ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des anciens combattants
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 29 avril 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour, tout le monde. La séance est ouverte.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous entreprenons notre étude sur les effets de la méfloquine chez les vétérans canadiens. Nous accueillons aujourd’hui deux témoins qui comparaissent à titre personnel: M. Jonathan Douglas, psychologue pour Central Ontario Psychology, et Mme Penelope Suter, optométriste, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Bakersfield, en Californie.
Madame Suter, soyez la bienvenue. Nous allons commencer par votre déclaration préliminaire.
Merci et bon après-midi.
Je suis optométriste dans une clinique privée et je suis spécialisée en neuro-optométrie. J’ai obtenu mon doctorat de l’Université de la Californie à Berkeley.
Je m'intéresse au cerveau et à la vision depuis le début de ma carrière. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai passé 22 ans à étudier à temps partiel le potentiel évoqué visuel, en mesurant les réactions du cerveau à des stimuli visuels, à titre de codirectrice du laboratoire de la vue à l’Université d’État de la Californie, à Bakersfield.
Je pratique, j’écris et je donne des conférences dans le domaine de la neuro-optométrie depuis près de 25 ans. Ma corédactrice, Mme Lisa Harvey, et moi-même avons publié ce qui est considéré comme le manuel de référence le plus complet à ce jour sur la réadaptation visuelle à la suite d’une lésion cérébrale. Nous avons travaillé fort pour intégrer la science fondamentale et les observations cliniques qui se rapportent au dysfonctionnement visuel et à la réadaptation après une lésion cérébrale.
La neuro-optométrie s'intéresse à l'analyse et au traitement de la fonction visuelle, qui comprend les mouvements oculaires, la coordination oculaire, la perception visuelle des objets, de l’espace et du mouvement, ainsi que la façon dont ces perceptions visuelles s'intègrent avec les autres sens et le système moteur pour que nous puissions nous déplacer dans l’espace et agir sur les objets. Le traitement des perceptions visuelles est tellement réparti dans tout le cerveau qu’il est difficile de blesser le cerveau sans que la vue ne s'en ressente.
Je ne témoigne pas ici en qualité d'experte de la toxicité de la méfloquine et du système visuel, bien que je sois heureuse de faire part de mes connaissances à ce sujet. Je ne suis même pas sûre que nous ayons de tels experts en ce moment. Je peux cependant témoigner en tant que neuro-optométriste ayant diagnostiqué chez des centaines de patients un déficit subtil de la vue découlant d’une lésion cérébrale acquise et susceptible d'imiter ou d'exacerber les symptômes du trouble de stress post-traumatique — ou TSPT — ou d’autres diagnostics d'ordre psychologique.
On sait que les quinolones peuvent causer des lésions au tronc cérébral. Je tiens à témoigner ici parce que, tout comme mes patients chez qui je décèle un dysfonctionnement subtil de la vue attribuable à d'autres lésions cérébrales acquises, les patients intoxiqués par la méfloquine risquent de recevoir un diagnostic de TSPT ou d’autres troubles liés au stress ou à l’anxiété alors qu’ils souffrent en réalité de troubles neurologiques de la vue. Je suis ici pour vous dire que chaque patient sensible à la toxicité de la méfloquine et qui présente des symptômes semblables à ceux du TSPT, qui a de la difficulté à lire, qui souffre de photophobie, qui a des problèmes d’équilibre ou des étourdissements ou qui se sent désorienté ou anxieux, a besoin d’une batterie de tests neuro-optométriques. Les neuro-optométristes et les neuro-otologues sont formés pour déceler des marqueurs biologiques de lésions cérébrales qui échappent à d'autres professionnels.
Normalement, notre système visuel et notre système vestibulaire travaillent ensemble pour créer autour de nous la perception d’un monde physique stable où nous pouvons évoluer avec assurance. Imaginez-vous, cependant, plongé tout à coup dans un milieu physique qui bouge et se décale juste un peu au moment où vous bougez les yeux — pas assez pour que vous puissiez dire: « Oh, le plancher est tombé de trois pouces quand j'ai regardé à droite », mais juste assez pour vous déranger un peu, vous mettre mal à l’aise, vous faire sursauter ou vous désorienter — ou bien encore que l’espace autour de vous se décale en s’agrandissant d’un côté et en se contractant de l’autre.
Lorsque vous marchez vers un objet qui est droit devant vous, vous vous apercevez que vous déviez toujours d’un côté parce que votre perception visuelle de « droit devant » s'est décalée de la réalité du droit devant physique. Tous ces symptômes visuels sont courants à la suite d’une lésion acquise du tronc cérébral. Ils causent des problèmes d’équilibre et des sensations de désorientation et d’anxiété parce que le monde physique sur lequel nous comptons pour rester stables sous nos pieds, dans nos mains et dans notre perception visuelle n’est plus fiable.
Si vous avez un problème visuel qui fausse la perception du monde physique autour de vous, comme je l’ai décrit, le système vestibulaire essaiera de vous maintenir à la verticale. Si vous regardez à droite et que votre système visuel vous dit: « Oh, quelque chose a bougé », et que vous êtes surpris, votre système vestibulaire vous dira: « Ça va. Je sais où se trouve la verticale. Je sais où est la gravité. » Si vous avez un problème vestibulaire, le système visuel peut à son tour aider à vous stabiliser.
Certains d’entre vous se souviennent peut-être d’avoir bu assez d’alcool pour que tout se mette à tourner dès que vous fermiez les yeux, puis d'avoir dû ouvrir les yeux pour que cela arrête de tourner. C’est votre système visuel qui vous sauve de votre système vestibulaire. Si, par contre, vous avez à la fois un problème vestibulaire et un déficit visuel déstabilisant, vous vivez tout à coup dans la maison à surprises d'un parc d’attractions.
J’aimerais que vous réfléchissiez un instant à ceci: s'il vous arrivait de vous réveiller dans un monde aussi déformé, comment essaieriez-vous d’expliquer cela à votre médecin? Quels mots utiliseriez-vous? Que diriez-vous? Vous n’avez pas le tournis qui vient avec un grave vertige vestibulaire. Après avoir essayé d'expliquer cela, pensez-vous qu’on vous enverrait chez un neuro-optométriste pour diagnostiquer les déficits visuels subtils qui causent cette instabilité ou qui l’exacerbent, ou plutôt qu’on vous enverrait en counseling, en psychologie ou en psychiatrie?
La plupart d’entre vous n’ont probablement jamais entendu parler de neuro-optométrie avant ces réunions, et il en va de même pour vos médecins. Il s’agit d’un problème courant chez de nombreux patients souffrant d’une légère lésion cérébrale acquise qui peut durer des années ou toute leur vie sans jamais être diagnostiquée. On peut certainement souffrir de stress post-traumatique en même temps que d'un déficit visuel ou vestibulaire lié à une lésion subtile du tronc cérébral, mais le traitement est très différent pour ces diagnostics, et les patients intoxiqués à la méfloquine méritent un diagnostic précis et des soins de neuro-optométrie et de neuro-otologie.
Voilà ce dont je voulais vous parler aujourd’hui. Je vous remercie de m’en avoir donné l’occasion.
Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui. C’est une leçon d’humilité, car je ne me considère pas comme un expert en quinisme. Je suis plutôt un spécialiste des blessures de stress opérationnel, les BSO, qui résultent du stress lié à l’entraînement et aux opérations militaires, comme le TSPT, la dépression, les réactions d’adaptation et la multitude de problèmes qui peuvent surgir lorsqu'on est jeté dans une situation extrêmement exigeante.
Je suis très heureux de savoir que le Comité entendra les vrais experts du quinisme. En particulier, j’ai beaucoup appris du Dr Remington Nevin, qui a longuement étudié le quinisme et qui pourra vous en dire beaucoup plus long que moi sur les dommages neurologiques qu'il cause.
