Passer au contenu
;

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 107 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 septembre 2018

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Français]

     Je souhaite la bienvenue à tout le monde.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous commençons notre étude des défis en santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens.
    Ce matin, nous entendrons les témoins suivants: M. Alain d'Amours, directeur général de Contact Richelieu-Yamaska, M. Martin Caron, premier vice-président à l'Union des producteurs agricoles, et, par vidéoconférence, M. Pierre-Nicolas Girard, consultant en santé psychologique.
    Monsieur Girard, est-ce que vous m'entendez?
    Bonjour à tous.
    Bonjour.
    Chacun aura la parole pour six minutes, et nous allons respecter l'horaire.
    Nous allons commencer par M. Caron.
    Merci, monsieur le président et membres du Comité.
    Je vais commencer, puis je passerai la parole à M. Girard.
    Tout d'abord, je vais faire un petit rappel de ce qu'est l'Union des producteurs agricoles, UPA. L'UPA représente 41 406 agricultrices et agriculteurs du Québec et 30 000 producteurs forestiers. Son réseau regroupe 12 fédérations régionales ainsi que 26 groupes affiliés ou spécialisés.
    La détresse psychologique est un réel problème dans le domaine de l'agriculture, et ce problème est très important. Plusieurs facteurs sont en cause, notamment des investissements de plus en plus grands et une réglementation exigeante.
    Le monde agricole vit une incertitude financière. Je pense que tout le monde ici est au fait des négociations en cours concernant l'ALENA et qui auront des répercussions. La question du manque de main-d'oeuvre est aussi un facteur de détresse, tout comme le milieu de travail ou le milieu de vie, où la conciliation travail-famille est difficile à réaliser.
    Le problème doit être vu dans son ensemble. Il faut s'adapter, entre autres, aux conditions dans lesquelles les productrices et les producteurs exercent leur métier. C'est bien important. Il faut aussi adapter les services psychosociaux et les services de santé qui leur sont offerts.
    Notre présentation propose des recommandations s'inscrivant dans trois axes d'intervention. Je vais commencer par le premier et je vais laisser M. Girard présenter les deux autres.
    Ces recommandations touchent d'abord la prévention, notamment les aspects socioéconomiques et la promotion de la santé.
    Au chapitre de la prévention, nous recommandons la mise en place de programmes facilitant le transfert de ferme intergénérationnel. C'est un élément assez important sur le plan fiscal, et nous devons faire quelque chose.
     Nous mentionnons aussi le développement d'une stratégie de recrutement et de formation d'une main-d'oeuvre compétente, y compris les travailleurs étrangers.
    Nous recommandons également la simplification des documents administratifs. Comme vous le savez, la complexité des programmes gouvernementaux exige de plus en plus d'efforts et d'énergie de la part de nos membres et, bien souvent, les gens finissent par abandonner.
    Nous prônons aussi l'adoption de mesures compensatoires bien adaptées à la réalité du monde agricole et qui limitent les pertes économiques subies par les entreprises agricoles quand des ententes commerciales ont une incidence sur leur rentabilité.
    Nous souhaitons, par ailleurs, la mise en place d'un programme de gestion des risques adapté, notamment en lien avec le climat. À l'heure actuelle, il y a une sécheresse au Québec. Il faut faire en sorte d'avoir des programmes qui sont adaptés à la réalité et qui facilitent les interventions ou les rappels.
    Enfin, il est important d'avoir une stratégie nationale pour ce qui est des projets de formation et d'accompagnement des agriculteurs, deux aspects qui ont aussi leur importance.
    J'invite maintenant M. Girard à poursuivre la présentation.
    Permettez-moi de me présenter. Je travaille pour l'Union des producteurs agricoles depuis 47 ans, dont 43 à titre de membre permanent. Depuis quatre ans, j'agis en tant que consultant dans le dossier de la santé psychologique.
    Pendant ma carrière, j'ai régulièrement été aux prises avec des situations de grande détresse et vu des producteurs avoir des idées suicidaires. Malheureusement, quelques-uns d'entre eux sont passés à l'acte. C'est vraiment ce qui me motive à poursuivre mon travail avec l'Union des producteurs agricoles.
    M. Caron faisait mention de trois axes. Le choix de ces axes est basé sur différentes études que vous pourrez éventuellement consulter, sur l'expérience du milieu agricole et, surtout, sur l'« Enquête sur la santé psychologique des producteurs agricoles du Québec » effectuée en 2006 par Ginette Lafleur et Marie-Alexia Allard. Ces dernières se sont penchées sur 78 suicides d'agriculteurs dont plus de la moitié avaient malheureusement reçu un diagnostic de problème de santé mentale. Ce constat nous porte à croire — et nous touchons ici notre deuxième axe — que l'on doit améliorer l'offre de services et l'adapter à la réalité des agriculteurs.
    Je reviens à la recommandation concernant l'amélioration des services psychosociaux et des services de santé. Il faut en arriver à ce que le milieu communautaire et le secteur de la santé reconnaissent les particularités du monde agricole. Pour atteindre cet objectif, nous suggérons le développement d'un volet sur l'agriculture à l'Association canadienne pour la santé mentale. Vous verrez que nos recommandations tiennent toujours compte de ces particularités du monde agricole, comme le style de vie, le nombre d'heures de travail, et cette pression que subissent sans cesse nos membres pour devenir plus productifs.
