ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des anciens combattants
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 13 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude de la santé mentale et de la prévention du suicide chez les anciens combattants.
Aujourd’hui, nous avons quatre groupes de témoins. Chacun a été avisé qu’il disposait tout d’abord de 10 minutes. Nous passerons ensuite aux questions.
Les quatre groupes avec nous aujourd’hui sont: la Commission de la santé mentale du Canada, la Mission Butterfly Inc., les Services de santé Royal Ottawa et la fondation LifeLine Canada.
Nous commencerons avec Liane Weber de Companion Paws Canada et directrice générale de la fondation LifeLine Canada, qui se joint à nous par vidéoconférence.
La parole est à vous Liane. Merci.
Je vous suis très reconnaissante de m’avoir invitée et de me permettre de prendre la parole devant vous aujourd’hui.
Je m’appelle Liane Weber. Je suis directrice générale et fondatrice de la fondation LifeLine Canada, également appelée TLC. TLC est un organisme à but non lucratif enregistré de la Colombie-Britannique qui oeuvre partout au Canada et dans le monde entier. Son siège social est situé à West Kelowna.
La fondation n’est pas un service d’aide en cas de crise. Nous nous efforçons de concevoir de nouvelles initiatives comme l’application mobile LifeLine, l’application gratuite de prévention du suicide et de sensibilisation et Companion Paws Canada.
TLC a été créée en 2015. Sa mission consiste à réduire le nombre de suicides et de tentatives de suicide au Canada et dans le monde entier tout en créant des initiatives positives relatives à la santé mentale.
Je ne suis pas une professionnelle de la santé mentale, pas plus que je suis une dresseuse de chiens à Companion Paws Canada. J’ai été profondément touchée par deux suicides en 2012. Après que les pires moments du deuil furent derrière moi, j’ai mis à profit mon esprit d’entrepreneuse pour créer et lancer l’application LifeLine en 2013.
L’application et le site Web permettent un accès immédiat à des conseils et du soutien aux personnes en situation de crise et celles qui ont subi la perte tragique d’un être cher qui s’est suicidé, que ce soient les anciens combattants, les membres du personnel militaire ou leur famille. Ils sont une mine d’information, servent à faire de la sensibilisation et offrent des stratégies de prévention aux gens en situation de crise.
Le nouveau programme de TLC, Companion Paws Canada, est celui qui vous intéresse le plus selon ce que je comprends. Nous l’appelons également CPC. Le programme vise à aider les anciens combattants, les militaires actifs, les premiers répondants et les personnes âgées dans le besoin tout en offrant aux animaux une seconde chance. Nous leur portons secours, les entraînons et les jumelons avec une personne qui a besoin d’un animal certifié en zoothérapie. Le concept d’animal aidant et de chien de thérapie pour les anciens combattants n’est pas nouveau. Partout dans le monde, on trouve des organismes qui offrent ce service.
Malheureusement, les statistiques sur les suicides, la violence familiale et le trouble de stress post-traumatique chez les anciens combattants qui réintègrent la vie civile après leur service militaire sont inquiétantes. Ils peuvent se retrouver pris dans une spirale d’apathie, de chômage, de rupture amoureuse, de toxicomanie et de dépression.
Nous croyons que les animaux aidants peuvent constituer une thérapie ou un ami qui sauvera la vie de nombre de militaires revenant du front. Des études médicales ont prouvé que les animaux aidants peuvent améliorer considérablement la santé mentale et physique notamment en réduisant le stress, la dépression et les symptômes d’anxiété. Il peut être difficile en particulier pour les personnes qui souffrent de perturbation affective de s’ouvrir et de faire confiance à un autre être humain. Il est souvent plus facile pour elles de s’ouvrir à un animal de thérapie.
Les animaux de Companion Paws Canada ne sont pas des chiens d’assistance ni des chiens-guides. Ils sont des chiens de thérapie entraînés et certifiés pour l’obéissance dans le cadre d’une thérapie. L’interaction avec un animal de thérapie apporte des avantages thérapeutiques, motivationnels, émotionnels et récréatifs et permet d’améliorer la qualité de vie tandis qu’un chien d’assistance est entraîné pour réaliser des tâches précises qui ne relèvent pas du comportement habituel du chien.
Avant la création du programme Companion Paws Canada, un chien de thérapie pouvait être un chien dressé pour apporter de l’affection et du réconfort aux personnes dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les centres de soins infirmiers, les écoles, les centres de soins palliatifs et les zones sinistrées ainsi qu’aux personnes autistiques. Grâce à ce programme, ces chiens sont dressés et peuvent habiter en permanence avec un ancien combattant ayant besoin d’un chien de thérapie.
Grâce à notre site Web, une personne peut présenter la lettre requise d’un médecin ou d’un professionnel de la santé mentale en toute confidentialité ainsi qu’une lettre d’autorisation de leur propriétaire, une preuve de leur capacité de payer les coûts après le placement et de prendre soin de l’animal.
L’équipe de Companion Paws Canada procède ensuite à une entrevue avec chacune des personnes pour déterminer ses attentes par rapport à l’animal de thérapie. Nous nous assurons ensuite de faire un mariage parfait entre l’animal et la personne en fonction de sa personnalité et de son mode de vie. Nous nous attendons également à ce que les bénéficiaires participent à une thérapie par le dialogue, prennent leurs médicaments et se renseignent sur leur maladie. En ajoutant un chien bien entraîné à leur plan de traitement, nous pouvons voir émerger quelque chose de profond et d’incroyable. Leur capacité de faire face à la situation s’améliore, car ces personnes ne sont plus seules pour traverser cette période difficile. Elles découvrent une âme soeur en leur chien, qui est toujours loyal et compatissant.
Lorsqu’un jumelage est effectué, l’animal passe le temps requis dans la maison d’un de nos entraîneurs, qui procède à un dressage intensif pour l’obéissance dans le cadre d’une thérapie et qui lui enseigne les autres comportements nécessaires pour vivre avec son nouveau maître. Au cours du dressage, le nouveau maître fera la rencontre de son nouveau compagnon et participera à des séances de dressage avec l’animal.
Companion Paws Canada collabore avec des physiologues, des entraîneurs professionnels et des comportementalistes pour trouver les meilleurs chiens. Tous les chiens doivent respecter des critères stricts quant au tempérament, à la santé et à l’âge. Lorsqu’un chien qui convient est trouvé, il doit suivre une formation d’au moins 10 semaines. Pendant cette période, le chien est jumelé à une personne dans le besoin et avec leur « compagnon pour la vie ».
Les chiens proviennent de refuges de partout au pays. Ils sont âgés de deux à huit ans. Les chiens de Companion Paws Canada sont des animaux domestiques qui apportent un soutien thérapeutique par leur présence, leur regard positif sans jugement, leur affection et leur attention prioritaire. Nous travaillons avec des chiens qui ont été sauvés et des chiens d’assistance à la retraite. Dans le cadre du programme, nous ne certifions pas les animaux domestiques personnels. Les chiens de CPC ne sont pas certifiés animaux d’assistance puisqu’ils sont dressés pour être des animaux aidants de thérapie. Cependant, cet objectif est réalisable avec une formation plus poussée.
Le chien doit atteindre un niveau de formation stricte pour réussir le programme, ce qui inclut le comportement, l’obéissance et la socialisation. Le niveau à atteindre correspond aux normes les plus élevées de la Therapy Dogs International et l’examen de certification est réalisé par un évaluateur agréé pour les chiens de thérapie.
Notre coordonnateur qualifié est un dresseur professionnel de chiens d’assistance qui a travaillé pendant des dizaines d’années avec de nombreuses races de chiens d’assistance pour les soins en santé mentale comme le trouble de stress post-traumatique, la dépression grave, l’anxiété et l’autisme.
Lorsque le chien a réussi l’examen, son nouveau propriétaire recevra la veste et le certificat du chien de thérapie de Companion Paws Canada. Il recevra également une lettre de la fondation LifeLine Canada certifiant l’authenticité du chien de thérapie. Nous nous assurons que les normes de formation les plus élevées sont respectées dans tout le pays.
Aucune loi ne régit l’emploi des termes « chien de thérapie ». L’organisme responsable de l’évaluation et de la certification des chiens a été approuvé dans une décision commune du bureau du solliciteur général, du Bureau de la consommation, de la Protection du consommateur et de la Sécurité publique de Victoria. On énonce dans cette décision les attentes à l’égard de cet organisme.
Les chiens peuvent mener les personnes, même les plus isolées, à s’ouvrir. Le fait de devoir féliciter l’animal peut amener les anciens combattants qui ont vécu un traumatisme à surmonter leur engourdissement émotionnel. Par l’enseignement de commandements au chien, le patient peut améliorer sa capacité à communiquer et à s’affirmer, sans être agressif; certains ont du mal à faire la différence entre les deux.
Les chiens peuvent également calmer l’hypervigilance que présentent souvent les anciens combattants souffrant de trouble de stress post-traumatique. Les chercheurs cumulent de plus en plus de preuves selon lesquelles le lien établi avec un chien a des effets biologiques, comme l’augmentation de l’ocytocine, une hormone contraire aux symptômes du trouble de stress post-traumatique.
Compte tenu des autres avantages apportés par le programme de formation Companion Paws et des effets positifs que ce type de thérapie a entraînés dans des programmes similaires partout dans le monde, nous avons choisi de faire de Companion Paws Canada l’une de nos initiatives phares.
Le caractère vigilant des chiens est l’une des principales raisons qui expliquent pourquoi ils peuvent aider les anciens combattants qui souffrent de trouble de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété. Si vous avez déjà eu un cauchemar, vous savez que la présence d’un chien dans la pièce aide à vous resituer; il vous fait savoir immédiatement si vous êtes réellement exposé à un danger ou si vous venez simplement de faire un cauchemar. Le niveau supérieur de vigilance imite la camaraderie que l’on retrouve dans l’armée: aucun soldat ou marin n’est jamais seul sur le champ de bataille. Lorsque vous avez un chien à vos côtés, la même chose se produit: vous n’êtes jamais seul. Vous pouvez recueillir des données sur votre environnement en sachant que votre chien le fait lui aussi.
La deuxième raison est le caractère protecteur des chiens. Tout comme la camaraderie dans l’armée, vous savez qu’il surveille toujours vos arrières.
La troisième raison est que le chien réagit bien à une relation d’autorité. Lorsqu’ils reviennent d’un déploiement, de nombreux militaires ont de la difficulté avec leurs relations. Ils ont l’habitude de donner et de recevoir des ordres, mais cette façon de faire ne fonctionne généralement pas bien à la maison. J’ai parlé à beaucoup de militaires qui se sont fait dire d’arrêter une fois à la maison. Les chiens, quant à eux, adorent ce type de relation.
Les chiens aiment inconditionnellement. Beaucoup de militaires rentrent d’un déploiement et ont de la difficulté à s’adapter à la vie civile. Certains se rendent compte que les aptitudes qu’ils ont développées et utilisées pendant leur déploiement ne sont pas transférables et ne peuvent être respectées dans la vie civile. Cette situation peut faire des ravages si le militaire occupait un poste respecté dans la hiérarchie. Les chiens ne jouent pas à ce jeu. Ils aiment. Point.
Les chiens aident les gens à refaire confiance. Et la confiance est un gros problème chez les personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique. Il peut être très difficile de se sentir en sécurité dans la société après avoir vécu certaines expériences. Il peut être long avant qu’une personne ait confiance en son environnement immédiat. Les chiens aident ces personnes à guérir puisqu’ils sont dignes de confiance.
