:
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
Je m'appelle Maryse Savoie et je suis la directrice générale intérimaire des opérations en région à Anciens Combattants Canada. Je suis responsable de près de 1 200 employés dispersés partout au pays, dans 38 bureaux de secteur et 31 centres intégrés de soutien au personnel et bureaux satellites. Les employés des opérations en région oeuvrent directement auprès des vétérans et de leurs familles. Ils sont au coeur de la mission d'Anciens Combattants Canada.
Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui à m'adresser au Comité. Je suis accompagnée, par vidéoconférence, de mes collègues Faith McIntyre, directrice générale de la Direction générale de la politique et de la recherche, et Hélène Robichaud, directrice générale de la Direction générale de la commémoration. Chacune d'elles prononcera un mot de présentation dans quelques minutes.
[Traduction]
Notre ministère reconnaît et salue la participation, les réalisations et les sacrifices de tous les vétérans canadiens, incluant les vétérans autochtones. Nous sommes engagés à mieux faire connaître la contribution des vétérans autochtones par le biais d'activités commémoratives et par l'ensemble de notre programme commémoratif.
[Français]
Ma collègue Hélène Robichaud pourra, dans quelques instants, vous parler davantage du travail du ministère à cet égard.
Nous sommes également déterminés à mieux faire connaître nos programmes et nos services aux vétérans autochtones. Pour ce faire, non seulement nous avons établi des relations avec des partenaires nationaux, mais nous maintenons une forte présence à l'échelle locale au moyen d'une variété d'événements de sensibilisation et de séances d'information auprès de partenaires et directement auprès des vétérans, et ce, partout au pays.
Depuis août 2016, nous avons accru notre présence auprès des vétérans résidant dans le Nord du pays. Régulièrement, des employés de première ligne se rendent à Whitehorse, à Yellowknife et à Iqaluit pour y rencontrer des vétérans et leurs familles, mais aussi des partenaires et des fournisseurs de services sociaux. Ces rencontres nous permettent d'établir et de cultiver de solides relations et de relayer l'information au sujet de nos programmes et de nos services aux vétérans résidant dans ces communautés éloignées.
[Traduction]
Nous ne savons pas combien de vétérans autochtones résident dans les territoires, mais nous savons que les efforts de liaison et de sensibilisation sont essentiels pour surmonter les problèmes d'accès à l'information dans les communautés éloignées.
[Français]
Bien que nous observions les mêmes normes pour tous les vétérans, nous veillons tout de même à ce que notre prestation de services soit adaptée aux réalités culturelles des vétérans que nous servons.
[Traduction]
Dans le cadre de nos efforts de sensibilisation dans le Nord du pays, nous veillons à préparer notre calendrier, nos visites et nos activités en fonction des particularités culturelles, en concertation avec les collectivités et nos partenaires locaux. De plus, nous explorons actuellement les options qui nous permettraient d'offrir une formation de sensibilisation à la culture autochtone à notre personnel de première ligne.
[Français]
Comme tous les fonctionnaires ont un rôle important à jouer dans la réconciliation, Anciens Combattants Canada a récemment invité tous ses employés, incluant le personnel de première ligne, à participer à la série d'ateliers sur les questions autochtones offerte par l'École de la fonction publique du Canada. Ces ateliers permettent aux employés de mieux comprendre la réconciliation et l'importance de renouer des relations avec les peuples autochtones.
Bien que nous soyons déterminés à offrir aux vétérans et à leurs familles le soutien dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin et là où ils sont, l'accès aux services en région éloignée peut parfois constituer un défi. Ce n'est pas par manque de volonté du ministère, mais plutôt parce que les ressources communautaires et provinciales vers lesquelles Anciens Combattants Canada dirige ses clients sont parfois limitées.
[Traduction]
Néanmoins, tous les vétérans peuvent compter sur le vaste réseau de points de service d'ACC et sur le réseau élargi de Service Canada — plus de 558 points de service dans pratiquement toutes les collectivités du Canada —, qui relaie l'information sur les programmes et services d'ACC.
[Français]
Quel que soit leur lieu de résidence, les vétérans qui en ont besoin peuvent compter sur la visite à domicile d'infirmières, d'ergothérapeutes et de gestionnaires de cas.
