ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des anciens combattants
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 3 avril 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour tout le monde.
Je vais ouvrir la séance. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et de la motion adoptée le 29 septembre, le Comité reprend son étude de la santé mentale et de la prévention du suicide chez les vétérans.
Nous allons débuter par un premier groupe de quatre témoins qui auront 10 minutes chacun pour leur déclaration, après quoi nous passerons à la période des questions. Nous allons débuter par Michael McKean, qui est parmi nous par vidéoconférence depuis Barrie.
Bonjour, Michael. Vous avez la parole.
Bonjour. Je vais soulever des points importants pour contribuer à l'étude de la santé mentale et de la prévention du suicide. Je m'appuie sur plus de 35 années de service militaire au Canada, dans la réserve pendant 16 ans et dans la force régulière pendant 21 ans, ainsi que sur les efforts que je continue de déployer pour réintégrer la vie civile après avoir été libéré de l'armée, le 15 décembre 2013, pour raisons médicales.
Mon point de vue sur la santé mentale, et plus précisément sur la prévention du suicide, s'appuie sur d'autres éléments: sur le fait que j'ai perdu un ami, un officier de réserve; sur mon intervention auprès d'un vétéran de la Bosnie qui avait tenté de se suicider quand il était sous mon commandement; sur mon expérience dans le cadre de l'opération Attention, lors de Roto 0, à Kaboul, en Afghanistan, du 17 juillet 2011 au 15 février 2012 et, enfin, sur les difficultés que j'ai éprouvées dans mon passage à la vie civile.
La préparation et l'instruction permettent à de petites équipes de résister aux conditions les plus inimaginables. Cependant, le rétablissement exige des systèmes de soutien semblables à la préparation qui ne sont encore pas mis à la disposition de la plupart des vétérans.
Je suis entré dans l'armée en tant que simple soldat, dans le 26e Régiment d'artillerie de campagne de l'Artillerie royale canadienne, en décembre 1975. Durant toute ma carrière, j'ai été artilleur ou officier artilleur.
Après avoir étudié la psychologie militaire et l'art du commandement au Collège militaire royal du Canada, je me suis rendu compte que l'art du commandement exige une profonde compréhension des peurs et des désirs humains. La connaissance et l'expérience que le Canada m'a permis d'acquérir m'ont permis de mieux apprécier ce que j'ai appris de mon grand-père, un ancien combattant de la Première Guerre mondiale ayant servi sur le front de même que dans une unité territoriale lors de la Seconde Guerre mondiale, de mes mentors militaires, ainsi que de la lecture des écrits de Souen Tseu, de Clausewitz, de Viktor Frankl, de Toffler, de Roméo Dallaire et de Chris Linford.
Quand le Comité a lancé sa première invitation à venir témoigner devant lui, en 2016, je m'étais dit que les anciens combattants des Forces armées canadiennes ne bénéficient que de services limités de la part d'Anciens Combattants Canada pour ce qui est de la santé mentale et de la prévention du suicide dans la réserve, et que les FAC et ACC pouvaient et devaient faire participer les vétérans au processus de changement.
Je recommande l'application d'une approche systémique pour intégrer les vétérans, surtout ceux de la réserve, selon des modèles s'appuyant sur le cadre actuel de soutien social aux blessés de stress opérationnel, le SSBSO. Pour cela, il convient de changer les choses, de changer d'attitude pour ne plus uniquement compter sur les coordonnateurs du SSBSO à temps plein, mais sur un effectif complémentaire de bénévoles, et de stabiliser les budgets dans la durée.
Le principe directeur qu'il convient de retenir découle d'une théorie militaire — celle de Souen Tseu et de Clausewitz — qui a été immortalisée par les mots de Napoléon Bonaparte qui a dit: « Le moral est au physique dans un rapport de un à trois. » Pendant mon tour en Afghanistan, en août 2011, j'ai été blessé au genou droit. Tandis qu'on me faisait sept points de suture, sous morphine, sur la table d'opération, je me suis dit que cette blessure n'était pas différente de celles que j'avais déjà eues durant ma carrière, mais qu'avant, j'aurais eu droit à deux semaines de convalescence, voire plus. C'était la consigne médicale à l'époque.
Quand le médecin eut terminé de me recoudre, il m'a demandé si je pouvais appuyer tout mon poids sur ma jambe. Pour lui donner le change, je lui ai répondu par l'affirmative. Je m'étais dit que, si l'on m'accordait deux jours de tâches allégées — et pas question d'utiliser des béquilles — on me renverrait ensuite dans mon unité. Sinon, celle-ci allait avoir de sérieux problèmes. Peu après mon arrivée sur le théâtre des opérations, les procédures opérationnelles avaient été modifiées et le commandement avait imposé que les sorties en dehors du périmètre de sécurité ne se fassent plus à moins de quatre. Nous, nous étions six dans mon groupe, mais l'un des nôtres avait été renvoyé à l'unité, peu après ma blessure, et un autre avait été envoyé chez lui, en permission pour raisons familiales de deux semaines, et cela une quinzaine de jours après que je me fus blessé. Mon équipe n'aurait donc pas pu sortir du périmètre de sécurité si j'avais été affecté à des tâches allégées ou si j'avais dû prendre des médicaments m'empêchant de me mettre au volant.
En 2000-2001, tout juste après avoir été nommé chef d'unité, j'ai fait des pieds et des mains pour aider un officier de la réserve, récemment rentré d'un déploiement en Bosnie. Personne n'avait détecté ses syndromes d'alcoolisme, pourtant évidents, et, après sa tentative de suicide, ce n'est que grâce à l'assurance maladie complémentaire de son épouse qu'il a pu recevoir des soins. En 2012-2013, de retour de mon déploiement en Afghanistan, j'ai eu l'impression de vivre un échec à répétition, d'autant que je suis passé à travers toutes les mailles possibles et imaginables du filet: pas suivi d'une recommandation qui m'avait été faite en santé mentale pour subir une évaluation TSO; communication limitée, incomplète de renseignements aux responsables de la base, une unité de réserve, chargés d'administrer ma libération; problèmes financiers dus à un délai de huit mois avant que mes problèmes de pension soient résolus; problèmes d'accès à des services de santé mentale; mises en attente à répétition pour, en fin de compte, finir par déprendre du programme d'Aide aux membres des Forces canadiennes pour la transition, et série de confusions dans le processus de libération pour raisons médicales.
Après qu'on eut confié mon dossier à un gestionnaire de cas d'ACC, on s'est soudainement rendu compte qu'il fallait que j'attende que les Forces armées canadiennes aient réglé le dossier de leur côté. Il a fallu ensuite que j'attende 2013 pour relever, de nouveau, d'un gestionnaire de cas d'ACC. Malgré les témoignages que ce comité a entendus, à l'époque, l'UISP n'était pas une option envisageable, même s'il était évident que je venais tout juste de rentrer de déploiement. La confusion a régné à chaque étape du traitement de ma demande de prestation. Il a d'ailleurs fallu que je me rende à Archives Canada pour obtenir les renseignements nécessaires parce que les services habilités n'étaient pas parvenus à faire ce qu'il fallait à temps et que les documents avaient été envoyés aux archives.
Dans l'avenir, une solution consisterait à faire participer les vétérans à la gestion du changement. À la page 356 du livre du lieutenant-colonel à la retraite, Chris Linford, intitulé « Warrior Rising », on peut lire que tout vétéran ayant été grièvement blessé ou gravement malade doit avoir l'occasion d'occuper des fonctions véritables, ce qu'ont confirmé d'autres témoins que vous avez entendus, y compris le lieutenant-général à la retraite Dallaire.
Depuis 2012, je consacre énormément de temps à étudier tout ce qui s'est fait pour traiter les blessures de stress opérationnel et le trouble de stress post-traumatique. Nous avons tiré des enseignements, à la fois positifs et négatifs, des travaux effectués au Royaume-Uni, aux États-Unis et ailleurs. Ces travaux sont le point de départ de très nombreuses années d'études complémentaires qui précéderont l'adoption de mesures, ce que me semble vouloir faire le gouvernement du Canada.
En matière de trouble de stress post-traumatique, il y a tout ce que l'on sait et les pratiques exemplaires. Je vous parle de cela parce que, entre 2012 et 2014, dans le cadre de ma reconversion, j'ai obtenu une maîtrise en travail social et je suis devenu travailleur social inscrit en Ontario. J'y suis parvenu parce que j'ai pu m'appuyer sur 20 années d'expérience de coordonnateur du Programme d'éducation antidrogues et de coordonnateur de promotion de la santé, avant d'être déployé en Afghanistan. Je retiens de tout cela que les vétérans possèdent l'expérience nécessaire pour apporter un coup de main, à condition que l'on change les attitudes et les limitations permanentes.
Que veut dire changer d'attitude? Eh bien, la plupart des emplois prioritaires pour raisons médicales correspondent à des postes à temps plein et ceux qui ont retenu mon attention exigent que le postulant obtienne d'abord un certificat signé par un professionnel de la santé attestant qu'il est stable et qu'il ne risque pas de rechuter. Je ne réponds actuellement pas à ce genre d'exigence. Je vous lis un texte préparé d'avance parce que j'ai tendance à divaguer et, si je ne fais pas attention, je risque de rechuter à cause de cela.
Encouragé par mon psychologue, j'ai exploré la possibilité de travailler à temps partiel pour me rendre compte, malheureusement, que mes qualifications ne répondaient pas aux critères du groupe Calian en matière d'assistance en santé mentale aux militaires canadiens. Et cela bien que j'étais devenu fournisseur autorisé de la Croix bleue en travail social et gestionnaire de soins cliniques en 2014, grâce à ma vaste expérience d'officier et de coordonnateur du Programme d'éducation antidrogues, expérience qui m'avait amené à faire de la promotion de la santé, notamment grâce à tous les cours que j'ai suivis.
En trois ans, on ne m'a fixé qu'un seul rendez-vous qui a d'ailleurs été annulé parce que les responsables ont décidé que ça ne convenait pas, un point c'est tout.
Depuis trois ans, je suis bénévole au programme de santé mentale et de prévention du suicide de la réserve. Les unités de la réserve sont réparties un peu partout au Canada. Elles représentent une façon simple d'établir un lien avec de nombreux vétérans qui ont déménagé des grands centres urbains. Le travail effectué en collaboration avec les unités de la réserve représente une des façons de s'attaquer plus efficacement aux problèmes de la santé mentale au sein de la réserve.
Même s'il est loin d'être parfait, le cadre du SSBSO offre un mécanisme permettant d'établir un lien entre les services de transition de l'UISP et les collectivités. Il serait possible d'améliorer cette formule en intégrant les vétérans, surtout ceux de la réserve, et en tissant un réseau pour aider les vétérans, un peu comme le fait la Section spéciale des blessures de stress opérationnel de la Légion royale canadienne. Il ne s'agit pas d'organismes qui se font concurrence, mais plutôt d'organismes qui se complètent au sein du système.
Pour en revenir à la question du budget, l'un des problèmes qui se pose tient au fait que le SSBSO impose des limites à ses coordonnateurs. Ceux-ci n'ont pas le droit de prendre des appels après les heures de bureau, parce que cela serait considéré comme du temps supplémentaire. Or, il faut pouvoir compter sur un groupe de bénévoles important, sans quoi on risque de vivre le genre de montagnes russes qu'illustre l'interdiction temporaire de voyager de mars 2017. En effet, le cours de formation des bénévoles du SSBSO a dû être annulé à cause d'un manque de fonds et il faut maintenant faire du rattrapage qui va s'échelonner sur plusieurs mois.
Merci.
Je m'appelle Jody Mitic et je suis conseiller municipal, ici, à Ottawa. J'ai servi dans les forces armées pendant 20 ans, de 1994 à 2014, et j'ai été blessé en janvier 2007. Je plaide pour la santé mentale. À ma plus grande surprise, trois professionnels m'ont déclaré mentalement stable, et je pense que ma femme ne serait pas d'accord avec ce diagnostic.
En règle générale, la santé mentale est tout autant un problème de vétérans que de militaires actifs et il concerne donc deux ministères partageant un même objectif: compter sur des gens mentalement stables pendant toute une carrière qui est très exigeante. Dans les premiers temps de l'instruction des jeunes gens et des jeunes filles qui entrent à l'armée, on leur apprend le terme mnémotechnique RICE ou RGCE en français.
Savez-vous ce que signifie RICE ou RGCE? Quelqu'un? Docteur? Eh bien, ça veut dire repos, glace, compression et élévation. Quand on se tord la cheville, il faut pouvoir se débrouiller tout seul parce que les infirmiers sont occupés ailleurs. On ne peut pas se précipiter chez un médecin pour se faire panser la moindre égratignure. Il faut pouvoir se débrouiller tout seul.
Quel est l'équivalent du RGCE pour le mental? Quelqu'un? C'est ça. Pour l'instant, il n'y a pas d'équivalent dans notre société. Voilà un autre problème de santé publique. Si j'ai un rhume, je peux toujours aller au Shoppers Drug Mart du coin pour me faire conseiller par le pharmacien à qui j'aurai demandé quel médicament ou potion maison il me recommande. En général, les pharmaciens ont de bonnes réponses. Or, cela est impossible dans le cas de la santé mentale, autant pour les militaires actifs que pour les vétérans ou pour les civils.
