ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des anciens combattants
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte. Je m'excuse, nous sommes un peu en retard, mais il y a eu deux ou trois votes à la Chambre cet après-midi.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 25 février, le Comité reprend son étude sur la prestation de services.
Aujourd'hui, nous accueillons deux organisations : Shaping Purpose, qui est représenté par Andrew Garsch, expert-conseil, et les Trauma Healing Centers, qui sont représentés par Trevor Bungay, un ancien combattant qui est aussi vice-président des relations avec les anciens combattants.
À titre personnel, nous accueillons en personne Kevin Estabrooks, conseiller et pair aidant bénévole, et, par vidéoconférence, Fred Doucette, ancien combattant et coordonnateur du soutien par les pairs à la retraite. M. Doucette est à Fredericton, au Nouveau-Brunswick.
Nous allons commencer. Chaque organisation et particulier pourra présenter une déclaration préliminaire d'un maximum de 10 minutes. Vous n'êtes pas obligé de parler pendant 10 minutes.
Monsieur Doucette, la parole est à vous.
C'est merveilleux de pouvoir représenter les anciens combattants et les soldats encore en service et de parler de certaines de leurs préoccupations. J'ai été soldat pendant 32 ans et j'ai ensuite travaillé dans le cadre du Programme de soutien pour les blessures de stress opérationnel pendant 10 ans. J'ai été témoin de la prestation de services avant et après l'entrée en vigueur de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Laissez-moi vous dire que c'est un peu différent.
L'une des choses les plus frappantes que j'ai remarquées relativement aux soldats qui font la transition de la vie militaire à la vie civile et qui sont admissibles aux services à l'intention des anciens combattants, c'est le manque de connaissance qu'ils ont de ces services une fois dans le monde civil. Les anciens combattants s'échangent beaucoup de renseignements entre eux et ce genre de choses. Les séances d'information sur la transition ne sont pas aussi bonnes qu'elles devraient l'être. Beaucoup des soldats qui quittent l'armée ont des blessures physiques ou mentales et ne comprennent pas tous les changements qui surviennent dans leur vie. Une bonne partie des renseignements qui leur sont communiqués rentrent par une oreille et sortent par l'autre, surtout ceux qui ont des problèmes de santé mentale. On ne devrait pas leur fournir toute l'information et toute la sensibilisation d'un coup au moment de la transition. Il faudrait s'occuper d'eux pendant peut-être jusqu'à un an tandis qu'ils ont accès à tous les services qui sont fournis par Anciens Combattants.
L'autre chose que j'ai remarquée à la suite du changement récent en vertu duquel la Croix-bleue assure la prestation des services et en ce qui concerne une bonne partie des aspects des prestations pour les anciens combattants, c'est que les anciens combattants que je connais ont tout simplement l'impression d'interagir avec une compagnie d'assurances, ce qui est le cas. Avant, lorsque les services étaient gérés par des gestionnaires de cas, des officiers du service et ainsi de suite, c'était beaucoup plus facile de communiquer l'information puisque les anciens combattants pouvaient parler directement à quelqu'un. Beaucoup d'anciens combattants ont l'impression d'interagir avec une compagnie d'assurances, comme s'ils avaient travaillé pour GM.
Une des choses les plus importantes pour les anciens combattants, ce sont les choses qui leur sont accessibles et celles auxquelles ils ont peut-être droit. Les anciens combattants se transmettent la majeure partie de ces renseignements entre eux. Ce soir, je vais participer à un groupe de soutien pour un soldat qui a un traumatisme lié au stress opérationnel, un TSPT, et, en moyenne, de 10 à 15 soldats participent à ces réunions. Le principal sujet de discussion est la façon d'avoir accès à certains services, parce que les gens ne sont pas tenus au fait de ces choses.
Selon nous, actuellement, le système tente de mettre des choses de l'avant tandis que les anciens combattants tirent de leur côté pour essayer d'y avoir accès. Les retards, la paperasse et les délais pour faire avancer les choses sont frustrants pour nos anciens combattants, surtout ceux qui ont des problèmes de santé mentale. Lorsque j'étais coordonnateur du soutien par les pairs, je rendais visite à d'anciens combattants et je leur demandais ce qu'il advenait de leur demande et s'ils avaient reçu une lettre ou quoi que ce soit. Ils me disaient que oui et que tout était sur le réfrigérateur. J'allais voir et, sur le réfrigérateur, il y avait peut-être 10 enveloppes qui n'étaient pas ouvertes et je les ouvrais. En réalité, entre, d'un côté, l'organisation, et de l'autre, les personnes sur le terrain, il y a un grand fossé.
Une autre chose qui est frustrante pour les anciens combattants, c'est qu'ils doivent deviner ce à quoi ils ont droit. Ils passent par les étapes, le dossier avance, leur demande est évaluée, puis elle est refusée pour je ne sais quelle raison. Un très bon exemple est l'accès après la transition à un médicament auquel un soldat avait accès lorsqu'il était en service. La réponse classique de la Croix-bleue est : « nous ne finançons pas ce médicament ». C'est un médicament approuvé. Et maintenant, l'ancien combattant doit travailler afin d'obtenir un accès à ce médicament et ainsi de suite. Durant cette phase, qui sait ce qui peut se produire si l'ancien combattant ne prend pas son médicament, tout simplement parce que le MDN ne veut pas lui fournir une réserve de médicaments pour six mois lorsqu'il termine sa carrière militaire. C'est un sevrage brutal.
Au cours des dernières années, depuis l'adoption de la Nouvelle Charte des Anciens combattants, il s'est produit deux choses : une réduction des effectifs et l'ouverture de nouveaux bureaux. Selon moi, l'interaction personne à personne est nécessaire pour faire avancer les choses. Appeler à un numéro 1-800 ne fonctionne tout simplement pas. En fait, s'il arrive quoi que ce soit, c'est qu'un jeune soldat sera identifié comme étant agressif parce qu'il a argumenté avec une représentante du centre d'appels. Ils ne prennent pas ce genre de situation très bien.
Les gestionnaires de cas devraient interagir avec chaque ancien combattant. Durant la transition, ceux qui ont des préoccupations et des problèmes persistants devraient maintenir un lien, parce que ce ne sont pas tous les anciens combattants qui quittent l'armée qui ont un tas de problèmes. Dans mon cas, la transition a été assez facile. J'ai attendu certaines choses, j'ai fini par les avoir, et je suis passé à autre chose. Le problème, ce sont les cas difficiles. Imaginez un gars qui quitte l'armée et, en passant, qui divorce en raison de son TSPT et des problèmes que cela lui a causés, et là, il tente de séparer toutes les choses à la maison tout en essayant d'avoir accès aux prestations. Certains d'entre eux se retrouvent à l'hôpital. C'est aussi simple que cela.
C'est un autre sujet chaud : il y a les vétérans traditionnels et les anciens combattants des FC, les nouveaux anciens combattants. Selon moi, un ancien combattant est un ancien combattant, et on fait erreur lorsqu'on tente de tout nommer. Cependant, les nouveaux anciens combattants, si c'est ce que vous voulez les appeler, comprennent Internet. Ils savent de quelle façon avoir accès aux documents, aux sites Web et ils savent comment chercher pour trouver les choses qui, selon eux, leur manquent, ces choses auxquelles ils croient avoir droit ou au sujet desquelles ils sont confus. Lorsqu'ils présentent le fruit de leurs recherches, on juge parfois qu'ils sont agressifs parce qu'ils ont tenté de s'y retrouver eux-mêmes. Je crois que les gens ont peur des nouveaux anciens combattants, surtout dans certains bureaux d'ACC, simplement pour cette raison. Ils se présentent, ils veulent parler à quelqu'un, ils veulent parler de tout cela, et on les repousse vers le système. Ils doivent s'y retrouver puis trouver les conseils dont ils ont besoin.
La prestation des services à l'échelle du pays n'est pas uniforme. Beaucoup d'anciens combattants connaissent des gars à Vancouver, et ils parlent au téléphone ou sur Internet des services. Le gars de Vancouver dira, par exemple, qu'il a présenté une demande pour telle ou telle chose et qu'il l'a obtenue sans problème, tandis qu'un gars à St. John's affirmera avoir fait la même chose et avoir été refusé.
Je sais qu'il y a probablement des nuances qui font la différence. De façon générale, cependant, lorsque je travaillais pour Anciens Combattants et le MDN dans le cadre du programme de SSBSO, j'ai constaté une différence en ce qui a trait au traitement dans les grands centres, les petits centres et les régions rurales. L'application de la Charte est interprétée par la personne qui s'occupe du dossier. Lorsqu'on commence à interpréter les choses, on constate qu'une personne peut interpréter les choses différemment d'une autre personne au bout du corridor. C'est une autre source de frustration dans la vie quotidienne des anciens combattants.
Pour terminer, ce qu'il faut, c'est un transfert approprié des dossiers du MDN à ACC, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est scandaleux. Les intervenants ne se rendent pas compte qu'ils interagissent avec des soldats malades et blessés. Ce serait bien si les militaires pouvaient rester dans l'armée jusqu'à ce qu'ils retrouvent la santé à 100 % avant d'être libérés, mais les choses ne sont pas ainsi. Certaines personnes commencent tout juste leur thérapie, d'autres attendent encore pour subir des interventions chirurgicales. Ce n'est pas la bonne façon de transférer un soldat vers Anciens Combattants.
Il devrait y avoir des séances d'information détaillées, pas seulement une, mais plusieurs au fil du temps, tandis que le soldat poursuit sa transition, et il devrait aussi y en avoir après la transition, des séances qui portent sur ce à quoi il a droit, les services qui sont disponibles et la façon d'y avoir accès. Il devrait y avoir plus d'activités de gestion de cas en personne. La rapidité avec laquelle on présente les demandes de service ou on offre les services à la personne est aussi importante. Il y a des données terribles par rapport au temps qu'il faut pour que les choses se fassent, et c'est là une autre source de frustration qui augmente l'insécurité des soldats en transition. Le soldat qui quitte l'armée se demande comment il fera pour survivre. Il se questionne sur telle et telle chose. C'est là certains des problèmes rencontrés.
L'autre chose qu'il ne faut pas oublier c'est la quantité de paperasse qu'il faut remplir. Si l'objectif était de devenir une société sans papier, je crois que nous nous sommes trompés de chemin. C'est fou la quantité de paperasse, y compris le nombre de documents qu'un soldat doit faire signer par les médecins.
Laissez-moi vous dire que les médecins n'aiment pas remplir des formulaires. Ils aiment traiter des clients qui payent, et n'ont rien à faire des 50 $ ou je ne sais combien ils demandent pour signer un formulaire. La quantité de paperasse dans le système est ridicule.
Il y a beaucoup de bonnes personnes qui travaillent auprès des anciens combattants. Elles sont surchargées et elles tentent d'arranger les choses. Et lorsque vous entendez « arranger les choses », eh bien ce n'est pas ainsi que les choses devraient être. Ce devrait être simple.
Il faut assurer l'uniformité à l'échelle du pays. Vous devez commencer par donner aux soldats et aux anciens combattants ce à quoi ils ont droit.
Je m'appelle Kevin Estabrooks. Je suis un adjudant-chef qui prend sa retraite. Je suis libéré de l'armée avec un TSPT. J'ai accumulé plus de 30 ans de service au sein de la réserve et de la force régulière, et j'ai participé à cinq missions, y compris trois en Afghanistan. J'ai aussi travaillé comme conseiller et pair aidant bénévole.
Je n'ai pas de point de discussion précis aujourd'hui. Cependant, il y a deux enjeux que j'aimerais soulever. Ils sont tous les deux associés à vos suggestions de questions 1 et 6. Le premier enjeu concerne la pension à vie et le paiement forfaitaire. De toutes les personnes et de tous les anciens combattants à qui j'ai parlé, ce sont les deux éléments les plus souvent soulevés, alors je tiens à vous les souligner. Le changement apporté dans la Charte en 2005, si je ne m'abuse, n'est pas une pure coïncidence. Le changement a été apporté alors que nous partions au combat. Je crois que le nouveau gouvernement libéral a une belle occasion de corriger le tir.
L'autre enjeu que je veux soulever est similaire à ce que M. Doucette a dit, et c'est lié aux effectifs et aux services en ligne. Je comprends que nous tentons tous de réduire les coûts et qu'on tente de tout mettre en ligne. Cependant, il y a des services qu'on ne peut pas offrir en ligne. M'acquitter de toutes les tâches administratives requises pour être ici aujourd'hui a été un peu difficile, c'est le moins que je puisse dire. Les anciens combattants doivent remplir des montagnes et des montagnes de paperasse et ils rencontrent des culs-de-sac partout. Je crois qu'il faut revoir toute la question des préposés au service.