[Traduction]
Les vétérans et leur famille peuvent toujours communiquer avec le personnel d'ACC par l'intermédiaire du Réseau national des centres de contacts et de notre service d'aide accessible en tout temps. Les renseignements sur nos programmes et services peuvent être obtenus facilement sur le site Web d'ACC, qui comprend le Navigateur des avantages, un outil très utile.
Les vétérans qui préfèrent interagir en ligne peuvent se servir de Mon dossier ACC pour un accès 24 heures par jour, 7 jours par semaine, pour nous envoyer des messages sécurisés ou remplir leurs formulaires de demande d'avantages, et en faire le suivi.
J'aimerais maintenant céder la parole à ma collègue Faith McIntyre.
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
[Traduction]
Anciens Combattants Canada est engagé à servir tous les anciens combattants selon les mêmes normes d'excellence, n'importe quand, n'importe où, et dans n'importe quelles circonstances.
[Français]
Anciens Combattants Canada offre un large éventail de services pour aider les vétérans, incluant les vétérans autochtones et leurs familles. Ces services peuvent aider les vétérans après une blessure ou durant leur transition à la vie civile. Tous les vétérans peuvent nous contacter pour connaître les programmes et les services auxquels ils peuvent être admissibles.
Cependant, comme l'a indiqué ma collègue, nous sommes conscients que les vétérans résidant dans une région éloignée peuvent faire face à des obstacles liés à l'accès aux ressources, mais nous sommes déterminés à améliorer la situation, et des efforts sont déjà déployés pour y remédier.
[Traduction]
La mobilisation des intervenants auprès des groupes autochtones est essentielle. Cela permet au ministère d'être au fait des lacunes du soutien offert aux anciens combattants autochtones et de veiller à apporter les correctifs nécessaires. Actuellement, six groupes consultatifs ministériels sont chargés de conseiller et d'orienter le ministre et le ministère sur différents enjeux. Chacun des groupes compte un membre autochtone; on veille ainsi à ce que les groupes prennent en compte les besoins propres aux anciens combattants autochtones du Canada lorsqu'ils abordent des questions comme la communication avec les anciens combattants, la complexité des processus de demande, l'accès aux services et les différences culturelles, pour n'en nommer que quelques-uns.
De plus, les contributions des membres autochtones sont un atout pour les groupes pendant les discussions, car ils apportent le point de vue autochtone ou suggèrent différentes options pour des enjeux tels que le traitement du TSPT.
J'aimerais maintenant céder la parole à ma collègue Hélène Robichaud.
:
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Je vais traiter de la commémoration du service militaire et des sacrifices consentis par les peuples autochtones du Canada.
[Français]
Les peuples autochtones du Canada ont une fière tradition de service militaire. Bien qu'il soit difficile d'établir des chiffres exacts, le taux de participation des Autochtones aux efforts militaires du Canada a été considérable. Selon les estimations, plus de 12 000 Autochtones du Canada auraient participé aux deux guerres mondiales, à la guerre de Corée et, plus récemment, aux efforts internationaux de maintien de la paix. Au moins 500 d'entre eux y auraient perdu la vie.
Ces volontaires, animés par une détermination inébranlable, ont souvent dû surmonter des difficultés au cours de leur service, de l'apprentissage d'une nouvelle langue à l'adaptation aux différences culturelles, sans compter les grandes distances parcourues depuis les collectivités éloignées simplement pour s'enrôler ou pour participer à la défense de la paix.
[Traduction]
D’un point de vue commémoratif, le ministère a traditionnellement rendu hommage au service militaire des Autochtones dans le cadre d’activités et de programmes destinés à commémorer plus largement le service des vétérans canadiens.
C’est M. James Brady qui a peut-être décrit avec le plus d’éloquence l’esprit de cette approche, lorsqu’il répondit à une personne qui lui demanda comment il avait vécu son service en tant que membre de la communauté métisse. Dans l’une de ses réflexions sur le service des anciens combattants autochtones qui combattirent pendant la Seconde Guerre mondiale, M. Brady déclara que:
Notre véritable destin n’est pas lié au succès ou à l’échec des délibérations des Métis [...] Il est lié au maintien de notre existence en tant que Canadiens qui combattent pour les libertés que nous défendons [...]
