:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également tous les membres du Comité de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de cette importante étude.
Je m'appelle Hélène Le Scelleur; je suis capitaine à la retraite. Je me suis jointe aux Forces armées canadiennes à l'âge de 17 ans. Le fait d'appartenir à quelque chose de plus grand que soi: voilà ce qui a motivé cette décision. En effet, je me voyais relever les défis proposés dans les publicités de recrutement.
J'ai fait mes preuves en tant que membre de la première cohorte de femmes dans l'infanterie de la Force de réserve, puis je me suis jointe à la Force régulière. Je me suis donnée corps et âme; j'ai pris ma place, et j'ai réussi dans ce milieu principalement masculin. J'ai toujours fait partie de l'élite des soldats, et j'ai été récompensée de multiples façons. Au cours de ma carrière, qui s'est échelonnée sur 26 ans, j'ai servi dans plusieurs unités: deux fois en ex-Yougoslavie et, en 2007, en Afghanistan. J'ai aussi été aide de camp de la très honorable Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada.
Ma carrière a été remplie de moments enrichissants et valorisants, tant comme membre du rang qu'à titre d'officier commandant.
En avril 2016, toutefois, j'ai été libérée des Forces pour des raisons médicales, à la suite d'un diagnostic de stress post-traumatique.
À partir du moment où l'on m'a attribué une catégorie médicale permanente jusqu'à ma libération des Forces, il s'est écoulé une période de deux ans et trois mois. La période de transition a été pénible, et elle a été ponctuée de moments de souffrance intense. J'ai eu des pensées suicidaires. Effectivement, comme plusieurs confrères et consoeurs, j'ai vécu des épisodes de pensées suicidaires graves et, si ce n'était de mon conjoint et de mes enfants, je ne serais pas ici pour témoigner devant vous.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le problème ne relève pas de ma transition sur le plan vocationnel, puisque j'ai été en mesure de poursuivre des études doctorales en service social. Le problème n'est pas non plus attribuable à une absence de soins de santé qui aurait exacerbé les symptômes liés à mon état. En fait, j'ai été très bien prise en charge par les professionnels de la santé: les psychiatres, les psychologues, la psychoéducatrice et mon médecin de famille.
Dans mon cas tout comme dans celui de tous les autres vétérans que je connais, qui se comptent par centaines, c'est l'aspect social de la transition qui a complètement été évacué du processus.
Le rapport du Sénat intitulé « La transition à la vie civile des anciens combattants », publié en 2014, se fait amplement l'écho de ce discours. La tendance actuelle est de maintenir l'accent sur l'importance de l'aspect vocationnel de la transition, sans toutefois que soit pris en compte un autre aspect inhérent à celle-ci, soit l'ajustement identitaire et interpersonnel.
De plus, lors des travaux du Comité permanent de la défense nationale, il a été mentionné que, malgré les nombreux projets de recherche dans les secteurs public et universitaire sur les blessures mentales, il demeure primordial d'être critique envers le corps médical, qui essaie désespérément de trouver une raison de nature biologique pour expliquer les troubles mentaux. Dans cette optique, il faut prendre en compte des dimensions autres que médicales dans le traitement des blessures de stress opérationnel, notamment la dimension identitaire du processus.
Dans le rapport du Sénat mentionné précédemment, le Comité permanent de la défense nationale souligne d'ailleurs que, malgré des efforts de sensibilisation soutenus et l'offre de service en santé mentale au sein des Forces armées canadiennes, ce sentiment de perte d'identité est susceptible de se manifester à la sortie des Forces, lequel accroît la souffrance psychique déjà présente.
Les Forces armées canadiennes se sont dotées de politiques claires quant à la réintégration du soldat au sein de sa famille, de même qu'au sein de son organisation lorsqu'il rejoint sa garnison, à la suite d'une mission en zone opérationnelle. Néanmoins, la réintégration du soldat à d'autres dimensions telles que son identité personnelle et sociale, après que ce dernier a participé à une guerre, semble être évacuée du processus actuel de transition.
De plus, peu de recherches ont été effectuées sur l'expérience subjective des militaires et des ex-militaires, sur l'évaluation du processus de transition de ceux-ci vers la libération des Forces armées canadiennes relativement à l'accroissement ou à la diminution de leur bien-être, ainsi que sur l'expression de leurs besoins hors de la contrainte des discours dominants.
À l'heure actuelle, il n'existe aucune littérature canadienne sur la réadaptation interpersonnelle concernant les vétérans et leur famille qui vivent une transition à la vie civile. Pierre Daigle, ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, met en lumière, dans son rapport de 2012, que le simple fait d'employer l'expression « retour à la vie civile » pourrait, de fait, être porteur d'une dimension de cette souffrance:
Enfin, l'expression « retour à la vie civile » est parfois employée par les dirigeants et administrateurs des [Forces canadiennes]. Cette expression dénature complètement la réalité à laquelle font face la plupart des militaires qui souffrent de [blessures de stress opérationnel] et ne sont plus aptes au service. Même si les données démographiques évoluent, aujourd'hui encore la majorité des membres des [Forces canadiennes] se sont enrôlés dans les forces armées au début de l'âge adulte et leurs fonctions en tant que marin, soldat ou aviateur sont tout ce qu'ils connaissent. Leur carrière militaire est la seule carrière à leur actif et elle constitue également une part importante de leur identité. Par conséquent, la notion de « retour à la vie civile » est toujours plus complexe et cathartique que l'expression le laisse entendre. La plupart du temps, il s'agit plutôt d'une arrivée dans la vie civile adulte que d'un retour, avec toutes les incertitudes et les appréhensions que cela entraîne.
