:
Merci, monsieur le président.
B’nai Brith Canada est la plus grande organisation juive composée de membres au pays. Par l’entremise de sa Ligue des droits de la personne et de son Institut des affaires internationales, B’nai Brith Canada est le principal défenseur des droits de la personne de la communauté juive canadienne.
Dans cette présentation, B’nai Brith Canada souhaite offrir son appui et proposer des modifications nécessaires aux dispositions du projet de loi qui traitent de la fomentation de la terreur, de la saisie de propagande terroriste et de la suppression de propagande terroriste trouvée dans des systèmes informatiques.
Nous sommes favorables à ces aspects du projet de loi sous réserve de certaines modifications que nous allons recommander pour préciser les dispositions et en renforcer la portée afin d'éviter d'éventuels problèmes de constitutionnalité du projet de loi.
Mon confrère, Me Matas, vous parlera plus en détail de ces recommandations de modifications.
Pour l'instant, je me propose de brièvement vous expliquer ce qui nous a amener à appuyer les dispositions relatives à la propagande terroriste dont on parle. J'en profiterai pour mettre en contexte la vulnérabilité de la communauté juive face à la propagande haineuse dans le monde, surtout au Canada, et je parlerai du lien entre la haine et le terrorisme dans le contexte de notre loi contre la propagande haineuse.
Dans notre document nous parlons de ce que vous connaissez tous, soit la récente vague d'activités terroristes au Canada, qu'il s'agisse des projets contrecarrés par les services policiers, des attentats qui ont abouti ou de ceux qui sont en préparation, notamment à cause du comportement attendu d'enfants canadiens qui ont été conditionnés pour rejoindre les groupes djihadistes outre-mer.
Pour ce qui est de la collectivité que nous représentons, il y a un aspect de l'activité terroriste que l'on a tendance à perdre de vue, à cause de son intensité, soit le fait que les groupes terroristes les plus puissants sont aussi les plus actifs sur le plan de la propagande haineuse; le groupe armé État islamique, Hezbollah, al-Qaïda et Hamas supplantent à cet égard le Ku Klux Klan, les Nations aryennes et le Heritage Front. Toutes ces organisations font preuve d'un antisémitisme fanatique.
Nous avons tous entendu parler des actes de terrorisme commis contre les Juifs en France, avec la prise d'otages au supermarché Hypercacher, en banlieue de Paris, qui a suivi immédiatement le massacre dans les locaux de Charlie Hebdo; les assassinats commis à l'école juive à Marseille, en 2012; le meurtre récent d’un jeune homme qui gardait une synagogue juive à Copenhague, et qui protégeait une centaine de participants à une bat mitzvah; l’attaque de 2013 contre le Westgate Shopping Mall appartenant à des Juifs au Kenya et l'attaque contre un centre religieux de Mumbai, à l'occasion d'attentats terroristes multiples en 2008.
À chacune de ces occasions, dans chacun de ces crimes, des Juifs ont été ciblés uniquement à cause de la haine des agresseurs envers eux. Aucune autre raison stratégique n'explique qu'on s'en soit ainsi pris à des innocents.
Au Canada, le West Edmonton Mall, qui appartient à des Juifs, au même titre que d'autres centres commerciaux ailleurs dans le monde, a récemment fait l'objet d'une menace d'attentat par al-Shabaad. Il n'est cependant pas ressorti clairement que si le West Edmonton Mall, plutôt que le Yorkdale Shopping Centre, par exemple, a été pris pour cible, c'est parce qu'il appartient à des intérêts juifs. C'est la famille Ghermezian qui possède ce centre commercial de même que d'autres centres visés. Ainsi, les seuls centres commerciaux ayant été menacés sont ceux détenus par des Juifs.
Ces menaces terroristes interviennent dans le contexte d'une augmentation du mouvement antisémite dans le monde. Notre vérification annuelle portant sur les incidents antisémites indique qu’en 2013 les incidents de vandalisme et de violence ont augmenté respectivement de 21,6 % et de 7,7 % par rapport à l’année précédente. Nous attendons les chiffres de 2014, qui devraient être nettement plus élevés, comme dans le cas de l'Europe, par exemple, où il y a eu deux fois plus d'incidents antisémites en France; 60 % de plus en Belgique et 50 % de plus en Grande-Bretagne. En Australie, il y en a eu 33 % de plus. Toutes ces données apparaissent dans notre mémoire.
Le droit canadien élaboré à la faveur d'une série d'arrêts de la Cour suprême du Canada a régulièrement confirmé le caractère approprié des limitations légales imposées aux discours haineux par la reconnaissance accordée au fait qu’il existe un lien tenu entre le discours et l’action. Nous affirmons, pour notre part, que le lien entre le discours et l’action ou le crime, pour ce qui est du discours haineux, est encore plus étroit quand il s'agit de promotion de la terreur, raison pour laquelle nous sommes d'accord avec les dispositions du projet de loi sous réserve de ce que vous indiquera mon confrère, Me Matas.
:
Merci beaucoup, je vais principalement parler des changements proposés au projet de loi.
Comme mon confrère vous l'a dit, nous sommes pour le fait qu'on recommande et promulgue la désignation de la promotion de terrorisme en tant qu'infraction. Nous souhaitons, et apprécions que le projet de loi en soit l'occasion, qu'il soit un rééquilibrage entre la liberté d'expression et la protection des victimes de terrorisme, compte tenu de la montée en puissance de la menace terroriste à laquelle le monde en général, et le Canada en particulier, sont confrontés.
Nous formulons trois grandes recommandations qui, selon nous, respectent l'esprit du projet de loi.
Il faudrait d'abord adopter une défense pour les infractions de promotion ou d’apologie de la haine raciale, ce qui existe déjà pour l'infraction de fomentation de la haine. Le Code criminel prévoit que nul ne peut être déclaré coupable de fomenter volontairement la haine si, agissant de bonne foi, la personne voulait attirer l’attention, afin qu’il y soit remédié, sur des questions provoquant ou de nature à provoquer des sentiments de haine à l’égard d’un groupe identifiable au Canada. On pourrait donc rédiger une défense semblable pour les infractions de défense ou de promotion du terrorisme.
Ensuite, cette disposition érige en infraction le fait de sciemment préconiser ou de fomenter la perpétration d’infractions de terrorisme en général, sans toutefois indiquer de quelles infractions il s’agit. Nous supposons que l’expression « infractions de terrorisme en général » fait référence aux infractions énoncées à l’article 83.01 du Code criminel. Quoi qu’il en soit, nous estimons que cette expression devrait être mieux définie de façon qu’on sache clairement de quelles infractions il est question ici.