Il faut donc tout reprendre à zéro et former nos gens, dès le premier jour, pour qu'ils puissent faire face au stress mental. C'est un colonel américain, je crois, un Béret vert, qui a écrit le livre « On Killing ». Je ne me souviens plus de son nom. Il parle de l'inoculation du stress, comme beaucoup d'autres experts.
Tout au cours de ma carrière, j'ai remarqué qu'on ne fait pas grand-chose pour préparer les gens à faire face au stress mental. Certes, nous faisions beaucoup de pompes, de tractions, de la course et de tir sur cible, mais nous n'étions pas vraiment préparés au jour où nous verrions un copain se faire éclater devant nous pour avoir marché sur un engin improvisé...
C'est cela, Dave Grossman, vous avez raison... un type super. Ce ne sont pas des ouvrages faciles à lire, mais ils sont très instructifs.
La première fois qu'on voit les tripes d'un être humain, c'est sur un champ de bataille. Il y a des façons de se former à cela. Je cite toujours l'épisode de la mini-série « Frères d'armes » où les protagonistes doivent ramper dans des tripes de porc. Je n'ai jamais rien fait de tel de toute ma carrière. Comme je le disais, la première fois où j'ai fermé la fermeture éclair d'un sac à dépouille, c'est quand il y avait un de mes camarades dedans.
Quand on est dans le feu de l'action, on n'y pense pas, mais on y réfléchit après coup et c'est brutal. On ne sait pas comment on va réagir, on ne sait pas que c'est normal et qu'il faut être triste. On n'est pas une fillette si on pleure parce qu'on a perdu un copain, mais avant, c'est ainsi qu'on voyait les choses.
Passons à la situation du vétéran, comme nous avons pu le constater dans certains cas... Un ami de mon beau-père, qui avait fait la guerre de Corée, a soudainement reçu un diagnostic de TSPT lié à la guerre, alors qu'il avait plus de 80 ans. Cela montre que cette maladie peut mettre très longtemps avant de se manifester. Un jour, les symptômes peuvent apparaître et il faut composer avec. Mon épouse a été libérée pour raisons médicales des forces armées, pour TSPT. Elle était infirmière.
Selon moi, il faut favoriser le travail d'équipe entre le MDN et ACC et s'appuyer sur une stratégie établie dès le moment de l'enrôlement de la recrue jusqu'au jour où celle-ci deviendra vétéran. Je n'ai pas la réponse. Je sais qu'il existe de nombreux traitements qui fonctionnent, dans sept cas sur dix, et puis il y a les trois autres cas, et les sept cas sur dix et les sept cas sur dix du premier pourcentage. Il existe donc d'autres traitements, comme les chiens thérapeutiques, le yoga, la réalité virtuelle ou le MDMA qui fonctionnent tous dans environ sept cas sur dix.
D'un autre côté, il y a le système de soutien. Je peux vous dire qu'Alannah a été très perturbée par ce qui s'est passé au MDN, parce que nous nous attendions à recevoir un certain soutien, qui était clairement prévu, et que nous avons découvert que les choses avaient changé, qu'elles avaient été modifiées, bousculées, sans que nous le sachions. Et puis, on nous a presque fait sentir que nous devions nous battre pour obtenir ce genre de service. Je déteste entendre mes frères et mes sœurs d'armes me dire qu'ils doivent se battre pour obtenir ceci ou cela. On ne devrait jamais avoir à se battre pour ce genre de chose. On ne devrait jamais se sentir comme un moins que rien quand on s'adresse à un ministère.
Les vétérans canadiens ont la chance de pouvoir compter sur tout un ministère. Cependant, beaucoup d'entre nous doivent se battre contre ce ministère qui est pourtant censé être là pour nous aider toute la vie durant. Je n'ai pas la réponse à ce problème, mais je sais, pour avoir traité avec le système, que cela occasionne énormément de stress mental à bien des frères et des soeurs d'armes, au point où ils ne...
Récemment, la veuve d'un des nôtres, qui avait elle-même servi dans les forces armées et qui a une fille du même âge que notre aînée, a complètement disparu des médias sociaux et a cessé de répondre aux appels téléphoniques. Nous avons constaté qu'elle s'était entièrement coupée du reste de la société à cause d'un problème dans son dossier d'Anciens Combattants Canada. Elle ne voulait même pas répondre au téléphone à la simple idée de devoir composer le numéro de son bureau d'Anciens Combattants ou le 1-800. Elle n'était plus capable de faire face à cette situation.
Je ne connais pas la réponse. Tout ce que je sais, c'est que nous avons un ministère qui est là pour nous appuyer et qu'un grand nombre de vétérans trouvent qu'ils doivent se battre avec ce ministère. J'aimerais que l'on puisse changer de ton.
Voilà, j'ai terminé.
Bonjour.
Je m'appelle Phil MacKinnon. J'ai pris ma retraite des Forces canadiennes, il y a un an, après plus de 26 années de service. Je m'étais engagé comme simple soldat en 1989. À ce titre, on me disait tout ce que je devais faire, où je devais aller et quand. Je me suis acquitté de mes tâches et je recommencerais avec plaisir.
Dans l'armée, au fur et à mesure qu'on grimpe les échelons, on se voit confier de plus en plus de responsabilités, mais on continue de recevoir des ordres d'en haut, de se faire dire où il faut aller, ce qu'il faut faire et quand.
Je suis maintenant à la retraite. Plus personne ne me dit où aller, à part ma femme, et je ne suis pas vraiment certain de pouvoir vous répéter où elle m'expédie parfois. Quoi qu'il en soit, dans le civil, il arrive très souvent qu'on ne sache pas vraiment ce qu'il faut faire. Dans l'armée, quand c'était le moment de la visite médicale et qu'on me donnait un rendez-vous, je m'y présentais. Mais je ne suis plus dans l'armée et je n'ai pas encore de médecin de famille, parce que je suis sur une liste d'attente. Comme je réside dans une région mal desservie, je n'ai pas de médecin de famille. Je dois chercher la salle d'urgence ou la clinique médicale familiale qui accepte des patients.
C'est la même chose dans le cas de la santé mentale. Avant, je me rendais aux rendez-vous qu'on me fixait. Ça m'aidait beaucoup de parler avec un psy. Quand un de mes gars subissait un accident dramatique, j'estimais qu'il m'incombait, puisque j'étais le supérieur, de réclamer un service de counseling en son nom. C'est ce qu'on attendait de nous.
J'ai été policier militaire, dans ce métier, j'ai dû faire face à bien des situations traumatisantes qui pouvaient aller de l'incident domestique grave au suicide, et à bien d'autres choses. Mes gars se rendaient sur place pour faire leur boulot, après quoi, je devais m'assurer qu'ils voient un psy.
C'est maintenant à mon tour d'avoir besoin de services de counseling, mais je ne sais même pas vers qui me tourner. Toutefois, j'ai récemment été mis en contact avec une gestionnaire de cas qui a commencé à me remettre sur les rails, mais quand on m'a diagnostiqué un TSPT en 2006, j'ai suivi beaucoup de séances de counseling, à raison de deux, parfois même trois fois par semaine. Avant, je trouvais mon réconfort dans la dive bouteille. Dans un week-end normal, il m'arrivait de boire deux, voire trois 40 onces, parfois un petit peu plus, si la semaine avait été éprouvante.
En 2001, pendant mon déploiement en Bosnie, lors de la Roto 8, je me suis un jour retrouvé en plein champ miné, bien que celui-ci aurait dû être déminé par les organismes chargés de cette tâche. En 2003, j'ai fait partie de la Roto 0 à Kaboul, en Afghanistan, où je suis retourné avec la Roto 4 et, avec la Roto 0, je suis allé à Kandahar. J'ai fini ce tour en 2005.
Avant cela, j'avais été déployé dans le cadre de l'opération Récupération. Je suis sûr que quelques-uns d'entre vous se rappellent la tempête de verglas de 1998, lors de laquelle j'ai été déployé sur place. On m'avait annoncé qu'un VLLR avait fait une sortie de route et que nous devions aller remplir un rapport d'accident. Jusque-là, pas de problème.
Avant que la PPO n'ait fermé la route, un camion de 10 tonnes, venant de Toronto, est entré dans mon véhicule de patrouille, le chauffeur ayant été aveuglé par la poudrerie. J'étais au volant. J'ai été sauvé parce que je ne suis pas parvenu à déboucler cette foutue ceinture de sécurité. C'est elle et mon gilet pare-balles qui m'ont sauvé. J'en ai encore des cauchemars. J'ai aussi des cauchemars sur l'Afghanistan. C'est ainsi, mais ma conseillère, à Halifax — et j'aimerais bien me rappeler son nom — était une psychologue extraordinaire. C'est elle qui m'a dit quelque chose qui m'a frappé et que je retiendrai toujours. Elle m'a dit: « Vous ne vous en remettrez jamais, mais vous apprendrez à vivre avec. »
En 2014, j'ai été posté à Toronto. Comme nous n'étions pas arrivés à vendre notre maison de North Bay, je suis allé à Toronto en vertu d'une restriction imposée, ou RI. J'occupais un réduit de 490 pieds carrés, si petit que, pour me changer les idées, je devais aller sur le balcon. J'étais au 22e étage. La douleur et le stress mental occasionnés par le fait que j'étais éloigné de ma famille ont eu des effets sur mon physique, mais je n'avais personne vers qui me tourner, parce que je ne savais pas. Cela étant, chaque fois que je rentrais à North Bay, j'allais voir mon psychologue pour lui parler à la première occasion. Mais voilà que lui-même a dû prendre sa retraite pour des raisons médicales.
Personnellement, j'estime qu'il faudrait mettre en place un système permettant aux vétérans, lors de leur passage à la vie civile, d'être vus en priorité. À l'époque où j'ai reçu mon diagnostic, j'avais beaucoup de problèmes. J'avais un problème de maîtrise de la colère et on ne veut surtout pas d'un Cap-Bretonnais, porteur d'un insigne, qui ait un sale caractère, qui souffre de TSPT et qui n'a rien à perdre. Ce serait la recette pour la catastrophe.
Il faut disposer d'un mécanisme permettant aux militaires de passer à la vie civile, de pouvoir compter sur des ressources en santé mentale et sur une orientation immédiate assurée par Anciens Combattants Canada. Celui ou celle qui a un psychologue dans le civil devrait pouvoir garder la même personne. Je connais des amis qui ont appelé en vain le SSBSO. Ils ont envoyé des courriels restés sans réponse, sans même un accusé de réception. Il y a lieu de combler au plus vite cet énorme déficit.
Merci.
Comme je ne vois pas ce que je devrais sauter ou garder de mon exposé, je vais improviser. J'ai préparé un document détaillé en PowerPoint qui n'a pas été traduit, mais que je vous ferai remettre tout de suite après.
Après m'être posé la question, j'ai décidé d'intituler mon exposé: « Mes 14 années de tentative de suicide ».
J'ai grandi dans des coopératives d'habitation de l'Ontario très pauvres à Markham, à Eglinton et à Scarborough, où il y avait beaucoup de problèmes d'incivilité comme des entrées par effraction et des vols. J'ai raté ma 7e année. On pensait que j'avais un léger retard d'apprentissage et on a alors songé à m'envoyer dans une école spéciale, mais ma mère est parvenue à convaincre tout le monde de me maintenir dans le système régulier. Et puis, j'ai été longtemps victime d'un ami de la famille qui m'a agressé sexuellement.
Quand j'avais 8 ans, j'ai mis le feu à l'appartement familial et m'en suis tiré de peu. De l'âge de 12 ans à l'âge de 18 ans, je me suis cantonné à mon sous-sol et j'ai passé le plus clair de mon temps à retaper une vieille guimbarde. C'était mon refuge où je me sentais en sécurité. Je ne socialisais pas, je ne fréquentais personne.
Et puis, je suis tombé sur le PIEJ, le Programme d'instruction et d'emploi pour les jeunes, grâce auquel on pouvait entrer dans l'armée à titre de réserviste pendant un an pour essayer le système, pour voir si l'on aimait ça et si l'on était aimé. J'avais demandé à être technicien de moteurs d'avion parce que j'adorais la mécanique. Comme il n'y avait pas de place, on m'a invité à devenir technicien en munitions, métier dont j'ignorais tout. J'ai accepté. On m'avait dit que si j'obtenais de bons résultats, j'aurais de bonnes chances de pouvoir me faire reclasser plus tard ou de changer de métier, puisque j'aurais déjà un pied dans la porte. C'était un mensonge. Ce métier de technicien en munitions est l'un des rares dont on ne peut sortir. C'est celui où l'on compte le moins de spécialistes au sein des Forces armées canadiennes, puisqu'il n'y en a que 140 environ.
Toutefois, j'ai aimé travailler au contact des explosifs, dans les deux volets que comporte ce métier: l'approvisionnement et le côté opérationnel, soit la neutralisation des engins explosifs. J'ai décidé de continuer parce que cela m'intéressait. À l'époque, l'expression engin explosif improvisé, ou EEI, n'était pas aussi fréquente qu'aujourd'hui.
J'ai d'abord été affecté au Dépôt de munitions des Forces canadiennes de Rocky Point, le DMFC, en Colombie-Britannique. Comme je le disais, nous n'étions pas nombreux dans cette spécialité, mais voilà que d'un seul coup, le DMFC a dû accueillir 12 soldats, tandis que rien n'était prévu pour les loger ni pour loger le personnel subalterne. J'ai donc été envoyé à Nelles Block, une base navale située à une quarantaine de kilomètres de Rocky Point, pour occuper un logement réservé aux gens de passage. J'y ai passé six mois à faire la navette en compagnie d'un groupe de travailleurs âgés, spécialistes du domaine, qui n'avaient pas envie de travailler.