Ils rappellent comment aimer. Le monde peut sembler assez tordu après la guerre. Un chien bien dressé est un ami et un partenaire qui apporte de l’amour, mais également qui participe au traitement médical.
Par leurs comportements, les chiens aident les anciens combattants atteints de trouble de stress post-traumatique en leur apportant du soutien et en leur donnant d’autres moyens de surmonter les symptômes qui sont associés à cette affection, comme l’hypervigilance, la peur, les cauchemars, la réaction de combat ou de fuite et les trous de mémoire.
Parmi les avantages d’un chien de thérapie, citons notamment un allégement du traitement et des médicaments. Le chien peut sentir lorsque son maître ne se sent pas bien. Il n’y a pas vraiment de commandement; le chien réagit aux émotions et accordera plus d’attention à son maître qu’à la normale.
Lorsque les anciens combattants ont une réaction liée au trouble de stress post-traumatique, leur corps devient agité. Leur rythme cardiaque et leur respiration s’accélèrent. Flatter un chien est une façon naturelle de se calmer. Ainsi, le rythme cardiaque ralentit et la pression artérielle diminue.
Les chiens de thérapie aident les anciens combattants à s’ancrer et à ne plus avoir de visions du temps passé en zone de guerre. Même au milieu d’un supermarché, un ancien combattant peut se sentir comme dans une zone de guerre. Un chien de thérapie peut l’aider à s’ancrer et à le ramener à la réalité. En flattant le chien et voyant qu’il est bien là, la personne peut prendre conscience qu’elle n’est pas dans une zone de combat.
Beaucoup d’anciens combattants sont isolés et se retirent à leur retour. Un chien de thérapie est un moyen de se reconnecter sans peur, sans jugement et sans malentendu.
J’espère que j’ai pu vous éclairer sur les services que la fondation LifeLine Canada offre aux anciens combattants et sur la façon dont les chiens de thérapie de Companion Paws Canada peuvent sauver des vies.
C’est ainsi que se termine mon allocution. Je serai ravie de répondre à vos questions.
Merci, madame Weber.
La parole est maintenant aux Services de santé Royal Ottawa. Ici présents: Mme Hale, directrice de la Clinique de traumatismes liés au stress opérationnel, et M. Merali, président-directeur général de l’Institut de recherche en santé mentale du Royal. Bienvenus et merci de vous joindre à nous aujourd’hui.
Bonjour, monsieur le président, membres du Comité, mesdames et messieurs. Merci de me permettre de m’exprimer devant le Comité aujourd’hui.
Je m’appelle Shelley Hale. Je suis directrice de la Clinique de traumatismes liés au stress opérationnel des Services de santé Royal d’Ottawa.
Notre clinique est ouverte depuis huit ans et nous avons traité plus de 1 700 clients comme vous pouvez le voir. Nous faisons partie du réseau national de cliniques de traumatismes liés au stress opérationnel, nous collaborons avec le réseau et recevons du financement d’Anciens Combattants Canada. Nous sommes l’une des 11 cliniques et la seule située dans un établissement spécialisé en santé mentale. Anciens Combattants Canada, le ministère de la Défense nationale du Canada et la Gendarmerie royale du Canada sont les seuls organismes qui peuvent adresser des patients à nos cliniques. Nous leur fournissons ensuite une évaluation complète de chaque patient qu’ils nous ont envoyé. Notre clinique d’Ottawa couvre la province de l’Ontario et l’ouest du Québec. Nous collaborons avec sept bureaux de district, trois points d’attache actifs, cinq centres intégrés de soutien du personnel et deux divisions de la GRC.
Voici un aperçu de la provenance des clients qui sont dirigés vers la clinique à partir de la zone que nous couvrons. Sans surprise, la majorité de nos clients proviennent d’Ottawa et de Pembroke.
Notre client moyen — pour vous dresser un portrait — est un homme ancien combattant de 46 ans qui a été déployé environ deux fois et qui a fait partie des Forces armées canadiennes pendant près de 20 ans. Il a participé à des missions de maintien de la paix et a reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique et de dépression grave. S’il est traité dans notre clinique, son séjour durera environ 18 mois et il participera à une thérapie factuelle de groupe et devra faire un travail individuel pour traiter son traumatisme. Lorsqu’il quittera la clinique, il aura rempli ses objectifs de traitement et se sentira prêt et outillé grâce au chemin parcouru pour affronter son quotidien. Il recommandera également notre clinique à ses amis.
Le nombre de clients que nous envoie le MDN a augmenté progressivement au cours des dernières années. Nous avons observé que les transferts à chaud — pendant que le militaire est encore en service — entre Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale du Canada donnent de bons résultats.
Nous collaborons avec nos collègues du MDN à Ottawa pour accepter les clients dirigés vers la clinique pendant qu’ils sont encore actifs et qu’il leur reste jusqu’à deux ans de service afin d’assurer une transition en douceur vers des soins. Nous pouvons ainsi nous assurer que personne ne passe entre les mailles du filet.
Nos clients nous ont indiqué que cette façon de faire facilite une transition en douceur entre les services. Nous commençons également à voir des clients qui nous sont envoyés de Pembroke par ce même processus.
En plus des services offerts dans notre clinique, nous avons lancé il y a quelques années l’application mobile Connexion TSO qui permet à l’utilisateur de faire une autoévaluation de la dépression, du trouble de stress post-traumatique et des troubles du sommeil, les trois principaux problèmes dont souffrent nos clients. Cette application renferme également des renseignements à l’intention des médecins de famille ainsi que les coordonnées de ces derniers pour les familles. Nous avons aussi lancé une Ressource pour aidants naturels sur les blessures liées au stress opérationnel en collaboration avec le ministère de la Défense nationale du Canada et Anciens Combattants Canada. Nous avons testé l’application auprès des membres de la famille des militaires dans la zone que nous couvrons et avons reçu beaucoup de commentaires positifs de ceux-ci et de nos clients.
Nous savons que ce ne sont pas tous les vétérans qui sont affiliés à Anciens Combattants Canada et qu’il est parfois difficile pour les vétérans et les fournisseurs de service de se retrouver dans ce système. Nous souhaiterions qu’une campagne de sensibilisation nationale soit mise en branle pour que les vétérans soient aiguillés dès leur entrée dans le système de santé, que ce soit à l’urgence, dans le bureau de leur médecin de famille ou dans une clinique sans rendez-vous. Il faudrait que tous les fournisseurs de service de santé demandent à leurs patients s’ils ont fait partie des forces. Nous pourrions ainsi offrir une toute nouvelle avenue aux clients qui ne sont pas associés à Anciens Combattants Canada. Si nous parvenons à sensibiliser tous les fournisseurs de service et à les inviter à poser une seule question simple, plus de vétérans qu’auparavant pourraient avoir accès aux services qui ont été créés pour eux.
Je vous remercie pour votre temps.
Oui. Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Zul Merali et je suis président-directeur général de l’Institut de recherche en santé mentale du Royal. Je suis également directeur scientifique fondateur du Réseau canadien de recherche et intervention sur la dépression.
Comme vous le savez, 4 000 Canadiens se suicident tous les ans. C’est un peu comme si deux avions remplis à pleine capacité s’écrasaient tous les mois et qu’il n’y avait aucun survivant. Vous pouvez vous imaginer si une autre situation faisait autant de victimes à quel point le public serait indigné.
Le suicide est l’une des sept principales causes de décès au Canada et nous devons prendre des mesures de santé publique. Nous devons également mieux comprendre les causes sous-jacentes aux suicides ou aux gestes suicidaires.
Les mécanismes biologiques des idées et des gestes suicidaires sont encore méconnus. Ils sont toutefois particulièrement importants puisque nous devons comprendre ce qui ne fonctionne pas dans le cerveau et pourquoi certaines personnes y sont prédisposées tandis que d’autres font preuve de résilience dans les mêmes circonstances.
Mon objectif aujourd’hui est de demander que des recherches soient menées. Nous savons que le fait d’obtenir des soins ne suffit pas nécessairement. Près de la moitié des nombreuses personnes qui reçoivent déjà des soins feront tout de même des gestes suicidaires et, parfois, parviendront à s’enlever la vie. La grande majorité des personnes qui ont subi un traumatisme grave ou qui souffrent d’une dépression ne se suicideront pas nécessairement. Nous n’avons aucun moyen fiable de prédire qui fera une tentative et qui se suicidera.
Aux Services de santé Royal, nous nous efforçons de mieux comprendre le suicide. Permettez-moi de vous expliquer brièvement notre approche. Nous avons par exemple créé un centre d’imagerie cérébrale en partenariat avec des philanthropes, le ministère de la Défense nationale du Canada, des universités et la Légion, etc. Cette initiative publique visait à joindre nos efforts afin de nous doter d’outils pour rendre l’invisible visible. Nous devons regarder à l’intérieur du cerveau, car c’est de là que proviennent les idées suicidaires et la volonté de se suicider.
Pour appuyer mes dires, je vous invite à regarder la diapositive. Nous y voyons que le cerveau d’une personne qui souffre de trouble de stress post-traumatique est très différent. Comme vous pouvez le voir, on dirait un arbre de Noël. Différents ligands du cerveau sont sollicités comparativement aux deux autres cerveaux qui proviennent des groupes de contrôle. Cet exemple montre non seulement à quel point l’imagerie peut être utile pour poser des diagnostics, mais également pour comprendre quelles sont les causes sous-jacentes de ces affections.
Je suis heureux de pouvoir vous communiquer quelques-unes de nos découvertes récentes. Comme vous le savez, le développement des antidépresseurs a été plutôt lent. Nous avons toutefois observé des percées récemment. Les données que je vous présente ici montrent qu’il est possible de traiter les patients avec une nouvelle catégorie de médicaments. Même si le médicament n’est pas nouveau en tant que tel, cette application est nouvelle. On utilise une très faible dose d’un vieil anesthésique qui agit comme un antidépresseur très puissant et qui peut soulager les symptômes de la dépression en l’espace de quelques heures ou de quelques jours comparativement à des semaines ou des mois pour les antidépresseurs traditionnels. Ce traitement est formidable puisqu’il semble agir encore plus sur les idées suicidaires. Il agit beaucoup plus rapidement que les antidépresseurs. Même les personnes chez qui les antidépresseurs n’avaient aucun effet verront leurs idées suicidaires décliner en quelques heures. Cette découverte est très prometteuse puisque nous pouvons maintenant intervenir très rapidement et soulager les idées suicidaires très efficacement.
J’aimerais attirer votre attention sur les barres vertes du graphique; elles montrent que les gens n’ont exprimé que très peu d’idées suicidaires. Les barres bleues et rouges montrent un nombre élevé à modéré d’idées suicidaires. Comme vous le voyez, près de 90 % des patients sont libérés de leurs idées suicidaires dans les deux semaines suivant le début du traitement à la kétamine.
Il s’agit d’une grande nouvelle, mais ce qui est encore plus formidable est que ce traitement nous permet de dissocier les symptômes de la dépression en général des idées suicidaires. Nous souhaitons ainsi pouvoir obtenir une image du cerveau où nous pourrions voir dans quelles zones les idées suicidaires se trouvent. Autrement dit, nous pourrions déterminer quels sont les circuits du cerveau qui sont responsables des idées suicidaires. Si nous pouvions mieux comprendre le phénomène, nous pourrions, selon moi, commencer à cibler un traitement beaucoup plus efficace pour ces cas.