    Le deuxième élément est le développement d'une stratégie de prévention par la promotion de la santé et d'un meilleur équilibre de vie. Cette année, nous avons fait le choix de promouvoir l'équilibre de vie. L'agriculture est une vocation, et les agriculteurs sont des passionnés qui dépassent souvent le nombre limite recommandé d'heures de travail. Il le font souvent par obligation, oui, mais ils le font aussi parfois par passion. Nous voudrions donc sensibiliser les producteurs à un meilleur équilibre de vie.
    Ensuite, il est question de l'implantation de services publics de santé et de services psychosociaux dans toutes les régions du Canada. Dans les villes et en banlieue, ces services sont assez disponibles, mais dans plusieurs régions du Québec et — je présume — du Canada, l'accessibilité à des services de qualité est très difficile.
(0850)
    Monsieur Girard, je dois malheureusement vous interrompre parce que votre temps de parole est écoulé. Je vous remercie.
    Je passe maintenant la parole à M. d'Amours, de l'organisme Contact Richelieu-Yamaska.
    Pourrons-nous revenir pour la période de questions, éventuellement?
    Il va y avoir des questions, effectivement, et vous aurez l'occasion d'y répondre.
    Contact Richelieu-Yamaska est un centre d'intervention de crise desservant l'ensemble de la population. Nous sommes situés dans la région de Saint-Hyacinthe, où se trouvent de nombreux agriculteurs.
    Au fil des ans, l'image de l'agriculteur a changé dans la population. Auparavant, il était perçu comme quelqu'un qui n'avait pas beaucoup d'éducation, puis on l'a perçu comme quelqu'un qui avait beaucoup d'argent. Et maintenant, c'est quelqu'un de dérangeant parce que sa machinerie est trop lente sur le chemin. Tout cela pour vous dire que la population n'a pas une très bonne image des agriculteurs, ce qui entre beaucoup en ligne de compte dans leur détresse.
    Je vais vous donner des exemples de ce que nous voyons dans notre centre d'intervention de crise. Quand quelqu'un nous appelle, c'est qu'il est rendu au bout du rouleau et qu'il pense au suicide. Des gens nous appellent pour nous dire qu'ils ne sont plus capables, et que leur seule solution, c'est la mort.
    Je vous donne l'exemple de cet homme qui s'était pris un bras dans sa machinerie. Pour un agriculteur, perdre un bras, c'est grave, c'est très important: il a l'impression qu'il n'est plus capable de travailler. Cet homme est allé à l'hôpital et c'est là qu'il s'est suicidé. Personne n'a été capable d'intervenir. Sa conjointe a dû faire face à cette situation, et j'ai travaillé avec elle. Le comble du malheur, c'est qu'elle n'a même pas pu aller à l'enterrement de cet homme parce qu'elle devait traire les vaches.
    C'est un métier à part, c'est un monde à part. C'est cela qu'il faut comprendre. C'est cela qu'il faut que la population comprenne. C'est cela qu'il faut que le système de santé comprenne. C'est au système de s'ajuster aux agriculteurs, et non l'inverse. Les agriculteurs sont des gens qui travaillent beaucoup. Ils nous appellent quand ils peuvent, et nous devons répondre quand ils appellent. Nous devons les aider quand ils appellent, les aider à trouver d'autres solutions.
    Quelqu'un m'a raconté que son arrière-arrière-grand-père avait donné une terre à son arrière-grand-père, qui l'avait léguée à son grand-père, de qui lui-même la tenait, mais qu'il allait la perdre parce qu'il n'avait plus d'argent. Sa seule solution était le suicide, parce que les assurances allaient payer. Ce n'est pas facile de ramener quelqu'un du bord de ce précipice. Cet individu allait non seulement perdre sa ferme, mais aussi son identité, et il deviendrait pour sa famille celui qui qui aurait échoué. Cela vous donne une idée de ce que nous vivons.
    Il y a d'autres exemples auxquels les gens ne pensent pas. Dans notre coin, nous n'avons que des pompiers bénévoles, et ce sont souvent des agriculteurs qui font ce métier. Dernièrement, quelqu'un à Saint-Hyacinthe est tombé dans une fosse à purin et il en est décédé. Ce sont ses amis agriculteurs qui l'ont sorti de là. Imaginez leur choc! Ces personnes ont sorti leur ami d'une fosse à purin. Y a-t-il pire façon de mourir? Ces personnes étaient à ramasser à la petite cuillère.
    Tous ces gens vivent des traumatismes. Ils ont besoin d'aide. Nous avons réussi à le faire, mais cela prend des structures et le moyen de répondre rapidement à ces besoins pour aider ces gens à faire face à leur souffrance avant qu'elle ne dégénère en une détresse trop grande. Ces agriculteurs sont touchés, et ce souvent des gens qui risquent de devenir suicidaires.
    Quand on parle de suicide dans le milieu agricole, cela ne touche pas seulement la personne décédée, mais aussi tout son entourage. J'ai parlé à des fils et des filles d'agriculteurs: les conséquences sont terribles. Souvent, en agriculture, le père est considéré comme le modèle et la personne forte de la famille. Les jeunes se disent que si leur père n'a pas pu résister, ils devraient eux aussi se suicider puisqu'ils sont plus faibles que lui. C'est sur cette perception que les gens ont d'eux-mêmes que nous devons travailler. C'est difficile. Il faudrait se concerter avec les réseaux de santé.
    Vous allez rencontrer la semaine prochaine les représentants d'un organisme qui s'appelle Au coeur des familles agricoles, avec lequel nous collaborons. Souvent, nous commençons à nous occuper de leurs clients quand ceux-ci en arrivent à songer au suicide. Nous sommes outillés pour cela, nous avons une structure pour les aider, nous pouvons les héberger ou les voir chez eux, nous pouvons les soutenir. Quand les agriculteurs en sont rendus là, c'est limite. Il y a de 20 à 30 % de plus de suicides chez les agriculteurs que dans le reste de la population active, ce qui prouve que ce milieu est un monde à part.
    Je m'arrête ici pour que vous puissiez poser vos questions.
(0855)
    Merci beaucoup, monsieur d'Amours.

