ACVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent des anciens combattants
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 12 mai 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bonjour, tout le monde, et merci d’être présents. Nous avons beaucoup de pain sur la planche aujourd'hui. Trois organisations différentes comparaissent par téléconférence, et une autre est sur place. Si vous regardez l’écran, je vais commencer par vous présenter les témoins.
Tout d’abord, nous accueillions en personne les représentants du Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens : Michael Blais, président et fondateur, et Sylvain Chartrand, directeur. Nous recevons ensuite Dana Batho, administratrice du groupe Send Up the Count, qui témoigne par vidéoconférence à partir de Victoria. Nous avons aussi Matthew Harris, qui représente 31CBG Veteran Well-Being Network. Enfin, nous accueillons Kimberly Davis, directrice de la Canadian Caregivers Brigade, qui se trouve à Halifax.
Nous allons procéder comme précédemment, et chaque intervenant aura 10 minutes. Nous allons commencer par Mme Dana Batho, du groupe Send Up the Count.
Je vous invite également aujourd'hui à préciser à quelle organisation s'adressent vos questions. Si vous souhaitez que tout le monde réponde, veuillez le préciser. Nous pourrons ainsi respecter le temps alloué.
Chaque organisation dispose de 10 minutes. Vous n’êtes pas tenus d’utiliser la totalité du temps si vous n’avez pas suffisamment d'information à donner. Je vais vous faire signe lorsque la fin approchera.
Nous commençons donc par Mme Dana Batho, du groupe Send Up the Count, qui témoigne par vidéoconférence.
Je m'appelle Dana Batho, et je représente Send Up the Count, un groupe Facebook qui a vu le jour en décembre 2013 en réponse à une vague de suicides de militaires, qui tombaient les uns après les autres juste avant Noël.
Nous sommes six administrateurs, mais je suis la seule ancienne combattante. J’ai quitté les forces en août dernier. J’ai été libérée pour raisons médicales, étant donné que je me suis blessée au cou lors d'un entraînement.
Send Up the Count aborde tous les aspects de la santé mentale des militaires, des anciens combattants et des premiers intervenants, y compris la dépression, l'état de stress post-traumatique, ou ESPT, d'autres blessures de stress opérationnel, ou BSO, et ce genre de choses, de même que les questions relationnelles et financières. Nous ne refusons vraiment personne, pour autant qu'il s'agisse d'un militaire ou d'un premier répondant. Nous abordons n’importe quelle question. La page est fondamentalement un banc d'essai, un groupe de soutien par les pairs et une banque de ressources. En effet, de nombreuses ressources sont répertoriées. Bien des gens trouvent cela vraiment utile puisqu’ils peuvent consulter à un seul endroit une liste impressionnante des ressources auxquelles ils ont droit, plutôt que de chercher partout.
Le groupe en soi est apolitique et n’a rien à voir avec l’argent. Nous avons tout fait sans le moindre financement. Le groupe se compose de gens qui s'entraident, qui ont vécu la même chose et qui veulent se soutenir mutuellement.
Pour ma part, je suis relativement nouvelle dans le système d'Anciens Combattants Canada, ou ACC, et j’apprends encore bien des choses sur les différents systèmes, entre autres. Voici une de mes principales préoccupations : il y a un écart considérable entre ce que le personnel d’ACC nous dit avant notre départ des forces — à l’Unité interarmées de soutien au personnel, ou UISP, aux séminaires du Service de préparation à une seconde carrière, ou SPSC, et à ce genre de séances d'information — et les renseignements qu'ACC nous donne après notre sortie.
Par exemple, on m’avait dit que je devrais probablement rembourser près de 9 000 $ en massothérapie qui m'avaient été affectés par erreur — ce n'était pas ma faute —, et on m’a également assurée, avant mon départ, que tous les médicaments seraient couverts par mon indemnité d’invalidité. Hier encore, j’ai payé des médicaments qui auraient dû être couverts. C'est tout un obstacle. La situation représente un problème de taille pour des personnes qui doivent déjà composer avec toutes sortes d'enjeux. Personne n’a besoin de se faire dire une chose d’un côté, et puis autre chose de l’autre côté. Cela rend encore plus difficile une situation qui est déjà très pénible.
Il y a un autre problème majeur : l'accès aux ressources peut être très long, plus particulièrement pour les questions de santé mentale. Personnellement, je souffre de douleur chronique étant donné que je me suis blessée il y a quatre ans. J’ai demandé un soutien psychologique en novembre, et j’attends toujours d’obtenir un rendez-vous avec un intervenant. C’est vraiment long pour une personne qui attend de l'aide.
Les militaires n'ont pas tendance à demander de l’aide facilement, et lorsqu'ils le font, ils sont souvent au bout du rouleau. C’est un phénomène que j’ai remarqué à maintes reprises au sein du groupe Send Up the Count. Les gens sont déjà à bout de nerfs au moment où ils songent à demander de l’aide. Par conséquent, disons qu'attendre quatre ou cinq mois entre la demande d’aide et le rendez-vous avec un intervenant peut être très problématique pour bien des gens. Voilà qui engendre beaucoup plus de stress que nécessaire, et de douleur physique dans mon cas.
Il y a tout de même des choses qu’ACC fait très bien. Je peux dire que les employés de l'organisation tentent vraiment d'aider les gens sous leur aile, mais le système comporte beaucoup de lacunes. Mon gestionnaire de cas a pris sa retraite, et personne ne m'a dit qui le remplaçait même un mois plus tard. C’est donc une des lacunes.
Je trouve très utile de pouvoir remplir les formulaires en ligne étant donné que je ne peux plus écrire et que je ne peux pas faire grand-chose physiquement, mais il y a des problèmes de technologie. Entre autres, les formulaires ne s’ouvrent qu'avec certains navigateurs. Je suis assez douée avec la technologie. Je travaillais comme agente de renseignements et analyste de la cybermenace pour Transports Canada, de sorte que je maîtrise la technologie. Si j’ai moi-même de la misère à accéder à certains services en ligne, je suis persuadée que d'autres personnes ont des problèmes aussi à ce chapitre.
Voilà essentiellement mes principales préoccupations à l'heure actuelle. En ce qui concerne l’accès au gestionnaire de cas, le système en ligne pour le joindre n’est pas fameux non plus. Il paraît que les gestionnaires de cas ne vérifient pas souvent leurs courriels, dans le cas où un ancien combattant passe par le système en ligne. Par ailleurs, le téléphone est loin d'être idéal étant donné qu'il faut passer par un téléphoniste et lui raconter sa vie avant d'être mis en communication avec le gestionnaire. Il y aurait moyen de simplifier grandement ce processus.
Comme je l'ai dit, je constate que le personnel essaie vraiment d'aider les gens, mais il semble y avoir bien des lacunes quant à la façon dont ils peuvent s'y prendre.
C’est tout ce que j'ai à dire pour l’instant.
Bonjour, tout le monde. C’est maintenant la troisième fois que je m'adresse à vous. Je vous ai soumis un mémoire en mai dernier, et j'ai témoigné en avril.
La Canadian Caregivers Brigade a vu le jour parce que nous avons constaté que les familles avaient du mal à trouver des ressources. Nous ne recevons d'argent d'aucun organisme ou gouvernement. Nous avons créé un site Web qui présente les diverses ressources à la disposition des aidants naturels et de leur famille; il s'agit donc d’un site qui regroupe l'ensemble des ressources.
Nous travaillons personnellement avec de nombreuses familles pour les aider à s'y retrouver au sein d'ACC. Nous ne le faisons ni pour les éloges, ni pour les récompenses, ni pour les médailles, mais plutôt pour contribuer à améliorer la qualité de vie des familles aux prises avec une incapacité, et pour les aider à faire la transition. Si les gens ont du mal à trouver quelque chose, nous sommes là pour les aider. Nous savons comment procéder, et nous connaissons le système.
Je vais vous parler de mon expérience, pour que vous compreniez pourquoi je tiens tellement à travailler au sein de cette organisation et que vous sachiez depuis combien de temps je vis avec mon mari blessé.
J’ai rencontré mon mari en 1991, et j'avais 17 ans à l'époque. Il a été déployé en Bosnie en 1993, alors que j’avais 19 ans et que lui en avait 21. Il n'avait ni grade ni entraînement au combat. Oh, pardonnez-moi; il avait passé un mois à Québec pour apprendre à utiliser une arme à feu pour se protéger.
Je l’ai épousé en 1994, à l'âge de 20 ans, et j'en ai maintenant 43. Je compose donc avec son état psychologique depuis 23 ans, soit plus de la moitié de ma vie. Il lui a fallu presque autant de temps à reconnaître qu’il souffrait d’une maladie. Lorsqu'il a été libéré des forces, il se trouvait dans la catégorie normale même si les papiers du médecin indiquaient qu’il devait être libéré pour cause de stress et d'anxiété.
En fait, j’ai réussi à convaincre le ministère de la Défense nationale, ou MDN, d'infirmer sa décision puis de le libérer pour cause d'invalidité. Je me suis battue pour cela afin qu’il puisse toucher sa pension. Les militaires qui sont libérés sans pension n’ont pas d’argent et ont des difficultés.
Nous avons constaté qu'un des problèmes se rapporte à la paperasse, comme toutes les organisations vous le diront. Vous voudrez probablement savoir si les choses ont évolué et se sont améliorées à ce chapitre, et la réponse est non. Même si le nombre de pages des documents a été réduit, les formalités administratives représentent toujours un défi.
Un ancien combattant ne remplit pas bien des formulaires dans sa carrière à moins d'avoir été un commis au sein des Forces canadiennes — et je connais même des commis qui ont encore du mal à s'y retrouver dans la paperasse. Or, le ministère demande maintenant aux anciens combattants blessés de remplir toutes sortes de demandes. Je le sais étant donné que j’aide à les remplir.
L’autre problème entourant ces demandes se rapporte aux questions qui sont posées. Les questionnaires sur la qualité de vie peuvent sembler être une bonne façon d'évaluer comment un ancien combattant se porte sur une base quotidienne. Ce sont malheureusement les anciens combattants eux-mêmes qui les remplissent, et non pas des professionnels de la santé, alors que ces questionnaires servent à déterminer la gravité d’une maladie. En d’autres termes, on demande aux anciens combattants de se diagnostiquer eux-mêmes sur le plan médical. Or, ces formulaires devraient être remplis avec l'aide d'un fournisseur de soins pour aider l'ancien combattant à comprendre le sens général des mots ou des questions.
Voilà ce qui se passe du côté de l’ancien combattant. Parlons maintenant des fournisseurs de soins.
Croyez-moi, j'entends toutes sortes de choses de la part des fournisseurs de soins de mon mari. Les médecins sont inondés de paperasse, ce qui monopolise un rendez-vous qui devrait plutôt servir à améliorer le bien-être du patient. J’ai personnellement discuté avec bon nombre de médecins qui refusent maintenant les anciens combattants parce qu’ils n’ont ni le temps ni la patience de s'occuper d'eux. Je peux vous lire une note d'un médecin tirée du dossier de mon mari. Voici très brièvement ce qu'il dit :
Je traite plusieurs patients qui ont le même genre de problèmes avec ACC, et ce « mur de briques » me donne mal à la tête!
Sa lettre dit aussi ce qui suit :
Je vais de l'avant avec une gouttière dentaire, et j'espère qu'ACC entendra raison, étant donné que c’est une solution pour la douleur et que cela permet d'économiser de l’argent. J’espère toutefois recevoir le remboursement de frais professionnel qui convient avant d'être trop vieux pour en profiter.
C’est dans le dossier de mon mari, et je vous invite tous à en prendre connaissance. C’est une lettre de son orthodontiste.
Les ministères provinciaux de la Santé s'en prennent maintenant aux fournisseurs qui soignent les anciens combattants. J’ai parlé à quelques médecins de famille qui ont reçu des décisions faisant suite à une vérification et à un examen du ministère de la Santé provincial, et ils sont désormais pénalisés pour les rendez-vous de routine, comme des renouvellements de prescription, ce qui est à la base.
Le ministère de la Santé affirme que les médecins devraient facturer ACC. Ces médecins ont maintenant écopé de pénalités de plus de 15 000 $ pour avoir traité des anciens combattants. Encore une fois, pourquoi les médecins refusent-ils les anciens combattants?
Parlons de temps d’attente. Qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce l’approbation de la demande initiale de services de santé? Qu’en est-il du temps d’attente pour obtenir une évaluation? Ces anciens combattants et leur famille n’ont pas le temps d’attendre. L’arrêt des services de santé peut faire la différence entre une douleur soulagée ou ravivée, et même entre la vie et la mort.
Les fournisseurs de soins de santé remplissent des formulaires de prolongation de la période de prestations, après quoi ils doivent attendre 30, 60 ou 90 jours avant d'obtenir l'approbation de continuer les traitements, ce qui entraîne une interruption du traitement médical. J’ai parlé avec un des fournisseurs de soins de mon mari, qui affirme qu’une interruption des soins peut causer plus de tort que de bien à l’ancien combattant. Les fournisseurs m’ont dit qu’un arrêt de plus de 21 jours peut entraîner une régression et nécessiter que le plan de traitement soit repris du début. Par conséquent, combien d'argent le ministère économise-t-il au bout du compte?
L'autre volet est la sécurité financière. Les anciens combattants n’ont aucune sécurité financière, je peux vous l'assurer. À l’heure actuelle, je vis dans cette situation. J’ai deux enfants qui suivent des études postsecondaires, et je suis à la maison. Je suis la principale dispensatrice de soins de mon mari. J’ai dû quitter un emploi de 60 000 $ par année pour m’occuper de lui, parce qu’il m’appelait du toit de notre maison en disant vouloir sauter.
Je dois trouver un moyen de payer les études de mes enfants, mais ce n’est pas tout. Il y a aussi des anciens combattants qui ne peuvent contracter aucune hypothèque parce que, au moment où ils reçoivent le paiement forfaitaire, leur crédit est tellement mal en point que personne ne veut d'eux. Ils n’ont pas la moindre sécurité financière. Les paiements forfaitaires sont comme un gros lot. Quiconque a travaillé dans le milieu financier sait que lorsqu’une somme d’argent importante est remise, les habitudes de dépenses de la personne correspondent à la somme reçue.