Notre plan d’action consiste à nous concentrer sur la dépression, parce qu'elle est souvent associée aux idées suicidaires. Nous souhaitons également canaliser nos efforts vers le trouble de stress post-traumatique qui est étroitement lié aux idées suicidaires.
D’ailleurs, nous avons créé récemment une chaire de recherche sur la santé mentale des militaires et des vétérans ainsi qu’une chaire de recherche sur le stress et le traumatisme. Je suis très fier d’annoncer que nous avons recruté une personne de Yale, à New York, pour l’étude de l’outil que je vous ai montré un peu plus tôt et qui présentait très clairement le cerveau d’une personne atteinte de trouble de stress post-traumatique. Le chercheur a commencé la semaine dernière à travailler avec notre organisme.
Nous travaillons en partenariat avec le réseau national des centres de dépression aux États-Unis et avec l’Alliance européenne contre la dépression pour être au diapason des recherches à l’étranger. De plus, nous collaborons également avec la Commission de la santé mentale du Canada afin de tester un modèle à quatre volets visant à réduire les gestes suicidaires au Canada.
II est absolument nécessaire de créer un centre d’excellence sur les traumatismes militaires et non militaires, y compris le suicide, ainsi que sur les résultats qui y sont associés.
Sur ce, je vous remercie de m’avoir permis d’être ici aujourd’hui pour vous parler de nos projets passionnants et de nos inquiétudes. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
Passons maintenant à Mme Bradley, présidente-directrice générale, et M. Mantler, vice-président, Programmes et priorités, de la Commission de la santé mentale du Canada.
Bonjour.
La Commission de la santé mentale du Canada est heureuse d’être ici aujourd’hui. Merci de nous avoir invités.
C’est très encourageant de voir que le gouvernement fait de la santé mentale des anciens combattants une priorité. Comme nous le savons tous, le suicide est une réalité dévastatrice, et ce, non seulement chez les militaires et les anciens combattants — comme nous l’avons entendu aujourd’hui —, mais également dans de nombreuses collectivités au Canada, qui font chacune face à des difficultés différentes.
Aujourd’hui, nous parlerons principalement des aspects qui touchent à l’étude du Comité, soit l’amélioration du soutien aux anciens combattants pour la santé mentale et la prévention du suicide.
En tant que membres du Comité, vous savez sans doute que la population d’anciens combattants au Canada est estimée à un peu plus de 700 000 personnes. Selon le peu de données accessibles, entre une personne sur cinq et une personne sur dix ayant reçu un diagnostic de trouble de santé mentale aura des idées suicidaires pendant une année donnée. Comme M. Merali l’a mentionné, il n’y a aucun moyen fiable de déterminer ce nombre.
Il semble également que l’incidence des troubles de santé mentale soit plus élevée chez les vétérans des conflits modernes que chez les anciens combattants des autres époques. Il est cependant difficile de déterminer avec certitude si c’est réellement le cas en raison de la stigmatisation. Toutefois, il est sûr que l’incidence est plus élevée chez les anciens combattants que dans la population générale.
La gravité des conséquences mentales et émotionnelles sur les anciens combattants n’est toutefois pas étonnante compte tenu de l’intensité des tâches qu’ils sont appelés à effectuer. Au Canada et dans le monde entier, les études démographiques permettent de brosser un portrait de l’ensemble complexe des besoins et des déterminants de la santé propres aux anciens combattants. Cet ensemble comprend tous les aspects allant des prédispositions observées chez les personnes qui choisissent de servir leur pays, aux facteurs de stress propres au service militaire et à la transition complexe de la vie militaire à la vie civile. Il n’existe pas de solution unique qui permettrait aux anciens combattants de surmonter toutes les difficultés auxquelles ils font face. Nous savons toutefois qu’une approche axée sur ce groupe est un très bon point de départ.
Cela dit, le gouvernement a pris des initiatives importantes pour améliorer le bien-être des anciens combattants. À titre d’exemple, Ed Mantler et moi avons la chance d’avoir été invités à siéger au groupe consultatif sur la santé mentale du ministre des Anciens Combattants. Bien que du soutien soit déjà offert aux anciens combattants au Canada, il ne suffit pas à répondre aux besoins. Nous entendons de plus en plus de demandes urgentes pour que ces services soient améliorés. Ces appels viennent aussi des vétérans qui siègent au même comité que nous.
Le manque de service est particulièrement criant pour ce qui est des mesures adéquates de soutien à la transition. Parmi les services de soutien actuels, mentionnons un réseau national d’environ 4 000 professionnels qualifiés en santé mentale qui offrent des services aux anciens combattants ayant subi des blessures de stress opérationnel dans la collectivité où ils habitent. Nous souhaitons attirer votre attention sur cette initiative puisqu’il est extrêmement important d’avoir des services de proximité là où habitent les vétérans.
Avant de laisser Ed Mantler vous parler des outils efficaces qu’a mis au point la Commission pour améliorer la santé mentale des anciens combattants, je souhaite souligner une étude actuellement menée qui pourrait intéresser le Comité. Le gouvernement de l’Australie procède actuellement à une étude ciblée sur les services de prévention du suicide et de l’automutilation offerts aux militaires et aux vétérans. Rédigé par la National Mental Health Commission, ce rapport devrait être publié le mois prochain. Je crois qu’il pourrait être utile au Comité.
En ce qui a trait aux partenariats de la Commission avec le gouvernement, nous avons récemment lancé l’Initiative des Premiers soins en santé mentale pour les vétérans, leur famille et le personnel soignant. Je vais laisser M. Mantler vous expliquer.
Le programme dont parle Louise, Premiers soins en santé mentale pour les vétérans, permet d’approfondir les connaissances sur la santé mentale et de développer des compétences dans la collectivité pour reconnaître et traiter les troubles de santé mentale. Cette initiative est fondée sur un plan d’action éprouvé et factuel. Grâce au financement d’Anciens Combattants Canada, ce cours est offert gratuitement aux participants.
Le programme permet de renforcer les capacités des vétérans et de leur donner les moyens de faire face à leurs troubles de santé mentale et à leurs maladies plutôt que de les diriger simplement aux organismes gouvernementaux. Grâce au cours Premiers soins en santé mentale pour les vétérans, les familles, les travailleurs communautaires et les anciens combattants peuvent acquérir les outils requis pour reconnaître les troubles de santé mentale et les aptitudes nécessaires pour intervenir jusqu’à ce qu’un professionnel puisse apporter son aide. Ce type de programmes concrets permet d’inculquer les connaissances sur le terrain et dans la collectivité, où elles sont le plus près de ceux qui en ont besoin.
L’an dernier seulement, 14 cours ont été donnés partout au pays. Des centaines de vétérans sont maintenant mieux préparés et outillés pour agir efficacement en cas de troubles de santé mentale ou de crise. Notre objectif en 2017 est d’offrir 40 cours aux vétérans d’un océan à l’autre.
Le Comité sera peut-être intéressé également par l’initiative L’Esprit au travail de la Commission. Ce programme éducatif vise à promouvoir la santé mentale et à lutter contre la stigmatisation associée à la maladie mentale en milieu de travail. Ce programme est issu d’un programme du ministère de la Défense nationale intitulé En route vers la préparation mentale. Ce programme de formation favorise la santé mentale et le bien-être des employés et présente différentes façons d’aborder la question de la maladie mentale en milieu de travail, offre des moyens de lutter contre la stigmatisation et encourage les employés à demander de l’aide lorsqu’ils en ont besoin.
La formation porte sur le modèle du continuum de la santé mentale dans lequel la santé mentale est divisée entre des catégories à l’intérieur d’un continuum. Elle permet aux participants de repérer les signes du déclin de la santé mentale et de bien se rendre compte que ces signes s’inscrivent dans un continuum et peuvent se déplacer dans celui-ci. Elle présente des stratégies pour que les participants retrouvent le meilleur état de santé mentale possible. Ces stratégies s’inspirent des théories cognitivocomportementales qui favorisent la gestion du stress et l’amélioration de la santé mentale. Il s’agit de techniques simples que tout le monde peut apprendre, comme la respiration abdominale, le monologue intérieur positif, la visualisation et l’établissement d’objectifs adéquats. Ces mêmes techniques sont utilisées par les athlètes olympiques pour maximiser leurs performances.
Nous étions ravis de constater que le dernier rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale mentionne à plusieurs reprises que la formation En route vers la préparation mentale peut être un outil utile.
Tout aussi importants que soient les programmes de formation, il faudra s’efforcer dès maintenant pour mettre en oeuvre un plan plus audacieux pour sauver la vie des anciens combattants. Je remercie M. Merali d’avoir abordé la question du suicide. Le risque de mort par suicide est de 32 % à 46 % plus élevé chez les anciens combattants que chez les Canadiens du même âge. Le suicide chez les anciens combattants se produit dans la collectivité.
L’an dernier, dans le mémoire prébudgétaire de la Commission, nous avons présenté aux députés et à Anciens Combattants notre modèle national de prévention du suicide dans les collectivités. La Commission serait prête à déployer rapidement une stratégie de prévention du suicide perfectionnée dans 13 collectivités partout au pays, soit une dans chaque province et chaque territoire. Elle pourrait également cibler les projets dans les bases militaires ou les collectivités où la population d’anciens combattants est élevée. Le coût du projet s’élèverait à 40 millions de dollars sur cinq ans; un prix bien peu élevé si l’on considère le nombre de vies que ce projet pourrait sauver. Le modèle s’inspire de programmes éprouvés au Québec et dans d’autres pays qui ont permis de réduire considérablement le taux de suicide de 20 % en deux ans.
Le projet de prévention du suicide permettrait de constituer une base de connaissances sur laquelle pourrait prendre appui un programme de prévention du suicide. Il viserait particulièrement les mesures de soutien spécialisées, y compris les services de prévention, de crise et de postvention comme les lignes d’écoute téléphonique, les groupes de soutien et la planification ainsi que l’accès coordonnés. Il comprendrait également une formation et des possibilités d’apprentissage continu visant à mieux outiller les gardiens dans la collectivité, notamment les médecins de famille, les premiers répondants, les infirmières, les gestionnaires et les enseignants.
La Commission serait honorée que le Comité examine cette proposition dans son ensemble au cours de ses travaux. Je serai heureux de vous remettre le mémoire prébudgétaire complet ainsi que la note d’information.
La Commission est à même de collaborer avec tous les paliers de gouvernement pour continuer à offrir des programmes et de la formation aux anciens combattants.
Je tiens à vous remercier encore une fois de nous avoir permis de partager quelques-unes de nos expériences dans ce dossier. Je serai ravi de répondre aux questions.
Merci.
Passons maintenant à la Mission Butterfly inc. La parole est à M. Champion, vice-président, et à Mme Thirlwell, psychiatre de l’Équipe soignante exécutive. Bienvenus.
Vous pouvez y aller. Vous disposez de 10 minutes.
Bonjour. Je suis honoré d’être ici aujourd’hui. Je me présente en toute humilité.
Je m’appelle John Champion. Je suis ici en ma qualité d’ancien militaire des Forces armées canadiennes, au sein des forces régulières, ancien policier régional et ancien enquêteur des homicides pour les Nations unies. Je suis actuellement sapeur de combat, agent du service des anciens combattants de la Légion royale canadienne et de la zone C2 ainsi que membre du Conseil d’administration de Mission Butterfly, un organisme à but non lucratif qui offre des services de thérapie multimodale appelés « guérir des blessures invisibles ».