J'ai détesté mon boulot et j'ai commencé à me sentir isolé et déprimé. J'étais arrivé sur place en septembre 1986 et, le 6 décembre, je pliais ma voiture flambant neuve contre un poteau après avoir ingurgité de la robine de marin. À l'époque, on pouvait encore avoir de l'alcool à bord des bateaux et il en coûtait environ 25 ¢ pour une bière ou pour un verre de whisky. C'est alors que j'ai commencé à vraiment sombrer dans l'alcool.
Comme pour contrecarrer cette tendance chez moi, l'armée m'a envoyé suivre un cours de dynamique de la vie où l'on se faisait essentiellement dire: « Ne continuez pas, sans quoi vous allez partir en vrille. » On m'a appris à camoufler mon problème. On m'a d'ailleurs éloigné de ce problème en Colombie-Britannique en me demandant de faire tout de suite mon niveau 5 de qualification et en m'affectant immédiatement au 2e Bataillon du service spécial du Détachement du service, à Petawawa.
Là, ce fut un véritable rêve. Nous étions toujours sur le terrain et j'adorais ça. Je m'épanouissais dans mes fonctions et j'en ai profité pour devenir un parfait alcoolique, parce qu'on pouvait boire jusqu'à 4 heures du matin et aller courir à 6 heures. Au début des années 1990, c'était la norme dans les Forces armées canadiennes. Je suis certain que les choses ont changé depuis.
J'ai obtenu ma qualification de technicien en neutralisation d'engins explosifs improvisés, ou NEEI, en avril 1990. Cela étant, je venais de réaliser mon objectif initial, soit de devenir, à 23 ans, le plus jeune technicien en NEEI de l'histoire canadienne, record encore inégalé — et qui ne le sera jamais, à cause des qualifications maintenant nécessaires.
Sur ce, j'ai été affecté comme instructeur à l'École du génie électrique et mécanique des Forces canadiennes, en 1991. Là, je faisais partie de l'équipe d'intervention en cas d'urgence nucléaire, biologique et chimique, en qualité de spécialiste en explosifs. La même année, on avait découvert à Borden des contenants de gaz moutarde encore actif datant de la Première Guerre mondiale. J'en avais entendu parler parce que cette découverte avait été faite tandis que je suivais mon cours de NEEI. Personne ne savait alors comment en disposer. Puis, en 1994, tandis que j'étais membre de l'équipe NBC, l'armée a décidé de neutraliser ces obus.
Mon patron étant absent, c'est moi qu'on a appelé et qui ai fini par éliminer le gaz moutarde. À l'époque, la seule technique consistait à faire sauter une charge assez forte pour fissurer l'enveloppe de l'obus, sans toutefois faire exploser la charge de dispersion, ce qui aurait entraîné la contamination de tout Borden au gaz moutarde. Dans le courant de l'opération, j'ai été contaminé et j'ai dû passer au travers de toute la procédure de décontamination. Le gaz moutarde est un gaz qui se conserve très bien. Mon détecteur affichait sept barres. Désormais, chaque fois que je vois du vinaigre balsamique, qui ressemble au gaz moutarde, je suis pris de panique.
C'est à Borden que j'ai été le plus heureux. J'y ai rencontré mon épouse avec qui j'ai eu trois enfants. Tout allait très bien dans ma carrière militaire et je passais devant tout le monde pour les promotions. Je m'étais bien adapté à la vie de famille et je faisais des connaissances sur le plan social. J'étais devenu un simple buveur mondain qui ne consommait plus jusqu'à 4 heures du matin pour aller courir à 6 heures. Ma vie tournait autour de ma famille. Je ne pouvais rêver mieux comme qualité de vie.
Puis, en 1994, on m'a affecté à Toronto, à la base d'approvisionnement des Forces canadiennes, en qualité de commandant adjoint de la section des munitions où j'étais censé être le technicien en approvisionnement. Peu après, on m'annonçait que la base de Toronto allait fermer. Il y avait alors deux postes: celui de caporal-chef et celui de sergent. Le poste de sergent n'a pas été remplacé parce qu'il avait été éliminé. Dans un métier comportant aussi peu d'effectifs, on ne peut pas simplement aller chercher un sergent ailleurs pour le placer là où on en a besoin.
Le commandement s'était dit que, tant qu'à fermer Toronto, autant laisser un caporal-chef s'en occuper. Le problème, c'est qu'il fallait également un chef à l'équipe anti-EEI sur place, la EEI 14. On m'a donc temporairement promu sergent et on m'a expédié au Royaume-Uni pour y suivre un cours supérieur d'anti-EEI avant de me nommer chef de la 14e équipe anti-EEI. C'est à ce moment-là que la nouvelle de la fermeture de la base de Toronto s'est répandue dans la presse, alarmant du même coup la collectivité.
Divers corps policiers avaient accordé une amnistie aux propriétaires d'articles militaires, ce qui avait eu pour effet imprévu d'augmenter de plusieurs centaines le nombre d'équipes anti-EEI nécessaires. Comme je l'ai dit, j'avais été temporairement promu au grade de sergent. Jusqu'à la fermeture complète de la base, je n'ai reçu aucun coup de main, malgré des appels d'urgence, malgré aussi des centaines de milliers de kilomètres parcourus au volant, le plus souvent pour transporter des marchandises dangereuses, comme dix engins explosifs improvisés qu'il fallait détruire. J'ai aussi vécu l'événement le plus horrible de ma vie, une enquête post-explosion concernant un jeune garçon.
À mon départ de Toronto, on m'a promu sergent avec, à la clé, une cote « exceptionnelle » dans mon évaluation du rendement signée par le commandant de la base. Cependant, la fermeture de Toronto allait aussi marquer la fin des beaux jours. Je vivais à Angus et je devais faire la navette tous les jours.
Du jour au lendemain, plutôt que d'aller à Toronto, j'ai été renvoyé à Borden où je me suis retrouvé officier de sécurité des explosifs pour le sud-ouest de l'Ontario. Dans les années qui suivirent, j'ai visité des unités de cadets et de la milice et j'ai donné des exposés sur la sécurité des explosifs. Je vivais dans des chambres d'hôtel, je conduisais une voiture de location et je pouvais me faire rembourser une fortune en dépenses courantes, ce qui me permettait de camoufler mon alcoolisme. Je passais mes journées à boire jusqu'aux environs de 3 heures du matin; je me levais aux alentours de midi, je me douchais, j'allais visiter une unité de cadets. Je vérifiais les casiers, j'effectuais une inspection, je prenais quelques bières en compagnie de l'élève-officier supérieur à qui je racontais mes récits de guerre, et je recommençais le lendemain si besoin était jusqu'à ce que je trouve le courage nécessaire pour rentrer à la maison, parce que je ne me sentais plus capable de faire face à ma famille.
Je me suis mis à boire de plus en plus, au point de devenir complètement dépendant. J'ai pris beaucoup de poids et je suis passé du parfait indice de masse corporelle que j'avais à Toronto à un IMC de 31, avec en prime, un diagnostic d'apnée du sommeil. En 1999, les médecins ont considéré que je n'étais plus apte à travailler en unité ou à être envoyé en opération. Personne n'a cherché à savoir pourquoi j'avais pris autant de poids. Je présentais des symptômes de dépression et ma vie familiale se détériorait. Je venais de passer quatre années à travailler seul, sans aucun soutien, après un tour en opération. Je me retrouvais loin de toute base où j'aurais pu faire partie d'une unité et ressentir les bienfaits de l'esprit de corps, que ce soit à la faveur d'une après-midi à jouer aux quilles, d'une tournée de bière ou que sais-je encore. Personne n'avait remarqué de changement chez moi, sauf les membres de ma famille et j'étais loin d'eux.
Après 15 années dans les forces régulières et une année dans la réserve, dans le cadre du PIEJ, j'ai pris ma retraite le 12 août 2000 avec le grade d'adjudant. Comme j'ai été libéré dans les derniers jours du plan de réduction des forces, on ne m'a posé aucune question. Il fallait simplement réduire les effectifs, les Forces canadiennes voulaient se débarrasser d'une partie du personnel et personne ne se préoccupait de savoir qui partait. Quand j'ai demandé à être libéré de mes obligations militaires, on ne m'a posé aucune question. Je me suis retrouvé dans le civil moins de deux semaines après en avoir fait la demande. On m'a fait passer un examen physique de base, mais aucune évaluation psychologique.
Je suis alors parti pour le Kosovo où j'ai commencé mon nouveau métier dans le civil qui consistait à désamorcer des bombes à fragmentation. Après, je suis allé au Kurdistan, dans le nord de l'Iraq, où j'ai fait du travail de déminage dans le cadre des programmes humanitaires de l'ONU. J'ai tenté de réintégrer les Forces canadiennes en 2001, mais le centre de recrutement n'a pas donné suite. Puis est arrivé le jour où des avions se sont écrasés contre les tours jumelles, ce qui a tout changé. Dans les années qui suivirent, je me suis retrouvé en Afghanistan, en Iraq, en Iran, en Turquie, à Amman, au Laos, au Yémen, en Russie et dans les États baltes à neutraliser et à détruire des explosifs, puis à faire de la dépose de câbles à haute tension en Iraq, en Afghanistan, en Tanzanie et au Rwanda.
En tout, j'ai passé six ans à Bagdad et deux ans en Afghanistan en qualité de civil travaillant en dehors du périmètre de sécurité. J'ai été reconnu par l'ONU pour avoir découvert la plus importante cache d'explosifs en Afghanistan.
Me reste-t-il beaucoup de temps?
Je vais conclure rapidement.
Je vivais comme s'il n'y avait pas de lendemain. J'ai tenté de renouer avec ma famille, mais cela n'a pas fonctionné et a abouti à trois tentatives de suicide. La première était en 2010, en Irak, puis à nouveau, en 2013, en Tanzanie. Ce sont mes collègues qui m'ont trouvé, puis j'ai été congédié. J'ai été renvoyé à la maison et, à ce moment-là, je ne savais pas que j'étais un vétéran. Je me suis retrouvé au Canada. J'avais été à l'extérieur du pays pendant 14 ans. Je ne savais pas où aller ni quoi faire, et j'ai fini par aboutir dans une chambre d'hôtel et me trancher les veines des poignets.
De toute évidence, j'ai survécu à cette troisième tentative, puis j'ai passé un mois dans une unité de santé mentale. C'est là qu'un interne, qui était un réserviste, m'a dit que j'étais un vétéran, et c'est là que j'ai commencé à obtenir de l'aide. J'ai récupéré au point que maintenant, avec l'aide d'un chien d'assistance, je dois commencer l'école en septembre.
Mon parcours vers la guérison a été long et a commencé le 24 janvier 2014, au moment où j'ai pris mon dernier verre d'alcool. Ce cheminement vers la guérison a été extraordinaire. J'ai repris contact avec mes enfants. Je peux maintenant me trouver dans la même pièce que mon ex-conjointe et mon petit-fils. Je veux juste avoir la possibilité de vivre une vie normale et de faire du bénévolat et de travailler dans ma communauté.
Brièvement, voici mes recommandations aux Forces canadiennes.
Il devrait y avoir une présentation d'ACC pendant l'entraînement de base. Dès que vous avez réussi votre entraînement de base et que vous êtes libéré avec mention honorable, vous êtes un vétéran, et il y a de bonnes chances que vous deveniez un client d'ACC. Les soldats devraient être informés de cela. En 2000, en tant que sergent des Forces armées canadiennes, je ne savais pas que j'étais un vétéran. Tout ça à cause de l'Afghanistan. Seuls les soldats ayant servi en Afghanistan savaient qu'ils étaient des vétérans, même ceux qui y avaient travaillé sous un autre uniforme.
Des examens de la santé mentale devraient être effectués avant l'enrôlement, avant la sélection pour des métiers spécialisés, après une tâche opérationnelle, avant le commandement d'une équipe opérationnelle et avant la libération.
J'ai aussi quelques brèves recommandations pour ACC.
Nous n'avons pas besoin d'un plus grand nombre de gestionnaires de cas. Ce sont les gestionnaires de cas qui ont besoin de plus d'aide. Ils devraient avoir des adjoints travaillant pour eux, qui pourraient répondre aux appels des vétérans directement, un genre de ligne 911 pour les vétérans. Nous devons être traités différemment. Lorsqu'une personne fait une crise dans un bureau, vous ne devriez pas appeler la police et une ambulance en pensant que cette personne est suicidaire. Tout ce que j'ai dit c'est: « Ils nous font attendre, ils nient, ils souhaitent que nous mourions et qu'ils n'aient pas à donner suite à nos demandes », et cela a apparemment été considéré comme une tentative de suicide. C'était en octobre dernier.
En ce qui a trait aux chiens d'assistance, des études ont été menées au sujet des bienfaits qu'ils peuvent apporter. Je ne serais pas ici aujourd'hui sans ce genre de chien. Des études ont été menées. Il existe suffisamment de documentation à ce sujet. ACC doit adopter un programme maintenant, parce que ces chiens sauvent des vies. J'ai eu cette chienne grâce à Audeamus, et à Marc Lapointe, qui travaille dans ce domaine. Il faut réellement consacrer des ressources à ce genre de service. Si je n'avais pas ma chienne, je ne serais pas ici. J'ai connu des heures très sombres au cours des trois dernières années, et sans elle, je n'aurais pas pu passer au travers.