De nos jours, le gouvernement du Canada prend très au sérieux l’obligation sacrée qui lui incombe de reconnaître et d’honorer les contributions de nos vétérans. Bien que les conflits du XXe siècle aient prouvé que le prix que les individus, les familles et les communautés doivent payer pour la paix est très élevé, nous avons également appris que la paix est le chemin qu’il faut parcourir plutôt que la destination qu’il faut atteindre, que la paix est fragile et sacrée et qu’elle est essentielle pour le Canada.
En honorant et en respectant cette valeur canadienne fondamentale et universelle, notre programme vise à trouver des moyens inclusifs et culturellement pertinents de mobiliser les jeunes et de leur faire mieux connaître ceux qui ont tant contribué à ce qui nous est si cher en tant que Canadiens.
[Français]
En 2005, l'Année de l'ancien combattant, le gouvernement du Canada, par l'entremise du programme de commémoration, a offert son soutien dans le cadre d'un voyage spirituel vers les lieux de mémoire en Europe. D'anciens combattants et d'autres représentants des Autochtones avaient certes déjà participé à des voyages commémoratifs, mais un voyage spirituel était consacré exclusivement aux traditions que les peuples autochtones ont respectées au fil des siècles pour rendre hommage aux guerriers tombés au combat.
Le voyage devait être une source de guérison pour tous les vétérans autochtones et leurs familles. Grâce à ce voyage, des chefs spirituels de collectivités de partout au Canada, qui furent désignés et choisis par le Groupe de travail sur les anciens combattants autochtones, ont eu l'honneur de présider des cérémonies au sein de principaux lieux de mémoire canadiens en Europe, dans le respect des coutumes autochtones. Les chefs spirituels ont également pu organiser une cérémonie de rappel à la terre natale, au cours de laquelle les esprits des guerriers tombés au combat sont appelés à rentrer sur les terres ancestrales qu'ils avaient quittées lorsqu'ils se sont embarqués pour l'Europe.
L'inspiration de ce voyage provient des efforts déployés par plusieurs dirigeants de la communauté autochtone du Canada, dont M. Ed Borchert, ancien président de l'Association nationale des anciens combattants métis, et M. Ray Rogers, ancien président de l'Association nationale des anciens combattants autochtones.
Qui était l'origine de cette initiative? Le Groupe de travail sur les anciens combattants autochtones, composé de hauts représentants de divers peuples autochtones du Canada, s'occupa d'effectuer la programmation de ce voyage. Des vétérans autochtones de la Seconde Guerre mondiale, des dirigeants autochtones de haut niveau ainsi que des aînés et de jeunes autochtones faisaient partie des délégués. Outre la présence de représentants des anciens combattants, le programme comportait d'importants éléments culturels.
[Traduction]
Dans l’optique du programme commémoratif, le voyage — appelé la Tournée spirituelle autochtone, en 2005 — a aidé ACC et le gouvernement du Canada à prendre davantage conscience de l’importance de préserver le souvenir du service et des sacrifices consentis par les peuples autochtones au fil du temps. Des efforts considérables ont été déployés depuis pour faire en sorte que les vétérans autochtones du Canada sont honorés dans le cadre des activités qui se déroulent tout au long du programme de commémoration sous la direction d’Anciens Combattants Canada.
Les anciens combattants autochtones sont commémorés par le biais des divers secteurs de responsabilité de la Direction générale de la commémoration, notamment des activités à l’étranger et au Canada; les Livres du Souvenir et le Mémorial virtuel de guerre du Canada; le programme de partenariat pour la commémoration; les monuments commémoratifs, symboles nationaux et internationaux; les capsules et entrevues Des héros se racontent; les Mentions élogieuses du ; nos opérations en Europe, comme le nouveau Centre d'accueil et d'éducation permanent, à Vimy, en France; notre programme d’apprentissage.
À titre d'exemple, le programme d'apprentissage d'ACC sur la collaboration comprend du matériel didactique sur le service des anciens combattants autochtones. Chaque année, des centaines de milliers de jeunes Canadiens dans des centaines d'écoles partout au pays sont sensibilisés par l'intermédiaire du programme et du matériel didactique qui leur est distribué. Le programme met l'accent sur le vécu des gens de façon à illustrer le service rendu par les Autochtones en général. Le matériel didactique comprend notamment des feuillets historiques sur les soldats autochtones, les champs de bataille à l'étranger et les anciens combattants autochtones ainsi que d'autres ressources, en format papier ou en ligne, pour raconter l'histoire de divers militaires dans la trame plus générale du service militaire des Autochtones.