Tout au long de ma vie professionnelle, j’ai été témoin des horreurs que peut infliger l’homme. J’ai observé les conséquences de la destruction entraînée par des priorités politiques. J’ai également été témoin des résultats incroyables que les soldats du maintien de la paix et les artisans de la paix peuvent obtenir en risquant leur vie avec altruisme pour sauver celle de gens qu’ils ne connaissent pas. Malheureusement, j’ai également vu directement les effets à long terme de ces missions et la destruction qu’elles peuvent entraîner non seulement chez les vétérans ou les premiers répondants, mais également chez les membres de leur famille et dans la collectivité.
Le trouble de stress post-traumatique et le suicide sont endémiques parmi les militaires, les anciens combattants et les premiers répondants. Nous ne pouvons plus rester à l’écart presque immobiles. Le trouble de stress post-traumatique et le suicide sont comme une maladie contagieuse; l’entourage en souffre et peut y songer.
Parmi tous les rôles que je joue, le plus ardu est celui d’agent du service des anciens combattants. Il y a 20 ans, l’agent du service des anciens combattants aidait les anciens combattants et les veuves à se retrouver dans le bourbier des formalités administratives d’Anciens Combattants. Aujourd’hui, il doit trouver un logement, un emploi et un traitement pour les anciens combattants. Ayant été moi-même au bord du gouffre, je peux vous confirmer que les facteurs qui empêchent les anciens combattants d’obtenir un traitement sont la peur de perdre leur emploi et d’être ostracisés par leurs paires, leur famille ou leur collectivité et la croyance que le thérapeute ne peut comprendre ce qu’ils vivent ou qu’il n’a pas les connaissances requises.
Le trouble de stress post-traumatique est différent pour chacun des anciens combattants. Mission Butterfly offre un programme qui est assorti de nombreux modèles de thérapie. Pour nous assurer que la thérapie soit efficace pour le client, nous faisons des tests exhaustifs avant de la commencer. Un week-end de pêche à la mouche ne suffit pas pour guérir un ancien combattant. Ce dernier a besoin d’une thérapie pour guérir son esprit, son corps et son âme. Cette thérapie doit englober sa famille et aborder des thèmes comme les finances et la nutrition. Elle ne nécessite pas cependant la surconsommation de médicaments qui est la solution médicale actuelle. Ne vous méprenez pas, les médicaments ont leur utilité, mais si les symptômes sont masqués, il est plus difficile de traiter la cause réelle. Mission Butterfly offre une thérapie sans médicament qui couvre tous ces aspects.
Les thérapeutes de l’organisme doivent suivre un atelier intensif sur la culture des Forces armées canadiennes afin qu’ils puissent surmonter rapidement les barrières. Les militaires ont leur propre langue. Ils ont un sens de l’éthique et un respect les uns envers les autres qui leur sont propres et que le citoyen moyen ne peut comprendre. À moins d’avoir prêté le serment militaire et accepté le chapelet sans fin de responsabilités qui y sont associées, vous ne pouvez comprendre ce que vit un ancien combattant.
Il faut commencer rapidement à traiter le trouble de stress post-traumatique et garder en tête qu’il faut adapter la thérapie à la personne. La solution n’est pas de l’envoyer voir un psychiatre pour qu’elle se fasse prescrire des antidépresseurs et un congé du travail. Cette méthode est utilisée actuellement et elle doit cesser. Le vrai changement commence ici, maintenant dans cette salle.
Je m’appelle Celeste Thirlwell et je suis membre de l’Équipe soignante exécutive de l’organisme à but non lucratif Mission Butterfly. Nous sommes un groupe de Canadiens bienveillants qui se consacrent à améliorer la qualité de vie des hommes et des femmes qui protègent, assistent et servent avec altruisme le public canadien. Je suis psychiatre et spécialiste de la médecine du sommeil. J’ai également de l’expérience en neurochirurgie, en recherche en neuroscience et en gestion de la douleur. Je suis heureuse de pouvoir m’adresser au Comité aujourd’hui.
Il est injuste que les anciens combattants atteints de trouble de stress post-traumatique, leur famille et leur collectivité continuent de souffrir en raison du manque d’évaluation, de traitement et soutien. Pour un traitement optimal et novateur des anciens combattants atteints de trouble de stress post-traumatique, la justice sociale, les priorités militaires et le leadership fédéral seront essentiels.
Le trouble de stress post-traumatique était appelé traumatisme dû au bombardement au cours de la Première Guerre mondiale, réaction de stress de combat lors de la Seconde Guerre mondiale et, finalement, trouble de stress post-traumatique au cours de la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, selon le DSM-5, le manuel de diagnostic de l’American Psychiatric Association, il existe quatre composantes au trouble de stress post-traumatique. La première est la reviviscence, comme les souvenirs des événements et les cauchemars. La deuxième est l’évitement. La troisième est les altérations négatives persistantes dans les cognitions et l’humeur, qui comprennent les pensées hostiles, agressives et même paranoïaques. La quatrième est l’hyperréactivité, comme l’hypervigilance, la surexcitation et les troubles du sommeil.
Le traitement et le diagnostic de trouble de stress post-traumatique demeurent un adversaire complexe tant pour nous en clinique que pour les militaires et les autres services dans le monde entier. Une des composantes clés du trouble qui a fait l’objet de publications récemment est le trouble du sommeil. Les militaires sont entraînés pour avoir un état d’esprit prêt au combat, de sorte que leur système nerveux sympathique — leur système de combat ou de fuite — est en suractivité. Ce système est actif en permanence. Leur circuit neuronal est activé et entraîné pour le demeurer. Lorsque les militaires reviennent du combat, ils perçoivent du danger même s’il n’y en a pas. Leur système qui sert à désactiver l’autre — appelé système nerveux parasympathique — et qui doit agir comme un frein n’existe pas. Mission Butterfly a mis au point un système exhaustif et intégré qui permet de stimuler le système nerveux parasympathique et de reprogrammer le circuit neuronal chez ces militaires.
Lorsque nous parlons de circuit neuronal et de reconversion, la honte et la culpabilité — qui souvent empêchent les anciens combattants de chercher de l’aide — sont mises de côté. Il s’agit de reconversion neuronale. La bonne nouvelle est que nous pouvons réinitialiser le circuit neuronal. La mauvaise est que ce traitement prend du temps et nécessite une approche intégrée. La pharmacologie ne peut à elle seule y arriver, pas plus que la gestion comportementale. Nous avons besoin d’une approche globale comme celle proposée par Mission Butterfly.
L’autre chose dont ces hommes ont besoin — j’ai lu sur le sujet depuis que je vous ai présenté la littérature — est une mission. Ils ont besoin d’une mission. Ces gens sont entraînés pour protéger et servir leur pays. Ils reviennent à la maison et n’ont aucun objectif de protection ni de service. Les militaires pour qui on a obtenu les meilleurs résultats aux États-Unis sont des anciens combattants indépendants qui se sont regroupés et ont trouvé une mission de bonne volonté, comme la reconstruction d’écoles et de maisons. Ces gens sont prêts à aider, ils veulent aider et ils ont besoin d’une mission. D’une part, nous devons calmer et reconvertir leur système nerveux pour changer leur état d’esprit de préparation au combat, ou leur réaction de combat ou de fuite, et désactiver, calmer et reconvertir ce système. Ils doivent savoir qu’ils sont en sécurité. D’autre part, nous devons guérir leur coeur et, pour ce faire, ils ont besoin d’une mission.
Nous avons tous besoin d’un but dans la vie; nous avons tous besoin d’une mission. Sans cette mission, la vie est inutile. Sans cette mission, nous voyons des suicides.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je vous demande pardon à tous dès le départ, parce qu’en sept minutes, je n’aurai pas le temps de poser les questions auxquelles j'ai besoin de réponses. J'espère que mes collègues reprendront un peu le sujet dont je vais traiter.
Tout d'abord, parlons de la recherche que vous menez, monsieur Merali. La diapo qui démontre la différence entre le cerveau d'une personne qui souffre du trouble de stress post-traumatique et ceux de personnes qui n'en sont pas atteintes m'a intéressé. Évidemment, vous n'en êtes qu'au stade de la recherche, mais pourquoi ne faisons-nous pas passer cet examen aux personnes qui ont ce trouble dès qu'elles viennent nous consulter?
Votre question est excellente et très importante. C'est justement pour cela que je vous ai montré cette diapo. Nous élaborons des outils qui pourraient servir, mais ce ne sont pas encore des outils de diagnostic normalisés.
Par exemple, il existe un outil de diagnostic normalisé pour le cancer, tout comme pour l'hypertension artérielle. L'imagerie du cerveau est toute nouvelle. C'est pourquoi, à mon avis, il est important de consacrer le temps et les efforts nécessaires pour normaliser ces outils de diagnostic afin de les utiliser pour un plus vaste éventail de troubles de santé.
Aux États-Unis, par exemple, le projet le plus courant, après celui du génome, est ce qu'on appelle le projet connectome humain. Il vise à étudier les connexions entre différents aspects des circuits cérébraux et ce qui les active ou les désactive sous certaines conditions. Les chercheurs se penchent là-dessus à l'heure actuelle pour comprendre non seulement le trouble de stress post-traumatique, mais toutes les dysfonctions des circuits cérébraux qui produisent des symptômes ou des maladies. Il s'agit maintenant du projet de recherche le plus courant aux États-Unis.
Je parlais surtout de la kétamine dans le contexte de la dépression, qui est un trouble concomitant chez les personnes qui font une tentative de suicide ou qui commettent des actes suicidaires. Je la comparais aux autres antidépresseurs habituels comme les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et les inhibiteurs de la monoamine-oxydase. Ce sont les antidépresseurs que l'on prescrit généralement.
Il faut des semaines ou même des mois avant que ces antidépresseurs ne commencent à faire de l'effet, et ils n'aident pas tous les patients, comme les témoins nous l'ont dit. Il faut personnaliser ces médications, et il faut que nous trouvions un moyen de le faire.
Je soulignais justement que non seulement la kétamine est un antidépresseur qui agit rapidement, mais elle élimine très efficacement les idées suicidaires.
C'est bien.
Je ne veux pas manquer l'occasion de vous poser une question, Liane. Dans le cas de la différence entre les chiens de thérapie et les autres chiens, un problème s'est récemment manifesté, celui des crédits d'impôt.
Les chiens de thérapie et les chiens de service coûtent cher, non seulement à cause du dressage, mais à cause de la nourriture, des soins vétérinaires et tout cela. Voudriez-vous que le gouvernement offre un crédit d'impôt pour ces types d'animaux, particulièrement dans le cas des vétérans?
La ligne a été coupée, je crois.
La question porte sur les crédits d'impôt. Je ne sais pas vraiment quel financement votre programme reçoit, mais d'autres témoins du secteur des chiens de service et de thérapie nous ont parlé de la nécessité d'offrir un crédit d'impôt aux vétérans qui ont ce type de chien de service. En effet, il est très dispendieux de dresser ces chiens, de les nourrir, de leur payer des soins vétérinaires, etc. Je me demandais ce que vous en pensez.
Je dois vous dire que je n'avais jamais vraiment pensé à cela. Je n'en avais jamais entendu parler.
Nous finançons notre organisme uniquement par la collecte de fonds dans la collectivité, et cela nous suffit.
Une fois que les vétérans reçoivent l'animal, ils doivent assumer les coûts de la nourriture et des soins vétérinaires. Toutefois, nous collaborerons avec des vétérans partout au Canada pour essayer d'offrir — sans frais, ou tout au moins, nous l'espérons — tout ce qu'il faut au nouveau propriétaire de l'animal.