Le dernier élément que je voudrais mentionner est celui des incitatifs pour les médecins civils. Lorsque vous ne faites pas partie du système de santé, vous n'avez droit à rien. Vous n'avez même pas de carte santé. Les médecins se rendent compte que les vétérans sont un fardeau pour leur pratique, notamment en raison de la documentation qui doit être fournie pour à peu près tout ce dont nous avons besoin. Ils ne nous prennent donc pas comme patients. Il devrait y avoir des incitatifs pour que les médecins prennent en charge les vétérans.
Merci.
Je vous remercie.
Nous allons commencer les interventions de six minutes.
Allez-y, monsieur Kitchen.
Merci, monsieur le président, et merci à vous quatre pour les services que vous avez rendus au pays.
Vous nous avez fourni énormément d'information. Une grande partie des témoignages que nous avons entendus dans ce comité concernant les questions de santé mentale et de prévention du suicide mentionnaient des problèmes de perte d'identité et de stigmates associés aux situations qu'ont vécues nos vétérans.
Monsieur McKean, je crois que vous avez parlé de la reconnaissance des acquis et du fait de permettre aux vétérans de mettre à profit ce qu'ils ont appris pendant leur carrière militaire et de leur offrir des postes par la suite, pour les aider. Je crois que ce que vous dites c'est qu'il faut reconnaître le savoir accumulé par les vétérans pendant leur carrière et qui leur sera utile plus tard. Je me demande seulement si je vous ai bien compris. Si oui, pouvez-vous expliquer davantage?
Vous m'avez très bien compris. En 2012, j'ai dû abandonner l'uniforme parce que j'étais trop émotif. Je pleurais sans arrêt et je n'étais pas prêt à poursuivre ma carrière militaire. Ceci étant dit, lorsque je me suis recyclé en travail social, on ne m'a pas autorisé à faire de stage dans les services de santé mentale sous prétexte que j'en savais trop au sujet de la vie militaire. J'ai été reconnu par la Croix-Bleue, mais pas par les Forces armées canadiennes, et plus particulièrement Calian, qui gère la plupart des services à contrat dans le domaine des soins de santé et du travail social. On m'a laissé de côté parce que j'en savais trop. On craignait que je joue le rôle de défenseur, ce qui est ressorti aussi dans d'autres témoignages.
De nombreux vétérans ont une expérience considérable, qui peut être mise à profit. La plupart des gens en transition ne peuvent pas travailler à temps plein, mais si nous reconnaissons les connaissances précieuses qu'ils ont, et si nous mettons en place un système suffisamment robuste, je crois que nous pourrons régler un grand nombre de problèmes, parce que les vétérans qui ont été blessés et qui sont passés par là comprennent la perte d'identité. Ils ont traversé des épreuves et ils peuvent en aider d'autres à faire de même, ainsi qu'informer les gestionnaires de cas et les autres intervenants qui ne sont pas familiers avec le système.
Je vous remercie, monsieur.
Monsieur Mitic, vous avez beaucoup parlé de l'entraînement. Vous avez notamment mentionné l'inoculation du stress. Nous avons entendu beaucoup de choses à ce sujet. Il a en outre été question, et M. Brindle l'a mentionné aussi, de la façon dont nous formons nos soldats, dès le premier jour, pour qu'ils deviennent des machines, sans les déprogrammer lorsqu'ils terminent leur service. Nous ne les « déformons » pas pour qu'ils deviennent des civils.
Vous avez aussi parlé de formation, dès le premier jour, concernant le stress mental. Comment percevez-vous cela? Comment voyez-vous cela dans ces premières...
Comme je l'ai dit, je me suis enrôlé en 1994 et, à ce moment-là, si vous aviez un problème mental, on utilisait un terme différent. Vous étiez considéré comme une « femmelette », même si votre problème était physique. Un jour, pendant un exercice, je me suis fait une vilaine foulure à la cheville, et on m'a dit d'endurer. Ironiquement, je n'ai plus de chevilles, donc ce n'est plus un problème. C'était une blague mes amis.
Des voix: Oh, oh!
M. Jody Mitic: Au cours des siècles passés — je suis un maniaque d'histoire — chaque classe de guerrier avait ses moments de réflexion, ses moments d'auto-examen. Les samouraïs excellaient à la calligraphie. Les Spartiates avaient leur montagne où ils se retiraient pour prendre des hallucinogènes, et ainsi de suite. Ils faisaient aussi preuve d'un grand esprit de camaraderie pendant le déplacement des troupes.
Ces moments de réflexion ont disparu dans le monde militaire moderne occidental. Même les moines soldats priaient et jeûnaient beaucoup. Il s'agissait essentiellement de méditation et d'autoréflexion.
Dès le départ, j'instaurerais un genre de système. Il serait question des meilleures pratiques et on enseignerait à nos soldats que, même s'ils préfèrent lever des poids de 300 livres, ils devraient consacrer de 20 à 30 minutes par jour à réfléchir à comment ils se sentiront la première fois qu'ils tueront quelqu'un, ou la première fois qu'un de leurs amis tombera au combat. Nous devons aussi simuler ces situations, dans une certaine mesure. Je sais que je parle sans arrêt de ramper dans des viscères de porc, mais il s'agit d'une méthode d'entraînement très efficace.
Puis, il y a des hommes comme Joe. Désolé, comment vous appelez-vous déjà?
Une voix: Don.
M. Jody Mitic: Don utilisait des explosifs pour simuler des attaques d'artillerie. C'est très bien. Lors d'une attaque au mortier par les talibans, j'ai eu un peu la même impression, et j'avais une petite idée que mon rythme cardiaque augmenterait, mais j'y étais préparé un peu.
Je crois que le MDN doit intervenir et apprendre aux soldats dès le premier jour à gérer leur stress mental. Il faut aussi leur dire qu'ils ont le droit d'avoir peur. Il faut leur dire qu'ils ont le droit d'éprouver toutes sortes de sentiments. Il faut leur dire de mettre à profit leur entraînement, parce qu'une part importante de cette attitude de dur à cuire vient de ceux qui disent: « Ne sois pas aussi femmelette. Endure. » Cette attitude est bonne au combat, mais pendant l'entraînement, je crois qu'il faut mettre l'accent sur l'attitude mentale qui permet de reconnaître que l'on s'endurcit avec le temps. C'est une question d'entraînement, une question de budget, parce que ce genre d'entraînement est coûteux. Il s'agit aussi d'un concept qui semble s'être perdu au cours des sept dernières années.
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci, messieurs, de vous joindre à nous aujourd'hui et merci aussi pour les services que vous avez rendus au Canada.
Monsieur MacKinnon, j'ai réellement apprécié votre témoignage et certaines des observations que vous avez faites. En ce qui a trait au counseling, vous aviez dit que vous ne saviez pas vraiment où aller et comment cela fonctionnait. Je sais qu'on a élargi le nombre de services de counseling qui sont offerts. Avez-vous fait face à un problème concret lorsque vous avez voulu obtenir des services de counseling? Un obstacle particulier s'est-il posé pour vous, qui pourrait être supprimé?
Il est difficile d'exposer ses états d'âme devant quelqu'un. Devant deux personnes, c'est encore pire. Et lorsqu'il y en a trois ou quatre, les gens refusent carrément de le faire.
Il doit y avoir un endroit... Par exemple, pendant ma carrière, j'ai eu une affectation de six ans, une affectation de sept ans, et toutes les autres, de deux ou trois ans. J'ai été basé à Halifax, et pendant les deux années que j'ai passées là, j'ai commencé à obtenir l'aide dont j'avais besoin et cela m'a remis dans le droit chemin. Il n'y avait rien à London. Puis, je suis allé dans le Nord de l'Ontario, mais j'étais absent trop souvent. Lorsque j'étais à la maison, j'ai pris contact avec un psychologue civil, par l'entremise de l'armée, mais comme je l'ai dit, il est maintenant à la retraite.
Nous sommes dans une région où il manque de services, et lorsqu'il faut recommencer pour la troisième ou la quatrième fois... et dans une région où la variété des services offerts n'est pas grande. Si on était davantage prêt à accepter le personnel militaire... Il faut plus d'ouverture. Il faut dire aux gens comment entrer en contact avec ces services, que ce soit par l'entremise d'Anciens Combattants ou de l'armée. À ma connaissance, les ressources sont très peu nombreuses là-bas, et celles qui restent, depuis qu'un médecin a pris sa retraite, sont déjà débordées, ce qui fait qu'il est impossible d'obtenir un rendez-vous.
Il serait très utile de mettre en place une structure de fonctionnement définie et de disposer de personnel spécialisé sur le terrain, par l'entremise d'ACC.
Oui, exactement.
Si vous étiez sur le point de sombrer aujourd'hui, auriez-vous la possibilité de voir un médecin? Vous êtes à Ottawa, et nous sommes à North Bay, où il y a pénurie de services.
ACC doit se préoccuper davantage des régions où l'on retrouve de nombreux militaires. Un plan doit être mis au point pour aider ces personnes, ou encore, il faut réclamer du gouvernement qu'il verse davantage d'incitatifs pour que des spécialistes s'installent dans cette région, afin d'offrir des services.
Il n'est pas financièrement abordable pour quelqu'un de North Bay de faire deux heures et demie de route pour se rendre à Petawawa, ou quatre heures et demie de route pour se rendre à Ottawa, pour un rendez-vous d'une heure, une fois par semaine ou deux fois par mois. Lorsque je me rends à Ottawa, je dois m'arrêter cinq ou six fois en raison de mes douleurs au dos et au genou, notamment. En plus de la tension mentale, il y a la douleur physique, qui est très pénible à supporter.
Il n'y a rien que j'aimerais autant que de pouvoir rencontrer à nouveau un psychologue, mais ce n'est pas pour tout de suite.
D'accord, merci, monsieur MacKinnon.
Monsieur Brindle, vous avez mentionné une ligne 911 pour les vétérans. Il y a un numéro d'ACC que vous pouvez appeler 24 heures par jour, 365 jours par année. Êtes-vous familier avec ce service?
Lorsqu'un vétéran est en crise, le système 911 que les civils utilisent ne fonctionne pas pour les militaires. Je vais vous donner un exemple concret.
Je me suis rendu au bureau d'ACC de la base de Borden au sujet de la demande de prestations d'invalidité que j'avais faite en septembre 2015, et j'ai craqué. J'étais en colère et la femme qui était là s'est sentie menacée. J'ai dit: « Oh, typique d'ACC — retarder les choses, nier les faits et attendre que les gens meurent. » Deux heures plus tard, il y avait trois agents de la Police provinciale de l'Ontario et une ambulance dans mon entrée. C'est à ça que servirait la ligne 911 pour les vétérans. Cette personne qui s'est sentie menacée au bureau d'ACC aurait pu appeler le 911 des vétérans.
Le gestionnaire de cas pourrait intervenir, si cela pouvait être utile, ou il pourrait y avoir un groupe organisé qui pourrait contacter le vétéran, parce que parfois, tout ce que ces gens veulent, c'est de parler. Ils sont parfois tellement frustrés par le système qu'ils éclatent. Cela entraîne une trop grande réaction. Ces personnes s'imaginent que vous êtes suicidaire et elles envoient la cavalerie. Deux jours plus tard, j'ai reçu une lettre recommandée pour me dire que j'étais banni de ce bureau. C'est le traitement que j'ai reçu, juste pour cette remarque.
Le soutien par les pairs fonctionne bien lorsque les budgets des cliniques du SSBSO ne sont pas réduits. Il arrive parfois que ma seule sortie soit pour déjeuner avec le groupe à Borden.
Je n'ai pas accès à cela. Lorsque j'ai arrêté de boire, j'ai perdu tous mes amis. J'ai quitté l'armée il y a 14 ans. La plupart des collègues avec qui je travaillais à contrat sont... La plupart d'entre eux sont décédés. L'un d'eux est australien, et j'ai encore des contacts avec lui, mais je n'ai pas d'amis. Mes amitiés avec les techniciens de munitions remontent à 15 ans. N'oubliez pas que, pendant les six dernières années de ma carrière, je travaillais seul.
Merci, monsieur le président.
Merci d'être présents parmi nous et de nous faire profiter de votre expertise. Il est très important pour nous tous ici de nous assurer que les recommandations que nous faisons au gouvernement au sujet des besoins de nos vétérans et des soutiens en santé mentale sont documentées et étayées par les expériences dont nous avons pris connaissance dans ce comité.
J'ai beaucoup de questions, mais je veux commencer par vous, monsieur Mitic. Vous nous avez parlé de ce qui vous est arrivé lorsque vous et votre femme Alannah avez quitté les forces armées. Vous avez mentionné qu'il est difficile mentalement de traiter avec ACC, et qu'Alannah avait demandé des indemnités, mais qu'en raison de certains événements, elle n'en a pas reçu.
Pouvez-vous nous décrire ou nous expliquer la situation plus clairement? Quel genre d'impact cela a-t-il eu sur votre famille?
En fait, il s'agissait de mes indemnités. Dans ce cas, pour être plus juste à l'endroit d'ACC, c'est le MDN qui était en cause. Toutefois, j'entends des histoires similaires de la part de gens qui demandent des indemnités à Anciens Combattants aussi.