La nouvelle Charte des anciens combattants pose certains problèmes ayant trait à ces paiements forfaitaires, et chaque organisation qui viendra témoigner vous le confirmera. L'ancien combattant obtient un montant forfaitaire. Il est vrai que des options s'offrent à lui; je dois l'admettre étant donné que je l'ai lu. Il est possible de consulter un conseiller financier; une somme de 500 $ est prévue à cet effet. Il est aussi possible de demander que la somme soit divisée en mensualités. Toutefois, l’ancien combattant peut également refuser ces deux mesures.
Certains anciens combattants reçoivent l'argent à un moment où ils rencontraient de graves difficultés financières. Certains sont sur le bord de la faillite ou ont déjà fait faillite. ACC doit avoir des employés qui peuvent rencontrer les anciens combattants — un peu comme un agent de consolidation des prêts — pour les aider à rétablir leurs finances, car certains d'entre eux ne savent pas quoi faire. Je m'occupe d'un ancien combattant dont la femme est partie après 40 ans de mariage, et il ne sait pas quoi faire de ses finances. Il a déjà changé trois fois de compagnie de téléphones cellulaires parce qu’il ignore quand ou comment payer. C’est un combat constant.
En tant que principale dispensatrice de soins de mon mari, il est vrai que j’ai dû abandonner ma carrière, qui me permettait de gagner près de 60 000 $ par année. Mon revenu aidait mes enfants avec leurs études et leurs loisirs, mais il a disparu. Pour ce qui est de l'allocation pour relève d'un aidant familial, nous l’avons bel et bien reçue, ou devrais-je plutôt dire que mon mari l'a reçue, étant donné que c’est à son nom. L'argent lui revient, et non pas à moi, car je n’ai aucun numéro de dossier. La somme lui permet d’obtenir des services de soutien si je décide de prendre du repos. L'argent n'est pas à mon nom. Même si nous avons un compte bancaire conjoint, c’est son argent.
Je vais faire référence au rapport que j’ai présenté au Comité le 27 mai sur le système à trois niveaux des aidants naturels. Il y a bel et bien un tel système. Le premier volet commence par le MDN. Une prestation pour soins auxiliaires est remise. Les FC l'offrent à ceux qui deviennent aidants naturels de leur conjoint, qui peuvent recevoir un montant maximal de 100 $ par jour, 365 jours par année, ce qui représente 36 000 $ annuellement. Il y a ensuite l’ancienne allocation pour soins, à laquelle ont droit ceux qui sont régis par l’ancienne Charte. Cette aide peut atteindre un maximum de 21 000 $ par année — si l'ancien combattant est admissible. Puis il y a nous, qui relevons de la nouvelle Charte des anciens combattants. Je reçois 7 200 $ par année. À vrai dire, c'est mon mari qui reçoit l'argent.
Mais ce n'est pas tout.
Lorsque j'atteindrai l’âge d'admissibilité au Régime de pensions du Canada, ou RPC, ou plutôt l'âge auquel je devrais y avoir droit, je n’aurai aucun revenu qui me permettra d'en bénéficier. Je suis sans emploi depuis trois ans pour prendre soin de mon mari. Étant donné que le RPC repose sur les cinq années d’emploi précédent la date de la demande, et non pas sur les 20 dernières années, je ne suis pas admissible.
Veuillez m'excuser, mais les 10 minutes sont écoulées. Nous reviendrons sur le sujet lors des questions.
C'est maintenant au tour de Matthew Harris, du 31 Canadian Brigade Group Veteran Well-being Network.
Matthew, allez-y s’il vous plaît.
Bonjour à toutes et à tous. D’abord, laissez-moi vous remercier de m’accueillir ici. Je suis très touché.
Comme vous l'avez dit, je m’appelle Matt Harris. Je suis un administrateur pour le 31 CBG Veteran Well-Being Network.
Je voudrais mettre quelque chose au clair : notre groupe ne reçoit aucuns fonds d’un organisme ou d’un ministère gouvernemental, quel qu’il soit, et nous ne voulons pas d’argent non plus. Nous sommes tous des bénévoles. C’est un groupe de réseautage social dont le mandat de départ était de servir des soldats, et de trouver des soldats qui avaient peut-être été laissés à eux-mêmes. Nous avons limité notre rayon d’action aux anciens combattants du secteur du 31e Groupe-brigade, en Ontario, qui va de Sarnia et Windsor jusqu’à Hamilton et Niagara, en passant par London.
C’était notre façon de veiller les uns sur les autres. Au début, nous pensions que le groupe serait composé d’environ 80 membres, mais il s’est élargi pour atteindre plus de 1 200 membres. Nous avons été les premiers à utiliser Facebook. Et le groupe compte maintenant des membres de toutes les autres brigades aussi, d'après nos constatations.
C’est un colonel et un lieutenant-colonel, nos chefs, qui ont démarré le groupe. Par la suite, ils ont ajouté quelques sergents, et le groupe a pris son envol. Je suppose qu’ils l'ont fondé parce que lorsqu’ils demandaient à quelqu’un : « Comment va untel, qui est revenu d’Afghanistan il y a quelques mois? », les réponses étaient beaucoup trop souvent : « Je ne sais pas. J'ignore où il est. Nous ne savons pas ce qu'il fait. »
Comme les suicides faisaient les manchettes tous les jours, nous voulions nous occuper de nous et veiller sur nos compagnons d’armes, car nous avions l’impression que personne d’autre ne le faisait à ce moment.
Je n’ai aucun doute que des gens se préoccupaient de nous et voulaient nous aider, mais l’impression persistait quand même.
Notre seul objectif est d’aider des anciens combattants, qu’il s’agisse de leur prêter main-forte pour un déménagement, de les réconforter, de les orienter vers des services comme la Légion royale canadienne ou vers des professionnels de la santé, ou même de créer leur compte, par exemple. Nous pouvons les orienter vers diverses ressources et les aider à remplir les formulaires d’Anciens Combattants Canada, ou ACC.
Beaucoup sont d’avis que seul un soldat peut en comprendre un autre. Les soldats n’ont pas le droit d’être faibles devant des civils, car on nous apprend à être forts devant eux, à les protéger et à affronter les dangers pour eux.
Notre devise est vite devenue « Ne laisser personne derrière ».
Je ne suis pas venu ici pour me plaindre, mais plutôt pour vous faire part des préoccupations et des problèmes que certains de nos membres ont déjà rencontrés ou doivent surmonter à l’heure actuelle. Ce sont des problèmes que nous lisons sur notre page Facebook ou qui nous sont transmis par message privé.
Je ne suis pas un homme très éduqué, et nous n’avons aucunement l’intention de nuire aux organisations qui veulent aider. Je souhaite simplement vous donner, dans un langage simple, une idée des problèmes que nous avons ou que nous pensons avoir.
Voici un exemple qui est survenu il y a quelques mois à peine, à savoir en février. Je pense que nous conviendrons tous qu’un juge est une personne éduquée, qui a une expérience de vie assez importante. Lorsqu’un juge parle, les gens l'écoutent. Au moment de prononcer la sentence d’un ancien combattant qui a survécu à l’explosion d’une bombe artisanale en Afghanistan et qui s’est fait renvoyer du service militaire, un juge lui a dit d’« avaler son mal ».
Il est vrai que le soldat avait des problèmes et avait fait quelque chose de stupide, mais il en paye le prix maintenant. Toutefois, le problème que je veux soulever ici, c’est ce que le juge lui a dit. Il lui a parlé de la « génération glorieuse », un terme utilisé pour décrire les militaires qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, entre autres. Il a continué en lui disant qu’un grand nombre de ces anciens combattants sont revenus au pays probablement avec des symptômes s’apparentant à l’ESPT, mais qu’ils ont avalé leur mal, sont retournés au travail, se sont mariés, ont fait des enfants et ont eu une vie enrichissante.
Peut-être, mais permettez-moi de passer quelques chiffres en revue. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur une population de 11 millions de Canadiens, 1,6 million ont rejoint les forces armées.
Aujourd’hui, sur une population d’environ 36 millions de Canadiens, seuls 40 000 d’entre eux ont servi en Afghanistan. Beaucoup d’entre eux ont effectué de multiples déploiements, contrairement à ce qui était le cas pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que les militaires qui se sont rendus sur place y sont restés jusqu’à la fin.
Comme vous pouvez le constater, la confrérie qui accueillait les soldats lorsqu’ils revenaient au pays était beaucoup plus importante à l'époque. Les soldats pouvaient trouver un emploi, étant donné qu'il y en avait beaucoup à ce moment, puis soutenir une famille, et surtout travailler avec d’autres anciens combattants qui s’entraidaient en cas de problèmes. Ils se comprenaient.
Aujourd’hui, un soldat qui quitte les forces armées doit chercher un emploi dans des organisations de partout au pays, qui sont dirigées par des supérieurs que lui ne comprend pas, et qui eux ne comprendront pas sa réalité non plus.
Ces organisations affichent peut-être des autocollants « Appuyez les troupes » dans leur vitrine, mais elles ne veulent certainement pas que l’un de ces soldats déménage tout près ou les représente, parce qu'elles sont d'avis que les soldats ont des problèmes. Il suffit de le demander à ce juge.
Nous sommes d’avis que tous les soldats ont dû avaler leur mal, parfois dans des situations très intenses, des situations que le juge, j’en suis certain, n’a jamais vécues. Il est peut-être temps que d’autres avalent leur mal et aident ces anciens combattants.
Par l’entremise d’ACC, le gouvernement a dit qu’il veut donner l’exemple et engager des anciens combattants. Je n’ai pas encore vu de chiffres à ce sujet. La mesure est-elle efficace? Fonctionne-t-elle? Embauche-t-on maintenant des anciens combattants dans l’ensemble de la fonction publique fédérale? Selon ce que j’ai pu constater, la réponse est malheureusement non.
Des soldats veulent continuer à servir, tant dans la Première réserve que dans la fonction publique fédérale, en croyant pouvoir faire les deux. Le système offre des congés rémunérés pour service militaire, de sorte que ces soldats peuvent continuer à s'entraîner sans perdre beaucoup d'argent, mais ce n'est pas toujours le cas. Même nos propres ministères fédéraux, ceux qui appuient les troupes, refusent d'accorder des congés rémunérés pour service militaire. Encore une fois, ces politiques montrent aux soldats que le soutien s'effrite. Les soldats se sentent rejetés et ils pensent qu'ils doivent avaler la pilule, c'est-à-dire se taire et refouler profondément leurs émotions, qu'une petite frustration va faire exploser.
Les anciens combattants libérés du service militaire, y compris pour des raisons médicales, qui voudraient aller dans la fonction publique fédérale voient leurs revenus de pension se volatiliser parce qu'ils travaillent dans la fonction publique fédérale. C'est la raison, il semble. Je ne suis pas sûr si c'est exact, je ne suis pas sûr des modalités, mais ça semble très fréquent. Ça ne semble pas juste.
De plus, ces anciens combattants ressentent un besoin pressant de parler à d'autres anciens combattants. Ils ne veulent pas recevoir une lettre impersonnelle du ministère des Anciens Combattants opposant un refus à leur demande. Ils ont l'impression d'être traités de menteurs et de voir leur honneur remis en question par un civil. La réalité n'a pas d'importance lorsque la perception est si forte qu'elle prend le pas sur elle.
Tout ça forme un tout pour la prestation des services. Il n'y a pas de doute que le Ministère doit prendre rapidement les décisions concernant les prestations, mais il doit les annoncer de façon plus personnelle. Au moins par téléphone. Le fait de parler à des anciens combattants et de vivre une bonne transition avec l'aide d'autres anciens combattants permettra de relativiser les problèmes, ce qui permettra d'éviter les explosions de colère. Ils s'occupent de chaque problème, ils parcourent les formulaires et ils aident à toutes les étapes, conformément au devoir des soldats de s'entraider et de ne laisser personne derrière. C'est ça, le service. Je pense que beaucoup plus d'anciens combattants pourraient occuper des emplois au Ministère.
Il y a aussi un autre problème : la perception de différences relativement à la prestation d'aide aux réservistes. Je connais des réservistes en classe A, à temps partiel, et, pour l'aide et la transition dont ils ont besoin, je n'en connais aucun dans l'UISP. Lorsque vient le temps, ils sont en pratique partis. S'ils étaient dans les classes B ou C, ils sont rapidement envoyés dans la classe A, où ils ne bénéficient d'aucun appui. Il devrait y avoir une seule norme et un seul type d'ancien combattant, mais ces soldats sont rapidement placés dans une catégorie avant d'être libérés.
Mon dernier point touche une situation toute récente. Celle des enfants de soldats tués au combat en Afghanistan. Apparemment, on ne prend pas en charge les études postsecondaires de ces enfants. Ça en a étonné beaucoup, qui croient que les études des enfants d'un soldat tué sont prises en charge.
Nous nous occupons actuellement d'un cas dont le père, mon ami, est mort en Afghanistan. Cet étudiant éprouve des difficultés financières. On lui a appris que ses études universitaires ne sont pas couvertes. En fait, l'université lui a annoncé qu'elle pouvait soutenir financièrement les enfants d'anciens combattants grâce à des dons quelconques. Je pense que c'était le « Projet héros ». Elle est revenue sur sa parole.
Les Anciens Combattants lui ont fourni un peu d'argent, mais il a dû se plier à beaucoup de conditions ou, plutôt, ils ont payé ses études; ils ne lui ont pas donné de chèque. Ce n'était pas assez, mais même ce peu d'argent revient maintenant le hanter. Il a reçu une lettre de l'Agence du revenu du Canada qui lui disait que c'était un revenu et qui lui réclamait 1 400 $. Il y a un problème. Il a appelé l'Agence, qui lui a demandé de rappeler. Ce garçon de 19 ans a deux autres jeunes frères. L'un d'eux, très bientôt, endurera le même sort.
Sa mère ne peut plus intervenir pour lui, parce qu'il est adulte et, visiblement, il est déçu de devoir rembourser plus d'un millier de dollars à l'Agence, alors que les Anciens Combattants lui ont dit, à la mort de son père, qu'ils prendraient ses études en charge. Il n'a pas de chargé de cas. Il devrait. Il ne comprend pas le fonctionnement du système et, pour couronner le tout, il s'est inscrit au service militaire, comme son père, à titre de réserviste en classe A. Ce jeune homme intelligent et aimable se retrouve maintenant dans une situation où il ne peut payer ses études universitaires. Son frère et sa demi-soeur devront probablement passer par là, eux aussi.