Notre troisième proposition concerne le consentement du procureur général. L'article 16 du projet de loi autorise en outre la saisie de propagande terroriste ou, si celle-ci est sous forme électronique, sa suppression d’un ordinateur qui exige alors le consentement du procureur général. Toutefois, le consentement de ce dernier n’est pas requis et l’absence de consentement signifie que des poursuites privées sont autorisées. Nous sommes réticents à appuyer la possibilité que des poursuites privées soient intentées pour des infractions en lien avec des propos tenus, car, d’après notre expérience, lorsque ces poursuites deviennent possibles, elles sont utilisées de manière frivole pour harceler les personnes avec qui le poursuivant privé est en désaccord.
Bien que les accusations frivoles soient inévitablement rejetées, ce n’est pas rien de se retrouver devant un tribunal, même quand le procès se solde par un acquittement. Le procureur général a le pouvoir d’ordonner l’arrêt des poursuites privées, mais le processus nécessite du temps et des efforts. Ces poursuites, contrairement aux poursuites au civil, ne permettent pas l’adjudication de dépens à un poursuivant n’ayant pas obtenu gain de cause.
L’exigence de consentement du procureur général que nous recommandons a, elle aussi, ses problèmes. Dans les territoires, le procureur général compétent est le procureur général du gouvernement fédéral. Dans les provinces, il s’agit du procureur général de la province où l’infraction présumée a été commise. D’après ce que nous avons vu avec l’infraction de fomenter volontairement la haine, certains procureurs généraux étaient peu disposés à ce que des poursuites soient intentées relativement à cette infraction, même dans des cas évidents. Nous recommanderions donc que l’exigence de consentement du procureur général soit assortie de lignes directrices. Dans notre mémoire, nous recommandons plusieurs lignes directrices, mais uniquement à titre de suggestions. Celles-ci pourraient simplement être des instruments de politiques que le gouvernement du Canada publierait après l’adoption du projet de loi et un comité pourrait recommander au gouvernement de rédiger ces lignes directrices. D’un autre côté, le projet de loi lui-même pourrait intégrer ces lignes directrices qui font déjà partie du Code criminel.
C'est tout ce que je voulais dire pour l'instant, mais permettez-moi de conclure en disant que, compte tenu de l'exigence relative au consentement du procureur général et des lignes directrices que nous proposons, nous sommes d'avis que la loi visant à criminaliser la défense ou la promotion du terrorisme ne devrait pas être invoquée trop facilement, mais elle ne devrait pas non plus demeurer lettre morte.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité pour cette invitation à comparaître devant vous ce soir dans le cadre de l'étude du projet de loi que vous poursuivez.
Comme vous l'avez dit, monsieur le président, je me présente devant vous ce soir au nom de l'Association canadienne des policiers, organisation qui représente 60 000 policiers professionnels de première ligne, soit des membres civils et des membres assermentés, dans tous les corps policiers provinciaux et municipaux au Canada.
Comme j'en ai pris l'habitude chaque fois que je me présente devant vous, je m'en tiendrai à des remarques brèves, dans toute la mesure du possible, pour vous laisser suffisamment de temps afin de poser vos questions. J'ai suivi de près les débats sur le projet de loi et je me propose de replacer ma comparution d'aujourd'hui en contexte et de vous présenter un point de vue qui, selon moi, pourrait vous être bénéfique dans cette présente étude.
Il est ressort que les discussions concernant nos services de sécurité du renseignement, que ce soit ici ou au Parlement ou dans la population en général, ont surtout tourné autour de la question de la surveillance.
En ma qualité de policier de première ligne, je suis le premier à reconnaître que je n'ai pas l'expérience d'un agent du renseignement infiltré, mais plutôt de quelqu'un qui est habitué à l'exercice de la surveillance civile dans le secteur de la sécurité publique, cela de façon pratico-pratique et non théorique. Cela ne revient pas à dire que les autres témoins qui ont comparu devant ce comité, et qui ont publiquement commenté le projet de loi, n'ont pas soulevé des questions et des préoccupations intéressantes, mais si je me fie à mon expérience, le simple fait de réclamer plus de surveillance, sans tenir compte de l'aspect pratique ni des conséquences de cette surveillance, ne représente que la moitié de la vérité.
Permettez-moi de vous donner un exemple. En Ontario, tous les agents professionnels d'application de la loi sont soumis à la supervision d'au moins trois agences civiles: le Bureau du directeur indépendant de l'examen de la police, l'Unité des enquêtes spéciales et la Commission civile de l'Ontario sur la police. Malgré toutes ces strates, chaque fois qu'un incident malheureux concernant un membre du personnel d'application de la police se produit, presque tous les secteurs réclament davantage de surveillance.
Je ne cherche pas, par cet exemple, à laisser entendre que les organismes de surveillance n'ont pas leur place dans l'encadrement du secteur de la sécurité publique, mais je m'inscris en faux contre ceux qui voudraient que les organismes de surveillance jouent un rôle plus actif en ce qui concerne la nature opérationnelle du travail que nous confions à des policiers parfaitement entraînés et hautement responsables, qu'il s'agisse de policiers fédéraux, provinciaux ou municipaux ou d'agents du renseignement travaillant pour le gouvernement fédéral.
Ceux qui ont critiqué le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité au motif qu'il n'assure qu'une surveillance « a posteriori », n'ont en général pas vraiment d'idée de la difficulté que représenterait une surveillance opérationnelle en temps réel, surtout dans le contexte d'enquêtes qui évoluent très rapidement et qui ont des répercussions véritables sur la sécurité du public. Par ailleurs, ce genre de critiques sous-évalue les effets éventuellement positifs d'une surveillance ex post facto sur notre secteur d'activité. La mise en exergue des éventuelles actions inappropriées et des décisions positives qui auraient pu changer le cours des choses est essentielle pour nos services et pour le genre de formation et d'instruction que nous offrons à partir de ces examens du service.
Vu sous l'angle de l'application de la loi, je dirais que, même s'il est important de savoir si un organisme de surveillance comme le CSARS dispose de ressources appropriées pour assumer le rôle qu'on lui a confié, il est peut-être tout aussi important, voire plus, de se demander si l'on dispose des ressources nécessaires afin de correctement former nos policiers et nos agents du renseignement en fonction des pouvoirs que ce projet de loi va leur conférer.
Comme le dit le proverbe, mieux vaut prévenir que guérir. Cela étant posé, le projet de loi propose un grand nombre de mesures positives que notre association soutient de tout coeur.