C'étaient les deux enjeux que je voulais soulever. Je n'ai rien d'autre à dire, et je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui.
Pour commencer, je vais vous parler un peu de moi afin que vous puissiez comprendre de quelle façon Shaping Purpose pourrait s'inscrire dans la transition entre les Forces canadiennes et ACC.
J'ai été officier ingénieur dans les Forces canadiennes. J'y ai été pendant 12 ans en tout. Lorsque je suis allé en Afghanistan, en 2008, une voiture piégée a explosé devant mon véhicule. Après l'explosion, j'ai eu une commotion, et, à ce moment-là, je ne croyais pas qu'elle était très grave. Au cours des mois et des années qui ont suivi, j'ai découvert que, en fait, j'étais atteint de troubles épileptiques. Essentiellement, j'avais des pertes de conscience, comme si quelqu'un fermait les lumières, et il y avait peu, voire aucun, de signes avant-coureurs.
Lorsque j'ai finalement obtenu un diagnostic, en 2010, j'ai parlé à mon neurologue, et il a dit que je devrais pouvoir rester dans les Forces canadiennes. Tant que j'étais médicamenté et que mes crises n'étaient pas un problème, je pouvais continuer à respecter le principe de l'universalité du service. J'ai donc poursuivi ma carrière. Ma chaîne de commandement n'y voyait aucun problème.
On m'a fait suivre des cours professionnels. J'ai participé à un cours d'état-major, à Kingston. Essentiellement, j'étais censé obtenir une promotion cette année-là. J'ai plutôt appris, pendant que j'étais là-bas, que j'allais être libéré des Forces canadiennes. Et la nouvelle ne venait même pas de ma chaîne de commandement, parce qu'il y avait eu un problème concernant certains documents perdus en cours de route, alors ma chaîne de commandement était tout aussi surprise de moi par la nouvelle.
Je ne le dis pas pour faire la mauvaise langue contre quiconque au sein des Forces canadiennes. Ce sont des choses qui arrivent. Il y a beaucoup de paperasse, et parfois, des documents sont perdus.
La façon dont j'ai appris la nouvelle est probablement ce qui a été le plus traumatisant pour moi parce que, selon moi, je poursuivais ma carrière, et ma blessure n'était pas problématique. Cependant, lorsque j'ai été informé, j'ai été totalement pris par surprise. Essentiellement, c'était une déflagration encore plus grosse que l'explosion de la voiture piégée. Ma vie a été chamboulée, et j'ai tout perdu. J'ai perdu ma carrière, que j'avais commencée 10 ou 11 ans avant à ce moment-là. J'ai perdu ma confiance. Essentiellement, j'ai perdu tout ce que j'étais à ce moment-là. Cela m'a aussi isolé de mes pairs, parce que je ne voulais pas être considéré comme un soldat brisé.
Ça a été très dur pour moi, et les choses ont dégénéré. J'ai fait une dépression clinique en bonne et due forme. Ma vie n'allait pas très bien.
Je consultais l'adjoint du médecin-chef de la base à ce moment-là — plutôt que de voir un psychologue — parce que cela correspondait mieux à mes besoins. C'est lui qui m'a dit que j'étais cliniquement déprimé. Je pourrais vous en parler encore plus longtemps, mais je vais faire un saut dans le futur pour parler de Shaping Purpose.
Faisons un saut dans le temps. Essentiellement, j'ai obtenu le message de ma libération en janvier 2012, et j'ai été libéré en tant que tel en juin 2013. On ne m'a pas offert une période de maintien en poste de trois ans, parce que les niveaux de dotation dans mon métier étaient essentiellement à capacité maximale, alors l'armée n'avait aucune raison de me retenir pendant plus de six mois.
À ce moment-là, en juin 2013, j'ai commencé à voir un conseiller à la clinique de TSO. J'y suis allé pendant pas moins de neuf mois, en plus de la période durant laquelle j'ai consulté l'adjoint du médecin-chef de la base.
J'avais fait des pas en avant pour essayer de reconstruire ma vie, mais je n'y arrivais pas. À un moment donné, tandis que je voyais le psychologue à la clinique de TSO, je ressassais les mêmes choses et, parfois, je ressortais quasiment encore plus déprimé qu'en arrivant, parce que j'étais encore dans un état dépressif.
Shaping Purpose est entré dans ma vie en avril 2014, par l'intermédiaire d'un ami de la famille, qui m'a suggéré d'y jeter un coup d'oeil. Les gens étaient chez nous et ils discutaient avec mon épouse et lui en parlaient. J'ai dit : « vous n'avez aucune idée de ce que cela pourrait signifier pour les militaires ». J'ai expliqué toute ma situation, et ils ont dit : « pourquoi ne viens-tu pas tenter l'expérience pour voir si cela t'aide un peu? »
Alors je suis allé à la séance — c'est une séance de quatre jours — et dès le premier jour, l'animateur m'a dit : « tu vas utiliser ton compas intérieur pour trouver tes forces, tes passions et tes valeurs. Cela t'aidera à planifier et à aller de l'avant dans la vie ».
J'étais là et je me disais : « je n'ai pas de compas intérieur, c'est pour ça que je suis ici ».
Je croyais que j'allais encore une fois échouer, mais, dès le deuxième jour du cours, je me suis rendu compte que j'avais un compas intérieur et j'ai pu commencer à déterminer quelles étaient mes forces, mes passions et mes valeurs, en passant au travers d'un cartable d'activités adaptées pour chaque personne. Tous les participants le remplissent, mais on le fait en groupes de 21 personnes. Grâce à des conversations en grands groupes et à des discussions en petits groupes, qui sont animées, on commence à obtenir des renseignements utiles les uns des autres et on obtient des commentaires utiles des autres anciens combattants qui sont là.
À la fin de la quatrième journée, les animateurs abordent deux ou trois autres facteurs externes qui peuvent avoir un impact sur notre vie à l'avenir, comme des considérations géographiques, là où on vit, des considérations financières, des considérations sociales et la question de l'emploi.
Plus tard — et je suis désolé si j'anticipe un peu —, nous avons organisé une telle séance pour les Forces canadiennes et nous avons même assuré la participation d'un conseiller en transition des Forces canadiennes qui a présenté une séance d'information complète sur l'ensemble des services offerts par les Forces canadiennes dont les anciens combattants peuvent bénéficier par l'intermédiaire d'ACC.
Pour revenir à ma situation, je suis ressorti de là avec un plan de vie, résultat final de ces quatre jours. C'est essentiellement un ensemble d'objectifs SMART, une méthode que, j'en suis sûr, vous connaissez très bien. Les objectifs décrivent la marche à suivre. Ils sont fondés sur nos forces, nos passions et nos valeurs et nous permettent de planifier notre vie, parce que, essentiellement, ce qu'on tire de la séance, c'est cette idée de ce que serait notre vie idéale en nous permettant de cerner les situations ou les occasions qui nous permettent de réaliser des activités enrichissantes. Puis, en procédant ainsi, on peut commencer à aller de l'avant dans la vie.
Dans mon cas, j'ai eu beaucoup de succès. J'ai suivi le cours en juillet 2014. En septembre 2014, j'ai dit à ma psychologue que je voulais arrêter de la voir parce que j'avais l'impression d'aller de l'avant dans la vie. Ma décision a été soutenue. À ce moment-là, je suis allé voir le fondateur de Shaping Purpose et je lui ai suggéré d'essayer de travailler avec des membres en service et d'anciens combattants. Les responsables étaient tout à fait d'accord et ils voulaient aller de l'avant avec l'idée. Par conséquent, à ce moment-là, nous avons commencé à discuter avec une conseillère en transition des Forces canadiennes, la major Jo-Anne Flawn-LaForge, et elle nous a aidés à obtenir l'approbation du directeur de la gestion du soutien aux blessés pour tenir cinq séances pilotes à l'intention de membres des Forces canadiennes et d'anciens combattants.
Lorsque nous avons obtenu cette approbation, nous avons recruté des gens pendant environ quatre jours et avons reçu 85 demandes. Cependant, nous pouvions seulement accepter 21 demandeurs. Nous avons tenu la séance. L'objectif était essentiellement de réaliser une étude de recherche pour montrer que le programme fonctionne et que les anciens combattants en période de transition en ont besoin, parce que le plan de vie permet en fait de faire le point entre les Forces canadiennes et ACC. L'idée sous-jacente, c'est que, si d'anciens combattants ou des membres des Forces canadiennes sont libérés et ne savent pas ce qu'ils feront après... jusqu'à maintenant, on a toujours mis l'accent sur le besoin de trouver des emplois aux gens, de les faire travailler et de les sortir du système. Cependant, si les personnes qui quittent les Forces ne réussissent pas à trouver un emploi intéressant, elles vont rester dans le système et ne pourront pas aller de l'avant. Elles ont besoin d'un emploi intéressant. Elles ont besoin de quelque chose qui les aidera à sortir du trou noir dans lequel elles se trouvent pour réussir à aller de l'avant, peu importe la direction.
Par conséquent, nous avons pris des mesures à l'aide d'outils psychologiques validés — en fait, il s'agissait de deux outils de sondage — et nous avons réalisé les sondages avant et après la séance. Nous avons aussi fait un suivi auprès des soldats afin d'obtenir des données à fournir à Anciens Combattants et au MDN. Depuis, nous avons tenté d'obtenir les fonds nécessaires pour organiser les quatre prochaines séances. Nous avons presque trouvé assez de fonds pour le faire. Les fonds viennent de commandites du secteur privé et de la Fondation de la recherche en santé du Nouveau-Brunswick.
La raison pour laquelle je pense que Shaping Purpose est aussi approprié, c'est parce que 27 % des 5 000 membres de la Force régulière libérés chaque année déclarent que leur transition est difficile, et je crois que c'est en grande partie parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent faire de leur vie à l'avenir.
Merci.
Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Je m'appelle Trev Bungay, et j'ai servi pendant 18 ans dans l'infanterie des Forces canadiennes. J'ai participé à sept missions internationales, dont quatre de combat en Afghanistan.
Tout a commencé après ma mission de combat en 2007. À l'époque, il y avait une telle stigmatisation qu'on ne disait rien. On gardait tout à l'intérieur et on poursuivait, alors j'ai participé à deux autres missions par la suite. En 2010, j'ai perdu ma famille. En 2012, j'ai perdu mon emploi. J'ai tout recommencé à zéro.
Lorsque j'ai quitté l'armée, je ne savais même pas que j'étais censé avoir une couverture médicale. Je ne savais pas comment l'obtenir. Je ne savais pas qui je devais voir. J'étais allé à tous les endroits où il fallait aller. J'avais consulté la SEM des milliers de fois. On m'avait fait voir le psychologue de la base. On m'a donné 22 pilules à prendre chaque jour et on m'a retourné chez moi pendant six mois afin de voir ce qui allait arriver. Ce qui est arrivé, c'est que j'ai tenté de me suicider.
Ce jour-là a été très important pour moi. Une petite lumière s'est allumée. Malheureusement, elle n'était pas suffisamment forte, alors trois mois plus tard, j'ai à nouveau tenté de m'enlever la vie. À partir de là, je me suis rendu compte que le suicide n'était pas la réponse. J'avais perdu 15 de mes amis qui se sont suicidés cette année-là. J'ai vu leurs enfants pleurer sur leur cercueil.
Dans mon cas, il n'était absolument pas nécessaire de me libérer aussi rapidement que je l'ai été. Il aurait fallu qu'on me maintienne en poste. Je devais pouvoir rester là afin que quelqu'un me surveille. Je n'étais absolument pas dans un état d'esprit approprié pour partir et commencer une nouvelle vie.
Je recommençais tout à zéro. J'avais terminé mes études secondaires et j'étais dans l'armée depuis mes 19 ans. J'étais rendu à 37 ans à ce moment-là, sans études et sans le moindre filet de sécurité.
Les choses ont vraiment changé dans mon cas lorsque j'ai décidé que je devais arrêter de prendre les médicaments. Je devais trouver de l'aide à ma façon. J'ai commencé à effectuer des recherches pour trouver ce que je devais faire. J'ai déterminé que j'avais besoin d'une approche de guérison multidisciplinaire. Oui, j'avais des médicaments et je les prenais comme il faut. Je voyais un psychologue chaque semaine. J'ai bénéficié de massothérapie. Je suis allé voir un nutritionniste. J'ai parlé à des diététistes. J'ai fait tout ce que je pouvais parce que je me disais que, si j'avais un corps sain, j'aurais un esprit sain et j'allais me remettre sur mes pieds.