Ajoutez à cette déception le fait que ni lui ni ses frères ne bénéficient d'une couverture médicale. J'ignore pourquoi.
J'espère que ce cas constitue une surprise pour vous. Est-ce parce que son père était réserviste ou dans la Classe C? Est-ce parce qu'un formulaire n'a pas été rempli? Est-ce parce que les Anciens Combattants ont fait une erreur. Je l'espère.
Le père a été tué par une bombe artisanale. Il était brave, dévoué et honorable. C'était mon ami.
Je sais que, tout comme je le suis, il serait scandalisé d'apprendre ce qui arrive à ses enfants. S'il est vrai que les enfants des soldats tués outre-mer n'ont droit à aucune couverture médicale ou dentaire, nous devons le savoir avant de partir, pour prendre les mesures adéquates pour éviter de telles situations. J'espère cependant que ce n'est pas le cas et que le problème de cet étudiant sera réglé. S'il y a une chose que je voudrais voir changer immédiatement, c'est que les enfants des militaires morts en service soient pris en charge.
Pour les Canadiens, leur père était un héros. Pour la plupart, c'est une photo, un nom sur un mur. Il était plus que cela pour ses enfants. Il était leur héros depuis leur naissance. C'était leur père, qui les aimait beaucoup. Il les a maintenant quittés pour toujours.
Pour conclure, je vais vous dire ceci :
Les soldats ont la capacité de joindre une patrouille ou d'aller en mission, tout en sachant que des dangers les attendent. Ils le font en sachant aussi — ou, plutôt, en croyant — que s'il leur arrive quelque chose, eux et leur famille seront pris en charge. S'ils ne le croyaient pas, ils hésiteraient peut-être davantage à partir. Pas parce qu'ils ont peur (ils ont peur de toute façon), mais parce qu'ils doivent protéger leur famille.
Le ministère des Anciens Combattants est censé être le sauveur des soldats. Il n’est pas censé être un bourbier de formulaires, et son personnel n'est pas censé donner l'impression d'être impersonnel. C'est sans doute parce qu'il travaille trop. C'est comme les autres membres, ici... Tous ceux à qui nous avons parlé ont été aimables, mais c'est simplement difficile. Lorsque des soldats et d'anciens combattants ont besoin d'aide, comme tous les autres êtres humains, ils ont besoin de parler à quelqu'un qui les comprendra; ce serait formidable si c'était un autre soldat.
J'ai terminé.
Merci.
Nous allons maintenant entendre le Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens.
Messieurs Blais ou Chartrand, vous avez la parole.
Je m'appelle Michael Blais. Je suis le président et le fondateur du Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens. Aujourd'hui je suis très honoré d'être accompagné de notre directeur, M. Sylvain Chartrand, qui, je le précise, fait partie du Groupe consultatif spécial sur la prestation de services qui conseille le ministre.
Je tiens à vous remercier de l'invitation que vous m'avez lancée de venir parler des problèmes de prestation de services du Ministère. Comme nous sommes un groupe de défense des intérêts de nos membres, nous connaissons maintenant trop bien les problèmes qui le rongent par suite des compressions accélérées de personnel qui l'ont ravagé et qui ont laissé les rescapés surchargés de travail et, dans de nombreux cas, incapables d'atteindre les normes de rendement établies par le gouvernement comme références en matière d'excellence.
Cessons de nous illusionner : la capacité du ministère de fournir un service rapide et efficace s'est dégradée chaque année de plus en plus en raison du zèle, comme le diraient certains anciens combattants, du gouvernement antérieur à équilibrer le budget sur le dos des anciens combattants blessés et handicapés.
Pour les Canadiens et les Canadiennes qui se sont généreusement sacrifiés pour leur pays, sacrifiés comme on le voit peu souvent, les conséquences de ces compressions draconiennes ont été profondes, catastrophiques, quand on se souvient du suicide tragique de la caporale-chef Leona MacEachern et de la note déchirante dans laquelle elle décrivait sa déception intolérable à l'égard d'un système dont elle avait l'impression qu'il l'avait abandonnée, elle et sa famille, dans une période difficile.
Beaucoup d'autres ont aussi souffert et, avec les années qui passaient et les compressions de personnel qui se succédaient, leurs voix se faisaient de plus en plus fortes. Jusqu'à l'année dernière, avant les élections, on en a fait peu de cas. Depuis, les deux gouvernements ont accompli des efforts notables pour enrayer la catastrophe qui se produit inévitablement quand les effectifs et les ressources ne suffisent pas pour répondre à des problèmes graves, sinon mortels.
Cette semaine, au sommet des anciens combattants, j'ai parlé avec le président du Syndicat des employés d'Anciens Combattants Canada de ce que je crois être l'un des sujets de réforme les plus importants : la résorption de la pénurie de main-d'oeuvre du Ministère.
Les chiffres impressionnent. La perspective d'un déploiement de plus de 300 employés supplémentaires de première ligne contribuera certainement à résoudre les nombreux problèmes reconnus de prestation de soins opportuns et de qualité.
Malheureusement, c'est plus qu'un effort pour seulement arrêter l'hémorragie. Notre obligation transcende la simple embauche de nouveau personnel. Il faut améliorer la formation. Il faut que les nouveaux gestionnaires de cas et que les nouveaux agents de service à la clientèle connaissent à fond toutes les variantes des programmes du ministère. Ainsi instruits, ils doivent travailler en amont pour que chaque ancien combattant à qui ils ont été confiés soit régulièrement consulté et qu'un suivi approprié soit donné pour s'assurer de l'efficacité de l'aide fournie.
Aujourd'hui, par exemple, nous avons entendu Matthew, Kimberly et Dana nous parler des retards dans le traitement des formulaires de demande, des difficultés qu'ils éprouvent. Il n'incombe pas à la clientèle de connaître tous les droits ou tous les programmes supplémentaires auxquels ils ont accès. Dans de nombreux cas, la clientèle — le soldat blessé ou la veuve éplorée — est laissée dans l'ignorance des précieuses ressources qui pourraient améliorer leur sort. Ce n'est pas à elle eux qu'incombe cette obligation. Non. C'est au Ministère d'informer chacun de tous ses droits et d'expliquer ces droits en temps opportun. Ce problème jusqu'ici permanent est souvent nuisible au mieux-être de la clientèle et contrariant pour les normes de qualité des soins.
Nous croyons aussi dans la mise en oeuvre et le respect des références en matière de rendement pour le personnel, y compris dans la formation régulière sur la résilience et dans des charges de travail réalistes. Le nombre proposé de dossiers par gestionnaire de cas en est un parfait exemple : il doit être réaliste. Le rapport de 25 dossiers par gestionnaire est acceptable. Ce qui n'était pas acceptable était que des gestionnaires de cas nous téléphonaient au milieu de la nuit, complètement stressés en raison d'une charge de travail excessive, de l'incapacité de la traiter et, bien sûr, de la frustration exprimée par leurs clients alors que les anciens combattants exigeaient le respect de la norme de soins promise par le gouvernement. Dès que les gestionnaires de cas seront formés et déployés, ils auront un effet indéniable sur les normes de qualité des soins.
Dernièrement, le Comité a entendu des témoignages sur les conséquences de ces compressions. C'était les voix des individus, celles des blessés et des handicapés, les voix des êtres chers. Pour moi, les témoignages du 3 mai sont particulièrement émouvants. Je les ai entendus chez moi, branché à ParlVU. J'ai été frappé, comme je le suis aujourd'hui, par ceux de Deanna, Jody, Alannah, Jenny, Carla. La liste est longue, et d'autres noms s'y ajouteront. Il faut les écouter. Je peux vous dire qu'après avoir pris la défense des anciens combattants depuis six ans, j'ai entendu des dizaines sinon des centaines de témoignages semblables d'anciens combattants, de conjoints, de leurs enfants ou d'enfants d'anciens combattants de la guerre de Corée et de la Deuxième Guerre mondiale qui sont maintenant fiers de leurs mères et de leurs pères.
Voilà les voix qui doivent s'imposer à votre esprit pendant vos délibérations. Tout en vous sachant gré de l'occasion que vous m'offrez de parler au nom des anciens combattants qui appuient notre groupe, je prie pour que l'émotion souvent brute et déchirante des témoignages touche votre coeur comme elle a touché le mien. Je prie pour que, à l'audition des témoins, vous entendiez leurs témoignages sans réserve ni ressentiment ni colère; que leurs témoignages soient acceptés avec compassion, étant aussi entendu que ces cas ne sont pas uniques; et que notre obligation de les servir maintenant, comme eux l'ont fait si généreusement pour le Parlement et le pays, en endossant l'uniforme, ait préséance.
Nous devons impulser un changement positif. Il faut une remise à zéro, non seulement grâce à l'infusion de personnel nouveau, mais aussi sur le plan culturel. Nous sommes les blessés, les handicapés. Nous sommes les fils et les filles du Canada, ceux qui se sont portés volontaires, si nécessaire, pour offrir au Canada nos vies même. Ça mérite le respect. Il faut reconnaître le sacrifice. Il faut que le ministère fournisse un niveau de soins en rapport avec cette obligation des plus sacrées. Espérons que les mesures que le Comité prendra restaureront les normes qui existaient avant une décennie de négligence et que, par la collaboration et des améliorations collectives, elle les bonifiera.
Je termine en vous remerciant de votre invitation pour comparaître devant vous. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci à vous tous.
Commençons par Mme Wagantall.
Encore une fois, je demande aux membres du Comité de préciser s'ils adressent leurs questions à chacun des témoins en particulier ou à tous en général. Nous débuterons, encore une fois, par des interventions de six minutes.
Chers témoins, lorsque nous arriverons vers la fin des six minutes, je vous ferai signe de la main.
Madame Wagantall.
Tout d'abord, c'est du fond du coeur que je tiens à vous remercier de votre présence. Je peux seulement imaginer à quel point c'est difficile pour vous. Le but, ici, est d'améliorer une situation. J'entends des thèmes dont on devrait s'occuper, et c'est ce que nous voulons certainement faire.
Kimberley, vous parliez de vos problèmes. Nous n'avons rien sous les yeux, et je pense qu'il serait négligent de notre part de ne pas entendre ce que vous aviez ensuite à dire, sur la famille. Voudriez-vous nous dire quelque chose à ce sujet, s'il vous plaît?
Bien sûr.
L'anecdote de M. Harris sur le soldat tué cristallise l'une de mes craintes pour mes enfants. Si ce soldat était encore vivant, sa famille recevrait des soins médicaux seulement sur son autorisation. Nous ne recevons aucun soin médical ou dentaire indépendant; en quittant mon emploi, j'ai laissé tout ça cela derrière moi. Les membres des familles ne reçoivent pas de numéro de dossier du ministère des Anciens Combattants. Nous devrions en recevoir un. Les enfants des anciens combattants morts, leurs conjoints, leurs veuves, devraient tous recevoir un tel numéro. S'il arrivait quelque chose... C'est un défi pour nos familles, si quelque chose... Fasse le ciel que ce ne soit pas mon mari, parce que nous n'avons pas cet accès.
Pendant toute leur enfance, nos enfants ont grandi avec un père qui souffrait de SSPT. Tous se demandent comment cela les affecte. Un article de recherche a été publié, paradoxalement, en Bosnie. Ces enfants éprouvent des difficultés, mais personne ne connaît les conséquences d'avoir un père souffrant de SSPT. Je vais vous en lire un court passage :
[...] les enfants d'anciens combattants ont signalé des niveaux sensiblement plus élevés de conflits dans leurs familles; les familles d'anciens combattants souffrant de SSPT connaissaient plus de problèmes d'éducation des enfants et de problèmes de relations maritales, [et] les enfants d'anciens combattants souffrant de SSPT éprouvaient plus de problèmes de comportement que ceux d'anciens combattants n'en souffrant pas, notamment des problèmes d'agression, de délinquance, d'hyperactivité et des difficulté dans la création et le maintien de liens étroits d'amitié.
... Bref, l'influence du traumatisme secondaire des épouses est notable.
Pourtant, pour obtenir de l'aide pour mes enfants, je dois passer par mon mari, par son gestionnaire de cas. Je vais vous dire tout de suite que nous avons mis le holà à la gestion de cas. Nous traitons avec des agents de résolution. La dernière fois que nous nous sommes adressés à un gestionnaire de cas, j'étais chez moi, à table, et mon mari est parti 45 minutes. J'ignorais s'il reviendrait. J'ai demandé qu'un gestionnaire de cas de m'appeler. En pleurant, je lui ai dit que j'avais besoin d'aide et que j'ignorais où mon mari était allé. Il avait laissé ses clés, son téléphone et son portefeuille sur la table et était parti. Nous vivons au milieu de 80 acres de terrains boisés. Où pouvait-il aller?
Le gestionnaire de cas m'a fait cette réponse, qui explique pourquoi je ne lui parle plus : « Eh bien, vous pouvez appeler la GRC. Je ne peux rien faire. Je ne peux pas vous aider ».
La GRC n'intervient qu'après 24 heures d'absence, et pourtant, je suis assise là, en imaginant le pire pour mon mari. Que vais-je dire à mes enfants à leur retour à la maison, si leur père n'est pas là? Voilà ce que nous affrontons comme principaux dispensateurs de soins : toutes sortes de scénarios. Il disparaît dans les bois, et je pense qu'il est parti se suicider, parce que je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête.
Pour ces enfants incapables d'accéder aux services médicaux de base... J'ai dû me battre pour que ma fille obtienne des soins psychologiques. Ces enfants sont vulnérables. Vous ne le voyez pas. Le ministère des Anciens Combattants ne le voit pas tant que je ne suis pas dans le bureau d'un gestionnaire de cas, que je pleure parce que ma fille est en contact avec un prédateur de l'Internet à cause de sa vulnérabilité. Elle cherchait un modèle de père, parce que son père est traumatisé. Il a des problèmes de relations interpersonnelles.