[Traduction]

    Nous accueillons maintenant la Dre Andria Jones-Bitton, de l'Université de Guelph.
    Vous avez, docteure, jusqu'à six minutes pour présenter votre exposé.
    Je vous remercie de cette occasion de prendre la parole devant vous.
    Je m'appelle Andria Jones-Bitton, et je suis professeure agrégée au Ontario Veterinary College de l'Université de Guelph. Mes travaux de recherche portent essentiellement sur la santé mentale des agriculteurs. Je crois savoir d'ailleurs qu'il y a parmi vous un certain nombre d'agriculteurs.
    Les problèmes de santé mentale éprouvés par les agriculteurs nous sont connus depuis déjà plusieurs générations, mais en raison d'un tabou qui pèse sur la question, et de la culture qui prévaut dans le monde agricole, il était interdit d'en parler. Or, pour diverses raisons, cela est en train de changer, et la communauté agricole ne craint plus d'évoquer la question.
    Vous avez maintenant une excellente occasion d'intervenir, car la pérennité de notre système alimentaire dépend de la solidité du monde agricole. Je suis intimement persuadée que le gouvernement fédéral a les moyens de solidifier notre agriculture, et je vous demanderais, à cet égard, de considérer trois recommandations: d'abord, appuyer la création d'un réseau national de services en santé mentale pour les agriculteurs; deuxièmement, fournir un volet de financement fédéral pour la recherche sur la santé mentale des agriculteurs; et troisièmement, appuyer la mise en place, dans les collèges d'agriculture et de médecine vétérinaire au Canada de programmes de formation fondés sur des données probantes.
    Si je formule ces recommandations, c'est parce que mon enquête de 2015 sur la santé mentale des agriculteurs a révélé une situation qui me préoccupe de plus en plus. Il devait s'agir, à l'origine, d'une petite enquête pilote sur les éleveurs de bétail de l'Ontario, mais, à la demande d'autres provinces et des représentants d'autres secteurs agricoles, nous avons étendu l'enquête à l'ensemble du pays. Cela montre combien la communauté agricole canadienne souhaite voir évoquer la question de la santé mentale des agriculteurs. À l'aide d'échelles psychométriques validées, nous avons, en sondant plus de 1 100 agriculteurs représentant les diverses régions du pays et les divers domaines de production, mesuré cinq indicateurs en santé mentale.
    Hélas, cette étude n'a fait que confirmer les préoccupations que nous inspirait un certain nombre de données empiriques. En effet, on a relevé un niveau de stress élevé chez 45 % des agriculteurs ; de l'anxiété chez 58 % d'entre eux; et des indices de dépression chez 35 % des sujets. L'épuisement professionnel, qui est également un sujet de préoccupation, se mesure selon trois sous-échelles: un fort épuisement émotionnel, un degré élevé de cynisme et une efficacité professionnelle réduite. Et enfin, nous avons mesuré la résilience, c'est-à-dire l'état qui contribue au bien-être et atténue l'impact du stress. Or, les deux tiers de nos agriculteurs se situaient sur l'échelle à un niveau inférieur à celui de l'ensemble de la population des États-Unis. Ils sont particulièrement vulnérables aux conséquences d'un stress chronique, c'est-à-dire l'anxiété, la dépression et le suicide.
    La mauvaise santé mentale des agriculteurs est, bien sûr, un sujet d'inquiétude pour les agriculteurs eux-mêmes, mais cela entraîne en même temps des conséquences pour leur famille, ainsi que pour le bétail et la productivité de leur exploitation. Nous n'avons pas encore calculé de manière précise l'incidence que la santé mentale a sur l'ensemble du secteur agricole — mon équipe de recherche travaille actuellement sur la question —, mais d'après les résultats obtenus jusqu'ici, nous pensons pouvoir dire que cet état de choses freine la production agricole et constitue peut-être un obstacle majeur à la croissance et à l'innovation. Le Canada entend porter ses exportations agricoles, qui sont actuellement de 30 milliards de dollars par an, à 50 milliards, puis, éventuellement, à 75 milliards de dollars. Des technologies nouvelles contribueront très certainement à ce développement, mais la santé des agriculteurs est un facteur essentiel de l'équation.
