels. J'entends par cela que, pour éviter les frais d'un long procès, nous offrons en échange des réductions de peine.
J'ai du mal à admettre la définition que l'on donne actuellement du trafic de stupéfiants, et selon laquelle il s'agirait en fait d'une infraction consensuelle ou il n'y aurait guère de victimes. Ce n'est pas mon avis. D'après moi, les vendeurs de drogues sont des marchands de la mort. Leur fonds de commerce c'est la déchéance et la mort. C'est cela qui leur permet de gagner beaucoup d'argent. J'ai appris, lors d'un séjour d'un mois en Colombie, qu'un kilo de cocaïne coûte là-bas 1 500 $. Or, avec un kilo de cocaïne, vous obtenez 4,5 kilos de camelote à revendre à 50 ou 60 $ le gramme. Rien n'est plus rentable que le trafic de stupéfiants.
J'estime que ceux qui s'y livrent devraient être punis. Ils devraient être condamnés et mis en prison. Il nous faudrait en outre envisager la création de camps de travail et faire un réel travail de rééducation et de réhabilitation. Nos actuels centres de détention du genre Club Med ne font que faciliter les rencontres et les regroupements d'éléments criminels et accroître leurs capacités collectives.
Il nous faut donc adopter une nouvelle stratégie de lutte contre les organisations criminelles. Parmi les idées actuellement avancées, bon nombre ne me semblent pas de nature à donner les résultats voulus.
Si vous souhaitez mieux connaître le phénomène du crime organisé, il vous faudrait inviter de gens qui en ont une connaissance particulière, ceux qui, par exemple, se trouvent actuellement dans des programmes de protection des témoins, des gens qui ont une expérience personnelle des organisations criminelles et qui sont à même de préciser quelles sont les drogues qui rapportent le plus à ces organisations. Ils sont les seuls à pouvoir vous fournir les renseignements nécessaires.
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Merci, monsieur le président. Permettez-moi, d'abord, d'adresser à nos témoins, par votre intermédiaire, mes excuses pour mes propos un peu vifs de tout à l'heure. Il s'agit d'un débordement auquel je ne me serais pas laissé aller dans cadre de ma profession antérieure, mais dans celle-ci cela arrive parfois.
Je tiens simplement à dire d'emblée à M. Dubro, et à tous ceux qui pensent qu'en légalisant la marihuana et d'autres drogues, on réglera une bonne partie des problèmes découlant de la criminalité que je vous choquerai peut-être — je sais que ma carrière précédente vous est connue — en vous disant que je me suis longuement penché, en tant que policier, que j'étais, et maintenant, en tant que législateur, sur les solutions qui pourraient être envisagées.
Au Canada, il est déjà assez difficile de poursuivre les personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies par l'alcool — et je n'ignore pas qu'il est également possible d'intenter des poursuites pour facultés affaiblies par la drogue. Aux États-Unis, diverses preuves sont admissibles, mais de telles dispositions ne seraient jamais acceptées au Canada. La Charte serait invoquée à tout bout de champ pour contester leur constitutionnalité. Vous êtes au courant des moyens de reconnaissance rétinienne. Il s'agit d'un dispositif qui est admis aux États-Unis, mais qui ne serait jamais admis ici. Nous avons déjà assez de mal à faire accepter les résultats de l'ivressomètre. Ça, c'est un premier point.
Après avoir réfléchi à la question, la légalisation de la marihuana m'a paru tout à fait contre-indiquée. Voici ce que j'en pense et j'aimerais connaître votre avis. D'après vous, la prohibition des drogues entraîne des coûts très élevés, mais d'après moi, la consommation de tabac et d'alcool, deux drogues qui ne sont pas interdites, entraîne des coûts bien supérieurs à ce que nous dépensons pour lutter contre les drogues illicites. Songez à la famille. J'étais parfois appelé à intervenir lors de drames familiaux dus à l'alcool, drogue licite commercialisée par le gouvernement qui en tire bénéfice. Les incidences sociales de l'alcool...
Je tente, monsieur, de comprendre le point de vue libertaire, mais les mesures que vous prônez ne feraient qu'infliger à la société une troisième drogue licite, qui ne ferait qu'ajouter de nouveaux maux à ceux qu'entraînent déjà le tabac et l'alcool. Vous constateriez très vite que le problème de la conduite avec facultés affaiblies prendra une tout autre ampleur lorsque les gens prendront l'habitude de conduire après une prise d'héroïne ou de ces diverses autres drogues qui seront devenues licites...
Selon une mère qui est venue témoigner, il conviendrait d'instaurer quelque chose comme notre régie des alcools, telle qu'elle existait autrefois, où l'on remplissait une fiche pour obtenir, à un guichet, une bouteille de whisky ou de vin. Ainsi, le consommateur pourrait, le samedi soir, aller se procurer un peu d'héroïne ou quelques comprimés d'OxyContin.
J'entends obtenir des analystes les statistiques — qui existent, je le sais — concernant les incidences financières du tabagisme. En effet, le tabac crée l'accoutumance. Chacun sait que le tabagisme coûte au système nord-américain de soins de santé des milliards et des billions de dollars. J'aimerais obtenir les statistiques concernant les coûts tant sociaux que médicaux du tabac.
Je souhaiterais, ensuite, obtenir des statistiques comparables pour l'alcool et connaître le nombre de journées de travail ou de production perdues pour cause d'alcoolisme ou autres excès. Lorsque j'étais policier, nous invitions à prendre la parole dans les écoles, quelqu'un qui faisait partie, en Ontario, d'un groupe de toxicomanes et d'alcooliques. Je ne connaissais pas son identité. Il venait tout à fait librement. Il était invité dans le cadre de nos services de police communautaires, car j'avais introduit ce programme à Northumberland — en fait, ce programme existait déjà, mais nous avions décidé de l'élargir. Il se rendait donc dans les écoles secondaires pour s'entretenir avec les jeunes et leur parler de la marihuana. Il me disait, vous ne savez peut-être pas, mais moi je sais ce qui les intéresse vraiment. Ce qu'ils veulent vraiment, c'est avoir une famille et je les avertis que la consommation de marihuana est cause d'oligospermie qui risque de les empêcher d'avoir les enfants qu'ils souhaitaient avoir. Nous possédons sur la marihuana beaucoup moins d'éléments d'information que sur le tabac. Chacun connaît l'étendue des drames dus au tabagisme, mais pour la marihuana, nous en sommes au tout début de nos recherches.
Certaines universités ont effectué des études mais, pour l'instant, rien de concluant. Voici, donc, ma position. Avant de conclure qu'en raison des problèmes que nous causent les drogues, il y a lieu de les légaliser, rappelons-nous qu'il existe déjà deux drogues licites qui font déjà suffisamment de ravages. Vous n'avez qu'à penser aux cancers dus au tabac, aux maladies cardiaques. C'est déjà une énorme source de douleur et de souffrances.
J'aimerais donc, en commençant par Mme Beare, obtenir quelques réactions si nous en avons le temps...
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins, et en particulier M. Nicaso. En réponse à ce que M. Petit avait dit, j'ai entendu un véritable cri du coeur.
Monsieur Nicaso, je suis en fait d'accord avec plusieurs choses que vous avez dites, car j'ai, moi aussi, entendu formuler de nombreuses idées qui me paraissent mauvaises. C'est, à juste titre, selon moi, que vous considérez les trafiquants de drogues comme des marchands de la mort et des promoteurs de déchéance. Je me félicite que le gouvernement n'ait pas tenté de renflouer les caisses de l'État en se lançant dans ce commerce. L'idée que la meilleure ou la seule solution serait de tarir les sources de financement des organisations criminelles est, d'après moi, la chose la plus intelligente qui a été dite cet après-midi.
Nous oeuvrons ici, nous membres du comité, car nous souhaitons tous éviter aux familles du Canada la violence et l'exploitation qui sont le fait du crime organisé. Nous souhaitons que les Canadiens puissent vivre heureux, aimés, productifs et à l'abri des violences.
Je vous demande donc, monsieur Dubro, si vous n'auriez pas à nous proposer des solutions législatives autres que la légalisation de la marihuana, des stéroïdes, de l'ecstasy, du crack, de la meth et de l'héroïne.
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Je possède effectivement quelques données car j'étudie ce phénomène depuis de nombreuses années.
La situation à Toronto est différente aujourd'hui de ce qu'elle était disons dans les années 70 ou 80 lorsque nous nous trouvions face à quatre ou cinq grandes familles de la mafia et à quelques autres groupes. À l'heure actuelle, il existe un grand nombre de groupes criminels organisés. Il y a les gangs de rue noirs, il y a les gangs vietnamiens, les gangs chinois. Puis il y a les organisations criminelles russes. Il y a de tout, y compris des gangs de rue tamouls. Il y a aussi, bien sûr, la mafia, mais actuellement, à Toronto, la mafia sévit de manière beaucoup moins structurée qu'autrefois. Il y a aussi la 'Ndrangheta, dont Antonio nous a parlé.
Ils n'attirent pas beaucoup l'attention, parce qu'ils ne se font pas actuellement la guerre. Ceux qui se font actuellement la guerre sont les gangs de rue. Lorsqu'elles ont, il y a, quelques années, éprouvé de graves problèmes internes, elles ont fait beaucoup parlé d'elles, comme les gangs vietnamiens en 1991, lorsque, elles aussi, ont eu de gros problèmes. Aujourd'hui, les bandes criminelles vietnamiennes, et les bandes asiatiques en général se portent bien. Elles se consacrent essentiellement aux installations de culture de la marihuana et à la fabrication de l'ecstasy qu'elles exportent vers les États-Unis et commercialisent dans l'ensemble du Canada.