Six mois après avoir arrêté de prendre ces médicaments, j'exploitais deux entreprises. Je dois tout à l'approche multidisciplinaire. En janvier 2015, nous avons ouvert notre première clinique à Cole Harbour, en Nouvelle-Écosse. Il y en a maintenant une à Moncton, une à Fredericton et une ici, à Ottawa. Nous sommes sur le point d'ouvrir une deuxième clinique à Halifax, et nous espérons pouvoir aussi en ouvrir à Charlottetown et Sydney cette année.
En ce peu de temps, cette année et demie, j'ai aidé 3 000 personnes. Beaucoup sont d'anciens combattants ou d'anciens membres de la GRC. Ils arrivent ici brisés. Nous les remettons sur leurs pieds en utilisant cette approche. Chacune de mes cliniques compte un médecin, un psychologue, un massothérapeute, un diététiste et un nutritionniste. Certaines de mes cliniques offrent des services d'ergothérapie, de physiothérapie et de chiropraxie. Nous offrons de tout.
Les anciens combattants adorent le fait qu'ils viennent à un seul endroit et qu'ils obtiennent tout ce dont ils ont besoin dans le cadre de leur traitement, puis ils retournent à la maison à la fin de la journée. Tous nos services sont actuellement facturés par l'entremise d'Anciens Combattants Canada, mais, pour une raison ou pour une autre, l'organisation ne reconnaît pas ce que nous faisons.
Voilà votre premier problème. Nous aidons 3 000 personnes par année et demie, et personne d'Anciens Combattants Canada n'a dit : « Hé, il y a un Centre de guérison des traumatismes au bout de la rue; ses intervenants vont vous aider. » Rendez-vous à la clinique de TSO; personne ne veut y aller. C'est exactement pourquoi on sort des forces; on ne voulait plus y être exposé. Maintenant, on oblige les anciens combattants à se rendre dans des centres; ils voient leurs copains, là-bas, et ils ont un sentiment de répulsion. Ils sont assis et doivent remplir des sondages de 30 minutes sur un iPad à l'aide d'un stylet qui est tellement petit qu'ils n'arrivent pas à appuyer sur le bouton, et s'ils touchent le mauvais, tout s'efface, et le sondage est renvoyé.
Tout ce que je demande, c'est qu'une personne nous donne une chance. Nous aidons ces gens. Nous leur redonnons le contrôle de leur vie. Je peux vous présenter des témoignages; vous pouvez regarder des vidéos à ce sujet; nous avons tout fait. Nous sensibilisons les gens. Je passe mes années à me promener pour m'adresser au Service correctionnel du Canada, à la GRC et à Anciens Combattants. Ils adorent cela. J'ai demandé à me rendre dans l'UISP simplement pour parler aux soldats qui partent et leur dire : « Vous n'êtes pas obligés de sortir et d'être seuls; il y a de l'aide. » Ma demande a été refusée immédiatement.
L'un des plus grands services que nous offrons, c'est notre soutien par les pairs. Ce service de soutien est énorme pour nous, car les anciens combattants me disent qu'ils sont très heureux d'avoir quelqu'un qui a traversé le processus, quelqu'un qu'ils peuvent appeler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui peut les aider à remplir leur paperasse parce qu'aucun employé d'ACC n'a le temps de le faire. Le gestionnaire de cas a 700 dossiers sur son bureau, et il est impossible que cela puisse avoir lieu cette année.
Je suppose que l'argument le plus important que j'ai à formuler aujourd'hui, c'est qu'il y a des services qui sont offerts pour aider les anciens combattants. Personne ne veut leur faire de mal. Je suis un ancien combattant. Je suis la dernière personne sur terre qui voudrait jamais faire de mal à un ancien combattant. Nous sommes là pour aider, et nous allons prendre de l'expansion et croître, avec ou sans vous. Mais, nous voulons vraiment, vraiment obtenir votre soutien.
Merci.
Merci.
Nous allons commencer la série par des questions de six minutes.
Monsieur Kitchen, vous êtes le premier intervenant.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous d'avoir servi votre pays et de nous avoir servis. Cela vient du fond de mon coeur.
Monsieur Doucette, vous avez mentionné qu'il faut environ un an pour achever le processus de transition, si je ne me trompe pas au sujet de ce que vous avez dit. Tout au long de nos séances, nous avons vraiment beaucoup entendu parler de la prestation de services et de la longue période qui s'écoule avant qu'ancien combattant ait effectué la transition entre les forces et le statut d'ancien combattant et qu'il passe par ACC. L'une des suggestions que nous avons entendues, c'était de commencer à sensibiliser les soldats, à partir du moment où ils entrent dans l'armée, au sujet du processus, des étapes qu'ils devront suivre, du processus qui se déroulera et de ce à quoi ils auront droit une fois ce processus achevé, afin que, au moment où leur carrière ou leur transition seront terminées, ils soient au courant de cela.
Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet, pour dire si vous pensez qu'il s'agit d'une bonne idée ou non?
L'armée informe ses membres de beaucoup de choses au cours d'une année. Il s'agit d'une formation continue sur des choses comme la connaissance générale, le harcèlement, les premiers soins, l'abandon du tabagisme et des choses de ce genre, mais, curieusement, il n'y a aucune séance d'information ou discussion officielles sur la santé mentale — absolument aucune —, et je n'arrive pas à comprendre pourquoi. Je pense que ce devrait être intégré dans la formation annuelle, afin que les soldats réfléchissent à leur santé mentale et se disent : « Si je me retrouve à être libéré, j'aurai au moins une certaine connaissance de ce dans quoi je mettrai les pieds. »
La transition, c'est passer complètement du noir au blanc. Il n'y a aucune zone grise dans laquelle on peut naviguer. Comme vous avez entendu Trevor Bungay le dire, bien des membres perdent leur identité, perdent leur emploi; ils peuvent perdre leur famille, et ainsi de suite, et, maintenant, ils se tiennent là, et ne savent même pas qu'ils ont besoin d'une carte d'assurance-maladie et de choses de ce genre.
Selon moi, l'idée de la transition devrait être évoquée beaucoup plus. Il ne s'agit plus d'un emploi de 35 ans comme dans le temps où je me suis enrôlé. Il peut vous arriver des choses à la suite desquelles vous ne serez plus en mesure de servir. Nous ne pouvons pas cacher les membres blessés comme nous le faisions dans les années 1970. Si un gars avait 30 ans de service à son actif, se cassait la jambe et ne pouvait plus aller sur le terrain, on l'affectait à un emploi dans une base. Le MDN ne fait plus cela. Il vous suit à la trace parce qu'il est doté d'un système informatique. Il vous trouve.
J'étais un cas classique; diagnostic reçu, 18 mois, civil, terminé, et au revoir. Aucune transition, rien. Quelques brochures, voilà tout ce à quoi j'ai eu droit.
Les responsables doivent considérer le processus comme un tout. Si vous comptez 30 ans de service, vous devriez servir pendant environ 31 ou 32 ans, et, pendant les 2 dernières années, vous devriez passer en revue toutes les choses dont vous avez besoin pour devenir un civil.
On les soumet à des scintigraphies, qui s'assortissent de séances d'information, et ainsi de suite, et c'est intéressant parce que bien des membres qui y assistent se font dire : « Amenez votre épouse, car elle se souviendra de ce qui aura été dit ». On n'inscrivait pas les renseignements ni quoi que ce soit. Nous confions à beaucoup de gens la tâche de tenter d'aider un gars à faire la transition, et cela fait parfois plus de tort que de bien.
Nous avons beaucoup discuté de la famille, et je vous suis reconnaissant d'avoir soulevé la question d'amener votre épouse. Je pense que nous devenons tous très conscients.
Simplement pour que vous le sachiez : je viens d'une famille de militaires, et j'y crois vraiment, même si je n'ai pas servi. Mon père a servi, ainsi que mon frère et ma sœur, et j'ai grandi dans cette mentalité et en comprenant le langage et la culture. Il s'agit d'une culture, et la famille fait partie de cette culture.
Quand nous parlons des deux programmes — et j'aborderai cette question avec le capitaine Garsch et M. Bungay —, vos programmes sont excellents. C'est bon de le voir. Vous avez évoqué la possibilité d'intégrer la famille dans le programme. Capitaine Garsch, vous avez mentionné cela dans l'exposé que vous nous avez présenté.
Pouvez-vous formuler un commentaire sur l'importance de ce rôle, selon vous?
Assurément. La première fois où nous avons exécuté le programme, parmi les 21 personnes qui s'y étaient inscrites, il y avait deux couples de militaires. Ils ont trouvé le programme extrêmement bénéfique parce qu'ils ont pu planifier leur sortie de l'armée et ce qu'ils allaient faire à l'unisson, alors leurs plans ont été bénéfiques pour les deux.
J'ai aussi eu la chance de discuter avec l'un des directeurs du CRFM, et ces gens pensent qu'il serait très utile aux conjoints des personnes en transition également. Je discute avec les directeurs au sujet de la possibilité de pouvoir fournir ce service.
Je pense qu'il est absolument impératif que la famille participe d'une manière ou d'une autre. Si le conjoint peut participer, lui aussi, c'est probablement la meilleure solution, car la famille peut planifier son avenir en tant que famille au lieu qu'il y en ait peut-être un qui s'en va vers la gauche, et l'autre, vers la droite.
Nous tentons d'ajouter la famille dans tout. J'ai toujours dit à mes soldats que, qu'ils aient effectué un an ou 20 ans de service, la seule personne qui se tiendra devant la porte à la fin de cette période, c'est leur famille.
Malheureusement, la plupart d'entre nous, par faiblesse — durant nos périodes de stress post-traumatique —, et à cause de tout le reste, oublions cela.
Malheureusement, vous l'oubliez bel et bien, comme vous dites. Cela arrive parfois avant même que vous soyez rendus à cette étape. Il serait avantageux d'inclure la famille plus tôt.
Je suis entièrement d'accord. Je crois qu'il faut les inclure plus tôt dans nos centres également. Nous recommandons des séances avec la famille, avec l'épouse ou l'époux, et, le soir, nous organisons également des séances à l'intention des conjoints afin de leur offrir un certain soutien. Il s'agit probablement de quelque chose qu'Anciens Combattants Canada devrait envisager, car les services que nous offrons sont gratuits. Je demande à mes médecins, à mes psychologues et à mes travailleurs sociaux de venir le faire gratuitement. Ils acceptent parce qu'ils veulent aider, mais, à un moment donné, cette situation pourrait changer.
Merci, monsieur le président.
Je remercie chacun d'entre vous des perspectives que vous apportez. Je pense qu'il a été très intéressant pour nous d'entendre vos histoires personnelles concernant la façon dont vous avez effectué la transition et la contribution que vous apportez maintenant à nos anciens combattants. Merci beaucoup pour cela.
Je pourrais parler pendant une heure, mais je vais compter sur mes collègues pour qu'ils vous posent beaucoup de questions.
Monsieur Garsch, je voudrais vous poser quelques questions au sujet du programme Shaping Purpose. Qu'a-t-il été conçu pour faire, au départ?
Au départ, le programme Shaping Purpose était conçu pour les hauts dirigeants qui effectuaient la transition depuis des échelons de type PDG, ou peut-être de député ou quoi que ce soit, mais un emploi de premier plan, qui prenaient leur retraite, puis qui tentaient de découvrir ce qu'ils allaient faire à la suite de cela. C'était l'idée de départ.
À la suite de mon expérience à cet égard et du fait qu'essentiellement, je décrivais la façon dont on vit la perte d'identité, l'isolement et toutes ces émotions, il était tout à fait évident qu'il s'agissait d'un outil indispensable pour les membres des Forces canadiennes qui effectuent la transition hors des forces.
Excellent. Vous avez mentionné qu'il y avait 21 places la première fois que vous avez offert le programme et que 85 personnes avaient présenté une demande d'inscription. À ce moment-là, comment incitiez-vous les gens à présenter ces demandes d'inscription?
Nous utilisions le bouche-à-oreille, mais la majorité d'entre eux ont été aiguillés par l'entremise du conseiller en transition continue des Forces canadiennes, par l'intermédiaire des UISP de partout au Canada. Nous utilisions également le système des gestionnaires de cas d'ACC pour obtenir ces noms.
Nous avons poursuivi la liaison avec ces deux bureaux. Quand nous obtiendrons l'argent pour les quatre séances restantes, nous serons prêts à les donner.
D'accord. Avant que nous n'abordions le financement, et j'espère que nous en arriverons là... les taux de réussite. Je sais que vous avez mentionné la recherche que vous menez et comment vous avez tenté de mettre des chiffres réels sur les choses. Pourriez-vous nous parler un peu de cela?
Oui. Nous demandons aux participants de remplir deux sondages avant qu'ils participent au programme. Nous leur demandons également de remplir un sondage immédiatement après. Ensuite, nous menons des sondages de suivi après un mois, deux mois, trois mois, six mois et un an. On leur offre également des consultations de suivi en cours de route, afin qu'ils puissent discuter de leur plan de vie et de la façon dont les choses se déroulent.