    Ajoutons qu'une mauvaise santé mentale fait poser une menace sur le bien-être du bétail. Les recherches que nous avons effectuées confirment en effet que les agriculteurs à la santé mentale précaire se révèlent souvent incapables de s'occuper correctement de leurs bêtes, même si le bien-être des animaux leur tient à coeur. Les incidents de maltraitance grave résultent souvent d'une maladie mentale.
    Le Canada jouit, en matière agricole, d'une excellente réputation, et la clientèle a une bonne opinion des produits agricoles canadiens. Mais si nous souhaitons protéger notre image de marque, nous devons veiller à la santé mentale des agriculteurs. Il nous faut également prendre en compte le sérieux risque d'épuisement professionnel. L'épuisement professionnel entraîne par ailleurs un taux élevé de rotation des emplois et un taux médiocre de rétention. Vous avez tous entendu les agriculteurs se plaindre qu'ils ont du mal à conserver leurs employés, et les jeunes agriculteurs ont fait part des doutes qu'ils éprouvent à l'idée de reprendre l'exploitation familiale compte tenu des difficultés éprouvées par leurs parents.
    Il est donc pressant d'améliorer la résilience et le bien-être des agriculteurs canadiens. Le métier d'agriculteur expose à tout un éventail de stress. Si l'on ne peut pas espérer entièrement éliminer le stress inhérent à ce métier, on peut aider ceux qui l'exercent à renforcer leur résilience, pour leur permettre de mieux faire face à leurs difficultés. La résilience est en effet quelque chose qui s'apprend. Or, le bien-être contribue à la santé et à la productivité, et aide en même temps à conserver ses employés. Il faudrait, pour cela, mettre en place des programmes de formation efficaces fondés sur des données probantes. J'ai pu constater, au cours de recherches menées auprès des agriculteurs, qu'on n'a guère droit à l'erreur, et qu'à partir du moment où ils estiment avoir perdu leur temps, c'est fini.
(0900)
    Or, en matière de santé mentale des agriculteurs, le Canada n'a pas de stratégie nationale. Cela veut dire que le monde agricole demeure passablement vulnérable. La santé mentale des agriculteurs suscite dans l'ensemble du pays un intérêt croissant. Or, si nous voulons éviter le chevauchement des initiatives, et utiliser au mieux les ressources disponibles, il va falloir, afin de coordonner les efforts à l'échelle nationale, créer un réseau canadien pour la santé mentale des agriculteurs.
    Des recherches menées de concert avec les intéressés permettraient de recueillir les éléments pratiques dont les agriculteurs voudraient actuellement pouvoir disposer, et de mettre en place des programmes de formation d'une réelle utilité. Cela nous aiderait à instituer, dans les collèges d'agriculture et de médecine vétérinaire, des programmes de formation au bien-être. Nous pourrions ainsi initier les agriculteurs dès le départ. Mais il nous faut, pour cela, mettre en place dans l'ensemble du pays un réseau transdisciplinaire, et réunir les connaissances propres à l'agriculture, coordonnées par des gens qui connaissent le domaine. Nous pourrons ainsi conforter la situation de nos agriculteurs, consolider l'ensemble du secteur et favoriser son développement et son évolution.
    Je vous remercie.
    Docteure Jones-Bitton, nous vous remercions.

[Français]