Durant près de deux semaines, les membres de ce comité ont entendu des témoins sur toutes ces questions et je n'irai pas plus dans le détail ni ne répéterai ce que d'autres ont déjà dit, si ce n'est pour une chose: les dispositions permettant un échange raisonnable d'informations entre les services, sur les problèmes concernant la sécurité nationale, et entre les ministères fédéraux, permettra de régler en partie l'un des plus grands problèmes auxquels nous sommes confrontés au Canada en matière de sécurité publique, c'est-à-dire que les uns n'ont pas le droit d'être au courant de ce que les autres ont découvert, il y a six mois.
J'irais même jusqu'à dire, quitte à ne pas être populaire, qu'étant donné que la plupart des enquêtes concernant la sécurité nationale font intervenir plusieurs services et que les corps policiers municipaux et provinciaux sont souvent appelés à jouer un rôle dans ces enquêtes, le texte de cette loi ne va peut-être pas suffisamment loin en n'énumérant pas les organismes avec qui le renseignement peut être partagé.
Je tiens également à souligner le fait que nous appuyons les changements devant être apportés au Code criminel pour permettre aux organismes d'application de la loi de détenir un suspect jusqu'à sept jours quand un policier soupçonne une activité terroriste. Ces nouvelles mesures, si elles sont adoptées, permettront à nos membres de disposer de la souplesse nécessaire pour effectuer des enquêtes plus complètes tout en étant soumis à un processus d'examen judiciaire approprié et nécessaire.
Comme je l'ai dit au début, j'entends ne pas m'étendre dans mes remarques liminaires, mais je me demande si je suis en train de réussir.
Le projet de loi est un texte législatif important qui présente un certain nombre de mesures visant à moderniser l'appareil de sécurité publique et nationale, et les policiers professionnels ont un grand rôle à jouer à cet égard.
Les policiers que je représente sont confrontés aux véritables défis que constitue la radicalisation croissante de Canadiens, comme nous l'avons vu lors des attaques contre du personnel des Forces canadiennes au Québec et à Ottawa, il y a quelques mois à peine. Si on leur donne une formation appropriée et si on les soumet aussi à une surveillance adaptée, ils continueront à relever ce genre de défis, avec le professionnalisme que les Canadiens apprécient et attendent d'eux.
Encore une fois merci de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
:
Je remercie tout d'abord le comité pour cette invitation. Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Jessie Housty. Je suis membre de la Première Nation Heiltsuk, de la côte de la Colombie-Britannique. La terre d'où je viens est la ligne de front, sur la côte Ouest du Canada, de nos militants qui se sont opposés aux multiples formes d'exploitation des ressources naturelles.
Je suis conseillère élue du conseil tribal heiltsuk, mais ce n'est pas en cette qualité, c'est-à-dire au nom de la nation Heiltsuk, que je m'adresse à vous aujourd'hui. Je le fais en mon nom propre. Je suis une militante, une conteuse, une organisatrice communautaire. Mon travail est ancré dans mon profond désir de protéger nos terres, nos eaux et nos pratiques culturelles pour ma génération et pour les générations à venir. Je m'adresse à vous depuis ce lieu qui m'anime.
Dans mon travail actuel, en vertu des lois et des règlements actuels, j'ai été témoin du fait qu'on étiquette a priori les membres de Premières Nations de radicaux et d'agitateurs, dès qu'ils veulent affirmer leur souveraineté. J'entends, aujourd'hui, vous faire part de certaines de mes préoccupations à propos des répercussions éventuelles du projet de loi sur l'édification des nations autochtones.
Pour résumé, je suis préoccupée par les pouvoirs supplémentaires dont l'État se dote par ce projet de loi, dont celui de pour placer les gens sous surveillance et de contrôler leurs activités quotidiennes. Je crains que ce projet de loi n'autorise la criminalisation des activités de promotion et de protection de nos droits et de nos titres, de la dissidence autochtone et du militantisme, et plus généralement encore, des activités démocratiques qui sont fondées sur notre désir de protéger et d'améliorer notre environnement pour cette génération et les générations à venir. Je crains également qu'il ne confère au SCRS le pouvoir de perturber les manifestations pacifiques qui constituent la base même des efforts que nous déployons pour faire respecter nos droits, nos intérêts et la souveraineté des peuples des Premières Nations.
Avant que je n'entame mes remarques, je tiens à souligner le témoignage de nombreux témoins qui m'ont précédée, et à m'en inspirer. Je pense tout particulièrement aux témoignages et aux prises de position du chef national Perry Bellegarde de l'Assemblée des Premières Nations, du grand chef Stewart Phillip, de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique et de Pam Palmater. Tous ont fort bien décrit les nombreuses préoccupations des peuples des Premières Nations et je me fais l'écho de leurs analyses à propos du projet de loi.
Je vais maintenant brièvement vous parler de deux préoccupations particulières que nous entretenons à propos de ce projet de loi. Premièrement, j'estime qu'il ne faudrait pas adopter la loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada. Comme d'autres témoins, y compris les professeurs Roach et Forcese, ont longuement parlé des enjeux que soulève la loi proposée, je serai brève à ce sujet.
Il est écrit que la loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada a pour objet d'encourager les institutions fédérales à communiquer des informations entre elles et à faciliter une telle communication, cela pour protéger le Canada contre des activités portant atteinte à la sécurité nationale. Le texte de la loi est très vague et subjectif, et je crains qu'il ne donne lieu à la classification abusive de certaines activités au nombre des activités terroristes.
L'accès sans entrave à l'information et la capacité à la partager généralement avec toute personne, pour quelque objet que ce soit, est à la fois dangereux et fondamentalement troublant. La défense d'idéaux qui ne sont pas considérés comme étant d'intérêt national, comme le droit des Premières Nations à la souveraineté, pourrait, en vertu du projet de loi , donner lieu au harcèlement et à la persécution de particuliers sans que ceux-ci aient vraiment la possibilité de réagir aux renseignements recueillis à leur sujet et qui sont communiqués à d'autres. Je crains que cela ne place un étouffoir sur les actions non violentes et directes, sur les actions que mène ma communauté afin de mobiliser l'appui en reconnaissance de ses droits et de ses intérêts.
Les manifestations ont souvent constitué le coeur des actions que nous avons déployées pour affirmer notre souveraineté et faire respecter nos droits, dans le cas de nos valeurs culturelles généralement respectées qui consistent à agir de façon publique et inclusive. La crainte que des actions légitimes puissent être visées par ce projet de loi d'application très large pourrait avoir pour effet d'opprimer les efforts déployés par les peuples des Premières Nations en vue d'édifier leurs nations.
Roxanne James a expliqué à certains témoins que l'exonération dont font l'objet les manifestations légales doit être interprétée au regard du reste de l'article et que les activités en question doivent, a priori, saper la sécurité du Canada. Cependant, je crains que cette approche ne soit par trop subjective, surtout advenant que la cause ainsi défendue n'aille pas dans le sens des visées du gouvernement en place et que celui-ci ne décrète que l'activité en question menace la sécurité du Canada. L'actuel libellé du projet de loi ne fait rien pour calmer mes appréhensions à ce sujet.
