:
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 25 février, le Comité reprend son étude sur la prestation de services aux anciens combattants.
Nous discuterons également de questions administratives à la fin de la séance.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
Accueillons d'abord Nancy Dussault, directrice des soins infirmiers à la Maison La Vigile, ainsi que Denis Simard, qui en est directeur général. Nous recevons également deux représentants du Réseau de transition des vétérans : le sergent à la retraite Doug Allen, coordonnateur des programmes pour l'Atlantique, ainsi qu'Oliver Thorne, directeur des opérations nationales.
Nous suivrons l'ordre dans lequel je vous ai présentés. Chaque groupe de témoins disposera de 10 minutes, après quoi il y aura une période de questions.
Nous commencerons par La Vigile.
Merci, allez-y.
:
Monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Jacques Denis Simard. Je suis actuellement le directeur général de la Maison La Vigile, et j'en suis le président fondateur. Nous avons obtenu nos lettres patentes en 1999.
De 1999 à 2012, nous avons oeuvré avec d'autres maisons de thérapie dans la région de Québec. Depuis 2012, nous avons notre propre maison de thérapie avec notre expertise et des ateliers pour les personnes qui portent l'uniforme.
Au cours de ma carrière, pendant 8 mois, soit de juin 1970 à février 1971, j'ai fait partie du Royal 22e Régiment à Québec.
Par la suite, j'ai travaillé au sein de la Sûreté du Québec pendant 33 ans, soit de 1972 à 2005.
En 1988, j'ai été dégagé de mes fonctions policières pour exercer un travail d'intervenant et de responsable du programme d’aide au personnel à la Sûreté du Québec opéré par des pairs pour la région Est du Québec. C'est à ce moment-là que j'ai vu l'urgence d'avoir une maison de thérapie pour venir en aide spécifiquement aux personnes qui portent l'uniforme en raison des nombreux cas de détresse que nous devions traiter et qui étaient exprimés au téléphone.
Je cède la parole à Mme Dussault. Par la suite, je vous présenterai les services de la Maison La Vigile.
:
Bonjour, monsieur le président.
Bonjour tout le monde.
Je m'appelle Nancy Dussault et je suis directrice des soins infirmiers à la Maison La Vigile.
Je suis infirmière depuis maintenant 23 ans. J'ai oeuvré dans différents milieux, soit ceux hospitalier, de la réadaptation et de la gériatrie. Depuis les 15 dernières années, j'oeuvre dans le domaine de la santé mentale.
De 2002 à 2014, j'ai occupé le poste de coordonnatrice de l'équipe de service de première ligne du programme CONSTRUIRE en santé de la Commission de la construction du Québec. Ce programme est offert à 250 000 assurés. Il s'agit d'une ligne téléphonique disponible 24 heures par jour. C'est un service d'urgence pour les gens ayant des problèmes psychologiques, de dépendance, de violence et de santé physique.
J'ai effectué un changement de carrière en mai 2014 et je suis arrivée à la Maison La Vigile. Je suis directrice des soins infirmiers et mon rôle est principalement d'évaluer la clientèle. Je supervise le processus de sevrage d'alcool et l'état de santé physique et mental de la clientèle à l'intérieur des murs de la Maison La Vigile.
En plus de ma formation d'infirmière, j'ai également suivi une formation en psychothérapie psychodynamique et je termine actuellement un certificat en psychologie.
J'ai aussi suivi de nombreuses séances de formation en intervention de crise pour les comportements suicidaires, les troubles de la personnalité, le trouble de stress post-traumatique et également les troubles dépressifs. C'est donc en résumé mon parcours professionnel.
Je cède maintenant la parole à M. Jacques Denis Simard, qui va vous présenter nos services.
:
La Maison La Vigile comporte quatre divisions. La première est la Maison d'accueil, qui compte six services de thérapie différents. Je vais y revenir plus tard. La deuxième est le PAPV, soit le Programme d’aide aux personnes vigiles. La troisième est la formation. La quatrième comprend la recherche et le développement.
L'étoile dans le logo représente les personnes qui exercent un travail de vigilance dans la société. Elle symbolise aussi la bonne étoile de ceux qui protègent la population. C'est également la mission de La Vigile de protéger ceux qui viennent nous rencontrer. Le coeur du logo symbolise l'humanisme de ces personnes, du personnel et des clients. La double barre symbolise la Maison, soit un toit. C'est un lieu de réconfort pour les personnes qui portent l'uniforme. Vous voyez aussi dans le logo trois personnes qui ne sont pas identifiées, ce qui signifie que toutes les personnes portant l'uniforme ont accès à la maison de thérapie La Vigile.
La maison d'accueil La Vigile est située à Québec. Nous pouvons accueillir 16 personnes à la fois pour des séjours variant d'une semaine à un mois. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui a pour objectif de venir en aide aux personnes et aux intervenants de première ligne qui portent l'uniforme ou qui l'ont porté. Nous offrons également la possibilité à notre clientèle et à leur famille d'utiliser notre ligne d'écoute 24 heures sur 24.
Nous sommes connus dans toute la province de Québec. La clientèle visée par nos services comprend les policiers, les militaires, les anciens combattants, les pompiers, les agents de la paix, les professionnels de la santé — infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux, médecins, pharmaciens, etc. —, les proches, les conjoints et conjointes, ainsi que les enfants de plus de 18 ans, les retraités ayant porté l'uniforme et d'autres citoyens, au besoin.
Nous offrons deux programmes de 30 jours, soit le programme sur la dépendance et le programme sur la dépression. Tous nos programmes reposent sur des ateliers psychoéducatifs liés à l'approche cognitivo-comportementale car c'est l'approche recommandée par les professionnels de la santé, plus particulièrement pour les personnes portant l'uniforme ou l'ayant porté.
Dans le cadre du programme sur la dépendance, nous offrons la possibilité d'effectuer un sevrage de l'alcool et de la drogue sous supervision médicale. Ce programme est disponible 24 heures sur 24. Nous offrons aussi des rencontres individuelles deux fois par semaine avec un intervenant et plus d'une vingtaine de rencontres de groupe et d'ateliers chaque semaine portant sur différents thèmes liés à la dépendance.
Le programme sur la dépression repose sur des objectifs tels que l'amélioration de la connaissance de soi, la connaissance de la dépression et de ses impacts, le développement de stratégies d'adaptation et l'amélioration des relations interpersonnelles. Il inclut l'enseignement de moyens d'apaisement et un cheminement individuel comportant huit rencontres individuelles.
L'atelier court, soit l'atelier sur le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, fait partie des ateliers psychoéducatifs. Nous travaillons davantage à partir des connaissances générales sur le TSPT, les croyances fondamentales, les stratégies de gestion des symptômes, la gestion des émotions, les distorsions cognitives et les divers moyens d'apaisement. Nous tentons de faire en sorte que les participants à ce programme en viennent à comprendre pourquoi ils ont des malaises ou certaines pensées et réactions négatives. Selon Kessler, 80 % des personnes atteintes de TSPT souffrent également d'un autre trouble psychologique.
La gestion de l'anxiété touche les manifestations de celle-ci, les distorsions cognitives, les stratégies d'adaptation, les pensées automatiques, les facteurs de vulnérabilité au stress, les risques reliés à l'automédication, les stratégies de contrôle et les moyens d'apaisement.
Nous offrons aussi un programme de gestion de la colère, qui se déroule sur huit jours. Le principe de base est que l'émotion de la colère est bonne en soi, mais qu'une personne qui la canalise d'une autre façon peut se mettre en difficulté. Nous abordons le concept de la colère et son utilité, les divers types de colère, les conséquences d'une mauvaise gestion de celle-ci , les déclencheurs, les perceptions et la réalité ainsi que les étapes de la gestion des émotions.
Pour les personnes qui viennent chez nous, les services de répit répondent au besoin de prendre un temps d'arrêt pour diverses raisons.
La durée est variable. Cela peut aller de deux jours jusqu'à quatre mois et demi. Je ne développerai pas davantage, car je veux avoir le temps de terminer ma présentation.
La deuxième division est le programme d'aide aux personnes vigiles. Nous avons des contrats de services avec la Sûreté du Québec, la MRC des Collines-de-l'Outaouais et la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN pour desservir leur clientèle avec un programme d'aide externe. Tous ces employés ont accès gratuitement à la Maison La Vigile et à la consultation externe, et ce, sans limite d'entrevues.
La troisième division est celle de la formation. Nous sommes experts dans la formation des personnes qui portent l'uniforme. Nous offrons une formation de sentinelle et une formation sur les interventions qui portent en particulier sur le stress.
Nous offrons une formation de sentinelle à des policiers de la Ville de Lévis et à des gens de la MRC des Collines-de-l'Outaouais. Nous préparons une autre formation à l'intention des répartiteurs du Service de police de la Ville de Montréal.