[Français]
En conclusion, la commémoration des Autochtones qui ont fièrement servi dans l'armée canadienne est un élément manifeste qui s'inscrit dans les cadre du programme plus vaste « Le Canada se souvient ».
Comme le programme « Le Canada se souvient » s'attache à prendre appui sur son thème principal « Chemin vers la paix » au cours des prochaines années, en rehaussant et en enrichissant le dialogue national sur la commémoration de notre pays, nous chercherons les occasions qui conviennent pour promouvoir la commémoration des réalisations et des sacrifices des vétérans autochtones. Ces efforts comprendront naturellement une sensibilisation accrue au service des peuples autochtones.
Les activités commémoratives dirigées par notre ministère seront de plus en plus axées sur la participation de jeunes vétérans et de jeunes Canadiens et Canadiennes à la commémoration de notre histoire et de notre patrimoine militaire, notamment le rôle que les peuples autochtones du Canada ont joué dans les collectivités de tout le pays ainsi qu'à l'étranger.
Je vous remercie de m'avoir accordé un peu de votre temps aujourd'hui. Ma collègue Maryse Savoie va maintenant conclure notre présentation.
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Bonjour. C'est un honneur pour moi de comparaître aujourd'hui devant le Comité permanent des anciens combattants.
Comme on vient de le dire, je m'appelle Whitney Lackenbauer. Je suis professeur d'histoire à l'Université St. Jerome's et à l'Université de Waterloo. Je suis également lieutenant-colonel honoraire du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens, situé à Yellowknife et composé de 60 patrouilles qui couvrent les 3 territoires canadiens et le Nord de la Colombie-Britannique.
Je tiens à souligner que je comparais devant le Comité à titre personnel, et non à titre de représentant officiel de l'Armée canadienne. Veuillez donc tenir compte de mon opinion en conséquence.
D'abord, un petit mot sur mon parcours. Je m'intéresse aux questions concernant les anciens combattants autochtones depuis le milieu des années 1990. À l'époque, le sujet commençait à attirer de plus en plus d'attention politique à Ottawa, grâce aux efforts de défense vigoureux déployés par les organisations autochtones et les associations d'anciens combattants.
J'aimerais faire écho aux propos de M. Sheffield, qui a témoigné devant vous le mois dernier, pour saluer les mesures positives qui ont été prises au cours des deux dernières décennies par le gouvernement du Canada afin de reconnaître et d'honorer le fier passé des Autochtones dans les Forces armées canadiennes, en plus d'offrir une indemnisation aux anciens combattants des Premières Nations pour le traitement inéquitable qui leur a été réservé après la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée.
Il y a environ 10 ans, Scott et moi avons rédigé un article dans lequel nous affirmions que les anciens combattants autochtones ne sont plus des guerriers oubliés. Ils sont devenus partie intégrante de l'histoire militaire canadienne. Songeons à des soldats comme Francis Pegahmagabow et Tommy Prince, qui sont largement reconnus comme des Canadiens d'importance historique nationale. Le Monument commémoratif des anciens combattants autochtones ici, au centre-ville d'Ottawa est un exemple tangible de cette reconnaissance, de même que la place très visible et importante qu'occupent les militaires en service et les anciens combattants autochtones — qu'ils fassent partie des collectivités des Premières Nations, des Métis et des Inuits — dans les défilés nationaux du jour du Souvenir, les cérémonies commémoratives et les pèlerinages à l'étranger.
Malgré tout, je crois qu'on pourrait et devrait prêter davantage attention aux anciens combattants membres des collectivités des Premières Nations, des Métis et des Inuits ayant servi pendant et après la guerre froide, ainsi qu'au rôle du personnel des Forces armées canadiennes ayant défendu notre pays à l'intérieur de nos frontières. À cet égard, je songe aux Rangers canadiens et aux types de services uniques qu'ils offrent.