Deuxièmement, permettez-moi de parler brièvement de la question des pouvoirs accrus conférés au SCRS. Le projet de loi propose des changements troublants à la Loi sur le SCRS, puisque l'organisme aurait la possibilité, s'il avait des motifs raisonnables de croire qu'une activité constitue une menace à la sécurité du Canada, de prendre des mesures au pays ou à l'extérieur afin de contenir cette menace.
Avec ces modifications, les mouvements de protestation démocratique qui adoptent des tactiques qui ne se conforment pas exactement ne serait-ce qu'au droit municipal ne bénéficieront pas de l'exception prévue pour les protestations licites. Ces mouvements pourraient faire l'objet d'une enquête de la part du SCRS et même être visés par les manoeuvres de perturbation de ce même organisme.
Je suis troublée de constater qu'il existe une tendance qui a pour effet de réduire constamment la notion de protestation licite, avec l'attribution au SCRS de pouvoirs d'application de la loi physique et en réduisant encore les mécanismes d'examen et de surveillance actuels. Je suis préoccupée en particulier par les nouveaux pouvoirs que l'on envisage d'accorder au SCRS qui lui permettront de perturber les manifestations pacifiques qu'organisent les Premières Nations pour faire reconnaître leurs droits et leur titre ancestral. Je me fais l'écho de la préoccupation manifestée par M. Palmater selon laquelle tout exercice de la souveraineté par une Première Nation risque d'être interprété comme une atteinte à la sécurité nationale puisqu'il constitue par sa nature même une menace à la souveraineté du Canada.
En tant que femme membre des Premières Nations, je suis guidée premièrement et principalement par les lois heiltsuk. Un des principes fondamentaux du droit heiltsuk est que toutes les activités doivent être exercées publiquement et de façon transparente. Je crains que certains considèrent désormais que les mouvements de protestation pacifique concernant les droits et le titre ancestral soulèvent des questions de sécurité examinées en secret, pratiques qui sont tout à fait contraires à la façon dont j'organise mes activités, à celle dont mon peuple agit et à celle dont mes lois sont exécutées. Cela est particulièrement frustrant compte tenu de l'intention et du fondement de nos pratiques et des lois de nos ancêtres, qui visent la paix et la non-violence. Si les valeurs et les lois traditionnelles des Premières Nations étaient mieux comprises, je pense qu'on serait moins soupçonneux à notre égard et qu'on s'inquiéterait moins de la violence.
En résumé, j'estime que ce projet de loi constitue une menace réelle pour ce qui est de la boîte à outils qu'utilise les peuples indigènes pour faire reconnaître leurs droits et leur titre ancestral. C'est pour cette raison, ainsi que pour les nombreuses raisons que d'autres témoins ont si bien exposées, que j'estime que ce projet de loi ne devrait pas être adopté.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous parler et j'ai hâte d'entendre vos questions.
:
Merci, monsieur le président et merci aux témoins; je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
Mes premières questions s'adressent à M. Stamatakis, ce qui n'est guère surprenant.
M. Stamatakis, nous avons entendu Ray Boisvert, un ancien membre du SCRS qui a occupé — je dois le dire franchement — des postes très importants. Il s'est fait l'écho de certaines de vos préoccupations au sujet de la communication d'information qui, bien souvent, et pas seulement dans le monde de la sécurité dans lequel il vivait, mais d'après mon expérience... Vous avez parlé du fait que la main droite ne savait pas toujours ce que faisait la main gauche. Comme nous l'avons appris dans le passé avec les crimes terribles qui ont été commis, nous n'avons pas toujours été en mesure d'en découvrir les auteurs. Et pourtant, si les forces policières avaient la possibilité de partager des renseignements — je pourrais commencer à faire la liste de ces affaires mais je crois que vous les connaissez aussi bien que moi sinon plus — nous aurions pu résoudre ces crimes et même peut-être sauver des vies.
Je vais vous demander de vous référer à la partie du projet de loi C-51 qui favorise la communication d'information. Je me demande si vous pourriez commenter ces dispositions de votre point de vue, après avoir lu le projet de loi, tout en sachant que ce qui peut paraître un incident mineur ou un élément d'information mineur pour une entité pourrait avoir une importance considérable pour une autre. Autrement dit, ce qu'une agence peut considérer comme sans intérêt pourrait être très utile à quelqu'un qui fait un projet et qui, tout à coup, grâce à cet élément, réussit à faire des rapprochements et à résoudre une énigme ou à retrouver l'auteur d'une infraction.
Pourriez-vous faire des commentaires au sujet des dispositions du projet de loi C-51 qui touchent la communication d'information par les ministères?
:
Je crois avoir abordé cet aspect dans mes remarques. À l'heure actuelle, la communication d'information, en particulier du point de vue de la sécurité publique, mais aussi plus largement du point de vue de la sécurité communautaire, est le principal obstacle qui empêche les autorités de mettre en oeuvre leur engagement d'assurer la sécurité de tous les Canadiens.
De mon point de vue et pour les membres que je représente, les policiers de première ligne... J'assiste à des réunions d'un bout à l'autre du pays au cours desquelles c'est une des principales questions soulevées, nous parlons du fait qu'il n'est pas possible d'obtenir de l'information d'une autre agence, et que si nous l'avions possédée, nous aurions pu intervenir, par exemple, avant qu'une infraction potentielle soit commise.
Les policiers s'occupent principalement des infractions pénales. Mais si vous regardez plus loin, en particulier à la lumière de certains événements récents, non pas seulement ici mais dans d'autres pays — en particulier lorsque vous prenez les grands centres urbains du Canada — vous constaterez que les policiers de première ligne recueillent des renseignements et interagissent quotidiennement avec différents groupes de nos collectivités. Il est souvent arrivé, comme vous y avez fait allusion M. Norlock, qu'un élément d'information jugé anodin dans une province devienne un élément clé dans une autre province qui permet de boucler une enquête et de porter des accusations .
Nous sommes favorables aux dispositions relatives à la communication d'information du projet de loi et je pense qu'elles pourraient même aller au-delà des institutions fédérales et comprendre, en particulier, les grands services de police comme ceux de Toronto, de Vancouver et de Calgary. Il se passe beaucoup de choses dans ces grandes communautés urbaines auxquelles les services de police s'intéressent mais les renseignements obtenus ne sont pas diffusés comme ils devraient l'être.
Une des difficultés auxquelles je fais face dans mon travail qui consiste à établir des liens entre ma communauté et la société canadienne en général, c'est qu'il perdure un fonds de racisme ainsi que des préjugés sur ce que veut dire être Autochtone et défendre les droits des Autochtones dans ce pays.