Si vous êtes un gestionnaire de cas du MDN ou d'ACC, ou bien si vous passez du MDN à ACC, toutes ces personnes ont une bonne idée de votre situation par rapport à votre plan de vie. Elles pourraient voir si vous êtes en train de dérailler ou si vous êtes sur la bonne voie. Si vous êtes en train de dérailler, elles pourraient également déterminer où vous déviez de votre trajectoire et peut-être vous aider. Au lieu de répéter la même chose lorsque vous tenez votre conservation de 15 minutes tous les mois ou tous les deux mois, vous tireriez en fait une certaine signification de cette conversation.
Vous voulez dire que l'interaction qu'ils ont avec leurs gestionnaires de cas est plus significative pour cette raison, parce qu'ils ont un...
Je crois que c'est le cas. Je peux parler de mon expérience personnelle. Je rencontrais mon gestionnaire de cas une fois par mois. J'entrais dans son bureau, je m'assoyais pendant cinq minutes, on me demandait comment j'allais, et je mentais en disant que j'allais bien parce que je ne voulais pas être à la base, car j'avais de l'anxiété. Je n'arrivais pas à supporter d'être là, et on ne me connaissait absolument pas. On ne savait pas du tout ce que je voulais faire ni ce qui avait de l'importance pour moi. Il n'y avait aucun plan.
Y a-t-il une matrice que vous utilisez pour mesurer le succès? Avons-nous établi un taux de réussite de ces rencontres? Je sais que c'est difficile à mesurer.
Dans le cadre de la recherche que nous avons menée, nous avons communiqué avec un épidémiologiste de l'Université Queen's afin qu'il exécute la matrice pour nous. Cette personne a effectué certains travaux préliminaires sur la première série de séances, et nous allons obtenir plus de données à ce sujet. Nous espérons également qu'en donnant les quatre prochaines séries, nous tirerons de l'obtention des nouveaux chiffres un pouvoir statistique suffisant pour montrer que ce programme a une importance statistique.
Je crois que 80 % de la première série de séances ont été payés par le fondateur et que 20 % ont été payés par la Fondation de la recherche en santé du Nouveau-Brunswick. Pour les quatre prochaines, nous avons deux entreprises commanditaires et la Fondation de la recherche en santé du Nouveau-Brunswick. Actuellement, les entreprises commanditaires voudraient demeurer anonymes jusqu'à ce que nous soyons prêts à mettre en œuvre les séances et que nous disposions du financement final.
On a beaucoup discuté du moment où commence la transition, et il s'agirait d'un excellent outil à offrir dès le début, ou dans le cadre de la discussion annuelle concernant ce que fera le soldat au moment de sa transition en dehors des Forces.
Ce sont assurément les gens qui ont déjà été avisés qu'ils étaient libérés pour des raisons d'ordre médical qui en ont un besoin immédiat. Dès que ces personnes sont avisées de leur libération pour des raisons d'ordre médical, elles devraient pouvoir participer à un cours spécial comme celui-ci, si elles estiment en avoir besoin. On pourrait franchir un pas de plus. Si une personne est placée dans une catégorie temporaire — ou une CatT —, elle a droit à deux périodes de CatT de six mois avant de passer à ce qu'on appelle une catégorie permanente. La catégorie permanente facilite la libération. Dès qu'il est décidé que la personne va être libérée, je dirais qu'elle devrait être placée dans une catégorie permanente, puis elle pourra se débrouiller pour progresser à l'aide des outils offerts par ACC et les Forces canadiennes.
Merci, monsieur le président, et je remercie nos quatre témoins de leur présence.
Monsieur Doucette, vous avez affirmé un certain nombre de choses, et je me demandais si je pouvais obtenir certaines clarifications. Vous avez évoqué l'ancien combattant frustré ou persistant perçu comme étant agressif, comme posant problème. Les gestionnaires de cas devraient-ils recevoir une formation spéciale afin de faire face à ces personnes? Il faudrait une personne possédant des compétences en résolution de conflit ou qui comprenne au moins que cette agressivité provient d'un sentiment de n'être pas bien servi, d'un sentiment de désespoir causé par le fait de ne pas recevoir l'aide dont on a besoin, ou d'un sentiment de ne pas aller mieux.
La plupart des gestionnaires de cas ne se débrouillent pas trop mal avec les anciens combattants. Ils comprennent habituellement ce qu'ils vivent. La difficulté tient aux personnes par lesquelles l'ancien combattant doit passer pour finir par se rendre à ce gestionnaire de cas. Par exemple, il y a environ 10 ans, la première fois que je suis allé au bureau de Saint John, au Nouveau-Brunswick, pour présenter une séance d'information, il y avait un beau petit foyer, des fauteuils, une table à café. Toutefois, maintenant, il y a un mur de verre d'environ deux pouces d'épaisseur. Vous ne pouvez même plus aller aux toilettes sans qu'une personne doive glisser une carte pour vous. Je ne sais pas d'où provient cette peur des anciens combattants. Les gestionnaires de cas apprennent à les connaître beaucoup mieux, et ils sont mieux en mesure de régler leurs problèmes.
Bien entendu, il y a des gens qui vont être frustrés, mais je pense qu'on exagère le problème de la violence. C'est tout simplement dans la nature des gens, de nos jours. On arrive armés d'information, et on veut savoir pourquoi on n'a pas accès à ces choses. On a besoin d'une réponse. C'est là que commence le problème, exactement là.
Alors, cette première ligne de contact doit être mieux formée, et nous devons nous débarrasser des murs de verre.
Je comprends le besoin d'une certaine sécurité, mais, quand on entre dans ce bureau, c'est eux contre nous. J'ai donné 30 ans de ma vie à mon pays, et j'ai perdu une jambe dans une explosion et le cerveau détraqué. On pourrait croire que je bénéficierais d'un traitement royal, et qu'on ne me bousculerait pas de tous bords tous côtés. C'est l'indifférence face à la cause qui est frustrante.
Vous avez mentionné diverses interprétations de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Est-ce que cela nous indique que nous avons besoin d'une meilleure formation, qu'on ne peut pas simplement avoir une personne qui l'interprète d'une manière, et une autre qui l'envisage différemment par la suite? Je pense que cela contrarierait n'importe quel ancien combattant.
Je pense que, dans la plupart des cas, à l'intérieur du bureau de district, les choses sont assez uniformes.
Toutefois, si on sort du bureau de district — disons, de Saint John — et qu'on se rend à celui — il n'y en a plus à Charlottetown — de Halifax, eh bien, les gens de ce bureau pourraient avoir une autre vision de certains services. Ils pourraient connaître une façon d'obtenir quelque chose pour un ancien combattant qui est... je ne dirais pas plus facile, mais moins complexe, d'un point de vue administratif. J'ai entendu des anciens combattants affirmer que, quand ils étaient à Québec, ils ont demandé quelque chose et que leur demande a été refusée, puis, qu'ils ont déménagé au Nouveau-Brunswick et l'ont de nouveau présentée, et qu'ils l'ont obtenu. Qu'est-ce qui s'est passé?
Beaucoup d'aspects personnels entrent en ligne de compte lorsqu'on travaille sur le problème. Un de mes compagnons a dû abandonner le programme de réadaptation parce qu'il était trop vieux. Il avait attendu très longtemps. Il m'a dit : « Peut-être que je pourrais faire trois bonnes années de travail. » Ensuite, il m'a téléphoné pour me dire : « Fred, je ne suis plus dans le programme. » Je lui ai demandé ce qu'il voulait dire. Il m'a expliqué : « Je vais voir 60 ans. Je ne vais pas aller au travail maintenant. J'ai commencé quand j'avais 55 ans. »
Une grande part du problème est lié à son conseiller de district. Cette personne était vraiment en colère : « Oh, vous obtenez ces services de soutien. Vous obtenez cet argent. Et nous? » Mon compagnon l'a signalé par le truchement du système, mais le gars travaille encore là.
Cela montre simplement qu'il y a des personnes à l'intérieur de l'organisation qui peuvent vous faire attendre si elles le veulent. C'est horrible à dire. Cependant, la grande majorité sont là pour faire bouger les choses pour vous au meilleur de leur capacité.
J'ai suivi la nouvelle formation sur la Charte des anciens combattants, à Halifax, la première fois qu'elle a été offerte. J'étais la seule personne sur place qui ne travaillait pas précisément pour ACC. Nous étions environ 50, et deux sujets revenaient sans cesse : « Qui était l'autorité responsable d'approuver cette partie qui affirme que vous y avez droit? Qui signe ce document? » Réponse : « Eh bien, nous travaillons là-dessus. »
En fait, j'ai entendu certaines des personnes qui étaient présentes dire : « Eh bien, il me reste encore trois ans à servir pour obtenir ma pension, je ne veux pas m'engager dans ces conneries. Je ne veux pas apprendre tout ceci. Je serai parti dans deux ou trois ans. » Toute cette résistance au changement est là, et il s'agissait d'un gros changement.
Il s'agit d'accéder, d'appuyer sur le bon bouton, d'adopter le bon ton, et ainsi de suite.
Merci beaucoup.
Monsieur Estabrooks, j'ai été très intéressée par ce que vous aviez à dire.
Vous avez affirmé que le changement apporté en 2005 à la Charte des anciens combattants a eu lieu juste au moment où vous partiez au combat.
Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet? De quoi pensez-vous qu'il est question? Je souhaiterais vraiment connaître votre point de vue à ce sujet.
Les anciens combattants qui ont été blessés avant cette date obtenaient la pension à vie, alors que, maintenant, on est passé à un paiement forfaitaire. Par coïncidence, ce changement a été apporté à un moment où on nous avait avertis que nous allions partir au combat dans la région de Kandahar.
Je me demandais simplement si vous pensiez que c'était parce qu'il allait y avoir beaucoup plus d'anciens combattants gravement blessés qu'il s'agissait plutôt d'une coïncidence ou que vous trouviez intéressant que le changement ait lieu à ce moment-là.
Selon moi, je ne serais pas le seul à le penser. Les anciens combattants à qui j'ai parlé ont dit que, oui, c'était toute une coïncidence.
C'est très malheureux.
Nous semblons avoir accès à toutes sortes de ressources financières lorsqu'il s'agit d'envoyer des hommes et des femmes au combat, puis elles semblent toutes s'épuiser lorsque ces hommes et ces femmes rentrent au pays.
[Français]
Bonjour. Je vous remercie de votre présence. Je suis un nouveau membre du Comité.
Mes questions, qui sont d'ordre plutôt factuel, s'adressent à M. Garsch.
Vous avez raconté avoir été relevé de vos fonctions. Comme le disait M. Doucette, on croit généralement que la durée d'une carrière militaire est de 35 ans. Cependant, d'après ce que vous nous avez dit, vous avez été relevé de vos fonctions de manière très soudaine.
Premièrement, pouvez-vous nous expliquer comment cela s'est passé?
Deuxièmement, j'aimerais savoir combien de temps un militaire demeure dans l'armée une fois qu'il a été relevé de ses fonctions.
Troisièmement, la pension que vous recevez par la suite est-elle établie en fonction du nombre d'années de service ou en fonction de votre salaire?
[Traduction]
J'ai été avisé au moyen d'un examen administratif. Mon gestionnaire de cas m'a dit que j'étais censé être sorti dans les six mois suivants. Cela n'a pas eu lieu parce que les documents ont été perdus — littéralement — pendant environ un an. Comme je ne voulais plus être dans les Forces, parce que je ne pouvais plus supporter d'être dans ce milieu, j'ai demandé une libération volontaire. Je voulais partir après 30 jours. On m'avait dit que, si je faisais cela, je perdrais la pension médicale que j'étais censé toucher parce qu'on me libérait pour des raisons d'ordre médical. Voilà comment cela s'est passé.
Quant aux personnes qui sont libérées, il faut avoir été dans les Forces pendant 10 ans pour toucher une pension médicale si on est libéré pour une raison d'ordre médical. Ce qui peut très facilement arriver à des personnes, c'est que si elles n'ont pas servi pendant la période de 10 ans, et qu'elles sont libérées pour des raisons d'ordre médical, cette pension ne suffira pas à leur permettre de maintenir le style de vie qu'elles avaient à ce moment-là.
Je crois que vous me demandiez combien de temps il m'avait fallu pour toucher mes paiements de pension. J'ai été libéré le 19 juin, et je n'ai reçu aucun paiement avant la fin de septembre, plus ou moins.
[Français]
Comment est calculée la pension, par exemple, si vous avez accumulé 10 ans de service ou moins? Est-ce en fonction du salaire que vous touchiez ou en fonction du nombre d'années passées dans les Forces?