    Nous commençons maintenant la période de questions.
    Monsieur Berthold, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à vous tous de vos témoignages. Nous n'avons pas beaucoup de temps et c'est un dossier qui suscite beaucoup de questions chez les parlementaires. C'est pour cette raison que nous avons voulu garder plus de temps pour pouvoir vous poser des questions.
    J'ai deux petites demandes à vous faire. Serait-il possible d'obtenir une copie de votre présentation? Je vois que vous lisez des notes. Ce serait bien si nous pouvions les avoir également, étant donné que nous n'avons pas eu le temps d'entendre vos témoignages au complet. Si vous pouviez les faire parvenir au Comité, ce serait très apprécié.
    Monsieur le président, compte tenu de ce que j'ai entendu ce matin, de l'importance de cette étude et de l'importance de parler de la santé mentale des agriculteurs, tous les membres du Comité conviendront avec moi qu'il serait pertinent que cette étude soit télévisée, afin que nous puissions en discuter devant les Canadiens. Serait-il possible de faire des démarches en ce sens pour le reste de l'étude? Ce dossier doit sortir du monde agricole. Nous devons faire comprendre à l'ensemble des Canadiens quels sont les problèmes auxquels doivent faire face les agriculteurs.
    Je reviens à votre témoignage, monsieur d'Amours. Vous avez dit que la perception des agriculteurs par la population ne va pas en s'améliorant, malheureusement. Nous avons une occasion unique de mettre l'accent sur les agriculteurs et sur leurs problèmes.
    Monsieur le président, pourrait-on voir si c'est possible de faire en sorte que l'étude soit télévisée?
    Certainement, nous le ferons. Il faut le demander à chaque fois.
    Je pense que le sujet en vaut la peine.
    Monsieur d'Amours, vous hochez la tête pour manifester votre accord, mais dites-moi pourquoi ce serait important.
    En ville, par exemple à Montréal, les gens achètent leurs aliments dans une épicerie. Ils ne conçoivent pas que des gens ont travaillé pour cultiver ces légumes et ces fruits ou pour transporter la viande à cet endroit. Ils n'ont pas cette notion. L'agriculteur est donc perçu comme quelqu'un qui n'est pas très utile à la société, ce qui est complètement faux. Oui, il faut faire cette sensibilisation.
(0905)
    Monsieur Girard, êtes-vous d'accord sur cela?
    Oui, d'autant plus qu'au cours des années, j'ai constaté que les consommateurs sont ouverts aux problèmes que vivent les agriculteurs. Nous avons tenu des kiosques lors d'expositions et l'intérêt manifesté était incroyable. La plupart des consommateurs ont une perception quelquefois idyllique du métier d'agriculteur. Ils pensent à de belles fermes et à la nature, entre autres, mais derrière cette image, il y a des familles qui vivent du stress et de la détresse dans plusieurs situations.
     Ce serait une excellente idée de téléviser, à l'intention de la population, vos débats et vos échanges et, surtout, l'expérience des gens qui se présentent devant vous.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Caron, vous avez énuméré beaucoup de facteurs. La santé mentale est une compétence partagée. Les services de santé mentale relèvent des provinces.
    Dans votre liste de problèmes et de facteurs qui ajoutent au stress des agriculteurs, il y en a beaucoup qui relèvent du gouvernement fédéral. Vous avez parlé des transferts de ferme, des stratégies de main-d'oeuvre, de la simplification administrative et des mesures compensatoires. Cela fait longtemps qu'on attend ces mesures compensatoires, notamment dans le cas de l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste et du partenariat avec l'Europe.
    De quelle manière les interventions des politiciens et les décisions que prennent les gouvernements peuvent-ils réellement toucher le quotidien des agriculteurs?
    Cela touche rapidement le quotidien des agriculteurs. Il y a aussi les jeunes qui investissent. Présentement, l'investissement dans le monde agricole sont de l'ordre de millions de dollars. Des millions de dollars sont investis et on a toujours à l'esprit de récupérer son investissement avec des revenus. Les changements, qu'ils soient climatiques, politiques ou économiques, ont des répercussions majeures.
    C'est pour cela qu'il faut avoir cette notion. Il faut réaliser que prendre soin des producteurs et des productrices agricoles, c'est prendre soin de notre garde-manger, au Canada.
    Monsieur Caron, j'ai juste six minutes. Je pourrais poser des questions à vous trois pendant des heures tellement vos présentations étaient pertinentes.
    On parle d'adapter le système à la réalité des agriculteurs, mais comment peut-on le faire?
    Je peux vous donner des exemples, notamment au Québec.
    Je peux aussi donner des exemples.
    D'accord, nous vous entendrons chacun votre tour.
    Je vous donne un exemple. Au Québec, nous avons fait des sentinelles agricoles. Nous formons des personnes dans le milieu agricole, que ce soit le distributeur de lait ou quelqu'un d'autre, à repérer la détresse chez les agriculteurs. Nous voyons déjà que ces sentinelles sont utiles. Les gens nous appellent et consultent quelqu'un plus tôt. Cela diminue leur détresse. Cette initiative pourrait être étendue à l'échelle nationale.
    Monsieur Girard, vous souhaitez ajouter un commentaire?
    À la lecture de notre document, vous allez prendre connaissance d'un chiffre. Sur 78 cas de suicides recensés au cours des dernières années, 67 % de ces personnes avaient reçu un diagnostic de problème de santé mentale.
    Vraiment?
    Cela veut dire que ces gens, dans les jours, les semaines ou le mois précédant leur passage à l'acte, avaient reçu un diagnostic d'un spécialiste, que ce soit un psychologue ou psychiatre, dans le réseau de la santé.
    Comment peut-on expliquer que ces gens se retrouvent la plupart du temps à la ferme, alors qu'ils ont reçu un diagnostic d'épuisement professionnel ou d'un autre problème et qu'on leur a remis une ordonnance de médicaments assortie du conseil d'aller se reposer à la ferme?
    Ce n'est pas possible.
    En effet, vous savez très bien que c'est incompatible.
    On dit qu'il faut adapter les services en santé mentale à la réalité agricole. On ne devrait donc pas dire à un agriculteur ayant reçu un diagnostic de maladie mentale de se reposer à la ferme en compagnie de sa centaine de vaches.
    Merci, monsieur Girard. Je dois vous interrompre de nouveau.
    Merci, monsieur Berthold. Pour faire suite à votre demande, pouvez-vous déposer une motion? Nous demanderons ensuite le consentement.
    Je vais la rédiger et la déposer dans quelques instants.
    Je demanderais ensuite le consentement.