Il y a, à Toronto, de très nombreux groupes criminels. On n'est pas du tout dans une situation où un chef de bande important exerce sur la ville son contrôle.
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Puisque, comme vous l'avez rappelé, je suis ici le principal partisan de la légalisation, je tiens à préciser que cette conclusion ne me vient pas de la lecture d'une ou deux études ou du fait que j'aime la mari. En effet, cette idée a pris 30 ans pour s'imposer à mon esprit. Vous n'avez qu'à lire certains de mes livres pour constater que je ne suis pas purement et simplement un farouche partisan de la légalisation, mais bien au contraire, que je prône une application plus stricte des lois. Les idées que j'avance n'ont rien à voir avec le fait que je suis libertaire et c'est un faux argument que de prétendre le contraire. Je vous parle en tant que personne qui a fait du crime organisé le sujet de recherche de toute une vie et je dis simplement que la marihuana doit pouvoir être vendue librement, étant donné qu'elle l'est déjà.
Selon M. Norlock, si en la légalisant, on provoquera une augmentation du nombre de personnes qui fument et la multiplication des pathologies et de divers autres effets néfastes. Or, il n'en sera pas ainsi si l'on prévoit en parallèle une action pédagogique. Peut-être constaterons-nous même une baisse du nombre de personnes qui en fument. Rappelons tout de même que pendant la prohibition, alors que l'alcool était interdit, les gens n'ont jamais autant bu. Vous vérifierez si vous voulez, mais il est clair qu'à l'époque la population buvait pas mal.
Pour reprendre l'expression très imagée d'Antonio, le gouvernement est déjà un marchand de la mort. Je sais bien ce qu'il entend par cela, étant donné que par les taxes qu'il perçoit sur ces produits, il profite déjà de la vente des cigarettes et des boissons alcoolisées.
D'après moi, la publicité faite pour les jeux de hasard a quelque chose d'inique. Je me souviens de l'époque où le gouvernement n'était pas impliqué dans les loteries et les casinos. Il y a, à la télévision, des publicités insidieuses qui vous portent à jouer. Peu importe le gouvernement au pouvoir, qu'il soit conservateur, libéral ou néo-démocrate — la publicité continue à vous dire « Devenez millionnaire du jour au lendemain. » Il y a là quelque chose qui ne me paraît pas normal. En fait, les recettes provenant des jeux de hasard devraient être employées à des campagnes vous expliquant comment ne pas devenir accroc du jeu ou comment cesser de l'être.
D'après moi, donc, la légalisation de la marihuana n'est, dans l'optique de notre société, ni un bien ni un mal en soi. Il s'agit d'une sorte de mesure intermédiaire. Il est clair qu'il faut lutter contre la consommation de stupéfiants. Il est clair qu'on ne veut pas vivre au sein d'une population de défoncés, mais je ne pense pas que le risque soit là. Il est clair que pour arriver à quelque chose dans la vie, on ne peut pas passer son temps à se défoncer que ce soit par l'alcool, drogue licite, ou par les médicaments que peuvent vous prescrire votre médecin, la ritaline, par exemple, ou Dieu sait quel autre médicament que l'on prescrit aujourd'hui aux enfants et dont ils arrivent à ne plus pouvoir se passer. Ce n'est pas comme cela qu'on réussit sa vie.
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Il y a une ou deux choses qui me paraissent particulièrement importantes. Je sais bien que votre comité est un comité législatif, mais il conviendrait, d'après moi, que vous ne vous en teniez pas à l'aspect purement législatif de la question et que tout au moins vous teniez compte des possibles incidences auxquelles personne n'aurait songé.
La décriminalisation ne constitue pas un des principaux axes de ma démarche. Quelqu'un a dit tout à l'heure que l'idée lui paraît simpliste. Parmi les autres solutions proposées, certaines qui paraissent à première vue judicieuses me semblent en effet simplistes. Tarissez les sources de revenu du crime organisé. N'est-ce pas là une idée merveilleuse? Les grands titres des journaux, l'opinion publique, la classe politique — tout le monde voudrait y croire.
Nous nous sommes livrés à une étude des dossiers traités par la GRC dans les affaires dont un des volets concernait le blanchiment d'argent. Nous avons effectué cette étude en 1990 et en 1994 nous avons à nouveau fait le point sur la question. Après l'adoption de ces diverses dispositions de lutte contre le blanchiment d'argent, quelles leçons peut-on tirer des dossiers traités par la GRC? Eh bien, oui, il existe de nombreux moyens de blanchir de l'argent, mais on constate qu'en fait l'argent blanchi est employé par les criminels comme il le serait par le commun des mortels, c'est-à-dire pour s'acheter des choses. Selon ce qu'on a pu constater, l'idée de s'en prendre au portefeuille des organisations criminelles n'est pas aussi bonne que cela.
En effet, les organisations criminelles ne sont pas nécessairement structurées comme la mafia et les cinq familles qui se divisaient New York. On peut, certes, confisquer de grosses sommes, mais nous sommes face à de grands réseaux qui ont quelque chose d'insaisissable et cela exige une action policière de type traditionnel, constante et dotée des ressources nécessaires. Certains nous comparent aux États-Unis et se demandent pourquoi le Canada paraît si faible, pourquoi les organisations criminelles semblent se trouver si bien ici. Eh bien oui, regardez les États-Unis. En termes du nombre de détenus par rapport à la population, les États-Unis se situent au troisième rang mondial. Oui, effectivement, les autorités ont réussi à casser l'influence des cinq familles de la mafia, à Detroit, à New York et ailleurs, mais on y trouve le même large éventail d'organisations criminelles qu'au Canada et d'autres encore. Le taux d'incarcération est très élevé mais le taux de criminalité l'est également, même par rapport à la population.
C'est dire que, d'après moi, nous ne faisons aucunement preuve de laxisme vis-à-vis de la criminalité. C'est juste que je voudrais que nous nous y prenions plus intelligemment.
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À chaque année, nos employés traitent plus de 12,7 millions d'envois postaux, plus de 9,8 millions de passagers internationaux et plus de 1,7 million d'envois commerciaux.
Pendant l'exercice 2008-2009, plus de 6 400 saisies ont été effectuées dans la région du GT, c'est-à-dire environ 22 p. 100 de toutes les saisies effectuées au Canada. Toutes sortes de marchandises et de contrebande ont été interceptées dans notre région, par exemple des produits agricoles et des montres, mais ce sont les drogues qui font le plus souvent la une.
Puisque c'est ce type de marchandises qui est souvent lié au crime organisé, permettez-moi de vous présenter des données pour l'exercice 2008-2009. Pendant cette période, la région du GT a intercepté plus de 669,7 kilogrammes de cocaïne, plus de 139,5 kilogrammes d'opium, plus de 86 kilogrammes d'héroïne et plus de 1 409 kilogrammes de marihuana, de hachisch et d'huile de cannabis.
Les agents qui travaillent dans cette région ont aussi réussi à intercepter un certain nombre de produits chimiques précurseurs utilisés dans la fabrication d'ecstasy et de méthamphétamines. En plus d'intercepter des marchandises, beaucoup d'employés jouent un rôle dans la réalisation de programmes qui appuient l'exécution de la loi en matière d'immigration à l'intérieur du pays. Ces employés travaillent à plusieurs endroits, y compris au Centre de surveillance de l'Immigration et au Centre d'exécution de la loi du Grand Toronto (le CELGT), et ils sont au coeur des opérations qui entraînent l'expulsion de personnes qui sont jugées interdites de territoire au Canada.
Comptent parmi leurs activités de base les enquêtes sur des infractions à la LIPR, la détention d'individus et le renvoi de personnes du Canada. Au cours de l'exercice 2008-2009, nos agents d'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs ont détenu environ 6 500 personnes et renvoyé 5 081 personnes.
La Division des enquêtes criminelles (la DEC) travaille avec la Division de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs. Elle aide l'ASFC à réaliser ses objectifs en matière de sécurité publique et économique en faisant des enquêtes et en poursuivant les individus qui commettent des infractions criminelles contre les lois frontalières du Canada. La DEC fournit aussi une capacité intégrée d'application de la loi, c'est-à-dire qu'elle contribue à repérer les personnes qui ont enfreint les lois que l'Agence est chargée d'appliquer, ou à dissuader les personnes qui auraient envie d'enfreindre ces lois. Pour cela, la DEC fait des enquêtes en utilisant tous les moyens légaux possibles, sur les cas soupçonnés, présumés ou connus de fausse déclaration, d'évasion ou de fraude touchant la circulation internationale de marchandises et de personnes.
La DEC aide ses partenaires en examinant les indices reçus, en faisant des recherches et en recueillant des preuves cruciales pour faire avancer les poursuites intentées par la GRC. La Division du renseignement offre de l'aide à nos agents de première ligne, à la Division de l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (le CELGT), à la Division des enquêtes criminelles et à d'autres secteurs internes de I'ASFC (par exemple à l'Administration des politiques commerciales). Les agents et les analystes du renseignement travaillent de concert à des dossiers qui portent sur des questions comme le contrôle des exportations, les enfants disparus, les faux documents, la traite de personnes et la contrebande du tabac, des drogues illicites et des armes.
Le travail effectué par la Division du renseignement est difficile à quantifier. Ce qu'elle fait ne peut se compter, comme on compte les renvois ou les saisies. Des renseignements forts utiles peuvent demeurer inconnus jusqu'à ce qu'un événement catalyseur ait lieu et révèle l'existence de renseignements glanés lors d'incidents antérieurs. Un détail qui a déjà été découvert et traité peut n'avoir de sens que dans le contexte d'autres renseignements.