[Traduction]
Essentiellement, elle est déterminée par les cinq meilleures années de salaire. Si vous servez pendant 10 ans, on prend la moyenne de vos cinq dernières années de salaire, et c'est un pourcentage de ce salaire que vous obtenez. Je crois qu'à ce moment-là, c'était 70 % en moyenne.
[Français]
Merci beaucoup.
Monsieur Doucette, nous constatons qu'il y a des problèmes en ce qui touche la transition. Je suis aussi membre du Comité permanent de la défense nationale, et deux problèmes nous ont été soumis concernant l'intégration à la vie civile. D'abord, les gens ne connaissent pas les services offerts, ensuite, il est difficile d'obtenir ces services.
En ce qui a trait à la première étape, qui est de connaître les services offerts, le ministère de la Défense ne pourrait-il pas offrir une préparation aux militaires, par exemple, six ans avant la transition? De cette manière, les personnes ne se retrouveraient pas devant le fait accompli, de retour à la vie civile à devoir aller chercher toutes les informations nécessaires.
Est-ce que ce pourrait être une solution? Les Forces armées canadiennes pourraient-elles préparer les militaires à leur nouvelle vie?
[Traduction]
Il y a ce qu'on appelle des initiatives locales. À Valcartier, la brigade a élaboré et mis en oeuvre toutes sortes d'initiatives. Elle s'est vraiment montrée proactive à beaucoup d'égards. D'autres bases comme celle de Petawawa ou de Gagetown comptent peut-être de plus grosses unités, mais ce ne sont jamais les mêmes personnes. Quand je travaillais au programme SSBSO, j'avais l'occasion d'aller rencontrer le nouveau commandant de la base, de lui communiquer de l'information et de faire progresser les choses. Deux années plus tard, c'était tout à recommencer. Même aux échelons supérieurs de la Défense nationale, je crois qu'un grand nombre des dirigeants ne sont pas exactement au courant des détails précis par rapport à ce qui arrive aux soldats qui sont libérés des Forces.
Il y a plusieurs années, le ministre de la Défense m'a dit que ce que nous faisions, c'était traîner les gens par la porte d'en avant et les jeter dehors par la porte d'en arrière. C'est littéralement ce qu'il a dit, qu'on les jetait dehors.
Il y a des gens très instruits qui pourraient probablement répondre à votre question et vous dire quelles mesures prendre, et où. Plus vous préparez une personne à son départ des forces armées, plus elle a de chances de pouvoir réussir la transition et tout le reste. Mais cela ne s'applique pas nécessairement à tout le monde. J'en connais beaucoup qui ont fait la transition à la vie civile, qui ont suivi des cours pendant deux ans dans un collège communautaire et qui ont maintenant un emploi à temps plein satisfaisant. Leur état de santé n'était pas moins grave que les autres au moment où ils ont été libérés. Je crois qu'il faudrait faire davantage d'efforts afin de faire circuler cette information. Je ne sais pas pourquoi on ne le fait pas.
Je vais vous donner un exemple. En 1985, on nous a dit que nous allions devoir commencer à payer pour la couverture d'invalidité de longue durée. C'était obligatoire, on ne nous a pas laissé le choix. Avant, il était possible d'y adhérer ou de se retirer. Je m'étais dit « l'invalidité de longue durée, c'est une bonne chose. » Ce sont les mots exacts. Je parlais à un ancien combattant à mes débuts au programme SSBSO, et il m'a dit : « J'oubliais, il faut que j'envoie cela à la compagnie d'assurance, le RARM, sinon on va me couper les vivres. Ça fait deux ans. » J'ai répondu : « Que voulez-vous dire? » Il a dit : « Je dois aller voir le médecin pour qu'il remplisse le papier pour que je puisse continuer à recevoir mes prestations d'invalidité de longue durée. » J'ai répondu : « Non. » Lui a dit : « Oui, ça fait deux ans, et on va venir frapper à ma porte. Si tu ne peux pas prouver ton état, les prestations cessent. »
Et moi qui croyais qu'on allait prendre soin de moi et des autres soldats avec cette invalidité de longue durée, mais c'était sans tenir compte de toutes ces exceptions. Personne ne nous en a informés. On a simplement cru à l'aspect de longue durée.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier chacun d'entre vous des services que vous avez rendus au Canada et de vous être présentés ici pour nous faire part de ce que vous avez vécu. J'espère que cela nous permettra de formuler des recommandations éclairées.
Si vous me le permettez, j'aimerais commencer avec M. Bungay.
Vous avez mentionné que les services que vous offrez étaient facturés au ministère des Anciens Combattants, même s'il ne les reconnaît pas officiellement. Quand vous parlez de reconnaissance, j'imagine que vous voulez dire qu'ACC ne fait pas d'efforts pour encourager les gens à utiliser vos services. Est-ce exact?
C'est bien cela. Nous avons demandé à Anciens Combattants Canada de reconnaître notre approche multidisciplinaire il y a environ un an, et nous n'avons toujours pas obtenu de réponse.
Avec notre entreprise, il est très facile pour nous de dire « ce que nous offrons », mais cela se limite à ce que nous offrons. Si Anciens Combattants Canada ou un ancien combattant a besoin de quelque chose d'autre — par exemple de suivre des cours ou de quelque chose d'autre —, nous pouvons aussi offrir ces services. Nous pouvons ajouter ou retirer des services au besoin. Quand quelqu'un vient nous voir, il rencontre tout notre personnel, puis un plan de soins de santé est élaboré pour lui.
Vous avez mentionné 3 000 personnes. Parmi celles-ci, combien étaient des anciens combattants des Forces armées canadiennes?
Vous avez dit que vous êtes en train d'ouvrir de nouveaux bureaux. On dirait que votre entreprise connaît une croissance rapide. C'est une excellente nouvelle.
Disons qu'une personne veut se rendre à l'une de vos cliniques, pourrait-elle se déplacer pour tirer parti des services que vous offrez à Halifax? Je suis de Yarmouth, par exemple, et Greenwood fait partie de ma circonscription. Nous avons beaucoup de militaires dans Nova-Ouest.
Actuellement, nous recevons des gens de partout. Des gens de l'Île-du-Prince-Édouard se rendent à Moncton, et d'autres — de Sydney, du Cap-Breton — viennent à Halifax. Les gens de Yarmouth viennent à Halifax.
Le programme dure aussi longtemps qu'il le faut pour que les gens guérissent, mais nous ne sommes pas ouverts 24 heures sur 24. Vous venez, vous utilisez nos services, vous réservez votre prochain rendez-vous et vous revenez plus tard.
D'accord. Merci beaucoup.
Monsieur Garsch, vous avez utilisé le terme « emploi intéressant » lorsque vous avez parlé d'aider les anciens combattants à trouver ce genre d'emploi. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet afin que nous puissions comprendre le genre de réussite que vous avez connue?
Je pourrais vous raconter une anecdote.
L'un des participants au programme Shaping Purpose touchait auparavant une pension d'invalidité et avait participé au Programme de réadaptation professionnelle du ministère des Anciens Combattants. Il avait aussi suivi quelques cours à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Cet homme vivait à Fredericton. Il a passé plus d'un an loin de sa famille à l'UPEI, le tout payé par le gouvernement. Après avoir suivi pendant un an son programme de deux ans — ou peut-être de quatre —, il a décidé que cela ne l'intéressait plus. Il n'a subi aucune conséquence, et il n'aurait pas dû y en avoir. On lui avait simplement recommandé de suivre ce cours, parce qu'il y avait des possibilités d'emploi dans ce domaine, et il n'avait aucune idée de ce qu'il voulait faire. Il a accepté simplement parce qu'il était habitué de suivre les ordres et parce qu'il n'avait aucune autre idée de ce qu'il devait faire.
Il a finalement participé au programme Shaping Purpose et en est ressorti avec un projet de vie. Il a ainsi commencé à participer à certains autres programmes qui sont offerts au Canada. Parmi ceux-ci, il y avait l'Opération Entrepreneur du Prince de Galles, un programme offert par les Forces canadiennes. Cet homme est devenu un entrepreneur. Il a préparé son propre plan d'entreprise et tout ce qui va avec.
C'est une très bonne histoire de réussite. Merci.
Monsieur Doucette, vous avez mentionné, par rapport à la transition d'un membre de la Défense nationale qui devient un ancien combattant, que les choses sont parfois difficiles avec la Croix Bleue parce qu'il arrive que les médicaments couverts par les Forces canadiennes ne le soient pas par la Croix Bleue pour les anciens combattants. Avez-vous des exemples précis de médicaments qui ne sont pas couverts afin que nous puissions approfondir la question?
J'avais affaire surtout à des soldats souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel ou de problèmes de santé mentale. La majorité des médicaments qu'ils prennent sont dans la famille des antidépresseurs, des anxiolytiques, etc. C'était une préoccupation majeure.
Une autre préoccupation importante est le fait de devoir obtenir une toute nouvelle série d'ordonnances une fois que vous êtes libérés des Forces armées, parce que celles de la Défense nationale ne peuvent carrément plus être utilisées. Si vous devez renouveler vos médicaments pour le mois prochain, vous allez devoir agir très rapidement. Vous allez devoir prendre rendez-vous avec un médecin qui, de son côté, devra suivre les procédures qu'il connaît; il ne va pas simplement se contenter de vous faire aveuglément une ordonnance pour les médicaments que vous preniez.
Parfois, il s'agit de médicaments qui peuvent sauver des vies. C'est donc une préoccupation assez importante par rapport à la transition.
C'est encourageant d'entendre toutes les possibilités qui s'offrent à nous de mieux prendre soin de nos anciens combattants, de répondre à leurs besoins de façon concrète.
Avant toute chose, Trevor, vous avez mentionné qu'il y a des professionnels rémunérés qui travaillent avec vous. J'ai vu à quel point vous étiez enthousiaste lorsque vous nous avez parlé d'eux et de leur volontariat. Ces gens sont des employés de votre entreprise, est-ce exact?
Le Comité a entendu dire qu'il était difficile dans beaucoup de cas pour les cliniques traitant des TSO et d'autres problèmes analogues de trouver des gens disposés à servir dans ces fonctions, et pourtant vous avez...
C'est parce que je suis prêt à leur offrir beaucoup plus que ce qu'ils méritent, mais si c'est ce qui est nécessaire pour prévenir le suicide d'un ancien combattant qui est sous ma responsabilité, alors je suis prêt à payer ce qu'il faut.
D'accord. En tant qu'entrepreneur, vous pouvez vous permettre de faire cela et d'être prospère. Toutefois, cette rémunération semble poser problème du côté du paiement. Le fait est que ces gens sont des professionnels qui peuvent être bien rémunérés ici, et nous savons ce qui se passe habituellement au Canada où les gens gagnent moins. Vous savez que vous pouvez ajouter de la valeur en les payant bien, même si, selon vous, leur salaire est trop élevé.
D'accord. Les professionnels sont dévoués à votre cause et à votre entreprise, et vous semblez satisfait de la façon dont ils répondent à vos attentes.
Si j'avais plus de médecins, je pourrais ouvrir un bureau dans chaque ville du Canada, mais nous devons composer avec les mêmes difficultés que vous.
Effectivement, nous devons les payer plus cher, mais tout ce que je demande au médecin quand je rentre dans son bureau, c'est un ou deux jours par mois. Rien de plus, un ou deux jours par mois. Je m'occupe de prendre tous les rendez-vous pour la journée. Vous pouvez venir, voir les patients, prendre soin d'eux, et nous allons vous payer.
Je comprends, d'accord.
Vous avez mentionné que vous aviez du mal à vous faire ajouter à la liste des ressources d'ACC.
D'accord. Je ne sais pas si le Comité sait combien de groupes figurent actuellement sur cette liste, comment ils y ont accédé et quels sont les critères connexes. Vous a-t-on donné...
Je n'ai pas de réponse à cette question. Mon gestionnaire de l'exploitation a présenté toutes les demandes pour quatre de nos cliniques, mais c'est tout ce que je peux dire. Je ne sais pas exactement ce qu'il faut faire.
Je sais que vous devez offrir un certain nombre de services et un certain type de services. Si vous satisfaites à une partie de ces critères, alors vous offrez des services multidisciplinaires, ce que nous faisons.
D'accord. J'ai une autre question. Je viens de la Saskatchewan, et nous n'avons pas de clinique de TSO dans notre province. Nous avons quand même des gens qui ont besoin d'aide, et ils ne sont pas indemnisés lorsqu'ils doivent se déplacer pour aller voir leur psychiatre ou leur psychologue. Il est intéressant de voir que dans ces conditions...
Nous essayons de mettre en place un programme de télémédecine pour aider les gens dans les régions éloignées. Par exemple, le psychologue de mon frère se trouve à huit heures de route.