J'ai ramassé mes effets et j'ai déménagé avec ma famille. Nous avons déménagé. J'ai tracé les plans d'une nouvelle maison, nous avons déménagé et construit la maison en quatre mois, uniquement pour que mon mari puisse jouir d'un sanctuaire de paix. Nous avons des chevaux. Ils l'aident, mais ses problèmes subsistent. Il ne veut voir personne. Il en est incapable. S'il se dispute... Savez-vous ce que lui a dit son psychiatre? « Si, pendant une dispute, tu te sens devenir agressif, appelle la police pour protéger l'autre personne ». Quand il s'enrage, il perd tout contact avec la réalité. Après la crise, il ne se souvient de rien.
Dans ma maison toute neuve, des portes sont brisées. Une cloison est défoncée. Une maison qui n'a même pas un an. Leurs frustrations les entraînent dans des crises de rage. Mon mari s'est fait retirer son permis de conduire.
Nous expérimentons pour lui toutes sortes de médicaments. L'un d'eux l'a amené à se prendre pour Superman. Il se croyait capable de descendre un réfrigérateur de la plateforme d'une camionnette, en étant chaussé que de tongs. Eh bien, il est tombé de la camionnette, et le réfrigérateur a atterri sur lui. Il s'est retrouvé avec un hématome sous-dural — accumulation de sang dans le cerveau — et une commotion grave. Il a été hospitalisé 24 heures. Il a obtenu sa décharge après 24 heures, uniquement parce qu'il revenait à la maison avec moi. Sinon, on l'aurait gardé une semaine.
Je vous remercie, Dana, Kimberly, Matthew et les membres de vos familles.
Dana, je tiens à vous en remercier, vous, vos amis et les membres de votre famille. Ça peut sembler des paroles creuses, particulièrement pour vous qui êtes revenue trois fois faire un exposé, mais, en ma qualité de mère de deux fils qui servent actuellement dans les forces, je peux vous assurer que c'est du fond du coeur. Tous les membres du Comité ont écouté les témoignages des témoins pendant l'étude, et je peux vous garantir qu'ils ne nous laissent pas indifférents. Nos sentiments sont sincères.
J'aimerais parler un peu... Michael Blais, vous avez mentionné que le traitement des dossiers des vétérans ne se faisait pas assez en amont et je pense que vous avez touché un aspect incroyablement important. Le Ministère, paraît-il, réagit surtout après coup. Il attend que l'ancien combattant lui demande de l'aide, qu'il remplisse les formulaires, qu'il prouve le traumatisme subi. Il attend.
Que proposez-vous. Que préconisez-vous pour changer cette attitude, pour que le Ministère s'occupe en amont des anciens combattants et de leurs familles? Si, pour tel nombre d'anciens combattants, on ajoute les membres des familles qui les aident, ça commence à faire beaucoup plus d'anciens combattants, d'après moi.
Vous savez, vous devriez aussi ajouter « quand la situation dégénère en crise », parce que, essentiellement, la moitié du temps, c'est dans ces moments-là que nous faisons appel au ministère des Anciens Combattants — quand le mari de Kimberly part sans crier gare, ce genre de comportement. Quand je dis « en amont », je veux dire en tenant compte de tous les facteurs. Il ne s'agit pas seulement de s'activer sur le mandat du ministère ni de seulement toutes les politiques qui répondent au cas personnel de quelqu'un. L'expérience m'a enseigné que...
Souvent, ce n'est pas la faute des fonctionnaires. Ils sont débordés. Ils essaient de faire de leur mieux, de s'en sortir, mais ils ne fournissent pas les services en amont, en raison même de cette situation.
Ils aimeraient aider. Ils aimeraient téléphoner à Kimberly et lui dire qu'ils ont une liste de tout ce à quoi son mari a droit, qu'ils voudraient vérifier s'il a bénéficié de telle chose, obtenu telle autre, et qu'en est-il des enfants? Tout ça... C'est le plus important. Je crois que c'est l'obligation du Ministère de s'occuper aussi de toute l'unité familiale, ce qui comprend le conjoint et les enfants.
Nous avons des problèmes, paraît-il, quand... Kimberly se demande ce qui arrive aux études postsecondaires de ses enfants. Pourquoi avons-nous des organismes de bienfaisance pour cela? C'est ridicule. Que Dieu les bénisse pour leurs bonnes actions, mais notre pays devrait s'occuper des enfants de ceux qui ont été tués, de ceux qui ont été blessés et de ceux qui souffrent, qui souffrent vraiment. Dans ma période d'accoutumance aux opiacés, je sais à quel point mes enfants, qui m'entouraient, étaient sensibles, je connais les répercussions terribles que j'ai subies, et il ne se donnait pas de soins, pas d'appui, et je n'ai pas cherché à en obtenir. J'allais à la dérive. À l'époque, si un gestionnaire de cas m'avait téléphoné et m'avait demandé « Comment ça va? Quelle est votre consommation de médicaments? Êtes-vous en train de vous en sortir? Êtes-vous en interaction avec la communauté? En quoi puis-je vous être utile? » ça aurait changé beaucoup de choses, exponentiellement.
De nouvelles politiques s'en viennent. Nous venons de subir 12 années de combat brutal en Afghanistan. Nous avons payé le foutu prix, et, maintenant, nous avons des attentes de la part du gouvernement et du Ministère. Elles ne sont pas excessives. Tout ce que nous voulons, c'est qu'on prenne soin de nous et qu'on nous respecte pour notre sacrifice et que nos familles soient reconnues pour le sacrifice qu'elles ont fait.
Permettez-moi d'être très clair. Le sacrifice des familles... Lorsque nous sommes déployés et que nous revenons blessés, que nous revenons transformés, hommes ou femmes différents de ceux qui ont quitté leur conjoint, il y a des conséquences. Nous pouvons les atténuer en s'y attaquant en amont, si nous adoptons la posture voulue et si le Ministère est prêt à se mobiliser.
Merci.
Dana, j'ignore si vous voulez nous parler un peu de l'expérience de la transition du service actif vers l'obtention de soins aux vétérans. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler un peu des problèmes survenus pendant la transition?
C'est simple. Précisons d'abord que, en fait, je ne reçois pas une pension normale. Je n'ai pas dix années de service. J'en ai sept. Donc ça ne me donne droit à aucune sorte de pension.
Actuellement, je suis dans les deux premières années d'un congé d'invalidité prolongé. Je ne sais pas vraiment ce qui arrivera ensuite ou si je pourrai travailler. Personne ne m'a vraiment expliqué tout à fait comment on évaluera mon dossier. Pour moi, même maintenant, le lien entre le régime d'assurance-revenu militaire, Manulife et le ministère des Anciens Combattants est vraiment nébuleux.
Essentiellement, quand on m'a libérée, j'ai suivi les séminaires très instructifs du Service de préparation à une seconde carrière. Pendant ma dernière année de service, on m'a affecté à l'UISP, et on m'y a aidé à parler à des agents du ministère des Anciens Combattants. Ils m'ont aidée pour mon indemnité d'invalidité, que j'ai reçue avant d'être libérée. Je pense que je n'en ai reçu que 10 %, parce que, apparemment, une douleur chronique inapaisable pour le reste de sa vie, c'est moins grave que la perte d'un membre qu'on apprend à compenser. Je ne suis donc pas tout à fait sûre du mode d'emploi des tables. Actuellement, je vis littéralement en face de ce centre de conférence. J'ai à peine pu traverser la rue. Ma douleur au cou est terrible à ce point et elle s'aggrave. Ces tables qui déterminent l'indemnité d'invalidité sont un peu confuses. J'ignore qui a pris la décision à ce sujet.
Pour la transition, je me rappelle particulièrement de m'être fait dire par l'agent de l'UISP que tout ce qui concernerait ma demande de prestations d'invalidité serait complètement couvert, que, par conséquent, tous mes médicaments et que toute ma massothérapie seraient sûrement et complètement couverts. À l'époque, ma massothérapie me coûtait 3 000 $ par année. Par rapport au revenu d'un sous-lieutenant, c'est beaucoup, mais c'était littéralement la seule thérapie que j'obtenais, à cause de l'irrégularité des traitements. J'obtenais 10 séances de quelque chose, suivies de six mois à attendre l'autorisation d'autres traitements, puis 10 séances. C'était absurde. C'était tellement insupportable, mentalement, et inutile, physiquement, que j'ai laissé tomber.
Pendant le processus de libération, je me disais que, au moins, ces traitements seraient couverts, que je n'aurais pas à payer la massothérapie ou tout ce dont j'aurais besoin d'autre de ma poche. Puis, après ma libération, on m'a dit que j'avais droit, je pense, à environ 10 ou 20 rendez-vous de massothérapie par année et que les médicaments seraient couverts. C'est vraiment déroutant. Je n'ai pas fini d'apprendre.
Mon gestionnaire antérieur de cas a approuvé un nombre illimité de séances de massage pour moi jusqu'en juin. J'allais donc voir le massothérapeute. Mon nouveau gestionnaire de cas par intérim, après le départ de l'autre à la retraite, m'a appelé pour me dire que 89 séances, dont le coût était de 100 $ chacune, n'avaient pas été autorisées...
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins. Je peux entendre de véritables frustrations. Je voudrais commencer par vous, Kim.
Vous avez dit que c'était la troisième fois que vous veniez témoigner et que, la dernière fois, c'était ici, il y a un an. Ai-je raison de deviner une véritable frustration, un véritable désespoir, vu que vous racontez cette histoire pour la troisième fois, ce qui n'est pas peu?
Eh bien, c'est la question. Regardez la liste : combien d'entre nous ont été témoins à ces séances? À combien d'autres séances devons-nous venir témoigner?
L'année dernière, on m'a fait prendre l'avion pour venir témoigner devant le Comité. J'ai raconté mon histoire, celles de familles qui vivaient des situations semblables, sinon pires. Que sommes-nous censés faire?
Le Comité m'a alors demandé mon opinion sur le projet de loi C-58. J'ai rédigé un rapport que je lui ai envoyé par voie électronique. Je n'en ai jamais plus entendu parler. On ne m'a jamais expliqué pourquoi on n'en avait pas tenu compte. Pourquoi nous trouvons-nous encore à recevoir l'allocation de 7 200 $ pour relève d'un aidant familial, quand il était réparti? Pourquoi devons-nous calculer l'allocation de sécurité du revenu de retraite à coup d'équations algébriques?
Vous demandez à des anciens combattants, dont certains d'entre eux ne peuvent pas remplir de demandes, tant la lecture d'une question les irrite, de calculer par une équation algébrique les montants qu'ils recevront à 65 ans. Quelle est la logique?
Et je ne parle pas de l'équation algébrique qui s'appliquera à moi à la mort de mon mari, pour connaître les montants auxquels j'aurais droit. Eh bien, il faut multiplier par 75 %, soustraire tant, additionner tant, puis, oh!, diviser par tant. Vraiment? C'est absurde. Pourquoi ne peut-on pas simplifier le processus? Ça n'a rien de sorcier. C'est un jeu d'enfant. Il s'agit de prendre soin des anciens combattants que le pays a envoyés outre-mer pour nos droits et libertés. Pourquoi tant de complications?
Dana a parlé de ses 10, 20 et 80 séances. Je passe par là avec mon mari, à toutes les 20 séances. Son physiothérapeute, son chiropraticien, son massothérapeute... Tout ça pour surmonter la douleur, qui ne disparaît jamais. Ça ne fait que l'atténuer. Il se présente aux 20 séances qui lui ont été accordées dans la première partie de l'année, à raison de 2 ou 3 par semaine. À ce rythme, combien de temps cela dure, 20 séances? Peut-être sept à dix semaines. Les fournisseurs de soins doivent remplir cinq à huit demandes de prolongation pour traiter convenablement leur ancien combattant.
Il y a un an, j'ai prié le ministère de réviser le dossier paramédical de mon mari, de vérifier à combien de séances de physiothérapie, de chiropratie et de massothérapie il s'était présenté au cours des trois dernières années et de bien vouloir lui accorder le montant qui l'aiderait à combattre sa douleur plutôt que de lui faire suivre ce traitement interrompu.
Je sais exactement ce que vit Dana, parce que j'éprouve cette frustration avec mon mari à toutes les sept ou dix semaines.
La situation est frustrante. Qu'en est-il des anciens combattants qui doivent l'affronter seuls? Je leur souhaite bonne chance. Vous réunissez les conditions pour les enrager.
Oui.
Je voulais parler à Matthew. Vous avez parlé de quelque chose qui me taraude depuis 10 ans, le fait que les soldats ne peuvent pas se montrer faibles devant des civils. Ils dépendent beaucoup de cet esprit de corps, de cette camaraderie et de cette compréhension entre anciens combattants.
Je m'intéresse aux soins à long terme et au fait que, si on est un ancien combattant de l'après-guerre de Corée, on n'a pas droit d'en recevoir dans un hôpital pour vétérans, à moins d'avoir subi de très graves blessures.
Pourriez-vous nous parler des soins dont a besoin un ancien combattant, de son vivant, peu importe sur quel théâtre ou à quel moment il a servi?
Simplement pour revenir à ce que vous avez dit, pouvoir parler à un autre ancien combattant fait toujours énormément de bien. Qu'on ait servi en Afghanistan, en Corée, sur les hauteurs du Golan ou en Bosnie, ça ne fait pas de différence. Nous savons que c'était à d'autres époques, et c'est bien. Je suis allé en Bosnie et en Afghanistan deux fois, mais ça ne m'empêche pas de parler à quelqu'un qui était à Chypre, par exemple, dans les années 1970. Les histoires que nous racontent les vétérans de la guerre de Corée me fascinent.
Il s'agit simplement de parler à un ancien combattant, quelqu'un qui est passé par le système, qui sait et qui comprend. Entre eux, les anciens combattants peuvent se parler plus librement, et, quand on leur parle, on lit dans leur visage qu'ils comprennent. Vous pouvez presque être, je ne dirai pas faibles, mais plus ouverts, exprimer plus librement vos sentiments ou certaines de vos frustrations, parce que c'est bien d'en parler à un autre soldat.
Quand on parle à un civil, on ne veut pas aller jusque-là. Cela ne fait pas partie de notre entraînement, de notre mentalité.