Bien qu'il puisse être difficile d'estimer l'importance de renseignements qui semblent insignifiants, ces renseignements peuvent être d'une grande utilité pour établir le bien-fondé d'un dossier ou d'un projet. Cette minutie nous permet souvent de faire des liens avec d'autres événements ou d'autres activités, ou de nous rendre compte qu'un individu fait partie d'un groupe.
Le Comité ne s'étonnera pas d'apprendre que la communication de renseignements entre les organismes d'application de la loi doit se faire avec la plus grande efficacité si l'on veut vraiment se familiariser avec les organisations criminelles et leurs activités. C'est la principale raison pour laquelle la région du GT participe activement à de nombreuses opérations policières conjointes (des OPC), particulièrement à celles qui visent à écarter les menaces que pose le crime organisé.
L'ASFC a participé activement à de nombreuses OPC dans le cadre desquelles elle a réussi à exercer ses fonctions pour le bien et la sécurité des Canadiens. Grâce à ces OPC, l'ASFC a intercepté de la contrebande, comme des drogues, des armes à feu et du tabac, et elle a empêché des criminels et des individus de contourner le processus d'immigration.
Dans bien des cas, ces efforts coordonnés ont contribué à la réalisation de mesures d'exécution à l'étranger. La Division du renseignement de l'ASFC dans la région du GT participe actuellement à de nombreuses OPC, notamment à celles du Groupe de travail sur le crime organisé asiatique (qui relève du service de police de Toronto) —
À celles de l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé; du Service de renseignements criminels Ontario; de l'Unité des bandes de rue et des armes à feu (qui relève du service de police de Toronto); de l'Unité provinciale de contrôle des armes à feu; du Groupe antidrogue de la GRC dans la région du GT (à Milton/Newmarket); du Groupe de la lutte antidrogue à l'aéroport de Toronto; et de l'Unité du renseignement de l'aéroport YYZ, c'est-à-dire l'Aéroport international Pearson.
Le Centre d'exécution de la loi du Grand Toronto participe au Groupe de travail sur l'immigration, une OPC dont l'objectif est d'appréhender les personnes faisant l'objet d'un mandat de l'Immigration et ayant des antécédents criminels, les personnes faisant l'objet d'une attestation de sécurité, les personnes faisant l'objet d'un mandat d'extradition, ou les personnes déclarées dangereuses par le ministre.
La Division des enquêtes criminelles (la DEC) participe à une opération policière conjointe avec la GRC (Immigration et Passeports) pour enquêter sur le crime organisé. La DEC transmet des dossiers à la GRC et travaille avec elle à des dossiers se rapportant au crime organisé.
Un des avantages majeurs de la participation à une OPC est l'accès à des renseignements que détiennent d'autres organismes d'application de la loi. Les renseignements recueillis par d'autres organismes sont souvent très utiles au moment de décider quelles cibles poursuivre ou quelle orientation donner à un projet.
Je vais me servir de l'expérience que nous avons acquise grâce à notre partenariat avec l'Unité du renseignement de l'aéroport Pearson, aussi connue sous le nom d'Unité du renseignement de l'aéroport YYZ, pour démontrer l'importance de ces partenariats. L'Unité du renseignement de l'aéroport YYZ est la principale collaboratrice en matière de renseignement dans la collectivité du renseignement et de l'application de la loi dans la région de Toronto. La qualité des rapports de renseignement produits par l'Unité pour diffusion est attribuable à la grande quantité de renseignements bruts recueillis par les sources locales.
Les renseignements recueillis par les membres de cette unité sont essentiels au fonctionnement sécuritaire de l'Aéroport international Lester B. Pearson. L'Unité du renseignement de l'aéroport YYZ détermine quels renseignements peuvent être envoyés aux organismes d'application de la loi locaux et internationaux concernés pour que des mesures d'exécution supplémentaires soient prises.
Des renseignements envoyés à différents responsables de la sécurité des aéroports locaux, y compris Transports Canada, l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (l'ACSTA) et la Greater Toronto Airports Authority (la GTAA), ont entraîné le renvoi de plus de 50 employés d'aéroport. Plusieurs autres employés font actuellement l'objet d'une enquête.
Vers la fin du mois de juillet 2009, des renseignements crédibles ont été reçus selon lesquels la bande de motards criminalisée « The Outlaws » se rassemblerait en Ontario pendant la longue fin de semaine du mois d'août. Cette information a vite été diffusée dans toute la province par la Division du renseignement de la région du GT. En tout, sept individus, membres d'une bande de motards criminalisée connue, se sont fait refuser l'entrée au Canada par l'ASFC.
En octobre 2009, des agents du renseignement et des agents de l'exécution de la loi du CELGT ont collaboré avec l'Unité des bandes de rue et des armes à feu du service de police de Toronto et ont réussi à effectuer des descentes qui ont entraîné l'arrestation de neuf individus en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les individus qui ont été arrêtés sont des membres d'une bande appelée « Almighty Latin King and Queen Nation ». Cette bande a attiré l'attention d'organismes d'application de la loi à Toronto après avoir commis des voies de fait graves dans une station de métro, où quatre personnes avaient été poignardées. L'affaire a été très médiatisée.
La bande est une des plus grandes bandes de rue criminelles aux États-Unis et elle est bien établie dans la plupart des pays de l'Amérique latine. Nous croyons que cette bande a établi des chapitres en Ontario il y a environ cinq ans et qu'elle est maintenant à l'oeuvre dans la région du Grand Toronto, où elle fait du recrutement de façon active. La bande compte environ 200 membres dans la région du Grand Toronto.
Grâce à la collaboration et à la contribution générales de toutes les divisions de I'ASFC dans la région du GT ainsi qu'à nos nombreux partenariats extérieurs avec d'autres organismes d'application de la loi, nous avons eu de nombreuses réussites, et cela a eu pour résultat de perturber les activités de différents groupes de crime organisé et même d'en démanteler.
J'aimerais vous remercier pour le temps que vous m'avez accordé. Je serais heureuse de répondre à vos questions.
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Merci. Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de prendre la parole devant le comité au nom de la Police provinciale de l'Ontario.
La loi confère à la Police provinciale de l'Ontario l'autorité requise pour cerner, cibler, perturber et démanteler le crime organisé. À cette fin, la PPO a créé le Bureau de la lutte contre le crime organisé, qui est composé d'organismes d'enquête intégrés spécialisés tels que l'unité de lutte contre les motards et l'unité provinciale de contrôle des armes.
Le BLCO est composé de quatre centres opérationnels principaux qui occupent des positions stratégiques en Ontario. Nous utilisons un modèle de police axé sur le renseignement qui nous permet d'établir des priorités tactiques pour l'ensemble de la province, de déterminer les points vulnérables du crime organisé et de les attaquer, conformément aux objectifs de l'intervention intégrée du Canada contre le crime organisé.
La Police provinciale de l'Ontario appuie les modifications législatives et la réforme conçues pour lutter contre le crime organisé, conformément aux dispositions du , qui a obtenu la sanction royale et est entré en vigueur le 2 octobre 2009. Le représente un grand pas en avant sur la voie du renforcement des mesures législatives existantes en mettant spécifiquement l'accent sur les actes criminels liés au crime organisé et sur la révision des processus judiciaires. Cette nouvelle loi mettait l'accent sur la désignation comme meurtres aupremier degré tous les crimes liés au gangstérisme. Elle répondait au nombre croissant d'incidents de fusillades au volant ou de déchargements d'une arme à feu avec insouciance en créant une nouvelle infraction; elle établissait également une nouvelle infraction pour les attaques contre la police.
Ce programme législatif comporte manifestement un certain nombre d'initiatives vigoureuses visant le crime organisé. La PPO considère que le secteur de la justice doit établir un ordre de priorité de ces initiatives afin d'assurer l'utilisation efficace de ses ressources dans la mise en oeuvre de stratégies de lutte contre le crime organisé. La Police provinciale de l'Ontario a cerné trois priorités principales.
La grande priorité est celle de l'accès égal. La Police provinciale de l'Ontario, le Service de police de Toronto et nos partenaires municipaux régionaux reconnaissent qu'il est nécessaire d'apporter des changements aux dispositions législatives existantes relatives à l'accès légal aux communications. Une des difficultés auxquelles se heurte continuellement la police dans sa lutte contre le crime organisé tient au fait qu'elle doit se tenir constamment au courant des nouvelles tendances et prendre des mesures proactives et efficaces pour les contrecarrer. Dans un monde marqué par l'accélération des progrès technologiques et par le rôle croissant que joue la technologie dans les préoccupations de notre société, les mesures de répression du crime se sont trouvées lentement étouffées par des lois vétustes et par un manque de ressources suffisantes pour contrecarrer efficacement les progrès technologiques.
La Loi sur les pouvoirs d'enquête au XXIe siècle, le projet de loi C-46, Loi sur l'assistance au contrôle d'application des lois au XXIe siècle, avaient franchi l'étape de la première lecture, en juin 2009. Ils sont cependant morts au feuilleton lorsque le Parlement a été prorogé. On peut espérer que ces projets de loi seront présentés à nouveau et que leur application permettra de combler les lacunes et d'éliminer les restrictions déjà identifiées. C'est à ce titre que la Police provinciale de l'Ontario appuie fermement l'adoption de ces projets de loi.
La seconde priorité est la communication électronique de la preuve. La méthode traditionnelle de communication des éléments de preuve a créé d'énormes difficultés pour la police et la Couronne, en particulier dans le cas des enquêtes sur le crime organisé. L'impact sur les ressources et le personnel est important et, sur ce plan, la Police provinciale de l'Ontario approuve et appuie sans réserve les efforts actuels de réforme, de modernisation et de rationalisation du processus de divulgation.