Je vous prie de m'excuser si je couvre un sujet que certains d'entre vous connaissent assez bien, mais je tiens à vous fournir quelques renseignements de base sur les Rangers parce que j'estime que leur statut, leur mandat de service et leur rôle sont souvent mal compris. J'ai remis au Comité un document de deux pages, qui donne un aperçu de certains faits élémentaires sur les Rangers. Je suis désolé si la version française n'est pas de bonne qualité. Ma traduction pourrait laisser à désirer.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, j'ai l'intention d'aborder certains aspects que le Comité pourrait juger bon d'examiner en ce qui concerne les Rangers dans le contexte du ministère des Anciens Combattants.
Premièrement, les Rangers sont un sous-élément de la Force de réserve des Forces armées canadiennes; ils sont donc des membres actifs des forces armées. Ils ne font pas partie d'un programme comme Bold Eagle ou les Rangers juniors canadiens. Ils sont des réservistes au sein d'unités militaires qui mènent des missions de sécurité nationale et de protection civile dans les régions peu peuplées nordiques, côtières et isolées du Canada, là où d'autres éléments des forces armées ne peuvent intervenir de manière convenable ou économique.
Les Rangers ne sont pas des soldats, mais des réservistes qui sont les yeux, les oreilles et la voix de l'Armée canadienne dans les régions éloignées, et ils font profiter nos soldats de leur expertise et leurs conseils lors d'opérations et d'exercices. Il est important de garder cela en tête, car je crains toujours que les informations véhiculées au sujet du programme des Rangers perpétuent des conceptions erronées, à savoir qu'il s'agit d'un programme semblable à celui des cadets ou des Rangers juniors canadiens et que les Rangers ne sont pas des membres à part entière des Forces armées canadiennes, ce qui est faux — ils sont bel et bien des membres à part entière des Forces armées canadiennes.
Le modèle de financement des Rangers repose sur un salaire annuel de 12 jours, à l'appui de l'instruction qu'ils reçoivent et des patrouilles qu'ils effectuent. Ils sont également rémunérés pour toute autre tâche officielle, ainsi que pour l'usure de leurs véhicules et de leur équipement personnels qu'ils utilisent dans le cadre de leurs activités. En plus des entraînements annuels en milieu communautaire, les Rangers mènent des patrouilles de surveillance et de présence ou de protection de la souveraineté, recueillent des renseignements locaux d'importance militaire et signalent des activités ou des phénomènes inhabituels qu'ils observent dans le cadre de leur vie quotidienne.
En outre, ils appuient ou dirigent des efforts d'aide humanitaire, des interventions en cas de catastrophe et des opérations de recherche et de sauvetage sur leurs terres. Ces activités les exposent souvent au danger, et le risque de perdre une jambe, un bras ou même la vie est souvent bien réel dans les exercices et les opérations dans le Nord. Il n'y a rien d'ordinaire dans bon nombre de ces opérations ou activités d'entraînement.
Deuxièmement, bien que la majorité des Rangers soient des Autochtones, surtout dans l'Inuit Nunangat et dans certaines régions du Nord territorial et provincial, il ne s'agit pas d'un programme autochtone ni d'une unité autochtone. La participation au programme des Rangers est ouverte aux Canadiens de tous les horizons, mais étant donné l'emplacement des patrouilles, lesquelles sont d'ailleurs encouragées à refléter les caractéristiques démographiques de la population locale, la plupart des Rangers sont effectivement des Canadiens autochtones.
Une mise en garde s'impose toutefois: les statistiques officielles que j'ai reçues de l'armée reposent sur des sondages d'auto-identification incomplets et révèlent qu'environ 30 % des Rangers seraient d'origine autochtone. Or, ces statistiques sont fondées sur un sondage très incomplet et des taux de participation autochtone nettement sous-déclarés dans certains groupes de patrouilles — je crois, en particulier, dans le 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens et le 3e Groupe de patrouilles des Rangers canadiens dans le Nord de l'Ontario.
Il est important d'avoir accès à des données plus fiables sur les taux de participation des Autochtones, y compris sur les besoins uniques des anciens combattants autochtones, et ce, pour plusieurs raisons.