Je suis entré dans l'armée à 19 ans. Je m'y suis laissé attirer sans réticence. Je constate cet effet, maintenant, chez certains de mes amis, et certains des soldats que j'ai menés, passent par le même processus. Dans les mess, ils s'en parlent entre eux. Ils ne veulent pas en parler à leur enseignant. Quand on essaie d'expliquer à son enseignant, à son employeur ou à un fonctionnaire du ministère des Anciens Combattants, peu importe l'endroit, il est difficile d'exprimer ce qu'on cherche à dire.
Je vous remercie beaucoup.
Je remercie tous les témoins pour leur présence aujourd'hui. Je sais que certains d'entre vous ont déjà comparu devant le comité. Je suis nouveau et ce que j'entends me trouble beaucoup.
Monsieur Harris, vous avez déclaré qu'on dit aux gens d'avaler leur mal. Je comprends cela dans une certaine mesure. J'ai pratiqué la médecine pendant 20 ans. C'est un milieu où on se fait dire d'avaler son mal et où il ne faut pas paraître faible, mais je connais personnellement trois collègues qui se sont suicidés, alors je comprends les effets de cette culture sur les gens.
Comment peut-on changer la culture militaire afin d'amener les gens à demander de l'aide et à reconnaître qu'ils sont vulnérables?
C'est très difficile de changer la culture.
Dans l'armée ou dans l'infanterie, dont je fais partie, on nous répète qu'il faut se lever et qu'il faut y aller. Dans l'armée, on vous dit d'avaler votre mal. C'est ce que j'entends depuis mon jeune âge dans tous les contextes. Lorsqu'on tombe d'un hélicoptère et qu'on se fait mal, il faut se relever et y aller.
C'est toujours dans le but d'aider nos compagnons. On nous dit « Vas-y, on a besoin de toi. » C'est vrai qu'on ne veut pas laisser tomber nos camarades. On ne veut pas les abandonner.
Peut-être qu'avaler son mal est... Il faut savoir ce qu'on tente d'avaler. Un soldat qui revient de la guerre et qui souffre du TSPT ne se retrouve pas dans une usine avec ses nombreux pairs comme les soldats de la Seconde Guerre mondiale, qui ont vécu la guerre ensemble et se sont entraidés. Aujourd'hui, on lui trouve un travail de bureau dans un centre d'appels. Personne dans son milieu de travail le comprend, on le voit seulement comme le gars de l'armée perturbé. S'il se plaint de quoi que ce soit, on lui dit « Pourquoi te plains-tu? Tu devrais avaler ton mal. » C'est une chose horrible à dire à quelqu'un.
Pour ce qui est de changer la culture, je ne sais pas quoi vous répondre. C'est très difficile, car d'une certaine façon, cette culture est pratiquement nécessaire au sein de l'armée. Il faut y aller. Il faut savoir qu'on doit y aller pour s'entraider. Au lieu de dire « Tu dois avaler ton mal », on pourrait dire « Vas-y pour aider ton camarade », ou « Vas voir un camarade qui peut t'aider. »
J'espère avoir répondu à votre question. Je ne sais pas si c'est une très bonne réponse, mais j'espère que vous comprenez ce que je veux dire.
Je savais que c'était une question très difficile. Je m'attendais à ce qu'il ne soit pas facile d'y répondre.
Est-ce qu'un réseau d'entraide entre anciens combattants et membres actifs serait utile pour échanger avec des militaires en service et des vétérans?
Tout à fait, et c'est ce que fait notre groupe. Nous discutons ensemble. Nous nous connaissons assez bien et nous connaissons les mêmes personnes. Un bon nombre des membres du groupe sont des militaires encore en service. Il y a des professionnels de la santé, des médecins, toutes sortes de personnes. Nous nous entraidons et nous pouvons nous confier aux autres. Cela nous aide de pouvoir dire aux autres « Je vis cette situation-là en ce moment. Est-ce que quelqu'un d'autre a vécu une situation semblable ou quelqu'un peut-il me conseiller? » La communication est très ouverte. Des sergents, de simples soldats et des colonels s'expriment tous ouvertement.
Il s'agit cependant d'un groupe fermé. C'est un groupe secret si on peut dire. Il n'y a pas de hiérarchie. Vous pouvez exprimer vos sentiments et des membres du groupe vous aident, que ce soit en vous dirigeant au bon endroit, en vous aidant à créer un compte, en vous mettant en contact avec quelqu'un en Colombie-Britannique parce que c'est là que vous habitez ou en vous aidant à remplir des formulaires d'Anciens Combattants Canada. Nous nous entraidons.
Un des membres avait besoin de nourriture. Il est un ancien combattant âgé qui n'avait pas assez d'argent pour acheter de la nourriture, car il devait débourser de l'argent pour sa femme qui s'était blessée ou quelque chose comme ça. Ce sont des petites choses très simples.
Un autre membre était pris en Amérique du Sud. Nous avons donc tous contribué, de notre poche, sans l'aide d'un organisme, à l'achat d'un billet d'avion pour lui permettre de revenir au Canada.
Nous avons de la facilité à nous parler. Nous pouvons tous être vulnérables. Nous comprenons tous que c'est parfois le cas.
Je vous remercie.
Ma prochaine question s'adresse à tout le monde. Elle va sembler ridiculement évidente, mais je vais la poser en raison d'une déclaration qu'a faite une personnalité politique bien en vue il y a quelques années.
Est-ce que le Canada a un devoir sacré envers ses anciens combattants?
Encore une fois, merci à tous. Les propos que nous entendons sont très difficiles à écouter et à comprendre. Ils sont chargés d'émotions, mais il faut bien sûr essayer d'examiner tout cela de façon objective pour déterminer comment on peut améliorer les choses. Il faut mieux comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les anciens combattants, mais le comité les comprend mieux maintenant. Tout le monde ici, dont un grand nombre se sont exprimés, bénéficie du soutien des pairs. Quelqu'un a-t-il des suggestions quant à la façon dont nous pourrions appliquer ce modèle d'échange entre pairs au Comité des anciens combattants?
Devons-nous embaucher davantage de gestionnaires de cas qui sont des anciens combattants chevronnés? Comment peut-on les amener à comprendre ces personnes dont M. Harris a parlé? Quelqu'un peut-il répondre à cela?
Monsieur Blais, voudriez-vous répondre?
Bien sûr. Nous venons de parler à deux groupes. Ils ne dépendent pas du financement du gouvernement. Ils sont totalement indépendants. Il en va de même pour le Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens. Nous n'avons pas de financement du gouvernement non plus.
Afin d'offrir un programme efficace de soutien par les pairs, il faut qu'il y ait une infrastructure en place. On ne peut pas demander à des gens comme Matthew d'organiser des rencontres impromptues. Non, il doit y avoir une méthode. Par exemple, il a dû gérer une crise en Amérique du Sud. Je sais ce qui s'est passé. Ces gens-là ont dû fouiller dans leurs poches pour venir en aide à cette personne en détresse. C'est inacceptable. Il doit y avoir un autre moyen.
Je crois aussi qu'il y a un certain manque de coordination, car beaucoup de groupes de soutien par les pairs voient le jour à l'échelle du pays, qu'on parle de soutien social aux blessés de stress opérationnel, de mieux-être d'une brigade de combat, ou du BC Veteran Well-being Network de Brian. Ce serait une bonne idée que le ministère fasse appel à ces gens-là, qu'il invite à Ottawa le président ou un représentant de chacun de ces groupes pour discuter avec eux un bon après-midi, afin de savoir ce qu'ils font et de tenter de trouver des protocoles qui s'appliquent à l'ensemble de ces groupes. De cette façon, quand ils se buteraient à des difficultés et qu'ils ne pourraient pas compter sur les administrations municipales ni les gouvernements provinciaux, ils pourraient s'adresser au gouvernement. Ils pourraient faire appel à Anciens Combattants.
Anciens Combattants peut avoir des fonds supplémentaires pour secourir quelqu'un qui est parti à la dérive en Amérique du Sud ou quelqu'un qui est en détresse au Canada. Beaucoup d'anciens combattants vivent dans la rue au Canada. Nous ne savons pas qui ils sont, car ils ne vont pas dans les soupes populaires et ne font pas appel à ce genre de services. Ils sont jeunes et résilients, mais s'ils font appel à un groupe de soutien par les pairs ou à nous, nous devons pouvoir avoir une infrastructure pour leur offrir ce soutien.
En ce moment, la capacité d'intervention d'un gestionnaire de cas ou d'un agent du service aux clients reste limitée, et c'est compréhensible, mais il doit y avoir un autre mécanisme de contrôle et de coordination, et il faut comprendre la mission individuelle de ces groupes et déterminer comment nous pouvons traduire cette volonté positive en un programme collectif.
Je sais que dans l'initiative Envoyez le compte, nous faisons l'effort conscient de rester apolitique. Nous ne voyons aucun inconvénient à agir ainsi. Je parle en mon nom, pas pour l'ensemble de mes collègues. L'initiative Envoyez le compte a été créée précisément parce que les gens se perdaient dans le système et ne savaient pas où aller. Je suis en charge de garder à jour cet imposant recueil de ressources. Il répertorie les numéros d'Anciens Combattants Canada et de l'Unité interarmées de soutien du personnel, de toutes les ressources au Canada, et même de certains groupes internationaux. Il y a évidemment un gros manque, car il y a des ressources, mais les gens ne savent pas à qui s'adresser ni où aller chercher de l'aide.
La seule chose qui peut poser problème avec l'établissement d'une organisation plus officielle, c'est entre autres qu'elle peut devenir plus politisée, et je sais que beaucoup des groupes de soutien par les pairs sont totalement contre cela, car cela attise les passions. Mettre son groupe ou son mandat entre les mains de quelqu'un d'autre, c'est abandonner le contrôle sur trop de choses.
Je crois qu'il doit absolument y avoir une meilleure coordination entre les groupes. La Canadian Caregivers Brigade soutient des groupes qui sont en quelque sorte dérivés d'Envoyez le compte et qui ont adopté un mandat plus localisé pour aider les gens directement sur le terrain. En somme, quand quelqu'un est en détresse, le but est d'envoyer un intervenant chez lui le plus rapidement possible. Il y a une séparation entre l'aide offerte et l'aspect politique. La plupart des groupes ne veulent pas dépendre du financement pour éviter qu'on les associe à des motivations politiques.
Si des groupes comme ceux-là étaient reconnus de manière plus officielle, peut-être qu'il y aurait une ligne d'aide ou une façon quelconque d'accélérer la résolution des situations dont vous parlez.
Monsieur Harris, avez-vous des commentaires à formuler là-dessus?
Je ne suis pas certain d'être prêt à l'idée d'officialiser notre démarche. Nous communiquons entre nous. Des messages apparaissent sur nos téléphones. Nos téléphones sont allumés même la nuit. La plupart du temps, nous référons les gens aux numéros qui existent déjà. Il y a déjà de l'aide.
Une avalanche de numéros de téléphone et trop de choses à la fois, des gens qui rivalisent pour savoir qui s'occupe de quoi et qui aide qui, je ne pense pas que ce soit une avenue pour notre groupe. Je crois que nous pouvons diriger les gens au bon endroit, car nous connaissons notre affaire. Il arrive que nous en sachions plus sur telle ou telle chose, et dans ce temps-là, nous faisons appel aux personnes compétentes pour déterminer la marche à suivre.
Oui, c'est logique. Je veux seulement ajouter, en terminant, que nous ne voulons pas que se perde toute cette information précieuse que le Comité obtient aujourd'hui en discutant quelques minutes avec les groupes de soutien par les pairs. Merci beaucoup.
Puis-je me permettre un commentaire rapidement sur l'intégration des groupes de soutien par les pairs à Anciens Combattants?
Une des grandes difficultés pour les anciens combattants en ce moment, c'est qu'ils n'ont pas confiance au ministère. Si vous prenez ces groupes de soutien par les pairs qui font de l'excellent travail et que vous les intégrez à une structure en laquelle ils n'ont pas confiance, ils vont disparaître. Il n'y en aura plus. Il ne s'en formera pas de nouveaux non plus.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être ici. Je tiens à vous remercier de nous illuminer de votre savoir sur bon nombre de sujets.
Je vous remercie également des services rendus à notre nation. Et j'inclus vos familles dans mes remerciements. Je viens moi-même d'une famille de militaire, alors je comprends très bien par quoi vos familles doivent passer, même si elles ne sont pas officiellement sur la liste de paye. Plusieurs d'entre vous nous en ont parlé aujourd'hui, comme d'autres l'ont fait avant.
Dana, j'ai une brève question à vous poser. Vous avez indiqué que lorsque les gens font finalement appel aux services en santé mentale, c'est qu'ils sont au bout du rouleau. Je suis d'accord avec vous. Souvent, ils ne reconnaissent pas qu'ils ont des problèmes de santé mentale et ne vont pas chercher de l'aide. Quand ils finissent par s'en rendre compte, il est trop tard.
Pouvez-vous nous parler notamment de... Je ne suis pas le plus fervent adepte des médias sociaux, mais je connais Facebook, Twitter et les autres, et je sais que votre groupe est actif sur ces plateformes. Est-ce qu'on parle beaucoup, si on en parle, des cliniques de traitement des blessures de stress opérationnel? En connaissez-vous? Savez-vous où elles sont? Est-ce que les gens en parlent et savent comment accéder à ces services?
Oui, je peux vous en parler en détail, car je le vis moi-même.
Au sein du groupe Envoyez le compte, on parle des cliniques de traitement des blessures de stress opérationnel (BSO) et des groupes de soutien social aux blessés de stress opérationnel (SSBSO). Nous avons les numéros et les coordonnées des personnes-ressources de tout cela dans le gros document dont je parlais.
Pour ma part, quand j'ai demandé de l'aide à mon gestionnaire de cas, en novembre dernier, il m'a aiguillée vers la clinique de traitement des BSO de Vancouver et le groupe de SSBSO.
Comme vous le savez, il est très courant que les militaires refusent de demander de l'aide jusqu'à ce qu'ils n'aient plus le choix, et c'est là qu'entrent en jeu les groupes de soutien social, car ils peuvent leur ouvrir les yeux et leur dire d'appeler quelqu'un immédiatement.