Pour ma part, j'approuve entièrement ce qui a été présenté précédemment. L'édification d'un soldat, qui passe par la cérémonie de prestation du serment d'allégeance, la formation initiale du soldat, qui vise à sortir le civil en lui pour lui faire arborer l'unité militaire, et l'obtention du grade de militaire entraîné sont à la base de la construction identitaire du militaire. C'est l'incorporation de cette identité qui demeure, le reste de notre carrière.
Nous mettons beaucoup d'efforts à construire nos militaires, mais nous oublions qu'il faut les déconstruire à la sortie. Cette déconstruction ne peut passer par les programmes de transition actuels, parce qu'ils ne sont pas conçus pour penser à cet aspect. Nous devrions investir dans une formation de retour à la vie civile qui viserait à nous aider à nous retrouver en tant qu'individu, en passant par l'établissement de nos propres valeurs et de nos propres besoins, ce qu'un militaire n'a jamais fait, car nous pensons et agissons en équipe, et l'individualisme n'a pas sa place. Nous devons donc réapprendre à construire notre individualité.
Toutefois, cela n'est pas chose facile lorsque l'on vit la transition en situation d'isolement, ce qui est le cas pour toutes les personnes libérées pour des raisons médicales. Dès que le diagnostic est posé, l'étiquette suit et une forme de rejet s'installe immédiatement. Lentement, nous sommes mis à l'écart ou même transférés à l'Unité interarmées de soutien du personnel. Dès lors, tout le processus est individuel. Nous sommes placés en isolement et oubliés d'une certaine façon par le système qui nous a édifiés. Nous vivons la lourdeur de notre souffrance, en plus de sentir la lourdeur de ce rejet.
Nous passons à travers tout le processus de libération par nous-mêmes, sans soutien social, sans confrère ou pair aidant. Nous allons porter nos équipements, signe identitaire très important, et notre carte d'identité sans avoir de remerciements, sans recevoir aucun honneur ou aucune forme de loyauté envers ce que nous avons donné. Nous devons quémander notre départ dans la dignité et aucune parade n'existe pour souligner notre service, notre sacrifice.
Donc, posez-vous maintenant la question: est-il normal qu'une personne adopte des idées suicidaires, lorsqu'on additionne tout cela?
J'aurais souhaité avoir une sortie honorable. Le processus actuel semble nous laisser avec le goût amer qui sous-entend que, parce que nous sommes blessés, nous ne sommes plus suffisamment dignes de mention ou de respect pour ce que nous avons laissé au combat. Tout cela, je vous le confirme, est suffisant pour mener une personne souffrante au suicide.
Encore une fois, monsieur le président et membres du Comité, je suis extrêmement reconnaissante de cette occasion de témoigner aujourd'hui. Je crois sincèrement que des changements peuvent être apportés pour soutenir nos vétérans dans une transition honorable et respectueuse qui pourrait, j'en suis certaine, éviter une descente aux enfers vers un acte fatal.
Je serai heureuse de répondre à vos questions au sujet de ma situation et j'accueillerai avec plaisir vos commentaires.
Merci.
:
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous permettre de témoigner sur un sujet très important.
Je m'appelle Rae Banwarie. Je suis le président national de l'Association canadienne professionnelle de la police montée. Notre groupe tente d'organiser et de syndiquer la GRC. Sebastien Anderson, un avocat qui représente plusieurs membres dans de nombreux cas associés à la santé mentale et ses conséquences, se joint à moi aujourd'hui, en plus de Dave Reichert, un membre à la retraite qui aide de nombreux membres à faire la transition entre le service et la retraite. Comme le sait le Comité, tous nos membres sont d'anciens combattants qui ne travaillent plus dans les forces.
J'ai donné au greffier un dossier qui comprend une copie de mon exposé, notre mémoire et quelques pièces jointes, notamment un document sur une enquête réalisée par le commissaire à la protection de la vie privée du Canada au sujet d'un cas en santé mentale. Cette enquête est très importante. Vous trouverez également une lettre de la Croix-Bleue transmise à tous nos membres, qui porte sur les soins de santé et explique comment obtenir de l'aide.
Notre présentation se centre sur quatre points principaux: le manque de consultation de la GRC avec les employés et les organisations syndicales dans le cadre de l'élaboration de la stratégie en matière de santé mentale actuellement en place; l'accès aux cliniques pour traumatismes liés au stress opérationnel d'Anciens Combattants, également géré par le médecin en chef de la GRC; les services de santé offerts à nos membres, qui dépendent de la divulgation de leurs renseignements médicaux; la relation employeur-employé entre la GRC et ses psychologues et médecins, qui est très problématique.
Je vais commencer par la stratégie en matière de santé mentale et vous présenter quelques-uns des enjeux à cet égard.
Ce processus a été lancé en 2014 et constitue un pas dans la bonne direction, puisqu'il reconnaît l'importance de la santé mentale des agents de la GRC. Selon ce qui est énoncé, la stratégie semble veiller à ce que les membres reçoivent les soins de santé mentale dont ils ont besoin pour faire le travail policier. Toutefois, lorsqu'on creuse la stratégie, on constate que ce programme a été mis sur pied en collaboration avec des professionnels appartenant à un sous-groupe de l'organisation qui a conclu un marché avec la GRC, contrairement à ce qu'ont fait d'autres organismes policiers, comme la police d'Ottawa et la police de Victoria, qui ont invité des organismes indépendants à prendre part au processus.