Ça n'a aucun sens. Nous essayons de mettre au point un programme de télémédecine pour ces personnes, pour qu'elles puissent au moins parler à quelqu'un, mais l'idée que les gens consultent un médecin par ordinateur ne nous enchante pas. Nous ne croyons pas que cela peut fonctionner.
Pour ce qui est de parler à quelqu'un, il est toujours possible de faire un peu de thérapie, en personne ou à l'écran.
Je suis heureuse de l'entendre. Nous allons devoir en reparler.
Andrew, il me semble que certains éléments du programme Shaping Purpose pourraient avoir lieu plus tôt. Nous avons discuté de la préparation des soldats ou des membres des Forces armées — et je comprends que le but de ceux-ci est de s'intégrer aux Forces armées canadiennes —, mais à un moment donné dans leur vie, ils devront faire une transition.
Ce que je veux dire, c'est que les dons, les passions, les valeurs, ce genre de choses... Pourrait-on faire en sorte qu'ils soient découverts beaucoup plus tôt pour éviter d'être pris au dépourvu... Ou êtes-vous plutôt d'avis que cela doit avoir lieu pendant le processus de libération des Forces armées?
Je crois qu'il pourrait être avantageux de commencer avant que les anciens combattants soient libérés, mais je crois aussi que leur...
... dons, passions et valeurs vont changer après leur départ des Forces canadiennes, parce qu'ils ne seront plus liés à son éthique ni à ses valeurs. Après avoir passé de 12 à 30 ans dans les Forces canadiennes, vous ne connaissez rien d'autre. C'est votre monde et c'est ce que vous êtes. Lorsque vous sortez de ce monde, que vous n'enfilez plus l'uniforme, vous êtes une personne différente. Lorsqu'on passe des Forces armées au monde civil, le choc culturel est énorme.
Cela se passe entre le Programme d'aide à la transition de carrière et le Programme de réadaptation professionnelle. Il me semble que le mot « réadaptation » dans le titre du programme évoque la maladie, et non une transition. Je viens de le remarquer. Et qui va payer pour tout cela? Le gouvernement assume tous les coûts, avec l'argent des contribuables, par l'intermédiaire du ministère de la Défense nationale et du ministère des Anciens Combattants.
Selon moi, les deux ministères devraient assumer le coût. Selon certaines personnes avec qui j'ai parlé, Défense nationale devrait payer pour ces services, parce que les gens qui y ont recours sont sous sa responsabilité. S'ils utilisent un programme CanVet, c'est l'argent du ministère des Anciens Combattants qui est utilisé. Dans cette optique, s'il y a déjà un plan de transition vers la vie civile en place qui ne suppose pas d'avoir recours au Régime d'assurance-revenu militaire ni à un programme CanVet, cela va permettre à ACC de réaliser d'importantes économies. Je crois que la façon la plus facile de procéder serait de répartir les coûts moitié-moitié, ou de demander à quelqu'un d'autre de proposer une solution.
À l'instar de mes collègues, je veux vous remercier d'être ici. Dans les témoignages, il a été mentionné que les gens ont besoin d'interaction en personne. Cela vaut aussi pour nous. On aurait pu nous envoyer des diapositives, des CD, des DVD ou d'autres choses. C'est vraiment remarquable d'accueillir ici des soldats canadiens et de vous entendre témoigner.
J'essaie depuis toujours de me tenir le plus possible au courant des sujets qui touchent les soldats. J'y vois toujours un intérêt historique. Par exemple, ce qui s'est passé à Sarajevo. Mais il y a aussi l'aspect personnel, dont j'ai pris conscience pour la première fois lorsque j'ai lu Né un 4 juillet, l'autobiographie de Ron Kovic, un ancien combattant de la guerre du Vietnam qui est devenu quadriplégique.
D'autres livres du même genre ont été écrits. Monsieur Doucette, je sais que vous avez écrit un livre, et je voulais savoir, vu qu'il s'agissait d'un regard franc sur l'expérience des soldats à Sarajevo, si vous en aviez vendu beaucoup?
Ce que j'ai le plus aimé, c'était d'entendre les commentaires de soldats et d'anciens combattants qui disaient : « Bon sang, il m'est arrivé la même chose ». Ils se sont reconnus, avec tout ce que cela suppose.
Mon deuxième livre s'intitule Better off Dead. C'est un commentaire que j'ai souvent entendu quand je travaillais avec le programme lié au stress opérationnel. Ce sont leurs histoires. Je crois qu'il y a environ une douzaine de personnes avec qui j'ai parlé qui étaient prêtes à participer à l'écriture... Elles disaient « Oui, je veux que les gens sachent ». On y aborde les sujets de la famille, de l'agression sexuelle, du ministère des Anciens Combattants et de la manière dont il traite les anciens combattants. C'est bien de pouvoir dire : « Eh bien, si vous voulez tout savoir, il y a quelqu'un qui est prêt à venir vous en parler. Ce n'est pas de la fiction. »
La meilleure chose qui me soit arrivée, c'est quand quelqu'un est venu me voir pour me dire : « Fred, vous savez, si je n'avais pas écrit dans votre livre, je serais probablement mort. » Grâce à ce que cette personne m'a dit, je sais que tout le temps que j'ai pris à écrire le livre et à essayer de le faire publier en valait la peine, en ce qui me concerne.
Il y a beaucoup d'information à notre disposition, mais on parle moins de l'aspect personnel du traumatisme. Vous pouvez toujours lire des articles et des livres de médecine, mais mon livre traite de l'aspect humain.
J'espérais en venir au sujet de la sensibilisation générale.
Par exemple, monsieur Estabrooks, d'après votre expérience, avec combien de gens du grand public pouvez-vous avoir une vraie conversation au sujet des problèmes que vous avez dû affronter? Y en a-t-il beaucoup ou très peu? Je sais que vos pairs, des anciens combattants comme vous, comprendraient cela, mais pouvez-vous raconter à des membres du grand public ce que vous avez vécu?
La situation s'améliore, monsieur, mais il m'arrive encore d'être pris au dépourvu. J'essaie d'être ouvert par rapport à ce que j'ai vécu, mais il arrive encore de temps en temps de parler à des gens et de voir très clairement, d'après leur expression ou leur réaction, qu'ils ne croient toujours pas au syndrome de stress post-traumatique, ou qu'ils ne sont pas intéressés à parler de santé mentale ni d'en entendre parler.
Si on parle en pourcentage, c'est difficile à évaluer, mais je dirais que la proportion est très faible. Probablement 20 ou 30 % du grand public sont sensibilisés aux enjeux liés à la santé mentale, mais la situation s'améliore. Cependant, nous avons encore beaucoup de chemin à faire, monsieur.
Monsieur Bungay, ce qui m'intéresse, à propos de vos Trauma Healing Centers, c'est le fait que vous avez des massothérapeutes autorisés dans votre groupe. J'ai beaucoup lu à ce sujet, et on dit que les soins par les mains sont exceptionnels à leur façon; cela ne se limite pas à la guérison des maux de tête ou ce genre de choses.
C'est énorme. Tous les services que nous offrons sont holistiques. Quand je parle à la GRC, au Service correctionnel du Canada ou — étrangement, ce n'est jamais aux Forces armées — à quelqu'un d'autre, je parle toujours des rayons de la roue. Je dis que nous sommes la roue et que nous avons besoin de certains rayons pour guérir. Effectivement, les médicaments en font partie. Il y a certains incontournables dont nous avons besoin, comme les médicaments, la psychologie et la nutrition.
Ce n'est pas tout le monde qui a besoin de massothérapie. En ce qui me concerne, je fais du yoga quotidiennement. C'est ce qui m'aide. Je connais d'autres personnes qui préfèrent aller au champ de tir. Je sais que d'autres personnes aiment faire du yoga et que d'autres préfèrent se faire masser. Il y en a qui vont promener leur chien. Il y a d'innombrables options, mais c'est une combinaison de tous ces rayons qui met les gens sur la voie de la guérison.
Quand je parle de guérison, je dois ajouter qu'on ne s'en sort jamais vraiment. Nous allons toujours vivre avec notre stress post-traumatique, mais je peux vous dire aujourd'hui que si vous aviez vu le chemin que j'ai fait de 2013-2014 à aujourd'hui, vous diriez que je suis à peu près guéri. Ne vous méprenez pas, il m'arrive encore d'avoir des moments difficiles, mais je sais comment maîtriser la situation lorsque cela arrive.
Monsieur Garsch, vous avez une approche différente des thérapies offertes par les Trauma Healing Centers. Croyez-vous que vos deux approches pourraient s'harmoniser?
Essentiellement, il s'agit de déterminer de quels outils vous avez besoin dans la boîte à outils. Voilà tout le principe. Il y a des gens pour qui la transition est difficile. Pour ces 27 % qui ont quitté les Forces armées, la participation au programme Shaping Purpose peut les aider à planifier le reste de leur vie. Ils peuvent déterminer — parmi les outils à leur disposition — ce dont ils ont vraiment besoin et y accéder. Qu'il s'agisse des Trauma Healing Centers, de Prospect, de l'Opération Entrepreneur du Prince de Galles ou de n'importe quel autre programme qui existe, le but est de choisir dans la boîte à outils ceux dont vous aurez besoin pour continuer votre vie.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Messieurs Bungay, Garsch, Estabrooks et Doucette, je vous remercie de votre présence.
[Traduction]
Nous, membres du Comité, sommes pleinement conscients du courage qu'il vous faut pour venir ici et nous raconter vos histoires personnelles. Je tiens donc à vous remercier de déployer cet effort. Vos témoignages nous sont très précieux aujourd'hui, parce que ce que vous faites vous met en contact avec un grand nombre d'anciens combattants chaque jour, tous les jours. J'ai donc quelques questions générales que j'aimerais poser, auxquelles vous pourriez répondre l'un après l'autre. Peut-être M. Doucette pourrait-il donner la première réponse chaque fois.
Puisque vous interagissez avec des vétérans chaque jour de votre vie et qu'ils vous font part de leurs problèmes et de leurs préoccupations, pouvez-vous me dire quel est, selon vous — parfois il faut poser ce genre de questions précises, parce que notre étude porte sur la prestation des services — le principal problème par rapport à la prestation de services, d'après ce que vous avez entendu?
Monsieur Doucette, allez-y.
Les gens avec qui je parle ont tous des préoccupations liées à la santé mentale. Alors, dans la plupart des cas, il faut essayer de leur trouver un psychothérapeute. Un grand nombre d'entre eux ne veulent rien savoir des thérapeutes d'ACC. Cela vous oblige à aller à la clinique de TSO pour y suivre votre thérapie, et certaines personnes ne s'y sentent pas à l'aise. Il y a beaucoup de psychothérapeutes dans la collectivité actuellement, surtout autour de Fredericton, qui se spécialisent dans le traitement des traumatismes, et c'est justement ce dont ils ont besoin. Quand une personne a trouvé un psychothérapeute et que la situation progresse, il faut laisser les choses suivre leur cours sans intervenir davantage.
Je crois que le problème des psychothérapeutes touche beaucoup d'endroits. J'avais des gars dans le nord du Nouveau-Brunswick qui n'étaient pas capables d'en trouver un, alors il fallait qu'un psychothérapeute fasse un bout de chemin chaque semaine. Vous savez, ce n'est pas tout le monde qui vit à Ottawa, à Toronto ou à Montréal. Dans bon nombre de cas, lorsqu'une personne souffre d'un traumatisme mental, elle se sauve. Elle veut se sauver, elle veut se cacher. Quand finalement elle décide de reconnaître qu'elle a besoin d'aide, il est impossible pour elle d'en obtenir.
[Français]
[Traduction]
Je crois que la plainte la plus courante concerne la réponse habituelle d'Anciens Combattants Canada, c'est-à-dire : « Non, ce n'est pas suffisant. Essayez encore. »
Je peux vous dire, carrément, que j'ai présenté une demande, une demande légitime, parce que j'avais fait la guerre. Je ne mentais pas, et pourtant on m'a traité de menteur. Ça fait très mal. J'ai donc été obligé de recommencer. Pour l'une de mes demandes, j'ai dû me rendre à l'hôpital 10 fois. La première fois, on m'a appelé pour me dire qu'on m'avait envoyé les formulaires à remplir. Dans la lettre, on disait que les formulaires seraient envoyés au médecin. J'ai rappelé deux ou trois mois plus tard, et on m'a dit que j'étais censé apporter les formulaires au médecin. J'ai répondu à la personne que j'allais lui envoyer immédiatement une version numérisée de la lettre. C'est ce que j'ai fait, et elle s'est excusée. Elle l'a envoyé au médecin, mais les papiers se sont perdus de toute façon. La demande n'est toujours pas réglée, et ça fait une éternité.