Un excellent exemple de cette situation nous en a récemment été donné dans le cadre de l'Opération Sharqc, une enquête de grande envergure au Québec qui a abouti à l'arrestation de centaines d'individus. Les enquêteurs ont utilisé une solution Web extrêmement efficace pour saisir et rationaliser la présentation d'un volume considérable d'éléments divulgués pour ce mégaprocès. La Police provinciale de l'Ontario continue à approuver et à promouvoir vigoureusement d'autres progrès dans cette nouvelle technologie.
La troisième priorité a trait à l'efficacité de l'accès en matière de justice. Dans la gestion des cas, les enquêtes et poursuites relatives aux cas liés au crime organisé sont extrêmement complexes et exigent l'investissement de beaucoup de temps et de personnel, ce à quoi s'ajoutent la collecte, le rassemblement et la communication des éléments de preuve. Dans la plupart des grandes enquêtes liées au crime organisé, on a affaire à des récidivistes. Cependant, l'expérience nous a appris qu'enquêter sur un nombre élevé d'accusés et les poursuivre efficacement est très difficile à gérer, demande beaucoup de temps et coûte très cher. La Police provinciale de l'Ontario considère que, dans ce domaine, fixer des objectifs atteignables et réalistes et obtenir des condamnations sévères dans le cadre de ces mégaprocès constitue une priorité.
En ce qui concerne le calendrier, après avoir examiné les éléments de preuve fournis aux groupes provinciaux représentant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, je m'en voudrais de ne pas aborder la question de la comparution envisagée des organisations criminelles.
La Police provinciale de l'Ontario reconnaît que la comparution ou l'exclusion des organisations criminelles soulève une question complexe. Un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération dans le choix des témoins. Cependant, la PPO considère également que sa tâche est rendue écrasante par l'obligation d'avoir constamment à prouver qu'un groupe donné est une organisation criminelle, en dépit du fait qu'il a déjà été jugé comme tel par notre système judiciaire.
Un exemple de cette situation nous est donné par la désignation des Hells Angels au Canada comme organisation criminelle, désignation qui apparaît dans un certain nombre de décisions découlant d'enquêtes récentes effectuées dans l'ensemble du Canada. Bien que cette désignation ait été adoptée dans un certain nombre de procès, la police doit non seulement prouver le bien-fondé de l'accusation, mais dans chaque cas, elle doit également fournir des preuves pour confirmer que le même groupe est une organisation criminelle. Cette obligation crée une charge considérable pour les enquêteurs, car cela devient une enquête parallèle exigeant suffisamment de personnel et de ressources pour justifier la classification du gang comme organisation criminelle.
La Police provinciale de l'Ontario participe activement à l'examen de cette question et demeure fidèle au processus. La PPO appuie également les recommandations présentées au sommet sur le crime organisé de 2007 visant à renforcer la coopération et la collaboration, à améliorer l'échange d'information entre agences, et à continuer à étendre l'emploi de stratégies permettant une intervention intégrée contre le crime organisé.
L'établissement de partenariats solides entre les responsables de l'application de la loi, les poursuivants, et les éléments de soutien du réseau de justice criminelle sont la clé du succès lorsqu'il s'agit de perturber et de démanteler le crime organisé. Le modèle intégré d'opérations policières conjuguées a permis d'obtenir d'excellents résultats dans la lutte contre le crime organisé. La PPO continue à jouer un rôle de leader ou de participant dans les activités du centre des opérations provincial, de l'unité de lutte contre les motards, et de l'unité provinciale de contrôle des armes. Les unités telles que l'unité de lutte contre les motards ont été internationalement reconnues comme le modèle à imiter pour les unités d'enquête similaires au Canada et dans le monde entier.
En outre, conformément aux discussions inspirées par le sommet sur le crime organisé de juin 2008, la PPO appuie fermement le maintien d'une base de renseignements nationale, la poursuite de la recherche, et l'amélioration des plates-formes d'information, car elle est convaincue de leur importance.
La capacité d'intervention en matière d'application de la loi axée sur le renseignement est tributaire de la capacité collective des forces de l'ordre de partager des renseignements de manière intégrée et en temps opportun. Ce principe a conduit à l'établissement d'une base de renseignements nationale — le SARC — le système automatisé de renseignements sur la criminalité. Nous appuyons la poursuite des efforts destinés à renforcer ce système afin d'en faire, pour les forces de l'ordre, un outil efficace d'enquête sur le crime organisé.
Notre collectivité policière sera plus efficace si nous poursuivons constamment les recherches et élaborons de meilleures méthodologies, lois, et pratiques exemplaires, tout en demeurant réceptifs à ce que peuvent nous apprendre nos partenaires nationaux et internationaux. C'est absolument indispensable à ce développement. Le crime organisé est mobile, opportuniste, et envahissant, et il est indispensable que nous nous adaptions aux tendances et aux nouveaux problèmes en réagissant par l'adoption de mesures efficaces et justifiées.
La formation joue un rôle critique dans les enquêtes liées au crime organisé. Il importe de créer un centre d'excellence destiné à promouvoir et à sanctionner les stratégies requises pour permettre à la police, aux poursuivants, et au personnel correctionnel d'acquérir des compétences fondamentales et une formation dans tous les domaines des enquêtes sur le crime organisé. La coordination de la formation et l'intégration de la police et des poursuivants constituent une base solide pour le lancement de ces poursuites complexes. Le crime organisé est multiforme, et pour demeurer efficaces, il importe de fournir les moyens nécessaires pour acquérir l'expertise requise et pour conserver ces experts de manière à assurer la cohérence qu'exigent les enquêtes sur le crime organisé.
En résumé, des enquêtes et des initiatives d'importance se déroulent dans tout le pays, comme le prouvent les nombreux procès dans lesquels les Hells Angels sont désignés comme organisation criminelle au Canada. Les résultats se sont accumulés et forment aujourd'hui une longue liste de stratégies de lutte contre le crime organisé. Nous croyons qu'il est primordial d'établir un ordre de priorité de nos efforts et de fixer des buts atteignables et des dates cibles fermes pour maintenir l'élan de la réforme et de la modernisation, afin d'apporter à la police et aux poursuivants l'appui et les outils dont ils ont besoin pour lutter efficacement contre le crime organisé.
Je vous remercie.
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Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Randy Franks. Je suis un inspecteur du Service de police de Toronto, et je travaille à l'unité d'enquête sur le crime organisé. Je me propose de vous parler de certains des problèmes auxquels Toronto est confronté.
Les récents succès obtenus dans le domaine de l'application de la loi ont eu un profond effet sur le comportement des membres du crime organisé à Toronto. Entre 2005 et 2009, un certain nombre de grands projets et initiatives d'application de la loi ont été axés sur la perturbation des activités des gangs de rue et d'autres groupes organisés. L'analyse des renseignements fournis par ces initiatives montre que ces mesures ont entraîné un déplacement des organisations criminelles dans le Grand Toronto. Cela présente naturellement un nouveau défi pour les responsables de l'application de la loi: comment déterminer correctement l'échec ou le succès relatif de ces initiatives opérationnelles et comment adapter celles-ci afin d'accroître leur réussite à l'avenir.
L'adaptation de ces groupes perturbés, ainsi que leur transformation progressive en organismes plus désorganisés, présente également des problèmes de diverses natures. Les groupes n'agissent plus seuls; ils sont plus souples et les individus qui nous intéressent jouent un rôle plus important dans d'autres entreprises criminelles. Dans la pratique de tout commerce illicite, ces groupes s'efforcent de s'assurer un avantage concurrentiel ou de le conserver. Les renseignements recueillis montrent que le crime organisé a adopté les armes de la sous-traitance et de la coopération pour s'assurer cet avantage.
La récente initiative du Service de police de Toronto et de la PPO nous offre un exemple de sous-traitance et de rapport de coopération entre les bandes de motards criminalisés et les groupes criminels plus traditionnels. Les groupes de motards semblent se consacrer au recouvrement musclé des dettes. Il y a à peine cinq ans, les groupes criminels organisés avaient tendance à fonctionner de façon indépendante, alors qu'il arrive plus fréquemment maintenant qu'ils travaillent avec leurs concurrents en présence d'un marché attrayant.
Un de ces marchés attrayants est naturellement constitué par les États-Unis d'Amérique. La demande croissante d'ecstasy aux États-Unis a poussé les producteurs au Canada à accroître leur production. Aux États-Unis, les prix de l'ecstasy sont le double ou le triple du prix payé au Canada. Les distributeurs et producteurs canadiens d'ecstasy réalisent donc des profits considérables dans la vente de cette drogue aux États-Unis. Du fait de cette augmentation de la production, certaines divisions de Toronto, déjà touchées par l'ecstasy, constatent une augmentation du risque à cause de la plus grande disponibilité de cette drogue dans le centre-ville de Toronto, secteur où l'ecstasy et les drogues illicites apparentées ont constamment occupé une place importante en 2008 et 2009.
L'augmentation récente du prix de l'ecstasy à Toronto a coïncidé avec la saisie d'une drogue de plus en plus répandue, le benzylpipérazine, communément appelé BZP. Je crois que l'effet de cette drogue est similaire à celui de la MDMA, c'est-à-dire l'ecstasy, et que les effets du BZP sont comparables à ceux d'autres amphétamines. Le mois dernier, la police de Toronto a saisi 700 pilules de BZP, et on s'attend à ce que les futures saisies soient plus importantes à cause de l'augmentation du prix de l'ecstasy. Actuellement, cette drogue n'est pas réglementée au Canada, en dépit du fait que son aspect et son effet sont identiques à ceux de l'ecstasy, plus répandue.