La force que je possède comme personne vient d'une identité culturelle localisée, qui me relie à mes terres natales, à un héritage de gardiens de la nature qui remonte à des dizaines de milliers d'années. Pour moi, le travail que j'effectue est essentiellement fondé sur l'amour, la passion et l'engagement que j'ai pris de poursuivre cette mission culturelle que j'ai apprise à connaître connu pendant toute mon enfance et que j'espère transmettre aux futures générations dans ma famille et dans ma collectivité.
J'ai travaillé pendant un certain nombre d'années comme éducatrice et organisatrice communautaire au sujet de diverses questions que soulevait l'extraction de ressources sur mes terres ancestrales et les dommages causés. Je fais ce travail parce que j'estime que notre peuple doit agir, être informé et défendre ses droits et ses terres ancestrales.
J'ai vu que des actions pacifiques que ma communauté avait lancées qualifiées de menaces à la sécurité, des membres de ma collectivité traités d'extrémistes, d'agitateurs, d'écoterroristes, en fait de tous les noms. C'est une chose extrêmement douloureuse parce que cela veut dire que les motifs qui nous poussent à agir n'ont rien à voir avec les motifs que nous prête la société canadienne au sens large alors que notre action est fondée sur l'amour et l'engagement et qu'on nous qualifie de menace.
:
Bonsoir, Mesdames et Messieurs.
Bienvenue à la deuxième heure de réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans le cadre de son examen du projet de loi C-51.
Accueillons nos témoins. Pour cette deuxième heure, nous avons, du Centre for Security Policy, Clare Lopez, vice-présidente, Recherche et analyse. Nous avons aussi Kyle Shideler, directeur du Threat Information Office. Nous sommes heureux que vous ayez pu vous libérer pour arriver ici à temps. Merci infiniment.
De l’Association du transport aérien du Canada, nous avons John McKenna, président et chef de la direction, ainsi que Michael Skrobica, vice-président senior et chef de la direction financière. Nous avons par ailleurs à titre personnel Matt Sheehy, directeur pour le Canada chez Jetana Security.
Allons-y, commençons par les remarques préliminaires. Chaque organisation a droit à un maximum de 10 minutes pour ces remarques. Si vous pouvez faire plus court, évidemment, c’est tant mieux. Ce serait certainement apprécié puisque ça nous laisserait plus de temps pour les questions.
Commençons par M. Sheehy. Vous avez la parole, Monsieur.
:
Merci. Je vais lire ma déclaration, Monsieur.
Je remercie le président et les membres du comité de m’avoir invité à venir témoigner aujourd’hui. La dernière fois que j’ai témoigné ici, à Ottawa, c’était en 2002, à peine quelques mois avant les attentats du 11 septembre. Je m’adressais au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, à l’époque en tant que président du comité de la sécurité de l’Association des pilotes d’Air Canada.
C’était il y a plus de 13 ans, et pourtant nous voilà encore en train de nous débattre pour trouver des réponses et des solutions aux questions les plus cruciales de notre temps. Notre vol avait été retardé à 9 h, et nous avions pris la porte 21 à Montréal pour monter dans l’avion en cette journée fraîche et lumineuse du fatidique 11 septembre 2001. Il y a eu un problème mécanique mineur, et il a fallu revenir à l’aérogare pour le régler. Inutile de dire que, à notre retour à la porte, tous les départs avaient été annulés, et le monde tel que nous le connaissions venait de changer à jamais. Je suis sûr que cette journée tragique est gravée dans toutes nos mémoires collectives et que nous sommes tous déterminés à éviter que ce genre d’attaque épouvantable se reproduise. La question est celle-ci: comment faire?
Comme je m’occupe de sécurité depuis plus de 30 ans à un titre ou un autre — je me suis trouvé aux avant-postes comme pilote et comme agent de police auxiliaire —, je peux dire sans l’ombre d’un doute que nous sommes dans une situation très dangereuse et extrêmement fluide et imprévisible.
Je crois qu’il est indispensable d’essayer de surmonter nos divergences et de comprendre que, si nous ne laissons pas de côté nos convictions partisanes et nos divergences politiques, nous allons perdre cette bataille. Il y a urgence dans ce qui est confié au comité, c’est-à-dire à examiner les enjeux et les positions, évaluer le pour et le contre et convenir de solutions viables. Laissons de côté nos problèmes d’ordre partisan et faisons en sorte que ce processus donne des résultats.
J’ai examiné la loi antiterroriste de 2015, autrement dit le projet de loi C-51, du point de vue d’un intervenant de première ligne. Je pense que c’est un excellent texte législatif qui permettra de régler beaucoup de questions en souffrance et de combler beaucoup de lacunes en répondant à nos besoins et à nos exigences sur le plan législatif. La nouvelle loi prévoit une stratégie d’intervention plus proactive et précoce au lieu de mesures plus statiques de renforcement réactif. Dans la Partie 2, la loi sur la sûreté des déplacements aériens, là encore, anticipe la menace non seulement en interdisant la possibilité aux sympathisants éventuels de rejoindre leurs compagnons de voyage dans les zones de conflit, mais prévoit une stratégie efficace visant à repérer les jeunes radicaux malavisés et marginalisés et à les empêcher de quitter le pays pour une destination qui, dans bien des cas, est leur propre mort.
Cette nouvelle loi donne à nos organismes d’application de la loi et de sécurité plus de moyens et plus de latitude non seulement pour intervenir plus précocement dans le processus de radicalisation des intéressés, mais aussi pour partager de l’information dans le cadre d’un système de renseignement mieux intégré qui permettra d’améliorer la précision du processus décisionnel. Il faut se rappeler que c’est le délai qui peut faire la différence entre une interdiction utile et une occasion manquée.
Je sais qu’il est important de compter sur un mécanisme de surveillance efficace. Je pense que la mise en place d’un Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité plus solide et mieux doté en personnel, avec un mandat clair, un calendrier de vérifications et un système redditionnel, réglerait la plupart des préoccupations.
Je vous remercie et suis à votre disposition pour répondre aux questions.
:
Merci beaucoup. Nous tenons à remercier , le président Daryl Kramp et le comité de la sécurité publique et nationale de nous avoir invités à venir témoigner ici aujourd’hui.
Ce moment nous semble particulièrement propice compte tenu de la position de leader international adoptée récemment par le Canada dans la lutte contre le mouvement djihadiste global.
Permettez que je nous présente: le Center for Security Policy est un groupe de réflexion sur la sécurité nationale dont le siège est situé à Washington (D.C.) et qui a été créé en 1988 par l’ex-secrétaire adjoint intérimaire de la Défense, Frank Gaffney. Dans les années qui ont suivi, nous nous sommes intéressés aux plus graves menaces qui pesaient sur l’Amérique et ses alliés.