Quant aux crédits d'impôt, nous n'en avons jamais vraiment discuté, et personne ne l'a demandé. Mais je pense que c'est une excellente offre à envisager — pour les vétérans, pas pour notre fondation.
Alors je vais rapidement passer à Louise et à Ed.
La lettre de mandat du ministre lui demande d'établir des services spécialisés pour les vétérans. Je sais que la fondation Sunnybrook a proposé au gouvernement un nouveau programme de traitement spécialisé du trouble de stress post-traumatique pour les patients hospitalisés. Voudriez-vous que ce programme se concrétise? Serait-il bon pour nos vétérans?
Oui, très probablement. Je n'en connais pas les détails, mais nous proposons un programme communautaire. Nous proposons d'en lancer un dans toutes les provinces et dans tous les territoires. On l'offrirait en consultation externe.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Merali, dans une vie antérieure, jusqu'à il y a deux ou trois ans, j'étais urgentologue. Je connaissais la kétamine et son usage, mais pour des phases très différentes. Nous anesthésions les patients en leur donnant de la kétamine. À cette époque, j'avais entendu dire que les revues commençaient à publier des articles sur la kétamine et que ce médicament semblait extrêmement prometteur.
Son usage est-il encore en phase expérimentale, ou devient-il très courant et bien accepté?
Son usage devient toujours plus courant. Le problème, comme vous le savez, est qu'il faut administrer la kétamine par intraveineuse. Il est donc difficile de la prescrire dans d'autres conditions, mais un essai clinique est en cours pour voir s'il est possible de l'administrer par voie nasale. Cette méthode est en phase d'essai, mais elle est encore expérimentale. Ce n'est pas une intervention thérapeutique établie.
Il n'existe pas une forme de kétamine que l'on peut prendre par voie buccale? Je me souviens vaguement de rares patients de l'urgence qui en prenaient.
Merci. C'est bon à savoir.
Madame Hale, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit sur la sensibilisation des fournisseurs de soins de santé. Parfois, des vétérans ou même des membres actifs venaient à l'urgence, et nous savions que nos traitements habituels... nous traitions tous les autres patients qui avaient des troubles de santé mentale, mais nous savions que ces membres avaient un autre problème, et nous ne savions pas toujours de quoi il s'agissait.
Vous recommandez que l'on éduque les fournisseurs de soins. Est-ce que votre organisme en a parlé à des organismes de réglementation comme l'Association médicale canadienne ou l'Ordre des médecins et chirurgiens, ou à un organisme de ce genre?
Anciens Combattants Canada — principalement par l'intermédiaire du MDN et de la Dre Alex Heber — a créé une plateforme en ligne pour les médecins et les chirurgiens et aussi pour la formation médicale continue.
Nous avons aussi collaboré avec les travailleurs sociaux de l'Ontario. Il s'agit plutôt d'une campagne de sensibilisation du public, parce que je pense qu'il existe déjà beaucoup d'enseignement à ce sujet. Les gens ne savent tout simplement pas où le trouver et ne savent pas poser de questions. C'est justement ce que j'essayais de souligner. Si les gens posent les bonnes questions, ils accèdent à des services déjà offerts aux vétérans. Ils ne savent tout simplement pas que ces services existent. Nous devrions peut-être mieux montrer aux fournisseurs communautaires quels services existent. À mon avis, cela réglerait le problème.
Merci.
Apparemment, vous avez un outil d'autoformation pour les soignants qui comprend des renseignements du MDN et d'Anciens Combattants Canada. Je l'ai peut-être manqué. Pouvez-vous nous dire combien de personnes s'en sont servies et quelle a été leur réaction?
C'est une appli pour cellulaire et une plateforme sur le Net créée par quelques-uns de nos cliniciens avec l'aide de spécialistes du MDN. Nous l'avons mise à l'essai en organisant des groupes de discussion dans le cadre du Programme des services aux familles des militaires. C'est un module d'autoformation professionnelle continue offert en ligne aux aidants familiaux. Les premiers intervenants s'en servent eux aussi.
Nous avons également une appli pour cellulaire pour les gars qui ne viennent pas consulter. Ils effectuent une sorte d'autoévaluation pour voir où ils se placent sur l'échelle des personnes qui reçoivent de l'aide. Ils ne reçoivent pas de diagnostic, mais l'appli leur indique s'ils devraient chercher plus d'aide. Cette appli fournit des renseignements aussi aux aidants familiaux et aux médecins.
Merci.
Dre Thirlwell, combien de demandes d'admission pensez-vous avoir reçues jusqu'à présent par les coordonnées que vous affichez dans votre site Web?
Je sais que nous en avons reçu six dernièrement. Je sais que la 4e Division Meaford nous a demandé d'examiner huit personnes de la base.
Merci.
Dans le cas des traitements que vous proposez dans vos mémoires, quels types de résultats de recherche avez-vous réunis pour appuyer ces traitements?
Leur efficacité provient avant tout du fait que ce sont des thérapies holistiques. Nous ne disposons pas de données précises sur les thérapies médicamenteuses, mais les rapports et les données cliniques indiquent qu'elles sont prometteuses.
Les données les plus solides proviennent de l'étude menée par les Drs Harvey Moldofsky et Richardson à la clinique pour traumatisme lié au stress opérationnel de London. Ils ont étudié les cycles de sommeil des vétérans pendant 14 ans. Grâce aux résultats de ces études, ils peuvent prévoir quels vétérans sont les plus vulnérables au trouble de stress post-traumatique et lesquels en affichent déjà les symptômes.
Tous les participants à notre programme subissent aussi une étude rigoureuse du sommeil.
Merci.
Il me reste 15 secondes, mais je ne pense pas avoir d'autres questions à poser pour le moment.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour vos témoignages extraordinaires. Ils nous aident beaucoup, et j'en suis très reconnaissante. J'aurais beaucoup de questions à vous poser à tous. Je vais essayer d'ordonner mes pensées et de comprendre tout cela.
Je vais d'abord m'adresser à vous deux, madame Bradley et monsieur Mantler.
Qu'apporte votre programme aux familles des vétérans? Quels types de soutiens offrez-vous à leurs époux ou épouses et à leurs enfants?
Vous demandez ce qu'apporte le programme communautaire dont nous parlions, ou Premiers Soins en Santé Mentale et En route vers la préparation mentale, RVPM?
Très bien.
Nous avons quatre priorités dans toutes les collectivités, et nous visons beaucoup les familles. Elles constituent un élément crucial de notre programme, alors elles sont certainement incluses dans ces priorités.
Quant à Premiers Soins en Santé Mentale, ce programme est offert...
La version du programme Premiers Soins en Santé Mentale conçue avant tout pour les vétérans a été élaborée avec la collaboration des vétérans et de leurs familles. Nous leur avons demandé directement ce dont ils ont besoin. Cette version vise les vétérans et leurs familles ainsi que leurs soignants.
Merci.
Madame Bradley, vous nous avez dit que vous siégez au comité consultatif du ministre. Combien de femmes s'y trouvent-elles, et combien d'entre elles sont des vétérantes? Nous voudrions comprendre leur point de vue, ou tout au moins transmettre.
Offrez-vous des programmes conçus tout particulièrement pour celles qui souffrent d'un traumatisme sexuel subi à l'armée?
Je ne crois pas qu'il y ait de vétérante dans ce comité... non, il n'y en a aucune. Tous les membres sont des vétérans.
Quelle était votre deuxième question?
À toutes les réunions auxquelles j'ai participé — et je crois qu'Ed vous répondra la même chose — il n'y a jamais eu de discussion à ce sujet.
Merci. Je vous remercie. La question a été soulevée devant notre comité. Nous considérons cela comme une réalité profondément inquiétante.
Monsieur Merali, vous avez mentionné le besoin de créer un centre d'excellence. Je vous dirai que mon parti et mes collègues demandent cela continuellement.
Quelle réponse obtenez-vous d'Anciens Combattants Canada quand vous proposez cela? Je pense surtout à votre demande de fonds de recherche. Je vois le lien entre ce que vous nous avez présenté et la recherche de la Dre Thirlwell. Il est fascinant de constater tout ce qu'il y a encore à faire et merveilleux qu'il nous reste de nombreux moyens de réduire ce taux catastrophique de suicides.
Merci.
Je suis vraiment heureux que vous ayez remarqué cela, parce qu'à mon avis, il est important d'investir dans ce type de recherche. Je crois qu'il serait crucial de créer un centre d'excellence, parce que ce problème est extrêmement grave, et il ne se réglera pas tant que nous n'y porterons pas attention.
Je viens de terminer un article — que j'ai soumis pour publication — sur le financement de la recherche en santé mentale au Canada. Le titre se résume de la façon suivante: et si les troubles de santé mentale étaient cancéreux?
Je cherchais à présenter une analogie entre les progrès qu'a faits le traitement du cancer grâce aux fonds qui lui sont injectés et le financement que reçoit la recherche en santé mentale. J'ai le grand regret de souligner que nous recevons au pro rata moins de 16 % des fonds investis habituellement dans la recherche sur le cancer, même si les maladies mentales constituent le plus grand fardeau de notre système de santé. Je suis convaincu que nous devrions porter beaucoup plus d'attention à ces domaines — et le trouble de stress post-traumatique fait partie de ces problèmes de santé. À mon avis, un centre d'excellence servirait non seulement les vétérans, mais les Canadiens d'autres milieux de la société, comme les premiers intervenants et les personnes qui ont vécu des événements traumatiques. En fait, les mécanismes et les traitements de ces troubles sont probablement très similaires.
Il nous faut un centre de concertation où l'on se concentre sur la résolution de ce problème et sur des solutions plus efficaces, car nous n'en avons que très, très peu à l'heure actuelle.
Ce que vous dites est très intéressant et absolument incontestable. Je crois que Roy Romanow avait raison de dire que la santé mentale est le parent pauvre du système de santé. Il y a tellement de besoins dans ce domaine! Il est bien évident que la recherche dont vous parlez apportera des bienfaits à toute la population. Nous savons que le grand public souffre aussi de troubles de santé mentale profonds et graves et que très peu de gens obtiennent un traitement.
Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
Très bien.
Si j'ai bien compris, pour obtenir un traitement dans une clinique pour traumatisme lié au stress opérationnel, les vétérans doivent avoir un renvoi de leur gestionnaire de cas. Combien de temps se passe-t-il entre le moment où un vétéran demande l'aide de son gestionnaire de cas et celui où il entre dans la clinique pour consulter un médecin afin de recevoir de l'aide?
Dans notre clinique, il se passe environ six semaines entre la date du renvoi et la fin de l'évaluation. Les vétérans sont aiguillés vers la clinique, et non vers un clinicien particulier; nous travaillons en équipe multidisciplinaire.
D'accord. Je comprends votre réponse. Malheureusement, les pensées suicidaires créent des crises, et l'on ne peut pas attendre six semaines pour intervenir.
Nous communiquons dans les 48 heures qui suivent réception du renvoi. Nous effectuons un triage, puis une de nos infirmières communique avec eux une fois par semaine, en fonction d'une stratégie de liste d'attente que nous avons établie. Nous communiquons avec eux et nous les évaluons. Nous évaluons aussi leurs résultats en surveillant les données de CROMIS. Je crois que le Comité a déjà entendu parler de ce logiciel.
Je comprends. Alors votre triage comprend une surveillance active. Ce délai d'intervention m'inquiète.
Mme Shelley Hale: Oui, nous effectuons une évaluation.
Mme Irene Mathyssen: Merci.