La violence des gangs, en particulier leur activité liée aux armes à feu, est une des menaces les plus graves pesant sur Toronto. L'évolution récente de la situation a révélé une migration des crimes de violence vers le centre-ville où la population est plus dense. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est qu'il y a une infiltration apparente des crimes à main armée et de la violence des gangs dans tous les quartiers de la ville. Cependant, la majorité des décès causés par les armes à feu surviennent encore dans les banlieues proches où la culture des armes à feu est enracinée.
Nous avons constaté que les gangs de rue sont impliqués dans le trafic de drogues, les vols dans la rue et les vols dans les commerces, les violations de domicile, les entrées par effraction, le maniement d'armes, les tirs d'armes à feu et les meurtres. L'augmentation des homicides et des tirs d'armes à feu liés à des gangs, au cours de la dernière décennie, est attribuable à l'augmentation de la disponibilité des armes à feu à autorisation restreinte et des armes à feu prohibées, qu'elles aient été volées au Canada ou qu'elles soient importées illégalement.
Un examen des systèmes de données historiques et actuelles a permis d'établir que des milliers d'armes à feu sont actuellement détenues illégalement au Canada. Le 1er mars 2009, la police de Toronto a lancé un projet appelé « Safe City », afin de s'attaquer à ce problème. Depuis le début de cette initiative, un total de 1 620 armes à feu a été saisi. Cinquante-huit pour cent d'entre elles ont été interdites ou leur utilisation a été restreinte.
Quantifier le succès de cette initiative en citant simplement le nombre d'armes à feu saisies ne constituerait pas une mesure exacte de ses effets à long terme. Il est impossible de savoir combien de vies peuvent être sauvées grâce à la saisie d'une unique arme à feu et ce que serait l'effet de cette saisie sur la qualité de vie des citadins.
À tout le moins, cette initiative a montré que, dans notre ville, il fallait poursuivre la surveillance, l'éducation, et l'application des mesures relatives à la non-conformité chez des propriétaires légitimes d'armes à feu concernant les mesures relatives à la non-observation chez les propriétaires légitimes d'armes à feu. Si aucun contrôle n'est effectué, ces personnes conserveront des armes illégales chez elles, où il est tout à fait possible qu'elles soient volées et se retrouvent sur le marché illégal des armes à feu. Dans le cas des personnes qui ont décidé de ne pas tenir compte des dispositions de la Loi sur les armes à feu, le Service de police de Toronto les aidera à se débarrasser de toute arme à feu dont ils ne veulent plus ou les conseillera sur la manière d'obtenir un permis d'armes à feu valide. La réduction du nombre des armes à feu dans la rue ne fera que confirmer qu'elle contribue à augmenter la sécurité de la communauté et à réduire le nombre des incidents liés à des armes à feu.
Un des aspects les plus importants de la collecte de renseignements et de l'application de la loi consiste à déterminer comment, qui, où et pourquoi les criminels, qu'il s'agisse de groupes ou d'individus, devraient être ciblés. Cette démarche doit être suivie par une évaluation de l'efficacité de la réponse de la police.
Pour que le Service de police de Toronto parvienne à perturber les activités criminelles organisées, il doit s'adapter à l'évolution du paysage criminel. Au fur et à mesure que le monde devient plus petit, socialement, économiquement et politiquement, les réseaux criminels peuvent eux-mêmes devenir plus diffus, et créer plus de liens entre les criminels de différents groupes ethniques, sociaux et culturels. Comme on a déjà pu le voir dans les mouvements sociaux et environnementaux, les agents chargés de l'application de la loi doivent continuer à agir sur le plan local. Ils doivent cependant aussi adopter une vision plus globale lorsqu'il s'agit d'élaborer des initiatives d'application de la loi.
Les marchés illicites imitent souvent les marchés traditionnels tels que ceux de l'or, de l'argent, du pétrole et des minéraux. Les vols de métaux, lorsque le prix du métal augmente, nous offre un exemple de ce mimétisme.
Les exigences du marché dans les pays étrangers peuvent souvent exercer une influence sur les marchés locaux de drogues. Les producteurs de drogues illicites ne sont plus obligés de s'adapter aux changements qui n'affectent que leur coin de rue. Au lieu de cela, ils peuvent rechercher de nouveaux débouchés dans des villes au sud de la frontière ou outremer.
Le Service de police de Toronto reconnaît que l'information fournie par les renseignements en matière de criminalité ne devient essentielle que lorsqu'elle est correctement analysée et partagée. Pour réussir, les activités policières fondées sur le renseignement doivent contribuer à identifier les cibles et à en établir un ordre de priorité, de manière à ce que les ressources soient utilisées le plus efficacement possible. Dans un tel modèle, un produit de renseignement sert à guider les opérations policières. Comme tous les groupes criminels organisés sont souples et ne sont entravés par aucune limite juridictionnelle, les représentants de l'application de la loi doivent procéder de la même manière. Le partage de l'information est un élément clé, et comme les systèmes actuels ne sont pas pleinement utilisés, nous recommandons qu'un nouvel entrepôt national de données soit établi afin de permettre le partage en temps utile de tous les renseignements pertinents et exacts.
Bryan a parlé du SARC. Je suis certain que vous savez que le SARC est en train d'être renforcé, et toute aide de ce comité pour appuyer cet effort serait appréciée.
Enfin, toutes les agences d'application de la loi, y compris le Service de police de Toronto, doivent s'adapter à la sophistication croissante du crime organisé. Les groupes criminels utilisent la technologie la plus récente non seulement pour promouvoir leurs entreprises, mais ils utilisent également cette expertise pour se soustraire à l'application de la loi. Quelque chose d'aussi simple que l'utilisation de sites de réseautage social est une des formes de communication utilisée par le crime organisé qui n'est pas pleinement exploitée par nous. Lorsque des méthodes numériques virtuelles de blanchiment d'argent entrent dans l'équation, les interventions des agences policières sont presque inexistantes au niveau local.
Voilà ce qu'est le Service de police de Toronto.
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Bon après-midi. Je suis Peter Shadgett. Je suis heureux d'avoir été invité à vous parler de la criminalité organisée dans la province de l'Ontario selon l'optique du Service de renseignements criminels Ontario.
J'ai reçu un appel du directeur du Service canadien de renseignements criminels mardi. Il m'a demandé de parler particulièrement de la spécificité du SRCO, de ce qui le distingue par rapport à tous les services de renseignements criminels du pays, et j'ai donc pensé commencer par-là aujourd'hui. Si vous suivez mon texte, vous trouverez à la deuxième ou troisième page le titre « Une réponse intégrée ». C'est là où je vais commencer.
La sécurité publique en Ontario ne dépend pas principalement des organismes fédéraux mais plutôt des activités des services de police municipaux, régionaux, provinciaux et fédéraux ainsi que des organismes du secteur public responsables de l'application de la loi et des enquêtes. Cela est particulièrement vrai dans l'environnement policier actuel fondé sur le renseignement.
Le SRCO est la pièce maîtresse au sein du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, étant chargé de lutter contre le crime organisé aux niveaux local, provincial et national en collaboration avec d'autres bureaux provinciaux par l'intermédiaire du SCRC. Nous sommes le plus vieux service de renseignement criminel au Canada et, grâce à son partenariat avec les services de police et ses rapports hiérarchiques particuliers avec le gouvernement de l'Ontario, il se démarque des autres par sa flexibilité. Créé en 1966 à titre de partenariat entre le gouvernement de l'Ontario et les divers services de police provinciaux suite aux préoccupations exprimées par la Commission royale ontarienne sur la criminalité organisée, le SRCO a été chargé d'assurer la coordination centrale des renseignements sur les personnes et les organisations impliquées dans le crime organisé.
Sa mission est de promouvoir une action unifiée fondée sur le renseignement dans la lutte contre le crime organisé en Ontario. Sa vision est de promouvoir une entreprise de renseignement unifiée à travers la province et d'assurer une meilleure sécurité dans toutes les collectivités de l'Ontario.
Notre stratégie est de rassembler l'information provenant de la police, des autorités de réglementation et de groupes d'intérêts spéciaux et de la transformer en produits et services de renseignement favorisant une action fondée sur la connaissance de la part des décideurs, des chefs de police, des enquêteurs et des agents de renseignement.
Le SRCO est le conduit par lequel les renseignements criminels relatifs à la criminalité grave et organisée dans la province sont partagés, analysés et transmis aux diverses bases de données et aux 120 organismes partenaires.
Régi par des statuts, le SRCO est composé d'un organe directeur, représentant le niveau décisionnel éxécutif en la personne des chefs de police ou directeurs de divers organismes membres; d'un organe d'exécution, représentant les divers commandants des unités de renseignement ou leurs délégués; et d'un bureau provincial, qui est dans la pratique le point de convergence des renseignements de toutes les sources et qui s'efforce de fournir aux 120 organismes partenaires une connaissance situationnelle stratégique sur le crime organisé et d'autres infractions criminelles graves.
Afin de faciliter cette libre circulation du renseignement criminel, le bureau provincial du SRCO a été positionné au sein du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Le directeur rend compte à la fois au sous-ministre adjoint de la Sécurité publique pour les affaires administratives et à l'organe directeur pour les affaires opérationnelles.
Le bureau provincial occupe une situation particulière du fait de sa capacité d'analyser et disséminer de manière apolitique le renseignement criminel à partir des données transmises par les divers organismes membres aux niveaux fédéral — organismes tant canadiens qu'américains — provincial et municipal.