Si je suis ici aujourd’hui, c'est surtout parce que j’ai écouté des anciens combattants. Ce sont eux qui m'ont appris à connaître les problèmes associés à la méfloquine, y compris la difficulté que peut représenter son diagnostic.
Je travaille auprès des anciens combattants depuis une quinzaine d’années et j'ai été appelé à effectuer de nombreuses évaluations de déficience psychologique. Dans la plupart des cas, les problèmes associés au quinisme n’apparaissaient tout simplement pas sur mon radar. Ce n'est pas quelque chose dont on est bien conscient dans mon domaine.
Pour diagnostiquer une blessure de stress opérationnel, je commence par une entrevue clinique. J’ai besoin de comprendre les symptômes que présente l’ancien combattant, et je m'informe de ses antécédents pour savoir comment il fonctionnait avant et comment il fonctionne après ce qu'il a vécu dans l'armée. J'examine son bilan opérationnel, ses périodes de service et les événements traumatisants qui se sont produits. Nous nous intéressons aux blessures physiques, comme l’exposition aux déflagrations, ainsi qu'à tout autre problème physique attribuable aux rudes exigences de l’entraînement et du déploiement. J’examine la documentation dont je dispose, qui est souvent très mince, et je fais passer des tests psychologiques. À partir de là, je suis en mesure de cerner les symptômes de l’ancien combattant, et en les conjuguant avec ses antécédents, de tirer des conclusions sur le diagnostic et son lien probable avec le service militaire.
J’aimerais prendre un moment pour passer en revue les critères diagnostiques du stress post-traumatique. Vous êtes peut-être déjà familiers avec eux, mais je pense qu’il vaut la peine de les rappeler dans ce contexte. Parmi les diagnostics psychiatriques, celui du stress post-traumatique se distingue par le fait qu'il procède non pas des symptômes que présente le patient, mais d'un examen de l’événement qui l'a causé.
Le critère A est le fait d’être le témoin direct d'une mort ou d'une menace de mort, d’une blessure grave ou d’une violence ou d’en être soi-même l'objet. Au cours de leur carrière, un grand nombre sinon la plupart des anciens combattants auront vécu un événement qui répond au critère A, mais ils ne seront pas tous atteints du TSPT. Pour cela, ils doivent présenter les symptômes suivants, qui se déclarent après l’événement.
Le critère B exige un symptôme d’intrusion parmi les suivants: des souvenirs dérangeants de l’événement, des rêves récurrents dont le contenu ou l’humeur peuvent reproduire le traumatisme, des réactions dissociatives comme des flashbacks où la personne se sent ou agit comme si l’événement se produisait à nouveau, une détresse psychologique intense ou prolongée devant les rappels de l’événement ou des réactions physiologiques aux rappels de l’événement.
Le critère C exige un symptôme d’évitement: soit des efforts pour éviter des souvenirs, des pensées ou des sentiments pénibles associés à l’événement, soit des efforts pour éviter des rappels extérieurs de l’événement, par exemple des personnes, des lieux, des conversations, des activités ou des situations.
Le critère D renvoie à deux symptômes d’altération négative de la cognition ou de l’humeur, parmi les suivants: l’incapacité de se souvenir de certains aspects de l’événement; des opinions négatives exagérées sur soi-même, sur les autres ou sur le monde, comme: « Je suis brisé, je ne m’en sortirai jamais » ou « Personne n'est digne de confiance »; des croyances déformées au sujet de la cause de l’événement, menant au blâme de soi-même ou d'autrui; la persistance d'un état affectif néfaste comme la peur, la colère, la culpabilité ou la honte; le renoncement à des activités; un sentiment de détachement ou d’éloignement des autres; l’incapacité d’éprouver des émotions positives.
Le critère E renvoie à deux symptômes d’altération de l’excitation et de la réactivité, comme l’irritabilité ou les accès de colère, un comportement téméraire ou autodestructeur, l’hypervigilance, une réaction de sursaut exagérée, des problèmes de concentration et des troubles du sommeil.
Les critères B à E représentent les symptômes du stress post-traumatique et, dans chaque cas, il doit y avoir des preuves que le symptôme est apparu, ou du moins s’est aggravé, à la suite du traumatisme. Dans ces symptômes, on reconnaît les effets d’autres BSO, comme la dépression ou les troubles anxieux. Il arrive que l'ancien combattant fasse usage de drogues pour s’automédicamenter et masquer bon nombre de ces symptômes. Ceux qui réagissent fortement à des événements qui ne répondent pas au critère A pourraient recevoir un diagnostic de trouble d’adaptation. Ce sont toutes des BSO courantes.
Pour nos besoins, il y a un autre critère important pour diagnostiquer le TSPT. C'est le critère H, qui dit que ces symptômes ne doivent pas être attribuables aux effets physiologiques d’une substance comme la méfloquine.
Ce dernier critère est à peu près universel dans le DSM-5. Il figure parmi les critères diagnostiques de la plupart des troubles. Il est si répandu qu’on l’oublie facilement. Lorsqu’on a affaire à un traumatisme psychologique, il est rare de voir quelqu’un en pratique clinique dont les symptômes sont attribuables uniquement aux effets d’une substance. En fait, avant d’avoir entendu parler de la méfloquine, je ne connaissais aucune substance qui pouvait imiter le TSPT.
Cette substance a souvent été prescrite à peu de distance d’un événement traumatisant. Lorsque nous examinons les symptômes du quinisme, nous constatons qu’ils imitent bon nombre des symptômes du TSPT et d’autres BSO.
D'après les travaux du Dr Nevin, les effets indésirables de la méfloquine comprennent les symptômes psychiatriques suivants: anxiété; dépression; crises de panique; sautes d’humeur graves; agitation; agressivité; nervosité; la manie, comme les pensées qui s'emballent, l’irritabilité, la paranoïa ou l'euphorie ou l'attachement excessif à un but; la psychose, y compris la paranoïa, les délires et les hallucinations; les symptômes dissociatifs, comme la déréalisation et la dépersonnalisation; la perturbation du sommeil par des cauchemars intenses, terrifiants, ou la paralysie du sommeil, une expérience qui s'apparente à l'état d'éveil dans un corps qui ne bouge pas, souvent accompagnée d’une hallucination terrifiante.
Avec des degrés de fréquence variables, tous ces symptômes peuvent se présenter comme les séquelles d’un traumatisme psychologique. Ils ressemblent aussi aux signes avant-coureurs de l'intoxication à la méfloquine, ces symptômes qui peuvent apparaître avec la toxicité initiale ou comme effet secondaire, une réaction indésirable à la substance. Ils peuvent aussi persister au-delà de l’administration de la substance, dans certains cas durant des années.
Je pense à deux anciens combattants avec qui j’ai travaillé. Les deux répondent au critère A pour le TSPT et présentent une caractéristique inhabituelle que je vois rarement dans les BSO: des hallucinations. Un seul a été exposé à la méfloquine, et il a vécu toute la gamme des signes avant-coureurs — des nuits de terreur intense ponctuées d'hallucinations auditives d’animaux qui hurlaient dans la forêt autour de lui. Aujourd’hui, il souffre d’un acouphène et d’une hallucination auditive persistante, consistant en des voix qui marmonnent, ainsi que d’autres symptômes plus typiques comme l’irritabilité, l’anxiété et les troubles de l’humeur.
C'est des années après son diagnostic initial de TSPT que la question de la méfloquine a fait surface, et c’était la première fois que j’entendais ce mot, et uniquement parce que c'est lui qui m'en a parlé. Comme nous l’avons vu, on ne devrait pas poser un diagnostic de TSPT lorsque les symptômes peuvent s’expliquer par les effets d’une substance comme la méfloquine. Cela veut-il dire que son diagnostic n’est pas exact? Franchement, c’est possible, mais je pense que la question est trop complexe pour qu'on puisse y répondre par un oui ou par un non.
Une des difficultés qui se posent pour dénouer le dilemme du diagnostic, c’est que les anciens combattants ne sont pas toujours capables de reconstituer avec précision l’ordre dans lequel les événements se sont produits, surtout des événements aussi vagues que l’apparition d’un symptôme psychologique.