Je trouve également ironique que les statistiques sur les Rangers soient souvent exclues des statistiques officielles sur la participation des Autochtones dans les Forces canadiennes, ce qui a un double effet: non seulement cela traite les Rangers comme s'ils n'étaient pas de vrais réservistes, ce qui est injuste et faux, mais cela dévalue le service militaire unique exécuté par les Rangers, lequel s'est avéré très attrayant pour beaucoup de peuples autochtones dans les collectivités nordiques et côtières isolées. J'aimerais également souligner qu'au moins 21 % des Rangers canadiens de tout le Canada sont des femmes, ce qui est beaucoup plus près de l'objectif d'un quart fixé par les Forces armées canadiennes, comparativement à la Force régulière ou à la Première réserve. C'est une belle réussite.
Parlons maintenant des problèmes précis concernant les anciens combattants ayant fait partie des Rangers canadiens. Il pourrait être utile pour le Comité de prendre connaissance de leurs conditions de service uniques afin d'évaluer les besoins des anciens combattants autochtones ayant servi dans les Rangers et les difficultés à répondre à ces besoins.
Premièrement, étant donné que les Rangers ne sont pas assujettis à des normes opérationnelles minimales liées à l'universalité du service, notamment à la norme opérationnelle relative à la condition physique, et qu'ils ne subissent pas un examen de santé avant de s'enrôler, cela pourrait compliquer les efforts visant à discerner les blessures ou maladies liées au service de celles qui existaient déjà. Voilà qui pourrait influer sur les allocations pour incidence sur la carrière, les indemnités pour blessure grave ou les prestations et pensions d'invalidité.
Deuxièmement, comme il n'y a pas d'âge de retraite obligatoire pour les Rangers, rares sont ceux qui s'identifient comme d'anciens combattants des Rangers dans le Nord. En fait, je n'ai jamais entendu quelqu'un se désigner comme tel. Ils se présentent peut-être comme « anciens Rangers », mais jamais comme anciens combattants. Les Rangers peuvent servir tant qu'ils en sont capables physiquement et mentalement, en fonction de leur patrouille et de leur culture locale, et on valorise les aînés pour les connaissances traditionnelles et locales et les compétences liées à la terre qu'ils apportent à l'organisation des Rangers.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, certains Rangers ont servi alors qu'ils avaient largement dépassé les 80 ou 90 ans. D'ailleurs, demain, je serai à la cérémonie de passation de commandement du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens à Yellowknife, où deux Rangers recevront leur CD4: le Ranger Ookookoo Quaraq de la patrouille de Pond Inlet, pour ses 52 années de service continu, et le Ranger Ilkoo Angutikjuak, un membre de la patrouille de Clyde River, qui a servi de manière continue depuis 53 ans. La décision de continuer à servir, au lieu de demander une libération volontaire, a évidemment des répercussions sur leur accès à certains avantages et services du ministère des Anciens Combattants.
Je m'écarte du sujet, cependant.
L'ombudsman des Forces canadiennes a récemment produit un rapport qui fait état des facteurs pouvant influer sur l'accès des Rangers canadiens aux soins de santé et aux avantages sociaux auxquels ils ont droit. Je ne tenterai pas de vous résumer tout ce qui est abordé dans le rapport. J'ai inclus les principales recommandations dans le document de deux pages que je vous ai distribué.
Certains des problèmes cernés par l'ombudsman pourraient intéresser directement le Comité. Mentionnons, entre autres, la méconnaissance, chez les Rangers, des prestations de soins de santé auxquelles ils ont droit comme réservistes, ainsi que le manque de sensibilisation aux prestations offertes par Anciens Combattants, comme la compensation pour les maladies et les blessures liées au service, le soutien pendant la transition vers la vie civile, l'aide financière et le soutien pour la santé et le bien-être.
Le rapport révèle que 89 % des Rangers blessés en service n'ont pas soumis de demande de prestations et que la plupart des Rangers ont omis de déclarer leurs maladies et blessures ou d'en assurer un suivi rigoureux. Cela pourrait nuire à leur accès aux soins de santé et aux avantages connexes auxquels ont droit les anciens combattants.
Par ailleurs, de nombreux Rangers, en tant qu'habitants de collectivités éloignées, ont un accès limité aux soins médicaux spécialisés, y compris aux services de santé mentale, comparativement aux Canadiens dans d'autres régions du pays, et ils doivent se déplacer à l'extérieur de leurs collectivités pour recevoir des soins de santé des Forces armées canadiennes. Beaucoup de Rangers ont souligné qu'ils sont réticents à quitter leurs collectivités et leurs réseaux de soutien pour obtenir ce genre de soins.