Le bureau provincial administre un certain nombre de programmes pour le compte du SRCO et du gouvernement dans la perspective d'une évolution continue de l'action policière fondée sur le renseignement dans tout l'Ontario. Une liste non exhaustive de ces programmes comprend un programme de formation spécifique à la fonction de renseignement, qui facilite la création d'un corps d'agents de renseignement professionnels, d'agents techniques et d'agents secrets et d'analystes au service de toutes les forces de police de l'Ontario; un programme de ressources techniques visant à assister les efforts de collecte d'organismes partenaires grâce à la fourniture de matériel de surveillance et de collecte hautement sensible, sophistiqué et coûteux; l'administration au niveau de l'Ontario du système SARC; le programme provincial de numérisation des dossiers de renseignement opérationnel historiques et actuels; le seul programme spécialisé de financement des forces policières conjuguées au Canada, soit un programme qui supervise l'acheminement de crédits annuels aux enquêtes sur le crime organisé et à des projets connexes de forces conjuguées. Par le biais de ce programme, le SRCO finance jusqu'à 50 p. 100 de toutes les dépenses opérationnelles relatives aux enquêtes sur le crime organisé, au moins deux autres partenaires financiers de la communauté policière finançant le reste des dépenses opérationnelles, ainsi que les salaires des enquêteurs, analystes, etc. Il existe en outre le programme des services analytiques intégrés, conçu pour offrir aux organismes partenaires une analyse échelonnée, stratégique, exploitant toutes les sources, en rapport avec les priorités provinciales et nationales de lutte contre le crime organisé.
La réalisation des objectifs de politique publique du gouvernement est facilitée par une réponse coordonnée à l'échelle provinciale aux préoccupations de sécurité publique résultant de la criminalité organisée. Les priorités et les besoins locaux et provinciaux en matière d'action policière peuvent être le mieux réalisés et satisfaits au moyen d'une action conjointe et collaborative élaborée dans le cadre du partenariat du SRCO.
À titre d'exemple du fonctionnement de ce partenariat, j'attire votre attention sur le programme de formation du SRCO. La contribution du gouvernement ontarien à ce programme, son investissement dans ce programme, prend la forme du financement de trois employés équivalents plein temps responsables de sa gestion. Ces ETP sont postés au bureau provincial du SRCO et déployés au Collège de la police de l'Ontario. Cependant, les ressources humaines requises pour satisfaire aux besoins primordiaux et émergents en matière de formation, notamment la multiplication du nombre des cours de formation au renseignement et l'exécution d'un programme d'extension à l'échelle de la province qui assure une formation à 300 étudiants par an, ne pourraient pas être assurées par ces trois ETP seuls. Le partenariat soutient la formation en fournissant des instructeurs et/ou des conférenciers gratuitement à chaque cours dispensé. Il assure également un mentorat et le perfectionnement d'agents de police nouvellement formés après leur cours.
Cette méthode de partage et d'intégration du coût de la formation entre tous les partenaires du SRCO représente la clé de la réussite du programme. Ce n'est là qu'un exemple de la façon dont le SRCO a su mériter régulièrement une cote de satisfaction de 100 p. 100 pour sa prestation de services, sur la base d'enquêtes de satisfaction auprès des clients provinciaux.
Le SRCO fait siennes trois priorités principales, qui sont la clé d'une perturbation et répression efficace des réseaux criminels organisés.
Similaires à la pratique de la PPO sur le plan de l'accès légal, la Loi sur les pouvoirs d'enquête au 21e siècle, soit le projet de loi , et la Loi sur l'assistance au contrôle d'application des lois au 21e siècle, le projet de loi , ont été adoptées en première lecture en juin 2009. Ce sont là des mesures importantes du point de vue de l'accès légal et indispensables à la réussite de l'action policière en matière de lutte contre le crime organisé.
L'action policière fondée sur le renseignement requiert que les services de police collaborent entre eux aux niveaux opérationnel, tactique et stratégique et partagent la responsabilité, l'autorité et la reddition de comptes à chacun de ces niveaux. Elle exige une approche stratégique afin d'anticiper, prévenir, dissuader ou efficacement réagir aux besoins routiniers des agents de police en première ligne et aux menaces plus sophistiquées, telles que l'escalade de la violence de rue et de la criminalité organisée. Il est intrinsèquement problématique de prendre de bonnes décisions sur la base d'une information incomplète, et plus l'information laisse à désirer et plus il sera difficile de prendre de bonnes décisions. Le partage de l'information dans cet environnement est un impératif crucial si l'on veut que les efforts de la police aboutissent.
En conséquence, le SRCO est un grand partisan de l'usage courant du système automatisé de renseignements sur la criminalité, le SARC, à titre de mesure intérimaire. La plate-forme sur laquelle repose le système est archaïque, ce qui conduit à des difficultés d'entrée, de maintien et de retrait des données. Le modèle canadien de renseignements criminels proposé et le système canadien de renseignements criminels nouvellement proposé à titre de base de données nationale faisant l'objet d'une recherche-développement continue représentent des initiatives que nous saluons. Cependant, le financement est toujours un problème et, puisqu'il s'agit essentiellement d'une initiative nationale, la position du SRCO est que c'est à ce niveau que le programme devrait être adéquatement financé.
En outre, des arguments toujours valides donnent à penser que la structure institutionnelle des services de police reste trop compartimentée et il est prouvé que cela entrave considérablement le flux d'information provenant des services de police fédéraux tels que la GRC vers les autres partenaires fédéraux, provinciaux et municipaux. Plus précisément, des problèmes tels que les habilitations de sécurité fédérales, les bases de données de sécurité nationale et les structures hiérarchiques restrictives nuisent à une véritable intégration et à un partage efficace de l'information. Il faut y porter remède si l'on veut un plein partage du renseignement.
Enfin, la RICCO, la Réponse intégrée canadienne au crime organisé, a été créée en 2007 à titre de composante opérationnelle de la stratégie canadienne d'application de la loi contre le crime organisé. Le mandat du programme RICCO est de coordonner un plan stratégique de lutte contre la criminalité organisée ou grave, avec l'intégration des efforts policiers canadiens aux niveaux municipal, provincial/territorial, régional et national. L'objectif est d'opérationnaliser les renseignements produits par le SCRC en partenariat avec les bureaux provinciaux de renseignements de sécurité.
Un objectif clé du programme RICCO est d'intensifier la coopération interprovinciale sur le plan du partage des renseignements et de la coordination opérationnelle au Canada. La RICCO jette les bases qui vont permettre aux organismes d'application de la loi de tout le pays d'échanger l'information de manière plus rapide, fiable et efficiente. On s'attend à ce que cette communication améliorée se traduise par de meilleurs résultats opérationnels.
Le projet pilote ontarien s'est déroulé au cours des 12 derniers mois. Ce projet fait partie d'une entreprise conjointe entre le Service canadien de renseignements criminels, le SRCO, et le Comité national du RICCO. Comme avec toute nouvelle initiative, l'exécution du projet RICCO Ontario a été un processus d'apprentissage dynamique, exigeant l'ajustement des concepts initiaux au fur et à mesure que les intervenants s'adaptaient à de nouvelles façons de faire les choses.
Le projet pilote a permis de tirer un certain nombre de conclusions importantes mettant en lumière des mesures cruciales à prendre. Parmi les leçons apprises figurent la nécessité d'établir une stratégie de communication reflétant la nature complexe du projet RICCO au fur et à mesure de son déroulement; l'impératif qu'un plus grand nombre de services de police adoptent le maintien de l'ordre axé sur le renseignement comme stratégie opérationnelle globale, par opposition à une stratégie utilisée simplement par une unité de renseignement; enfin, la nécessité de clarifier et d'élargir le rôle des agents de liaison RICCO locaux, qui sont une partie intégrante de la réussite du projet, et de tous les autres membres du personnel ou agents intervenants dans le processus.
Le SRCO approuve pleinement la poursuite du projet pilote en Ontario, avec un soutien continu du SCRC, et préconise la réalisation d'autres projets pilotes dans d'autres provinces du Canada.
En résumé, une prise de décisions éclairée est l'objectif ultime du renseignement. Les efforts conjugués en Ontario visent à combler non pas une seule lacune de renseignements, mais plutôt des lacunes multiples. Une image plus complète de l'impact du crime organisé et l'élaboration de stratégies permettant de le réprimer exigent que la police acquière une connaissance plus complète des acteurs criminels impliqués, des liens entre les criminels et leurs organisations, des activités de ces acteurs criminels et de leurs organisations, ainsi que des facteurs sociaux et économiques qui les motivent et qui leur ouvrent des possibilités d'enfreindre la loi.
Le SRCO est un modèle de diversification des modes de prestation de services qui pourrait servir de modèle à d'autres opérations gouvernementales et policières et devenir un prototype de partenariat pour d'autres provinces dans leur lutte contre le crime organisé.
Le SRCO focalise sur un certain nombre d'activités qui sont au coeur de la lutte contre le crime organisé et, si vous mettiez ce modèle en place à travers le pays, vous y engloberiez l'analyse et l'interprétation des opérations de répression du crime organisé, l'échange des renseignements au niveau opérationnel par le biais de l'exécution de programmes et de bases de données électroniques; le soutien financier et spécialisé à des enquêtes criminelles multi-juridictionnelles menées conjointement par divers services de police; la formation continue d'experts et l'élaboration de meilleures pratiques au moyen d'un programme de formation au renseignement centralisé; le soutien à des opérations d'infiltration; le perfectionnement actif des connaissances des enquêteurs sur le plan des développements juridiques et des tendances et méthodes relatives à l'accès légal; et la mise en place d'un mécanisme de coordination entre services de police et le gouvernement en vue de lutter de concert contre la criminalité organisée.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Robert Davis et je suis le chef de district responsable des services offerts par la GRC ici, dans la région du Grand Toronto. Au nom de la GRC, et plus particulièrement de la Division O, je vous remercie de nous avoir invités, l'inspecteur Penney et moi.