Examinons une chronologie possible. Un soldat est affecté à l’étranger lors de sa première période de service. Il n’y a pas d’exposition antérieure à des traumatismes. Pour prévenir le paludisme, on lui prescrit de la méfloquine. Lui et ses copains rigolent en se disant comment leurs vendredis soir peuvent être durs après qu’ils ont reçu leur dose hebdomadaire du médicament, mais soit ils ne sont pas conscients des risques de continuer à le prendre, soit ils appliquent consciencieusement la consigne. Presque aussitôt après, le soldat est envoyé en zone de guerre, avec toutes les horreurs que cela implique. Lorsque les symptômes subséquents apparaissent et persistent, faut-il les attribuer uniquement à la méfloquine ou bien uniquement à l’exposition au traumatisme?
Les soldats ne font pas toujours de bons historiens. Après avoir refoulé pendant des années leurs émotions et leur inconfort, il peut être difficile pour eux de se rappeler précisément le moment où un symptôme est apparu. Au milieu d’une zone de guerre, il est naturel d’être anxieux, vigilant et irritable. Il peut s'écouler des années avant l'évaluation de la blessure psychologique. Comment faire pour déterminer si les symptômes sont attribuables au quinisme ou au traumatisme?
Il y a certains symptômes de nature plus neurologique qui pourraient nous être utiles, comme la perte d’équilibre, les troubles de la vue, les vertiges ou les acouphènes, qui ne sont généralement pas uniquement le fait du TSPT. Mais là encore, ils ont leurs propres variables qui peuvent être trompeuses, comme l’incidence des blessures et des commotions causées par les déflagrations.
Évidemment, si la méfloquine n’a pas été administrée durant la première période de service, mais que le soldat a déjà subi un traumatisme chronique, alors la méfloquine peut ou non expliquer des symptômes subséquents.
L’interaction entre le quinisme et les BSO peut s’avérer très complexe. Pensons, par exemple, aux recherches récentes sur la façon dont la MDMA, l’ecstasy, peut aider les anciens combattants à surmonter des souvenirs traumatisants. En bref, une drogue qui provoque des sensations de chaleur et de compassion, associée à un souvenir traumatisant, aide à calmer l’anxiété provoquée par ce souvenir, de façon durable.
Se pourrait-il que le quinisme fasse le contraire? Qu'une drogue qui induit un état d’anxiété chronique, associée à un événement traumatisant, entraîne une probabilité élevée de TSPT?
Dans certaines circonstances tragiques, il peut y avoir une autre cause de traumatisme. Des gestes posés sous l’influence de la drogue peuvent causer d’horribles blessures morales. Je crois savoir que des soldats du Régiment aéroporté en Somalie ont reçu de la méfloquine. Mettez-vous à la place d'un de ces soldats. Vous vous demanderiez peut-être comment vous en êtes venu à trahir vos valeurs et votre devoir en agissant dans la violence et l'illégalité. Même si elle ne correspond pas au critère A, la réaction au médicament est peut-être une sorte de traumatisme en soi. Y a-t-il plus traumatisant que de se faire dépouiller de soi-même, de ses valeurs et de son sens de la réalité?
Notre compréhension du quinisme en est à ses premiers balbutiements. Nous ne connaissons pas encore son incidence sur le diagnostic, l'erreur de diagnostic, le chevauchement de diagnostics ou l'aggravation des blessures de stress opérationnel, en partie parce que nous sommes trop peu nombreux à mesurer le besoin de dépister l’exposition à la méfloquine et les réactions qui en découlent.
Dans notre ignorance, nous risquons aussi de créer des « traumatismes du sanctuaire ». Un traumatisme du sanctuaire se produit lorsqu’une personne s’attend à trouver de l’aide et du soutien, mais qu’elle se heurte plutôt à l'invalidation et au rejet. La recherche montre que l’expérience d’une telle injustice peut nuire gravement à la guérison de blessures physiques et psychologiques.
Par conséquent, il est essentiel que les anciens combattants souffrant de quinisme aient accès à des gestionnaires de cas et à des cliniciens bien informés, ce qui signifie que nous devons diffuser ce que nous savons et faire les recherches nécessaires pour en apprendre davantage, afin de mieux savoir comment évaluer et traiter cette maladie complexe.
Chose certaine, nous devons commencer à poser les bonnes questions, tant comme cliniciens que comme chercheurs. Je suis reconnaissant que le ministère veuille bien entendre les questions qui doivent être posées, et j'espère vous avoir aidés dans ce sens.
Merci de votre temps.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Douglas et docteure Suter, d'être ici aujourd'hui. Votre présence à tous les deux est très importante pour nous. Je crois que votre grande expérience nous fait prendre conscience que nous devons aller plus loin.
À ce sujet, la septième conclusion du rapport du Groupe de travail du médecin général sur la méfloquine se lit comme suit: « Nous n'avons pas trouvé de données probantes (répondant à nos critères d'inclusion) qui portent sur les effets indésirables potentiels à long terme de la méfloquine... ». En revanche, en 2014, l'Agence européenne des médicaments avait conclu qu'il y avait suffisamment de preuves à l'appui d'une relation de causalité entre la méfloquine et l'apparition d'effets secondaires neuropsychiatriques à long terme, voire persistants.
À mon avis, cela montre bien qu'il faut faire plus de recherche. Comment pouvez-vous concilier le fait que ces deux rapports arrivent à des conclusions si différentes?
Je suis conscient du problème. Je crois que l'Australie et le Royaume-Uni ont tous deux reconnu que la méfloquine était un facteur de risque important des troubles neuropsychiatriques.
Je conviens que la recherche en est à ses balbutiements, comme je l'ai dit. De toute évidence, il faut faire davantage, mais je pense que si nous écoutons les anciens combattants et les expériences qu'ils nous racontent, nous constatons qu'il existe une réaction très importante. Il ne s'agit pas simplement de l'exposition à la méfloquine, et c'est peut-être là que la confusion se situe. Si l'on se contente de vérifier si l'ancien combattant a été exposé, cela sera peut-être noyé dans les statistiques. Si l'on tient compte des anciens combattants qui ont développé cette réaction, la réaction initiale à la méfloquine, on aura une idée de l'impact à long terme. C'est peut-être ce qui a été à l'origine de la confusion dans ce cas.
Qu'en pensez-vous, docteure Suter? Vous avez mentionné avoir travaillé avec des personnes qui développent ce genre de problèmes de lésions visuelles et cérébrales. Compte tenu de votre expérience, quel est votre avis au sujet des effets de la méfloquine?
Tout d'abord, je ne crois pas que nous soyons très sensibilisés à la méfloquine dans ma profession. Il y a un certain nombre de neuro-optométristes qui ont travaillé avec des patients souffrant d'intoxication à la méfloquine. J'ai pris connaissance de quelques cas, mais en téléphonant à mes collègues en prévision d'aujourd'hui, j'ai constaté que l'information disparaît des dossiers. Nous avons vu beaucoup de cas aux États-Unis, en 2011 et en 2012, mais leurs dossiers ont été éliminés par les médecins.
Nous n'avons pas bien réussi à faire connaître les conséquences sur le plan de la vision dans les ouvrages publiés. Ce n'est pas un problème mineur pour les personnes concernées, mais c'est un problème secondaire dans le contexte général des lésions cérébrales.
Il est notoire que les résultats de la recherche en optométrie ne sont pas facilement accessibles, parce qu'il s'agit traditionnellement d'une profession clinique, je crois, alors...
J'aimerais poser une dernière question.
Au sein des Forces armées canadiennes, la méfloquine représente actuellement moins de 5 % des ordonnances de médicaments contre le paludisme. Depuis juin 2017, la méfloquine n'est recommandée que lorsque les membres en font la demande eux-mêmes. Je crois que cela est dû en grande partie aux efforts que nous avons déployés jusqu'à maintenant au Canada pour mieux faire connaître les effets de ce médicament.