Le rapport de l'ombudsman met aussi en évidence la nécessité d'éliminer l'ambiguïté et l'incohérence dans un certain nombre de politiques, d'ordres et d'instructions concernant les droits et l'admissibilité des Rangers aux soins de santé, et cela pourrait s'appliquer de façon plus générale aux prestations destinées aux anciens combattants.
Enfin, et c'est l'aspect le plus direct, le rapport a révélé que la plupart des Rangers ne savent pas qu'ils peuvent avoir droit aux avantages et aux services du ministère des Anciens Combattants en tant que membres en service ou anciens combattants.
En ce qui concerne d'autres sujets précis que le Comité pourrait peut-être souhaiter étudier, je ne suis pas sûr si le soutien du revenu des Forces armées canadiennes s'applique aux Rangers ou si les anciens Rangers ont accès au Fonds d'urgence pour les vétérans, qui est conçu pour régler le problème d'itinérance chez les anciens combattants. Par ailleurs, je ne sais pas si les Rangers ont droit à l'allocation pour études et formation à l'intention des anciens combattants. Je n'ai pas les réponses à ces questions. Je voudrais certes voir les résultats d'une évaluation délibérée des besoins avant de proposer, à ce stade-ci, que ces domaines méritent une attention particulière ou un investissement de ressources.
Quoi qu'il en soit, le message à retenir est simple: les Rangers devraient être plus au courant des prestations qui sont accordées aux anciens combattants et qui sont mises à leur disposition à titre de réservistes. C'est, selon moi, évident. Si cette information ne leur est pas communiquée, on devrait la leur expliquer à un moment donné au cours de leur entraînement ou, à tout le moins, on devrait regrouper les renseignements dans une petite brochure ou une page Web que l'on pourrait ensuite faire traduire dans diverses langues autochtones et distribuer aux Rangers.
J'espère que cette courte introduction vous a été utile. Je serai certainement heureux de répondre à vos questions et observations.
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Merci beaucoup, monsieur Ellis. Bon matin à vous et aux membres de votre comité.
J'aimerais d'abord revenir sur quelques observations que j'ai faites la semaine dernière, après quoi je passerai à l'exposé d'aujourd'hui.
Premièrement, l'Association des Premières Nations a pour vision d'assurer l'égalité de tous ses membres et de combler l'écart entre la qualité de vie des anciens combattants des Premières Nations et celle des anciens combattants non autochtones et de leur famille.
Beaucoup de promesses historiques ont été faites aux anciens combattants des Premières Nations, et bon nombre d'entre elles sont passées entre les mailles du filet. La semaine dernière, conformément à votre demande, nous vous avons présenté, entre autres, une proposition de soutien soumis en septembre 2017. Là encore, nous n'avons reçu aucune réponse de l'État.
Parce que nous sommes des anciens combattants et que nous avons vécu des conflits armés, nous sommes confrontés à une vague de besoins en santé mentale dans nos collectivités et, à cet égard, une intervention de soutien est nécessaire. Les problèmes de santé mentale, en particulier le trouble de stress post-traumatique, sont aigus et croissants, non seulement pour les anciens combattants, mais aussi pour les collectivités des Premières Nations.
Voilà donc certaines des questions que j'ai soulignées lors de notre premier témoignage. Maintenant, je vais faire mon exposé pour cette partie de l'exercice.
Je vous remercie de m'avoir invité à revenir vous parler des questions cruciales auxquelles font face les anciens combattants des Premières Nations de la Saskatchewan. Les enjeux dont je parle soulèvent de grandes préoccupations depuis longtemps, et leur gravité atteint maintenant un point culminant. Ces questions doivent être résolues immédiatement pour offrir un recours aux anciens combattants.
Lorsque les anciens combattants des Premières Nations ont répondu à l'appel du service, ils ont combattu et, dans certains cas, perdu la vie aux côtés de leurs frères d'armes non autochtones. C'est quelque chose que nous étions prêts à faire; par contre, nous n'étions pas prêts à recevoir le traitement qu'on nous a réservé par la suite. Une grande injustice a été perpétrée contre les familles que les anciens combattants ont laissées derrière eux. Même si les familles avaient droit aux prestations pour conjoint survivant ou veuf, voici ce qui s'est réellement passé: les agents des Indiens dans les réserves ont jugé que les veuves et les familles des anciens combattants décédés étaient des pupilles dont le sort dépendait de la bienveillance de l'agent des Indiens.