La GRC a eu recours à ses propres médecins et psychologues approuvés, en plus de ses coordonnateurs en matière de retour au travail. À l'heure actuelle, dans tous les cas, dans chaque division du pays, le client de ces médecins et psychologues, c'est la GRC. Ce ne sont pas les membres; ils n'ont jamais été le client. Ces groupes suivent les directives de leur employeur et relèvent de la GRC, pas des membres qu'ils sont censés aider.
Quel a été l'apport des membres nationaux à la conception et à l'élaboration de ce programme? Nos membres et leur famille ne devraient-ils pas être à l'avant-plan, puisque ce sont eux qui ont recours au processus et aux ressources et qui sont visés par le programme? Dans les faits, cela n'a pas été le cas.
Qu'en est-il de notre association, qui défend et représente ses membres depuis 1994? Nous n'avons que très peu — voire pas du tout — participé au processus, même si nous travaillons sur le terrain et que nous offrons un soutien physique et affectif aux centaines de membres qui souffrent en raison de nombreux problèmes liés à leur travail au sein de la GRC, notamment le harcèlement, l'intimidation, le TSPT, la dépression, l'anxiété et les dépendances.
Grâce au travail de nombreux autres représentants nationaux, nous pouvons offrir un soutien affectif et physique à ces membres et à leur famille, partout au pays. Ce qui est le plus important pour nos membres — même ceux qui partent à la retraite et qui sont pris en charge par Anciens Combattants plutôt que par le programme de l'employeur pour les membres actifs —, c'est qu'ils peuvent nous faire confiance. À l'heure actuelle, nos membres ne font pas confiance à leur employeur, surtout sur le plan médical. Malheureusement, nous avons perdu de nombreux membres à cause du suicide. Mon mémoire fait référence à une étude sur la santé et la sécurité au travail, qui explique que 31 membres actifs et retraités de la GRC se sont enlevé la vie depuis 2006. C'est beaucoup, et il y en a eu d'autres avant cela. Combien? On ne le sait pas.
Si notre organisation tenait réellement à la santé mentale de ses membres, elle accepterait volontiers l'aide qui lui serait offerte par n'importe quel mécanisme de soutien, y compris nous. C'est moi qui ai communiqué avec notre commandant, le commandant de la plus grande division, la division E, et qui ai offert d'aider, de façon informelle, à examiner les plaintes de harcèlement et les griefs en suspens; ce sont souvent les signes précurseurs de situations pouvant devenir de plus en plus graves — le TSPT, l'anxiété, les BSO et toutes sortes de troubles.
À son mérite, il a accepté l'offre, mais nous ne pouvons le faire qu'à temps perdu, et jamais à temps plein. Depuis que nous avons commencé ce travail, notre taux de réussite est d'au moins 90 %. C'est dû en grande partie à notre indépendance et à la confiance que les membres ont en nous. Pour réduire les préjudices et régler tous les problèmes qui sévissent au sein de l'organisation, nous devons être en mesure de travailler à ce dossier à temps plein.
Je ne vous ai présenté qu'un aperçu d'un des points traités dans le mémoire. Lorsque le mémoire sera traduit et que vous l'aurez en main, je vous prie de prendre le temps de le lire attentivement. Nous sommes prêts, et je suis prêt, à fournir d'autres renseignements au Comité n'importe quand.
Je cède maintenant la parole à M. Dave Reichert, de la Retired Members Alliance. Il vous parlera de la situation du point de vue d'un membre à la retraite.
Merci.
Je m'appelle David Reichert. J'ai travaillé à la GRC pendant 35 ans. Il y a maintenant deux ans que je suis à la retraite.
La GRC est une grande organisation qui a pris de l'expansion et a évolué au point où les besoins de la gestion ont minimisé les besoins et la santé des membres. Un agent de la GRC qui déclare souffrir de problèmes de santé, de TSPT ou d'autres maladies est stigmatisé et il se fait vite ostraciser par les autres membres de l'organisation. Il se met alors à tenter d'obtenir du soutien dans le but de surmonter ses problèmes et d'effacer la honte qui s'y rattache.
La GRC devient la cliente, et le membre est à la merci de sa direction. C'est le service de santé de la GRC qui décide quels médecins, quels psychologues et quels spécialistes sont approuvés. Ces médecins travaillent avec le membre touché, tout en acceptant de suivre les règles et les instructions de la direction de la GRC. Ils acceptent ces conditions en sachant que d'autres patients leur seront envoyés et qu'ils deviendront les médecins privilégiés.
Le contrôle exercé par la GRC est rendu tel que c'est la GRC qui dit aux médecins ce qu'ils doivent faire, quels sont les résultats visés, ce qu'ils peuvent dire au sujet des traitements et comment les traitements sont appliqués. Dans certains cas, le membre n'est jamais informé de ce qui se passe.
Par ailleurs, la GRC emploie des tactiques d'intimidation. Par exemple, elle envoie des agents dans les cabinets médicaux pour qu'ils donnent des instructions aux médecins. Elle transmet des lettres à l'ordre des spécialistes pour se plaindre des actions des médecins. Elle rejette catégoriquement certains médecins et empêche les membres d'avoir recours à leurs services. En outre, les services de santé de la GRC ont déjà chargé leurs médecins de dire aux médecins payés par la force de retourner des gens au travail sans que les membres aient été consultés.
La confiance en la direction de la GRC décroît rapidement. Les renseignements personnels sur la santé sont souvent divulgués. La GRC a retiré des médecins à des patients de la GRC, sans faire de suivi pour veiller à leur sécurité et à leur santé. Elle a agi ainsi sans en informer les patients et en sachant que certains d'entre eux étaient suicidaires. Je le répète, il n'y a eu aucun suivi, aucun appel téléphonique, aucune orientation vers un autre médecin. Elle les a simplement laissés seuls.
Dans l'affaire concernant l'atteinte à la vie privée qui a touché l'ensemble du Canada, mais surtout la Colombie-Britannique, la GRC a transmis les dossiers de membres recevant les soins d'un psychologue particulier à l'ordre des médecins et les a divulgués aux membres. Il y a eu atteinte à la vie privée parce que les dossiers divulgués contenaient encore les noms et tous les détails.
La GRC n'a pas répondu aux griefs liés à cette atteinte. Nous lui avons envoyé de nombreuses lettres et nous lui avons donné beaucoup d'occasions de redresser la situation. J'ai participé à cette affaire et je lui ai donné toutes les possibilités d'apporter des changements. Tout ce que je voulais, c'était des changements. J'ai été obligé de passer par les tribunaux. J'ai payé l'avocat de ma poche, tandis que la force ou les membres impliqués ont utilisé les deniers publics pour payer leur défense et le procès. En gros, l'affaire a été très coûteuse et pénible.
La GRC proclame régulièrement que ses valeurs fondamentales sont l'honnêteté, l'intégrité, la compassion, la responsabilité et le professionnalisme. Or, lorsqu'un membre est témoin de la violation de ces valeurs et du mépris total de la GRC à l'égard de la santé des membres, il devient et il se sent très isolé.
La meilleure illustration de la responsabilité liée à l'abus de confiance et à l'atteinte à la vie privée se trouve peut-être dans la décision récente d'un tribunal d'accorder 100 millions de dollars aux femmes membres de la GRC ayant été victimes d'abus. C'était une très bonne décision, mais pas à tous les égards. Personne n'a été tenu responsable. La force n'a pas été obligée d'apporter un seul changement, et personne n'a été tenu responsable. Encore une fois, les 100 millions de dollars n'ont pas été puisés dans le budget de la GRC, mais bien dans les fonds publics. Les membres ont eu énormément de difficulté à accepter cette situation.
Aujourd'hui, plusieurs membres se retirent du processus visant à aider les autres, car ils trouvent que c'est devenu trop politique ou trop exigeant. La structure de paiement différé de la GRC cause également des problèmes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui. J'ai le privilège de prendre la parole au nom des membres de la GRC atteints d'une incapacité mentale qui hésitent à se défendre eux-mêmes en public par crainte de la stigmatisation liée aux maladies mentales et des répercussions possibles.
La GRC n'a pas de stratégie valable en matière de santé mentale. À cause des modifications à la Loi sur la GRC que le commissaire de la GRC a demandées, de la mise en œuvre par le gouvernement conservateur de la Loi visant à accroître la responsabilité de la GRC et de l'article 6 des consignes du commissaire, les membres de la GRC atteints d'une incapacité physique ou mentale, comme le trouble de stress post-traumatique, sont renvoyés pour des raisons médicales, sans que la GRC tente vraiment de prendre des mesures d'adaptation en fonction de leur incapacité. En réalité, la stratégie de la GRC en matière de santé mentale n'est qu'un ramassis de fadaises.
Au lieu de remplir leur obligation légale de prendre des mesures d'adaptation à l'intention des membres handicapés de la GRC en tentant de les réinstaller ou de les recycler, les agents des services de santé de la GRC se sont lancés dans une vaste campagne à l'échelle de la force pour les déclarer totalement incapables d'assumer une fonction à la GRC. Ils doivent donc être renvoyés pour des raisons médicales.
Par conséquent, d'innombrables membres handicapés de la GRC sont sommairement mis au rancart par la force. La façon dont la GRC traite ses membres handicapés est inadmissible. Non seulement le dur traitement de la GRC aggrave tout trouble mental sous-jacent chez les membres handicapés, mais il peut aussi mener au suicide.
Je souligne dans mon mémoire que les membres de la GRC n'ont pas accès aux services de réadaptation professionnelle qui sont généralement offerts aux membres des Forces armées. La seule explication, c'est que la GRC choisit de ne pas fournir ces services à ses membres.
Je présente deux études de cas dans mon mémoire et dans les annexes. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant, mais ces études décrivent deux affaires auxquelles nous travaillons actuellement au nom de membres individuels de la GRC et elles illustrent d'autres affaires que nous avons plaidées au nom de membres de la GRC de partout au pays. Nous sommes en quelque sorte un cabinet d'avocats basé à Coquitlam. Nous représentons des membres de la GRC de toutes les provinces canadiennes, sauf le Québec. C'est dans ce contexte que je présente mes observations.
Contrairement aux Forces armées canadiennes et aux régimes provinciaux d'indemnisation des accidents du travail, la GRC n'a pas de programme de réadaptation professionnelle. Or, un programme de réadaptation professionnelle est absolument essentiel à la prise de mesures d'adaptation à l'intention des membres assermentés de la GRC atteints d'une incapacité mentale ou physique bien diagnostiquée comme le TSPT, pour qu'ils occupent soit une autre fonction importante d'application de la loi, soit un emploi civil. Ainsi, ils peuvent demeurer de précieux membres de la société au travail, à la maison et dans la collectivité. Un programme de réadaptation professionnelle devrait comprendre les avantages suivants: des services de transition de carrière, des possibilités de réinstallation, du recyclage et la priorité d'embauche au sein de la fonction publique fédérale.