Il est utilisé seulement sur demande ou lorsque d'autres médicaments sont contre-indiqués. Cela me semble très bien, mais il y existe une lacune importante pour ce qui est des personnes qui ont souffert dans le passé lorsqu'elles ont dû prendre ce médicament au Canada.
Monsieur Douglas, que répondez-vous à cela? Il s'agit d'une nouvelle directive pour l'avenir, mais qu'en est-il des autres mesures concernant les membres des Forces armées canadiennes et les anciens combattants qui ont été obligés de prendre ce médicament et qui ont subi des lésions, personne n'ayant fait grand-chose pour attirer leur attention là-dessus?
Je pense que c'est une question très importante et que la solution est relativement simple, c'est-à-dire qu'il faut communiquer avec les anciens combattants et leur demander simplement s'ils ont déjà pris un médicament antipaludique par le passé. Il faudrait aussi leur demander s'ils le prenaient à raison d'une dose par semaine. Cela nous indiquerait qu'il s'agit probablement de méfloquine. Il faudrait aussi savoir si la personne a eu des réactions importantes à ce médicament à l'époque.
D'après ce que j'ai entendu, c'est une réaction assez courante. Je sais que, selon la recherche, environ 14 % des personnes exposées à la méfloquine peuvent avoir cette réaction prodromique.
Il est fort possible qu'un bon nombre de personnes aient été laissées de côté. Il se peut qu'elles ne fassent pas le lien entre une réaction psychotique permanente, par exemple, et le service militaire. Il serait peut-être utile qu'elles reçoivent cette information.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être parmi nous.
Docteure Suter, vous avez parlé des altérations de perceptions qui sont liées aux lésions du tronc cérébral et, si j'ai bien compris, de quelque chose qui concerne les voies neuronales. Savez-vous si la méfloquine a des effets précis sur le tronc cérébral qui causent ces changements?
Selon les recherches que j'ai consultées, il y a des microlésions qui ne sont pas visibles par imagerie et qui peuvent découler de l'utilisation des quinolones.
Honnêtement, encore une fois, comme je l'ai dit, on m'a convoquée parce que j'ai eu des cas d'intoxication à la méfloquine dans ma pratique et parce que j'ai une expertise dans le domaine des lésions du tronc cérébral, mais...
Je suis désolé de vous interrompre, mais j'ai très peu de temps.
Quels ont été les critères utilisés pour diagnostiquer une intoxication à la méfloquine chez ces patients?
Ils sont venus me consulter après avoir reçu un diagnostic d'un autre médecin. Je crois qu'ils ont été diagnostiqués principalement par des neuro-otologues avant de venir me voir.
D'accord. Vous avez parlé d'une cohorte de patients ou d'incidents qui se sont produits. Vous avez dit que ces dossiers avaient été éliminés par les médecins. Pourriez-vous préciser votre pensée?
Aux États-Unis, on doit conserver les dossiers des patients cliniques adultes pendant trois ans. Il est normal d'éliminer les dossiers après trois ou quatre ans.
C'est simplement que ces dossiers ont été éliminés. Je ne suis pas certain qu'il est utile de parler de dossiers qui sont éliminés après un certain nombre d'années, conformément au protocole établi.
Merci. Je voulais simplement préciser ce point.
Monsieur Douglas, vous avez mentionné, et nous l'avons entendu de la part d'autres personnes, qu'il est possible qu'un trouble de stress post-traumatique soit diagnostiqué, alors qu'en fait, il s'agit d'intoxication à la méfloquine.
Comment faites-vous la différence? Comment savez-vous qu'il ne s'agit pas d'un TSPT lorsqu'un patient vous arrive?
Je sais que dans ce domaine, on a beaucoup parlé du concept de mauvais diagnostic. Pour être honnête, je ne suis pas tout à fait convaincu de cela parce que, comme je l'ai dit, la méfloquine est souvent utilisée dans un contexte d'exposition à des traumatismes. Nous examinons le diagnostic de TSPT. Il faut pouvoir dire qu'il n'est pas dû aux effets d'un médicament. Il est certain que, par le passé, cette question ne se posait même pas, alors je pense qu'il pourrait très bien y avoir de tels cas, et c'est un problème.
La réalité, c'est que les deux se produisent souvent en même temps. Si nous examinons les critères pour le TSPT — c'est-à-dire qu'un événement se produit et que les choses s'aggravent par la suite —, il sera très difficile de séparer les deux, à mon avis.
Je pense que la question est complexe, et qu'il ne s'agit pas nécessairement de mauvais diagnostic, mais que cela pourrait très bien être un problème lié à la méfloquine, cette dernière aggravant considérablement les réactions psychologiques au traumatisme. Les deux aspects ne peuvent pas être dissociés.
Merci.
Savez-vous s'il existe des données qui comparent le diagnostic de TSPT chez les anciens combattants qui ont reçu de la méfloquine et ceux qui n'en ont pas reçu?
Oui, de telles données existent. Le Dr Nevin, qui viendra témoigner le 1er mai, je crois, pourra vous en parler, mais certaines des recherches dont je me souviens ont montré qu'il y avait près de 180 % de plus de diagnostics de TSPT chez les personnes qui avaient été exposées à la méfloquine avec réaction prodromique.
D'accord.
Pourriez-vous nous faire parvenir les références, les documents, dans lesquels on retrouve cela?
Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
Les deux choses qui sont ressorties très clairement dans le cadre de ce processus, c'est que de la recherche est nécessaire et que nous en savons très peu au sujet de ce problème.
Pourrais-je vous demander à tous les deux de nous dire quel type de recherche devrait précisément être menée au Canada?
Comme c'est une question qui concerne le Canada, je suppose que je vais y répondre.
Premièrement, il faut savoir combien de soldats ont été exposés. Il a été question des dossiers cliniques qui sont éliminés. Il est courant dans l'armée d'apprendre que les dossiers médicaux de personnes sont manquants ou inadéquats. Dans certains cas, ils ont été caviardés. Cela complique les choses. Il y a aussi le fait qu'un médicament de santé publique comme la méfloquine peut tout simplement ne pas figurer dans les dossiers médicaux de qui que ce soit. Il se peut que les dossiers eux-mêmes ne constituent pas une stratégie très efficace pour identifier ceux qui ont été exposés. Il arrive aussi qu'il n'y ait tout simplement pas de dossiers.
La seule chose que nous pouvons faire, c'est de poser la question aux anciens combattants. Je pense qu'il faut leur demander s'ils ont été exposés à ce médicament ou à un médicament semblable et s'ils ont eu cette réaction. À partir de là, nous pourrons commencer à avoir une idée du nombre d'anciens combattants qui ont été exposés. Nous pourrons examiner les taux comparatifs de présence et de diagnostic de troubles psychologiques, et nous pourrons commencer à comprendre un peu mieux ce qui se passe.
Enfin, je pense que nous devons vraiment nous pencher sur les questions de traitement. Docteure Suter a d'excellentes idées sur certains traitements possibles, qui ne sont pas très bien compris, ni très connus. Nous devons vraiment explorer toutes les options qui pourraient mener à un traitement plus efficace. Les médicaments sont peut-être une solution, mais peut-être pas non plus s'ils viennent compliquer ce genre de troubles du cerveau, surtout dans le cas des médicaments administrés dans un contexte psychiatrique. Il se peut qu'ils n'agissent pas comme ils agiraient normalement dans un cerveau qui n'a pas été exposé à la méfloquine.
La question est complexe et il faudra faire beaucoup de recherche.
Vous avez parlé plus tôt, monsieur Douglas, du processus de dépistage. Je me demande si vous pouvez nous en dire davantage au sujet de la méfloquine. Y a-t-il un processus de dépistage? Comment procédez-vous? Vous avez dit tout à l'heure que cela ne figure pas nécessairement dans les dossiers, et vous avez aussi mentionné une chose qui, à mon avis, est vraiment importante, à savoir le manque de sensibilisation.