Lorsque j'ai appelé mon gestionnaire de cas à Anciens Combattants, je lui ai dit que j'avais vraiment besoin d'aide, car je souffrais énormément. Mais encore aujourd'hui, les soins que je reçois ne sont pas tellement coordonnés. Quand un militaire est libéré, il n'y a pas de rendez-vous de fixé, ni avec un médecin ni avec un autre intervenant. Il n'y a rien. Le militaire doit s'occuper de tout lui-même. Et avec la pénurie de médecins dans la région, ce n'est pas du tout évident.
Ce qui pose problème avec Anciens Combattants, c'est que les gens sont renvoyés à la clinique de traitement des BSO et... J'ai appelé en novembre, et j'ai eu un rendez-vous à la clinique à la fin mars. C'est attendre très longtemps pour une simple évaluation. Ensuite, il faut attendre encore trois ou quatre semaines pour que l'évaluation se rende à Anciens Combattants, où elle sera étudiée. Les choses commencent à peine à se mettre en place. Lundi, j'ai un rendez-vous avec mon médecin, qui pourra me renvoyer à un conseiller.
Je n'ai toujours pas vu de conseiller. Je ne sais rien du groupe de soutien, le groupe de SSBSO, auquel on m'a supposément référée. Je ne sais pas si je suis censée communiquer avec le groupe ou si ACC doit le faire. On m'a seulement dit qu'on m'y référait. Je ne sais pas du tout comment cela fonctionne.
J'ai passé des mois, littéralement, sans aucune forme d'aide ou de traitement. Même si je suis passée par les mécanismes prévus par le système, je n'ai toujours pas obtenu d'aide concrète. C'est souvent ce qui arrive à ceux qui demandent de l'aide. Il y a bien sûr des délais à prévoir, par exemple le temps qu'il faut pour qu'un dossier soit transmis d'un intervenant à un autre ou pour que la recommandation de la clinique de traitement des BSO se rende à ACC ainsi qu'au médecin, et ainsi de suite. C'est très long avant que le dossier ne se rende à bon port, et on ne nous explique à peu près rien, par exemple comment se fait le lien entre la clinique et le groupe de SSBSO, qui contacter et le genre de soutien offert.
On en a une petite idée, parce que le sujet est abordé brièvement pendant nos années de service, mais dans les faits, on ne sait pas grand-chose. Et quand on ne va pas bien et qu'on demande de l'aide, il est facile d'oublier ce qu'on a pu nous dire auparavant.
Beaucoup de témoins nous ont dit la même chose, soit que les gens ne savaient pas où ni quand aller chercher de l'aide. Quand ils l'apprennent, c'est souvent après-coup.
Monsieur Harris, merci beaucoup d'avoir parlé de cette idée qu'il faille absolument « avaler son mal ». Dans mon enfance, mon père me le répétait tous les jours. C'est vrai. Comment surmonter cela? C'est très difficile, comme vous le dites. Comment changer cette mentalité dans le monde militaire? Comment reconnaître le rôle que devraient jouer nos militaires et donner de l'importance aux autres aspects du service militaire?
Vous avez parlé des gestionnaires de cas pour les enfants. Je me demandais si vous pouviez nous en parler davantage. À quoi pensiez-vous, au juste?
Quand j'ai discuté avec lui et sa mère, je lui ai demandé s'il avait un gestionnaire de cas. Il m'a demandé ce que c'était et m'a répondu qu'il n'en avait jamais entendu parler. Je lui ai demandé s'il avait communiqué avec Anciens Combattants Canada, et il m'a dit qu'il l'avait fait pour s'informer de sa bourse d'études, qui avait été incluse à une forme quelconque de rémunération que lui versait le ministère. Il m'a dit qu'au téléphone, on l'avait mis en attente, puis il parlait à quelqu'un d'autre, et on le mettait encore en attente avant de le transférer à une personne différente. J'ai vite réalisé que si quelque chose devait m'arriver, mon épouse n'a pas le numéro pour joindre Anciens Combattants. C'est une civile. Elle ne peut rien faire à moins que je lui demande de le faire, ou à moins qu'elle ne me le demande elle-même.
Ce garçon a perdu son père. L'ancien combattant est décédé, alors va-t-il appeler? Je ne pense pas qu'il ait le bon numéro pour joindre Anciens Combattants, et s'il l'a, il ne le sait pas. Son père est décédé en 2009. Il n'était qu'un enfant à ce moment-là. Il ne sait pas quoi faire. Il devrait avoir quelqu'un à qui parler. Tout le monde le devrait.
D'accord. Merci.
Dans les discussions que nous avons eues, nous avons entendu différentes choses, comme la nécessité d'établir un registre dès qu'une personne s'enrôle dans les forces armées. Il a été proposé de consigner ses coordonnées dès le début et de mettre tout cela à jour à mesure qu'elle obtient des promotions, plutôt que d'attendre six mois avant sa libération. Quelqu'un peut nous faire part de son opinion à cet égard? Si tout est consigné dès le départ, du recrutement dans les forces militaires jusqu'au transfert à Anciens Combattants, et qu'on désigne un gestionnaire de cas pour les familles...
Non, les numéros changent. Nous avons un numéro de service quand on se joint aux forces militaires, mais, pour une raison quelconque, après le transfert à ACC, ce numéro change. Je ne suis pas certain de savoir pourquoi. Garder le même numéro faciliterait sans doute les choses. Et la famille, les enfants, pourraient avoir un numéro différent. Peut-être que toute ma famille pourrait avoir un numéro de soutien.
Merci beaucoup à vous tous d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de vos expériences. Le Comité aura une meilleure idée de la situation et pourra faire les recommandations appropriées. Je tiens à vous dire que nous sommes à l'écoute et que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté notre invitation et de faire le travail que vous faites.
Ma première question s'adresse à M. Blais. J'ai apprécié vos commentaires, notamment en ce qui a trait à l'importance pour les gestionnaires de cas d'être proactifs, en ce sens qu'il n'incombe pas aux anciens combattants de trouver les ressources dont ils pourraient peut-être bénéficier. Il revient plutôt au ministère de veiller à ce qu'ils soient mis au courant des ressources offertes et à ce qu'ils profitent de toutes les occasions possibles pour recourir aux services auxquels ils ont certainement droit.
Il n'est pas seulement question des gestionnaires de cas. Évidemment, il est important d'accroître le nombre de gestionnaires de cas, et de faire passer le ratio à 25 pour 1, comme l'a fait le gouvernement actuel, mais il sera surtout important de voir à ce que les niveaux de service soient augmentés de manière proportionnelle.
Vous avez parlé de la possibilité d'offrir de la formation supplémentaire aux gestionnaires de cas. Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus à ce sujet, afin de nous aider à comprendre de quelle sorte de formation vous voulez parler. Les gestionnaires de cas peuvent certainement aiguiller un ancien combattant vers un spécialiste, mais peut-être que cela devrait demeurer entre le gestionnaire de cas et l'ancien combattant, de façon à établir une relation de confiance entre les deux. Pourriez-vous nous parler davantage de la formation à laquelle vous pensiez?
Tout à fait. La situation actuelle s'explique par l'affectation rapide de nouveaux employés. Ils sont formés par leurs pairs — c'est l'expression employée. Ils sont jumelés à un ASC ou un gestionnaire de cas qui s'occupe de leur formation. Je pense que c'est bien pour ce qui est de la formation en cours d'emploi, mais je crois également qu'il doit y avoir une formation régulière. Les protocoles et les documents d'Anciens Combattants Canada sont beaucoup trop compliqués pour être confiés à quelqu'un d'autre pendant qu'on sert un client.
C'est bien. Ne vous méprenez pas. Nous devons faire le nécessaire pour que ces personnes soient rapidement en ligne, mais je crois qu'Anciens Combattants Canada devrait avoir sa propre formation. D'après ce que j'ai entendu, la moitié des problèmes qui ont été cernés, dont certains qui sont graves, auraient pu être réglés ou neutralisés si l'ASC ou le gestionnaire de cas responsable était intervenu de manière proactive.
Nous devons identifier les anciens combattants dans le besoin. C'est une autre chose. Ce n'est pas tout le monde qui a besoin de ce niveau de soins, mais il y a ceux qui ont besoin chaque mois de cette réassurance, à savoir ceux qui ont subi des blessures psychologiques. Leurs femmes sont les plus durement touchées et tentent elles-mêmes de composer avec la gravité de la situation.
Il y a des problèmes, et une intervention proactive pourrait en résoudre certains, mais à moins que les gestionnaires de cas et les ASC terminent leur formation, il arrivera parfois qu'une intervention proactive soit contre-productive.
Prenons par exemple une personne qui n'est pas formée. Elle dit à Kimberly ce qu'elles vont faire. Cela remonte la chaîne de commandement et on lui dit qu'une erreur a été commise, qu'elle ne peut pas faire cela. Elle a peut-être recommandé à quelqu'un un certain nombre de séances de physiothérapie ou de massothérapie, mais on remarque ensuite que la personne a déjà dépassé 18 séances et que ce n'est pas possible. Beaucoup de ces problèmes peuvent être résolus grâce au dialogue et à une intervention proactive du ministère.
Cela s'applique également au soutien par les pairs. Je ne dis pas qu'il faut rencontrer officiellement ces personnes — Kimberly a formulé une brillante observation à cet égard —, mais vous devriez savoir, tout comme le ministère, qu'il faut du monde sur le terrain lorsqu'il y a un problème, comme le fait Send Up the Count. Il y a également des aidants sur le terrain grâce à la brigade, à Kimberly. Nous devons avoir ce lien avec les gens, qu'il soit officiel ou non. Lorsqu'un gestionnaire de cas reçoit un appel d'urgence et qu'il est frustré parce qu'il n'a pas ce genre de ressource à sa disposition, ces personnes pourraient peut-être intervenir et sauver une vie.
Je pense qu'il est essentiel que tous les gestionnaires de cas et tous les ASC soient formés au point de connaître parfaitement le manuel — en passant, il est très épais.
J'aimerais seulement souligner que vous avez tous formé des groupes pour soutenir les anciens combattants, et nous vous en sommes certainement reconnaissants. De toute évidence, il y a un besoin.
J'ai seulement quelques minutes. Pourriez-vous donc chacun me dire rapidement quelle est la lacune que vous voyez le plus souvent?
À Send Up the Count, il s'agit des gens qui ne savent pas comment avoir accès aux ressources ni quelles ressources sont offertes. Au moment où ils s'adressent à notre groupe et qu'ils commencent à demander de l'aide, ils sont habituellement dans une situation désespérée. Ils n'ont aucune personne de confiance avec qui en parler. C'est le principal problème observé à Send Up the Count. Ils ne savent pas à qui faire confiance ni à qui s'adresser.
L'un des plus graves problèmes, c'est qu'il arrive parfois que la paperasse présentée ne soit pas traitée ou qu'elle soit renvoyée. Certains anciens combattants et leur famille consultent des spécialistes qui travaillent dans le domaine depuis belle lurette, et leurs rapports sont tout de même rejetés. On refuse d'y donner suite en disant qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent.
Comment les anciens combattants peuvent-ils naviguer dans le système lorsque, comme l'a dit mon mari qui est orthodontiste, ils se heurtent à un mur de briques parce qu'on n'écoute pas ces spécialistes, qui ont de l'expérience et la formation nécessaire, mais dont les demandes sont malgré tout invalidées? Leur première demande est rejetée. Leur deuxième demande l'est également, et ils essuient ensuite un refus de la part du Tribunal des anciens combattants, révision et appel. Leurs demandes sont rejetées. On leur dit que ce n'est pas lié à leur service, même si un spécialiste affirme le contraire.
Pourquoi nous heurtons-nous à ces murs de briques? C'est le problème auquel nous sommes sans cesse confrontés.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous. Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant.
[Traduction]
Je sais que devoir répéter chaque fois son histoire est extrêmement difficile. Nous en sommes pleinement conscients.
Comme d'habitude, j'ai une douzaine de questions. J'ai dû choisir les plus importantes, ou celles qui le sont selon moi, et c'est un remue-méninges.
Je vais d'abord poser à M. Harris une question qui est peut-être plus technique. Vous dites dans votre mémoire que vous voulez sauver ceux qui ont été laissés à eux-mêmes. Pouvez-vous nous dire, si vous le savez, quels sont les situations ou les problèmes les plus courants des membres qui ont été laissés à eux-mêmes? Y a-t-il un thème commun?
Oui, il y en a un.
Les gars reviennent de l'Afghanistan et veulent quitter l'armée pour une raison ou une autre. Ils veulent passer à autre chose. Ce n'est pas nécessairement parce qu'ils sont frustrés à cause de quelque chose. Ils reviennent à la maison après avoir passé, par exemple, un total de cinq ans dans l'armée en tant que réservistes, ce qui signifie qu'il n'y a pas d'UISP, pas de transition. Ils remettent leurs effets, et c'est tout. Ils partent et essaient ensuite, par exemple, de devenir pompiers quelque part dans une autre ville.
Il y en a forcément beaucoup qui commencent à s'ennuyer de l'armée, ou l'armée s'ennuie d'eux. L'un d'eux pourrait être caporal dans votre section un jour et ne plus être là deux semaines plus tard. Il est parti. Vous savez qu'il était en Afghanistan l'année précédente et vous ne savez plus où il se trouve. Vos supérieurs hiérarchiques vous demandent où il est, et vous ne le savez pas. Vous ne savez pas où il est parti. C'est ainsi que nous... Cet ancien combattant est laissé à lui-même, car s'il blesse quelqu'un, qu'il se blesse ou qu'il a besoin d'aide, il aura peut-être l'impression de ne pas pouvoir demander d'aide, à défaut de savoir à qui s'adresser.
Nous essayons de contacter ces anciens combattants. De temps à autre, je vais leur demander comment ils vont, ce qu'ils font et s'ils ont besoin d'aide pour quoi que ce soit. Évidemment, au bout d'un an, il arrive souvent qu'ils aient des problèmes de santé mentale qu'ils pensaient être capables de gérer, mais c'est devenu frustrant. Ils ne savent pas à qui s'adresser, et nous les ramenons forcément dans nos rangs, dans notre petit groupe, et nous les dirigeons vers Anciens Combattants Canada ou une autre organisation — la légion ou autre. Nous essayons de les aider, peu importe où ils se trouvent. C'est ce que nous voyons le plus souvent.