En fait, Alannah a subi une altération de l'ouïe par suite de l'explosion d'une mine. Elle a soumis une demande, qui a été refusée immédiatement, puis elle est allée en appel. Cela a été efficace, et elle a obtenu règlement. Puis, quelqu'un a perdu son dossier et son gestionnaire de cas a été réaffecté sans qu'elle le sache. Pendant 14 mois, donc, elle a dû appeler constamment le bureau, sans jamais obtenir de réponse.
Elle a subi énormément de stress par suite des difficultés que j'ai connues avec notre gestionnaire de cas de l'armée. Cela nous a réellement ébranlés, parce qu'il s'agit de gens en uniforme et que nous pensions qu'ils étaient là pour nous appuyer. Je ne dis pas qu'ils ne nous ont pas aidés. Ils l'ont fait, mais pas de la façon dont on s'y attendait pour des soldats blessés.
Ma femme est beaucoup plus intelligente que moi, ce qui fait qu'elle a pu s'orienter dans le système et traiter avec les bonnes personnes. Elle est aussi d'origine irlandaise, ce qui fait qu'elle réussit toujours à obtenir ce qu'elle veut. Pour elle, et pour moi, la chose la plus importante a toujours été... Comme je l'ai dit en commençant, il existe un ministère qui a été créé pour aider les vétérans à faire la transition à une vie normale, mais ces derniers sont nombreux à croire qu'il ne vaut même pas la peine de faire des démarches, comme dans le cas de notre ami, parce qu'ils craignent d'avoir de mauvaises nouvelles ou de se voir refuser quelque chose qui semblait facile à obtenir.
On peut dire que je suis organisé et que j'obtiens assez de succès, mais chaque fois que je dois traiter avec Anciens Combattants, je suis un peu mal à l'aise. J'essaie toujours de remettre cela à plus tard, parce que je ne veux tout simplement pas me retrouver dans la situation où je me dis: « Je pensais que c'était cela », et qu'on me répond « Non, ce n'est pas cela. C'est ceci. » Certaines indemnités qu'on croirait automatiques ne le sont tout simplement pas.
J'ai fait partie d'un comité relevant du ministre O'Toole, dans l'ancien gouvernement, dont le mandat était principalement de réduire les formalités et d'éliminer tous ces formulaires qu'il faut remplir sans cesse. Mais cela n'était qu'une partie du mandat. On voulait aussi faciliter l'accès aux indemnités. Peu importe qu'on les appelle indemnités liées au service ou autrement, cela ne semble pas être ce à quoi de nombreux vétérans s'attendent.
Merci.
Vous êtes un mari très avisé, qui admet que sa femme est beaucoup plus intelligente que lui. Très avisé, en effet.
J'aimerais que vous nous parliez davantage des soutiens à la famille, dont on nous a dit qu'ils étaient absolument essentiels, très utiles.
Qu'est-ce qui fonctionne bien pour les familles? Est-ce que quelqu'un peut répondre? Faut-il de la formation? Des conseils matrimoniaux, des soins de santé pour les conjoints et les enfants, ou des soins de relève et un meilleur accès à ACC pour les conjoints? Qu'est-ce qui pourrait faciliter les choses et rendre la situation moins stressante?
Pour faire une réponse courte, tout cela.
Je crois que dans le dernier budget, on a prévu de l'argent pour les soins à domicile, ou un allègement fiscal. Il a fallu 70 ans avant que cela ne se réalise. Cela aurait dû être fait il y a 70 ans. C'est incroyable.
Le montant a augmenté pour passer à 1 000 $ par mois.
Pour le conjoint qui renonce à sa carrière, et on ne parle pas seulement de carrière, mais aussi de pension, 1 000 $ par mois, c'est...
Je comprends, mais il y a maintenant une indemnité pour les gens qui renoncent à leur carrière.
Je pense au capitaine Trevor Greene, qui a subi une attaque à la hache. Cliniquement, il était considéré comme un légume. Aujourd'hui, il peut marcher et parler. Il a même pu remonter l'allée vers l'autel lorsqu'il s'est marié. La seule raison pour laquelle il a pu le faire, c'est que sa femme a décidé de s'occuper de lui à temps plein. Ce genre de soutien, de sa part, est extraordinaire. Il existe de nombreux organismes sans but lucratif, je pense à True Patriot Love, ou à Wounded Warriors, dont les fonds pourraient très bien compléter cette somme pour les personnes qui décident de s'engager dans cette voie.
Merci.
Ma prochaine question s'adresse à tous. Vous avez parlé du budget, mais celui-ci ne reconnaît pas l'obligation sacrée envers les vétérans. Il s'agit d'une question très litigieuse dans le cas des vétérans qui souhaitent obtenir une pension après avoir été libérés pour des raisons de santé. Quelles sont vos impressions au sujet de cette obligation sacrée envers les vétérans?
Je suis désolé. Nous en sommes à six minutes 30 secondes. Il devra donc s'agir de votre prochaine question.
Monsieur Eyolfson.
Je vous remercie tous de votre présence ici et des services rendus.
Monsieur Brindle, j'aimerais parler d'un sujet que M. Mitic a abordé, à savoir la camaraderie entre les militaires, qui remonte à cette tradition ancienne de marcher ensemble vers le champ de bataille. J'ai l'impression, selon ce que vous avez dit, que vous n'avez pas beaucoup profité de cela pendant votre carrière.
La seule fois que j'ai connu réellement cela, c'était à Petawawa, et lors de ma première affectation à Borden, à l'école et dans un bataillon des services, parce que nous étions très près les uns des autres. Lorsque vous êtes constamment en exercice avec des personnes, vous finissez par tout savoir d'elles. Lorsque vous vous retrouvez seul, ensuite, vous connaissez des passages à vide.
Exactement.
Lorsque vous décriviez votre séjour à cette base navale et les 40 kilomètres que vous deviez parcourir chaque jour pour vous rendre au travail, y avait-il une solution qui s'offrait à vous et peut-être...
Pas comme simple soldat.
Comme simple soldat, lorsque vous vous retrouvez dans une base navale où vous avez... Les règles sont complètement différentes de celles d'une base de l'armée de terre. Il est interdit de porter la tenue de travail à l'extérieur de la base. Si on me déposait à l'hôpital de la base, qui était situé à l'extérieur de celle-ci, je devais me téléporter à la base, sous peine de me faire réprimander par le chef pour ne pas avoir porté mon uniforme à l'extérieur de la base. C'est tout un choc culturel pour quelqu'un qui vient d'entrer dans l'armée.
Vous avez parlé de votre lutte contre l'alcoolisme, un thème qui, malheureusement, est revenu très fréquemment dans les présentations que nous avons entendues à ce comité.
Je suis médecin. J'ai beaucoup d'expérience de patients qui ont connu ce problème. Il semble bien que lorsque quelqu'un a un problème de toxicomanie, quel qu'il soit, il s'agit parfois du premier indicateur d'un problème sous-jacent beaucoup plus profond.
Vous avez mentionné qu'on vous avait dit que vous aviez ce problème. Est-ce que jamais aucun de vos superviseurs ne vous a dit que vous aviez un problème et vous a envoyé pour une évaluation plus poussée, afin de savoir s'il s'agissait... ou vous ont-ils seulement dit: « Prends-toi en main et arrête de boire? »
Seulement après mon accident.
Ma voiture était la seule impliquée dans l'accident. Je suis parti seul de la caserne. Je ne me rappelle même pas de l'accident, mais j'ai une cicatrice ici et j'ai fait une commotion cérébrale. Je me suis réveillé le jour suivant à l'hôpital. Il n'y avait pas de téléphone cellulaire. J'ai dû trouver un autobus pour rentrer. Mon visage était comme un melon d'eau. On m'a fait suivre un cours d'aptitudes de vie et on m'a essentiellement averti que si un autre incident se produisait, je devrais suivre une thérapie et que cela nuirait à ma carrière. C'est la seule menace que l'on m'ait faite. C'est ainsi que j'ai appris à cacher mon problème.
Vous a-t-on, à un moment donné, offert de participer à un programme de traitement de la toxicomanie ou de l'alcoolisme?
Non. Je me suis retrouvé à Petawawa, où la consommation d'alcool était une façon de démontrer sa virilité. Disons les choses comme elles sont, le vendredi après-midi, il y avait toujours une possibilité de consommer de la bière dans le bureau de l'adjudant-maître.
Il s'agissait d'un groupe des ordres. On y avait accès à beaucoup plus d'information que n'importe où ailleurs. Cela faisait partie des opérations.
Évidemment, j'aimerais pouvoir dire que c'est la première fois que j'entends ce genre de choses à ce comité. Malheureusement non.
Cela vous apprend comment devenir un alcoolique fonctionnel; à vous lever à 6 h et à être fonctionnel. J'en ai fait ma carrière, une carrière qui, parce que j'étais un entrepreneur, m'a permis de cacher mon alcoolisme. En fait, on préfère vous voir boire, parce qu'ainsi, vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites. Sinon, quelle personne en pleine possession de ses moyens accepterait de s'engager pour aller à Bagdad?
Évidemment, d'accord.
Vous avez mentionné qu'après avoir été libéré, vous avez fait une tentative de suicide qui vous a mené à l'hôpital, et que là-bas, un interne vous a informé que vous étiez un vétéran. Combien de temps après votre libération des forces cela s'est-il produit?
Lorsqu'on vous a libéré, vous a-t-on donné de l'information concernant les services dont vous pouviez vous prévaloir au besoin?
Non. Lorsque j'étais au Kosovo, j'étais toujours en congé. J'ai été libéré si rapidement. J'ai pris environ cinq jours pour compléter ma liste de vérification de départ, et ma plaque m'a été envoyée par la poste à partir de la base.
Je n'ai absolument reçu aucun renseignement concernant les services d'ACC, parce que nous étions au beau milieu du plan de réduction des forces et qu'on pensait uniquement aux chiffres. La santé mentale ne faisait pas partie des préoccupations.
Je comprends.
Lorsque vous avez appris cela, avez-vous pu commencer à avoir accès aux indemnités d'ACC?
Non. Je suis devenu client lorsque j'étais à l'hôpital, puis j'ai suivi volontairement un cours de réadaptation à Belleville, en Ontario. Il s'agissait d'un programme parrainé par les vétérans, assez difficile, un coup de pied au derrière alors que j'en avais besoin. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à remplir tous les formulaires et qu'on m'a affecté un gestionnaire de cas.
D'accord.
Au nom du gouvernement du Canada, je voudrais m'excuser pour ce qui vous est arrivé. Cela n'aurait pas dû se produire.
Merci, monsieur le président, et merci à chacun d'entre vous pour votre témoignage aujourd'hui. Cela a été très enrichissant pour nous.
Monsieur Mitic, vous avez mentionné que, selon vous, le ton devrait changer. Nous en avons beaucoup parlé au sein de ce comité. On nous a mentionné le fait, et je ne sais pas si c'était dans le cadre de la présente étude ou de l'étude précédente, que l'on donnait uniquement deux ans aux vétérans pour se prévaloir d'un programme de formation, d'études et de transition de carrière, ce qui entraînait beaucoup plus de stress.
Quelle serait selon vous l'échéance idéale? Si les échéances pour se prévaloir des indemnités n'étaient pas aussi serrées, est-ce que cela changerait le ton?
Les échéances dans ce contexte sont, je crois, ridicules. Imposer une échéance de deux ans à quelqu'un... Même si tout allait parfaitement bien, si tous les points étaient mis sur les i et les barres sur les t, et que la personne était libérée, mais était incapable médicalement de faire quoi que ce soit. Puis, deux, trois, quatre ou peut-être cinq ans plus tard, la personne pourrait se sentir bien à nouveau et décider d'aller à l'école et de se trouver un emploi, pour se faire dire: « Désolé, vous aviez deux ans. »
J'ai perdu mes deux pieds. Si le système avait fonctionné et que Rick Hillier n'avait pas dit: « Vous ne devez libérer personne blessé au combat tant que je ne le dirai pas », j'aurais été libéré en 2010, ou peut-être 2011, j'aurais dû faire face à la perte de toutes mes possibilités de carrière, de mon identité, etc., et j'aurais été obligé de décider ce que je voulais faire ou quel cours je voulais suivre. La plupart des cours que j'ai demandé de suivre m'ont été refusés. Je crois que dans le nouveau budget, les règles à ce sujet ont changé, ce qui est très bien. Dans mon cas, en tant que soldat d'infanterie, les possibilités de transition au monde civil sont peu nombreuses, à moins de vouloir aller travailler pour certaines personnes, à Alep, ce que je ne veux pas faire.
La fenêtre de deux ans pour décider des cours à suivre ou même pour déterminer si vous êtes suffisamment en santé pour suivre des cours est à mon avis... Il m'a fallu cinq bonnes années uniquement pour récupérer physiquement de ma blessure. Mentalement, comme je l'ai dit, demandez à Alannah ce qu'elle en pense. Ces échéances arbitraires sont déroutantes pour moi, dans certains cas. Vous êtes admissible à une indemnité ou non. Particulièrement si l'on tient compte du fait qu'il s'agit de personnes qui sont amochées mentalement ou physiquement, ou les deux parfois. Lorsque l'on dit à quelqu'un qui ne veut pas être libéré de se ressaisir et de se faire à l'idée d'aller à l'école... Je connais de nombreux membres des troupes qui ont fréquenté l'école et qui ont fait quelque chose qu'ils détestaient; qui n'avaient aucun désir d'aller dans le domaine ou de suivre la formation qui leur était offert. Il s'agit d'un aspect pour lequel, je crois, on devrait éliminer ces échéances. Laissons les personnes décider lorsqu'elles sont prêtes.
Je veux simplement compléter cela rapidement. Je vais commencer l'école en septembre, et à partir de cette date, j'ai deux ans. Je ne sais pas ce qui va m'arriver au cours des deux prochaines années. Je ne sais pas comment je vais réagir en public. Je suis anxieux et je veux aller à l'école, mais on ne devrait pas m'imposer une limite de deux ans pour terminer ce cours. Si j'ai besoin de m'absenter pendant six mois pour progresser, eh bien... Je ne suis pas allé à l'école depuis l'âge de 18 ans comme étudiant à temps plein. Il n'y a pas de raison d'imposer une échéance de deux ans. Allez-vous me jeter dehors après deux ans? Peut-être qu'en raison de mon invalidité, il me faudra trois ans. Cela n'a pas de sens.
Merci de votre témoignage.
Monsieur MacKinnon, vous avez parlé de collègues que vous connaissiez qui ont communiqué avec le SSBSO et qui ont reçu un courriel, plutôt qu'un appel téléphonique.
Excusez-moi, c'est encore pire. Parmi les choses qui, selon moi, sont très importantes figurent ces contacts personnels avec ACC ou le SSBSO, et nous vous avons entendu répéter combien cela est important et évident. Y a-t-il d'autres aspects qui, à votre avis, sont réellement importants pour aider nos vétérans à résoudre leurs problèmes de santé mentale? Comme je l'ai dit, il y a les contacts personnels, mais y a-t-il autre chose, dans le même genre, que vous considérez comme réellement utile?
Comme je l'ai dit, il y a peut-être beaucoup de ressources disponibles, mais il faut en parler et indiquer où elles sont offertes et comment y accéder. Beaucoup de vétérans ne sont pas au courant de cela. Une personne peut se rendre à un bureau de la Légion et rencontrer là quelqu'un qui a de l'information ou non. Elle peut se présenter aux bureaux des Anciens Combattants, mais la réponse qu'elle recevra dépendra de l'effectif présent, si effectif il y a.
J'ai tenté d'appeler mon gestionnaire de cas. J'ai dû composer le numéro 1-800, pour me faire dire après une demi-heure « D'accord, je vais vous transférer. Si je ne peux pas joindre votre gestionnaire de cas, voulez-vous laisser un message? » Non, je veux parler au gestionnaire de cas. Si j'avais voulu laisser un message, je me serais rendu à son bureau. Si elle n'avait pas été là, j'aurais laissé un message, mais ce que je veux, c'est lui parler.
Je ne suis pas certain qu'il y ait un grand moratoire concernant les lignes directes avec les gestionnaires de cas d'ACC. Je ne sais pas pourquoi il faut nécessairement passer par le numéro 1-800. Si vous avez un gestionnaire de cas, il devrait être possible d'avoir un numéro direct pour l'appeler. Ces gens devraient être plus disponibles.
D'accord.
J'ai une autre question rapide. Savez-vous qu'il existe un guide des indemnités? Quelqu'un fait signe que oui, mais ce n'est pas...
En fait, on finit par le savoir après en avoir discuté... et Facebook est un bon endroit pour avoir une idée des indemnités qu'il est possible d'obtenir. Je ne suis pas familier avec le guide, mais pour les indemnités, il existe tellement d'obstacles. Par exemple, une nouvelle indemnité est disponible et vous permet de réclamer 300 $ pour l'achat d'une tablette, afin de vous donner accès aux applications utiles pour les gens qui ont un trouble de stress post-traumatique. Toutefois, ce n'est pas le médecin qui approuve. Il faut un psychiatre. Pour voir un psychiatre, il faut parfois dépenser jusqu'à 500 $; tout ça pour un remboursement de 300 $. Il m'a fallu 18 mois pour avoir un rendez-vous avec mon psychiatre et mettre de l'ordre dans mes ordonnances.
On crée des choses, qui semblent extraordinaires sur papier, mais cela n'aboutit à rien de concret, en raison du manque de capacité. Les gens n'ont pas de médecin de famille, et pour un psychiatre, on parle d'un autre niveau complètement. Les indemnités sont intéressantes, mais s'il n'est pas possible d'y avoir accès, elles sont inutiles.
J'aimerais vous remercier pour tous les services que vous avez rendus. Je sais que nous disons cela au Canada, et j'aime mon pays aussi, mais les services que vous rendez sont phénoménaux, mais je veux le dire aussi de la part de mon mari, de moi-même et de nos enfants, ainsi que de nos petits-enfants, ce comité m'ayant ouvert les yeux à de nombreux égards et permis de les sensibiliser à ce sujet. Je crois qu'il est réellement important que vous compreniez que ce sont les Canadiens ordinaires qui apprécient réellement ce que vous avez fait.
J'ai tellement de questions.
Tout d'abord, monsieur Brindle, vous avez parlé de votre chienne, et je connais le groupe Audeamus, en plus d'avoir rencontré personnellement Chris, Marc et Katalin. Ils font des recherches extraordinaires à l'Université de la Saskatchewan et en Colombie-Britannique sur de la formation particulière concernant la multitude de problèmes auxquels font face les vétérans. De façon plus précise, ils disposent de toutes sortes de mesures solides, et leur démarche est axée sur les vétérans. C'est là leur tâche.
À titre d'exemple, j'ai fait une demande à Courageous Companions, à cette époque, en novembre 2014. À ce moment-là, on m'a confié à Marc Lapointe.
Il m'a appelé et nous avons passé environ quatre heures au téléphone pour parler de mes divers symptômes. Puis, il a décidé quel chien me conviendrait le mieux. Je n'en avais aucune idée. Le dernier chien auquel j'aurais pensé comme chien d'assistance est un Jack Russell. Compte tenu de mes symptômes particuliers, ils ont entraîné une chienne juste pour moi. Ce n'est qu'en juillet qu'on me l'a donnée.
D'accord. Parce que je trouve que cela est important. Nous parlons toujours d'argent ici. Je sais qu'il existe d'autres groupes. Je ne mentionne personne en particulier, mais je sais que ces chiens peuvent coûter jusqu'à 30 000 $.
Exactement.
Il semble y avoir ici un problème de confiance. Vous parliez de la confiance nécessaire pour obtenir les soins dont vous avez besoin. Il me semble y avoir un manque de confiance en votre capacité de déterminer ce dont vous avez le plus besoin, en vue de vous fournir cela de la façon la plus profitable.
Je ne pourrais absolument pas m'asseoir à cette table sans elle. Je suis terrifié à l'idée de parler en public.
D'accord.
Vous avez mentionné qu'il faut s'occuper des chiens de service dès aujourd'hui et que cela permettrait de satisfaire aux besoins, comme les maladies mentales qui affectent un grand nombre de nos anciens combattants et des militaires des forces armées.
Le lieutenant-général Roméo Dallaire est venu témoigner devant ce comité. Nous avons parlé de la méfloquine. Je lui ai demandé s'il fallait l'étudier et il m'a interrompu pour dire que non, qu'il y avait eu assez d'études et qu'il fallait s'en débarrasser.
Dans le cas présent, il y a peu de preuves de ce que les chiens de services peuvent faire. Quel est votre point de vue général?
À mon avis, les études ont déjà été faites. Je pense que tout le monde se base sur l'expérience ratée de la Légion, qui a dépensé des millions sur de faux chiens de service en provenance des États-Unis qui n'étaient pas suffisamment dressés pour être fonctionnels. Cela a fait du tort à la catégorie entière des chiens de service.
Audeamus vient d'un organisme sans but lucratif... Je n'ai pas payé un sou. Elle a coûté plus de 20 000 $ en dressage. Tout ça s'est fait au détriment d'autres anciens combattants. Nous faisons des collectes de fonds, ce genre de choses. Je contribue bénévolement à ce projet maintenant.
Mon projet est de devenir dresseur pour pouvoir dresser un chien et le donner à un autre ancien combattant. Nous devons le faire nous-mêmes parce que l'ACC ne veut entendre parler ni des chiens ni de leurs bienfaits.
Un prix de fournisseur de soins vient d'être décerné, mais je dois toujours payer de ma poche la nourriture spéciale et les soins vétérinaires.
D'accord.
Je comprends le point de vue du gouvernement: il faut faire ça correctement pour ne pas rencontrer les mêmes problèmes que par le passé. Cela étant dit, il n'est pas nécessaire de continuer à étudier le sujet, il faut passer à l'action.
On pourrait leur recommander de se présenter pour parler à des gens comme vous. Je sais qu'Audeamus a essayé de rencontrer l'ACC. Je dois dire que, de tout ce que nous faisons à cette table, l'une des meilleures choses à faire est de faire venir ces personnes pour nous faire une présentation.
Je me tiens généralement prêt à aider si cela peut sauver des vies. Je veux que personne n'ait à suivre le même cheminement que moi. S'il y a de nouvelles discussions sur le sujet, c'est avec plaisir que je prendrai le temps nécessaire pour aller de l'avant.
Je recommanderais aux divers groupes de notre comité de prendre le temps de demander à ces gens de venir dans leur bureau, pour se rassembler en tant que caucus afin d'étudier ce qu'ils peuvent contribuer.
Je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est une excellente idée.
Monsieur McKean, pouvez-vous nous parler un peu plus du concept de changement d'attitude et du recours aux bénévoles et aux vétérans?
Dans le système SSBSO, les professionnels de la santé doivent déclarer que leurs patients peuvent continuer de travailler à temps plein et qu'il n'y a pas de déclencheur de crise. Un des problèmes avec cette façon de faire, c'est qu'elle limite de façon importante le nombre de personnes qui vont s'inscrire. En gros, on encourage les gens à faire semblant d'aller bien, comme s'il n'y avait pas de problème, et à éviter les situations comprenant un élément déclencheur.
Comme je le disais, bien que j'étais sur la liste comme fournisseur de services de travail social et gestionnaire de soins cliniques de Croix-Bleue, on m'a évité. Quand j'ai voulu faire un stage clinique sur la base, on m'a dit que trop de personnes me connaissaient et que j'en savais trop sur le sujet.
J'ai fait un stage réussi dans un institut psychiatrique, Waypoint psychiatric hospital, et dans une école secondaire avec des jeunes difficiles. Ils m'ont accepté sans aucun problème, mais l'approche de mes pairs, de mes frères et soeurs en uniforme, c'était de dire: « Elle a le trouble de stress post-traumatique. On n'en veut pas ici. On n'aime pas avoir ces gens-là dans le coin, alors on ne s'en occupe pas. »
Par contre, le SSBSO, lui, est en général connu et c'est une des façons permettant aux gens d'établir une relation avec nous. En ce moment le budget augmente et diminue sans arrêt; cela diminue notre capacité à recruter des bénévoles, ce qui entraîne des épuisements professionnels. C'est un cercle vicieux.
C'est ça, annulée. Ils essayent maintenant d'organiser la formation en français au Québec et tentent de voir s'ils pourront former des anglophones ou des personnes bilingues. Mais cela signifie plus de déplacements et moins de personnes disponibles. De plus, les gens ont l'impression de ne pas être au niveau parce qu'ils s'organisent pour suivre une formation d'une semaine, qu'il faut se dépêcher, puis on leur dit d'attendre.
Mme Cathay Wagantall: Merci.
Il y a longtemps de cela, j'ai été maire et j'avais un conseiller en chef du patrimoine et du protocole militaire, Geordie Elms, qui a été commandant de Argylls et qui possédait de bons antécédents militaires. Je faisais souvent des allocutions dans les écoles et je parlais souvent de l'Équipe Canada de hockey. Je disais aux élèves que nous avions rencontré l'Équipe et que nous avions fait ceci et cela, mais je leur disais aussi que la meilleure Équipe Canada, c'est celle dont les joueurs portent leur symbole sur l'épaule: les membres des Forces armées canadiennes.
Je vais poser cette question à M. McKean: Aviez-vous le sentiment de faire partie de l'Équipe Canada, aviez-vous cette estime de soi? Aviez-vous le sentiment de faire partie d'une excellente équipe? Avez-vous perdu ce sentiment en raison des expériences dont vous venez de nous parler? Avez-vous toujours dans le coeur le sentiment d'avoir accompli quelque chose pour le Canada et que le pays est fier de vous?
Oui, j'avais vraiment ce sentiment de faire partie de l'Équipe Canada. Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai été blessé en Afghanistan. J'ai continué sans ne rien laisser paraître. J'ai continué malgré mon trouble du sommeil. J'ai fait face à tout un tas de problèmes parce que j'avais un travail à accomplir. Je pensais qu'il était important que je le fasse et que je ne me retire pas, car autrement, j'aurais laissé le fardeau aux autres.
Je me suis senti très triste à mon retour au Canada. En gros, on me disait: « Tu es de retour. Concentre-toi sur ta tâche. Fais ton travail correctement ou va-t'en. » J'ai été dans la Réserve, dans la Force régulière, puis de nouveau dans la Réserve. J'ai été commandant avec Jody quand il était dans les Argylls. Nous avions l'esprit d'équipe. Nous avions les unités. Les unités de la Réserve contribuent fortement à générer cet état d'esprit. Ses membres sont le lien avec la communauté. C'est là qu'il existe un mécanisme pour trouver des soins de santé, en particulier si vous commencez à utiliser la formule T2 Health américaine, parce que ce système permet d'offrir des services de soins de santé dans les régions éloignées ou là où il y a un manque de services, cela grâce à la télésanté et à d'autres moyens.
Je ne pouvais pas continuer. J'avais l'impression d'être « endommagé, cassé ». J'avais le sentiment que de nombreuses personnes me tournaient le dos et qu'on ne me considérait plus comme faisant partie de l'équipe. Je continue d'essayer d'aider des anciens combattants comme bénévole parce que le bénévolat est le seul mécanisme qui fonctionne.
C'est intéressant que vous fassiez ce commentaire sur la Réserve. Durant mes quatre années en tant que maire, un événement s'est produit qui a rassemblé la communauté plus que n'importe quel autre, même s'il était triste. Il s'agit des funérailles de Nathan Cirillo. La ville s'est mobilisée. L'unité de Réserve et toutes nos Réserves, les Rileys et d'autres encore, ont ressenti l'affection de la communauté à leur égard. Évidemment, vous avez perdu un peu de ce sentiment à cause des expériences que vous avez vécues.
Puis-je demander à M. Mitic de répondre à la même question?
Je voudrais préciser que bien que les Argylls soient une unité excellente et à la riche histoire, je faisais partie des Lorne Scots, monsieur.
Des voix: Oh, oh!
Sentiez-vous que vous faisiez partie de l'Équipe Canada et ressentiez-vous de la fierté à travailler pour le pays?
Je comprends bien, mais avez-vous plus tard perdu un peu de cette fierté en raison des problèmes d'Anciens combattants Canada et des problèmes dont nous sommes en train de parler?
Non, on la perd toute. C'est ce que je disais tout à l'heure. Il existe un système de soutien. Je pense que Phil l'a déjà fait remarquer et moi aussi. On vous dit où aller, quels vêtements porter, quoi amener, on vous nourrit, on vous dit qu'on y arrivera ensemble, on vous donne votre titre de permission et bla bla bla. Tout ce qu'il faut faire, c'est être présent. Et puis d'un seul coup, vous êtes blessé. Les unités d'infanterie regardent devant elles, et je ne blâme ni le commandant ni le sergent-major régimentaire de ne pas se soucier des soldats qui s'en iront bientôt. Au combat, on ne se soucie pas de ceux qui tombent.
Cependant, comme je l'ai dit, quand vous entrez dans le système et que vous réalisez que vous êtes toujours du côté Défense nationale, vous avez des gens en uniforme du même grade, qui ont fait le même serment à la Reine et à leur pays que vous, et on vous dit… Il y a tant de négativité. On vous refuse vos avantages sociaux. Je suis convaincu que l'Unité interarmées de soutien du personnel me doit encore des dizaines de milliers de dollars auxquels j'ai tout simplement renoncé pour protéger ma santé mentale. J'ai un travail qui paye bien, j'ai eu de la chance, mais je n'en aurai peut-être pas toujours. Cette expérience m'a causé plus de stress que la mine sur laquelle j'ai marché.
Pour conclure, je veux en venir au fait qu'au delà des ressources financières, nous voulons que les anciens combattants soient au courant des services qui leur sont offerts. Nous voulons trouver autant de ressources que possible, mais est-il nécessaire de former ou de former de nouveau le personnel d'Anciens Combattants Canada et de la Défense nationale sur le respect, l'estime de soi et la conscience de sa propre valeur que doivent ressentir leurs clients? Faut-il en parler avec eux?
Cela revient souvent. Je me suis blessé il y a 10 ans et cette même phrase a été utilisée au moins cinq ou six fois, si ma mémoire ne me fait pas défaut. La réponse courte est « oui ». Mais en même temps, les personnes offrant le service de première ligne doivent, d'après moi, avoir plus de latitude pour prendre certaines décisions qui rendraient la prestation des services plus rapide. Parfois, la difficulté n'est pas tant la façon de parler des gens, mais le temps. Deux semaines, ça semble peu si on vit une vie normale et qu'on fait des choses. Mais si vous ne pouvez pas sortir de chez vous, disons parce que vous vous êtes fait une blessure au dos et que vous ne pouvez pas du tout faire vos tâches ménagères, une attente de deux, ou trois ou six semaines pendant que votre dossier progresse dans le système et qu'on en parle… Votre maison est une porcherie, si bien que vous êtes trop gêné pour inviter qui que ce soit chez vous. Vous vous décevez vous-même parce que vous ne pouvez pas faire la vaisselle. Ces choses s'accumulent constamment. Ce serait vraiment bien de rationaliser les services parce que vous l'avez dit, et je vous vole souvent cette formule, quand on regarde le poids du contrôle et de la bureaucratie, c'est comme si, pour chaque dollar payé, on dépensait un dollar cinquante à l'examiner pour être sûr que tout va bien.
Très souvent, c'est plus une question de temps qu'il faut pour recevoir les avantages que le langage utilisé.
Merci, monsieur le président.
Je n'ai que cinq minutes. J'aimerais poser deux questions. Je pense que la première est importante de votre point de vue, alors il me faut des réponses courtes.
L'ombudsman de la Défense nationale, Gary Walbourne, pour qui j'ai un profond respect, a émis des recommandations sur la transition parce que la très grande quantité d'informations que nous recevons indique que la transition est la partie la plus difficile. Il a fait des recommandations, comme l'a fait ce comité, dans un rapport au Parlement pour faire en sorte que la Défense nationale s'assure que tous les aspects de la vie des membres de nos forces armées sont couverts pour ce qui est des pensions et des médecins potentiels, avant qu'ils soient envoyés à l'ACC.
Monsieur l'ombudsman Walbourne appelle cela le service de « conciergerie ». Cela m'intéresse de connaître la valeur que chacun d'entre vous trouve dans ce système, mais très rapidement s'il vous plaît parce que j'ai une autre question.
Michael.
Je pense que ce serait très important. À l'heure actuelle, nous avons parlé à l'équipe de santé de la famille Barrie. Ils aimeraient beaucoup travailler avec l'armée dans le CISP et l'UISP, mais la base Borden ne fait pas partie du programme-pilote pour l'instant. Les anciens combattants avec qui je travaille me disent chaque semaine que ce type de services est essentiel parce que ce n'est qu'avec les informations que leur communiquent les personnes qui s'occupent d'eux qu'ils vont faire une bonne transition, en trouvant un médecin de famille ou d'autres formes de soutien, parce que s'ils n'ont pas ça, ils sont désavantagés.
Ça va au-delà de ça. Il s'agit aussi de faire en sorte que les renseignements sur la pension et l'argent soient disponibles pendant la transition, pas 16 semaines plus tard.
Philip, vous avez parlé de la transition. Quelle valeur voyez-vous en ces services? Est-ce que ça vous aurait aidé?
Dans certaines régions comme la mienne, ils n'ont pas assez de ressources et il manque de professionnels de soins de santé civils. La situation est peut-être excellente à Ottawa, à Toronto ou à Halifax, mais pas dans les régions comme North Bay.
Il y a un trop gros fossé entre Anciens combattants Canada et les Forces canadiennes. Chaque base compte un bureau d'Anciens combattants. Dans le cadre des formalités de libération, il faudrait y passer une journée pour devenir client, parce que vous deviendrez très probablement un de leurs clients vers 50 ou 60 ans, à l'âge où les blessures faites à l'armée commencent à se manifester.
Anciens combattants Canada doit être l'élément clé pour toutes les personnes libérées. Si on a un problème de dents, ils s'assurent que toutes les interventions de soins dentaires nécessaires sont faites, mais ils n'ont rien à faire de la santé mentale. Les gens n'aiment pas aller chez le dentiste, alors il faut les obliger à y aller. C'est pourquoi nous avons une inspection dentaire. C'est la même chose pour la santé mentale à l'ACC. Personne ne voudra admettre qu'il est ancien combattant ou qu'il a un handicap, mais si un entretien avec l'ACC fait partie du processus de libération, les gens pourraient recevoir des brochures sur la façon correcte de remplir les documents ou une présentation de Mon dossier ACC. Cela peut se faire en quelques heures. Les vétérans seraient alors informés et ne trouveraient pas les informations sur Facebook.
Ma transition à la vie civile a été un choc. Comme je l'ai dit, on me considère comme quelqu'un de stable, mais je me suis senti dépassé lors de ma transition. On m'envoyait des tonnes d'informations à la fois. Voici un exemple simple: si vous êtes dans l'armée de terre, vous avez un numéro matricule. K41302461 a été mon numéro pendant 20 ans. Demandez-moi mon numéro ACC.
Je n'en ai aucune idée. Pourquoi ai-je besoin d'un nouveau dossier CAA alors que je pourrais simplement aller vers le préposé et lui dire: « Merci, au revoir », puis aller à mon bureau ACC et dire: « Voilà mon dossier »? On le passerait ensuite en revue. On pourrait conserver le même numéro, le même dossier. Il suffirait de changer la couleur de la couverture, du rouge au bleu par exemple. La transition serait beaucoup plus facile. C'est de ce genre de choses que je parle.
Il y a duplication. Phil a dit que c'était une chose de parler à une personne de ses peurs et de ses secrets les plus profonds, mais on doit le répéter à la personne suivante, puis à une autre encore. Au final, on n'a plus envie d'en parler. La même chose se produit pendant la transition. On remplit les mêmes formulaires, les mêmes papiers que ceux qu'on a déjà remplis quand on était en service actif. C'est le même formulaire, les mêmes informations. Tout ce qui change, c'est l'organisation indiquée en haut de page.
Je ne vais pas y arriver en 30 secondes. Brièvement, pendant les discussions de ce comité, nous avons examiné la santé mentale et la prévention du suicide. Nous avons appris que les tendances suicidaires sont le résultat de problèmes de santé mentale préexistants. Dans quelle mesure votre carrière dans l'armée a-t-elle eu un impact sur vos problèmes de santé mentale?
Pour moi, je ne sais pas. J'ai accepté que des choses comme le suicide et la dépression soient des effets secondaires pour certains d'entre nous qui faisons ce travail. Les premiers intervenants ont les mêmes problèmes, comme les médecins et le personnel infirmier urgentiste. C'est un travail difficile et les gens le font volontairement et ont une bonne raison de le faire.
Monsieur le président, puis-je demander aux témoins de fournir un synopsis de l’impact sur leur carrière militaire, par exemple, en comparaison de ce qu’ils ont connu dans la vie civile, et même des témoignages de personnes qu’ils connaissent? Je comprends qu’il s’agit là d’une question difficile, mais puisqu’on la pose fréquemment, je me suis permis de la soulever.
Le seul facteur qui me ferait hésiter, monsieur, c’est que j’ai commencé ma carrière militaire à 17 ans, comme la plupart de mes collègues, hommes ou femmes. Je dirais volontiers que c'est en tant que militaire que je suis devenu adulte et homme. On est tous un peu fous à 17 ans, n'est-ce pas? Nous nous demandons bien ce que nous allons devenir une fois adultes. Il me serait difficile de juger si j’étais alors différent ou la même personne.
C’est aux membres de ma famille qu’il faudrait poser cette question.
Dans ce cas, si vous désirez répondre à cette question, faites-en part au greffier, qui se chargera de transmettre votre réponse à tous les membres du Comité — si cela vous convient.
Merci, monsieur le président.
Quant à la reconnaissance de l’obligation sacrée due aux anciens combattants, j’ai fortement l'impression qu’il y a eu là un oubli. N’est-il pas important que nous nous souvenions de cela et que nous l’intégrions dans notre mode de fonctionnement, dans nos interactions avec les vétérans, dans notre façon de traiter avec eux et de les soutenir?
Je crois que cette obligation sacrée correspond à l’esprit de ce qui nous occupe. Si mes camarades n'avaient pas eu à émettre de commentaires, tels que « Je cherche à faire valoir ceci ou cela auprès des anciens combattants », ce serait un grand pas de franchi. Il y a quelques avantages qui ont été perdus en cours de route et qui ne valent pas vraiment la peine d’être revendiqués. Il y a certaines choses qui ont été enlevées ou modifiées dans la Nouvelle Charte des anciens combattants et qui, à mon avis, n'ont pas été pleinement écartées lorsque ces décisions ont été prises. On pourrait les restaurer. Cela pourrait aussi concourir à améliorer la situation, qu’il suffise de mentionner les prestations de soins médicaux à vie.
D’accord. C'est là ma prochaine question. Quelle importance représente cette pension aux yeux des anciens combattants obtenant leur congé médical? Nous entendons dire que c'est pour bientôt. Est-ce que les anciens combattants verraient une grande différence en ce qui concerne la reconnaissance de leur service?
Quant à moi, personnellement, je ne savais pas que la Charte avait aboli la pension à vie. Si vous proposiez à la plupart des soldats combattants une somme forfaitaire au lieu d’une pension à vie, somme qui serait assortie d'un ensemble de bénéfices auxquels ils auraient — peut-être — droit à un moment de leur vie, ils vous répondraient sans doute quelque chose comme: « Non, allez vous faire voir ailleurs. » Remarquez que ce n’est pas comme s’il s’agissait d’une somme mirobolante. Une pleine pension, éventuellement indexée à l’indice des prix à la consommation — vous voyez ce que je veux dire — représenterait peut-être 5 000 $ par mois dans le cas d'une invalidité totale. Encore là, ce n'est pas le Pérou, mais ça pourrait... Quoi qu’il en soit, en ce moment, je peux travailler et faire un peu d’argent. Même s’il n’en sera peut-être pas toujours ainsi, j’aurai l’assurance d’avoir un toit pour me couvrir et un minimum de nourriture sur ma table.