Ma question est double. Quel est le processus de dépistage et, en ce qui concerne la sensibilisation — et vous avez tous les deux parlé de sensibilisation —, comment pouvons-nous sensibiliser les intervenants au fait que ce sont là des questions importantes à poser lorsqu'ils ont des contacts avec les anciens combattants?
Encore une fois, le Dr Nevin a rédigé des articles sur le dépistage, et cela se résume vraiment très simplement: avez-vous été exposé à ce médicament et avez-vous eu cette réaction? C'est aussi simple que cela. Il s'agit d'identifier ceux qui ont eu cette réaction prodromique — c'est-à-dire que les symptômes se sont manifestés lorsqu'ils prenaient le médicament —, ce qui les expose à des réactions persistantes.
D'accord.
Pour ce qui est de la sensibilisation, comment pouvons-nous sensibiliser les intervenants pour qu'ils sachent qu'ils doivent poser cette question?
Je pense que c'est ce que vous faites en ce moment. Je crois qu'il est important d'accorder une attention particulière à cette question. Nous devons transmettre l'information aux anciens combattants. Nous devons transmettre l'information aux cliniciens qui travaillent avec Anciens Combattants et communiquer de cette façon.
Aux États-Unis, le département des Anciens combattants est en rapport constant avec les cliniciens qui travaillent avec la Veterans Health Administration.
Dans le cas d'Anciens Combattants Canada, je ne vois pas beaucoup de communications entre ACC et les cliniciens en général, et cela pose peut-être un défi. Nous sommes en quelque sorte en train de nous former nous-mêmes et, évidemment, cela entraîne beaucoup de lacunes. Un simple bulletin d'information envoyé par Anciens Combattants aux fournisseurs de soins serait une stratégie très efficace pour communiquer avec les intervenants de première ligne.
Merci. Je pense que c'est vraiment important.
J'ai une dernière question, et je ne sais même pas si c'est une question ou une affirmation, mais j'aimerais entendre votre réponse. Ce que je comprends de tout ce que j'ai entendu, c'est que nous ne savons même pas combien d'anciens combattants ont pris de la méfloquine. Nous n'avons même pas les chiffres.
D'accord. Par quoi devons-nous commencer? Comme on l'a dit plus tôt, il y a une cohorte — qui a diminué au fil du temps —, dont nous devons nous occuper de façon respectueuse, mais nous ne savons même pas qui la constitue.
Oui.
Le Dr Nevin dit étudier la période suivant la Somalie, du moins en ce qui concerne les anciens combattants américains. Je ne sais pas si cela s'applique directement au Canada ou non, mais cela me semble juste. Si nous commencions à partir de 1990...? Honnêtement, je ne sais pas quand le médicament a commencé à être utilisé. Je ne sais pas quand les anciens combattants ou les soldats ont commencé à s'en servir. Il est certain que je me pose beaucoup de questions.
Merci à vous deux de vous être joints à nous.
Docteure Suter, ce que vous avez mentionné au sujet du nerf optique m'a interpellé, surtout avec les chiffres que vous avez cités — , c'est-à-dire qu'environ 70 % de toutes les fibres nerveuses sensorielles qui mènent au cerveau partent de l'œil.
Est-ce exact?
C'est différent de tous les autres influx du cerveau.
Lorsque vous examinez des anciens combattants, etc., y a-t-il quelque chose dans un examen normal qui vous amène à soupçonner qu'il y a des problèmes autres que ceux que vous traitez?
Je dois en quelque sorte présenter des excuses à M. Douglas et à ses collègues, en ce sens que j'ai donné l'impression que la psychologie n'est pas un élément important du traitement des anciens combattants ou de toute personne ayant subi une lésion cérébrale. Je pense que c'est parce que c'est la première avenue envisagée. Je voulais insister davantage sur ce qui, à mon avis, est laissé de côté.
Je suis fermement convaincue que la solution proposée par M. Douglas, c'est-à-dire une gestion rigoureuse des cas, fait partie de la solution. Il s'agirait d'une étape « subséquente » en ce qui concerne l'information au sujet de l'intoxication à la méfloquine, les ramifications qu'elle comporte et la mesure dans laquelle elle est liée au TSPT ou à d'autres diagnostics psychiatriques qui accompagnent l'intoxication à la méfloquine, par rapport aux symptômes neurologiques ou neuro-optométriques directs qui sont évidents. Lorsque je travaille avec des patients atteints de lésions cérébrales, qu'il s'agisse d'anciens combattants ou non, et la plupart de ceux que je traite n'en sont pas, il importe vraiment que j'adopte une approche multidisciplinaire. En fait, notre livre s'intitule Vision Rehabilitation: Multidisciplinary Care of the Patient Following Brain Injury.
Je vois.
Contrairement à mon collègue, je ne suis pas médecin. Je vous entends parler de microlésions qui n'apparaissent pas dans les imageries cérébrales, mais permettez-moi de vous demander ceci: comment se manifestent-elles? Comment savez-vous qu'il y a là des microlésions que vous ne pouvez pas voir?
Je suis désolé de poser une question aussi simple, mais ce n'est pas mon domaine.
Non, je vous en prie.
Encore une fois, je ne suis pas une experte en intoxication à la méfloquine. Les recherches que j'ai vues portaient en fait sur des rats. On a simplement sectionné le tronc cérébral pour pouvoir l'examiner au microscope. Je ne sais pas s'il y a moyen de savoir si cela se produit chez l'être humain. Toutefois, les symptômes sont les signes. Pas les symptômes... en fait, les deux. La neurotoxicité vestibulaire et les déficiences visuelles que nous connaissons très bien dans le cas des autres lésions du tronc cérébral chez les humains sont toutes indicatives de lésions du tronc cérébral.
Je comprends. Merci.
Monsieur Douglas, pour ce qui est de savoir combien ont servi ou non, chaque fois que je rencontre des anciens combattants, la première chose que je leur demande, c’est où ils ont servi. Moi-même, je reviens tout juste d’Afrique et j’ai dû prendre un médicament antipaludique. Si les anciens combattants me disent la Somalie ou un endroit en Afrique — d’autres parlent de l’Inde, de l’Afghanistan et ainsi de suite —, je leur demande s’ils ont pris le médicament.
Je suppose qu’il y a moyen de connaître le nombre de nos soldats qui ont été affectés à des postes où sévit le paludisme.
Pensez-vous qu’il suffirait au ministère des Anciens Combattants de reconnaître le lien entre le problème de santé mentale de l’ancien combattant et le service militaire?
Nous parlons ici des anciens combattants, et non des membres actifs.
Comme nous voulons faire ce qu’il y a de mieux pour eux, nous voulons accumuler les connaissances sur les problèmes auxquels ils font face.
Est-il nécessaire d’inclure la méfloquine dans la discussion au niveau des anciens combattants, en ce qui concerne les prestations qu’ils pourraient recevoir?
Je crois comprendre que le ministère des Anciens Combattants adopte une approche qui consiste essentiellement à se demander s’il y a un état diagnostiqué. Cet état est-il attribuable au service militaire? Dans quelle mesure la déficience en découle-t-elle?
En lisant entre les lignes de la recherche de M. Nevin, j'ai cru comprendre que le problème est peut-être quelque peu différent aux États-Unis, où l’on met davantage l’accent sur l'importance du TSPT, et rien d'autre. S’il s’agit d’un trouble anxieux généralisé, cela n'est pas couvert. Je ne pense pas que les gens du ministère des Anciens Combattants soient si pointilleux à ce sujet. Ils veulent simplement avoir l'assurance qu’il y a un lien avec le service militaire. À cet égard, je pense que vous avez raison. En ce qui concerne le traitement, c’est une tout autre question. À partir de là, je pense que nous devons vraiment former les spécialistes et nous assurer qu’ils savent comment établir le diagnostic.