Monsieur Harris, vous semblez dire que c'est la situation des réservistes. Qu'en est-il des membres des forces régulières laissés à eux-mêmes?
Attendez. Savez-vous quoi? Je suis désolé. Je ne devais pas dire cela. Des membres des forces régulières s'installent dans notre région après leur départ de l'armée. Ils étaient peut-être à la base de Petawawa ou à celle de Shilo. Ils s'installent dans notre région, et ils communiquent forcément avec nous. Ils ont des difficultés dont ils ne voulaient pas parler lorsqu'ils étaient dans l'armée, ou ils nous aident parce qu'ils ont d'autres idées. Ce n'est pas tout le monde qui a besoin d'aide. Certains veulent tout simplement aider. Je crois que c'est formidable.
Bien. Je ne le serai pas. C'est là le problème.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Vous avez deux minutes.
M. Alupa Clarke: Bien. Je veux poser une question qui sort des sentiers battus.
La Nouvelle Charte des anciens combattants n'est qu'une nouvelle politique publique, et les spécialistes des politiques publiques suggèrent que nous attendions de cinq à dix ans avant d'évaluer ce genre de politiques. C'est ce que nous faisons maintenant, et ce que l'autre comité faisait dans le cadre de ses travaux. Je pense que nous pouvons probablement conclure que cette politique publique est davantage un échec qu'une réussite.
L'ancien système, c'est-à-dire la pension d'invalidité, visait à répondre aux besoins financiers, et je crois que c'était très simple. Cela fonctionnait, quoique je peux me tromper. La Nouvelle Charte des anciens combattants a deux objectifs : répondre aux besoins financiers des anciens combattants — comme l'ancienne pension —, mais aussi aux besoins découlant de problèmes physiques et psychologiques, ce qui était nouveau en 2006.
Pour en venir à la question qui sort des sentiers battus, ne devrions-nous pas tout simplement revenir à l'ancien système? Cette politique publique n'est-elle tout simplement pas bonne du tout? Devons-nous tout simplement revenir à la pension d'invalidité?
Non, et j'aimerais apporter des précisions. Quand nous parlons de soutien financier, nous devons établir une distinction entre les dommages-intérêts pour préjudice moral et votre obligation d'offrir une stabilité économique au moyen du programme de remplacement du revenu. Il s'agit de deux éléments distincts.
Dans le cas de la Loi sur les pensions, 45 % de la pension que je reçois tout au long de ma vie sont des dommages-intérêts pour préjudice moral, pour mon dos et mes oreilles. Conformément à la décision des tribunaux, le calcul relatif au remplacement du revenu ne doit jamais en tenir compte. Nous devons retirer tout de suite cet élément du calcul.
La Nouvelle Charte des anciens combattants a apporté des changements considérables. Ce n'est pas entièrement mauvais. Le principal problème concernait l'obligation sacrée de tenir compte aussi du préjudice moral. Si vous proposez un montant forfaitaire, il doit correspondre à la pension que je reçois, car aucun ancien combattant ne devrait recevoir moins que ce que je reçois alors qu'il a perdu ses jambes ou d'autres parties de son corps, ou qu'il a subi une grave blessure psychologique. Ce ne serait pas équitable. Il faut que ce soit équitable en reconnaissance du sacrifice consenti pour la nation, et les repères liés aux dommages-intérêts pour préjudice moral sont établis dans la Loi sur les pensions.
Le montant versé diffère toutefois selon la longévité des personnes concernées. Il peut atteindre un million ou deux millions de dollars au fil des ans. Si elles vivent jusqu'à 90 ans et qu'elles ont été blessées à 25 ans, les dommages-intérêts pour préjudice moral sont alors versés pendant de nombreuses années.
Je pense qu'il est important d'établir une distinction entre les deux. Je pense également qu'il est important de cerner les bons éléments de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Je pense que les questions que nous avons mentionnées en discutant du retour à la Loi sur les pensions sont importantes, comme l'augmentation du pourcentage à 90 % et le plancher de 360 000 $ pour l'indemnité d'invalidité. Nous sommes sur la bonne voie. Je pense que la politique aurait dû être adoptée il y a cinq ans.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux revenir sur deux ou trois choses que vous avez dites, monsieur Blais. M. Chartrand aura peut-être aussi des observations à formuler.
À propos de la transition de la Défense nationale à Anciens Combattants, avez-vous eu des problèmes liés au RARM, à l'UISP ou même au TACRA? On a mentionné le comité d'examen.
En ce qui me concerne, oui. Ce qui pose problème au moment de la transition, c'est que notre unité peut nous diriger vers l'UISP ou nous garder. C'est un problème. Si l'UISP vous prend en charge... Si vous êtes réserviste comme moi, il faut maintenant faire une grève de la fin pendant le service pour obtenir de l'aide, comme je l'ai fait en 2009.
Pour être indemnisé, je ne me suis pas adressé au RARM, mais plutôt à l'autorité responsable des travailleurs, car un réserviste est fonctionnaire, même s'il est dans l'armée. J'ai donc recouru à la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État, c'est-à-dire à l'autorité chargée d'indemniser les travailleurs. Peu de gens savent que c'est possible. Dans mon cas, la transition vers Anciens Combattants Canada s'est donc très bien faite, car je connais le processus. Je sais comment obtenir de l'information. Je sais comment naviguer dans le système. Peu de gens le savent, et c'est un gros problème.
J'aimerais seulement dire rapidement, Irene, que je suis dans le vieux système, et quand j'ai communiqué avec le RARM, les services que j'ai reçus ne m'ont jamais posé de problème. Comme vous le savez, nous en parlons, mais les difficultés que nous avons eues avec Anciens Combattants auraient pu être évitées si l'on s'était efforcé de communiquer avec nous à notre départ, car j'ai dû attendre longtemps avant que le ministère communique avec moi. J'ai reçu des médailles par la poste. C'est comme si j'avais disparu, et c'est frustrant. C'est le cas de le dire. Il faut être proactif.
Lorsque nous envoyons nos jeunes hommes et nos jeunes femmes combattre en Afghanistan ou mener des missions de maintien de la paix, on a la profonde impression que le pays fait une chose remarquable, mais lorsque les militaires reviennent brisés, c'est une tragédie humaine.
Les personnes qui devaient s'occuper du personnel militaire étaient-elles mal préparées? Ont-elles sous-estimé les efforts nécessaires pour essayer de mettre de l'ordre dans ces vies et ces familles...
Je ne pense pas qu'elles aient compris les répercussions des combats en Afghanistan ou des blessures psychologiques sur nos jeunes hommes et nos jeunes femmes. Oui, elles étaient mal préparées. Pendant qu'elles tentent et s'efforcent de faire face aux problèmes, des anciens combattants se sont suicidés. Nous ne faisons pas le suivi des suicides commis au sein de la communauté des anciens combattants. Nous savons que plus de 170 militaires se sont enlevé la vie, mais nous ignorons le nombre d'anciens combattants. Combien d'anciens combattants sont-ils devenus frustrés au point de disparaître dans les bois, comme Kimberly l'a dit, et de ne jamais revenir? C'est la raison pour laquelle c'est si important.
S'il y a une chose que je tiens à souligner aujourd'hui, c'est que cette attitude proactive doit être adoptée, car elle permet de prévenir des suicides. Elle prévient la frustration. Elle ramène les gens au bercail. Quand on les appelle, ils ne sont plus laissés à eux-mêmes. Ils n'ont pas l'impression d'être à la dérive lorsqu'un gestionnaire de cas les appelle et leur demande comment ils vont et comment ils se sentent, et qu'il leur dit que ce n'est qu'un appel de courtoisie. Un appel de courtoisie? Je n'en ai jamais reçu un. Personne ne me demande comment je me sens.
Je pense que c'est ainsi qu'il faut aller de l'avant. Il doit y avoir une touche personnelle. Il doit y avoir une intervention proactive.
Nous devrons nous arrêter ici.
Madame Davis, vous allez la main levée. Je peux vous accorder 20 secondes, et nous passerons ensuite à une autre série de questions de trois minutes.
Bien, j'ai 20 secondes. Je serai très brève.
Nous parlons de ceux qui viennent d'être libérés, qui viennent tout juste de sortir du système, mais combien d'anciens combattants qui entrent dans la catégorie des libérations normales sont-ils laissés à eux-mêmes à défaut de savoir qu'ils peuvent s'adresser à Anciens Combattants Canada? Ils demandent de l'aide aux groupes de soutien par les pairs parce qu'ils ne savent pas à qui d'autre s'adresser.
Anciens Combattants doit intervenir et appeler tous ceux qui ont été libérés sur une période de six mois à un ou deux ans. Combien d'anciens combattants qui entrent dans la catégorie des libérations normales ont-ils quitté l'armée sans que l'on voie leurs blessures psychologiques? C'est ce qui est arrivé à mon mari. Il a été mis dans la catégorie des libérations normales.
Merci beaucoup.
Je n'ai que trois minutes, alors je vais adresser ma question à Kimberly pour commencer, mais ce serait bien si les autres pouvaient aussi répondre.
Je comprends ce que vous avez dit, Matthew, à propos de la mentalité des Forces armées canadiennes et du fait que vous devez avaler votre mal. J'ai un bon ami qui était dans les forces dans les années 1980 et qui a fini par pouvoir en parler. Je comprends que vous devez être formés à vous comporter d'une certaine façon. Je n'accepterais jamais de franchir cette colline ou de sauter dans l'eau sans que quelqu'un ait travaillé très fort à me convaincre de toutes les raisons pour lesquelles je devrais le faire.
Ce que je comprends aussi, c'est qu'ils reviennent et continuent de penser qu'ils doivent avaler leur mal, et nous ne savons pas comment réagir à cela.
La question que je veux vous poser est la suivante, Kimberly. Vous avez dû convaincre votre mari qu'il avait des problèmes. Donc, si les Forces canadiennes ont la responsabilité de former leurs soldats à avaler leur mal, et se comporter en conséquence, n'ont-elles pas un rôle à jouer quand les soldats sont blessés et traités dans une Unité interarmées de soutien du personnel, ou une UISP? On ne les retourne pas, mais on les libère et ils doivent faire face à un changement total de style de vie et de perception. N'y a-t-il pas une responsabilité...?
Nous devons avoir la capacité d'annuler cette formation psychologique, de les ramener à un état d'esprit sain et de veiller à ce qu'ils soient au courant de tout ce qui leur est offert avant qu'on les libère et qu'on dise : « Non, ils ne sont pas encore prêts. »
Beaucoup de ceux qui se joignent... Même M. Harris a dit qu'il est entré dans les Forces à 19 ans. Mon mari est entré dans les Forces à 19 ans. À cet âge, on apprend encore comment faire les choses dans la vie. Vous sautez dans une culture militaire où l'on vous dit : « Voici comment vous allez le faire. Vous n'avez pas le choix, même si vous n'aimez pas ça. »
Pendant toute sa carrière militaire, mon mari a entendu les mots « malade », « éclopé » et « paresseux ». Vous ne pouvez pas être malade, éclopé ou paresseux. Cela ne me lâche pas, parce que je lui dis : « Chéri, tu es malade. Tu as besoin d'aide. » Il a été libéré en 2001. Il a reçu un diagnostic de TSPT en 2011. J'ai passé 10 ans à dire : « Chéri, il faut que nous allions chercher de l'aide. Quelque chose ne va pas. » Du point de vue d'un conjoint...
Bien des conjoints et conjointes me parlent. « Qu'est-ce que je devrais faire à propos de mon mari? Qu'est-ce que je devrais faire? » Ce que je dis, c'est : « Tout ce que vous pouvez faire, c'est vous occuper de vous-même et lui donner des exemples de choses qu'il fait et qui sont insensées à vos yeux. » Vous ne pouvez pas lui faire de pression. Comme on le dit : vous pouvez mener le cheval à l'abreuvoir, mais non le forcer à boire.
Est-ce qu'il aurait été bon pour lui d'avoir une forme de soutien, cependant?
Je l'ai déjà mentionné : quiconque joue de tels rôles et vit quelque chose alors qu'il est en service va avoir des problèmes à régler. Vous avez parlé des mots « malade », « éclopé » et « paresseux ». Ne peuvent-ils pas faire quelque chose et assumer la responsabilité de réadapter leur façon de penser et de traiter les situations de sorte qu'il ne s'agisse plus d'être « malade, éclopé ou paresseux », mais de se dire plutôt : « J'ai fait quelque chose de formidable; j'ai servi mon pays et je ne suis pas paresseux; j'ai la chance de me réadapter, de me ressourcer et de servir mon pays d'une manière différente »?
Désolée; je veux simplement dire quelque chose très rapidement.
Au Collège militaire royal — dont je suis une diplômée de la promotion de 2011 —, il y a eu deux suicides au cours des deux dernières semaines, parce que des cadets n'ont pas été capables de soutenir le stress, et parce qu'on ne nous enseigne pas convenablement qu'il y a un moment où il faut s'arrêter et cesser d'avaler son mal pour demander de l'aide. C'est là le problème. On ne vous enseigne pas suffisamment que c'est une bonne chose, de demander de l'aide. C'est le problème.
Merci beaucoup.
Je veux d'abord remercier M. Blais d'avoir signalé que l'indemnisation en cas de blessures n'est pas un revenu. Je crois qu'il est très important que tout le monde comprenne cela clairement. C'est un montant reçu à cause de blessures, dont le but est de compenser autant que faire se peut les douleurs et les souffrances. Cela n'a absolument rien à voir avec un revenu. Il faut vraiment garder cela à l'esprit quand nous parlons de soutien du revenu et de droits que les anciens combattants ont acquis en raison du service rendu. Je vous remercie d'avoir mentionné cela.
Comme suite à ma précédente discussion avec M. Blais, j'aimerais maintenant m'adresser à Mme Davis et lui poser une question de suivi au sujet de ce qu'elle a dit tout à l'heure au sujet des fréquentes difficultés financières, les anciens combattants ne sachant pas ce que c'est que de faire un budget et ce genre de choses.