[Traduction]

On est tous d'accord pour procéder ainsi, puisque vous n'êtes que deux.

[Français]

équipes de télévision. Lorsqu'elles seront disponibles, nous ferons une demande.

[Traduction]

    On est d'accord? Bon.

[Français]

    Merci.
    Tous les documents seront disponibles, mais il faut quand même avoir la traduction. Ceux qui sont en français doivent être traduits en anglais et

[Traduction]

    Les documents en anglais seront traduits.

[Français]

    Ils seront distribués à tout le monde.
    Monsieur Drouin, avez-vous une question?
(0910)
    J'ai une question à poser à ce sujet.
    Allons-nous demander aux témoins qui ont comparu précédemment s'ils sont d'accord pour que nos échanges soient télévisés? J'imagine que nous entendrons des gens qui ont été touchés par des problèmes de santé mentale. J'aimerais savoir si la greffière peut le leur demander.
    Merci bien. C'est un bon point.
    Nous poursuivons la période des questions.
    Monsieur Poissant, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci à tous les témoins.
    Vous savez que c'est un sujet qui me touche profondément. J'ai déjà été président de l'organisme Au coeur des familles agricoles.
    Je vais essayer d'y aller assez directement parce que je veux obtenir beaucoup de réponses à énormément de questions, tout comme M. Berthold tantôt.
    Les gens qui vivent à l'extérieur du monde agricole ne connaissent pas ce milieu. Les gens demandent souvent aux agriculteurs ce qui les différencie d'un entrepreneur.
    On a parlé tantôt des transferts d'entreprise; la même chose s'applique à l'entrepreneuriat. La main-d'oeuvre et la conciliation travail-famille sont aussi des problèmes dans les autres entreprises.
    Au bénéfice du Comité et de la population, je veux savoir ce qui vous différencie des entrepreneurs.
    Permettez-moi d'apporter mon témoignage.
    Je suis un producteur laitier et céréalier à Louiseville. Tout comme mon père, je suis né sur mon entreprise agricole. Vous comprendrez que notre entreprise, c'est notre bébé. Nos terres, c'est notre bébé. Il y a un côté émotif, comme cela a déjà été évoqué.
    C'est ce côté émotif qui nous différencie. On naît et on grandit parmi les animaux, sur le terrain et tout cela. C'est un lien vraiment familial. Lorsque les producteurs affirment que leur entreprise, c'est leur bébé, c'est parce qu'ils sont prêts à demander à un vétérinaire de venir quand un de leurs animaux est malade. Quand la mécanique fait défaut ou quand les sols ont besoin qu'on intervienne, on fait le nécessaire. Par contre, quand il est question de santé mentale ou psychologique, l'agriculteur passe en deuxième, car il donne la priorité à son entreprise, son bébé. C'est cet aspect qui fait que les agriculteurs sont différents des autres entrepreneurs. Cela vient nous chercher profondément.
    Tantôt, on a parlé de la dimension intergénérationnelle. Quand cela fait quatre ou cinq générations qu'une ferme existe, on veut continuer à l'exploiter. On a fait des traces dans le sol et on a vu ses parents et ses grands-parents faire de même. On veut suivre ces traces et on espère qu'une autre génération prendra la relève.
    C'est pour cela qu'il est important de vraiment adapter les services et les programmes.
    Merci, monsieur Caron.
    Vous n'êtes pas sans savoir que, hier encore, un agriculteur et son employé sont décédés dans un silo à fourrages. Quand des accidents de ce genre se produisent, allez-vous au devant des familles éprouvées?
    Monsieur d'Amours, vous disiez tantôt que c'était tout l'entourage qui vivait ces drames. Est-ce que quelque chose est fait dans ces situations?
    Nous sommes en train de mettre des mécanismes en place. Cela fait en quelque sorte partie de notre mission. Nous travaillons en collaboration avec le Centre intégré de santé et de services sociaux, ou CISSS, de la Montérégie-Est, à Saint-Hyacinthe. Je vous ai donné plus tôt comme exemple un décès dans une fosse à purin. Nous avons pu rencontrer les pompiers rapidement. Passer ne serait-ce qu'une nuit avec cette image en tête est dramatique. Cela peut mener à des traumatismes.
    Pour revenir à la question que vous aviez posée, je dirai qu'il y a une distinction importante à faire. Lorsque des travailleurs m'appellent parce qu'ils vivent de la détresse, ils rentrent ensuite à la maison. L'agriculteur, en revanche, est chez lui. Ce sont des circonstances complètement différentes. Je ne peux pas dire à l'agriculteur de retourner chez lui se reposer. Il est là, et c'est cet endroit qui est la source de son stress.
     Il faut agir différemment. Nos méthodes doivent être adaptées à ce milieu. C'est pourquoi nous offrons des formations qui s'adressent spécifiquement au milieu de l'agriculture. Il faut comprendre que l'agriculteur est dans son milieu 24 heures sur 24, de même que sa conjointe et ses enfants. On ne peut pas lui dire d'aller se reposer chez lui. Cela ne fonctionne pas.
    D'accord.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Jones-Bitton.
    En tant que chercheuse, vous savez que les agriculteurs canadiens ne sont pas les seuls à vivre de la détresse. Cela doit être le cas partout dans le monde. Avez-vous entendu parler d'organismes qui, dans d'autres pays, interviennent auprès des agriculteurs? Comment fonctionnent-ils?