Nous avons aussi donné une formation sur le terrain à des pompiers de Lévis, de Kingsey Falls et de Danville, ainsi qu'à des caméramans et à des journalistes de Radio-Canada. Nous avons aussi donné de la formation sur le stress à des membres du Service de police de la Ville de Québec.
La quatrième division est la recherche-développement. Nous offrons à des étudiants de l'Université Laval et de cégeps de venir faire des stages chez nous en psychoéducation, en service social ainsi qu'en techniques d'intervention en délinquance et en toxicomanie.
Dans un deuxième volet, La Vigile organise un congrès international, en partenariat avec l'École nationale de police du Québec. Ce congrès aura lieu en 2018 et il portera sur les enjeux de santé et de sécurité publique.
Cela termine ma présentation. Mme Dussault va continuer.
:
Je vais donner des chiffres sur l'admission des clients à nos programmes. De 2013 à 2015, 36 % des demandes concernaient un problème de dépendance, 32 %, la dépression, 19 %, notre service de répit, 8 %, le trouble de stress post-traumatique, 4 %, la gestion de la colère, et 1 %, la gestion de l'anxiété.
Ce qu'il est important de comprendre ici, c'est que quelqu'un dans un même programme, par exemple celui qui concerne la dépendance, peut également avoir un diagnostic de dépression et de trouble de stress post-traumatique, ainsi qu'un problème de gestion de la colère et d'anxiété. De plus, 58 % de notre clientèle présente des idées suicidaires.
Les demandes de la clientèle d'Anciens Combattants Canada proviennent principalement des gestionnaires de cas de ce ministère, de la clinique de trouble de stress opérationnel, du programme SSBSO — pour le soutien social et les blessures de stress opérationnel — ou directement d'un ancien combattant qui nous appelle. Dans ce dernier cas, l'ancien combattant est orienté à Anciens Combattants Canada pour parler à un gestionnaire de cas qui, par la suite, fera le pont avec nous en ce qui a trait à sa demande. En général, la confirmation de séjour à La Vigile de la part des gestionnaires de cas d'Anciens Combattants Canada prend moins de 48 heures.
Le principal motif d'admission des militaires et des anciens combattants concerne une dépendance, donc pour le sevrage d'alcool et de drogue, qui nécessite une surveillance 24 heures sur 24 par le personnel médical ainsi qu'une participation aux ateliers psychoéducatifs.
La Vigile est la seule maison spécialisée pour les personnes en uniforme au Québec qui offre un service médical 24 heures sur 24 pour le sevrage d'alcool. Il est important de comprendre que le sevrage d'alcool comporte des risques, surtout pendant les 48 premières après l'arrêt de la consommation. Il y a des risques de convulsions, de délirium et même de mort. La présence de personnel médical est nécessaire pour les 48 premières heures.
Le service de répit est aussi très en demande pour des problèmes liés à la gestion des symptômes de stress post-traumatique, à l'anxiété, aux symptômes de dépression, aux idées suicidaires, aux saines habitudes de vie et aux tensions vécues par le milieu familial et celui du travail.
Je vais maintenant parler des critères d'exclusion à nos programmes.
L'infirmière doit d'abord compléter un questionnaire de préadmission...
:
... par téléphone. Les critères d'exclusion sont les suivants : un risque élevé pour un sevrage d'alcool, soit 20 consommations et plus par jour; un risque imminent de menaces suicidaires, homicidaires ou de violence; une instabilité majeure sur le plan psychologique, par exemple des psychoses, des comportements agressifs lors de l'évaluation et le refus de se soumettre aux règles de vie de la maison.
En ce qui concerne les pourcentages d'utilisation de nos services, de 2013 à 2015, les militaires représentaient 22 % de notre clientèle, les anciens combattants, 19 %, les autres métiers d'uniforme, 42 %, et les civils, 17 %.
Jusqu'à maintenant, pour l'année 2016, les militaires représentent 12 % de notre clientèle, les anciens combattants, 29 %, les autres métiers d'uniforme, 47 %, et les civils, 12 %.
Quatre-vingt-quatorze pour cent de notre clientèle se dit satisfaite des services reçus à La Vigile et mentionne avoir atteint son objectif de séjour.
Cela termine notre présentation.
Nous sommes prêts pour répondre aux questions.
Bonjour à tous. Je m'appelle Oliver Thorne. Je suis directeur des opérations nationales du Réseau de transition des vétérans, un organisme de bienfaisance enregistré au Canada qui fournit des services à Anciens Combattants Canada.