Je crois que vous avez dit qu'un des services offerts, mais qui n'est pas obligatoire, c'est le montant de 500 $ qui permet aux gens de retenir les services de professionnels en matière financière. D'après vous, est-ce qu'un gestionnaire de cas pourrait faire cela d'une façon très générale, avec la formation nécessaire, et rencontrer l'ancien combattant pour lui donner une idée de base de la façon d'établir un budget? Est-ce que c'est déjà le cas? Est-ce une chose que vous trouveriez utile?
Je recommanderais que ce soit quelqu'un d'autre que le gestionnaire de cas qui en a déjà assez à faire. Si vous ajoutez un autre élément à leur charge de travail, vous aurez la même situation que maintenant : ils se battent pour avoir plus d'aide. Il vous faut une personne distincte qui a une formation en gestion financière.
Les gens qui quittent les forces sont habitués d'être payés deux fois par moi. Parfois, ils n'ont rien pendant deux mois, puis ils reçoivent un montant mensuel. Il leur est difficile de gérer cela.
Je comprends. Si nous parlons d'être proactifs, cependant, plutôt que de dire aux gens qui veulent voir un conseiller financier que nous allons leur donner 500 $ pour cela, est-ce qu'il ne faudrait pas le leur recommander et discuter avec eux de l'importance de cela?
Il faudrait aussi fournir le conseiller financier. Quand j'ai vécu ce processus, j'ai dû moi-même trouver un conseiller financier. J'ai demandé des recommandations au ministère des Anciens Combattants, parce que je ne connaissais personne, et ils n'ont pas voulu m'en donner. Ils devraient le faire.
Merci beaucoup, monsieur le président.
L'une des choses auxquelles je pense est liée à ce que vous avez dit, monsieur Harris. Vous avez parlé de la différence entre les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la Guerre de Corée et ceux qui reviennent d'Afghanistan. Dans le premier cas, les anciens combattants y sont allés, ont servi, puis sont revenus à la maison. Les derniers auront servi et seront retournés sur le théâtre des opérations de multiples fois.
Quel genre d'effets cela produit-il, de savoir que vous devez y retourner? Qu'est-ce que cela fait à l'ancien combattant qui a vécu cela et à sa famille?
J'étais en Bosnie, en 1998, et je suis allée deux fois de suite en Afghanistan. Je suis rentré à la maison pour environ un an et j'y suis retourné. Cela a été très difficile pour ma famille.
C'était égoïste de ma part de vouloir y retourner, je pense bien. Je me suis porté volontaire. On ne m'a pas forcé d'y retourner. Bien des gens pensent qu'on nous force à y retourner, mais les réservistes ne le sont pas. Nous nous portons volontaires.
Cela a été difficile pour ma famille. Ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais y retourner, ou pourquoi j'avais besoin d'y retourner. C'est mon cas personnel, mais d'après mes conversations avec d'autres, il semble que ce soit tout le temps le cas. Vous voulez y retourner. Vous avez l'impression que le travail n'est pas fini, ou que vous faites quelque chose de fantastique et de grand. Tout est réel. Quand vous revenez à la maison et que vous travaillez à faire n'importe quoi, cela ne semble pas aussi réel. Tout peut attendre. On peut laisser des choses de côté. Vous pouvez appeler un médecin, réorganiser l'emploi du temps. Là-bas, tout est très réel.
Oui, c'est très difficile pour les familles. Je sais que des enfants ont reçu un diagnostic de TSPT, et vous vous demandez pourquoi. Les enfants, ils n'ont pas servi.
Imaginez un enfant de six ans dont le père est en Afghanistan, ou ailleurs, très loin, et pensez à son imagination. Les images dans la tête de cet enfant, c'est son père qui se fait tuer. Ces images, même si elles ne sont que dans sa tête, deviennent réelles chaque jour et chaque soir. Chaque matin, quand il se réveille, il se demande si quelqu'un viendra frapper à sa porte pour me dire que son papa ou sa maman est décédé. C'est extrêmement difficile pour eux.
Puis, quand les soldats rentrent à la maison, ils ont des problèmes de toute sorte, et leurs enfants ont des problèmes. Vous vous demandez : « Qu'est-ce qui s'est passé pendant mon absence. Pourquoi le petit a-t-il changé? » Et, bien sûr, le petit reçoit un diagnostic de TSPT, mais il n'y a pas d'aide. Il n'y a pas d'indemnisation pour cela.
Je suis heureux d'avoir un emploi au gouvernement fédéral, dans la fonction publique, dans ma vraie vie, parce que j'ai d'autres avenues, mais je ne devrais pas avoir à recourir à ces avenues pour mes enfants.
Merci.
Dana, vous avez soulevé quelque chose d'incroyable. Je veux vous dire que mon fils va obtenir son diplôme du CMR la semaine prochaine. Les deux jeunes qui sont morts dans les 10 derniers jours étaient des camarades de classe, alors je sais exactement de quoi vous parlez.
Kimberly, vous avez mentionné quelque chose au début de votre déclaration, et je pense que j'ai eu un moment « eurêka ». Vous avez dit que c'est la troisième fois que vous venez et que vous craignez que ce soit en vain. Je peux vous dire que non, car j'ai eu ce moment « eurêka ».
Je pense que Mme Wagantall a visé juste. Nous conditionnons les membres de nos Forces armées canadiennes, dès qu'ils s'enrôlent, à ne pas être malades, éclopés ou paresseux, mais aussi à travailler avec une mentalité de meute, au sein de leur escadron ou de leur peloton. Ils ont toujours cela, même au collège. Ils font partie de leur escadron ou de leur peloton. Ils font toujours partie d'une famille, d'une équipe.
Quand les membres sont libérés pour raisons médicales ou qu'ils quittent les forces, nous leur enlevons leur équipe, leur famille. Nous n'avons plus de très nombreuses personnes qui servent comme avant, alors ils ne retournent pas dans une collectivité où il y en a d'autres comme eux. Ils se retrouvent seuls et ne savent pas comment faire face à leur situation.
Je pense que la prolifération de... En fait — et j'aimerais votre avis là-dessus — les groupes de soutien par les pairs viennent se substituer à leurs pelotons et escadrons, parce qu'ils sont à la recherche de personnes qui pensent comme eux pour les soutenir.
Je pense en ce moment que nous devrions — je ne veux pas dire déconditionner — les former de nouveau pour qu'ils puissent se débrouiller seuls, revenir dans la société et ne pas avoir absolument besoin du peloton.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
Le problème, c'est la stigmatisation, et je vais le dire encore une fois pour que tout le monde comprenne.
Cette stigmatisation représente une entrave quand elle se manifeste au sein du peloton. Il ne dit rien. Elle ne dit rien. Elle ne veut pas être exclue de cette famille. Elle ne veut pas être le chaînon faible.
J'ai servi au sein du Royal Canadian Regiment. Nous avons été déployés très souvent et n'importe où, mais en particulier en Afghanistan, là où je sais que des gens ont subi, après trois tours, des blessures psychologiques graves. Ces gens ne vont cependant pas le dire ni l'admettre tant qu'ils n'auront pas quitté les forces. Comment cela fonctionne-t-il? Tout à coup, ils sont libérés. Ils n'ont jamais parlé de cette blessure psychologique, et tout à coup, ils ont une blessure.
Il y a là des problèmes que nous pouvons résoudre en créant un lien de confiance — confiance dans le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens Combattants, sans stigmatisation, où on va les regarder et dire « Mon Dieu, vous êtes blessé et nous pouvons vous aider », plutôt que « Nous allons vous aiguiller ailleurs, ou vous envoyer promener ».
Il faut changer toute la culture relative aux blessures psychologiques. Il faut une culture d'acceptation et de compréhension.
Merci.
Le paradoxe, c'est que mon mari a quitté les forces pour y revenir en tant que civil, parce que pendant les trois années qui sont passées, il recherchait cette camaraderie. Malheureusement, quand il y est retourné en tant que civil, il s'est retrouvé à relever d'un caporal-chef avec lequel il avait eu des prises de bec et des confrontations, pendant son service. Il a trouvé plus difficile de revenir à cette camaraderie, car il se trouvait de nouveau devant un mur de brique.
Bon nombre de ceux qui partent reviennent en tant que civils. Ils sont à la recherche de l'équipe, de la camaraderie. Avec les groupes de soutien par les pairs, ils sont maintenant capables de trouver cette camaraderie.
En ce moment, avec ce qu'il a vécu en essayant de retourner en tant que civil, mon mari dit qu'il en a assez. Il ne veut plus rien avoir à faire avec le SSBSO — le soutien social aux blessés de stress opérationnel — ou avec le soutien des pairs. C'est fini. Il me porte volontaire pour faire des choses. Et moi, je dis que c'est d'accord, que je vais le faire, à condition que je sache qu'il ne va pas s'effondrer si je me porte volontaire à faire des trucs, parce qu'il est difficile de le ramener quand il s'effondre.
Merci.
Il nous reste environ quatre minutes, alors je vais donner à chaque groupe une minute pour conclure.
Nous pouvons commencer par le Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens, pour une minute.
J'aimerais d'abord remercier chacun d'entre vous de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. J'espère que la voix des participants proactifs s'est fait entendre, car je suis profondément convaincu que nous pouvons éliminer bon nombre des problèmes qui ont été créés.
Je pense aussi que nous devons lutter contre la stigmatisation et la blessure qu'est la maladie mentale et que nous pourrons tendre la main de façon positive et résolue à ceux qui ont été blessés pour les encourager à découvrir eux-mêmes l'importance de cette blessure. Nous ne pouvons leur offrir les soins complets requis s'ils cachent cette blessure jusqu'à leur libération. Ces gens ne se manifestent pas parce qu'ils ont peur. Ils ont peur de perdre leur famille. Ils ont peur de faire l'objet d'ostracisme dans leur peloton. Plus important encore, ils ont peur d'être expulsés des Forces, parce que c'est ce qu'ils craignent par-dessus tout.
Je pense qu'il faut revoir notre approche à l'égard des blessures mentales et physiques. Je pense que le ministère doit jouer un rôle beaucoup plus proactif en matière de prestation des services.
Le principal point que vous devriez tous retenir, selon moi, c'est que lorsqu'une personne est libérée pour raisons médicales, elle le sait depuis au moins un an à un an et demi, et elle a le temps de se préparer. Cela donne suffisamment de temps au ministère des Anciens Combattants pour intervenir, de sorte que le jour où elle est libérée, la personne a déjà des rendez-vous médicaux avec des médecins civils. Toutes ces choses pourraient être en place de façon à ce qu'il n'y ait aucune interruption de soins, en particulier pour les personnes qui déménagent. J'ai trouvé cela extrêmement difficile, et j'essaie toujours de composer avec cette situation.
C'est là une des choses qui pourraient certainement figurer parmi les principales mesures proactives. Il s'agit de s'assurer que les militaires libérés ont déjà des rendez-vous et que des soins sont déjà prévus. Ces gens n'auraient rien à faire, car tout aurait déjà été préparé d'avance pour eux. Ainsi, ils pourront à tout le moins commencer leur nouvelle vie en sachant qu'ils auront des soins médicaux adéquats.
J'aimerais d'abord souligner que quelqu'un a demandé si les gens étaient préparés lorsqu'ils quittent la vie militaire. Je pense que la réponse est la suivante : ils ne sont pas préparés à ne pas recevoir d'aide. Comme M. Blais l'a indiqué, le mot « proactif » semble être le mot d'ordre aujourd'hui.
Lorsque vous êtes un membre actif, on vous appelle tout le temps. On vient vous voir. Un aumônier est sur place. C'est proactif. Les personnes qui occupent des postes de commandement viennent vous voir pour savoir si vous vous portez bien. Ce sont de bonnes mesures qu'il faut poursuivre. Toutefois, personne n'aide les personnes libérées de façon proactive. C'est difficile. Personne n'est prêt à cette absence de soutien.
Donc, pour les anciens combattants, l'aide fournie par les pairs fonctionne. C'est habituellement ce que recherchent les anciens combattants. Cela semble être une approche qu'il convient d'étudier.
Merci.
Merci.
Nous passons maintenant à la Canadian Caregivers Brigade. Madame Kimberly Davis, la parole est à vous.
Merci.
Au fil de nombreuses années, il y a eu une multitude de réunions de comités, de sommets d'intervenants, de réunions de sous-comités. Des témoins répètent sans cesse les mêmes choses. Jusqu'à maintenant, on a observé très peu de progrès par rapport aux enjeux des anciens combattants. On a beau discuter jusqu'à la fin des temps, mais il n'en demeure pas moins que nous nous retrouvons toujours avec des suicides, des divorces, et des familles éclatées qui luttent pour obtenir de l'aide. Pour la prochaine génération, cela démontre qu'il ne vaut pas la peine de se battre pour ce pays, parce que personne ne les aidera s'ils sont blessés.
De plus en plus d'organismes privés prennent le relais, créent des programmes et offrent des services. Ils s'avèrent plus efficaces que le ministère des Anciens Combattants. Cela démontre à quel point ACC est gravement défaillant, tant du côté des services aux anciens combattants et à leurs familles que du côté des fournisseurs de services. Voulons-nous vraiment continuer d'y jeter de l'argent précieux et des idées novatrices après tant d'échecs? Ces problèmes remontent à la création du ministère. Nous savons que les anciens combattants ne font nullement confiance à Anciens Combattants Canada. Nous savons que lorsque le lien de confiance est brisé avec un ancien combattant, c'est terminé; cette confiance est perdue à jamais.
Ce Comité doit recommander un nouveau départ. Il faut tout recommencer. Il faut repartir de zéro.
J'aimerais apporter une précision en ce qui concerne l'endroit où sont inscrits les enfants lorsqu'on demande de l'aide pour eux : ils sont inscrits sous le code K de l'ancien combattant, son numéro de client. Les séances de consultation de ma fille avec un psychologue ou un psychiatre sont inscrites sous le code K de mon mari.
Merci.
Je tiens à remercier, au nom du Comité permanent, chacun de vos organismes du travail formidable qu'ils ont fait et qu'ils continuent de faire pour les hommes et les femmes qui ont servi le pays.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous présenter ces excellents témoignages aujourd'hui. Merci encore une fois, au nom du Comité.
La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication