ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des anciens combattants
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 1er mai 2019
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les effets de l'utilisation de la méfloquine chez les vétérans canadiens et accueillons la Dre Ritchie, à titre personnel, et le Dr Nevin, de la Quinism Foundation.
Nous allons commencer par la Dre Ritchie. La parole est à vous.
Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité. Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais vous faire part du point de vue d'une psychiatre militaire, rôle que j'ai joué pendant de nombreuses années. J'ai côtoyé la méfloquine et j'ai été constamment mal informée quant à ses effets toxiques.
Habituellement, lorsque je présente un exposé, je commence par parler de la Première Guerre mondiale, puis de la Deuxième pour ensuite passer aux guerres de Corée et du Vietnam. Par souci de brièveté, je vais abréger tout ça et commencer aujourd'hui par la Somalie, mais toutes les guerres produisent des réactions physiques et psychologiques, et, souvent, il est difficile de faire la distinction. Vous n'avez qu'à penser aux traumatismes dus aux bombardements de la Première Guerre mondiale ou, plus récemment, au syndrome de la guerre du Golfe, dont on a parlé sans cesse.
La version brève de mon exposé consiste à dire que bon nombre des choses que nous avons constatées au cours des 30 dernières années et que nous estimions être des effets psychologiques peuvent maintenant être attribuées, en partie ou totalement, aux effets de la méfloquine. En ce qui a trait à la Somalie, j'ai rapidement été déployée là-bas dans le cadre de l'opération Restore Hope en tant que psychiatre militaire. J'étais alors une jeune major. J'ai été déployée avec le 528e groupe de gestion du stress au combat en provenance de Fort Bragg. Notre objectif était de diagnostiquer, traiter et évaluer les réactions du stress au combat.
Nous savions très peu de choses au sujet de la méfloquine à ce moment-là. La journée où je suis arrivée dans ce pays, un jeune soldat a été évacué. Il était complètement psychotique. Nous croyions que son état découlait des effets de la méfloquine.
J'ai travaillé principalement avec les forces américaines, même si on m'a demandé d'évaluer le caporal Matchee après sa tentative de suicide. Il était dans le coma, alors je n'ai pas pu l'évaluer.
Durant le temps que nous avons passé là-bas, nous avons beaucoup discuté des dangers de la malaria, et les effets neuropsychiatriques à court terme de la méfloquine nous sont devenus apparents, mais, à ce moment-là, nous n'avons pas réfléchi aux effets à long terme.
Passons rapidement à notre retour à la maison. Nous utilisions moins de méfloquine. Les meurtres, les meurtres-suicides à Fort Bragg se sont produits en 2002, peu après notre départ pour l'Afghanistan. Je faisais partie d'une équipe qui devait se pencher sur la question de la méfloquine: pouvait-il y avoir un lien? À ce moment-là, encore une fois, nous ne savions pas grand-chose au sujet de la méfloquine. Diverses études disaient qu'une personne sur 4 000, 10 000 ou 18 000 pouvait présenter des effets neuropsychiatriques découlant de la méfloquine. On parlait simplement des effets à court terme; c'est tout ce que nous connaissions. Nous avons étudié les cas de référence — vous vous en souvenez peut-être — du sergent d'état-major Nieves, qui a tué son épouse pour ensuite s'enlever la vie, du sergent-major Wright, qui a tué son épouse pour ensuite se pendre dans sa cellule, six mois plus tard, apparemment pris d'hallucinations, et du sergent d'état-major Brandon Floyd, qui ne prenait plus de méfloquine depuis six mois lorsqu'il a tué son épouse pour ensuite s'enlever la vie.
Nous avons examiné beaucoup de facteurs, mais, encore une fois, à l'époque, nous n'avons pas pensé aux effets à long terme de la méfloquine. Lorsqu'on arrête la plupart des médicaments, les effets disparaissent. Nous avons cerné une combinaison de choses responsables des meurtres-suicides, y compris la fidélité conjugale et le rythme rapide des opérations, mais je me suis intéressée au cas de la méfloquine en raison de ces deux expériences. En 2004, j'ai présenté un article sur les effets neuropsychiatriques de la méfloquine.
Accélérons-le pas pour en arriver à ma retraite de l'armée, en 2010. Le sergent d'état-major Bales a commis les atrocités au début de 2012, et j'ai immédiatement pensé à la méfloquine. Durant cette période d'intervention, l'utilisation de la méfloquine par l'armée américaine avait diminué de façon rapide, même si on l'utilisait encore. Un autre facteur était lié au fait que le quartier général nous répétait qu'il fallait procéder au dépistage et documenter de telles activités de dépistage réalisées auprès des soldats pour s'assurer qu'ils n'affichaient pas de maladies mentales ou de traumatismes cérébraux. Nos systèmes trouvaient sans cesse des problèmes quant à la façon dont nous avions procédé au dépistage et documenté les soldats relativement à la maladie mentale, aux traumatismes cérébraux, à l'anxiété ou au suicide. Bien sûr, durant la période d'environ 2004 à 2010, le taux de suicide dans l'armée a doublé.
Après ma retraite, mon travail le plus récent a été encore une fois en tant que psychiatre auprès du département américain des Anciens combattants. Je ne peux parler au nom du département, mais je peux dire que nous avons commencé à examiner les risques au Centre d'étude des blessures et des maladies liées à la guerre. Nous avons examiné les cas de soldats et d'autres vétérans américains qui, selon nous, souffraient peut-être des effets à long terme de la méfloquine. Nous avons découvert une diversité de diagnostics. Nous constations très rarement un portrait clair, mais il est évident que beaucoup de vétérans attribuaient leurs symptômes à la méfloquine.
Même si j'ai pris ma retraite de l'armée en 2010, j'ai participé très activement aux dossiers liés aux vétérans et aux militaires. J'ai suivi la controverse de la méfloquine de près. Tout juste la semaine dernière, l'un de mes tout derniers livres a été publié; il s'intitule Veteran Psychiatry in the US. Nous y abordons toute une gamme d'enjeux associés aux vétérans, y compris les expositions toxiques. Mon collègue, le Dr Nevin, a rédigé un chapitre sur les effets de la méfloquine.
J'aimerais conclure en vous proposant deux ou trois réflexions. La première, c'est que, encore une fois, chaque guerre a produit des réactions physiques et psychologiques que nous ne comprenons parfois pas. Je crois que les 20 dernières... On peut remonter à la Somalie ou plus loin encore. Après une certaine période, il y a des réactions physiques et psychologiques. Durant la toute récente conférence sur la méfloquine, mon collègue, le Dr Kudler, un expert de renommée mondiale du trouble de stress post-traumatique, a parlé du fait que, il y a 40 ou 45 ans, personne ne croyait au TSPT, le trouble de stress post-traumatique. Plus tard, il y a eu des gens qui pensaient que les traumatismes cérébraux n'étaient pas un facteur. Sans cesse, on entend parler de rapports sur des cas ou de discussions connexes et, graduellement, ces choses sont reconnues.
Cette question au sujet des effets à long terme est quelque chose qui m'a intriguée. Lorsque j'étais en Somalie ou à Fort Bragg et que nous tentions de déterminer pourquoi le sergent Floyd avait assassiné son épouse avant de s'enlever la vie — il était apparemment à ce moment-là extrêmement paranoïaque et psychotique —, nous n'avions pas de mécanisme pour comprendre la situation. Maintenant, nous avons davantage d'idées sur la façon dont le médicament peut influer sur le tronc cérébral et d'autres parties du cerveau et causer des problèmes neurologiques et psychologiques.
J'aimerais conclure avec un exemple qui est très pertinent pour moi dans ma position actuelle. Je suis présidente de la psychiatrie d'un hôpital à Washington D.C. Je ne parle pas au nom de l'hôpital, alors je n'en dirai pas plus à ce sujet. Cependant, en tant que psychiatre, je travaille avec beaucoup de patients qui ont pris des antipsychotiques dans le passé ou qui en prennent à l'heure actuelle. Vous connaissez ces médicaments: la thorazine, l'halopéridol ou l'Haldol, la rispéridone, la quétiapine et l'olanzapine. Il y en a plein. Nous savons que ces médicaments causent des effets à court terme comme la dystonie, des spasmes rapides des muscles, ou des symptômes extrapyramidaux ou l'acathisie, beaucoup de mouvements musculaires. Nous savons aussi qu'ils causent des problèmes à long terme, comme une dyskinésie tardive. Vous avez peut-être déjà entendu parler de dyskinésie tardive, les mouvements oraux ou buccaux de la bouche ou de la langue. Si vous vous rendez dans des centres de soins infirmiers, vous verrez souvent des mouvements répétés. Nous savons que ces symptômes vont et viennent au fil du temps, mais, lorsqu'on arrête la médication, ils peuvent persister. Ils peuvent empirer. Je ne dis pas que les effets à long terme de la toxicité de la méfloquine sont les mêmes que dans le cas de la dyskinésie tardive. Je dis plutôt que c'est un modèle qu'on peut utiliser. Il y a des effets à court terme qui peuvent disparaître lorsqu'on arrête de prendre le médicament, mais il peut y avoir des effets à long terme.
Lorsque nous passerons à la période de questions et de réponses, je sais que vous allez me poser beaucoup de questions auxquelles je n'ai pas les réponses, parce que, dans de nombreux cas, nous n'avons pas de données scientifiques. Les études n'ont pas été faites. Vous me demanderez peut-être en quoi les effets de la méfloquine sont différents sur les femmes, ce à quoi je pourrai répondre: « Eh bien, je crois que c'est différent, il y a certaines études » ou vous me demanderez peut-être pourquoi la toxicité de la méfloquine est si prévalente chez les vétérans de la Somalie, et peut-être moins chez ceux d'autres conflits. J'ai certaines hypothèses, mais je n'ai pas toutes les réponses.
Cependant, il y a deux ou trois choses dont je suis sûre. Premièrement, c'est qu'aux États-Unis et au Canada, nous devons faire du meilleur travail pour dépister les vétérans relativement à l'exposition à la méfloquine. Ce serait assez simple à faire.
Avez-vous déjà pris des médicaments antipaludiques une fois par semaine? La question suivante consisterait à demander s'ils ont déjà eu une diversité de symptômes y compris des étourdissements et un nystagmus?
L'autre question dont je connais très clairement la réponse, c'est qu'il y aura un certain pourcentage de vos vétérans qui auront des problèmes importants et permanents en raison de la méfloquine. Je ne peux pas vous dire le pourcentage exact et je ne peux pas vous dire qui ils sont. À la lumière de tous les travaux que le Dr Nevin, moi et d'autres avons faits, il y a des vétérans qui souffrent de blessures permanentes. Je crois qu'il est d'une importance cruciale d'identifier ces vétérans.
En tant que psychiatre, je rencontre beaucoup de personnes suicidaires: c'est mon quotidien. L'une des choses que j'ai constatées d'innombrables fois chez les gens qui souffrent des effets de la toxicité de la méfloquine, c'est qu'ils ne savent pas d'où viennent leurs idées suicidaires. Ils veulent se lancer devant un autobus, ils veulent se poignarder et même parfois tuer leur famille. Il peut être très utile de savoir que ce n'est pas simplement eux: c'est parce qu'ils ont été empoisonnés par un médicament qu'ils se sentent ainsi. Le simple fait de connaître l'exposition peut être très utile afin qu'ils puissent se dire: « D'accord, ce n'est pas juste moi; c'est le médicament. » L'apaisement qu'obtiennent les vétérans est énorme.
Je vais maintenant conclure ma déclaration.
Je serai heureuse de répondre à vos questions. Je ne pourrai pas répondre à certaines d'entre elles parce qu'elles échappent à la portée de mon expertise ou parce que nous ne connaissons pas les réponses, et je pourrai parfois laisser le Dr Nevin répondre.
Merci beaucoup de votre attention.
Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité de m'avoir invité aujourd'hui.
Je suis le Dr Remington Nevin. Je suis le directeur exécutif de la Quinism Foundation, une organisation sans but lucratif du Vermont. Notre mission consiste à soutenir et promouvoir la sensibilisation et la recherche sur un état de santé appelé l'encéphalopathie quinoléine chronique, aussi appelé quinisme neuropsychiatrique. C'est un état de santé causé par l'empoisonnement du système nerveux central par la méfloquine et d'autres antipaludiques à base de quinoléine.
La dernière fois que j'ai comparu devant le Comité remonte à décembre 2016. J'avais alors présenté un mémoire sur le sujet de la méfloquine. Dans le mémoire en question, je formulais des commentaires sur les récents changements apportés à ce moment-là à la monographie canadienne de la méfloquine qui avait été mise à jour en août, cette année-là. La monographie a par la suite été mise à jour à nouveau, si je ne m'abuse, en septembre 2017, après la publication du rapport du médecin-chef des Forces canadiennes et de Santé Canada sur la méfloquine. C'est à ce libellé de la mise à jour la plus récente que je me référerai dans le cadre de mon témoignage d'aujourd'hui.
La monographie canadienne de la méfloquine avertit maintenant les médecins et les autres prescripteurs en caractère gras que:
On doit demander aux patients de consulter un professionnel de la santé en présence de tout symptôme neurologique ou psychiatrique survenant pendant le traitement prophylactique par la méfloquine
— pour la prévention de la malaria —
le professionnel de la santé pourrait devoir interrompre le traitement par la méfloquine et prescrire un autre médicament pour la prévention du paludisme.
La monographie précise en outre, dans un avertissement encadré, que, non seulement il faudrait devoir interrompre le traitement par la méfloquine, mais qu'il faudrait en plus prescrire un autre médicament si des symptômes psychiatriques ou neurologiques sont constatés durant l'utilisation prophylactique.
La nouvelle monographie dit aussi clairement ce qui suit:
Différents symptômes psychiatriques, dont l’anxiété, la paranoïa, la dépression, les hallucinations et un comportement psychotique, peuvent survenir avec la méfloquine. Ces symptômes peuvent apparaître très tôt au cours du traitement par la méfloquine; dans certains cas, ces symptômes ont persisté longtemps après l’interruption du traitement.
La monographie dit ensuite expressément ce qui suit:
Chez un petit nombre de patients, les réactions neuropsychiatriques rapportées, par exemple dépression, acouphènes, étourdissements, vertige ou perte d’équilibre, ont parfois persisté pendant des mois, voire des années, après l’interruption du traitement par méfloquine. Des lésions vestibulaires permanentes ont également été observées dans certains cas.
Il y a plusieurs points importants soulevés dans cette étiquette approuvée — elle l'a été par Santé Canada — et, par conséquent, ce sont présumément des choses que reconnaît Santé Canada.
Le premier point, c'est que Santé Canada et le fabricant du produit reconnaissent que, dans certains cas, l'utilisation de la méfloquine peut entraîner des symptômes psychiatriques et neurologiques à long terme. L'hypothèse sur l'étiquette, c'est qu'il y a une probabilité que ces symptômes soient de nature causale, ce qui signifie qu'ils sont causés par le médicament, et pas simplement associés à son utilisation. Pour plus de clarté, ce lien de causalité n'est pas vraiment contesté par les experts. Par conséquent, il y a un important consensus parmi les organismes de réglementation des médicaments à l'échelle internationale à ce sujet. Il y a de bonnes données probantes de nature médicale et scientifique ainsi qu'une grande quantité de données de pharmacovigilance accumulées — on parle ici de rapports d'effets indésirables — selon lesquels les symptômes comme l'insomnie, des rêves anormaux, des cauchemars, de l'anxiété, la dépression et le dysfonctionnement cognitif, entre autres symptômes psychiatriques, par exemple, peuvent se poursuivre pendant des années après l'utilisation du médicament. C'est le premier point.
Le deuxième point qui découle du libellé mis à jour, c'est qu'il y a aussi une reconnaissance tacite de Santé Canada et du fabricant du médicament du fait que, pour réduire le risque de ces symptômes à long terme, il faudrait arrêter d'administrer de la méfloquine dès l'apparition de tout symptôme psychiatrique ou neurologique. C'est quelque chose que dit clairement le libellé supplémentaire ajouté à la monographie suivant:
Si, au cours d’un traitement prophylactique, des signes d’anxiété aiguë, de dépression, d’instabilité psychomotrice ou de confusion apparaissent, ils peuvent être des signes avant-coureurs d’un phénomène plus grave. Dans ce contexte, le traitement doit être interrompu et un autre médicament doit être administré.
Il devrait être clair, vu les autres passages de la monographie ainsi qu'à la lumière des règles internationales d'étiquetage du médicament, que ces symptômes précis — l'anxiété aiguë, la dépression, l'agitation ou la confusion — devraient être considérés comme des symptômes illustratifs, et non exclusifs. Par exemple, l'étiquette européenne du médicament dit clairement que des rêves anormaux, des cauchemars et l'insomnie devraient aussi entraîner l'arrêt de l'administration du médicament. Je crois que c'est quelque chose qui est aussi clair à la lumière du libellé de la monographie canadienne du produit.
Vu le mandat du Comité, ces deux points ont des répercussions profondes sur les soins à prodiguer aux vétérans canadiens, les dizaines de milliers d'entre eux qui, depuis les années 1990, ont été exposés à la méfloquine, dans la plupart des cas, sans bénéficier de ces avertissements accrus.
Une répercussion évidente et profonde, c'est que dans le cas des vétérans canadiens qu'on a obligés à prendre la méfloquine avant que ces avertissements ne figurent sur la monographie du produit et qui, par conséquent, ne se sont pas fait dire d'arrêter de prendre le médicament dès l'apparition de symptômes psychiatriques, il y a un risque accru qu'ils soient victimes des « phénomènes plus graves » dont ces symptômes psychiatriques sont considérés comme des signes avant-coureurs. Pour être clair, ce phénomène plus grave est l'apparition de symptômes psychiatriques et neurologiques à long terme qui, dans certains cas, peuvent entraîner une invalidité.
On doit donc se poser la question suivante: que font systématiquement Anciens Combattants Canada et d'autres intervenants pour identifier ces vétérans qui ont en fait présenté de tels symptômes psychiatriques et neurologiques à long terme découlant de leur utilisation de la méfloquine? La réponse semble être rien. Par conséquent, dans une lettre récente adressée à l'ancien ministre des Anciens Combattants, nous avons demandé à ACC de mettre en oeuvre un programme de dépistage des vétérans relativement à des antécédents d'exposition symptomatique à la méfloquine, ce qui signifie qu'on s'intéresse non seulement aux vétérans qui se rappellent avoir pris de la méfloquine, mais aussi à ceux qui se rappellent avoir affiché les symptômes qui sont mentionnés précisément comme étant des signes avant-coureurs d'un phénomène plus grave, qui, nous le comprenons bien, est un euphémisme qui renvoie au fait de devenir invalide à la suite de l'utilisation du médicament.
Malheureusement, la réponse que nous avons reçue du ministre actuel était très insatisfaisante, ce qui nous donne à penser qu'ACC ne prend pas cet enjeu au sérieux. Je serais heureux de vous fournir la réponse pour le compte rendu, sur demande.
Comme nous l'avons mentionné dans notre lettre initiale au ministre des Anciens Combattants, nous croyons que le dépistage des vétérans ayant connu une exposition symptomatique à la méfloquine est une première étape nécessaire pour sensibiliser les médecins à la prévalence de l'empoisonnement à la méfloquine parmi la population récente de vétérans canadiens. Nous croyons aussi que le dépistage permettra à ACC d'estimer de façon plus exacte et valide le nombre total de vétérans exposés à la méfloquine et de déterminer à quel point la documentation relative à la prescription est incomplète. Nous croyons aussi qu'une telle mesure permettrait à ACC d'estimer combien de vétérans souffrent peut-être d'une invalidité et deviendraient alors admissibles à une indemnité d'invalidité. Comme nous l'avons souligné dans notre lettre initiale, notre organisation serait heureuse de travailler en collaboration avec ACC pour aider à mettre en place un tel processus de dépistage auprès de cette population.
Voilà qui conclut le témoignage que j'avais préparé. Je serai très heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.
Merci, monsieur le président, et merci aux deux témoins d'être là.
Comme vous le savez, docteur Nevin et docteure Ritchie, nous en sommes rendus au point, au Canada, où seulement 5 % environ de nos forces armées prennent ce médicament précis. À l'avenir, et, selon moi, en raison des importantes pressions, le médecin-chef et Santé Canada ont fini par changer leur fusil d'épaule, dans une certaine mesure, relativement à ces enjeux.
Notre préoccupation, ici, ce sont les vétérans qui ont été forcés de prendre ce médicament dans le passé. Selon vous, qu'est-ce que les Forces armées canadiennes devraient faire, alors, précisément, pour aider ces vétérans? Par exemple, est-ce que nos rendez-vous en santé mentale d'une heure sont efficaces? C'est ce qu'on donne à nos vétérans aux premières étapes du TSPT, d'un traumatisme cérébral ou d'un empoisonnement à la méfloquine. Va-t-on assez loin? Avez-vous des suggestions de programmes dans lesquels le Canada devrait investir?
Je crois que nous pourrions tous les deux passer deux heures à répondre à cette question. Je crois que le mieux, c'est que j'essaie de répondre, et que je cède ensuite la parole au Dr Nevin.
L'une des choses qu'on a constatées depuis le 11 septembre au sein de l'armée américaine, c'est qu'il y a de nombreux programmes visant à dépister de façon précoce les troubles de stress post-traumatique, les traumatismes cérébraux et d'autres conséquences psychologiques de la guerre. Les gens craignent pour leur carrière. Nous n'avons pas fait — et, de notre part, c'est malheureux, selon moi — un dépistage systématique de la méfloquine.
Je crois qu'il est important de procéder à un dépistage de toutes ces choses ainsi que la dépression, qui va de pair avec le TSPT et qui n'est pas exactement la même chose — en outre, bien sûr, ces problèmes s'accompagnent souvent de toxicomanie —, mais il faut le faire de façon à ce que les militaires croient honnêtement que tout ça n'aura pas d'incidence sur leur carrière. Lorsqu'ils ne sont plus en service actif, c'est habituellement plus facile. Cependant, durant le service actif, ils sont souvent très déterminés, parce qu'ils sont fiers de ce qu'ils font et ils veulent vraiment continuer.
D'accord. Merci.
Docteur Nevin, avant que vous ne répondiez... Vous dites que c'est une intervention très limitée. Pourriez-vous rédiger un rapport sur cet enjeu précis et le présenter au Comité pour qu'on l'ajoute à nos dossiers?
Oui. Je serai heureux de préparer un mémoire en guise de suivi de mon témoignage.
Pouvez-vous me préciser la question que vous me posez?
De façon prospective, nous constatons une amélioration, pas une admission de la culpabilité relativement à des gestes posés dans le passé, mais on voit une atténuation à l'avenir. Cependant, il y a des personnes qui ont été forcées de prendre le médicament et qui se retrouvent avec de grands problèmes de santé. Qu'est-ce que les Forces armées canadiennes devraient faire précisément en ce qui a trait aux programmes?
Vous avez mentionné que, à l'heure actuelle, il y a des rendez-vous en santé mentale d'une heure, et ce genre de choses. Que pourrait-on faire?
Pour faire une distinction entre l'armée, le ministère de la Défense nationale et ACC... Je dis depuis longtemps que nous pourrions faire beaucoup de progrès dans ce dossier si les États-Unis, que ce soit le département de la Défense ou le département des Anciens combattants, reconnaissaient que la méfloquine est la cause d'un certain niveau d'invalidité chronique parmi les vétérans. Si un dirigeant principal du département de la Défense des États-Unis devait le reconnaître dans un mémoire ou sur une tribune publique ou si un fonctionnaire principal du département américain des Anciens combattants devait reconnaître quelque chose de similaire, ce serait plus efficace que tout le reste.
Selon moi, les cliniciens dans ces deux organisations reconnaissent les problèmes causés par la méfloquine, mais après être fait dire pendant 25 ans par la haute direction que le médicament n'est pas le problème, ils hésitent encore un peu à aller de l'avant et à identifier ces problèmes au sein de la population de patients. Ce dont les cliniciens ont besoin, c'est du feu vert de leurs dirigeants, d'une confirmation que cela n'aura pas de répercussion négative sur leur carrière clinique ou sur la carrière des militaires.
Pour répondre précisément à votre question, si le ministère de la Défense nationale pouvait simplement reconnaître ce qui est évident à la lecture des mises à jour de la monographie du produit — notamment ce dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire —, soit qu'il y a clairement un certain niveau d'invalidité chronique parmi les vétérans canadiens découlant de l'administration de la méfloquine, particulièrement sans avoir pu bénéficier des avertissements mis à jour, c'est, selon moi, ce qui serait le plus efficace.
De...
Je suis désolée.
Docteur Nevin, je suis sûre que vous êtes au courant des recherches qui ont été réalisées en Australie et des 14 affections cernées là-bas relativement aux réactions à la méfloquine. Ils sont même allés jusqu'à dire qu'ils ne vont pas reconnaître l'expression « toxicité de la méfloquine ». Nous avons commencé à avoir de telles conversations il y a deux ans, et maintenant le terme que vous utilisez, c'est « quinisme ».
Pouvez-vous nous parler de la différence entre ces deux termes et de ce qui s'est produit depuis ce temps-là?
Notre groupe a été créé en grande partie pour promouvoir et soutenir la sensibilisation et la recherche sur ce problème de santé, que nous avons appelé « quinisme ». Nous avons choisi ce terme de façon vraiment délibérée. Nous croyons que le quinisme est une maladie, que l'encéphalopathie quinoléine chronique est un problème de santé causé par l'empoisonnement du cerveau par ces médicaments.
Les symptômes que j'ai décrits, les symptômes qui sont reconnus comme pouvant être de longue durée chez les personnes qui prennent de la méfloquine, ne sont pas seulement des effets secondaires. Ces symptômes ne sont pas seulement des effets indésirables du médicament. Ces symptômes et ces signes qui les accompagnent sont les manifestations d'une maladie sous-jacente qui a été causée par l'empoisonnement du système nerveux central par ces médicaments.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous le croyons. Les symptômes et les signes, ensemble, par exemple, témoignent d'une maladie. Cependant, au fil du temps, nous comprenons de mieux en mieux la physiopathologie, c'est-à-dire le trouble d'un point de vue structurel et fonctionnel, du système nerveux central qui sous-tend ces signes et symptômes.
Lorsqu'on a une physiopathologie putative, lorsqu'on croit comprendre de quelle façon le corps — et, dans ce cas-ci, le cerveau — est troublé et qu'on constate la présence de signes et symptômes constants, c'est une maladie. Ce n'est pas seulement un syndrome. Ce ne sont pas seulement des effets secondaires. C'est une maladie.
L'expression « quinisme », la maladie du quinisme, englobe tous les symptômes affichés par les vétérans qui souffrent d'empoisonnement à la méfloquine.
Merci à vous deux d'être là.
Je veux poursuivre au sujet de la toxicité de la méfloquine. Je peux peut-être poser ma question à Dre Ritchie. Quelle est la manifestation physique de la toxicité dont on parle? C'est difficile pour nous de déterminer le lien exact dans la conversation au sujet des comportements et du passage à l'acte de ces soldats et le lien direct avec tout ça.
Est-ce que la littérature médicale définit la toxicité de la méfloquine d'une façon précise par opposition à notre tentative de déterminer ce dont il s'agit?
La formulation de ma question est boiteuse. J'ai l'impression de tout simplement poser à nouveau la même question.
De quelle façon définiriez-vous la toxicité de la méfloquine?
Vous posez peut-être la même question, mais en tant que clinicienne et psychiatre, je vais vous dire de quelle façon je réunis tout ça.
Il y a beaucoup de médicaments, légaux ou illégaux, qui causent des choses comme des hallucinations, le LSD par exemple. Il y a des choses comme le PCP qui causent des hallucinations. Le PCP peut aussi causer des problèmes à long terme. L'une des choses qui ont créé chez moi de la confusion initialement lorsque je regardais tout ça... Nous étions au courant de l'insomnie, des cauchemars, de l'anxiété et des hallucinations. C'était assez évident à l'époque. Plus récemment, nous avons appris que certaines personnes prennent deux ou trois de ces comprimés parce qu'ils veulent des hallucinations. Nous étions au courant des rêves riches en couleur.
Dans la littérature médicale et psychiatrique, il y a beaucoup de renseignements sur les effets secondaires neuropsychiatriques de tout ce dont j'ai parlé. Ce que nous commençons tout juste à réunir dans la littérature, ce sont les effets secondaires neurologiques et les effets secondaires psychiatriques chroniques liés précisément à la méfloquine. Même si, encore une fois, nous savons qu'avec d'autres substances comme le PCP, on peut avoir des flashbacks et de l'insomnie qui peuvent durer longtemps après la consommation.
L'une des choses qui ont créé de la confusion dans l'esprit de beaucoup d'entre nous, peut-être, c'est qu'il y a eu le trouble de stress post-traumatique, leTSPT, après la guerre du Vietnam. Pour vous rafraîchir la mémoire, nous savons tous que les symptômes de ce problème sont des flashbacks, un sentiment d'engourdissement et de distance et des pensées intrusives. Ce qu'on n'a pas totalement défini, encore, c'est que, au Vietnam, beaucoup de nos vétérans prenaient aussi diverses variétés de quinolones. Nous ne savons pas si cela est venu brouiller les cartes et ce n'est pas quelque chose que nous avions reconnu à l'époque. Nous disions toujours qu'il s'agissait de TSPT.
Tandis que j'ai poursuivi mon cheminement et que j'ai appris plus de choses au sujet des effets secondaires neurologiques, la distinction entre le psychologique et le physiologique devient moins nette. Tout est dans le cerveau, qu'il y ait atteinte aux neurones ou non, ce que nous constatons de plus en plus. Est-ce le traumatisme psychologique? Nous croyons de plus en plus que c'est vraiment une toxine dans le cerveau.
Ai-je répondu à votre question?
Je ne suis pas sûre d'y avoir répondu exactement de la façon dont vous l'aviez posée.
Merci. Vous m'aidez à cheminer, c'est sûr.
Tentera-t-on ultimement d'essayer de déterminer si l'utilisation du médicament cause une manifestation physique, comme une lésion du tronc cérébral?
Quelles seraient ces manifestations précises de l'administration de la méfloquine?
Oui. Je crois que nous le ferons. Notre technologie est assez rudimentaire actuellement. Nous sommes passés des tomodensitogrammes aux épreuves de résonance magnétique, aux tomographies à émissions de positons puis aux tomographies monophotoniques. L'un des sujets sur lesquels nous nous sommes penchés dans le cadre de l'étude à Anciens Combattants concernait certaines des façons plus précises d'examiner tout ça. Les méthodes sont précises, mais nous ne connaissons pas nécessairement la réponse. La plupart des recherches qui ont été réalisées dans le passé ont constaté à disséquer des rats, à colorer leur cerveau et à les examiner. Nous n'y sommes pas encore arrivés.
Selon moi, plus nous avancerons dans ce domaine, plus nous trouverons des lésions anatomiques, qu'on puisse tout simplement regarder et voir les vacuoles — comme on le fait pour les cerveaux des rats — ou que les lésions soient plus petites et plus difficiles à découvrir.
Je crois que nous trouverons des lésions.
Je vais maintenant céder la parole au Dr Nevin, parce que j'ai l'impression qu'il voudra ajouter son grain de sel.
Merci.
Nous savons que la méfloquine et les quinoléines connexes sont neurotoxiques, et nous savons que cette neurotoxicité est prouvée chez les animaux. Elle touche des zones très précises du tronc cérébral et du système limbique. Comme la Dre Ritchie y a fait allusion, dans nos études sur des modèles animaux, ces médicaments causent des lésions microscopiques dans des régions précises du cerveau et du tronc cérébral et, à la lumière de nos connaissances de la neuroanatomie et de la neurophysiologie, on pourrait s'attendre à ce que les lésions dans ces zones se manifestent par certains signes et certains symptômes.
Par exemple, s'il y avait des lésions microscopiques dans les noyaux vestibulaires du tronc cérébral qui contrôlent l'équilibre et qui contribuent à notre orientation spatiale, de telles lésions se manifesteraient par des déséquilibres chroniques, des étourdissements, une impression de vertige et une démarche anormale. C'est précisément ce qu'on constate chez les vétérans qui se plaignent de symptômes psychiatriques de la méfloquine et aussi de ces symptômes.
Ces vétérans qui reviennent à la maison et qui se plaignent de cauchemars persistants, d'anxiété, de dépression et de dysfonction cognitive, eh bien, lorsque des cliniciens comme des neuro-optométristes ou des neuro-otologistes les examinent minutieusement, ils manifestent des signes de dysfonction du système central — c'est-à-dire le tronc cérébral — ou encore des dysfonctions visuelles ou vestibulaires.
Nous avons un mécanisme pour expliquer cette situation. Ce n'est pas seulement le TSPT. Ce n'est pas seulement un traumatisme cérébral. L'explication la plus minimaliste de la situation, c'est qu'ils ont été exposés à un agent neurotoxique ayant entraîné une dysfonction permanente de leur tronc cérébral, et c'est ce qui explique leur invalidité chronique.
Merci beaucoup d'être là. J'ai vraiment apprécié vos témoignages.
Je vais commencer par vous, docteur Nevin. L'une des choses dont vous avez parlé très clairement, c'est la notice de la méfloquine — essentiellement, la monographie, que vous avez citée —, à laquelle Santé Canada a maintenant accès. J'aimerais savoir si vous savez quand cela a été ajouté.
Merci. Les monographies de produits de tous les médicaments sont mises à jour de façon routinière lorsqu'il y a de nouveaux signaux au chapitre de l'innocuité et qu'il faut avertir le public des risques associés à un médicament.
Je suis plus au fait de l'histoire de l'étiquette américaine, mais je crois que le libellé de l'étiquette canadienne se rapproche beaucoup de celui des États-Unis. Je peux dire que, de façon générale, depuis que la méfloquine a été accessible pour la première fois, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, la notice du produit aurait dû dire que, si durant l'utilisation prophylactique du médicament — c'est-à-dire pour prévenir la malaria — on note de l'anxiété, de la dépression de l'agitation ou de la confusion, on peut ou il faut considérer ces signaux comme des signes avant-coureurs de quelque chose de plus grave, raison pour laquelle il faut arrêter la prise du médicament.
En fait, dans quasiment toutes les administrations où la méfloquine — qui était alors commercialisée sous le nom Lariam — était accessible, la notice du produit le disait. Nous avons toujours su que la méfloquine pouvait produire une encéphalopathie toxique qui se manifeste par ces symptômes et qu'une manifestation précoce de ces symptômes prédit l'application d'une encéphalopathie plus grave qui, au fil du temps, peut accroître le risque de neurotoxicité et d'invalidité permanente. Selon moi, c'est ce qui a permis à Roche — le fabricant initial du Lariam — de réduire au minimum son exposition juridique afin de pouvoir commercialiser avec confiance un produit intrinsèquement dangereux. Selon moi, si vous demandez à des avocats, ils vous diront que Roche est exposé de façon très limitée, parce que l'entreprise a dit depuis le début qu'il faut arrêter de prendre le médicament en cas d'anxiété.
Cependant, la question reste entière. De quelle façon est-on censé utiliser un médicament dans un contexte militaire, un médicament conçu à des fins militaires, qu'il faut arrêter lorsqu'on constate de l'anxiété? L'anxiété n'est-elle pas une émotion tout à fait normale durant un déploiement? De quelle façon peut-on de façon réaliste faire la distinction entre l'anxiété associée à une encéphalopathie toxique découlant de la méfloquine et une anxiété liée au déploiement? Cela donne à penser que le médicament est intrinsèquement défectueux relativement aux indications pour lesquelles il a été élaboré.
Et là, cela dit, on n'a jamais mis l'accent sur ce libellé. Il n'a jamais été compris par les soldats du rang. Il n'a jamais été compris par les psychiatres militaires sur le terrain et, assurément, les soldats qui en prenaient ne se sont jamais fait dire d'arrêter d'en prendre à l'apparition de ces symptômes.
C'est parfait pour moi, parce que la prochaine question que je veux poser concerne le consentement éclairé. Actuellement, environ 5 % des militaires peuvent prendre ce médicament s'ils le demandent ou s'ils ne peuvent pas prendre quelque chose d'autre. L'une de mes préoccupations, c'est celle de savoir si on obtient leur consentement éclairé à cet égard?
La deuxième partie de ma question concerne ce que vous avez dit au sujet du besoin d'informer les gens parce que beaucoup de vétérans savent peut-être ou ne savent peut-être pas que c'est ce qui leur arrive. Ça me préoccupe grandement. J'espère que vous pourrez remettre au Comité la lettre que le bureau du ministre vous a fournie, parce que nous devons la voir. C'est très important, parce qu'il faut les informer.
Ma première question concerne le consentement éclairé. À quoi cela pourrait-il ressembler? Quelle recommandation devons-nous formuler au personnel militaire actuel qui reçoit le médicament?
Ensuite, quelle est votre recommandation pour ce qui est d'identifier et d'aider les vétérans qui ne savent peut-être pas que c'est l'une des réalités avec lesquelles ils composent?
Selon moi, nous avons maintenant pas mal réglé le problème de l'utilisation inappropriée de la méfloquine. Je dirais qu'il y a des personnes qui ont pris beaucoup de méfloquine et, pour une raison quelconque, ils n'affichent aucun des effets néfastes du médicament. Nous ne savons pas pourquoi certaines personnes sont susceptibles, et d'autres, non. Une importante minorité d'entre nous est susceptible à cette encéphalopathie toxique, aux effets neurotoxiques de la méfloquine. Le médicament est ce qu'on appelle un neurotoxique idiosyncrasique, ce qui signifie que certains y sont susceptibles, et d'autres non, et nous ne savons pas pourquoi. Nous finirons par le savoir.
Tant qu'on ne le saura pas, nous avons, à défaut, ce qu'il y a de mieux par ailleurs. Nous avons l'apparition de symptômes avant-coureurs qui nous permettent de savoir qui est susceptible. Il se pourrait très bien que les 5 % — ou peu importe le pourcentage — des soldats actuels qui choisissent de prendre la méfloquine sont des personnes qui, par expérience, ont déterminé qu'ils n'étaient pas susceptibles. Par exemple, je connais beaucoup de collègues dans le milieu de la paludologie qui ont utilisé la méfloquine et qui semblent bien se porter et qui veulent continuer à en prendre. J'imagine que, tant que le médicament est disponible et que son administration est permise, il n'y a pas de problème. Je ne recommanderais pas à quelqu'un qui n'en a jamais pris d'en prendre pour la première fois, parce qu'il y a toujours un risque — même avec le premier comprimé — qu'il présente une incapacité permanente. Je dirais que, même si une personne l'a toléré dans le passé, nous ne savons pas si certaines expositions environnementales ou le fait de prendre d'autres médicaments ou encore un paquet d'autres choses pourraient entraîner une susceptibilité. Je crois tout simplement que c'est intrinsèquement un médicament risqué et que nous ne devrions probablement pas encourager son utilisation.
Je crois qu'on pourrait avancer que l'étiquette actuelle, même si elle n'est pas parfaite, est beaucoup mieux qu'auparavant. Si l'étiquette est respectée, qu'on arrête immédiatement l'administration du médicament à l'apparition de symptômes psychiatriques ou neurologiques, on devrait réduire le risque d'invalidité à long terme. Je ne crois pas qu'on puisse l'éliminer complètement parce que, encore une fois, il y a des rapports fiables d'invalidité permanente découlant de l'administration d'un seul comprimé, mais il y a tout de même eu une amélioration importante de l'étiquetage au cours des dernières années.
Oui, je vais ajouter quelque chose rapidement.
Je pense que tout le concept du consentement éclairé des militaires est problématique. Dans le passé, on donnait à des gens une poignée de pilules dans l'avion. Même maintenant, si vous voulez atteindre un certain grade, si vous voulez réussir dans votre carrière et ne pas rester au pays, vous allez prendre les médicaments.
L'autre chose que j'aimerais faire valoir, c'est que nous ignorons ce qui présente un plus grand risque pour une personne. Une de mes hypothèses, c'est la déshydratation. Je crois qu'une partie de la raison pour laquelle les vétérans de la Somalie ont autant souffert, puisque je suis allée là-bas, c'est peut-être que nous n'avions pas d'eau et que l'eau était répugnante; elle sentait le sel. Les gens ne la buvaient pas. Dans un environnement de déploiement, vous ne pouvez jamais garantir qu'il y aura un bon approvisionnement en nourriture et en eau, et les risques seront trop importants; à mon avis, si les gens ne peuvent pas prendre un de ces autres médicaments, ils ne devraient pas être déployés dans une zone de guerre.
Merci beaucoup de vos deux exposés. Je suis un invité ici aujourd'hui et je trouve cette discussion que nous tenons très intéressante et importante.
Je viens de Sault Ste. Marie, et nous avons le 49e Régiment d'artillerie de campagne et le 33e Bataillon des services. Bon nombre des militaires sont mes amis, et certains participent à la Force régulière et ont déjà servi partout dans le monde.
Docteure Elspeth Cameron Ritchie, dans une partie de votre témoignage, vous avez dit que vous n'aborderiez pas les aspects cliniques, parce qu'il n'y a pas assez de données existantes, mais vous pouvez formuler une hypothèse par rapport à certaines choses. Ces amis dont je parle sont autant des hommes que des femmes. Vous avez dit que vous possédez quelques théories ou que vous pourriez peut-être formuler des hypothèses quant aux effets différents de ce médicament particulier sur les hommes et les femmes.
Les femmes dans l'armée, en règle générale, sont en âge de procréer, et vous vous souciez donc de choses comme la grossesse et l'allaitement. Quelques données nous indiquent que l'utilisation de méfloquine a augmenté le taux de fausse couche chez les anciennes combattantes de la Somalie. Les femmes qui sont déployées ne sont pas censées être enceintes, mais quelquefois, elles le sont avant de partir et ne l'apprennent pas à temps, et parfois elles tombent enceintes quand elles sont là-bas. Je crois que c'est très risqué en soi. Puis il y a la question de l'expression de la méfloquine par le lait maternel.
L'autre chose, c'est que les femmes ont tendance à avoir une concentration en lipides plus élevée, donc encore une fois, on pourrait formuler l'hypothèse qu'il y en aurait davantage qui franchirait la barrière hémato-encéphalique. Nous savons que les femmes qui ont vécu des traumatismes cérébraux ou d'autres traumatismes ont des cycles reproducteurs différents. Évidemment, vous avez l'oestrogène et d'autres hormones, donc comment cela pourrait-il les influencer? Il demeure beaucoup de questions par rapport à la transmission de la méfloquine. Il y a beaucoup de médicaments que nous essayons de ne pas utiliser durant la grossesse en raison du risque d'anomalies fœtales. Toutes ces choses me préoccuperaient.
Pour le meilleur ou pour le pire, jusqu'à maintenant, nous ne disposons pas de beaucoup de données, car au meilleur de ma connaissance, peu de femmes déployées et prenant de la méfloquine sont tombées enceintes.
C'est très intéressant.
Dans certaines des données que je lisais avant de venir ici, on mentionnait que, dans les Forces armées canadiennes, la méfloquine compte pour moins de 5 % environ des ordonnances pour la prévention de la malaria.
Ce que je vais dire va s'inscrire dans la discussion que nous avions plus tôt, et j'aimerais donc que tous deux vous formuliez des commentaires. Depuis juin 2017, la méfloquine a été recommandée uniquement lorsque des membres la demandaient pour eux-mêmes ou lorsque la consommation d'autres médicaments était contre-indiquée.
Je vous le demande à tous les deux: êtes-vous satisfaits de cette décision? Puis, bien sûr, vous voudrez peut-être expliquer davantage votre opinion quant à la façon dont les Forces armées canadiennes pourraient adopter d'autres mesures que celles qui ont été prises depuis juin 2017.
Peut-être que le docteur Nevin pourra commencer.
Je suis surpris. Ce chiffre semble assez élevé. En fait, 5 % c'est beaucoup supérieur au taux d'utilisation dans d'autres pays. Par exemple, dans l'armée américaine — les États-Unis ont conçu la méfloquine — nous utilisons ce médicament si rarement maintenant qu'il représente, je crois, moins de 1 % de toutes les nouvelles ordonnances antipaludiques. Ce changement est le résultat d'un certain nombre de changements apportés à la politique à compter de 2009, lorsque l'armée américaine a commencé à délaisser de la méfloquine et, en 2013, les autres services ont accepté cette politique, et la méfloquine a été officiellement déclarée médicament de dernier recours. Des fonds ont été rendus accessibles pour payer l'atovaquone-proguanil, un médicament plus coûteux et généralement mieux toléré au quotidien.
Comme je l'ai mentionné, certaines personnes ont déjà toléré la méfloquine et la préfèrent. Je suppose que, tant et aussi longtemps que le médicament est accessible, indiqué et homologué pour la prévention, si ces personnes ont une discussion éclairée avec leur médecin et connaissent les risques, elles peuvent continuer de prendre le médicament. Je ne le recommanderais pas et je ne recommanderais pas que les militaires qui utilisent pour la première fois un médicament antipaludique prennent de la méfloquine, en raison des risques inhérents associés à son utilisation et des risques uniques liés à sa consommation dans un environnement opérationnel où l'intéressé doit reconnaître le début de tout symptôme psychiatrique ou neurologique comme étant peut-être le signe avant-coureur d'un trouble permanent. C'est un risque qui ne peut être justifié dans quelque contexte que ce soit, à mon avis.
C'est un domaine par rapport auquel nous ne sommes pas d'accord, et nous sommes en désaccord sur peu de choses. Je ne crois pas que les membres en service qui sont déployés devraient utiliser de la méfloquine du tout, pas juste en raison des risques pour eux-mêmes, mais aussi des risques pour les autres. Pendant longtemps, aucun aviateur ne volait après avoir consommé de la méfloquine. C'est contre les règlements. Eh bien, c'est logique pour moi. Vous ne voulez pas qu'une personne qui est en proie à des hallucinations soit derrière le volant ou tienne le manche d'un avion, mais je ne veux pas non plus que la personne conduise un char d'assaut. Je ne veux pas que la personne utilise une mitrailleuse.
Je crois que ce que vous avez vu, lorsque le sergent d'état-major Bales a tué 16 villageois afghans, tuerie dont nous ignorons toujours si elle est liée ou non à la méfloquine... Si vous déployez des membres en service qui prennent de la méfloquine, vous vous exposez et exposez l'armée canadienne à ce type de questions.
À mon avis, ils ne devraient pas être déployés s'ils prennent de la méfloquine. Nous savons que c'est un hallucinogène. Cela ne fait aucun doute. Le risque de déployer des gens qui consomment des hallucinogènes est trop important pour que l'armée puisse le tolérer. Ou à tout le moins, ce l'est aux yeux de notre armée, et je présume que ce le serait pour l'armée canadienne également.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais partager une question avec mon collègue, M. Robert-Falcon Ouellette.
Docteure Ritchie et docteur Nevin, merci beaucoup.
Je suis un ancien militaire et j'ai servi pendant 23 ans dans des unités opérationnelles. Évidemment, quand vous avez du personnel et que vous voulez en gérer, vous essayez souvent de déployer parfois très rapidement un très grand nombre de militaires, et vous devez prescrire des médicaments.
Docteure, je suis très curieux; vous dites qu'on ne devrait pas le prescrire du tout. Pourrait-il y avoir des circonstances où ce médicament pourrait être prescrit dans des opérations? Cela n'a pas besoin d'être pris chaque jour; on pourrait en prendre de façon périodique. Si vous êtes dans le théâtre des opérations et que vous n'avez pas accès au médicament d'ordonnance qu'il vous faut, pourrait-il y avoir des occasions où il devrait être prescrit?
On a pendant longtemps fait valoir que la méfloquine était prise de façon hebdomadaire plutôt que quotidienne et que la conformité serait donc meilleure; par conséquent, vous n'avez pas besoin d'avoir une grosse bouteille de comprimés. Si vous partez pour 180 jours, vous prenez avec vous une dose hebdomadaire plutôt que 180 comprimés. Cela fait partie de la raison pour laquelle les militaires continuent de l'utiliser. Toutefois, nous avons découvert que les gens craignent la méfloquine; par conséquent, ils ne la prennent pas; ils ne se conforment pas au traitement et contractent donc la malaria.
Encore une fois, si nous déployons des gens en leur fournissant des RIC, des rations individuelles de campagne, des balles et des munitions pour des semaines et des mois, je crois que nous pouvons les déployer en leur fournissant assez de médicaments pour qu'ils puissent apporter cette bouteille de 180 comprimés. Vous pouvez faire valoir qu'ils ne se conformeront peut-être pas au traitement en consommant une dose quotidienne, mais nous avons vu que la crainte est si grande au sujet de la méfloquine que, souvent, les gens ne la prendront pas.
Encore une fois, j'aimerais insister de nouveau sur le fait que ce médicament est un hallucinogène à court terme, pas à long terme. Vous entendez un très grand nombre de gens parler de rêves d'apparence réelle, où ils semblent évoluer dans des dessins animés; vous voyez des gens qui en abusent pour les effets secondaires récréatifs qu'il procure. C'est pourquoi je ne crois pas qu'il soit logique de l'utiliser dans le théâtre des opérations lorsque des gens sont lourdement armés. Les conséquences de ce qu'ils font, que ce soient des tirs amicaux ou des tirs sur d'autres personnes, n'obéissent peut-être pas aux règles d'engagement... l'irritabilité — c'est une chose dont nous n'avons pas parlé et qui est importante à mon avis — et l'énervement que cela vous procure... vous entendez sans cesse parler de cela lorsque des gens consomment de la méfloquine. On parle très souvent de la « rage de la méfloquine ».
Vous avez dit qu'il y a des gens qui ne vont pas prendre le médicament dans le théâtre des opérations. Avez-vous des chiffres quant au nombre de personnes qui ne vont pas utiliser l'ordonnance? Évidemment, si des gens contractent la malaria, ils pourraient ne pas être en mesure d'accomplir la mission, et cela présente un risque important pour l'accomplissement de ce que le gouvernement et le commandement ont prévu pour eux.
Habituellement, l'information sur les gens qui ne consomment pas le médicament est anecdotique, parce que si on vous ordonne de le prendre, vous n'allez pas lever la main et dire que vous ne le ferez pas.
Toutefois, je crois, docteur Nevin, que vous avez quelques données sur l'émergence de la malaria. Pourriez-vous en parler davantage?
Permettez-moi de renverser la question. Santé Canada et le fabriquant du produit affirment très clairement que vous devez cesser l'utilisation de ce médicament dès l'apparition de tout symptôme psychiatrique ou neurologique. Cela veut dire que Santé Canada nous dit que si vous faites de l'anxiété, une dépression, de l'insomnie, des cauchemars ou des rêves anormaux ou que vous êtes agité ou confus, vous devez immédiatement cesser de prendre le médicament.
Retournons en arrière et demandons-nous si le ministère de la Défense nationale a été témoin de cela dans la pratique. Nous savons, d'après des études randomisées et contrôlées soigneusement conçues et menées, que les symptômes de l'anxiété ou de la dépression, par exemple, apparaîtront chez 4 % de ceux qui prennent de la méfloquine pour un traitement prophylactique. Les rêves anormaux et les cauchemars se produiront chez plus de 10 % des personnes qui prennent de la méfloquine. Nous devrions voir une minorité appréciable de nos soldats déployés à qui l'on a donné de la méfloquine qui se présentent chez leur médecin en disant qu'ils éprouvent ces symptômes et demandent que le médicament soit interrompu. Durant les 25 ou 30 années de la consommation de ce médicament dans les contextes opérationnels des armées du monde, nous n'avons rien vu qui s'approche de 10 % ou plus des militaires qui se présentent pour demander que l'on change de médicament.
Pendant tout ce temps, nous avons su ou aurions dû savoir que ce médicament n'était pas utilisé dans le théâtre des opérations conformément aux conseils du fabriquant.
Vous avez dit que si un soldat devient inefficace en raison de la malaria, c'est une mauvaise chose. C'est vrai que ça l'est, mais si un soldat devient inefficace en raison d'une incapacité permanente comme résultat de la mauvaise utilisation de méfloquine, c'est aussi mauvais. Ce serait bien si nous avions un médicament antipaludique sécuritaire et efficace pouvant être pris en dose hebdomadaire ou mensuelle. Ce serait très bien. Nous n'avons pas ce médicament. Nous ne l'avons jamais eu. La méfloquine n'est pas ce médicament.
Vous avez aussi parlé des lésions cérébrales permanentes. A-t-on effectué des recherches pour tenter de renverser une partie de ces lésions cérébrales ou de la toxicité dans le système?
Parmi certaines manifestations courantes de ce que nous estimons être une dysfonction du tronc cérébral causée par la neurotoxicité de la méfloquine, on compte la vestibulopathie centrale et les troubles visuels centraux: les étourdissements chroniques, les vertiges chroniques, les déséquilibres chroniques, les troubles visuels causés par les effets neurotoxiques de ce médicament. Ces troubles, ces incapacités, se prêtent en quelque sorte à la réadaptation. Les personnes qui sont examinées par des neuro-optométristes et des neuro-otologues peuvent parfois recevoir un traitement qui améliore leur qualité de vie, réduit les incidents de complications découlant de ce trouble, mais ce n'est jamais renversé complètement; c'est simplement géré. Leur qualité de vie se voit en quelque sorte améliorée, mais elle ne revient jamais à ce qu'elle était avant la blessure neurotoxique.
La neurotoxicité, les troubles cérébraux, ne peuvent être renversés.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici.
Docteur Nevin, vous avez mentionné que vous aviez reçu une réponse du ministre des Anciens Combattants Canada et vous avez proposé d'en faire part au Comité.
Puis-je vous demander de le faire? Comme question d'ordre administratif, puis-je demander que chaque membre du Comité reçoive une copie de cette réponse du ministre?
J'ai cinq minutes et beaucoup de choses que je souhaite aborder.
Quand je pense à la toxicité, je pense au poison. Vous avez utilisé le mot « poison ».
Cela me ramène à une situation très personnelle avec mon fils qui, à deux ans, a subi une chimiothérapie très agressive. Des médicaments très toxiques lui ont été administrés, et il a subi des lésions cérébrales en conséquence.
Le quinisme est-il associé à tout traitement du cancer dont vous avez connaissance, à des médicaments toxiques utilisés dans le traitement du cancer? Cela remonterait à il y a 30 ans.
Le terme « quinisme » a été inventé pour décrire la maladie causée par l'empoisonnement par des médicaments à la quinoléine. Ce sont la méfloquine, la chloroquine, la tafénoquine, nous croyons, et la primaquine, les médicaments synthétiques utilisés durant la Deuxième Guerre mondiale. Cette maladie est une conséquence de ce que nous croyons être la toxicité inhérente de cette catégorie de médicaments — la catégorie de médicaments de la quinoléine.
Les médicaments de cette catégorie sont des antipaludiques efficaces, mais il semble aussi qu'ils présentent une toxicité particulière pour le cerveau.
Ma question portait très clairement — je ne veux pas faire une mauvaise association — sur le fait de savoir si, à votre connaissance de professionnel médical, ce médicament est utilisé pour le traitement du cancer ou l'a été dans l'historique des traitements du cancer.
Fait intéressant, la méfloquine et les antipaludiques de quinoléine connexes ont récemment commencé à être explorés comme traitements pour certains types de cancers du système nerveux central. C'est logique, parce que ces médicaments pénètrent rapidement la barrière hémato-encéphalique. Ils se retrouvent rapidement — parfois à des concentrations très élevées — dans le cerveau et ils sont neurotoxiques; ils tuent les cellules du cerveau. Si les cellules cérébrales se multiplient rapidement, comme elles le font dans les cancers, les médicaments comme la méfloquine peuvent présenter un certain avantage théorique pour le traitement de ces cancers.
La même caractéristique qui rend ces médicaments intrinsèquement dangereux, à mon avis, lorsque vous les donnez à des militaires en santé, peut en faire des agents très efficaces contre le cancer.
Selon les exigences relatives à l'emballage dont vous avez parlé, par rapport au fait que les États-Unis ont abaissé son taux à moins de 0,5 %, je crois que c'est ce que vous avez dit, il reste 5 % de nos militaires qui prennent ce médicament.
Il y a la réticence des militaires de le reconnaître et de l'avouer... c'est ce que vous avez dit ici aujourd'hui. Compte tenu du fait que c'est un poison parce que c'est toxique, plutôt que de demander aux vétérans d'aller devant les tribunaux, ce qu'ils font en ce moment — la poursuite a été déposée — pourquoi serait-il logique pour un gouvernement de refuser, face aux vétérans, de reconnaître que ce qu'ils ont pris est un poison?
La réponse simple, c'est que ce n'est pas logique.
Santé Canada, une partie de votre gouvernement, énonce très clairement que, dans certains cas, ce médicament agit comme un poison; il cause une dysfonction permanente du système nerveux central. Il est très apparent si l'on se fie à la monographie du produit et aux conséquences, selon le libellé à jour, dans la monographie du produit que nous, les prescripteurs — l'armée canadienne, l'armée américaine, les communautés de médecine de voyage dans le monde — pendant de nombreuses années, n'avons pas utilisé le médicament de la manière la plus sécuritaire, ce qui a entraîné des incapacités.
C'est clair comme le jour pour moi. Il semblerait tout à fait direct pour les personnes en position d'autorité de reconnaître que certains dommages ont été causés en raison de l'utilisation du médicament, que certaines incapacités — nous ne savons pas combien — ont résulté de notre utilisation et de notre mauvaise utilisation de la méfloquine.
Je suppose que de nombreuses raisons font en sorte qu'il est très difficile parfois de le reconnaître, et les circonstances vont différer selon l'administration et l'historique unique.
Une des choses dont les gens ne cessent de parler, c'est de donner à nos vétérans le bénéfice du doute au moment d'établir si leur état est lié ou non à quelque chose qui s'est produit durant leur service. Nous l'avons sans cesse entendu dire. Pourtant, lorsqu'il s'agit de quelque chose d'aussi grave que cela — et c'est très grave... ce n'est pas quelque chose sur quoi on peut juste jeter un coup d'œil superficiel ou essayer de balayer sous le tapis, en disant: « Eh bien, non, peut-être que vous souffrez d'un trouble de stress post-traumatique ou d'autre chose qui n'est pas lié à cela ». C'est absolument... Je ne sais pas quels mots utiliser. Les mots me manquent.
Cette situation me fâche énormément, parce que je peux voir des choses comme l'anxiété et le suicide — certaines des pires choses avec lesquelles ces vétérans doivent composer au quotidien. Ils se présentent de bonne foi et disent: « J'ai eu cette expérience avec ce médicament ». J'aimerais le dire aux fins du compte rendu, parce que c'est, comme vous l'avez dit, un empoisonnement du cerveau et du système nerveux central. C'est arrivé à certaines personnes.
Monsieur, évidemment, votre question est bonne et un peu rhétorique. Je crois que nous souhaiterions tous faire ce qui est le mieux pour nos vétérans et leur donner le bénéfice du doute.
Une chose que nous n'avons pas abordée ici, ce sont les effets secondaires néfastes possibles du mauvais traitement. Nous essayons d'établir une distinction entre la toxicité de la méfloquine ou le quinisme. Qu'est-ce que le TSPT? Qu'est-ce que le TCC, ou traumatisme cranio-cérébral? Si nous diagnostiquons mal un TSPT, par exemple, nous le traitons au moyen d'inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine. Ce sont des antidépresseurs. Ils peuvent être utiles, mais ils ont des effets secondaires sexuels. J'ai vu des suicides qui étaient associés à des effets secondaires sexuels. Nous pourrions le traiter au moyen d'agents antipsychotiques, car nous croyons que c'est une psychose et ne pas le reconnaître. Les agents antipsychotiques ont aussi leurs propres effets secondaires. C'est vraiment important de nous assurer de faire le meilleur diagnostic possible.
Pour revenir à notre thème concernant le dépistage et le diagnostic, vous devez dire à vos fournisseurs qu'ils doivent rechercher cela, ainsi que les vétérans eux-mêmes, pour pouvoir dire « Docteur, vous avez dit que j'ai un TSPT, mais avez-vous tenu compte de ceci? » Cela peut amener la conversation à un tout autre niveau.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins, le docteur Nevin et la docteure Ritchie, d'être ici aujourd'hui.
Entre les céphalées et la diarrhée jusqu'à l'anxiété, les hallucinations et la dépression... vous avez parlé d'empoisonnement du cerveau et du système nerveux central. Docteur Nevin, vous avez dit que 5 % d'utilisation dans les Forces armées canadiennes est un pourcentage extrêmement plus élevé que ce que l'on voit aux États-Unis. On a fait remarquer que le pourcentage aux États-Unis est inférieur à 1 %.
Dans le communiqué de presse des Forces armées canadiennes, on dit que « l'usage de la méfloquine ne sera dorénavant recommandé qu'aux membres des FAC qui en feront la demande ». Pourquoi diable quiconque irait-il demander ce médicament? D'après votre expérience, pourriez-vous nous le dire? Je sais que cela vient des FAC. Pourquoi en donnerions-nous? Pourquoi quelqu'un demanderait-il ce médicament?
C'est une excellente question.
Le fait est qu'il y a des personnes qui, pour une raison ou une autre — et nous ne comprenons pas pourquoi —, sont chanceuses d'avoir échappé aux effets néfastes horribles que d'autres vétérans et militaires ont connus en utilisant ce médicament. Tant mieux pour eux. Dieu merci, ils n'ont pas subi ce que certains militaires ont subi. Il y a des personnes, des médecins et des officiers supérieurs intelligents qui, je crois que nous sommes tous d'accord, ont pris une décision pleinement éclairée de prendre de la méfloquine. Comme je l'ai dit, le médicament est homologué. Il est approuvé par Santé Canada pour la prévention de la malaria, et il faudrait donc un certain type de politique, et une très bonne raison, pour que ce médicament soit refusé aux militaires.
Je crois que l'on peut très bien faire valoir que même si une personne affirme préférer utiliser de la méfloquine lorsqu'elle est déployée, et qu'elle a déjà toléré le médicament — encore une fois, heureusement, pour quelque raison que ce soit — les risques résiduels pour les militaires et pour cette personne de l'utilisation subséquente de la méfloquine sont simplement trop élevés pour qu'on l'autorise à faire ce choix. Un argument raisonnable peut être soulevé pour que les politiques limitent l'utilisation de ce médicament dans des contextes opérationnels.
Je ne crois pas que le Canada possède une telle politique. Parfois, les organisations militaires ont mis en œuvre une telle politique. Par exemple, peu après l'avertissement en encadré paru aux États-Unis en 2013, les forces spéciales de l'armée américaine, se fondant présumément sur leur longue expérience des mauvaises choses survenues après la consommation du médicament, ont interdit immédiatement son utilisation. Je ne m'oppose pas à ces politiques. Je crois qu'elles sont assez sensées. Le médicament ne vaut tout simplement pas le risque dans des contextes opérationnels.
S'il y a des hommes et des femmes qui, dans l'armée, peuvent consommer le médicament et ne pas subir les effets néfastes possibles, docteur Nevin, vous avez dit qu'il y a un risque lorsqu'on prend le tout premier comprimé, soit l'apparition d'un trouble permanent.
Oui, c'est exact. Pour quelqu'un qui n'a jamais pris de méfloquine, qui n'a aucune expérience avec la façon dont il tolère personnellement le médicament, ou plus précisément, qui n'a aucune expérience quant à la susceptibilité de son système nerveux central à la toxicité du médicament, il y a une possibilité très réelle que, avec ce tout premier comprimé, qui contient passablement de méfloquine — 50 milligrammes, c'est beaucoup — le médicament, pour quelque raison que ce soit, pourrait s'accumuler dans son cerveau et agir comme composant toxique pour le système nerveux central et entraîner un trouble permanent après la prise de ce simple comprimé.
Les personnes qui ont déjà utilisé la méfloquine lors de déploiements semblaient bien le tolérer. On peut présumer que, si elles retournent pour un deuxième ou un troisième déploiement et qu'elles prennent de nouveau de la méfloquine, elles pourraient supposer que le premier comprimé au moment du deuxième ou troisième déploiement ne serait probablement pas néfaste. Mais vous ne savez jamais. Nous ne savons pas. Il y a eu des cas dont j'ai eu connaissance. J'ai examiné plusieurs cas où des personnes qui ont fait plusieurs déploiements en utilisant de la méfloquine, pour une raison ou une autre, ont éprouvé exactement les mêmes symptômes lors d'un déploiement subséquent, et ont, par la suite, souffert d'un trouble permanent en conséquence.
Merci.
Docteure Ritchie, pour ce qui est des États-Unis, où il y a moins de 1 % d'utilisation de la méfloquine, pourriez-vous parler de tout renseignement que vous possédez relativement à la façon dont les forces armées américaines pourraient mieux informer ou renseigner leurs militaires quant aux effets secondaires? Comment pourrions-nous expliquer la différence dans la consommation de méfloquine?
J'aimerais intervenir et parler, pour revenir à votre point, du consentement éclairé. Je ne sais pas s'il s'agit vraiment d'un consentement éclairé pour ces 5 %. Prenez par exemple le Corps de la paix. Par le passé, on a offert à ses membres de choisir leurs médicaments, et plus récemment, on les aurait mis en garde contre les effets secondaires de la méfloquine. Mais si vous posez la question au volontaire moyen du Corps de la paix, il dira qu'il n'a jamais vraiment donné un vrai consentement éclairé. J'ai pris de la méfloquine en Somalie. À ce moment-là, j'ignorais ce que je sais maintenant. Si je l'avais su alors, je ne l'aurais jamais prise, même si j'aurais probablement été traduite en cour martiale ou, à tout le moins, exclue du déploiement pour ne pas l'avoir prise.
Je pense qu'une des choses qui se sont produites aux États-Unis, c'est qu'on a fait grand bruit dans les médias, particulièrement au sujet, disons, du sergent d'état-major Bales, du fait que les gens sont vraiment sensibles lorsqu'ils disent ne pas vouloir... il y a aussi tous les renseignements anecdotiques. C'est très connu que l'unité qui a pris de la méfloquine le lundi faisait des mauvais rêves et des cauchemars la nuit. Ce n'est pas un secret. Ce que j'ignore, je le répète, c'est pour quelles raisons vos 5 % ont choisi d'en prendre.
Merci.
Docteure Ritchie et docteur Nevin, vous êtes tous deux au courant des circonstances concernant la Somalie, où des dizaines de milliers de comprimés de méfloquine ont été donnés à notre Régiment aéroporté du Canada. En 2017, le rapport du médecin général des Forces armées canadiennes disait ceci: « Les membres des FAC qui ont été déployés en Somalie n'ont pas participé à l'étude de contrôle de l'innocuité, car les directives de l'étude n'étaient pas compatibles avec les exigences opérationnelles du déploiement en Somalie », et pourtant, on leur en a tout de même donné. Non seulement nous leur en avons donné, mais ils ont été forcés d'utiliser ce médicament. Cela a refait surface depuis 2016.
Docteur Nevin, vous savez qu'un des Régiments aéroportés du Canada vous a entendu parler, et il a découvert que c'est ce qui lui était arrivé. Depuis lors, le Comité a entendu des tonnes de preuves anecdotiques, en plus de celles que j'ai entendues dans mon bureau, de la part de ces personnes, mais elles continuent d'être ignorées. Nous parlons de preuves anecdotiques. Si vous n'en avez pas, vous n'avez pas de raison de mener une étude.
À mon avis... pourquoi a-t-on tenu cela caché durant cette enquête? Pourquoi ACC, le MDN et Santé Canada ont-ils refusé de faire ce que vous dites qu'ils doivent pleinement faire pour remédier à ce problème, avec le dépistage? Personne n'a parlé à nos vétérans depuis que ces changements ont découlé de ce rapport et du point de vue de Santé Canada à ce sujet. C'est très frustrant pour moi, et je ne suis pas une ancienne combattante qui a vécu cette situation.
Encore une fois, si l'on donne le bénéfice du doute aux personnes qui se sont manifestées, et compte tenu de toutes les recherches qui se font en ce moment, ne devraient-elles pas faire l'objet d'un dépistage approprié, d'un diagnostic approprié, toutes ces choses dont vous discutez?
L'utilisation de la méfloquine en 1992 chez les militaires du Régiment aéroporté du Canada déployés en Somalie est extrêmement problématique. Je ne comprends pas le fondement légal de l'utilisation, dans l'Armée canadienne, de la méfloquine chez cette population. Les médicaments ne peuvent être prescrits ou distribués sans fondement juridique.
Le médicament a été mis à la disposition des Forces canadiennes sous le couvert d'un protocole de recherche clinique existant à petite échelle qui, jusqu'à ce moment-là, s'était soldé par la distribution du médicament à des dizaines de membres des Forces canadiennes après qu'ils ont donné leur consentement éclairé et qu'ils ont examiné de l'information qui renfermait l'avertissement de cesser le médicament dès le début de symptômes comme de l'anxiété.
Clayton Matchee et environ 1 000 autres militaires déployés du Régiment aéroporté du Canada ont reçu des quantités industrielles de méfloquine qui ont été commandées en vertu de ce protocole. Les Forces canadiennes admettent sans ambages qu'elles n'avaient aucune intention de se conformer aux conditions de cette étude clinique. Les militaires n'ont pas été les victimes d'une étude clinique bâclée. L'étude clinique n'a pas été effectuée. L'étude clinique était le mécanisme grâce auquel les Forces canadiennes ont obtenu des quantités industrielles du médicament qu'elles n'auraient autrement pas obtenu.
Le fondement juridique pour l'utilisation de ce médicament n'a jamais, je crois, été correctement exploré, mais les conséquences du non-respect du protocole clinique ont été profondes pour votre pays.
Elles ont été profondes, parce que Clayton Matchee, par exemple, ne s'est jamais fait dire, lorsqu'il a commencé à ressentir de l'agitation, de l'anxiété et des hallucinations, qu'il devait cesser de prendre le médicament. En fait, lorsqu'il a dit à d'autres personnes qu'il éprouvait ces symptômes — lorsqu'il est retourné chez lui en congé, par exemple — et que des membres de la famille ont exprimé des préoccupations, il a dit qu'il ne pouvait pas cesser de prendre le médicament. Nous savons tous ce qui s'est passé dans les semaines suivantes, n'est-ce pas?
Nous savons que cela a mené au démantèlement du Régiment aéroporté du Canada, quelque chose qui aurait pu être empêché si les Forces canadiennes n'avaient pas pris ce qui sont, à mon avis, des libertés extrêmes avec la loi.
Nous avons entendu un témoignage très puissant aujourd'hui.
Il y a deux ou trois choses qui me reviennent toujours en tête. L'une d'entre elles est un commentaire que l'un d'entre vous a fait: que le seul fait d'être au courant de l'exposition peut être un soulagement pour la personne. Quand je me rends compte qu'il y a au pays des vétérans qui ignorent en ce moment pourquoi ils éprouvent ces symptômes, je suis très inquiète qu'ils reçoivent un mauvais traitement qui pourrait peut-être aggraver ces symptômes.
Nous avons aussi entendu d'autres témoignages selon lesquels les registres sont mal tenus et qu'il est souvent difficile pour les vétérans de découvrir cette information.
J'aimerais revenir à ce que nous devons faire pour les vétérans du pays qui n'ont pas fait l'objet d'un dépistage. Croyez-vous qu'il nous faut une campagne de sensibilisation? Je veux vraiment m'assurer qu'il y a dans le rapport une recommandation qui guide les prochaines étapes.
Nous avons dit que nous venions tout juste de tenir un symposium, où des vétérans du Canada et des États-Unis étaient présents. Je ne veux pas nommer de noms, mais ce que plusieurs personnes m'ont dit discrètement, c'est que, comme conséquence de tout cela, ils avaient des pensées meurtrières extrêmes où ils imaginaient tuer les membres de leur famille les plus proches. Ils avaient peur de dormir aux côtés de leur épouse par crainte de l'étrangler, et ils rêvaient de tuer leur bébé avec une baïonnette et de massacrer leur famille entière.
C'était très incongru pour eux. Comment pouvaient-ils penser à cela? Les gens qui étaient là ne s'étaient pas suicidés, mais ils parlaient d'autres personnes qui, selon eux, s'étaient suicidées au lieu d'assassiner leur famille et leurs êtres chers.
Tout cela est juste profondément et moralement troublant. Que pourrions-nous faire à ce sujet? Encore une fois, je viens d'un autre pays. Je ne peux que formuler quelques suggestions, mais une campagne de sensibilisation du public, à l'aide de vos médias, pour nouer le dialogue, sans avoir honte et sans tenter de masquer les choses s'impose. Il faut plutôt dire: « D'accord, nous n'en savions pas assez; dans tout ce qui s'est produit, que ce soit illégal ou non, nous n'avons pas fait la bonne chose et nous voulons maintenant réparer les torts. Donc, venez nous parler. »
Encore une fois, il s'agit aussi de renseigner les fournisseurs. Vous devez vous assurer que les psychologues, les psychiatres, les fournisseurs de soins primaires... Je suis psychiatre. Parfois, quelqu'un vient me voir pour se plaindre de mauvais rêves attribuables à la guerre. Mon premier instinct est de dire: « Oh, ce doit être le trouble de stress post-traumatique. » Peut-être que j'ai fait des lectures et que j'en sais un peu sur les gens dont le véhicule a explosé et qui se sont frappé la tête. Je vais donc faire un certain contrôle du TC. Mais que pouvez-vous faire pour vous en assurer?
Cela concerne les programmes de médecine, ainsi que les infirmières en pratique avancée, les soldats qui apportent les soins de base et les adjoints des médecins, de sorte qu'ils aient tous les connaissances voulues pour au moins poser la question: « Avez-vous pris des agents antipaludiques? » Si la réponse est oui, ils peuvent ou bien leur offrir une dose hebdomadaire, ou bien les aiguiller vers le prochain niveau de soins. Vous pouvez vous adapter à leur situation. Mais je crois qu'il serait très utile de faire une sensibilisation de masse.
Voici des experts qui ont fait beaucoup de chemin pour venir ici. Je sais que la réunion de notre comité dure habituellement deux heures. J'aimerais demander si je pourrais obtenir le consentement unanime pour que nous continuions de poser des questions à ces experts jusqu'à ce que nous ayons épuisé les questions de tout le monde? Le temps a été limité pour tout le monde, et je crois que j'aimerais demander au Comité d'envisager et d'accepter de poursuivre la réunion.
Y en a-t-il qui ont d'autres questions, ou est-ce juste M. McColeman? Je vois aussi M. Bratina et Mme Wagantall.
D'accord, nous procéderons donc juste à une courte période de cinq minutes chacun.
Je me creusais la tête pour trouver un médicament qui servait au traitement du cancer. J'ai fait une recherche sur Google et je me suis rappelé de quoi il s'agissait. Ça s'appelle la vincristine. En avez-vous entendu parler?
Je crois que la vincristine est dérivée de la pervenche, cette petite fleur bleue qu'on a découverte il y a quelques années qui serait utile dans le traitement du cancer. Je ne sais pas s'il y a un lien entre la vincristine et la méfloquine, cependant.
D'accord, ça ne fait pas partie de la famille des quinines dont vous parlez. C'est bon. C'est décrit comme un médicament très toxique qui tue toutes les bonnes cellules en plus d'aider à tuer les mauvaises cellules dans cette situation.
Je sais quel mot je recherchais plus tôt quand j'étais un peu émotif. Je suis outré de voir que, en ce moment, des vétérans doivent s'unir et déposer un recours collectif contre le gouvernement parce qu'il n'a pas reconnu la situation et son erreur.
C'est ce qui m'indigne quand je vous écoute, les experts, parler des liens indéniables entre ce médicament et les symptômes que vous avez vus, qui ont mené — ce qui me met vraiment hors de moi — à des troubles permanents, parce qu'ils ont été forcés de prendre un médicament qui contient ce type de poison. C'est là où je voulais en venir.
J'ai juste une dernière question. Y a-t-il un lien entre ce médicament et les crises épileptiques?
Il y a toutes sortes d'effets neurologiques associés aux médicaments. Nous n'avons pas de bonnes données sur la prévalence, mais nous disposons certainement de rapports de cas. D'ailleurs, lors de notre conférence, une jeune femme a fait une crise d'épilepsie, et j'ai fini par appeler l'ambulance et par me rendre à l' hôpital avec elle. Elle faisait partie du Corps de la paix, elle n'était pas une ancienne combattante. Encore une fois, je ne veux pas donner beaucoup d'information permettant de l'identifier, mais ses crises d'épilepsie avaient commencé après l'exposition à la méfloquine.
Je vais partager mon temps avec mon ami.
Docteur Nevin, vous avez dit que l'incident concernant M. Matchee et la fermeture, le démantèlement du Régiment aéroporté était le résultat de la méfloquine, essentiellement. Avez-vous des preuves réelles que c'est exactement la raison pour laquelle ces choses se sont produites?
Oui. Il y a plusieurs années, le Comité a entendu, en personne ou dans des mémoires écrits, au moins deux témoins qui ont décrit les symptômes que Clayton Matchee avait ressentis dans les semaines précédant le meurtre de Shidane Arone. Il avait été en proie à des hallucinations actives, voyant par exemple des araignées chameaux dans le bunker, dans la période précédant son meurtre de Shidane Arone; un monstre aux dents en forme de crochets au pied de son lit, lorsqu'il était à la maison avec son épouse Marj, dans les semaines précédant la tuerie. Cet homme était dans un état psychotique avancé dans les jours et les semaines précédant le meurtre de Shidane Arone, et sa psychose a presque assurément découlé de la mauvaise utilisation de la méfloquine.
Puis-je ajouter un élément? Pour distinguer la schizophrénie de la toxicité des médicaments de plusieurs types, on peut dire que, dans le cas de la schizophrénie, la personne a tendance à entendre des voix, à avoir des hallucinations auditives, tandis que, dans le cas de la méfloquine, les symptômes se caractérisent par des hallucinations visuelles, comme avec d'autres hallucinogènes. Je pense que le fait d'avoir des hallucinations visuelles lorsqu'une personne prend de la méfloquine... cela semble très probable.
Et « très probable » encore une fois... Mais nous ne sommes pas un groupe scientifique ici. Permettez-moi de vous demander quelle recommandation, selon vous, le Comité pourrait faire, en fonction des connaissances scientifiques existantes sur cette question? Devrait-il plutôt recommander, peut-être, que davantage d'études soient menées?
Notre groupe, la Quinism Foundation, a formulé très clairement sa recommandation au gouvernement canadien, et nous représentons des anciens combattants et des électeurs canadiens. Dans un communiqué de presse publié le 19 septembre 2018, nous avons invité Anciens Combattants Canada à faire subir aux vétérans canadiens de fraîche date un dépistage de l'exposition symptomatique à la méfloquine. C'est notre recommandation. C'est la mesure la plus efficace qui soit, à notre avis, pour améliorer la situation de la méfloquine chez les vétérans canadiens. En procédant systématiquement au dépistage de l'exposition symptomatique à la méfloquine, à la suite d'une directive du ministre des Anciens Combattants ou d'une décision prise par ACC, on pourrait ainsi obtenir une reconnaissance tacite que le gouvernement se rend à l'évidence qu'il s'agit d'un problème. Les cliniciens pourraient ainsi commencer à identifier les personnes susceptibles de présenter une invalidité liée à cette maladie.
Il y a toujours plus d'études à réaliser. Les gens peuvent créer un registre. On l'a fait dans d'autres contextes. Je ne voudrais pas que la nécessité de mener d'autres études vienne retarder l'éducation publique dont vous parliez plus tôt.
Eh bien, nous faisons de l'éducation et nous vous remercions du type de témoignage que vous avez présenté. De ce fait, nous sommes tous plus conscients que nous l'étions à cet égard. Ce que nous devons savoir au bout du compte a trait à la science. Où en est la science aujourd'hui?
Dans ma déclaration liminaire, je vous ai expliqué que ce que les scientifiques de votre propre gouvernement ont déclaré est vrai. Je vous ai fait part des répercussions logiques découlant de la science dont ils ont reconnu la véracité. Je ne sais pas à quel point je peux le dire plus clairement. Vos propres scientifiques laissent entendre, de façon évidente, dans la nouvelle version de la monographie du produit, qu'il doit exister un certain degré d'invalidité permanente du fait de l'utilisation de la méfloquine par vos militaires. Cela va de soi. Comment peut-il en être autrement?
Ça va de soi... Eh bien, en tout cas, merci.
Il me reste du temps. Je pense que M. Wrzesnewskyj voulait poser une question.
J'aimerais poser des questions dans le même ordre d'idées.
Quelle sorte de méthodologie serait nécessaire pour effectuer une étude définitive, de sorte qu'il n'y aurait pas de questionnement?
Il ne fait aucun doute que l'utilisation de la méfloquine provoque des symptômes psychiatriques et neurologiques à long terme.
Bon, on se demande quel pourcentage de personnes qui ont pris de la méfloquine correctement, c'est-à-dire qu'elles ont arrêté le médicament au tout début d'un symptôme neurologique ou psychiatrique, présentent une invalidité jusqu'à un certain point. Combien ont reçu un diagnostic psychiatrique ou neurologique quelconque que l'on peut attribuer à la méfloquine à la suite de cet usage correct? Ce sont des questions qui peuvent être posées et auxquelles on peut répondre.
Nous devrions également poser la question aux personnes qui n'utilisent pas correctement la méfloquine, comme les membres du service qui ont reçu l'ordre de continuer à prendre de la méfloquine, même après avoir fait des cauchemars horribles et avoir présenté de l'anxiété et fait une dépression. Quel pourcentage de ces personnes sont invalides dans une certaine mesure en raison de ces symptômes persistants, continus?
Voilà des questions que nous pouvons poser.
Ce sont des environnements très stressants dans lesquels nous envoyons nos meilleurs militaires. Vous avez mentionné, et on l'a reconnu, qu'il y a beaucoup de toxicomanie dans certains de ces environnements. A-t-on réalisé des études sur la corrélation entre l'alcool, la marijuana ou d'autres drogues et la méfloquine?
La réponse simple est non. Cependant, votre question soulève un point plus large. Si nous reconnaissons qu'il y a une consommation d'alcool sur le théâtre des opérations et une certaine consommation de drogue à des fins récréatives, et j'espère certainement que ce n'est pas le cas, très souvent...
Supposons que nous reconnaissons tous cela, et supposons en outre que le ministère de la Défense nationale le reconnaît. Supposons par ailleurs que le ministère de la Défense nationale reconnaisse et admette que des symptômes comme l'insomnie, l'anxiété et la dépression ne seront pas rares dans des environnements opérationnels.
La question qui se pose alors est la suivante: selon quelle logique et pour quelles raisons peuvent-ils justifier l'utilisation d'une drogue dont la consommation sans danger — ou plus précisément, dont la consommation de façon plus sûre — exige que le médicament soit immédiatement arrêté au moment de l'apparition de ces symptômes?
À mon avis, si nous affirmons que ces conditions existent sur le théâtre des opérations, et c'est certainement le cas, nous ne devrions vraiment pas utiliser la méfloquine dans cet environnement.
Permettez-moi de répondre à votre question d'une autre manière.
Il y a toutes sortes de façons d'aborder ces problèmes. Il existe des études transversales. Il existe des études longitudinales. L'armée américaine a fait un très bon travail en réalisant certaines des enquêtes sur le théâtre des opérations. Nous les appelons des équipes consultatives en santé mentale. Malheureusement, nous n'avons pas effectué de recherche sur l'utilisation de la méfloquine. Nous avons cherché des obstacles à l'obtention de soins dans les cas de dépression et d'anxiété. Pendant très longtemps, nous n'utilisions pas vraiment la méfloquine, en particulier en Irak. C'était une erreur de notre part.
Je pense que vos épidémiologistes et les nôtres se feraient un plaisir de revenir en arrière et de préciser le nombre de personnes qui présentent exactement les symptômes.
Pour en revenir à la question sur les femmes, j'aimerais beaucoup voir des études longitudinales sur les anciennes combattantes, non pas seulement celles exposées à la méfloquine, mais toutes les anciennes combattantes. Il y a peu de données là-dessus.
Nous pourrions recommander des moyens d'obtenir des données plus fiables.
Encore une fois, merci beaucoup de ces renseignements. Je pense que c'est très instructif.
J'ai deux questions, mais je voudrais d'abord dire que je suis bien d'accord avec la mention « très probable » et que je suis également très à l'aise avec ce que Santé Canada a publié. Je pense que nous devons reconnaître que ce n'est pas une chose sur laquelle nous devons passer beaucoup de temps à formuler des hypothèses.
Ma première question concerne la façon dont nous allons établir des liens avec les anciens combattants et les procédures de dépistage. Je sais qu'un grand nombre d'anciens combattants au Canada déménagent dans des collectivités rurales et éloignées. L'accès à ces types de soutiens et de services peut présenter un défi. Je veux simplement parler de la façon de rendre cela plus accessible.
La deuxième question pour vous tient à ce que j'ai appris de ce processus: ce que nous ne savons pas est très préoccupant. Quel type de recherche serait réellement utile pour nous? Un peu plus tôt, je pense avoir entendu l'un de vous dire pourquoi certaines personnes sont plus sensibles, et d'autres, pas. Il serait intéressant de le savoir.
Existe-t-il des recherches spécifiques qui aideraient réellement les membres actifs et les anciens combattants?
Les vétérans canadiens qui ont pris de la méfloquine ont été assez unanimes au cours des dernières années. Ils réclamaient trois choses dont ils ont besoin de la part du gouvernement canadien: la reconnaissance, la sensibilisation et la recherche, dans cet ordre.
Comme je l'ai mentionné au début, la reconnaissance est la chose la plus importante. Tant de choses découleront de la reconnaissance, d'un mea culpa ou d'une déclaration d'une personne en position d'autorité, énonçant simplement l'évidence qui ressort naturellement du contenu de la monographie du produit et concédant simplement ce qui est parfaitement clair.
Les membres du gouvernement qui savent que la méfloquine est dangereuse, qui ont des patients au sujet desquels ils aimeraient rédiger des rapports de cas et qui souhaitent financer et mener des recherches avec les fonds existants se sentiront habilités à le faire. Les cliniciens se sentiront en mesure de diagnostiquer sur papier et pour mémoire ce qu'ils savent déjà être vrai, tandis qu'ils avaient peut-être déjà hésité à le faire.
La reconnaissance doit venir en premier. Quelqu'un doit dire que ce médicament a entraîné une invalidité chez nos troupes. C'est parfaitement clair.
Ensuite, il y a la sensibilisation. Avec cette reconnaissance, quelles sont les personnes que les médias, les médias sociaux et le bouche-à-oreille ne rejoignent pas? Nous pouvons identifier ces personnes. Nous devrions savoir qui a été déployé au cours des 25 à 30 dernières années dans des régions où la méfloquine aurait pu être utilisée. Espérons qu'il existe une adresse postale ou un autre moyen d'entrer en contact avec elles. Cela pourrait être aussi simple que de dire: « Avez-vous pris de la méfloquine? Avez-vous eu des problèmes avec le médicament? Dans ce cas, appelez ce numéro, et nous vous fournirons l'assistance dont vous avez besoin. »
Vient ensuite la recherche. La recherche se décline sous plusieurs formes et est très diversifiée. Le type de recherches dont vous entendrez parler des scientifiques du gouvernement et d'autres personnes qui doutent des dangers de ce médicament ne sont pas des recherches de qualité, bien documentées. Il s'agit de recherches rétrospectives, qui sont fondées sur des données existantes. Si nous ne posons pas les bonnes questions sur les symptômes ressentis par les personnes qui ont pris de la méfloquine et si nous ne les questionnons pas spécifiquement sur leurs expériences avec ce médicament, les données existantes sur lesquelles se fondent nombre de ces études ne refléteront pas ce qui s'est réellement passé. Une nouvelle recherche prospective auprès des patients, menée avec la participation de cliniciens, sera essentielle.
Cela commence vraiment par la recherche de cas et l'autonomisation des médecins individuels pour identifier les vétérans qui souffrent des effets néfastes à long terme de ce médicament. Ensuite, il leur faut le type de tests complexes dont a déjà parlé l'un de vos témoins, décrivant en détail l'étendue de leurs symptômes, afin que l'on puisse commencer à les comptabiliser et à déterminer ce qu'ils ont en commun; on pourra ainsi cerner ces facteurs de risque auxquels nous faisons allusion.
La première étape ne consiste pas à demander au ministère des Anciens Combattants de réexaminer les données existantes ou de les revoir puis de tirer les mêmes conclusions. Pour résoudre ce problème, nous avons besoin de reconnaissance, de sensibilisation et de recherche. Un élément de cette démarche est le processus de sélection que nous avons décrit.
Je vais répondre à votre deuxième question, qui portait sur les grands problèmes. Encore une fois, le suicide est une évidence. Dans l'armée américaine, le nombre de cas a augmenté avec le temps, bien que tous ne soient pas liés à la méfloquine. Je crois comprendre que le nombre de suicides dans l'armée canadienne a également augmenté avec le temps. Je ne sais pas si cela est lié à la méfloquine. C'est l'un des aspects les plus tragiques. Si vous avez examiné les suicides — et vous l'avez peut-être déjà fait; je n'ai pas entendu dire que cela se faisait de la même manière qu'aux États-Unis —, cela éclairerait beaucoup d'autres choses, outre le problème de la méfloquine.
Puis-je parler un peu de l'affaire de la Somalie? C'était en 1993, un scandale militaire. Elle a atteint un sommet lorsqu'un adolescent somalien a été battu à mort par deux soldats canadiens participant aux efforts humanitaires en Somalie. L'acte a été documenté à l'aide de photos et a mis en lumière des problèmes internes au sein du Régiment aéroporté du Canada. Les chefs militaires ont été brutalement réprimandés après qu'un journaliste de CBC/Radio-Canada a reçu des documents altérés, ce qui a entraîné des allégations de camouflage. Finalement, une enquête publique a été ordonnée. Malgré la controverse soulevée, le gouvernement l'a écourtée. L'enquête sur la Somalie a révélé des problèmes avec les dirigeants des Forces armées canadiennes et a provoqué la dissolution de notre corps d'élite, le Régiment aéroporté du Canada, ce qui a considérablement porté atteinte au moral des Forces canadiennes, a entaché la réputation nationale et internationale des soldats canadiens et a entraîné une réduction immédiate des dépenses militaires canadiennes de près de 25 %.
Les conclusions de l'enquête intitulée Un héritage déshonoré: les leçons de l'affaire somalienne étaient les suivantes: « Si la méfloquine a effectivement été à l'origine de certains cas d'inconduite sur lesquels portait notre enquête ou si elle y a contribué de quelque façon, il se peut que le comportement des membres des FC qui étaient sous l'influence du médicament soit partiellement ou entièrement excusable. » En d'autres termes, on n'a jamais eu la possibilité d'étudier correctement l'effet de ce médicament, la méfloquine.
Autrement dit, on avait déjà tiré une conclusion à ce sujet sans effectuer l'étude appropriée. Si vous allez au Musée canadien de la guerre, oui, il y avait des problèmes au sein du Régiment, mais on blâme le racisme du Régiment aéroporté du Canada pour ce qui est arrivé. Nous avons des gens ici qui ont été calomniés parce qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de faire ce qu'il fallait faire, il y a si longtemps.
Compte tenu de ce que nous savons, je veux savoir si, à votre avis, il est possible que Clayton Matchee ait vécu un épisode neuropsychique qui a conduit à la mort de Shidane Arone.
Il a presque certainement vécu un tel épisode. Il n'existe pas d'explication plus logique ou probable de ce qui est arrivé à Clayton Matchee. Il était dans un état psychotique avancé dans les jours ou les semaines précédant le meurtre de Shidane Arone. Si la Commission d'enquête sur la Somalie s'était penchée sur le rôle de la méfloquine et avait interviewé Marj Matchee et d'autres personnes sur leurs expériences avec la méfloquine, cela aurait été évident. Clayton Matchee avait des hallucinations: il voyait des solifuges, ou araignées chameau, dans le bunker. Il frappait les solifuges, ce qui a conduit à la mort de Shidane Arone.
Cet aspect doit être exploré davantage. Le manque de curiosité quant au rôle de la méfloquine dans les événements de cette époque, les événements critiques de cette époque, est remarquable. C'est un événement tellement important dans l'histoire du Canada. Je viens du Canada. Je suis né ici. J'étais adolescent lors de l'affaire somalienne. Je me souviens clairement de la honte que j'ai ressentie, comme Canadien, quand c'est arrivé. Je m'en souviens comme si c'était hier. Imaginez ce que ressentent les membres déshonorés du Régiment aéroporté du Canada. Je crois que nous leur devons de mener une enquête approfondie sur cette affaire. Avec ce que nous savons quant à la prévalence des symptômes de la méfloquine dans ce groupe, ne devons-nous pas profiter des 25 années d'expérience accumulée pour revenir en arrière et réexaminer le rôle du médicament dans les événements de cette époque?
Notre groupe appelle depuis longtemps à la réouverture de la Commission d'enquête sur la Somalie. J'ai écrit à votre premier ministre il y a plusieurs mois. Je n'ai pas reçu de réponse, mais je ne comprends tout simplement pas comment on peut accepter que ces questions restent sans réponse si longtemps.
Clayton Matchee n'était pas un cas isolé. Nous avons de nombreux rapports non pas seulement d'hallucinations, mais également d'accès de rage et d'irritabilité. Ce n'était pas un cas isolé. Il a attiré le plus d'attention, mais beaucoup d'autres mauvaises choses sont arrivées à cause de la méfloquine.
Nous avons entendu Roméo Dallaire ici. Je lui ai demandé si, d'après ses expériences, nous devrions étudier davantage la question. Il a répondu qu'il ne fallait absolument pas le faire, qu'il fallait se débarrasser du médicament. Je pense qu'il serait d'accord avec ce que vous dites.
Merci, monsieur le président.
Le témoignage a été incroyablement puissant. Je veux encore remercier les témoins.
Je veux revenir sur la question de la prise de décisions éclairée des militaires, femmes et hommes, qui prennent de la méfloquine.
Selon l'American Society of Health-System Pharmacists, la méfloquine est contre-indiquée pour les personnes ayant des antécédents récents de troubles psychiatriques. Étant donné que les militaires, hommes et femmes, sont potentiellement sur le terrain confrontés à des événements pouvant être traumatisants, comment pourrions-nous continuer à administrer ce médicament? Comme il a été souligné précédemment, 5 % des militaires, hommes et femmes, au pays prennent ce médicament.
Comment pouvons-nous leur donner l'occasion de prendre des décisions éclairées s'ils sont placés dans des circonstances susceptibles de créer des situations dans lesquelles ils sont exposés à un traumatisme et à des contextes très difficiles qui augmentent leurs risques d'effets secondaires indésirables de ce médicament?
Je ne pense pas que vous puissiez donner un consentement éclairé.
Nous avons examiné des armées connexes, les Australiens et les Irlandais. J'ai entendu dire, et je suppose que vous aussi... c'était à l'époque où la méfloquine était administrée plus couramment. Ils ont pensé que, s'ils ne prenaient pas de méfloquine, ils ne pourraient pas aller là-bas. Ils veulent aller partout...
Excusez-moi, arrêtez. La sonnerie a retenti.
J'aurai besoin du consentement unanime pour terminer.
Des députés: D'accord.
Je vais terminer rapidement.
Si vous voulez toucher un chèque de paye et nourrir votre femme et vos enfants, ainsi que toutes les autres choses liées au fait d'être dans l'armée, je ne pense pas que vous puissiez donner un consentement éclairé.
De toute évidence, la Somalie constituait une crise grave au sein de la hiérarchie militaire. Elle a entraîné des changements importants parmi les militaires du rang. On a appelé cela le leadership 2020, le remaniement du Collège militaire et de beaucoup de formation. Cela était également lié à de nombreux incidents de rituels d'initiation survenus à cette époque. Plusieurs variables ont conduit à la dissolution du Régiment. Je m'en souviens très bien, car je suis entré dans l'armée exactement au même moment. Je suis très fier d'avoir servi dans l'armée pendant 23 ans.
Je faisais partie de la 5e Ambulance de campagne, à Valcartier, dans le domaine médical. Je voulais parler de votre connaissance de la formation médicale du personnel médical militaire lors de son évaluation des militaires ainsi que du personnel médical travaillant au ministère des Anciens Combattants.
Ces membres du personnel ont-ils une formation adéquate en ce qui concerne la différenciation entre le SSPT, d'autres troubles et d'autres domaines?
De toute évidence, vous avez une meilleure compréhension des choses aux États-Unis.
Pouvons-nous faire quelque chose pour mieux diagnostiquer et traiter les vétérans ici au Canada, ainsi que ceux qui servent actuellement dans les Forces armées canadiennes?
La réponse courte à la question sur une formation adéquate est non. J'ai mentionné que, en tant que psychiatre militaire, je ne connaissais pas la méfloquine lors de mon déploiement en Somalie avec une unité de contrôle du stress au combat. Je pense que cela s'est amélioré avec le temps. Nous avons contribué à cette amélioration. Nous avons présenté de nombreux exposés dans le cadre de diverses conférences médicales militaires.
À Veterans Affairs — et j'ai travaillé pour ce ministère pendant un certain temps —, je pense que les connaissances aux États-Unis sont encore très rudimentaires. Cela a également fait partie de nos initiatives: la façon dont nous pouvons éduquer le personnel des affaires de la santé des anciens combattants afin qu'ils puissent effectuer ce dépistage. Jusqu'à présent, nous avons réussi à certains endroits, mais pas dans l'ensemble du pays.
Avec la reconnaissance officielle d'un haut responsable du ministère de la Défense nationale ou d'Anciens Combattants Canada, la formation clinique suivra naturellement. On reconnaîtra qu'il s'agit d'une priorité parmi les dirigeants. Les personnes effectueront une revue de la littérature et communiqueront spontanément les résultats à leurs collègues sans autre directive. Les organisations répondent aux priorités établies par leurs dirigeants. Si les dirigeants du MDN et d'ACC accordent la priorité à la reconnaissance de ce problème et autorisent leur personnel à commencer à le résoudre, vos fonctionnaires, vos médecins et votre personnel contribueront grandement à remédier à cette situation, de manière indépendante.
Au sein des Forces canadiennes, lors de la mission en Afghanistan et de la guerre là-bas, il était évident que le SSPT était une priorité absolue. En ce qui concerne les services psychiatriques et les travailleurs sociaux, on a progressivement renforcé les services destinés aux anciens combattants devant recevoir des soins. Ensuite, la prévention du suicide et la collaboration avec... et la manière dont nous traitons les problèmes de discipline, même au sein des forces armées, ont beaucoup changé. De toute évidence, c'est quelque chose que peu de gens connaissent peut-être. Où devraient-ils obtenir cette formation?
Nous sommes heureux d'aider à fournir des ressources. Notre mission est de promouvoir et de soutenir l'éducation et la recherche sur cette maladie, mais je ne pense pas que vous ayez besoin de nous. Nous sommes heureux d'aider. Par exemple, dans la lettre adressée à votre ministre des Anciens Combattants, j'ai suggéré une méthode possible pour mettre en œuvre le dépistage de l'exposition symptomatique à la méfloquine. Nous avons mis au point un instrument. Nous croyons en sa validité, et nous avons proposé de le rendre disponible pour une utilisation systématique parmi votre population. Cependant, vous n'êtes pas obligés d'utiliser notre instrument; vous pouvez concevoir le vôtre.
La réponse que j'ai reçue est qu'ils ne pensent pas que notre instrument est très bon. Toutefois, ils n'ont pas dit: « Nous allons concevoir le nôtre. » Ils ont simplement dit que, à leur avis, le nôtre n'est pas bon, et ne vont donc rien faire. C'est pourquoi je suis déçu de la réponse du ministre. Encore une fois, cela reflète le fait qu'ils n'ont pas reconnu le problème. Une fois la reconnaissance acquise, le problème sera en grande partie résolu grâce aux ressources existantes.
Je pense que, déjà, plusieurs institutions se concentrent sur la santé lors des déploiements. Nous le faisons certainement aux États-Unis. Je ne créerais pas de nouvelles institutions. J'utiliserais celles qui vous ont appris ce qu'était le SSPT et le suicide. Je dirais: « Hé, c'est quelque chose de plus que nous avons appris », et j'utiliserais ces tribunes pour diffuser de l'information et de l'éducation. Au moins, c'est ce que je ferais aux États-Unis.
Monsieur le président, il s'agit simplement d'une question administrative adressée à M. Nevin. Je veux juste conclure et être sûr d'obtenir la lettre qu'il a proposée.
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