[Traduction]

    Oui. Avec son Centre national de santé des agriculteurs, l'Australie est un des pays en pointe en ce domaine. Elle fait porter son effort sur la santé tant mentale que physique de ses agriculteurs.
    Les discussions auxquelles nous avons pris part sur le suicide revêtent une importance particulière, et il est essentiel de se pencher sur la question, même si on s'y prend un peu tard. Il nous faut également prévoir des mesures de prévention afin d'intervenir avant que les gens n'en arrivent au suicide. Il nous faut insister sur la psychologie positive, sur la promotion du bien-être et de la résilience afin d'éviter la dépression, l'anxiété et l'épuisement professionnel. J'ai beaucoup d'estime pour la Dre Susan Brumby qui oeuvre dans ce domaine en Australie. Elle est un des chefs de file de ce mouvement. L'organisation qu'elle pilote devrait nous inciter à faire la même chose au Canada.
(0915)

[Français]

    Madame Jones-Bitton, vous avez parlé tantôt d'un programme de formation destiné à des gens qui vont se rendre dans les fermes et faire de la prévention. J'aimerais que vous nous en parliez davantage.

[Traduction]

    Je viens, avec mon équipe, de développer, en matière de santé mentale, un programme de formation axé sur l'agriculture. Nous le mettons actuellement à l'essai. Il s'agit d'un projet pilote, et dans deux semaines nous allons entamer la première de cinq séances d'essai. Nous sommes fermement convaincus de l'efficacité de programmes fondés sur des données probantes, et nous allons procéder à des évaluations avant et après chaque séance afin de voir si l'information que nous diffusons se révèle efficace. Ce programme, que nous avons appelé In the Know, s'adresse aux agriculteurs, aux vendeurs de services agricoles, aux fonctionnaires de l'agriculture ainsi qu'aux personnes qui sont régulièrement en contact avec des agriculteurs. Il s'agit de leur apprendre à reconnaître les personnes éprouvant des difficultés.
    Merci, docteure.
    Monsieur MacGregor, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous.
    Mes questions s'adressent à la Dre Jones-Bitton.
    Les travaux de recherche que vous avez cités font état de chiffres très inquiétants. Votre exposé m'a porté à m'interroger... En effet, le stress actuellement éprouvé par les agriculteurs est dû en grande partie aux transformations qui font peser sur le marché une grande incertitude. Existe-t-il des études comparant la situation des agriculteurs oeuvrant dans un domaine soumis à la gestion de l'offre à celle de leurs collèges des secteurs qui ne le sont pas? Je ne veux aucunement dire qu'il n'y a pas de stress dans les secteurs soumis à la gestion de l'offre, mais, compte tenu de la nature même d'un tel système, on pourrait penser que l'on parvient tout de même à éviter certaines causes de stress. Y a-t-il, selon vous, des travaux qui portent sur la question?
    Oui, mon équipe de recherche s'est penchée sur cet aspect du problème. Briana Hagen fait actuellement une thèse de doctorat sur la question et elle devrait bientôt avoir terminé son analyse de la situation.
    Nous nous sommes jusqu'ici essentiellement intéressés au stress et à la résilience, mais dans le cadre de nos recherches, nous nous sommes également penchés sur divers secteurs de production. Les producteurs de porcs, par exemple, sont exposés à davantage de stress. Il nous faut tenir compte du fait, cependant, que notre enquête a été effectuée lors d'une épidémie de DEP, et cela a peut-être influencé les résultats.
    Les autres études que nous avons menées ne démontrent pas l'existence d'une différence sensible entre les secteurs soumis à la gestion de l'offre et les autres.
    Bon.
    Mais cela est peut-être dû au fait que nous n'effectuons pas de comparaison quant aux niveaux de stress, car dans le domaine agricole le niveau de stress est assez élevé dans son ensemble, et les différences entre les deux types de secteurs peuvent donc ne pas être très marquées.
    Ma question suivante s'adresse à qui voudra bien y répondre, car j'aimerais recueillir un éventail d'avis.
    En matière agricole, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux exercent chacun certaines compétences. A priori, le gouvernement fédéral a l'avantage de pouvoir intervenir à l'échelle nationale afin d'assurer la continuité de l'effort dans l'ensemble des ressorts, et éviter la fragmentation des initiatives.
    J'aimerais recueillir votre avis sur les avantages dont le gouvernement fédéral dispose au niveau des mesures qu'il pourrait adopter en ce domaine. Pourriez-vous en outre nous dire comment faire en sorte que les agriculteurs puissent effectivement bénéficier de ces programmes? Comme nous l'avons vu, dans le domaine agricole les horaires de travail sont très longs, et j'aimerais voir un peu comment l'on pourrait s'y prendre pour contacter les agriculteurs pour leur faire savoir qu'ils ont accès à un réseau de soutien.
    Qui souhaite répondre en premier?