Il y a peut-être aussi la question des gens qui n’ont jamais servi dans une situation traumatisante, et ils sont jugés très sévèrement par leurs pairs: « Rien ne lui est jamais arrivé. Comment peut-il demander une pension d’invalidité? » Ces personnes peuvent avoir honte au point de ne pas demander de pension d’invalidité.
Je pense qu’il est très important que nous puissions reconnaître qu’il ne s’agit pas seulement d’une incapacité générale. Nous devons aussi communiquer avec ces gens et leur parler des indemnités. Ils peuvent souffrir d’un problème lié au service, même s’ils n’ont pas été exposés à un traumatisme particulier.
Ils sont peut-être sur un théâtre d’opérations, non pas en situation de combat, mais ils expriment quand même...
Je vous remercie tous les deux de vos exposés d’aujourd’hui. C’est très utile dans le cadre de cette étude.
Je vais commencer par Mme Suter.
Vous avez dit au début de votre exposé qu’il n’y avait pas d’experts pour la méfloquine. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je crois que ce sera important à mesure que nous avancerons.
Je crois avoir dit qu’il n’y a pas d’experts sur la toxicité de la méfloquine pour la vision.
En ce qui concerne les conséquences visuelles, le tronc cérébral est un domaine où le système vestibulaire est coordonné avec le système visuel pour nous garder en équilibre et nous aider à comprendre ce qui nous entoure, et à nous orienter. Je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un qui ait eu suffisamment de cas pour divulguer l’information sur les conséquences visuelles.
Je pense que M. Nevin a fait un travail extraordinaire pour ce qui est de faire connaître les conséquences vestibulaires. Il a aussi mentionné... Vraiment, il a insisté pour envoyer les gens en neuro-optométrie parce qu’il reconnaît que c’est un problème vestibulaire et visuel.
C’est ce que je voulais dire. Les gens qui travaillent avec ces patients en vision n’ont pas examiné suffisamment de cas selon moi ni publié ces cas.
Y a-t-il un domaine sur lequel nous devrions concentrer la recherche? Avez-vous une recommandation à faire?
Oui, il y a des symptômes et des signes particuliers chez les patients que nous voyons. C’est en grande partie une question de coordination avec le système vestibulaire. Par exemple, les patients que nous voyons pour des cas de toxicité de la méfloquine, à ma connaissance, ont tendance à avoir ce que nous appelons des phories verticales, lorsque les deux yeux veulent être pointés un peu vers le haut et vers le bas, plutôt que sur le même plan. Cela rend les surfaces horizontales ambiguës pour votre cerveau, parce que vos deux yeux ne vous donnent pas la même information. Ces phories verticales chez les personnes ayant des lésions du tronc cérébral ont tendance à changer lorsqu'elles regardent de gauche à droite, de sorte qu'elles obtiennent des renseignements différents sur les surfaces horizontales lorsqu'elles bougent les yeux. Les phories verticales semblent poser problème. L’insuffisance de convergence, à savoir la difficulté à rapprocher les yeux comme pour lire, a tendance à poser problème. C’est aussi une fonction liée au tronc cérébral.
Ensuite, bien sûr, il y a la coordination du système vestibulaire — par exemple, un de mes patients avait de la difficulté à bouger les yeux. En déplaçant son regard du lointain à la proximité, il se donnait un vertige tumultueux, et nous avons donc essayé de comprendre ce phénomène. Il s’est avéré qu’il avait à la fois la neuropathie vestibulaire et une phorie verticale qui changeait du lointain à la proximité, de telle sorte qu’un œil se trouvait à regarder à distance et l’autre, à proximité. Il n’y avait aucune possibilité pour son système visuel de stabiliser le système vestibulaire.
Merci.
Monsieur Douglas, je suis heureux de vous revoir. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que le suivi est probablement la chose la plus difficile que nous devons faire davantage, afin de connaître les faits, de pouvoir nous appuyer sur ces faits et trouver ensuite des solutions aux problèmes. Il ne fait aucun doute que nous pouvons mettre en place des systèmes de suivi.
Quand les autres pays comme l’Australie et...
Oui, c’est le Royaume-Uni. Ils ont mené des recherches et ils disent qu’il y a certains liens, mais je n’ai pas le lien direct. Ils disent qu’il y a des possibilités, mais ce n’est pas directement le TSPT. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Lorsque je regarde ces études, il n’est pas si clair qu’il s’agit d’un effet direct.
Oui. Comme je l’ai dit, malheureusement, je ne suis pas vraiment un expert. Je poserais cette question à M. Nevin. Je pense qu’il en sait peut-être beaucoup plus que moi à ce sujet, mais je crois comprendre essentiellement que les personnes qui sont exposées à la méfloquine et qui ont eu cette réaction prodromale à la méfloquine sont beaucoup plus susceptibles de recevoir un diagnostic de déficience psychiatrique.
Merci à vous deux d’être ici aujourd’hui. J’ai appris quelque chose de nouveau parce que je ne connaissais rien de la neuro-optométrie, et je vous en suis reconnaissant.
Je pourrais passer des heures à discuter avec vous, madame Suter, de bien des choses, mais comme mon temps est limité, je vais essayer d’être aussi bref que possible.
Nous avons parlé des quinolones, essentiellement, qui ont causé des lésions du tronc cérébral. Nous savons qu’il existe 12 nerfs crâniens, dont 10 partent du tronc cérébral et deux d’entre eux n'en partent pas. Pour ce qui est du nerf oculomoteur — et je suppose que c’est là que se situe l’interaction entre la vision, que vous avez examinée, et les perturbations oculomotrices —, pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Dans les nerfs crâniens qui partent du tronc cérébral, l’information vient du bas. Le huitième nerf crânien est le noyau vestibulaire. Ensuite, l’information arrive au sixième, au quatrième et au troisième, qui contribuent tous à la coordination des muscles oculaires. Le système vestibulaire nous dit où va notre tête pour que l’information remonte le tronc cérébral et que nous puissions coordonner les mouvements de la tête et des yeux et maintenir un regard stable, même si notre tête bouge. Je pense que c’est en grande partie ce qui se passe ici, quand surviennent des interruptions dans cette voie.
Lorsque vous voyez des patients qui ont pris de la méfloquine, comment faites-vous les tests? Que recherchez-vous lorsque vous faites ces tests avec un patient?
Dans le cas de n’importe quel patient atteint d’une lésion cérébrale, nous examinons très attentivement l’alignement des yeux. Lors d'un examen de la vue traditionnel, on ne regarde pas vraiment l’alignement des yeux très attentivement. Si les gens ne se plaignent pas de double vision, on ne vérifie pas plus en détail.
Il y a des techniques qui permettent de séparer la vision des deux yeux. Un œil fixe une ligne et l'autre fixe une autre ligne, et vous dites simplement au patient de signaler quand les deux s’alignent. Nous pouvons mesurer avec précision les écarts dans toutes sortes de différents champs de vision. Nous mesurons habituellement neuf champs de vision, parce que des changements sont observés dans neuf champs de vision.
Il y a donc des instruments simples et faciles à utiliser, que n’importe quel spécialiste peut utiliser. Ce serait peut-être une bonne chose que ce soit la norme pour les optométristes ou les spécialistes de la vue qui font des tests sur les anciens combattants.
D’accord, merci.
Je pense que nous avons tous entendu et que vous avez tous les deux indiqué qu’en réalité, nous devons nous assurer de poser le bon diagnostic, qu’il s’agisse du TSPT ou de toxicité de la méfloquine. Au bout du compte, c’est ce que nous examinons — les diagnostics dont nous avons besoin. De toute évidence, nous avons besoin de plus de recherche dans ce domaine.
À ce sujet — et monsieur Douglas, vous avez effleuré le sujet lorsque vous nous avez parlé des critères —, lorsque nous examinons les critères, et particulièrement lorsque vous parlez de quelqu’un qui est exposé à un événement, si vous étiez exposé à cet événement et que vous étiez sujet à d’autres facteurs en plus, quelle serait la possibilité que nous puissions voir une plus grande réaction, des réponses plus marquées?