Les prestations et les programmes de réadaptation professionnelle devraient être offerts aux membres actuels et aux anciens membres de la GRC avant que la GRC engage un renvoi pour raisons médicales, comme c'est le cas pour les agents des forces policières municipales et provinciales, ainsi que pour la majorité des employés des gouvernements fédéral et provinciaux et du secteur privé, qui bénéficient de prestations et de programmes de réadaptation professionnelle par l'intermédiaire des divers régimes d'indemnisation des accidents du travail.
Voilà les observations que je voulais présenter.
:
Bonjour, monsieur le président, bonjour, mesdames et messieurs.
Je suis ravie d'être ici aujourd'hui. Je m'appelle Debbie Lowther. Je suis présidente et co-fondatrice de Veterans Emergency Transition Services, ou VETS Canada. Je suis aussi l'épouse d'un ancien combattant des Forces armées canadiennes, un homme qui a servi le Canada avec fierté pendant 15 ans, jusqu'à ce que des blessures physiques et psychologiques mettent prématurément fin à sa carrière. Il a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique en 2002 et a été libéré en 2005. Nous avons fondé VETS Canada ensemble en 2010.
VETS Canada est un organisme qui vient en aide aux anciens combattants qui sont sans abri, à risque de devenir sans abri ou en situation de crise. Jusqu'à maintenant, nous avons aidé au-delà de 1 400 anciens combattants partout au pays. La grande majorité d'entre eux souffraient de troubles de santé mentale, certains diagnostiqués, d'autres pas encore. Une partie de nos bénévoles ont déjà travaillé dans le domaine de la santé, mais nous ne sommes ni un organisme de soins de santé ni des chercheurs. Nous sommes simplement un groupe de plus de 500 bénévoles qui travaillent de près avec des anciens combattants qui, pour une raison ou pour une autre, se trouvent en situation de crise.
À ce titre, j'aimerais vous présenter nos observations sur le chapitre de la santé mentale et de la prévention du suicide. Je tiens également à souligner que la majorité de nos bénévoles sont des membres actuels et d'anciens membres des Forces armées canadiennes et de la GRC, ainsi que des membres de leurs familles. Nombre d'entre eux ont aussi eu à surmonter des problèmes de santé mentale ou en affrontent encore. Le service militaire et les problèmes de santé mentale sont donc des liens qui unissent les parties et qui favorisent le soutien par les pairs, et nous avons appris que ce soutien est un élément essentiel au succès de deux transitions: celle de la vie militaire à la vie civile, et celle d'une vie en crise à une vie stable.
Comme je l'ai déjà dit, la majorité des anciens combattants que nous aidons ont des troubles de santé mentale. Beaucoup se retrouvent à la rue parce qu'ils n'ont pas reçu les soins médicaux dont ils avaient besoin pour guérir. Ils n'ont pas reçu ces soins soit parce qu'ils n'ont pas demandé d'aide, soit parce que l'aide qu'ils ont obtenue n'était pas suffisante: les listes d'attente pour consulter des intervenants en santé mentale sont longues, et c'est difficile de trouver des fournisseurs de soins de santé mentale ayant une connaissance et une expérience du traitement du TSPT.
Il y a longtemps que les anciens combattants demandent un centre de traitement qui soignerait uniquement les anciens combattants. Les anciens combattants peuvent aller à Homewood et à Bellwood. Je ne critique pas ces programmes; nous connaissons des anciens combattants qui les ont suivis avec succès. Or, ces centres dépendent fortement de la thérapie de groupe, ce qui est très bien si les membres du groupe ont d'autres points en commun que la maladie mentale.
À titre d'exemple, j'aimerais vous répéter ce qu'un ancien combattant ayant fréquenté Homewood m'a expliqué. L'ancien combattant avait participé à deux missions, une en Bosnie et une en Afghanistan, et il avait été témoin d'atrocités. Pendant son séjour à Homewood, il a participé à une thérapie de groupe, et voici ce qu'il m'a dit: « Comment puis-je parler de trouver des fosses communes durant un combat sanglant alors que la fille à côté de moi parle des problèmes qu'elle a avec ses parents? » Il ne tentait certainement pas de diminuer l'importance des problèmes de la personne en question; il craignait plutôt de transmettre les pensées et les visions qui le hantaient à quelqu'un d'autre.
Je sais que beaucoup d'anciens combattants atteints de TSPT ont la même préoccupation. Au début de son traitement pour le TSPT, mon mari hésitait beaucoup à parler ouvertement, car il avait peur de transférer son tourment à l'esprit du psychologue qu'il consultait à l'époque. Un centre de traitement réservé aux anciens combattants serait certainement plus efficace, car nous savons que les anciens combattants sont plus réceptifs au traitement lorsqu'ils sont entourés de leurs pairs, de gens qui les comprennent.
Nous avons constaté que les hommes et les femmes qui portent l'uniforme sont souvent obligés d'y renoncer avant d'être prêts à le faire, tant mentalement que financièrement. Il y a longtemps qu'on entend parler de combler l'écart, mais l'écart existe encore. Ces situations ont ce qu'on pourrait appeler un effet domino. Dans les cas de renvoi pour raisons médicales, premièrement, le membre souffre d'une blessure physique ou mentale. Deuxièmement, il perd sa carrière, sa raison d'être et son réseau de soutien. Troisièmement, il attend beaucoup trop longtemps avant de commencer à toucher ses prestations; il épuise donc ses économies et il utilise ses cartes de crédit jusqu'à leur limite. Quatrièmement, nous savons tous que les difficultés financières causent souvent la rupture conjugale, ou du moins la discorde.