Cela signifiait que, dans bien des cas, les prestations pour les veuves et leur famille n'ont jamais été distribuées au-delà des agents des Indiens eux-mêmes, et nous en avons des preuves écrites. Les veuves et les familles étaient laissées-pour-compte et forcées de composer avec la perte de leurs proches, tout en devant assumer l'entière responsabilité de subvenir aux besoins de leur famille. Cette injustice n'a jamais été corrigée. Nous n'avons aucune idée du nombre de familles qui ont vécu une telle situation.
Ce que nous savons, c'est que bon nombre des familles des anciens combattants qui ont péri dans des conflits ont été victimes de la rafle des années 1960, parce que l'État les a privées de tout moyen pour continuer à prendre soin de leur famille. Il n'y a jamais eu de réparation pour ces veuves ou leur famille.
L'autre question que j'aimerais soulever, ce sont les délais d'attente pour recevoir des services auprès du ministère des Anciens Combattants. Il est bien connu que les services dans les réserves sont, au mieux, limités et, au pire, inexistants. De nombreux anciens combattants doivent attendre des années avant que leurs demandes soient traitées. À l'étape du traitement des demandes, le ministère ne tient aucunement compte de la façon dont les anciens combattants sont censés avoir accès aux services; il ne vérifie pas non plus si les services existent ou non.
Le ministère des Anciens Combattants suppose que l'accès aux services dans les réserves est le même que celui dans les centres urbains hors réserve. Ce n'est absolument pas le cas. Lorsqu'il n'existe aucun service dans une réserve, les anciens combattants ont deux choix: ou bien ils s'en privent, ou bien ils absorbent les coûts personnels pour accéder aux services hors réserve. Les anciens combattants des Premières Nations ont besoin d'un processus de traitement précis qui tient compte de la proximité et de l'accès aux services requis. De plus, ils ont besoin d'un intervenant pouvant les aider tout au long du processus de demande et d'appel.
Le prochain sujet dont je vais parler ne devrait étonner personne. La fréquence généralisée du suicide chez les anciens combattants est un enjeu d'ordre national. Pour les anciens combattants des Premières Nations, la question de la santé mentale et du suicide est d'une extrême urgence, et ce problème n'a pas été réglé comme il se doit. Il n'existe aucune base de données nationale exhaustive permettant de distinguer les taux de suicide entre les anciens combattants des Premières Nations et les anciens combattants non membres des Premières Nations. Ajoutons à cela l'absence de tout mécanisme permettant de différencier les taux de suicide chez les anciens combattants vivant dans les réserves et ceux vivant hors réserve.
En raison du manque d'infrastructures et de services dans les réserves, il faut envisager d'emblée de fournir des services complets de santé mentale aux anciens combattants, peu importe où ils habitent. Le suicide et les problèmes de santé mentale ne touchent pas seulement les récents anciens combattants, mais bien tous les anciens combattants, et ce, tout au long de leur vie, peu importe leur nombre d'années de service.
Un autre point que j'aimerais signaler au Comité concerne les monuments en l'honneur des anciens combattants. Plusieurs collectivités des Premières Nations ont demandé des fonds pour ériger de tels monuments, mais leurs demandes sont restées lettre morte ou elles ont été refusées. Sachez aussi que notre rêve est de mettre à la disposition des anciens combattants des Premières Nations et de leur famille des installations très semblables à celles des légions offrant des services similaires.
Permettez-moi de faire une dernière observation sur les monuments en l'honneur des anciens combattants. Je viens de la Première Nation de Mistawasis, dans le centre-nord de la Saskatchewan. Depuis la guerre des Boers, environ 80 de nos hommes et femmes se sont enrôlés dans les forces armées et, jusqu'ici, aucun monument n'a été érigé là-bas pour rendre hommage à ces gens.
Je tiens à remercier le Comité permanent de m'avoir permis de parler de ces enjeux cruciaux, et j'ai hâte de voir des changements positifs non seulement pour les anciens combattants des Premières Nations, mais pour tous les anciens combattants.
Sur ce, je suis prêt à répondre aux questions des membres du Comité.