Le sujet que je voudrais traiter nécessitera une petite partie de jeu de la taupe.
Je vais m'adresser d'abord à M. Merali. Vous détenez un doctorat, n'est-ce pas?
Très bien.
J'ai trouvé ce graphique très intéressant. Nous l'avons vu dans le cadre de la présentation sur les scintigraphies du cerveau. Je ne suis pas en mesure de l'interpréter; la plupart des personnes qui sont ici en sont incapables. C'est très impressionnant, mais je me demande si vous pourriez nous expliquer ce que nous voyons vraiment dans ce graphique.
Oui, c'est une bonne question.
Vous avez ici une image TEP — tomographie par émission de positrons. Pour effectuer cette analyse, on injecte un ligand radioactif que le sang amène dans les récepteurs cérébraux. Dans ce graphique, ce sont les récepteurs éclairés, des récepteurs CB1. Vous avez ici des récepteurs cannabinoïdes, les endocannabinoïdes; ils s'attachent aux molécules qui sont du même type que le cannabis. Le cerveau produit ces endocannabinoïdes, ces molécules endogènes de type cannabis, qu'il utilise dans ses circuits. Vous voyez ici l'injection d'un ligand qui s'attache à ces récepteurs. Comme vous pouvez le constater, ces récepteurs sont beaucoup plus abondants que dans le cerveau des personnes qui n'ont pas le trouble de stress post-traumatique, dont vous voyez les images à droite.
Tout cela est intéressant parce que, comme vous l'aurez entendu dire ces derniers temps, on parle beaucoup du fait que les vétérans consomment du cannabis et qu'il semblerait que le cannabis soulage certains de leurs symptômes.
Malheureusement, personne n'a effectué d'essais cliniques à grande échelle pour démontrer l'efficacité et la sûreté de la consommation de cannabis et de ses dérivés pour traiter le trouble de stress post-traumatique. À mon avis, il va falloir le faire un de ces jours.
À propos de grande échelle, combien de sujets participent à vos études? Obtenez-vous ces résultats régulièrement, ou voyons-nous ici le cerveau d'une seule personne?
Non, vous voyez ici un effet statistique significatif; il provient d'une étude menée par le Dr Alex Neumeister, de Yale. C'est le gars que nous avons embauché; cette étude n'a pas été effectuée de notre côté, mais nous envisageons d'en étendre considérablement la portée.
Observe-t-on cela dans le cerveau de toutes les personnes atteintes du trouble de stress post-traumatique? Obtenez-vous des résultats de soldats qui reviennent de la guerre et de policiers, ou leurs cerveaux ont-ils tous l'aspect que nous voyons ici?
C'est une très bonne question, et je suis désolé de ne pas pouvoir y répondre, parce que je n'ai pas mené cette étude moi-même.
Pour approfondir ce processus, est-ce que quelqu'un a effectué de ces scintigraphies du cerveau sur des soldats avant leur déploiement? Ne serait-il pas utile de le faire quand quelqu'un entre dans les forces armées ou dans les services de police pour avoir une image de référence? Comme cela, puisqu'ils vont inévitablement développer le trouble de stress post-traumatique pendant leur carrière, vous aurez une image de comparaison. Est-ce que quelqu'un mène une étude de ce genre?
Oui, quelqu'un le fait aux Pays-Bas à l'heure actuelle. On commence à le faire au Canada, mais nous tardons à prendre ces mesures avant le déploiement. Ce type de mesure cause beaucoup d'inquiétude, parce que si l'on découvre des indicateurs de vulnérabilité au trouble de stress post-traumatique chez quelqu'un, faut-il ne pas déployer cette personne? Voulons-nous garder ceux qui sont extrêmement vigilants, prêts à se lancer, capables d'attraper un camarade pour le tirer d'une situation catastrophique et de le transporter en lieu sûr, de faire des choses comme cela, ou allons-nous les écarter du front parce qu'ils affichent ces indicateurs?
Il serait très intéressant de savoir s'il est possible de prédire qui va développer ce trouble et qui y échappera. Certains craignent que l'on utilise ces résultats à des fins négatives ou qu'on ne sache pas comment les utiliser. Ce sont les débats qui entourent ce sujet à l'heure actuelle. Cependant, je crois que nous devrions évaluer les gens avant qu'ils partent, pendant leur mission et quand ils en reviennent, pour nous faire une idée plus précise de l'évolution physiologique et chimique de leur cerveau.
Mais si vous découvrez des indices d'idées suicidaires dans le cerveau, comme vous le décrivez, que pouvons-nous faire pour intervenir? Si vous dites que ce point rouge ici représente la section du cerveau qui est touchée — et nous le savons clairement maintenant —, que pouvez-vous faire pour y remédier?
Je vais comparer cela à un autre trouble, comme le cancer. Si vous découvrez un cancer qui réagit à certains types d'hormones, par exemple... si ce cancer est hyperactif, quel type de traitement appliquerons-nous à cette personne? Le traitement ne sera pas le même pour tous. C'est exactement la façon d'intervenir auprès des gens qui ont une maladie mentale, notamment le trouble de stress post-traumatique. Nous devons définir les différences de chaque personne et traiter ces gens en fonction de ces différences, et non en fonction d'une catégorie de maladies. Nous n'en sommes pas encore là, mais il est crucial de personnaliser les interventions.
Merci.
Je vais m'adresser à Mme Bradley. J'ai des questions à vous poser aussi.
Vous nous avez mentionné une approche axée sur les anciens combattants. C'est une étape que je trouve très importante, mais pour relier cela à ce que je disais, serait-il possible d'axer cette approche sur la carrière? On pourrait ainsi faire subir des scintigraphies avant de déployer les soldats, avant qu'ils n'entrent à l'armée, afin de les préparer aux expériences qu'ils vont vivre en mission. Savez-vous si quelqu'un se penche sur la possibilité de donner ce genre de prétraitement?
Cette question s'adresse à vous tous, mais je voudrais savoir d'abord ce que Mme Bradley en pense.
L'approche que nous proposons vise uniquement la prévention du suicide, alors nous n'avions pas pensé à l'appliquer à... Nous voudrions l'appliquer partout au pays, parce que le rôle de notre commission est d'aborder les taux de suicide dans tout le pays. Dans le cadre de notre proposition, nous pensions pouvoir aussi choisir d'y inclure des collectivités où vit un plus grand nombre de vétérans. Cependant, cette initiative a été conçue comme un programme d'intervention et en même temps comme une étude de recherche. Nous envisageons d'y appliquer une structure similaire à celle que nous avons menée il y a quelque temps auprès des sans-abri, At Home/Chez soi. Notre initiative vise uniquement à réduire les taux de suicide dans des collectivités particulières.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup de nous avoir présenté ces exposés aujourd'hui. Ils nous aident énormément.
Ma première question s'adresse à vous, madame Bradley. Vous avez parlé un peu de la prestation des soins aux vétérans. Pourriez-vous nous décrire les différences que vous observez entre le traitement de troubles de santé mentale chez les vétérans et celui de patients du grand public?
Je ne suis pas experte dans ce domaine, et la Commission n'a pas mené de recherche à ce sujet. Nous savons que les taux sont plus élevés dans les communautés de vétérans, mais nous n'avons pas pris de mesures spéciales pour y faire face.
J'ai trouvé que vous aviez vraiment raison de dire dans votre témoignage que vous voudriez une meilleure sensibilisation des fournisseurs de soins partout au Canada afin qu'ils soient tous au courant des programmes offerts aux anciens combattants et aux militaires. Comment voyez-vous la mise en oeuvre de ce genre d'initiative auprès des fournisseurs de soins partout au pays? Pensez-vous qu'il faudrait engager la collaboration des provinces, ou des ordres professionnels? Qu'en pensez-vous?
C'est une question extrêmement complexe. Nous espérons que grâce au financement prévu dans l'accord sur la santé, nous pourrions réunir les connaissances. À l'heure actuelle, nous avons certaines régions des provinces et territoires qui recueillent d'excellentes données, et pourtant la province A n'a aucune idée de ce que fait la province C.
À l'aide de ces fonds, nous espérions créer quelques indicateurs afin que toutes les provinces et tous les territoires recueillent les mêmes données de la même façon. Les choses ne se passent pas ainsi à l'heure actuelle. Nous pourrions alors aborder les problèmes à l'échelle nationale. Il est difficile de discuter avec des représentants d'autres nations. Ils nous félicitent de mener tel programme, mais nous devons leur expliquer qu'il n'est offert qu'à trois ou quatre endroits.
Je vous décris là l'un des besoins de la Commission. Nous avons essayé de combler cette lacune avec les données de notre centre d'échange du savoir — et nous avons fait de bons progrès —, mais ce n'est qu'un début. Nous devrions nous concentrer sur ce problème et fixer des objectifs.
Merci beaucoup.
Monsieur Mantler, je crois que c'est vous qui nous avez parlé des programmes de premiers soins pour les vétérans et leurs familles. Il semble que de 14 cours offerts en une année partout au pays, vous passez à 40 cours que vous préparez maintenant. C'est une augmentation énorme. Pourriez-vous nous donner une idée des résultats et des commentaires que vous avez reçus à la fin de ces 14 premiers cours? Quel succès a ce programme?
En élaborant ces cours de premiers soins en santé mentale pour les vétérans et pendant cette première année de mise en oeuvre, nous avons effectué une vaste collecte de données de recherche. Nous savons déjà que les participants sont très heureux de ce qu'ils y ont appris.
Nous savons aussi que ces cours de premiers soins en santé mentale ont été adaptés aux diverses populations du pays, comme les aînés, les jeunes, les Premières Nations, les Inuits, etc. Nous savons d'ores et déjà que près de 250 000 Canadiens ont reçu cette formation de premiers soins en santé mentale. Tous les résultats de ces nombreuses occasions de formation offertes partout au pays se sont avérés positifs.
Selon vous, est-il important d'offrir ce programme dans toutes les collectivités rurales et éloignées, et non uniquement dans les grands centres? Je suppose que les 14 premiers cours ont eu lieu un peu partout au pays et que les 40 nouveaux cours seront offerts dans des collectivités qui n'avaient peut-être pas été choisies la première fois.
Nous avions choisi les 14 premières collectivités parce qu'on y trouve une population importante de vétérans. Ceux-ci s'y regroupent tout naturellement, alors plusieurs de ces collectivités se situent près d'une base. L'année prochaine, nous pourrons élargir le choix des endroits où nous offrirons ce cours.
Comme dans le cas de tous les cours de premiers soins en santé mentale, nous visons à répondre aux besoins du marché. En établissant un réseau de formateurs partout au pays, nous aurons la souplesse d'offrir cette formation partout où elle s'avérera nécessaire.
Madame Weber, je vous remercie d'être venue témoigner aujourd'hui.
J'ai une question au sujet des normes appliquées aux chiens de service. Si j'ai bien compris, on se demande, au ministère des Anciens Combattants, s'il faudrait fixer des normes pour les chiens de service. Qu'en pensez-vous? Comment s'y prendrait-on pour le faire?
Je vous dirai que je ne suis pas experte en chiens de service. Nous nous concentrons sur des chiens de thérapie et non sur des chiens de service, parce que les règlements ne sont pas très clairs entre...
Il faut établir une norme. Nous demandons une norme spéciale pour les chiens de thérapie. Le cas des chiens de service est un peu différent, parce que ces chiens apprennent à accomplir des tâches qui ne correspondent pas à leur comportement naturel. Par exemple, on peut enseigner à un chien de service à pousser sur un interrupteur pour mettre de la lumière dans une salle, ou alors à entrer dans la salle sombre pour en examiner tous les recoins et à revenir indiquer à son nouveau maître qu'il peut y entrer en toute sécurité.
Nous n'aurons pas de tâches inhabituelles à enseigner aux chiens de thérapie. Mais nous offrirons à tous les vétérans — et en fait à toutes les personnes qui viendront demander notre aide — une formation spéciale qu'ils pourront reproduire chez eux s'ils désirent enseigner une tâche particulière à leur chien.
Les règlements sur les chiens de service ne sont pas clairs du tout d'une région à une autre au Canada. Ici, en Colombie-Britannique, la province a lancé une évaluation fantastique. On évalue tous les chiens de service pour éliminer les possibilités de fraude et les problèmes qu'un dressage inadéquat pourra causer.
J'ai une question pour M. Merali, puis une autre pour la Dre Thirlwell.
Monsieur Merali, nous avons traité de nombreux vétérans qui avaient pris le médicament antipaludique méfloquine, qui provoque des lésions permanentes dans le tronc cérébral ainsi que des symptômes similaires à ceux du trouble de stress post-traumatique. Les États-Unis, l'Angleterre, l'Australie et l'Allemagne ont restreint ou même interdit la prescription de médicaments antipaludiques. L'été dernier, Santé Canada a modifié l'étiquette de la méfloquine pour indiquer qu'elle peut causer des lésions cérébrales, de la dépression, des hallucinations, des cauchemars, un comportement psychotique ainsi que de nombreux autres effets secondaires comme des idées suicidaires. Nous avons observé un lien très étroit entre les taux de suicide et la consommation de méfloquine.
Nous avons traité David Bona, un vétéran du Régiment aéroporté en Somalie. Il nous a dit qu'après 20 ans de traitements du trouble de stress post-traumatique, il a passé une scintigraphie et qu'il reçoit enfin un traitement qui le soulage. Il comprend maintenant qu'il était intoxiqué par la méfloquine, qui provoque des lésions dans le tronc cérébral.
Dans le travail que vous accomplissez dans ce domaine et après avoir examiné les résultats de votre étude, est-ce que votre organisme a envisagé d'effectuer des imageries cérébrales pour détecter la toxicité de la méfloquine et les lésions qu'elle provoque?
Oui, votre observation est très intéressante, et ce problème est inquiétant.
Non, personne ne nous a demandé de faire cela. Nous fournissons une plateforme qui, au cours des cinq années à venir, ne servira qu'à faire de la recherche. Quiconque mène un projet de recherche sur un trouble qui influe sur le fonctionnement du cerveau peut s'en servir, et nous aidons les utilisateurs. Cependant, personne ne nous a demandé d'effectuer des scintigraphies des cerveaux de gens qui ont pris des médicaments antipaludiques.
Vu les préoccupations que cause ce médicament, si le gouvernement commandait ce type d'étude, il serait possible de le faire.
Parfait, merci beaucoup.
Docteure Thirlwell, ce que vous nous avez présenté aujourd'hui m'a beaucoup intéressée. Je crois que notre comité cherche principalement un moyen efficace de traiter le trouble de stress post-traumatique et le suicide.
On parle beaucoup de la notion d'endurcir les soldats. Ne pourrions-nous donc pas les « reconstruire » quand ils reviennent, en faire de fiers vétérans? Pendant que vous parliez de la possibilité de... j'étais en train de griffonner « attaque ou fuite », et tout de suite après vous avez parlé de faire sortir les patients de ce figement.
Je voudrais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet. Cependant, je voudrais aussi souligner une chose. Dans vos notes d'allocution, vous indiquez qu'il est possible de traiter le trouble de stress post-traumatique et la dépression; autrement dit, on peut aussi les prévenir. Par conséquent, une grande partie de la souffrance provient des crises qu'ils provoquent, puisque ces troubles font déjà leurs ravages au fond de la personne.
Pourriez-vous approfondir cette notion?
Je vais revenir à vos questions sur les différences du traitement du trouble de stress post-traumatique chez les vétérans et chez les membres du public. Je me spécialise en neuroscience; je suis avant tout neuroscientifique, et non clinicienne. La médecine fonctionne à partir de dogmes. Nous avons gagné des guerres grâce à l'innovation; il nous faut de l'innovation en médecine.
Lorsque le cerveau se fige sur l'attaque ou la fuite, ce figement se manifeste dans la partie reptilienne du cerveau, qui n'est pas reliée aux centres plus développés qu'influence la thérapie cognitivocomportementale et qui permettent de communiquer avec autrui. Les civils n'ont pas ce figement d'attaque ou de fuite, mais les militaires l'ont. Tant que nous ne faisons pas sortir les militaires de ce figement, les traitements qui soulagent les civils n'ont aucun effet sur eux. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de les libérer de ce figement.
Je vous prie de vous renseigner sur la Théorie polyvagale de Stephen Porges. Vous comprendrez que le figement d'attaque ou de fuite se trouve dans le tronc cérébral, la section reptilienne du cerveau. Dans cette partie du cerveau, le système nerveux autonome est déréglé, il passe dans la section limbique du cerveau qui régit les émotions et ne peut pas accéder à la section frontale où se trouvent les indices sociaux. Si nous sommes figés en mode d'attaque ou de fuite, nous ne pouvons pas accéder à ces autres parties du cerveau, et nos fonctions d'exécution ne peuvent pas contrôler ces émotions; elles ne peuvent pas maîtriser ce mode d'attaque ou de fuite, ce qui explique les explosions de colère et les agressions physiques.
La Théorie polyvagale des émotions porte aussi sur le traumatisme d'attachement. Pendant leur formation, nous avons détaché ces militaires de leur coeur pour qu'ils soient capables de tuer. Pour les réinsérer dans la société, il faut les déprogrammer afin qu'ils communiquent à nouveau avec leur coeur. C'est pourquoi je suggère que nous les affections à des missions positives. Cela explique aussi l'incroyable efficacité de la thérapie par les chiens; les militaires peuvent enfin s'attacher à un être auquel ils font confiance. Nous utilisons aussi les chevaux, la thérapie équine, qui est très efficace. Ensuite, nous appliquons une thérapie de « neurofeedback », qui vise aussi l'attachement. Lorsque les militaires sortent du figement d'attaque ou de fuite et qu'ils réapprennent à s'attacher, ils réussissent de nouveau à utiliser leurs fonctions d'exécution. Mais tant qu'ils restent figés en mode attaque ou fuite, ils ne peuvent pas se rétablir. Ce figement peut découler d'un traumatisme physique, mental, émotionnel, ou avoir été causé par un médicament, par des virus ou par des bactéries.
Voilà pourquoi les études du sommeil sont si utiles. Nous pouvons détecter cela avant, pendant et après le déploiement des soldats. C'est pourquoi notre programme comprend des études du sommeil. Nous pouvons déterminer le degré d'instabilité du figement d'attaque ou de fuite, qui est régi par le système nerveux autonome. On a toujours pensé qu'il était impossible de contrôler ce système, mais il est possible de le contrôler en pratiquant le yoga et d'autres types de thérapies. Les résultats d'études scientifiques ont prouvé que ces thérapies réussissent à activer notre système nerveux parasympathique. C'est pourquoi, comme vous l'avez suggéré, il est si important de détecter ces facteurs avant de déployer les soldats et quand ils rentrent de mission. Ils devraient subir une étude du sommeil et une scintigraphie dès qu'ils sortent de l'avion.
Je suggère aussi qu'ils subissent une imagerie par SPECT-II. Cette technique n'a pas très bonne réputation, mais elle est à l'avant-garde de la neuroscience. Elle signale les changements de connectivité les plus subtils qui surviennent dans le cerveau et que les imageries par résonance magnétique — et même les tomographies par émission de positrons — ne détectent souvent pas.
Oui, nous pouvons en faire la demande.
Pourriez-vous nous faire parvenir cette étude ou la transmettre au greffier, je vous prie? Merci.
Mme Lockhart partagera son temps de parole avec M. Bratina.
Merci beaucoup. Nous avons le plaisir d'accueillir de nombreux professionnels ici, aujourd'hui, qui pourront répondre à une foule de questions.
Je veux enchaîner sur ce que vous venez de dire. De quelles balises de référence vous servez-vous maintenant pour évaluer la réussite du genre de thérapie que vous utilisez pour traiter les participants?
Nous avons recours à de multiples tests d'auto-évaluation, mais j'envisage maintenant d'utiliser un bracelet du MIT qui permet de surveiller le système nerveux autonome. Les participants à notre programme pourraient le porter pendant la durée du programme pour nous permettre d'obtenir des données plus objectives sur notre contribution aux réflexes « lutte ou fuite » et « repos et reprise ».
À ce moment-ci, il faut revenir à la nécessité de mener d'autres travaux de recherche, alors nous nous employons toujours à approfondir ce corpus de recherche.
D'accord, très bien.
Vous avez également mentionné l'atelier axé sur la culture des Forces armées canadiennes.
Pouvez-vous préciser? C'est la première fois que j'en entends parler.
Afin de favoriser le rapprochement avec un militaire, il faut instaurer un climat de confiance. Or, on ne gagne pas si facilement cette confiance. Voilà pourquoi nos patients font toujours dos au mur, le regard tourné vers la porte.
Un thérapeute doit comprendre le milieu d'où viennent les militaires. Le langage que nous employons est différent. Ils s'expriment par des acronymes de trois lettres. Si on ne comprend pas leurs propos, comment peut-on leur venir en aide?
À l'heure actuelle, nous offrons un programme d'immersion de huit heures sur le jargon militaire, la structure des grades, la confrérie, la famille, la fraternité et la sororité, la dynamique au sein des unités, les régiments et le milieu militaire dans son ensemble.
Si vous mettez en présence dans un bar un fantassin, un aviateur et un marin, il y a des chances qu'ils se battent entre eux, mais si un péquin, un civil, s'en prend à l'un d'eux, les autres se porteront à son aide.
Vous l'avez conçu; eh bien, on tient à vous en remercier.
Si l'on revient à la question sur les travaux de recherche, j'ai également une question sur le recours à un chien de thérapie. À quelle étude avez-vous eu recours pour élaborer votre programme?
Des travaux de recherche ont cours depuis de nombreuses années partout aux États-Unis et ailleurs. Puisque mon rôle consiste à effectuer ma propre recherche à l'aide de divers programmes éprouvés qui sont diffusés, je suis en mesure de m'en inspirer pour les utiliser ici au Canada.
Pendant plusieurs années, je me suis rendue partout aux États-Unis et ailleurs et j'ai consulté d'autres organismes qui déploient exactement les mêmes efforts et le travail ne cesse d'évoluer. Les choses s'améliorent. D'autres études sont menées afin de confirmer l'efficacité des chiens. Voilà pourquoi nous avons décidé de poursuivre dans cette voie et nous savons que des efforts sont menés depuis de nombreuses années et qui en démontrent l'efficacité.
Au sujet du TSPT, le trouble de stress post-traumatique, la question est bien entendu un peu différente. C'est un nouvel enjeu. Les études abondent.
On a recours à des chiens de service pour le traitement du TSPT et les chiens sont dressés pour exécuter des tâches précises. Nous nous sommes rendu compte qu'à de nombreuses reprises le chien de service n'est pas nécessaire pour traiter les cas de TSPT, mais la présence d'un animal aidant très bien dressé est de mise. C'est ce que nous avons présumé en consultant les études.
Je tiens à préciser que de nombreux témoignages que nous avons recueillis ont porté sur des problèmes et sur des études et des solutions potentielles. Cela est très positif. Je suis persuadé que nous sommes tous d'accord pour dire que la rencontre d'aujourd'hui est fructueuse.
Madame Bradley, je reprendrai souvent ce que vous nous avez dit: « La province A ne sait pas ce que fait la province B. »
Des voix: Oh, oh!
M. Bob Bratina: À Hamilton, il y a 10 ans, on a constaté un excès de plomb dans l'eau. Cette semaine, des municipalités partout au Canada ont été informées que l'eau potable contient du plomb: « Eh bien, comment allons-nous régler ce problème? » Nous nous sommes déjà penchés sur cette question il y a 10 ans.
Je vais maintenant m'adresser à M. Merali. Je sais que l'exposition au plomb à des niveaux généralement considérés comme sans danger fait l'objet d'études plus récentes qui démontrent que cette situation est problématique, en particulier dans des cas de dépression et de dérèglement du comportement. Vous avez travaillé sur l'imagerie du cerveau. Je sais que certains des autres chercheurs ont constaté une atrophie du lobe frontal.
Dans le cas qui nous intéresse, existe-t-il des prédicteurs du comportement que vous pourriez tester, même chez les recrues ainsi que chez les vétérans pour savoir s'ils risquent d'être prédisposés à des troubles mentaux?
Oui.
Je crois qu'il s'agit là d'une question très importante et tendancieuse, en ce sens que, si l'on est en mesure de détecter un problème, alors que pourrait-on faire? J'ai discuté avec le personnel de notre centre militaire en santé mentale et l'un des échanges visait à savoir si une personne est susceptible d'être à risque, est-ce que cela signifie que celle-ci ne sera pas déployée? S'agirait-il de la bonne chose à faire?
C'est une question à laquelle il faut répondre. Je n'ai pas de réponse pour vous, mais cet enjeu porte à réflexion. Je crois que nous devons être en mesure d'assurer une surveillance, d'examiner les facteurs de risque et de résilience, et cela va de soi, mais à savoir si nous appliquons cette mesure avant un déploiement est une autre question plus tendancieuse.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Champion, merci pour vos états de service.
Je vous remercie tous de votre présence ici.
Le temps est compté et j'ai toute une liste de questions de quelques pages.
Tout d'abord, ma question s'adresse à M. Mantler et à Mme Bradley. Pouvez-vous me dire quel est le pourcentage des services que vous offrez aux vétérans? En avez-vous fait le calcul? Grosso modo, vous représentez la Commission de la santé mentale du Canada et vous vous intéressez à la question de la santé mentale dans tous les domaines, mais dans quelle mesure viserait-on les vétérans? Peut-être que ce sujet m'a échappé.
Je vais commencer.
Nous n'offrons pas de services comme tels. Les programmes Premiers soins en santé mentale et RVPM consistent à former les formateurs. Nous venons de créer un programme pour les vétérans.
Voulez-vous nous en dire plus?
Au sujet des programmes de la Commission, une grande partie du travail vise l'échange de données, le regroupement des travaux de recherche et la diffusion des résultats de recherche pour en assurer la mise en application et, dans ce contexte, toute la population canadienne est visée. Il est difficile de préciser quel pourcentage est destiné aux vétérans ou non. Une grande partie des efforts déployés par la Commission est axée sur les milieux de travail.
Très bien, merci.
Monsieur Merali, les gens sont très visuels et, quand vous présentez des données comme celles-là, ils en découvrent toute l'importance et admirent vos beaux tableaux aux couleurs rouge et verte. Je possède une brève formation en recherche et je m'intéresse à cette étude. Je me demande, au sujet de l'étude de TEP, quelle était la taille démographique de l'étude? Il s'agit d'un instantané d'un individu, mais, de manière généralisée, quel serait le pourcentage de personnes qui aurait ce genre de...?
Je crois que l'une des études a porté sur quelque 32 participants dans le groupe de traitement par rapport aux témoins appariés.
Ces données sont les résultats d'études sur des personnes ayant un trouble de stress post-traumatique et sur un groupe témoin. Avez-vous déjà mené des travaux auprès d'un groupe de personnes ayant un lourd passé de consommation d'opiacés?
Nous n'avons pas effectué d'étude. Au Royal, il existe un programme de traitement contre la dépendance aux opiacés. En ce qui concerne les études par imagerie, nous n'avons pas mené de recherche.
Avez-vous une étude sur des vétérans qui auraient pu consommer du cannabis dans une certaine mesure?
Non. Le centre d'imagerie dispose d'un équipement d'imagerie multimodal permettant, grâce à un même appareil, de faire des IRMf, des TEP, des analyses SPECT ainsi que des EEG. Il s'agit d'équipement très perfectionné et nous nous affairons à renforcer la capacité pour accueillir des spécialistes qui peuvent effectuer différentes modalités d'imagerie. Dans le cas de l'imagerie TEP que vous voyez là, la personne qui a mené cette étude fait maintenant partie de notre équipe, et c'est exactement ce que nous envisageons de faire.
Vous avez mentionné que les travaux portent largement sur les récepteurs cannabinoïdes. Vous avez soulevé la question selon laquelle la recherche existante est limitée dans le cas des avantages ou de l'absence d'avantages liés à la consommation de cannabinoïdes et à l'utilisation de cannabis par les vétérans, et ce, quelle qu'en soit la raison. Selon vous, serait-il valable de mener cette étude que les membres de ce comité pourraient consulter et qui porterait non seulement sur la consommation de cannabinoïdes, mais également sur les effets pouvant être attribuables à une modification de la consommation, passant de 10 grammes, à 5 grammes et à 3 grammes?
Oui, tout à fait. Je crois que c'est crucial. La consommation chez les personnes est étayée par diverses anecdotes. Certaines personnes estiment que cela est très bénéfique, mais il n'existe aucune étude à large échelle qui examine l'efficacité clinique, à savoir si le produit est vraiment efficace de façon mesurable et, surtout, si la sécurité pose problème à la suite de la consommation de cannabinoïdes. On a observé d'autres effets, notamment des effets cognitifs et des effets sur la concentration ainsi que le sommeil, et ces questions méritent que l'on s'y attarde.
Merci.
Madame Weber, je n'ai pas vraiment saisi à quels coûts vous faisiez allusion pour assurer la mise en service des chiens de thérapie.
Selon les prévisions établies, les coûts liés aux chiens de thérapie vont de 2 500 $ à un montant maximal de 3 500 $. Les coûts varient selon la provenance du chien et selon que l'animal a été stérilisé ou pas. Nous aurons tous les accessoires et médicaments nécessaires et, bien entendu, nous assumerons les frais d'hébergement et du dresseur où l'animal sera hébergé. Fait à mentionner, nous pouvons réduire ces coûts dans les cas où des vétérans peuvent offrir leurs services et auprès des fabricants d'aliments pour chiens, de colliers, de cages et de tout genre d'accessoires dont nous avons besoin. Les coûts vont de 2 500 $ à un montant maximal de 3 500 $ par animal. Le bénéficiaire est ensuite responsable d'assumer les frais pour l'achat d'autres aliments ou les visites chez le vétérinaire qui s'imposent.
Merci beaucoup. Encore une fois, j'aimerais m'adresser à Mission Butterfly. J'ai l'impression qu'il s'agit d'un ensemble global de programmes. Je me demande seulement combien de vétérans ont participé au programme de 12 jours? Si vous l'avez déjà mentionné, je vous prie de m'excuser, mais je n'ai pas saisi l'information. Savez-vous combien de vétérans y ont participé?
Nous entamons à peine le premier programme destiné aux vétérans cet été. Les militaires ont un peu tardé à manifester leur intérêt. Actuellement, nous ciblons en premier les vétérans en service. Un programme sera lancé en mars et il est destiné aux premiers intervenants. Bien que notre organisation soit nouvelle, tous les thérapeutes comptent une vaste expérience en thérapie pour traiter le trouble de stress post-traumatique et nous veillons à les réunir sous un même toit.
D'accord. Il y a eu une hésitation à envisager votre programme. Est-ce parce qu'il est différent ou novateur?
Je crois que le coût total s'élève à 43 000 $ par participant, car il doit être logé et puis il y a la thérapie équine, sans compter tous les autres frais.
C'est vrai et nous revenons aux mesures de prévention et à la façon dont nous pouvons venir en aide aux gens.
Merci beaucoup.
Madame Weber, sur la question des chiens, le recours à des chiens de refuge a piqué ma curiosité. Pourquoi vous servez-vous de ces animaux? Sont-ils plus sensibles aux besoins émotionnels d'un vétéran ou d'une victime d'un trouble de stress post-traumatique? Comment pouvez-vous expliquer que vous utilisez ce genre particulier de chiens?
Nous nous servons des chiens de refuge pour la simple et bonne raison qu'il existe de nombreux chiens non désirés et négligés partout au pays. Nous respectons un protocole très précis relativement aux animaux que nous utilisons et donc ce ne sont pas tous les chiens de refuge qui seront approuvés pour notre programme. De bons comportements et un bon tempérament s'imposent et aucune race agressive n'a été retenue pour le dressage des animaux. Alors, ce n'est qu'une question de sauver un animal qui viendra en aide à un vétéran. Le fait de savoir qu'il a également sauvé un animal représente un autre type d'émotion qui peut aider le vétéran.
D'accord. Merci.
Monsieur Merali, il a été question du recours à la marijuana à des fins thérapeutiques et, bien entendu, la discussion a été vive comme vous l'avez mentionné. À ACC, a-t-on abordé cette question d'une quelconque façon dans des essais cliniques? Nous savons que le THC est utilisé davantage à des fins récréatives. A-t-on demandé quelle est la différence entre ce composant et le CBD, pour déterminer ce qui devrait être disponible?
Il s'agit là d'une excellente question. Vous connaissez évidemment bien le domaine. On compte divers composants dans la plante à teneur en THC et nous devons en faire l'étude avec une grande attention. À la lumière des études sur les effets de la marijuana, on apprend que toutes les souches ne sont pas les mêmes, car il existe différents composants. Le THC et le CBD constituent les deux ingrédients actifs dotés de propriétés différentes et nous ne comprenons pas exactement les avantages et les inconvénients des différents composants. Il serait très intéressant d'étudier les différents types de mélanges dans une quantité donnée afin de savoir de quoi il retourne. Si l'on décide de s'en tenir seulement à une étude sur la marijuana, la question revient à savoir si une variété de marijuana ici serait pareille à celle que l'on retrouvera à Toronto ou à Vancouver et les résultats pourraient donc ne pas être transférables. Il faut donc étudier au départ les composants réels de façon dosée comme dans le cas d'un traitement médicamenteux afin de savoir ce à quoi on a affaire. Après avoir obtenu des réponses claires, on peut jumeler les souches de la marijuana au profil particulier recherché.
L'Université de la Colombie-Britannique est en train de conduire une étude par l'entremise d'un des producteurs agrées, soit Tilray. Je pourrais vous fournir le nom des responsables de l'étude si vous le désirez.
Cela conclut les témoignages pour aujourd'hui. Si vous voulez apporter des précisions à votre témoignage ou à ces études, vous pourrez transmettre ces renseignements au greffier qui les remettra aux membres du Comité.
Au nom des membres du Comité, je tiens à remercier tous les participants des quatre organismes pour leur grande contribution qui profite aux femmes et aux hommes qui servent notre pays.
Sur ces paroles, une motion doit être proposée pour lever la séance.
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