Notre organisation a pour mission d'offrir des programmes de transition de 10 jours aux vétérans du Canada. Nous devons rendre ces programmes les plus accessibles possible à tous les vétérans du Canada pouvant présenter une demande.
Comme je l'ai déjà dit, notre programme se veut essentiellement une thérapie de groupe de 10 jours, qui vise à aider les membres des Forces armées canadiennes et les vétérans à comprendre et à surmonter les obstacles à leur transition vers la vie civile.
Ces 10 jours se divisent en trois phases, que nous appelons trois ateliers, chacun s'articulant autour d'un thème en particulier. Pour commencer, nous essayons d'établir une cohésion de groupe entre les vétérans pour qu'ils puissent faire ce travail ensemble, donc il est très important pour eux d'établir la confiance en premier lieu.
Nous essayons ensuite de leur enseigner des compétences en communication, que nous les encourageons à utiliser pendant le programme. L'idée, c'est qu'à la fin du programme, ces compétences soient devenues un peu comme une seconde nature.
La base consiste à leur enseigner des compétences qu'ils pourront utiliser pendant leur transition vers la vie civile, donc la première étape, qui met l'accent sur les aptitudes en communication, vise beaucoup à rétablir les liens avec les membres de leur famille et leurs proches. Le participant peut rentrer d'une mission à l'étranger ou être dans la période de transition qui suit son départ de l'armée.
Il y a une pause de deux à trois semaines entre chacun des trois ateliers. Cela vise précisément ce que les participants intègrent ces compétences à leur vie, chez eux, entre les ateliers, à ce qu'ils les mettent en pratique, après quoi ils reviennent en séance de groupe, puis échangent sur ce qui a fonctionné ou non, puis acquièrent de nouvelles compétences en cours de route.
Quand les participants reviennent pour la deuxième phase du programme, qui est un bloc de quatre jours, nous faisons de l'éducation sur les traumatismes, de la psychoéducation et nous leur enseignons toutes les compétences possibles pour les aider à gérer les symptômes de blessures liées au stress opérationnel ou post-traumatique qu'ils peuvent ressentir.
À la fin de cette étape, les participants retournent de nouveau à leur vie quotidienne pour mettre ces compétences en pratique avant de revenir pour les deux derniers jours du programme, qui constituent la troisième étape. À ce stade, nous abordons la planification à long terme de la vie après le programme et nous les mettons en lien avec des ressources permanentes, comme de la psychothérapie individuelle ou un programme de transition de carrière qui pourrait les intéresser, et nous les aidons à élaborer des plans à long terme pour la vie après le programme.
Pour dresser un petit historique du programme, il a été créé en 1997 à l'Université de la Colombie-Britannique par les professeurs Marvin Westwood, David Kuhl et Tim Black. Au cours des 15 années qui ont suivi, environ, il a fait l'objet d'études et a été approfondi à la UBC, grâce au financement de la Légion royale canadienne en Colombie-Britannique.
En 2012, le Réseau de transition des vétérans est officiellement devenu un organisme à but non lucratif, qui est désormais un organisme de bienfaisance canadien enregistré ayant pour mission d'offrir ce programme partout au Canada et de le rendre accessible aux vétérans. La même année, Anciens Combattants Canada a analysé nos recherches et examiné notre programme, puis nous a acceptés comme fournisseur de services. Depuis, nous accueillons chaque année des clients d'Anciens Combattants Canada. Il y a environ 50 personnes qui ont pu profiter de notre programme à ce jour grâce au financement d'Anciens Combattants Canada.
Pour environ les deux tiers des clients que nous voyons, nous faisons des levées de fonds dans la collectivité pour qu'ils puissent bénéficier du programme, soit parce qu'ils n'ont pas accès au financement d'Anciens Combattants Canada, soit parce que le financement que le ministère leur accorde ne suffit pas à couvrir leurs frais de participation.
Encore une fois, compte tenu de la mission de notre organisation, qui consiste à rendre ce programme accessible, une grande partie de nos activités quotidiennes consiste à lever des fonds pour que des personnes qui n'y auraient pas eu accès autrement puissent bénéficier de ce programme.
Depuis 2012, nous avons élargi notre portée d'une province à six. D'ici la fin de l'année, nous offrirons nos services dans une septième province également. Nous travaillons à former des psychologues et des conseillers cliniciens partout au Canada, de même que du personnel régional, comme le sergent à la retraite Doug Allen, qui est ici aujourd'hui et qui est notre homme au Canada atlantique.