D'accord. Merci.
Nous avons également entendu dire qu’il existait des services de santé mentale offerts au personnel des Forces canadiennes. Cependant, une fois que vous avez quitté votre emploi, ce soutien psychologique n’est plus adapté aux besoins des anciens combattants. Par exemple, la thérapie de groupe est l’un des moyens d’apporter de l’aide aux vétérans. Cette aide ne saurait cibler à la fois les membres des Forces et les anciens combattants. Auriez-vous, par hasard, un commentaire à formuler à ce sujet?
Je vais revenir là-dessus, mais je dois maintenant céder la parole à quelqu’un d’autre. Nous allons juste devoir étirer un tout petit peu le temps prévu.
Vous avez terminé vos trois minutes, et je dois passer à M. Kitchen pour trois minutes. Nous reviendrons à M. Graham, et puis à vous, pour le mot de la fin.
D’accord, monsieur Kitchen, vous disposez de trois minutes.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Brindle — sentez-vous libre de ne pas répondre du tout à cette question si j’outrepasse ici mes limites ou si elle vous met dans une situation inconfortable —, je comprends que cela pourra vous paraître dur, mais je me demande si vous pourriez fournir quelques suggestions quant aux approches auxquelles vous seriez prêt à recourir si l’ancien combattant se retrouvait dans une telle situation de crise. Pour ce qui est de la tentative de suicide qui se rattache à cet état de crise, auriez-vous des suggestions qui pourraient... Nous parlons d'une ligne de prévention de suicide. À quoi bon avoir une telle ligne s’il n’y a personne pour répondre? Non?
Tout tourne autour du mot « suicide ».
Même s’il glace le sang dans les veines, ce mot ne me fait pas peur. Je me sens comme quelqu’un qui a le diabète ou un problème cardiaque ou encore rénal, et qui le sait. Je souffre d'un certain état où dans des circonstances précises, je n’ai plus du tout envie de vivre. J’évite donc ces circonstances, je me tiens loin de l’alcool et du travail outre-mer, et je travaille avec mon thérapeute à faire de la méditation et du yoga. C’est ma façon à moi d’éviter le suicide. Ce n’est guère différent d’avoir un problème cardiaque et de manger un Baconator tous les jours — il n’y a rien de tel pour écourter sa vie.
Nous sommes tous angoissés par le mot « suicide ». Il nous faut surmonter cette peur. Si vous avez des idées suicidaires et y pensez régulièrement, ça ne veut pas dire que vous allez passer à l’action. L’idée s’infiltre dans votre esprit au terme d’un long processus. Votre esprit commence à vous jouer des tours en éliminant les raisons pour lesquelles vous devriez continuer à vivre par vous-même... Cette peur de tout révéler et de dire « Je me sens déprimé », sans faire intervenir toute la cavalerie d’un seul coup, est votre façon de composer avec le problème, surtout si vous avez des changements de médication. Vous ne dépendez que de vous-même et n’avez personne vers qui vous tourner. Vous prenez votre mal en patience, pensant que tout va s’arranger. Vous n’avez pas envie d’appeler et d’ameuter tout le monde encore une fois.
Rien ne sert de perdre son sang-froid au ministère des Anciens Combattants. Ayant vu comment ça se passe, je sais qu’il vaut mieux mettre sa langue dans sa poche. Ça ne vaut pas la peine de se fâcher contre un système qui n’est pas dirigé contre soi. Le problème se trouve à l’échelle du système. Vous pouvez faire une réclamation en septembre 2015 et être encore en train d’en débattre... Beaucoup prétendent en blaguant qu’ils le font exprès pour nous tester, pour voir si nous sommes vraiment blessés. Rendus là, il n’y a plus de camaraderie, plus de fraternité comme dans les Forces. C’est vous contre une compagnie d’assurance. Je ne vois plus d’ACC, je vois une compagnie d'assurance. Nous connaissons tous le mot « appel », puisqu’on a dû essuyer un refus la première fois.
Pour en revenir à la question du suicide, il faut tenter de la dédramatiser. Quiconque dans cette salle est capable de se suicider en se basant sur l'information dont il dispose au moment qu’il aura choisi pour passer à l’acte. N’ayons pas peur d’en parler. Organisons des groupes de soutien et faisons savoir à tous que ce n’est pas un sujet tabou.
Monsieur Brindle — ou Don, si vous le permettez —, j’apprécie beaucoup que vous ayez pris le temps de venir nous exposer toute l’histoire, plutôt que simplement la fin de votre carrière. À mon avis, il est important de pouvoir mettre le tout en contexte.
J’ai cru qu’il était important de le faire, depuis que des études récentes ont indiqué que près de la moitié des membres des Forces canadiennes avaient été victimes d’abus, à un moment ou l’autre, pendant leur jeunesse. Ayant survécu à ce fléau, j’ai estimé qu’il fallait vous sensibiliser à la situation. De même, le taux de dépression est beaucoup plus élevé dans les Forces canadiennes que la moyenne nationale. Il faut aborder de front cette situation propre aux Forces canadiennes.
J'ai une question rapide à vous poser. À deux reprises, vous avez parlé de sevrage. Pourriez-vous préciser à quoi vous faisiez allusion?
Le sevrage s’effectue dans le cadre d’un cours. Si vous avez des problèmes d’alcool, c’est là qu’on vous envoie. Je crois que ce cours est donné à Kingston, entre autres. Il y a probablement d’autres endroits aussi.
Je ne prétends pas qu’il y est allé, mais il y a probablement envoyé un bon nombre de personnes. Ou il en a fait rapport...
En effet, c’est leur supérieur, selon le rapport. Il s’agit d’un cours destiné à ceux qui veulent décrocher de l’alcool. Lorsqu’on a de sérieux problèmes d’alcool dans les Forces canadiennes, la solution c’est le sevrage. Je ne connais pas le nom officiel du cours, mais c’est comme ça qu’on l’appelle.
C’en est une. Si vous êtes caporal et qu’on vous envoie en cure de sevrage, cela veut dire que vous allez faire carrière en tant que caporal.
Je vous suis.
Vous avez mentionné que vous vous étiez rendu compte d’être désormais devenu un vétéran. Lorsque vous avez quitté l’armée, que s’est-il passé?
Il n’y avait personne pour me dire: « Au fait, en tant qu'ancien combattant, voici où vous pourriez vous adresser. » C’était simplement...
Non. Ils étaient tellement pressés de me voir partir. J’étais encore en congé alors que je me trouvais au Kosovo. J’étais toujours au service des Forces canadiennes lorsque je détruisais des bombes à fragmentation. Le problème est que ça s’est produit tellement vite que je n’ai même pas eu le temps de me rendre compte de ce que j’avais fait.
Non, c’était à la toute fin. C’était en 2000, mais c'était encore à la toute fin du dernier Programme de réduction des forces.
Il doit y avoir plein de gens dans la même situation qui n’ont pas encore compris qu’ils sont devenus vétérans, alors...
C’est sûr qu’il y en a. Je peux vous en nommer deux, parmi les camarades que j’ai perdus. Le premier s’appelle Jacques Richaud, qui est mort en Irak. Il était technicien en munitions pour les Forces canadiennes. Le second, Paul Straughn, se trouve encore en Libye en ce moment.
On a peur de rentrer au pays parce qu’on ne sait pas ce qu’on a. Dans un esprit d’encouragement, je me souviens d’avoir dit: « Appelez au ministère des Anciens Combattants, ils sont là pour vous aider. » Mais ça n’a pas été le cas. Personne ne me l’a d’ailleurs jamais dit. Lorsqu’on est à l’étranger, en pleine zone de combat, on n’a pas le temps de regarder les publicités sur CBC ou Radio-Canada nous disant qu’il existe de l’aide. Vous n’avez pas la chance de tomber sur un dépliant dans le bureau du médecin, tout simplement parce que vous n’allez pas chez le médecin.
J’ai été pendant 14 ans à l'extérieur du pays. J’ai vécu en Russie, en Tanzanie et à Bagdad, mais le ministère des Anciens Combattants ne pousse pas ses antennes jusque-là. C’est la dernière chose que j’avais en tête... Puis, lorsqu’on commence à parler de TSPT... J’en ai douté pendant 10 ans, ne pouvant croire que j’avais le TSPT. Je n’ai vraiment compris qu’à ma première tentative — et le TSPT était alors mieux connu — que j’avais un problème, mais je ne savais pas encore comment joindre par téléphone le ministère des Anciens Combattants.
Comment faire pour communiquer avec ceux qui se trouvent en Libye, à Bagdad, ou n’importe où, et qui ne sont pas encore rentrés au pays?
Merci, monsieur le président.
J’aimerais revenir sur la question du soutien en matière de santé mentale après qu’un vétéran a été libéré et sur le fait que le soutien n’est pas très présent, ce qui fait que les vétérans se retrouvent en thérapie de groupe. Pourriez-vous répondre à cela en tenant compte des besoins des vétérans?
Je n’y suis jamais allé pour une question de santé mentale, mais bien pour une réadaptation physique. Le centre médical des Forces armées canadiennes, qui se trouve ici à Ottawa, aurait été mon endroit de prédilection pour cette réadaptation. Si j’avais besoin de thérapie en santé mentale, je préférerais être entouré de mes frères et soeurs. Ce n’est pas trop bon pour le moral d’un jeune homme en forme de se retrouver dans un hôpital rempli de victimes d'accidents de la route, plutôt âgées et souvent diabétiques. J’ai sursauté quand j’ai compris que j’étais le seul militaire dans le lot. Ce serait la même chose n’importe où ailleurs. Peut-être faudrait-il voir avec les intervenants de première ligne. Le MDN et ACC devraient conjuguer leurs efforts pour aménager des cliniques exclusivement pour les militaires ou les vétérans, parce qu’il semble y avoir là une clientèle abondante. Je ne crois pas qu’il s’agirait là d’une perte d’argent.
Merci pour cette intervention.
Une question rapide. Je dis rapide, mais il faudra sans doute beaucoup plus que la minute et demie qui vous reste pour y répondre. Cela concerne l’UISP. Nous avons eu un témoignage là-dessus. Selon certains, cela fonctionne bien, selon d’autres, c’est extrêmement limité et ça ne fonctionne pas bien du tout. En avez-vous fait personnellement l’expérience?
Lorsque j’ai été blessé, l'UISP n’était qu’un concept. Cela a été mis sur pied après ma blessure. J’ai été l’un des premiers soldats blessés à être affectés à l'UISP dans le cadre du programme Sans limites, et même si je faisais partie de l’équipe à l’UISP, mon service était loin d’être reluisant. En toute vérité, comme je l’ai déjà dit, j’ai effacé de ma mémoire une bonne partie de ce moment de ma vie pour préserver ma santé mentale. Je préfère ne pas revenir là-dessus. Alannah et moi discutons parfois de l’argent qu’ils nous doivent pour certaines choses à la maison, notamment pour procéder à des modifications pour le déplacement en fauteuil roulant. Nous croyons qu’il serait juste que nous nous fassions rembourser les 50 000 $ que nous avons dû payer de notre poche, mais à la seule idée d’avoir à entreprendre des démarches et à parlementer avec des gens, je me crispe en position foetale. Puisque ce n’est pas le profil qu’on attend d'un professionnel aguerri, j’essaie de ne pas trop y penser.
Voici ce que j’entrevois, même avec la bureaucratie d'Anciens Combattants. Entre 70 et 75 % semblent bien s’en tirer. Mais il reste 25 % qui sont handicapés à 70 % ou plus. C’est nous qui avons besoin d’un maximum de soins, et cela semble être du côté de l'UISP et d'Anciens Combattants. Pour les cas les plus simples, il suffit bien sûr de quelques formulaires et d’un timbre ou deux, et le tour est joué. J’ai découvert ça avec l’UISP et Anciens Combattants.
C’est vrai. En vieillissant, je constate que je deviendrai moi-même de plus en plus complexe. J’avais 30 ans lorsque j’ai été blessé. J’en ai maintenant 40, et cela m’est de plus en plus difficile de me déplacer, juste de venir ici aujourd’hui, par exemple. Je me suis demandé si j’allais me présenter en raison de mon problème de mobilité. Quand j’aurai 50 ou 60 ans, j’aurai besoin de plus de services. Parfois, je me demande comment les choses vont se dérouler quand je serai plus vieux et que j’aurai vraiment besoin que quelqu’un s’occupe de moi.
Merci. C’était tout pour aujourd’hui. Si vous désirez ajouter quoi que ce soit à votre témoignage, n’hésitez pas à le faire parvenir par courriel à notre greffier, qui le transmettra au Comité.
Au nom du Comité d’aujourd'hui, je tiens à vous remercier, tous et chacun, de ce que vous avez fait pour notre pays, et également de vous être déplacés aujourd’hui. Je sais qu’il est difficile de venir raconter ses expériences devant notre comité. Sans des gens comme vous, nous ne serions pas là aujourd’hui. J’espère que votre témoignage contribuera à la prise de décisions qui sauront aider les hommes et les femmes qui servent dans les Forces.
La séance est levée.
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