C'est dans ce genre de situations que se retrouvent les anciens combattants, et après, on se demande pourquoi ils sont si frustrés. Vous quittez les Forces armées canadiennes, vous perdez votre famille et votre emploi. Vous venez de perdre 75 % de vos amis parce qu'ils ne sont plus là, et la seule organisation qui est censée prendre soin de vous vous fait tourner en rond. Voilà pourquoi nous sommes frustrés.
Monsieur Bungay, diriez-vous que la réponse de retards et de déni est fondée sur la réalité ou davantage sur la perception?
Non, c'est la réalité. Je peux vous dire que je l'ai entendue mille fois de la part de gestionnaires de cas.
Diriez-vous que c'est fondé sur un processus administratif problématique ou sur des pratiques intentionnelles?
Je ne peux pas vraiment répondre à cette question. Tout ce que je sais, c'est que mon gestionnaire de cas m'a dit que j'étais censé déposer ma réclamation, recevoir une réponse et ensuite la déposer de nouveau. Quoi?
Je devrais dire que c'est trop impersonnel. Lorsque les gars rencontrent leur gestionnaire de cas, ils finissent par raconter encore une fois la même histoire ou ils sont trimbalés d'un gestionnaire de cas à un autre. Il y a une absence de préoccupation.
Également, lorsque ces personnes veulent commencer à se recycler, avant qu'elles puissent participer au Programme de réadaptation professionnelle, on les force à demeurer dans cet univers psychologique jusqu'à ce qu'un gestionnaire de cas juge qu'elles sont en santé. Je connais quelques personnes qui ont dit cela.
Je dirais que c'est le personnel par opposition aux services en ligne : c'est cet aspect qui remporte la palme. Il doit y avoir plus de personnel, tout au long du processus, pour faciliter ces choses. Nous ne pouvons pas seulement balayer le problème du revers de la main et dire que tout est en ligne.
Merci, monsieur le président.
Trevor, je veux revenir sur la question que M. Fraser vous a posée concernant le fait qu'ACC ne veut pas reconnaître les Trauma Healing Centers. Vous avez dit que des anciens combattants ne veulent pas aller dans des cliniques de TSO. Nous en avons visité une en tant que comité. Je me demande ce qui rend les anciens combattants hésitants ou réticents à aller dans une clinique de TSO?
Selon moi, c'est que vous sentez que vous êtes toujours dans l'armée. Vous sentez que vous entrez dans une institution où le personnel est là seulement pour cocher une case. Je suis allé dans une clinique de TSO. C'est le premier endroit où je suis allé. Je l'ai essayée. J'ai essayé, mais on me demandait de faire des choses que je n'étais probablement pas capable de faire à ce moment-là. Il y avait une certaine quantité de travail à faire à la maison, et vous deviez être là à certaines heures. Dans un cas, vous deviez vous présenter 15 minutes à l'avance pour remplir un sondage de 30 minutes. J'ai entendu quelques anciens combattants dire qu'ils ont senti qu'ils retournaient à la vie militaire, et ils ne voulaient pas faire cela.
Avec des centres comme le mien, vous entrez dans un établissement civil où il y a des anciens combattants qui font partie du personnel, mais il y a aussi des gens qui n'ont aucune idée de ce qui se passe ou de la façon dont on s'est occupé de vous au cours de votre carrière. Ils commencent sur de nouvelles bases et nouent une amitié avec vous, de même qu'une relation professionnelle.
Également, c'est comme aller dans une SEM, la salle d'examen médical d'une base. Vous y entrez, et tout le personnel militaire s'y trouve. J'ai demandé personnellement à voir un conseiller à l'extérieur de la base pour cette raison.
C'est comme une admission qu'il y a quelque chose qui va terriblement mal, et les gens ont peur de cela.
C'est exact. Vous devez comprendre que la pire chose que vous pouvez faire, lorsque vous souffrez de stress post-traumatique, c'est de retourner dans cet environnement. Lorsque vous sortez et que vous souffrez de stress post-traumatique, vous retournez constamment sur la base. J'ai littéralement presque tué le pharmacien avec mon automobile parce que je me suis évanoui en traversant une intersection, sachant que j'allais sur la base. J'ai traversé l'intersection avec mon automobile jusqu'au trottoir. Je me suis évanoui parce que j'étais tellement stressé en raison de mon retour sur la base.
L'UISP se trouve sur cette base. La SEM se trouve sur cette base. Lorsque vous allez sur la route Restigouche, il n'y a que des soldats.
Vous avez expliqué très clairement ce que vous offrez à ACC, pourtant le ministère continue d'envoyer des gens à la clinique de TSO. Est-ce que c'est ce qu'ils ont toujours fait, et est-ce la seule façon de procéder qu'ils connaissent?
Merci beaucoup.
Nous devrions avoir cinq minutes si nous faisons un autre tour de table. Nous commencerons par M. Kitchen.
Je crois que vous voulez partager votre temps avec Mme Wagantall.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Bungay, si j'ai bien compris, vous avez dit qu'il existe deux problèmes avec l'UISP. Premièrement, elle se trouve sur la base. Deuxièmement, les gens ont l'esprit fermé; par exemple, ils n'acceptent pas vos services.
La question s'adresse à tous, en commençant par M. Doucette. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas avec l'UISP, à part ces deux aspects?
Eh bien, c'est un point d'accès. Nous les appelions le peloton du personnel en attente; nous en avions tous un. Une fois qu'ils savent que vous serez libéré, vous ne faites plus partie de votre unité d'appartenance et êtes affecté dans l'UISP, littéralement. Cela permet à votre unité de vous remplacer. Auparavant, les unités avaient jusqu'à 90 personnes appartenant à une catégorie, alors ils ont créé cette organisation où vous allez. Encore une fois, c'est : « Entrez et présentez-vous. » C'est presque comme l'ancien système de chômage. Vous deviez vous présenter chaque semaine et dire : « Bonjour. Y a-t-il des emplois? » Ils répondaient : « Non. » Et vous repartiez.
Les gens en retirent ce qu'ils veulent. Certaines personnes n'en retirent rien; d'autres oui. Nombre d'entre elles sont juste satisfaites de ne plus avoir à se présenter à leur unité, et elles ne font qu'attendre le jour de leur libération. C'est plutôt sinistre lorsque vous en parlez aux gars. Personne n'est enthousiaste à l'idée d'être là en réalité. Cet endroit donne l'impression qu'il est néfaste. C'est une autre étape. Vous avez perdu votre unité et les personnes avec qui vous avez servi. Vous êtes avec un groupe de personnes que vous ne connaissez pas. De fil en aiguille, vous faites la transition vers un monde civil que vous ne connaissez pas.
Probablement qu'ils manquent gravement de personnel. Pour le placement, par exemple, il y a une personne qui est à Gagetown. Il place absolument tout le monde qui vient le voir. J'oublie les chiffres, mais c'est absolument ridicule. Il a environ neuf places qui se sont libérées et où on a dit qu'on prendrait des gens. Il a une tâche impossible.
Personnellement, je n'ai pas de problème avec l'UISP en elle-même. Pour moi, c'était certainement l'anxiété liée au fait de me rendre sur la base, les 20 minutes de conduite, en serrant le volant, les paumes moites et le coeur qui bat la chamade.
Merci beaucoup.
Merci de me donner l'occasion de vous poser une autre question.
Nous avons entendu M. Doucette et tous vos commentaires... Le commentaire portait sur le fait qu'ACC remet en question les décisions prises par le MDN concernant les problèmes liés aux soins de santé. Est-ce un consensus général parmi les gens à qui vous parlez?
Vous voulez dire concernant les blessures dans l'armée qui sont diagnostiquées et ensuite refusées par la suite?
Oui, cela se produit tout le temps. Je crois que c'est la responsabilité du MDN de s'assurer qu'il sait tout ce qui ne va pas avec ces soldats. Qui est mieux placé que les médecins qui les ont suivis au cours de toute leur carrière pour savoir ce qui ne va pas? Ils ont une expérience de première main.
Cela dépend du CU, et c'est l'unité de prestation de soins de l'hôpital... Vous savez, j'ai eu le même médecin pendant cinq ou six ans. Au bout du compte, à la fin, il savait exactement ce qui se passait. Il a vu mon état de santé se détériorer et a tenté de m'aider autant qu'il le pouvait. Somme toute, lorsqu'il a écrit son rapport, il a dit : « C'est ce qu'il traverse, c'est ce qu'il a traversé, et voici ce qui doit se produire. »
Pour moi, je ne lâchais pas prise et j'allais obtenir ce que je voulais. Mais la frustration que ressentent les anciens combattants est liée aux refus continuels. Ils savent que la plupart d'entre eux vont dire : « Je ne peux pas supporter cela. Je m'en vais. »
Beaucoup de gens renoncent face au système.
Vous seriez surpris de savoir combien d'anciens combattants ont eu accès à ce service initialement, ont été refusés et ont juste tourné les talons. L'anxiété, la frustration, la colère et tout ça n'avaient pas assez d'importance pour poursuivre ce qu'ils voulaient obtenir.
C'est courant, même avec les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale. Lorsqu'on a refusé à mon père son allocation des anciens combattants, il a dit : « Eh bien, le gouvernement a dit... » C'est ce qu'il a dit. J'ai dit : « Non, essaie encore. » Il a présenté une autre demande, mais c'était l'attitude...
Vu les problèmes de santé mentale dont ils souffrent, les gens disent : « Je n'ai plus besoin de cela. Je ne le veux pas. Ce qui arrivera m'est égal. »
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici et d'avoir servi. C'est très apprécié.
Nous avons parlé des lacunes de la clinique de TSO. Y a-t-il des choses qui fonctionnent bien, et y a-t-il des aspects du système qu'on pourrait améliorer?
Je vais commencer par M. Doucette.
C'est l'éducation. L'éducation est la chose primordiale. C'est tout.
Le fait de comprendre la blessure. Si vous avez une hanche cassée, c'est trop facile. Vous regardez la radiographie et voyez la fracture.
Du côté de la santé mentale, les gens qui s'occupent de ces anciens combattants doivent avoir certaines connaissances sur le sujet. Je crois que des programmes d'éducation obligatoires pour leur faire comprendre ce qu'ils doivent traiter feraient grandement évoluer les choses.
Au cours des dernières années, oui. Certains des gestionnaires de cas font un travail extraordinaire. Il y a davantage d'information transmise aux anciens combattants, mais c'est sporadique.
Comme l'ont dit certains des gars, la plupart des connaissances viennent du bouche-à-oreille, d'une personne qui a eu accès à l'information... que ce soit un succès ou un échec, peu importe ce que c'était.
Merci.
Vous avez mentionné que lorsque vous êtes en service actif, le médecin du ministère de la Défense nationale s'occupe de vous. Ensuite, vous avez un médecin différent lorsque vous relevez d'ACC.
Lorsque vous faites la transition vers Anciens Combattants, le ministère vous attribue-t-il un médecin?
Non. C'est un autre problème important. Lorsque vous êtes libéré, personne ne vous trouve de médecin. Personne ne facilite cela.
Beaucoup de gars qui quittent l'armée se retrouvent sur la liste provinciale pour avoir un médecin. À part cela, ils vont dans une des cliniques sans rendez-vous, lesquelles ne sont pas conçues pour remplir des documents et aborder vos préoccupations.
C'est quelque chose qui manque, beaucoup.
Heureusement, j'avais un médecin de famille, alors je n'ai eu qu'à lui dire : « Je suis maintenant de retour dans la famille, alors aidez-moi. » Mais dans nombre des cas, les gens n'ont pas de médecin du tout.
Cela semble être une grave lacune.
Je suis moi-même médecin. Je travaille à l'urgence et je vois régulièrement des patients qui reçoivent tous leurs soins au service des urgences parce qu'ils cherchent un médecin de famille depuis des mois. C'est très troublant de voir qu'une personne n'a pas de médecin attitré rendu là.
J'ai été libéré en juin 2013. On m'avait dit de présenter une demande pour voir un médecin six mois plus tard, donc je l'ai fait aux alentours du mois de janvier. Ce n'est que cette année, donc en 2016, que j'ai réussi à avoir un médecin.
À l'époque, j'attendais à 5 h 30 du matin dans un froid de canard pour aller voir un médecin dans une clinique sans rendez-vous pour faire signer des documents. À Fredericton, vous deviez être là à 5 h 30, parce que les portes ouvraient à 6 h, puis vous attendiez à l'extérieur de la clinique de 6 h à 7 h 30, et enfin le bureau ouvrait ses portes à 7 h 30. Ensuite vous mettiez votre nom sur une liste et, si vous ne faisiez pas partie des 20 premiers arrivés, vous n'arriviez pas à voir quelqu'un ce jour-là parce que la clinique était ouverte jusqu'à midi seulement.