Nous travaillons à offrir des programmes en français et en anglais, c'est pourquoi nous sommes en train de former des cliniciens locaux bilingues au Québec, et nous nous attendons à avoir offert notre premier programme en français d'ici la fin de l'année prochaine. C'est vraiment au coeur de notre mission, nous devons nous assurer de rendre ce programme le plus accessible possible aux vétérans du Canada.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue Doug, qui vous parlera un peu de son travail à la fois en tant que coordonnateur et que formateur. Il fait partie de l'équipe de cliniciens participant à la prestation du programme.
Je m'appelle Doug Allen. Je suis un soldat d'infanterie à la retraite, et j'ai aujourd'hui une maîtrise en travail social. Ma relation avec le Réseau de transition des vétérans découle du fait que je suis moi-même un diplômé du programme. Comme beaucoup de vétérans, j'ai décidé de me porter à la défense de tous les autres, et je voulais m'assurer que ce programme soit bon pour mes compatriotes. Je me suis rendu compte que j'avais besoin de plus d'aide que je ne le croyais, et je l'ai reçue du programme de transition des vétérans. Depuis, je me suis joint à l'équipe comme coordonnateur pour l'Atlantique. Je gravite depuis longtemps autour du programme, mais je fais maintenant partie intégrante de l'équipe comme clinicien.
L'une des différences entre le programme de transition des vétérans et les autres, c'est que notre programme est fondé sur la camaraderie, c'est-à-dire ce dont les soldats ont besoin pour faire leur travail en théâtre de combat ou dans des situations difficiles. Le programme de transition des vétérans recrée cette camaraderie dont ils ont besoin pour comprendre quels sont leurs éléments déclencheurs et leurs points d'ancrage dans la vie. Ils utilisent cette camaraderie pour s'en sortir. C'est le fondement du programme de transition des vétérans.
Oliver vous a parlé des trois différentes phases du programme. C'est l'un des aspects les plus importants du programme de transition des vétérans, parce qu'il nous permet de sortir de la bulle de sécurité que crée le programme lui-même. Nous quittons la bulle de sécurité pour retrouver l'inconnu, pour ainsi dire, la vie civile. C'est ce qui nous effraie, parce que nous n'y sommes pas habitués, et c'est habituellement là que nos problèmes surviennent. Ils n'apparaissent pas quand nous sommes en mission, mais quand nous sommes à la maison.
Nous utilisons donc l'espace entre les phases pour retourner là où nous ne nous sentons pas en sécurité, afin d'utiliser les compétences acquises pendant que nous nous sentions en sécurité, c'est-à-dire dans le cadre du programme de transition des vétérans. La structure du programme nous permet de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous savons que nous retrouverons cette bulle à la phase suivante, et nous pouvons dire ce qui a fonctionné. Nous pouvons ensuite visualiser ce qui doit se passer la prochaine fois. Les participants ne restent pas sans réponse avec des outils qui ne fonctionnent pas, puisque le programme se poursuit à leur retour. Nous pouvons donc travailler avec eux pour faire des ajustements, afin qu'ils réussissent à la prochaine phase. C'est l'un des plus grands facteurs de réussite du programme de transition des vétérans.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être ici parmi nous aujourd'hui.
[Traduction]
Aux gens du Réseau de transition des vétérans, j'ai visité votre installation à Vancouver à l'occasion de mon voyage là-bas, en mai dernier.
[Français]
Je suis très heureux que les représentants de la Maison La Vigile soient venus rencontrer les membres du Comité. J'habite tout près de la Maison La Vigile à Québec et je peux dire que vous faites un travail formidable. Merci beaucoup.
C'est possible qu'on doive parfois vous interrompre parce que nous avons plusieurs questions à poser. N'en soyez donc pas surpris.
Inévitablement, vous travaillez très souvent auprès des vétérans. En fait, vous travaillez tous les jours avec eux et j'imagine que plusieurs d'entre eux vous expriment à tort ou à raison leur mécontentement envers les gestionnaires de cas et envers la façon dont fonctionne le ministère des Anciens Combattants.
Que pensez-vous du processus administratif et des moeurs organisationnelles d'Anciens Combattants Canada? Quelle est votre relation avec les gestionnaires de cas? Comment voyez-vous le fonctionnement en tant que tel du ministère? Est-ce que les processus administratifs sont suivis en bonne et due forme? Y a-t-il des choses qui doivent être changées?
:
Je peux vous en parler d'un point de vue opérationnel.
Comme Doug le disait, nous nous efforçons de maintenir l'accessibilité du programme. Si une personne qui ne vit pas dans une région où nous offrons le programme sur une base permanente présente une demande, en tant qu'organisme de bienfaisance, nous absorberons ses coûts de transport, qu'elle arrive en avion, en auto, en traversier, en taxi ou autrement. Nous payons ses frais de participation au programme.
Nous gardons l'oeil ouvert sur ces régions, et quand nous atteignons la masse critique nécessaire pour offrir un programme local, nous cherchons un centre local où nous pourrons l'offrir. Quand nous atteignons le chiffre magique (il est de six à huit, parce que nous offrons toujours le programme en petits groupes et que nous nous limitons à six personnes qui y participent pour la première fois), nous commençons à chercher sérieusement l'offrir dans la région.
De même, tant qu'à parler de ressources locales, nous avons pour mission, au fur et à mesure que nous prenons de l'ampleur au Canada, de former les cliniciens localement. Il s'agit de psychologues agréés, de conseillers cliniques agréés ou de leurs équivalents. Nous visons à les former directement dans leur collectivité, non seulement pour que les coûts de prestation du programme diminuent et qu'ils deviennent plus viables à long terme, mais aussi pour qu'il y ait plus de psychologues et de cliniciens formés dans les collectivités pour travailler avec les vétérans, afin que ces derniers aient accès à de meilleurs soins en général dans leur collectivité ainsi que par nos programmes.
:
Nous apprenons aux soldats à écouter et à tout répéter encore et encore. Je pense que même les civils auraient à en apprendre beaucoup à cet égard.
Quand nous utilisons ces connaissances avec les vétérans, bien sûr, ils ont leur propre culture et leur propre façon de s'exprimer. Ils veulent aussi vraiment apprendre comment arriver à faire des choses, donc ils veulent vraiment apprendre à s'exprimer et à écouter.
Quand ils s'exercent les uns avec les autres dans le cadre du programme, cela se transpose dans leur famille. Au début, cela crée un certain choc, parce quand ils rentrent chez eux après la première phase du programme, ils s'expriment différemment et ils écoutent. Quand un vétéran dit à sa femme « Ce que je comprends de ce que tu dis... », la femme se dit « quoi? ». Cela vient du programme. Ils ont mis ces compétences à l'épreuve pour parler de choses assez difficiles avec leurs camarades, dans le cadre du programme, donc ils sont déjà allés assez en profondeur. Ils peuvent donc se dire : « D'accord, je suis allé assez profond ici. Je vais retourner dans le vrai monde et essayer d'en faire autant avec mes proches chez moi. » Et ils y arrivent.
C'est tout un choc, c'est bouleversant, mais il se trouve que cela fonctionne. Comment tout cela se traduit-il dans la famille, avec les amis et dans la communauté? Ils utilisent les compétences acquises à force de se parler les uns les autres de ce qui les perturbe et de s'entraider, puis transposent tout cela dans leur vie à la maison. Cela améliore leur vie à la maison, parce que la famille est alors mise à contribution elle aussi.
:
Oui, tout à fait. Il n'y a pas de scénario préétabli pour le traumatisme. C'est quelque chose qui se produit dans le corps, et il n'y a pas d'unité de mesure qu'on peut utiliser. Que vous soyez fantassin, cuisinier ou commis, cela importe peu. Le traumatisme surviendra quand même.
Dans le cadre du Programme de transition des vétérans, j'ai travaillé avec des non-combattants surtout dans la région de l'Atlantique parce qu'ils travaillent principalement dans la marine et les forces aériennes. Toutefois, on fait aussi affaire à des incidents comme l'écrasement de l'appareil de la Swissair, qui a eu un effet profond sur les non-combattants, mais personne ne semble le reconnaître, parce qu'ils se disent : « Eh bien, vous n'étiez pas au combat, alors qu'est-ce qui ne va pas? » Il y a tellement de choses que nos militaires font et que les gens ne voient pas nécessairement, mais cela a des effets traumatisants sur eux.
Oui, ils viennent me consulter, et ils en ont besoin. En ce qui concerne le programme, il donne de très bons résultats. Il fonctionne vraiment bien pour différentes expériences. Il peut y avoir un ex-militaire qui a participé à un combat et quelqu'un qui n'a jamais été au combat, mais ce qui les rassemble, c'est leur traumatisme. L'expérience commune est qu'ils ont subi un traumatisme et qu'ils peuvent s'entraider.
:
Tout à fait. Je suis persuadé que Doug pourrait également en parler.
Nous essayons toujours d'être conscients que nous ne sommes pas une solution miracle; nous savons que nous ne sommes pas le programme idéal pour tout le monde. Nous sommes un programme parmi tant d'autres. Nous croyons occuper un certain créneau, et nous le faisons très bien, mais nous reconnaissons que ce n'est pas tout le monde qui retirera autant de bienfaits de notre programme.
Il arrive parfois que notre programme ne soit pas pour une personne, et l'ancien combattant choisi de ne pas revenir pour diverses raisons; la personne peut avoir un grave problème de toxicomanie ou d'alcoolisme, et nous devons lui demander de ne pas revenir, ce qui se produit heureusement rarement. Le taux de réussite est d'environ 95 %. Lorsqu'une telle situation survient, nous collaborons avec les psychologues du programme pour orienter les personnes vers d'autres services.
Dans le cas des gens qui ne sont pas avec le ministère des Anciens Combattants et qui viennent nous voir, nous essayons souvent de les orienter vers d'autres services, parce que nous sommes conscients que cela ne fonctionne pas dans tous les cas.
Cela répond-il suffisamment à votre question?
:
Merci, monsieur le président.
Madame Dussault et monsieur Simard, je ne parle pas beaucoup français, mais je vais apprendre. J'apprends un nouveau mot chaque jour. Je vous remercie de votre présentation.
[Traduction]
Je vais m'arrêter là, parce qu'autrement je n'aurai pas le temps de poser de questions.
Au Comité, il a beaucoup été question de nous occuper des membres de la famille, et je vois qu'il en est question dans votre exposé.
Si je vous comprends bien, il n'y en a pas énormément qui participe à vos programmes, n'est-ce pas?
[Traduction]
Messieurs Allen et Thorne, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Certains d'entre nous ont eu le privilège d'assister à une représentation de Contact! Unload; c'était très percutant et très inspirant, et votre soutien à cet égard est remarquable. Selon moi, bon nombre d'éléments dont vous parlez sont évidents dans la présentation et la pièce de théâtre. Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que les Canadiens doivent voir cela pour mieux en comprendre la réalité. Nous voyons le jeune homme dans la pièce de théâtre qui souffre. Il ne souffre pas, parce qu'il était au combat. Il souffre, parce qu'il a donné un ordre par radio en réponse à quelque chose qui s'était produit. Nous voyons ces choses, et c'est très percutant.
Vous avez dit offrir des services dans certaines provinces, et je suis de la Saskatchewan. Il y a également des anciens combattants en Saskatchewan. Je crois que c'est très utile, et vos résultats sont impressionnants. Prévoyez-vous offrir un jour vos programmes en Saskatchewan?
Une voix: Sommes-nous déjà l'une des sept provinces?
:
Cela se fait normalement entre les gens. Nous collaborons avec des militaires qui parlent avec d'autres militaires, et cela semble bien fonctionner. La majorité des anciens combattants et des militaires libérés ne font pas confiance au système — je suis certain que cela doit vous surprendre —, mais ils ont confiance les uns envers les autres. Bref, nous essayons de conserver cette approche axée sur la camaraderie autant que faire se peut.
Il faut qu'un coordonnateur... Quelqu'un a demandé si la conjointe ou la famille peut communiquer avec nous. Des conjointes sont déjà entrées en contact avec moi pour me dire que nos programmes seraient utiles à leur conjoint, et je leur ai répondu que c'était bien, mais qu'il fallait que leur conjoint m'appelle. Il faut notamment que l'ancien combattant communique avec nous et fasse le premier pas; c'est ce qui nous permet de nous assurer qu'ils sont prêts à recevoir les soins et à participer au programme pour obtenir des résultats.
Ensuite, nous discutons avec eux. Voici la première chose que je demande : « Avez-vous un dossier avec le ministère des Anciens Combattants? Avez-vous un gestionnaire de cas? Avez-vous ouvert la porte au dialogue avec votre gestionnaire de cas? Avez-vous un thérapeute? Êtes-vous suivi par un travailleur social ou un psychologue? » J'ouvre la porte au dialogue. Pourquoi? Nous ne sommes pas là pour faire le travail d'un autre. Nous sommes là pour les aider à cheminer dans leurs propres plans de soins.
Lorsque nous faisons cela, nous avons tout d'un coup un grand nombre de personnes que nous regroupons pour aider cette personne à réussir son cheminement. Voilà comment nous nous y prenons. Nous faisons profil bas, et c'est entièrement leur décision. Lorsqu'ils communiquent avec nous, cela nous dit qu'ils sont prêts à se retrousser les manches, et c'est essentiel pour nous.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous.
J'ai deux questions à poser aux représentants de la Maison La Vigile. Je poserai mes questions en rafale pour permettre à la personne qui répondra de mettre l'accent là où elle choisit de le faire.
La clientèle d'Anciens Combattants Canada a augmenté de 19 % entre 2013 et 2015. Pour la première partie de l'année 2016, elle est passée à 29 %. Au Québec, l'offre de service pour les vétérans répond-elle aux besoins?
Vous avez mentionné qu'un des principaux problèmes des vétérans est la consommation d'alcool et de stupéfiants. Est-ce que les vétérans ont aussi de la difficulté à intégrer le marché du travail après leur carrière militaire? Comment se passe leur adaptation à leur nouvelle vie? Le fait que des vétérans, à la suite de leur carrière militaire, aient de la difficulté à trouver un emploi et à intégrer le marché du travail représente-t-il un problème répandu? Comment se passe l'adaptation à leur nouvelle vie?
:
Le service que nous offrons se résume aux six programmes que nous avons mentionnés. La zone grise, c'est lorsqu'Anciens Combattants Canada présente une demande pour une personne qui prend plus de 20 consommations par jour et qui pose un risque très élevé au niveau du sevrage. Dans un tel cas, nous avons des critères d'exclusion.
Idéalement, pour une personne qui prend plus de 20 consommations, le sevrage doit être fait à l'hôpital, mais notre système de santé ne fait pas de prévention. Il travaille principalement à la guérison. Ces personnes ne sont donc pas nécessairement hospitalisées pour un sevrage. La durée de l'intervention est donc prolongée pour ces personnes. Nous ne pouvons pas les accueillir à la Maison La Vigile parce que leur consommation est trop grande et qu'il y a un risque de symptômes importants comme les convulsions, le délirium et même la mort.
À ce moment-là, nous suggérons à Anciens Combattants Canada — ce n'est pas l'idéal, mais c'est quand même une solution — que la personne diminue progressivement sa consommation pendant quelques semaines pour en arriver à 19 consommations et moins par jour après quoi elle pourra être admise à la Maison La Vigile avec un protocole de sevrage et une médication spécifique pour contrer ses symptômes.
C'est donc un critère pour lequel une personne peut ne pas être admise à la Maison La Vigile. De plus, c'est le cas lorsqu'il y a un risque suicidaire, homicidaire ou de violence trop élevé, comme c'est arrivé dernièrement lorsqu'une personne très instable sur le plan psychologique et qui tenait des propos agressifs a communiqué avec notre organisation pour obtenir une admission. Il nous a été impossible de l'admettre.
Il y a donc cette zone grise où la Maison La Vigile ne peut accepter un ancien combattant. L'hôpital peut faire une évaluation de cette personne, mais elle ne l'hospitalisera pas nécessairement. Donc, elle va sortir de l'hôpital après quelques heures sans qu'elle se sente vraiment mieux. Parfois, ce sont des personnes qui nécessitent une surveillance plus étroite, mais elles se retrouvent chez elles très rapidement, sans avoir reçu l'aide psychologique requise.
:
J'aimerais conclure notre intervention et aborder les questions auxquelles nous avons répondu en mentionnant ce qui suit.
M. Rioux a brièvement effleuré le sujet, mais j'aimerais compléter à cet égard. Les personnes qui vivent des états de détresse suicidaire se présentent à l'hôpital. Au Québec, cela se passe de cette façon. Elles sont reçues par un médecin et, moins de 12 heures plus tard, elles sont renvoyées chez elles. Elles n'ont pas de filet de sécurité. C'est là que l'idée suicidaire peut faire encore son chemin. Elles vont alors passer à l'acte ou feront une tentative de suicide. C'est une zone grise que je déplore.
J'aimerais que ces personnes aient accès à des lits d'urgence. Le centre de crise du gouvernement à Québec ne peut pas répondre à ces besoins à cause d'un problème de culture. Les policiers, les anciens militaires, les anciens combattants et les militaires n'auront pas recours à une ressource qui ne connaît pas leur culture.
C'est, en résumé, le problème que nous vivons. Je souhaite qu'on puisse trouver des solutions aux problèmes engendrés par cette zone grise.