Je m’appelle Clare Lopez et j’assume la vice-présidence du Centre pour la recherche et l’analyse. Auparavant, j’ai été agente des opérations à la CIA, et j’ai par la suite assumé diverses responsabilités contractuelles dans le secteur de la défense aux États-Unis. J’ai également été instructeur pour le renseignement militaire et les forces spéciales en matière de terrorisme et j’ai l’honneur d’être affiliée au conseil consultatif de l’Institut Mackenzie à Toronto.
Mon collègue Kyle Shideler est directeur de notre bureau d’information sur les menaces, où il s’occupe surtout de surveiller les mouvements djihadistes, notamment le groupe des Frères musulmans. Il renseigne les membres du Congrès, le personnel du renseignement et les agents fédéraux d’application de la loi sur l’histoire, l’idéologie et le fonctionnement des Frères musulmans et notamment sur leur rôle dans le soutien au terrorisme.
Les dernières attaques meurtrières de djihadistes sur le territoire canadien attestent la nécessité cruciale de mieux comprendre la menace djihadiste mondiale et les moyens de lutter contre elle, et plus particulièrement de comprendre que le terrorisme ne commence pas par un acte violent, mais par des activités de financement, d’endoctrinement et de propagande. Si on entrave ces activités, on entrave les attaques.
Nous nous réjouissons notamment de la décision d’inscrire à la liste des entités terroristes l’organisme International Relief Fund for the Afflicted and Needy, qui, selon les rapports dont nous disposons, finance l’organisation terroriste Hamas. Nous espérons que les services d’application de la loi et de sécurité du Canada pourront se servir des renseignements obtenus grâce à cette enquête et à d’autres pour entraver mieux encore les activités terroristes.
C’est également une affaire de financement du terrorisme par le Hamas qui a fourni aux organismes américains d’application de la loi des renseignements concernant l’ampleur véritable de la menace qui pèse contre l’Amérique du Nord. Dans cette affaire, soit le procès de la Holy Land Foundation, des agents fédéraux d’application de la loi des États-Unis ont découvert une grande quantité de documents secrets représentant les archives des Frères musulmans en Amérique du Nord. C’est en partie grâce aux renseignements contenus dans ces documents qu’on a pu fermer la Holy Land Foundation, qui servait de façade au financement du terrorisme par le Hamas, et que les procureurs ont pu obtenir de nombreuses condamnations pour activités de financement du terrorisme. Ces documents témoignent des efforts de longue date, sur plusieurs décennies, des Frères musulmans pour s’établir en Amérique du Nord, y créer des groupes de façade, s’emparer du contrôle des mosquées et des centres islamiques, endoctriner des jeunes par le biais d’organisations de jeunesse dans les écoles islamiques, tromper les médias de masse, mener des activités de renseignement contre les services d’application de la loi et de renseignement et influencer des responsables politiques.
Cette campagne de subversion soigneusement orchestrée constitue la base de ce qu’on appelle « le grand djihad » pour éliminer et détruire la civilisation occidentale: c’est ce qui ressort du mémorandum explicatif des Frères musulmans découvert au cours de l’enquête sur la Holy Land Foundation.
On a eu tendance à faire une distinction entre les manifestations physiques d’actes individuels de terrorisme islamique, comme les récentes attaques au Canada, et la vaste infrastructure de soutien fournie par le mouvement djihadiste mondial, mais, en réalité, les hommes et les femmes qui cherchent à partir pour combattre en Syrie ou en Irak ou qui lancent des attaques sur notre territoire ne le font pas sans avoir d’abord été endoctrinés et convaincus de l’obligation de faire la guerre sainte. Ces gens ont appris à faire passer la fidélité à l’oummah islamique mondiale avant la fidélité à leur propre pays. On les convainc que les musulmans ont le droit d’imposer la charia, qui est un système juridique étranger, à leurs concitoyens. Tous ces éléments d’endoctrinement doivent être mis en place avant que l’intéressé songe même à avoir de la curiosité pour la propagande d’Al-Qaïda ou de l’État islamique. Nous pensons qu’il serait utile de donner au gouvernement de meilleurs moyens de viser ou d’éliminer la propagande doctrinale invitant à mener une guerre sainte contre les impies ou de mettre fin aux appels à l’usage de la force pour renverser le gouvernement et imposer la charia, parce que cela contribuerait à entraver l’endoctrinement avant que ses victimes en arrivent au stade où ils envisagent de lancer des attaques contre une cible précise.
La préparation du terrain idéologique est exactement la mission et le rôle des Frères musulmans, qui, selon les documents saisis par des agents d’application de la loi suisses en 2001, se sont donné mission de soutenir les mouvements djihadistes dans l’ensemble du monde musulman. Compte tenu de cette obligation de soutien, il n’est pas surprenant que les antécédents des recrues remontent systématiquement à un centre ou une école islamique ou une mosquée créées ou contrôlées par les Frères musulmans, comme c’était le cas des auteurs de l’attaque à la bombe contre les marathoniens de Boston en avril 2013.
Les organisations ayant des liens avec les Frères musulmans ne cessent donc de chercher à saper et à affaiblir les stratégies contre-terroristes fondées sur des activités policières et de renseignement visant à entraver les complots et à arrêter les responsables, soit le genre de stratégie dont on discute actuellement ici au Canada. Nous avons examiné la façon dont les politiques dont on discute pourraient aider le Canada à affronter la menace commune. Il faut tenir compte de toutes les activités qui menacent la sécurité du Canada: l’affaiblissement de la capacité du gouvernement en matière de renseignement, de défense, de sécurité publique, etc.; les tentatives pour exercer des pressions indues pour changer ou influencer le gouvernement par des moyens illicites; ou les activités clandestines influencées par l’étranger. Nous devons aussi tenir compte de tout l’éventail des activités djihadistes, y compris l’endoctrinement, la propagande et les activités subversives.
Il nous semble que des menaces comme celles-là, qui émergent dans la phase de la campagne djihadistes qui précède les attaques, sont exactement le modus operandi des Frères musulmans lorsqu’ils cherchent à miner les gouvernements occidentaux constitutionnels, dont le Canada, au profit du mouvement djihadiste mondial.
Nous estimons qu’une loi permettant au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) de prendre des mesures visant à entraver des complots et à éliminer des menaces terroristes contre le Canada pourra contribuer à contrecarrer les activités islamiques dans la phase précédant la violence. Ce genre de politique, pourvu qu’elle soit assortie de mécanismes de surveillance valables, donne les moyens d’intervenir et de saper les réseaux d’endoctrinement et de recrutement qui incitent des personnes à s’engager dans le djihad et, selon le cas, à se rendre à l’étranger pour rejoindre des groupes djihadistes ou à lancer des attaques sur leur propre territoire, même sans avoir de liens précis avec un groupe terroriste.
Nous comprenons qu’il y a débat sur les moyens d’exercer une surveillance sur ce genre de pouvoirs, mais le recours à un comité d’examen intermédiaire plutôt qu’à une surveillance parlementaire directe a des avantages quand ce sont souvent les législateurs eux-mêmes qui risquent d’être visés par ces activités d’influence.
Il y a déjà une controverse aux États-Unis concernant une personne nommée au comité spécial permanent du Congrès sur le renseignement, dont la campagne a été en partie financée par des organisations liées aux Frères musulmans dans notre pays et qui entretient de nombreux liens avec elles. Les organisations des Frères musulmans se servent largement des médias pour viser des législateurs participant à des audiences de surveillance et les menacer de financer leurs opposants politiques s’ils osent examiner sérieusement des questions liées à l’endoctrinement djihadiste. Nous sommes d’avis que tout comité de surveillance chargé de ces questions risque d’être immédiatement visé par des activités de ce genre.
Il peut donc être utile de créer un tampon de spécialistes du renseignement entre le SCRS et les membres du Parlement pour préserver et protéger des renseignements importants et isoler les députés de moyens d’influence agressifs visant à miner leur appui aux mesures contre-terroristes prises par le Canada tout en veillant au respect des droits civils et en exerçant une surveillance suffisante compte tenu d’une connaissance détaillée des techniques d’application de la loi et de collecte de renseignement en cause.
On doit évidemment s’attendre à ce que le Parlement examine attentivement les rapports produits par le ministre et qu’il profite de toutes les occasions d’examiner et d’analyser les données recueillies.
Dans le cadre de la lutte contre les menaces que font peser les combattants djihadistes dans nos collectivités, les mesures ont surtout visé à les empêcher de se rendre à l’étranger ou à révoquer les passeports de ceux qui étaient partis et voulaient rentrer au Canada.
Le Center for Security Policy appuie généralement le genre de mesures actuellement débattues au Congrès américain, qui permettraient de retirer leur passeport aux personnes qui se rendent ou cherchent à se rendre à l’étranger pour combattre aux côtés des forces terroristes. Dans le même esprit, les modifications et amplifications apportées aux dispositions relatives à l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, ici, nous semblent contribuer à régler une importante difficulté à laquelle se heurte les organismes de lutte contre le terrorisme, à savoir que, dans de nombreux cas récents, les terroristes qui ont lancé des attaques aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France et en Australie étaient ce que les spécialistes du terrorisme américains appellent des « loups solitaires ». C’est-à-dire que, au lieu d’être indécelables et sans liens avec d’autres groupes djihadistes (autrement dit de vrais loups solitaires), la plupart de ceux qu’on a ainsi surnommés avaient en réalité des liens avec des groupes djihadistes ou des réseaux terroristes ou, du moins, une certaine propension à les soutenir, et ils étaient souvent déjà sous surveillance.
Ce n’est pas qu’on ne sait pas, c’est plutôt qu’on ne peut pas prendre de mesures préventives ou entraver le complot, et c’est ça qui, trop souvent, a permis à ces individus de perpétrer un acte de terrorisme d’inspiration islamiste.
En conclusion, nous croyons que le Canada est bien placé pour mettre en pratique une stratégie prospective qui donnera aux policiers et aux agents du renseignement les instruments dont ils ont besoin non seulement pour surveiller et repérer les menaces terroristes, mais aussi démanteler les réseaux djihadistes qui emploient le terrorisme parmi d’autres moyens de miner et d’affaiblir la sécurité du Canada.
Je vous remercie.
:
Bonsoir, Mesdames et Messieurs, et membres du comité.
Je m’appelle John McKenna. Je suis président et chef de la direction de l’Association du transport aérien du Canada. Je suis accompagné aujourd’hui par M. Mike Skrobica, vice-président senior et CDF.
Notre association représente le secteur du transport aérien commercial du Canada depuis plus de 80 ans. Nous avons environ 180 membres du secteur de l’aviation commerciale, qui sont présents dans toutes les régions du Canada et offrent des services à un très grand nombre des plus de 600 aéroports du pays.
[Français]
Parmi nos membres, nous comptons de grandes compagnies aériennes, des lignes aériennes régionales, des exploitants de taxis aériens et de navettes, des organismes éducatifs du domaine de l'aviation et des écoles de pilotage.
Notre association compte aussi des entreprises de services de soutien qui interviennent dans toutes les activités liées à l'industrie du transport aérien. Nous les appelons « partenaires de l'industrie ».
[Traduction]
Nous sommes heureux d’avoir la possibilité de nous prononcer sur le projet de loi . L’ATAC participe activement à l’élaboration des mesures de sécurité aériennes au Canada depuis de nombreuses années. Notamment depuis les attentats de 2001, nous nous sommes adaptés à des exigences de sécurité toujours plus élevées. Nous sommes généralement favorables au projet de loi car il ajoute une ligne de défense de plus aux cercles de sécurité. Aucune mesure n’est jamais parfaite, et nous pensons que les dispositions du permettront de consolider la sécurité du transport aérien au Canada.
Nous n’avons qu’une remarque à faire au sujet de la Partie 1, qui prévoit l’adoption de la loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada: nous tenons à rappeler que l’une des principales conclusions de la commission d’enquête américaine sur les attentats du 11 septembre est que l’un des facteurs ayant contribué au succès des terroristes ce jour-là était les délais de communication de l’information.
Nous avons cependant quelques observations à formuler au sujet de la Partie 2, qui prévoit l’adoption de la loi sur la sûreté des déplacements aériens. Quoique cela ne soit pas explicitement exprimé dans le projet de loi, nous supposons que le système fera usage de l’actuel système de protection des passagers, appelé plus couramment la « liste d’interdiction de vol ». On pourrait se demander, si nous protégeons actuellement ainsi les passagers, pourquoi il faut y ajouter une liste supplémentaire. La liste de protection actuelle a une portée limitée parce qu’elle est fondée sur le principe juridique selon lequel une personne doit représenter une « menace immédiate » pour l’aviation civile. La liste et le nombre des inscrits sont des renseignements secrets, mais nous savons que ce nombre est de l’ordre de quelques centaines.
Des collègues étrangers, par exemple américains, nous disent que leurs listes contiennent des dizaines de milliers de noms. Ils remettent en question l’intégrité de la liste canadienne et son exhaustivité. C’est ce qui a incité le gouvernement américain à prendre des mesures de sécurité supplémentaires applicables aux avions canadiens survolant le territoire des États-Unis. Concernant les personnes qui doivent faire l’objet d’une vérification supplémentaire, les aéroports peuvent utiliser une adaptation de la « Selectee List » de la Transportation Security Administration pour usage au Canada.
Le nouvel alinéa 9(1)b) prévoit que le ministre peut enjoindre à un transporteur aérien de procéder, notamment, au « contrôle d’une personne ». Rappelons que les compagnies aériennes n’effectuent pas de contrôle, car c’est du ressort de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA), mais la loi attribue cette responsabilité aux compagnies aériennes et prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 500 000 $. Cette mesure est injustifiée et déraisonnable.
[Français]
Il importe aussi de souligner que 89 aéroports désignés du Canada où s'effectuent environ 98 % de l'ensemble des déplacements de passagers sont soumis au Programme de protection des passagers. Par conséquent, les risques que représentent les autres aéroports sont plutôt faibles.
Transports Canada pratique une gestion du risque, et nous soutenons cette approche. Sécurité publique Canada et Transports Canada devraient prévoir des aménagements pour les cas où une personne figurant sur la liste du ministre se retrouverait dans une région où le transport terrestre n'est pas possible, par exemple dans le Grand Nord canadien. Comment cette personne pourrait-elle revenir chez elle?
[Traduction]
Le nouveau paragraphe 23(4) prévoit une amende maximale de 500 000 $. C’est exagéré. Les aspects pratiques d’un système d’une telle complexité peuvent avoir des faiblesses qui ne dépendent pas nécessairement du transporteur aérien, notamment les pannes de communication et le personnel d’enregistrement qui ne fait pas partie des employés de la compagnie, notamment dans les pays étrangers.
Nous comprenons bien que le nouvel article 24 prévoit un moyen de défense fondé sur la « diligence raisonnable », mais il n’est pas défini. Nous suggérons d’adopter un système de sanctions administratives pécuniaires monétaires progressives. Nous pensons que, lorsqu’une personne est informée, à l’enregistrement, qu’elle n’est pas autorisée à voyager, un policier devrait être présent par principe. C’est ce qu’on fait aux États-Unis, et nous recommandons d’instaurer la même pratique au Canada. Nos agents d’enregistrement ne devraient pas avoir à s’occuper de passagers refusés qui se mettraient à s’agiter ou même à réagir de façon violente.
Nous nous inquiétons également beaucoup du coût élevé du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, le DSPTA. Le montant perçu au titre de ce droit sur les billets d’avion vendus au Canada n’est que sommairement comptabilisé. Ce droit taxable n’a pas fait l’objet d’une vérification depuis 2006. Il y a quatre ans, nous avons demandé au vérificateur général de procéder à une vérification des sommes recueillies à ce titre, mais on nous a dit que les données étaient trop anciennes ou trop incomplètes pour qu’on puisse en faire une vérification en bonne et due forme. Nous avons donc fait nos propres calculs à partir des données de Statistique Canada pour l’année 2013 et des renseignements publiés dans le rapport annuel de l’ACSTA pour l’exercice 2013-2014. C’est un exercice plutôt simple.
Statistique Canada publie le nombre de passagers embarqués et débarqués et l’éventail des passagers canadiens, en transit ou étrangers. Quant au rapport annuel de l’ACSTA, il indique le nombre total de personnes ayant fait l’objet d’un contrôle chaque année. Nous avons multiplié par plus de cinq le nombre officiel de double contrôle, et, compte tenu de ces données, nous avons pu conclure que les recettes découlant du DSPTA dépassaient le budget de l’ACSTA de plus de 250 millions de dollars. Nous avons répété l’exercice pour plusieurs autres années et constaté que les sommes perçues au titre du DSPTA dépassent généralement de beaucoup le budget annuel de l’ACSTA.
[Français]
Alors pourquoi les passagers doivent-ils payer des frais largement supérieurs à la valeur des services qu'ils reçoivent? Nous croyons que le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien devrait constituer un fonds réservé à l'ACSTA et établi en fonction de ses besoins d'exploitation plutôt que simplement une source additionnelle de revenus pour le gouvernement.
[Traduction]
Pour que le système fonctionne, les ressources de l’ACSTA sont essentielles. Nous recommandons de procéder à un examen public du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, ainsi que du mode de financement de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Nous recommandons également que toutes les recettes découlant de la perception de ce droit aillent à l’ACSTA et que le Canada s’informe des taxes imposées par d’autres pays sur les billets d’avion au titre de la sécurité aérienne.
Vous constaterez que la plupart des autres pays contribuent pour une bonne part aux frais de contrôle, à même leurs revenus généraux. Les terroristes ne sont pas en guerre contre les compagnies aériennes, mais contre les pays auxquels appartiennent ces compagnies. Il n’est que juste que le Canada paie sa juste part de ce coût de la sécurité publique, comme c’est le cas dans la plupart des autres pays. Le barème de coûts actuel est tel que c’est au Canada que la taxe applicable à la sécurité aérienne est la plus élevée au monde.
Pour terminer, j’aimerais ajouter que l’ATAC s’exprime au nom d’un grand nombre de compagnies aériennes du Canada et que, contrairement aux pratiques antérieures, nous n’avons pas été consultés préalablement au dépôt de ce projet de loi. Il est beaucoup plus constructif et efficace de faire appel à l’expertise considérable des exploitants avant de procéder à des modifications législatives importantes.
Je vous remercie. Mon collègue et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Les audiences sur ce projet de loi tirent à leur fin. Je tiens à dire que nous avons eu de nombreux moments exceptionnels durant les témoignages, au demeurant excellents, et nous avons reçu des mémoires exhaustifs provenant notamment des communautés musulmanes, juives et autochtones qui sont très touchées par les thèmes que nous abordons.
Je suis honoré d'avoir entendu ces précieux témoignages.
Notre comité a également reçu des contributions de nombreuses personnes qui n'ont pas été en mesure de venir témoigner, mais qui nous ont envoyé leurs mémoires par écrit. Je veux dire à toutes les personnes qui peut-être nous écoutent que nous les examinerons avec un grand sérieux.
Je dois cependant ajouter que nous avons aussi eu quelques moments moins glorieux, notamment des attaques contre l'intégrité et la sincérité de certains témoins faites sous le couvert du privilège parlementaire. Je suis toujours déçu lorsque cela se produit. Un autre point déplorable a été l'interdiction faite à la chef du Parti vert de participer aux audiences, malgré sa présence assidue aux séances.
Nous approchons de la fin sans avoir pu entendre quelques témoins très importants. Je veux entre autres parler du commissaire à la vie privée du Canada, un agent du Parlement, que nous n'avons pas pu entendre...