À mon humble avis, c'est épouvantable. Je crois que nous vous devons tous des excuses pour cette lacune du système.
Monsieur Bungay, en ce qui concerne les Trauma Healing Centers, quel est selon vous le problème ou l'affection que vous voyez le plus fréquemment? Êtes-vous capable de mettre le doigt sur celui qui est le plus commun dans vos centres?
D'accord. Merci.
Vous avez dit, monsieur Bungay, qu'ACC n'aiguillait pas les gens vers votre service. Vous ont-ils expliqué pour quelle raison on ne le faisait pas?
Non. Je leur ai demandé de venir ici au moins 500 fois l'année dernière. Simplement pour s'asseoir avec quelqu'un, parler et fournir des explications. J'ai invité de nombreux responsables à notre clinique d'Ottawa.
Nous avons organisé un grand nombre de journées portes ouvertes, d'où le chef de police de la Ville d'Ottawa est reparti avec un grand nombre de brochures. J'ai dû en commander 1 000 autres parce qu'il savait que ses agents de police pouvaient utiliser les services. Mais Anciens Combattants Canada a ses propres idées.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser la prochaine question à vous tous. Essentiellement, avez-vous eu recours au Tribunal d'appel des anciens combattants, le TACRA, et, dans l'affirmative, pouvez-vous me parler de votre expérience?
Monsieur Doucette.
Oui, à quelques reprises. C'est intéressant. Si je me suis retrouvé devant le Tribunal d'appel des anciens combattants, c'est parce qu'on ne comprenait pas l'effet cumulatif sur le corps humain de 30 années de service au sein de l'infanterie. On voulait cibler une blessure en particulier. On m'a dit : « Quand êtes-vous tombé? »... « Je suis tombé des centaines de fois; je ne sais pas à quel point cela a eu un effet. »
Ce n'était pas une très bonne expérience. Cela me rappelait la comparution des délinquants dans l'armée. Vous êtes assis là. Ils sont de l'autre côté de la table. Ils font venir un commissaire. Vous prêtez serment. Vous êtes avec votre avocat... « Je n'ai rien fait de mal. Je suis simplement ici pour vous faire comprendre que j'ai subi des blessures durant mon service. »
En ce qui concerne les personnes atteintes de problèmes de santé mentale, j'ai assisté nombre de fois à des commissions d'examen avec un ancien combattant qui avait un problème de santé mentale... parce que j'étais bien placé pour savoir qu'il commençait à perdre pied. J'ai réclamé un temps d'arrêt. J'ai dit « Nous devons le sortir d'ici et le laisser prendre l'air ».
Nous avons formulé des recommandations quant à la façon de mettre en place une table circulaire...On entend des phrases du genre « Bonjour, comment allez-vous, monsieur? Le temps est superbe », et les participants se prêtent au jeu, ils répondent, « Je vais comme-ci ou comme ça et il y a ceci et cela. » Ce n'est pas une très bonne expérience. Dans la plupart des cas, on ne demande même pas à l'ancien combattant de parler; tout se passe par l'entremise de son...
L'avocat d'ACC, oui. Ce n'est pas quelque chose que les gens souhaitent faire.
Beaucoup d'entre eux ne comprennent pas que vous êtes à un cheveu de vous faire dire non, parce que tout ce que vous pouvez faire après cela, c'est d'interjeter appel de la décision, et c'est un appel sur dossier, et la réponse peut être négative, et après cela, il n'en tient qu'à vous. Donc, ce n'est pas bon.
J'ai interjeté appel d'une décision au sujet de troubles épileptiques. J'ai lu l'interprétation de ce qu'était une crise d'épilepsie majeure par rapport à leur interprétation du tableau et de la ligne de temps appropriée. Parce que je l'ai vécue, je savais ce qu'était une crise d'épilepsie majeure, je sais ce qu'on ressent et je sais par quoi j'ai passé. Et on a interprété les crises d'épilepsie que j'ai décrites comme étant des crises mineures.
Je suis allé en appel également. Comme l'a dit M. Doucette, c'était vraiment comme le tribunal de nuit. Vous avez une courte séance d'information dans le couloir avec votre avocat, vous entrez rapidement dans la salle, vous défendez votre cas, et tout est terminé avant même que vous ne sachiez ce qui s'est passé.
D'accord. Cela ressemble plutôt à un affrontement.
Je voulais revenir à vous, monsieur Doucette.
En ce qui concerne les blessures, vous avez parlé d'agression sexuelle. L'une des choses qui semblent évidentes c'est qu'il y a une réticence à en parler et à régler ce problème. Nous sommes allés sur le site Web d'ACC, et il n'y a rien au sujet des agressions sexuelles sur la page du service.
Je me demande, considérez-vous cela comme une lacune? Voyez-vous cela comme une blessure liée au service et qui devrait être liée à la santé mentale, comme l'ESPT? Nous savons que les femmes qui ont été victimes d'agression en souffrent toute leur vie.
Dans les forces armées, j'ai pris en charge probablement cinq ou six femmes durant les dix années où j'ai travaillé dans le cadre du Programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel.
Comme vous l'avez dit, c'est un sujet tabou. C'est quelque chose qui arrive, particulièrement si vous avez été victime d'une agression sexuelle pendant votre service, et il y a des mesures en place pour tenter de retrouver une personne.
Le MDN est encore — vous avez pu voir par le programme qu'il a annoncé il y a un an environ au sujet de la nécessité de prendre soin des gens de ce côté-ci de la clôture — vraiment maladroit à cet égard. Les décisions ne devraient pas être prises par la police militaire. Ce devrait être la police civile, et ce sera fait.
Le plus difficile avec une blessure, c'est de composer avec elle à votre retour et de vous faire examiner à la loupe. Nous avons tous vu comment cela se passe : les femmes doivent prouver ce qui s'est produit, plutôt que l'on mette en place un système. Certaines de ces femmes ont vécu l'enfer. C'est une blessure liée au service puisqu'elles étaient à l'étranger. En ce qui me concerne, tout ce qui se passe à l'étranger est lié au service. C'est là que se produisent la plupart des blessures.
C'est triste. Tout ce dont ACC a besoin, c'est d'un diagnostic d'état de stress post-traumatique lié au service. On va entrer dans les détails si vous avez été bombardé en Afghanistan ou une chose du genre, mais toutes les femmes que j'ai prises en charge ont eu des problèmes à faire cheminer leur réclamation ou leur diagnostic, ou peu importe, dans le système parce qu'elles ont été victimes d'agressions sexuelles alors qu'elles étaient sur un théâtre d'opérations. C'est terrible, et c'est quelque chose sur quoi doit se pencher le MDN. Il ne peut plus passer cela sous silence.
Merci beaucoup.
Merci d'avoir posé la question, madame Mathyssen, parce que nous avons avec nous quatre anciens combattants qui, de toute évidence, vont très bien maintenant, et chacun d'eux a comparu devant le Tribunal d'appel. Je pense que c'est important que nous ayons un processus d'appel, mais le fait que vous quatre — je ne sais pas si c'est un échantillonnage aléatoire ou non — ayez vécu cette expérience, révèle selon moi qu'il y a un problème au sein du processus.
Je ne veux pas conclure en vous dorant la pilule. Je pense que vous avez tous fourni d'excellents témoignages qui nous aideront, mais souvent je me pose la question suivante : sommes-nous en train de faire quoi que ce soit que nous ne devrions pas, au risque de jeter le bébé avec l'eau du bain? Voyez-vous des aspects positifs actuellement qui montreraient que nous sommes sur la bonne voie, ou que nous devons renforcer et continuer de faire? Je pose la question à tout le monde.
Ce que nous faisons actuellement est apprécié. Il y a de l'intérêt. Nous obtenons les renseignements de diverses sources. Cela peut se faire à l'inverse également, en visitant des unités à l'échelle du Canada, au lieu de seulement prendre des décisions en vase clos. Ce type de rétroaction est exactement ce qu'il faut, selon moi.
Je dirais que le PATC offre une multitude de programmes qui, s'ils sont utilisés adéquatement, peuvent être extrêmement avantageux pour les anciens combattants. Ce sont des programmes auxquels on peut accéder facilement, lorsqu'on connaît leur existence. C'est simplement une question d'être en mesure de transmettre les renseignements aux anciens combattants, puisque quelquefois, lorsque vous participez au processus, les gens parlent, mais vous n'écoutez pas.
Oui. C'est le Progamme d'aide à la transition de carrière du MDN. Je sais que CANVAC, un sous-traitant d'ACC, offre des services de réadaptation professionnelle également. Je n'ai jamais travaillé avec ces gens, donc je ne peux me prononcer sur la question.
J'abonde dans le même sens que les anciens combattants. Ils comprennent que ce qui est offert est tout de même un peu plus que ce qu'on donne aux personnes à la retraite et qui ne sont pas dans les forces armées. Avoir deux ans où vous touchez 75 % de votre salaire pour décider de ce que vous ferez de votre vie... La plupart des gens à qui nous parlons au quotidien nous disent que deux ans, ça semble beaucoup, mais vous clignez des yeux, et c'est fini. Donc, vous devez penser à ce que vous devez faire dès maintenant.
Je crois que le fait d'offrir de l'aide dans ces secteurs permet définitivement aux anciens combattants de concentrer leur énergie sur quelque chose et de réfléchir à la voie qu'ils veulent suivre, ou peut-être pas en fin de compte. Par exemple, j'ai commencé à travailler en tant d'agent immobilier parce que j'étais dans le domaine de l'habitation et que j'aimais l'idée en général, donc on m'a payé pour aller à l'école et pour apprendre à devenir un agent immobilier. On m'a sorti la tête de l'eau, parce que je ne pense pas qu'il est sain pour personne de rester à la maison et de ne rien faire. Ce n'est assurément pas bon pour la santé. Vous aurez envie de vous faire éclater la cervelle après quelque mois.
Je pense que le fait de placer les anciens combattants dans ces services et de leur permettre de réfléchir à ce qu'ils doivent faire — aller à l'école, trouver un emploi, ou peu importe — est quelque chose que nous faisons bien; toutefois, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'imposer un délai, parce que, dans cet état d'esprit, vous ne savez pas ce que vous voulez faire.
En effet.
Ce que j'entends, c'est — corrigez-moi si je me trompe — que nous devons nous efforcer de fournir des services pour aider les gens à se prendre en charge, de façon à ce qu'ils profitent de ce délai pour se reprendre en main.
Je suis du même avis... Il faut simplement les aider à réintégrer le système plus rapidement, parce que certaines personnes veulent changer. Elles se disent : « D'accord, j'ai réussi, c'est terminé et je dois me reprendre en main ». Il faut les prendre en charge au bon moment; c'est lorsqu'elles manifestent de l'enthousiasme qu'il faut être en mesure de leur offrir ces services.
L'autre aspect concerne la consultation, comme nous le faisons aujourd'hui. Encore une fois, c'est la formation, c'est l'apprentissage. Espérons qu'en sortant d'ici, les membres en retiendront ne serait-ce qu'une parcelle, et c'est important; l'éducation peut prendre des milliers de formes. Donc, il faut plus de consultations et plus de renseignements de sources sûres, si on peut s'exprimer ainsi, je crois que cela pourrait avoir une grande incidence.
Parfait.
Telle était notre intention en menant notre étude sur la prestation de services; nous voulions obtenir le plus de renseignements de première main possible avant de décider de la direction de notre prochaine étude et d'approfondir chacun de ces sujets.
Merci beaucoup.
Parfait.
Au nom du Comité, j'aimerais remercier chacun d'entre vous, en tant que personnes et organisations, de votre présence et de votre temps. Je peux vous dire que cela a été très éducatif, et nous vous remercions de tout le travail que vous faites pour aider les hommes et les femmes qui ont si bien servi notre pays et qui continuent de le faire.
Je dois rappeler à tous que jeudi, je crois que nous accueillerons l'ombudsman. Durant la deuxième partie de la rencontre, nous discuterons de la prestation de services de santé mentale à venir. Pourriez-vous penser à des témoins d'ici jeudi? La présente étude prendra fin sous peu, et nous tiendrons probablement une rencontre ou quelque chose du genre au sujet de la santé mentale, puis nous reviendrons au rapport. Si on remet la liste de témoins à notre greffier, cela lui donnera du temps pour préparer les rencontres.
Après jeudi, le sous-comité prendra une pause et établira un plan de travail pour la prochaine rencontre.
Encore une fois, merci.
Quelqu'un peut-il proposer de lever la séance?
M. Bratina en fait la proposition.
(La proposition est adoptée.)
Le président: La séance est levée.
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