Je pense qu'il existe certes un potentiel, tout à fait. Par exemple, le TSPT a tendance à être cumulatif, de sorte que si vous êtes exposé à un nombre de plus en plus grand de traumatismes, vous pouvez en absorber un certain nombre, et un jour, vous en subirez un de trop. Il y a manifestement de multiples facteurs en cause. La vie à la maison peut ajouter au stress, rendre le TSPT plus probable et entraîner une réaction plus forte. Comme je l’ai dit, je pense qu’un médicament comme la méfloquine pourrait très bien faire en sorte qu’il soit plus probable qu’une personne subisse un traumatisme en réaction à un événement donné.
Cela pourrait aussi être un problème, mais encore une fois, je ne suis pas la bonne personne pour répondre à cette question.
Nous aimerions sûrement le savoir. Je le constate lorsque je voyage à l’étranger. Nous le constatons non seulement dans notre population militaire, mais aussi dans la population civile qui voyage à l’étranger. Souvent, nos médecins prescrivent le premier médicament auquel ils pensent, et c’est la méfloquine.
En fait, lorsque je suis allé au Pakistan, c’était le premier médicament que mon médecin m’a offert. Conscient du problème, j’ai choisi la doxycycline, mais en réalité, ce n’est pas tout le monde qui dispose de cette information. Cette méconnaissance a une grande incidence sur eux. Nous entendons parler de civils qui voyagent en Asie, surtout les Australiens, qui disent... Lorsque mon fils était à l’étranger, en Thaïlande, et qu’il a dit qu’il prenait ce médicament, des gens lui ont dit de cesser de le prendre, parce qu’ils étaient au courant, mais pas les Canadiens.
Vos commentaires sur la sensibilisation sont appropriés selon moi. D’autres organismes, et non seulement ACC, devraient aviser non seulement nos médecins, mais aussi nos pharmaciens, parce qu’au bout du compte, nos pharmaciens...
C’est un aspect que nous devons examiner, parce que ce sont les pharmaciens qui distribuent le médicament. Si on leur demande tout d’un coup 100 milligrammes et qu’ils n’ont pas ce dosage, offrent-ils des concentrations différentes, à des niveaux différents?
Oui, je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est une question qui s’applique également aux civils.
Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier M. Douglas et Mme Suter de témoigner aujourd’hui.
J’aimerais commencer par lire un extrait du rapport de 2014 de l’Agence européenne pour l'évaluation des médicaments. « Il existe suffisamment de preuves dans les rapports sur l’innocuité des médicaments qui nous ont été présentés, le rapport de la documentation fournie et le rapport d’évaluation de la FDA appuyant l’hypothèse d’une relation de causalité entre la méfloquine et l’apparition d’effets secondaires neuropsychiatriques à long terme, voire persistants. » Nos deux témoins ont certes beaucoup témoigné en ce sens aujourd’hui.
À l’heure actuelle, dans les Forces armées canadiennes, la méfloquine est utilisée pour moins de 5 % des ordonnances de prévention du paludisme. D’après ce que je comprends, depuis juin 2017, elle n’est prescrite qu’aux membres des Forces armées canadiennes lorsqu’elle est expressément demandée, ou lorsque d’autres options sont considérées comme étant contre-indiquées. Comment évaluez-vous la façon dont les forces armées prescrivent actuellement ce médicament?
C’est certes une bonne idée de prescrire différents médicaments au lieu de la méfloquine. Tous les médicaments à base de quinine présentent au moins un certain risque. D’après ce que je comprends, le risque de la méfloquine semble unique, mais aucun d’entre eux n’est entièrement sans risque. Je serais préoccupé par le fait que des gens demandent de la méfloquine en particulier et je serais curieux de savoir pourquoi. Les gens obtiennent-ils le consentement éclairé dont ils ont besoin pour décider que la méfloquine devrait être le médicament de choix? Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à insister pour prendre de la méfloquine? D’après ce que j’en sais, cela me semble être un choix assez surprenant.
C’est une excellente idée de déterminer pourquoi quelqu’un demanderait expressément de la méfloquine. D’après ce que je peux voir, il n’y a pas de documentation à ce sujet. Ce serait assurément un bon sujet de recherche.
Vous avez parlé d’autres drogues, mais elles comportent aussi des risques. Comme vous l’avez dit plus tôt, il pourrait y avoir des conditions sous-jacentes ou une accumulation d’événements différents dans la carrière d’un soldat, par exemple, où il ou elle atteint un point de rupture et franchit le seuil du TSPT.
En ce qui concerne les autres médicaments, pouvez-vous nous parler des troubles neurologiques ou psychiatriques ainsi que des expériences potentiellement traumatisantes? Quels sont les risques potentiels des autres types de médicaments utilisés pour traiter le paludisme?
Je crains de ne pouvoir vous donner une réponse éclairée. Je ne suis pas le bon professionnel pour cela. Je ne suis pas suffisamment au courant des autres médicaments et de leurs risques.
Je sais qu’il y a d’autres chloroquines qui sont utilisées couramment pour la polyarthrite rhumatoïde ou les troubles auto-immuns. Ce que nous examinons, c’est la toxicité maculaire. Dans le cas de certains de ces médicaments, on n’a jamais entendu parler de problèmes psychiatriques. La méfloquine semble quelque peu unique. On dirait presque que n’importe quel autre médicament serait plus sûr, à vrai dire.
Je sais que nous avons parlé des questions de recherche que vous avez posées sur le nombre de soldats qui ont été exposés. Selon vous, quelles seraient certaines des grandes questions de recherche, étant donné que ces médicaments sont utilisés par des gens qui ne font pas partie des Forces armées canadiennes?
Selon vous, quel type de recherche serait très utile pour nous, comme collectivité, pour faire avancer ce dossier dans l’intérêt de la sécurité publique?
C’est une excellente question. Je pense qu’il est beaucoup plus difficile d’identifier les gens dans la collectivité qui ont pu être exposés au médicament.
Peut-être que les dossiers pharmaceutiques pourraient mener aux gens à qui on a déjà prescrit de la méfloquine. Encore une fois, je pense que nous pourrions être confrontés au défi de savoir pendant combien de temps les dossiers sont conservés. Je sais que dans mon domaine, les dossiers sont conservés pendant 10 ans. Je ne sais pas si cela s’appliquerait. C'est la norme dans mon collège de psychologues, mais je ne sais pas combien de temps les dossiers pharmaceutiques sont conservés. Je soupçonne qu’un grand nombre des personnes qui ont été exposées à la méfloquine l’ont probablement été il y a de cela 15 ou 20 ans.
Il serait intéressant d’établir une corrélation entre les taux d’incapacité psychiatrique et ceux qui ont ainsi été exposés, peut-être par un recensement ou quelque chose du genre, en posant de telles questions de recherche. Il serait possible de demander aux gens s'ils ont déjà pris un médicament antipaludique. Nous pourrions établir une corrélation avec les réactions, parce qu’il ne s’agit pas simplement d’exposition. Il s'agit de l’exposition suivie de cette réaction. Il faudrait ensuite établir une corrélation avec une incapacité psychologique ou psychiatrique subséquente.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Douglas, dans votre notice biographique, il est précisé que vous avez l’expertise du traumatisme du sanctuaire, c’est-à-dire le mécanisme psychologique par lequel l’invalidation, le congédiement et la trahison par les autorités non seulement perpétuent les blessures physiques et psychologiques, mais font en fait obstacle à la guérison et aggravent sensiblement les blessures.
Comme nous avons étudié beaucoup de questions concernant les anciens combattants, j’ai eu l’impression à maintes reprises qu’une grande partie du stress, de la maladie et du traumatisme supplémentaires est attribuable à la nécessité d’essayer de prouver qu’ils sont malades et à toute cette question du bénéfice du doute.
Pourriez-vous nous parler un peu des problèmes liés à la méfloquine? Il y a beaucoup d’information qui circule. Nous sommes au courant de la situation. Nous savons que nous avons besoin de plus d’études, mais entretemps, que pensez-vous de la situation des anciens combattants qui ont été forcés d’utiliser ce médicament, qui n’avaient aucun recours et qui souffrent maintenant?
La question du traumatisme du sanctuaire est très importante pour moi. Je travaille pour Badge of Life Canada, un organisme qui se consacre à aider les policiers et les agents correctionnels. Je parle souvent de ce sujet en long et en large. Il est presque difficile pour moi d’en parler brièvement, mais je ferai de mon mieux.
Ce concept s’appuie sur de nombreuses recherches. Encore une fois, ce n’est pas un concept qui est très bien compris, mais le niveau d’injustice qu’une personne subit après une blessure permet de prédire très fortement la durée de cette invalidité, et cela, indépendamment de la gravité de la blessure physique subie. Le concept s’applique aux maladies psychologiques et physiques.
Je n’ai absolument aucun doute que c’est une réaction très courante chez quiconque a le fardeau de prouver qu'il est malade. Cette personne vivra ce phénomène tôt ou tard. Certaines personnes vont être pétrifiées par une telle expérience et, par conséquent, leurs blessures vont empirer.
C’est difficile à équilibrer. Nous avons besoin de renseignements solides et fiables lorsque nous accordons une pension d’invalidité à quelqu’un. Nous ne voulons évidemment pas donner aux gens des pensions d’invalidité simplement parce qu’ils en font la demande.
Mais nous devons aussi reconnaître qu’en érigeant trop d’obstacles, nous aggravons le handicap, ce qui fait augmenter les coûts pour le système, sans parler des coûts personnels de la personne qui souffre.
En ce qui concerne la méfloquine, je pense que ce que nous devons être en mesure de faire, c’est de dire rapidement que nous sommes au courant du problème, que nous y accordons notre attention et que nous écoutons. C’est la première étape.
Deuxièmement, il n’est pas tout à fait vrai que cet état n’a pas encore été diagnostiqué. Il peut véritablement être diagnostiqué. Si nous disons que des gens ne peuvent pas recevoir de diagnostic de TSPT en raison de l’exclusion du critère H selon lequel le trouble de stress post-traumatique, le TSPT est attribuable à la prise d'un médicament, si nous disons qu’il ne s’agit pas d’un TSPT, alors, d’accord, c’est un trouble lié à un traumatisme, c’est un trouble anxieux ou c’est un trouble de l’humeur. Nous pouvons trouver d’autres étiquettes. Il y a toujours une étiquette pour quelqu’un qui souffre psychologiquement et qui a une invalidité importante. Il s’agira d’un état pouvant être diagnostiqué sous une forme ou une autre.
À ce sujet, nous savons que Santé Canada a discrètement amélioré l’étiquette pour qu’elle soit plus visible, pour attirer l’attention sur le fait que si l’une de ces maladies se déclare, il faut cesser de prendre ce médicament.
C’est donc une amélioration, mais est-ce que l’un de vous a reçu de la formation ou de la documentation de Santé Canada indiquant que l’empoisonnement à la méfloquine est un état à dépister?
En ce qui concerne nos anciens combattants, je sais que beaucoup d’entre eux ont entendu parler de ces améliorations dans les annonces du médecin-chef et de Santé Canada, mais il n’y a eu aucune communication avec les anciens combattants eux-mêmes pour essayer de régler ces problèmes.
De votre point de vue, encore une fois, cela rajoute à la contrainte en créant un mur encore plus grand. Vous avez ensuite parlé de suicides.
J'entends sans cesse parler du nombre de suicides d'anciens combattants au Canada, attribuables à la maladie et — sans doute aussi — à un niveau de frustration aussi élevé.
Exact. En fait, cela nous ramène encore une fois à la question de savoir sur quoi nous devons concentrer nos recherches. L’exposition à la méfloquine avec une réaction prodromique et un risque de suicide, c’est de la recherche rétrospective qui pourrait être menée, et il serait certainement très important de comprendre l’incidence possible de la méfloquine sur le suicide des anciens combattants.
Merci d’avoir parlé du choix éclairé de prendre de la méfloquine. Nous avons entendu plus tôt de 5 %, ou moins de 5 %.
Quel est le processus qu’on leur demande de suivre et leur donne-t-on l’information appropriée avant de prendre la méfloquine? Est-ce un aspect que vous recommanderiez au Comité d’examiner?
Oui. Je pense que c’est un problème très important qui va bien au-delà de la méfloquine. C’est la question du droit d’un soldat de consentir à un traitement médical, et c’est une question difficile. Nous envoyons des gens dans une région où ils peuvent être exposés à certaines maladies et nous leur offrons ces médicaments. Nous voulons protéger les soldats — nous avons l’obligation de protéger les soldats. Sont-ils en mesure de donner un consentement éclairé?
Je ne suis pas expert en la matière, mais je crois comprendre que si on vous ordonne de prendre ce médicament, vous le prenez. Je sais qu’aux États-Unis, d’après ce que M. Nevin a écrit, il est fréquent que l’on ne fournisse pas aux soldats les feuillets de renseignements sur le médicament qui recommandent de cesser de prendre le médicament en cas de certaines réactions. Même si ces renseignements étaient fournis, les soldats pourraient-ils vraiment décider de cesser de prendre le médicament? Ce sont des questions très difficiles lorsqu’il s’agit d’une population captive qui n’a peut-être pas la même liberté de consentement à un traitement médical que n’importe quel autre citoyen.
Merci. Je pense que c’est un élément très important à prendre en considération.
Vous avez aussi parlé de certains anciens combattants qui ne divulguent pas leur état parce qu’ils ont l’impression que c’est ce qu’est le TSPT, mais qu’ils n’ont pas participé à des combats actifs et qu’ils n’ont pas vu les horreurs que voient les autres, alors ils se demandent pourquoi ils ont cette réaction. Je suis simplement curieuse de savoir ce que vous pensez du processus d’éducation pour faire savoir aux gens que c’est peut-être une explication.
J’aimerais aussi savoir, dans ce contexte, si vous avez déjà travaillé avec une personne qui a reçu un diagnostic de TSPT, mais qui a découvert plus tard qu’il s’agissait en fait de la toxicité de la méfloquine, et si vous avez trouvé une façon de régler le problème.
À ce jour, je crois avoir travaillé avec trois personnes qui ont été exposées à la méfloquine, dont deux ont eu une réaction prodromique. L’un de ces cas est plus récent, et j’ai donc pu le constater et dire ce qui se passait. L’autre cas est celui par lequel j'ai été initié au concept de la toxicité de la méfloquine. Dans ce cas particulier — je pense que c’est un peu la norme pour moi —, ce gars avait reçu son diagnostic quelques années avant que j’en entende parler.
À mon avis, le diagnostic de TSPT n’est pas inexact dans sa situation, mais il faudrait examiner chaque cas individuellement. Il se peut fort bien qu’il y ait des gens qui ont été ainsi diagnostiqués, qui ne souffrent pas de TSPT. Comme je l’ai dit, c’est complexe.
Tout à fait. Pour ce qui est du traitement, je pense certes que le traitement psychologique de l’anxiété, de la dépression et des problèmes de ce genre sera bénéfique. Nous allons aider les gens à s’adapter plus efficacement, quelle que soit la source de leur anxiété.
Ce n’est pas comme si ce traitement allait être gaspillé, mais nous pourrions très bien constater que certaines personnes ne réagissent pas aussi efficacement au traitement que nous l’aurions espéré, et que l’exposition à la méfloquine et la réaction subséquente retardent leur rétablissement. Que faisons-nous de ces gens? Dorénavant, je vais les envoyer chez un neuro-optométriste.
Quelles sont les autres options? Nous devons vraiment trouver quoi faire avec ces gens.
Voilà qui met fin aux témoignages d’aujourd’hui.
Au nom du Comité, je vous remercie tous les deux d’avoir pris le temps de témoigner aujourd’hui.
C’est la fin de la réunion.
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