Imaginez avoir à faire face à tout cela tout en luttant contre des troubles de santé mentale comme le TSPT, la dépression ou l'anxiété. Chaque situation stressante a tendance à rendre la prochaine encore plus stressante, et il devient de plus en plus dur de les affronter. La perte d'emploi, les difficultés financières et la rupture conjugale ou familiale sont tous des facteurs qui ont une incidence sur la santé mentale. Même une personne qui n'est pas atteinte de troubles de santé mentale aurait de la difficulté à maîtriser l'effet domino d'une série de situations stressantes.
Je tiens également à souligner qu'une libération représente bien plus que la simple perte d'un emploi ou d'une carrière: servir dans l'armée est un mode de vie, une culture en soi, et cela fait partie de l'identité du membre. Si vous demandiez à mon mari à quelle division de l'armée il appartenait, il vous répondrait tout simplement qu'il était militaire.
Les hommes et les femmes qui s'enrôlent dans l'armée suivent un entraînement de base pour apprendre cette nouvelle culture ou ce mode de vie. Ils deviennent des soldats. À la fin de leur carrière, il devrait peut-être y avoir un atelier où on enseignerait aux soldats, aux marins ou aux aviateurs comment devenir des civils.
De plus, les membres en voie d'être libérés devraient pouvoir recevoir du soutien de la part d'un pair qui a déjà vécu l'expérience. Cela pourrait être bénéfique. Comme je l'ai dit plus tôt, nous savons que le soutien par les pairs est essentiel pour assurer une bonne transition.
J'aimerais revenir brièvement sur le processus de libération médicale, car cela se rapporte à cet écart qui subsiste.
Lorsqu'un membre est libéré de l'armée à cause d'une blessure — une blessure physique ou mentale subie durant le service — diagnostiquée par un médecin militaire des Forces armées canadiennes, le membre doit se tourner vers un nouveau ministère, Anciens Combattants Canada. On s'imagine que le ministère va accepter le diagnostic prononcé par le médecin des Forces armées canadiennes, mais non, ce n'est pas le cas. Le membre doit aussi être évalué par un médecin approuvé par le ministère des Anciens Combattants. Si ce nouveau médecin n'est pas d'accord avec le diagnostic posé par le médecin des Forces armées canadiennes, que se passe-t-il alors? En fonction de l'opinion de ce médecin, le membre pourrait ne pas recevoir d'indemnité d'invalidité, ce qui lui causerait encore plus de stress financier. Un appel de cette décision pourrait aussi s'avérer une source de stress psychologique dont il n'a vraiment pas besoin.
Je sais que vous savez tout cela. On vous en a déjà parlé auparavant. En fait, je vous en ai moi-même parlé la dernière fois que j'ai témoigné. Selon moi, ce processus est une perte de temps et d'argent, mais surtout, il cause du stress inutile aux membres blessés.
En terminant, j'aimerais parler de la prévention du suicide. Je ne crois pas qu'il existe de moyen concret de prévenir les suicides, mais j'estime que certaines mesures peuvent être mises en place pour en réduire le nombre. Tout d'abord, il faudrait que le membre puisse rester dans les forces armées jusqu'à ce que tout soit en place pour qu'il puisse passer du MDN à ACC en toute harmonie. Il devrait peut-être y avoir un gestionnaire de cas qui veille à ce que tous les documents soient remplis adéquatement et à ce que rien ne se perde, comme cela semble être le cas en ce moment. Il faudrait notamment que les demandes de prestations par l'intermédiaire d'ACC et du RARM soient présentées avant la libération du membre. Un solide réseau de soutien par les pairs pourrait également contribuer à prévenir le suicide, y compris un programme de traitement adapté aux anciens combattants.
Je vous remercie, encore une fois, de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui et de nous donner votre point de vue.
Debbie, vous avez tout à fait raison: nous avons déjà entendu bon nombre des questions que vous avez soulevées, et ce, à maintes reprises. Pour être honnête, ce sont des choses dont on a souvent parlé en comité. Apparemment, il est difficile d'agir concrètement.
Les mesures que vous proposez sont simples, claires et précises, et je suis heureuse de dire que bon nombre d'entre elles figurent dans notre rapport. Le défi, bien sûr, consiste à les mettre en oeuvre afin de combler cet écart, et c'est ce que tout le monde veut dans cette pièce. Plus j'ai l'occasion d'être ici... J'ai été dans les affaires pendant longtemps et je dois dire, en toute honnêteté, qu'il m'arrive de vouloir congédier tout le monde et de recommencer à zéro. Je n'en dirai pas plus.
Des voix: Ah, ah!
Mme Cathay Wagantall: Hélène, j'aimerais que vous nous parliez un peu du processus de déconstruction, car c'est quelque chose que j'ai mentionné dès le début.
Nous savons ce qu'il faut pour former les soldats. Je viens de m'entretenir avec les parents de Patrick Rushowick, qui s'est suicidé dans ma circonscription. Vous avez raison: ils n'avaient pas la moindre idée de ce que leur fils vivait. Je sais que cette information n'est pas transmise aux membres de la famille ni aux gens qui, possiblement... Lorsque vous parlez d'un programme de déconstruction, qu'envisagez-vous exactement? Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus? J'adresse ma question à quiconque veut répondre.
:
Du côté de la GRC, on n'a personne vers qui se tourner. Nous n'avons aucune association, mise à part l'APPMC, qui n'a pas encore été approuvée comme étant notre section. Nous ne pouvons pas nous adresser à l'organisation ni au médecin; nous sommes laissés à nous-mêmes. Nous pouvons évidemment déposer des griefs, mais dans les cas les plus rapides, cela peut prendre cinq ans avant d'obtenir des résultats. Donc, oui, on peut déposer des griefs au moment de prendre sa retraite, mais encore une fois, on n'a personne vers qui se tourner. Certains griefs ont été déposés il y a plus de 12 ans et n'ont toujours pas été réglés. À part retenir les services d'un avocat, on n'a personne à qui s'adresser tout simplement.
J'ai en tête trois membres, dont un en particulier qui attend à la maison depuis 16 ans, avec son plein salaire, qu'une décision soit rendue concernant un grief. Je connais un autre membre, à Langley, qui attend à la maison, sans aucun problème de santé ni autre chose du genre, avec plein salaire, qu'une décision soit prise relativement à un grief déposé il y a 10 ans. Le dernier est un sergent d'état-major, du quartier général de la Division E, en Colombie-Britannique, qui attend à la maison qu'une décision soit rendue depuis cinq ans.
Ces personnes sont prêtes à retourner travailler et elles ne souffrent d'aucun problème de santé mentale, même si elles commencent réellement à souffrir de cette situation. Je pense qu'il serait important de mettre en place un processus où on pourrait répondre à nos questions avant la retraite. À l'heure actuelle, lorsqu'on quitte la GRC, on signe un document puis c'est fini.
Je sais que dans la Ligue nationale de hockey, il y a une séance d'information au cours de laquelle on enseigne aux joueurs de la LNH comment reprendre une vie normale. Cela fait partie du processus qui permet de sauver des vies et d'aider ces gens à réintégrer la société. Il n'y a rien de tout cela à la GRC. Il n'y a aucun comité de surveillance ni personne pour veiller à notre transition. Il est très important que nous puissions recevoir de l'aide. Actifs ou retraités, les membres n'ont personne vers qui se tourner, et c'est d'ailleurs pourquoi certains songent au suicide. Ils se sentent abandonnés.
:
Je vous remercie beaucoup de la question.
En pratique, si un membre de la GRC doit consulter un psychologue qui ne participe pas au régime de la Croix bleue qui est offert, la seule possibilité qui s'offre à lui est de choisir l'un des psychologues parmi ceux de la liste des fournisseurs de services approuvés de la GRC. Les membres sont tenus de consulter un fournisseur de services approuvé. Les heures de consultation auprès d'un fournisseur de services sont approuvées par tranches de 10 heures. Pour obtenir 10 heures supplémentaires, le fournisseur doit fournir des notes d'information détaillées comprenant le diagnostic et la teneur des discussions au cours des séances. Toutes ces informations sont communiquées au bureau des services de santé par le fournisseur de services. Si ces renseignements ne sont pas fournis et que le membre refuse d'autoriser le psychologue à divulguer ces informations, le service est interrompu et le membre ne reçoit pas de traitement. C'est ce qui s'est produit dans les deux cas que j'ai cités dans l'étude de cas.
Le premier cas était celui d'un membre souffrant du TSPT qui participait à un programme de retour au travail progressif approuvé par la GRC. Son fournisseur de soins de santé, un psychologue, avait été approuvé par la GRC et par le membre. La GRC a failli à la tâche à chaque étape du programme de retour au travail progressif. Tout d'abord, l'achèvement du processus d'autorisation de sécurité a pris plusieurs mois; le membre a été tenu de remplir le formulaire long, comme celui que doivent remplir les nouveaux employés, plutôt que le formulaire court. Ensuite, la GRC lui a fourni un ordinateur portable, mais comme la pile est défectueuse, le portable doit être branché dans une prise murale. Le problème n'est toujours pas réglé. On a mis trois mois pour lui fournir la clé de sécurité. Enfin, lorsque tout a été mis en place, la GRC ne lui a confié aucune tâche valorisante à accomplir dans le cadre du programme de retour au travail progressif.
Un supérieur hiérarchique lui a ensuite donné l'ordre de se présenter au travail — ce qui est contraire aux modalités du programme de retour au travail progressif —, sous peine de sanctions disciplinaires. Il y a trois ans, la GRC a annulé le financement des traitements fournis par le psychologue. Le membre est toujours en congé de maladie.
:
À l'heure actuelle, on a la capacité par l'entremise d'Anciens Combattants de se présenter à une clinique TSO, selon le diagnostic, que ce soit le TSPT, l'anxiété, une dépression ou peu importe. Si j'ai bien compris, le processus a changé. Avant, on pouvait être recommandé par son médecin de famille. Maintenant, il faut une recommandation de son médecin et des services de santé par l'entremise de la GRC. C'est un énorme problème pour bien des gens.
Je dois encore une fois revenir à la question de la confiance. Cela fait partie du problème: le fait d'être perçu comme étant le maillon faible. Les préjugés existent encore, et particulièrement dans notre organisation, en ce qui concerne la santé mentale. Il y a de nombreuses banalités, articles, documents, mais lorsqu'on commence à creuser plus loin pour voir si le système fonctionne bien, on constate qu'il y a de graves lacunes.
J'ai également reçu un diagnostic de TSO, et je sais à quel point c'est difficile et comment ce trouble vous affecte de bien des façons différentes. Il y a de nombreux problèmes, et je cherche les solutions également, car je suis une personne qui tient beaucoup à trouver des solutions. Je veux voir ce qui se fait ailleurs. Que font les corps policiers avec les autres organismes? Ce qui est très important, c'est qu'une entité indépendante comme l'association de police travaille en collaboration avec l'employeur pour régler bon nombre des failles et des lacunes.
Pour ce qui est du changement en vertu duquel il faut l'approbation de l'agent des services de santé, bien souvent, ce n'est qu'un sous-officier qui travaille conjointement avec les médecins et les psychologues qui sont payés par la force et qui relèvent de la force.
Donnons un exemple pratique. Vous vous présentez à une clinique. Vous avez vécu bien des choses. Vous recevez un diagnostic de traumatisme lié au stress professionnel, que ce soit le TSPT, de l'anxiété, une dépression ou peu importe. Le processus actuel par l'entremise de la Croix Bleue vous accorde six heures pour consulter un psychologue. Après quoi, vous devez présenter une demande pour avoir le feu vert des services de santé afin de pouvoir continuer de recevoir des traitements.
Dans mon mémoire, vous verrez une lettre qui a été envoyée à tous les membres de la Croix Bleue, et je dois vous la remettre, car elle est très importante. On peut lire que lorsqu'on utilise le programme, les « autorités législatives et réglementaires pour recueillir, utiliser et divulguer vos renseignements personnels sont incluses dans » la nouvelle loi que mon collègue, M. Anderson, a mentionnée. On peut y lire ceci: « En utilisant cette carte, vous autorisez la GRC, la Croix Bleue Medavie, ses agents et ses fournisseurs de services à recueillir, à utiliser et à divulguer des renseignements à votre sujet au titre des soins complémentaires et des soins professionnels [...] » La seule façon que l'on peut recevoir ces services est en acceptant de divulguer vos renseignements personnels.
J'ai également inclus dans le mémoire la lettre que j'ai adressée au chef de la protection des renseignements personnels à la Croix Bleue dans laquelle je demande qui sont ces agents. Qui sont ces autres personnes? Dans une situation donnée, le chef de la protection des renseignements personnels... Ce serait exactement comme si vous consultiez votre médecin et que vous appreniez par après que votre employeur sait tout à propos de vous et de votre situation. C'est un signal d'alarme. C'est ce qui se passe avec les membres qui nous téléphonent. C'est très simple; c'est le point de départ.
:
Il y a de nombreux éléments à considérer. Je suis un fier membre de l'organisation, un membre actif, et je dirige des efforts en vue d'apporter de nombreux changements. Au final, lorsque l'on met tout de côté, que l'on fait abstraction de tout, c'est une question de contrôle où l'on oublie ce que les gens veulent entendre et voir et où l'on oublie ce qui se passe vraiment.
Le cas qui a été mentionné, l'atteinte à la vie privée, est un exemple clair de ces préjugés. Nous venons activement en aide à nos membres. Ils font appel à nous. Ils nous font confiance. On ne nous donne pas la capacité de faire ce travail à temps plein pour sauver des vies, aider les gens et améliorer leur vie.
La direction vous parle constamment de tous ces programmes et processus formidables. J'ai eu la même discussion avec plusieurs cadres supérieurs. J'ai dit que vous pouvez mettre en place autant de programmes et de processus en place que vous le voulez, mais aucun d'eux n'aura de l'importance s'il y a un manque de confiance. C'est un élément clé qui fait défaut.
Le Dr Webster est l'un des psychologues. Il y en a un autre, le Dr Passey, un psychologue bien connu en Colombie-Britannique qui a dénoncé les mêmes problèmes et qui se trouve dans la même situation. En examinant cette idée ou le problème sous un angle différent, je me suis rendu compte de l'existence dans différentes provinces — l'Ontario, le Manitoba et, je pense, l'Alberta — de lois présomptives pour le TSPT. La plus grande division au pays, qui se trouve en Colombie-Britannique, n'a pas ces mesures pour tous les premiers répondants. Je ne parle pas seulement des policiers; je parle ici des militaires, des pompiers et des ambulanciers. Ce sont des mesures essentielles qui doivent être en place.
Un député néo-démocrate en Colombie-Britannique, Shane Simpson, a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire — je n'ai pas le numéro sous les yeux — pour essayer que ce soit reconnu dans la province de la Colombie-Britannique. Le projet de loi n'a abouti à rien.
:
Absolument, oui. Cependant, nous sommes là et nous reconnaissons que dans une organisation de l'importance de la nôtre, il y aura toujours des problèmes, mais pas au point où cela se produit.
Si on vous offre de l'aide et des solutions pour atténuer le préjudice, pourquoi ne l'accepteriez-vous pas? La seule raison pour laquelle vous ne l'accepteriez pas, c'est le contrôle. Avec cela, vous avez touché à un facteur essentiel, concernant l'absence de responsabilisation. C'est un très gros problème.
Si vous prenez d'autres organisations — par exemple, des organisations importantes, des services policiers — et si vous voulez vous pencher particulièrement sur notre organisation, comment ces organisations gèrent-elles la situation? Que font-elles différemment? Pourquoi ne voyez-vous pas tous ces problèmes se produire au sein de la police métropolitaine de Toronto ou de la PPO?
Cela s'explique très simplement en partie parce qu'ils ont un organisme indépendant qui demande des comptes à la direction. Il y a aussi une convention collective qui établit le cadre des responsabilités de la direction ainsi que des membres; s'il y a des problèmes, voici comment on les résout, et ce, rapidement.
Cela fait partie du processus. Cela fait partie de ce qui assure la bonne santé des membres et des organisations et de ce qui contribue à leur bien-être général; ils sont au fait des problèmes qui se produisent, s'y attaquent, et ce, dans la neutralité. C'est ce qui manque ici. Si vous réglez cela, vous allez changer la culture. Si vous changez la culture, vous allez changer la GRC. C'est la solution, et c'est la raison pour laquelle ce travail est si important.
Les dossiers, les enquêtes et toutes ces choses — c'est important, mais vos gens sont plus importants que tout cela.