Le comité nous a invités à présenter un aperçu de l'état du crime organisé, et mes observations porteront principalement sur le contexte du Grand Toronto. J'aimerais d'abord prendre un moment pour mentionner des renseignements pertinents au sujet de cette région.
Selon les chiffres du dernier recensement, le Grand Toronto représente moins de 1 p. 100 de la superficie géographique de l'Ontario, mais compte quelque cinq millions et demi d'habitants, et ces chiffres datent déjà de trois ans. Plus de 140 langes et dialectes sont parlés ici, et environ 44 p. 100 de la population déclarent une langue maternelle autre que l'anglais ou le français. En outre, l'agglomération est celle qui reçoit le plus grand nombre d'immigrants au Canada: plus de 70 p. 100 des habitants de plus de 15 ans sont soit des immigrants soit des enfants d'immigrants.
L'agglomération de Toronto abrite également le siège du gouvernement provincial et est le coeur industriel et financier du Canada. On y trouve l'aéroport canadien le plus grand et le plus actif, qui a accueilli plus de 32 millions de passagers et traité 45 p. 100 du fret aérien du pays en 2008. L'agglomération est également à un jour de route de 135 millions de personnes dans deux pays.
Bref, notre territoire immédiat, quoique relativement petit, représente la plaque tournante financière du pays, le lieu de résidence de près de 20 p. 100 de la population, le théâtre d'une énorme influence politique exercée sur les scènes nationale et internationale, ainsi qu'une mosaïque fortement diversifiée sur les plans de la culture, de l'origine ethnique, de l'éducation, du commerce, de la religion et des intérêts. En d'autres termes, les variables sont infinies, ce qui offre autant d'occasions aux organisations criminelles tout en posant des défis considérables à la police et à la collectivité dans son ensemble.
Dans le Grand Toronto, comme dans le reste de l'Ontario et au Québec, la GRC évolue dans un contexte de travail différent de celui qu'elle connaît dans la plupart des autres régions du pays. Dans ces deux provinces non contractantes, le maintien de l'ordre relève principalement des corps policiers municipaux, régionaux et provinciaux, alors que la GRC se charge de l'application des lois fédérales et des questions relatives à la sécurité nationale. Les services de police fédéraux que nous fournissons dans le District du Grand Toronto prennent généralement la forme de projets ciblant le crime organisé. Il s'agit habituellement d'enquêtes de longue haleine, multi-juridictionnelles et coûteuses. Heureusement, nous entretenons d'étroites relations de travail officielles et officieuses avec nos partenaires policiers.
Dans ce contexte, nous avons été et continuons d'être témoins de la multiplication et de la diversification des organisations criminelles. Qu'il s'agisse de sociétés secrètes anciennes — et qui subsistent à ce jour — ou d'entreprises criminelles plus récentes, toutes misent sur la capacité d'adaptation pour survivre et prospérer. Nos initiatives de répression ont en effet révélé une tendance à délaisser les groupes traditionnels du crime organisé, axés sur l'origine ethnique, au profit d'organisations criminelles multiculturelles qui forment des alliances à la durée et à l'ampleur variables, fondées sur des objectifs communs et sur les besoins en capacités criminelles.
Quelles que soient leurs marchandises illicites de prédilection, toutes ces organisations criminelles visent un seul but, c'est-à-dire amasser des richesses et en assurer la légitimation. Pour ce faire, elles ont étudié et adopté de nombreuses méthodes qui sont employées de façon légitime dans la société du 21e siècle: elles sous-traitent, ont recours aux dernières innovations technologiques et tiennent compte des interventions policières et des sanctions légales potentielles auxquelles leurs activités les exposent. Elles cherchent aussi à exploiter les faiblesses et à faire alliance ave des personnes de divers secteurs qui possèdent une influence ou des connaissances compatibles avec leurs objectifs. Il peut s'agir de fonctionnaires qui ont accès à la documentation relative aux passeports ou qui connaissent les mesures de sécurité internes, ou encore d'employés de banque ou de sociétés de services financiers qui transfèrent les fonds à l'échelle internationale.
Les organisations criminelles cherchent activement à atténuer les risques qu'elles courent, par exemple en compartimentant leurs activités dans plusieurs régions du Canada, voire dans plusieurs pays. De nombreuses enquêtes ciblant des organisations criminelles commencent à l'échelle locale, mais prennent rapidement une ampleur nationale ou internationale. On a déjà découvert, dans un tel dossier, que l'organisation criminelle principale était établie dans un premier pays, que la marchandise trafiquée se trouvait dans un deuxième pays, et que la circulation de cette marchandise entre un troisième et un quatrième pays était confiée à une autre entreprise criminelle. Dans ce scénario, le troisième pays était le Canada. Ce genre de situation soulève de nombreuses questions liées aux territoires de compétence, aux régimes de droit et à la souveraineté.
Je sais que vous avez parlé à plusieurs autres intervenants des quatre coins du pays au sujet du thème de la rencontre d'aujourd'hui, et d'après ce que j'ai lu, leurs propos avaient principalement trait à la drogue. Le monde de la drogue, avec ses profits fabuleux et vite accumulés, ses peines sévères, sa violence coutumière et son lourd tribut de victimes bien visibles, est indissociable de toute discussion sur le crime organisé. À mon avis, il ne fait aucun doute que le narcotrafic figure parmi les pierres angulaires du crime organisé. Dans la région du Grand Toronto, nous constatons l'influence du trafic de drogue en toile de fond dans presque tous les domaines visés par les programmes fédéraux, qu'il s'agisse de vol d'identité, de faux monnayage ou de sécurité aéroportuaire.
L'inspecteur Penney a eu la gentillesse de m'accompagner aujourd'hui pour répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir concernant spécifiquement le crime organisé et la répression du narcotrafic.
Le crime organisé touche aussi de nombreuses activités et marchandises qui n'ont rien à voir avec le narcotrafic. J'aimerais prendre quelques instants pour parler de cet aspect qui est trop souvent négligé.
Passage de clandestins, vente en ligne de faux médicaments, fraudes relatives au marché financier, aux valeurs mobilières et aux assurances, fraude fiscale, contrebande de tabac, marketing de masse par Internet, contrefaçon de DVD, de jeux électroniques et d'instruments financiers, vol d'identité... ce sont toutes des activités extrêmement lucratives et infiniment moins risquées pour une entreprise criminelle, comparées au narcotrafic. Parfois, ces activités peuvent générer des profits aussi extraordinaires que le trafic de drogue; c'est notamment le cas de la contrebande de tabac. Les risques de poursuite et les peines possibles sont pourtant bien moindres.
Ces crimes ne sont pas sans faire de victimes et leur étendue est vaste. Les groupes criminels qui s'y livrent savent que les ressources policières sont limitées et que la population s'attend à ce que les menaces les plus graves soient combattues en priorité.
Il y aurait lieu de revoir les sanctions juridiques prévues pour ces nombreuses autres infractions aux lois fédérales afin qu'elles produisent un réel effet dissuasif sur les grandes organisations criminelles d'aujourd'hui. Dans certains cas, il faudra même revoir les lois et en élargir la portée. Par exemple, les infractions au droit d'auteur sont explicitement exclues de la législation relative aux produits de la criminalité, ce qui limite la capacité de la police à bloquer les gains qui en sont tirés. Il y a aussi un décalage entre les lois en vigueur et l'évolution fulgurante des technologies de communication. Il faut assurer l'accès légal, car les technologies actuelles permettent aux organisations criminelles de vaquer à leurs activités sans même s'en cacher. À mon sens, les compagnies du secteur des technologies de communication, y compris les fournisseurs d'accès Internet, devraient être assujetties à des lois qui autorisent la police à accéder à l'information requise pour traduire les organisations criminelles en justice. Je pense entre autres aux techniques de chiffrement et aux moyens de communication numériques qui évoluent sans cesse.
Je sais que le commissaire adjoint Mike Cabana s'est adressé au comité en mars dernier pour discuter de la question de l'accès légal et des difficultés que présentent les règles de divulgation pour la police. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mais je soulignerai tout de même que l'application actuelle des règles de divulgation pèse très lourd sur toutes les opérations policières. Les demandes de divulgation peuvent remonter dans le temps et franchir les limites territoriales, mais elles doivent être pertinentes. Lorsque des ressources déjà étirées sont grevées encore davantage pour répondre à une demande qui découle simplement de l'interprétation subjective d'un procureur ou qui constitue une manoeuvre dilatoire d'un avocat de la défense, nos capacités s'en trouvent inutilement réduites. En l'absence de normes défendables, la divulgation peut devenir un outil pour entraver les mesures de répression légitimes et épuiser les policiers. Elle peut aussi inspirer à des partenaires internationaux indispensables une réticence considérable à notre égard.
En somme, monsieur le président, la GRC et ses responsables dans le District du Grand Toronto ont à coeur de lutter efficacement contre le crime organisé dans cette région et ailleurs. Pour ce faire, nous devons combler l'écart entre les capacités changeantes des organisations criminelles et les moyens d'intervention correspondants des organismes d'application de la loi.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Il semble que nous pouvons tous tomber d'accord sur un certain nombre de choses que nous pouvons faire ici, en recommandant au gouvernement des mesures telles que réintroduire les projets de loi C-46 et C-47 sur l'accès légal, régler les difficultés financières du SARC et accroître de façon générale les ressources policières au Canada. Il y a lieu également pour tous les intervenants de travailler sur la divulgation.
Je considère que nombre de ces mesures sont soit déjà en train soit devraient l'être. Je ne veux pas m'attarder là-dessus. Je pense que ce sont de réels problèmes et vous les avez évoqués. Je suis heureux d'entendre le surintendant Davis parler de la technologie. Il a utilisé quelques merveilleuses tournures, que nous reprendrons, concernant l'obligation qu'il faudrait faire aux sociétés de télécommunications, aux fournisseurs de services Internet et aux fabricants d'appareils d'utiliser des dispositifs se prêtant à la surveillance et autorisant ce que nous appelons une interception sur mandat judiciaire. Si l'on ne peut mettre la main sur l'information, il est difficile de dire qu'un juge peut en contrôler l'accès. Je ne crains pas l'empiétement sur les libertés civiles du moment qu'il y a mandat judiciaire. Nous ne parvenons même pas à entrouvrir la porte. Ce sont là des choses sur lesquelles nous sommes tous d'accord.
J'ai observé trois choses sur lesquelles j'aimerais brièvement votre avis. Premièrement, dans des villes comme Winnipeg, les organisations criminelles semblent utiliser les jeunes comme des pions pour la commission de divers délits. Il n'y a d'ailleurs pas que Winnipeg, on voit cela dans tout le pays. Nous examinons de nouvelles modifications à la LSJPA, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. J'aimerais entendre vos commentaires en général sur les jeunes et le rôle qu'ils jouent dans la criminalité organisée.
Ensuite il y a la confiscation civile, la saisie des produits de la criminalité afin de mettre la main sur l'argent. Il semble que nous ayons appris à Vancouver qu'une organisation criminelle doit être entourée de tout un réseau de civils qui ne se livrent pas eux-mêmes à des actes criminels mais qui lui fournissent néanmoins un soutien logistique, par exemple des fournisseurs de matériel de construction, etc., qui ne peuvent ignorer qu'ils aident les organisations criminelles. Je serais intéressé de vous entendre à ce sujet.
Enfin, et cela concerne surtout l'Agence des services frontaliers du Canada, nous avons une très longue frontière. Nous voyons régulièrement des cas de violence par arme à feu. Il n'y a d'ailleurs presque pas de débat là-dessus à Ottawa, sur la façon de lutter contre ce problème. La plupart du temps, ces armes à feu viennent de l'étranger. Elles parviennent à franchir la frontière d'une façon ou d'une autre. Nous parlons d'argent, de drogues, d'armes et de technologies. Si nous parvenions à maîtriser ces quatre aspects au moyen d'instruments fédéraux, tout le monde s'en porterait mieux.
J'invite tous les témoins à exprimer quelques avis sur tout cela.
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Merci beaucoup. Je n'ai pas le temps de dire tout le bien que je pense de ces exposés. Cependant, je voudrais parler de ceux qui nous sont apparus très intéressants.
Monsieur Shadgett, j'ai bien apprécié votre exposé. Vous nous avez très bien exposé quel poste vous avez, où se situe votre organisation, et je suis convaincu que vous avez les réponses à ce que nous cherchons. Toutefois, vous avez passé bien peu de temps à nous les donner. Je conviens du dernier but que vous donnez à vos opérations, soit l'établissement d'un mécanisme de coordination pour la collectivité policière et le gouvernement afin qu'ils collaborent et s'attaquent aux problèmes liés au crime organisé. Vous êtes donc bien placé pour connaître ces réponses, mais vous ne les avez pas données.
Je reparlerai avec mes collègues plus tard pour voir s'il ne vaudrait pas la peine qu'on vous convoque de nouveau à un moment donné pour nous faire un exposé à ce sujet.
J'ai entendu l'exposé de M. Davis, et celui-ci m'est apparu également très crédible. Évidemment, vous auriez pu donner énormément de détails, mais, le temps étant limité, vous êtes allé à l'essentiel. Nous avons donc une meilleure idée de la situation du crime organisé et de sa grande diversité.
De certaines autres personnes qui sont venues ici, j'ai retenu qu'il n'y a plus à Toronto quelques grandes familles qui contrôlent le crime organisé, mais qu'en fait, il y a beaucoup d'organisations qui sont d'ailleurs très puissantes les unes comme les autres, selon les domaines dont elles s'occupent. C'est sûr que des organisations oeuvrent dans plusieurs domaines.
Il y a un aspect dont on nous a parlé et dont vous ne parlez pas, soit l'existence d'organisations ethniques, russes par exemple. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces informations qu'on nous donne, à savoir qu'il y a maintenant beaucoup d'organisations spécialisées selon leur origine nationale, donc leur langue?
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Dans la police, comme vous ne l'ignorez sûrement pas, il y a toutes sortes de ressources concurrentes et de problèmes qui apparaissent.
Lorsque j'ai démarré le SRCO il y a 45 ans, c'était suite à une enquête royale sur ce que tout le monde conçoit comme et appelle la criminalité organisée « traditionnelle », qui utilisait des méthodes très précises. S'il y avait recours à la violence, par exemple, c'était de manière stratégique par opposition à une violence impulsive.
Ce qui se passe aujourd'hui, à mon sens, lorsque je regarde le District du Grand Toronto et la prévalence des gangs de rue — et je laisserai mon ami de Toronto me contredire s'il le veut — c'est que la violence est parfois stratégique et parfois impulsive. Vous avez ensuite des actes de rétribution, et cela se poursuit en cascade.
L'action de la police met l'accent sur la violence de rue qui sévit au Canada et sur d'autres crimes majeurs.
J'ai oublié de mentionner plus tôt que je suis surintendant à la PPO. Dans mon poste antérieur, j'étais responsable de la direction anti-rackets et des crimes majeurs, des crimes contre l'État, et nous avons mis sur pied une unité d'enquête sur la corruption.
Il y a énormément de travail à faire, énormément d'enquêtes à mener, ne serait-ce que dans l'intérêt de la transparence lorsque des allégations sont formulées. Le problème est de préserver les ressources consacrées à ces enquêtes face à tous les autres besoins dans le domaine de la grande criminalité.
Dans le contexte de l'OPP, répondant aux demandes d'assistance à l'échelle de la province pour enquêter sur des homicides, dont certains très notoires intervenus ces derniers mois dans des localités périphériques de l'Ontario qui ne relèvent pas de la PPO, la PPO a financé et appuyé ces enquêteurs, et ces derniers provenaient du service de lutte contre la corruption et le racket. Un certain nombre d'entre eux venaient de là.
Il faut donc sans cesse jongler et faire la répression du crime organisé que l'on peut, quand on peut. Je ne pense pas que nous ayons réellement un assez bon aperçu de la corruption potentielle au sein des pouvoirs publics.
Merci aux témoins de leur présence.
J'ai quelques questions découlant des propos de témoins antérieurs. Je ne vais pas aborder leurs opinions philosophiques sur l'application de la loi et la légalisation des drogues et ce genre de choses. En tant qu'ancien policier, je pars du principe que nous sommes du même avis à ce sujet. Cependant, n'hésitez pas à intervenir et à me reprendre si je me trompe.
La légalisation de la marijuana et de toutes les autres drogues sur la liste, comme l'a réclamé l'un des témoins, ne figure pas à notre menu. Cela dit, l'un des témoins, M. Antonio Nicaso, qui a étudié la criminalité organisée tant au Canada qu'à l'étranger — plus précisément en Italie — était d'avis que nous ne combattons pas sérieusement la criminalité organisée, car nous y consacrons si peu de ressources.
Sans entrer dans le détail des effectifs ou des budgets exacts, ou ce genre de choses, j'aimerais avoir votre opinion collective, premièrement, sur le sérieux de notre lutte contre le crime organisé. Nous n'avons jamais assez de ressources — nul dans les pouvoirs publics n'a jamais assez de ressources — mais voyez-vous une possibilité de réajuster les crédits de façon à combattre sérieusement le crime organisé?
Voilà ma première question. J'aimerais une réponse courte, sans le détail des effectifs mais avec au moins le pourcentage de votre budget, ou une estimation grossière, et j'aborderai ensuite quelques autres questions.
Nous pouvons peut-être commencer avec l'ASFC.
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Je remercie tout le monde d'être venu témoigner. Il y en a plusieurs parmi vous que j'ai déjà eus devant moi. Il y en a quelques-uns des mêmes corps policiers qui sont déjà venus.
On essaie de trouver une solution pour tenter d'éradiquer le crime organisé. C'est cela, le but de l'enquête et c'est pourquoi on a visité plusieurs villes: Vancouver, Halifax, Montréal, etc. À Montréal, il est arrivé un événement particulier. À un moment donné, on a parlé de la construction. Déjà à l'époque — je vous parle de l'année dernière —, certains témoins mentionnaient que le milieu de la construction était presque « lié » au crime organisé. Un an plus tard, on dirait qu'on commence à en entendre parler.
Compte tenu du fait que vous êtes de Toronto — j'ai vu qu'il y a ici beaucoup de construction —, vivez-vous le même phénomène? En ce moment, le même questionnement s'impose-t-il à vous? En effet, comme on l'a dit, le crime organisé s'infiltre partout pour faire de l'argent. Donc, il se sert de la construction, des grands plans, qu'ils soient à l'échelle municipale, privée, fédérale ou autres, pour blanchir de l'argent. C'est le but. Ils sont tellement bien organisés que c'est le crime organisé, dans certains cas, mais il faut faire attention à ne pas mettre tout le monde dans le même sac.
Alors, M. Martin, vous qui êtes de l'OPP, j'imagine que vous faites du travail sur le terrain. D'après vous, y a-t-il des possibilités, comme on nous l'avait dit à Montréal, que le crime organisé soit lié au milieu de la construction à Toronto? Avez-vous eu des échos de cette nature?