[Français]

    Merci de la question.
    Dans tout cela, il faut voir à ce que les programmes soient bien adaptés aux productrices et producteurs agricoles. Il doit y avoir un maillage du fédéral et du provincial. Il ne suffit pas d'investir dans les programmes, encore faut-il qu'ils soient adaptés aux risques réels.
    La gestion des risques a de plus en plus d'incidence, que ce soit sur le plan climatique, économique ou politique. C'est ce qu'on voit présentement en politique concernant les négociations de l'ALENA. Il y a beaucoup de stress au sein des entreprises agricoles et il faut adapter les programmes en conséquence.
    En matière de santé mentale, nous faisons une recommandation qui rejoint celle qu'a faite Mme Jones-Bitton sur la recherche et l'investissement. Un investissement n'est pas une dépense. Il faut investir et former une table ronde nationale pour discuter de santé mentale, à laquelle participeraient des organismes comme le nôtre, afin que les services répondent aux besoins des productrices et producteurs agricoles.
(0920)

[Traduction]

    Mes collègues ont dit des choses très importantes. Il est effectivement essentiel que l'effort soit mené de concert avec les intéressés. Il faudrait obtenir leur participation dès le départ, et aligner nos efforts sur les priorités qui leur sont propres, sans cela, nous n'aboutirons pas.
    Les agriculteurs que nous avons contactés ont immédiatement dit ne pas avoir deux journées entières à nous consacrer. Nous avions en effet développé un très bon programme qui s'étendait sur deux jours. Nous leur avons demandé ce qui leur conviendrait, et nous pouvons maintenant leur proposer le choix entre un programme de quatre heures et un programme de huit heures.
    Il est essentiel de s'assurer la participation des agriculteurs. Ils sont tout à fait disposés à prendre la parole. C'est simplement que personne ne leur a jamais demandé auparavant.
    Comme l'a rappelé M. Caron, il nous faut développer des approches adaptées aux diverses situations.
    Nos collègues du Manitoba ont, par exemple, mis en service des numéros d'appel destinés en particulier aux agriculteurs. Ceux qui appellent commencent généralement par poser deux questions: la première « Mon appel va-t-il demeurer confidentiel? » et puis, « Êtes-vous, vous-même, agriculteur? »
    Trop souvent, lorsque quelqu'un se décide enfin à demander de l'aide, il se voit répondre: « Je vous conseille de rentrer chez vous et de prendre deux semaines de repos. » Mais on n'entend plus jamais après cela parler d'eux. Ils se découragent après s'être aperçus qu'en matière d'agriculture leur correspondant n'y connaissait rien.
    Monsieur d'Amours, auriez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

    Oui.
    Le gouvernement fédéral devrait relever l'image de l'agriculture et souligner l'importance qu'ont les agriculteurs. La population a une image négative des agriculteurs, ce qui crée une détresse très grande chez ces derniers. Le gouvernement fédéral pourrait relever l'image des agriculteurs partout au Canada et montrer qu'ils sont là pour aider la population et que, sans eux, il n'y aurait rien à manger. C'est aussi simple que cela. Cependant, la population n'a pas du tout cette notion. Elle ne comprend pas pourquoi les agriculteurs sont différents. Il sont différents parce que c'est leur milieu, parce que c'est leur vie. Ils sont différents pour plein de raisons. C'est cela qui devrait être fait.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Nous cédons maintenant la parole à M. Breton pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui. On sait à quel point ce problème est préoccupant. Il l'est d'ailleurs chez nous, dans la circonscription de Shefford.
    Monsieur d'Amours, vous habitez dans une région située juste à côte de ma circonscription. Merci d'être ici aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Caron.
    Vous êtes fils et petit-fils d'agriculteur. Nous n'avons pas fait d'étude sur le sujet, mais peut-être y en a-t-il eu par le passé. Qu'est-ce qui a changé? Avez-vous été témoin d'une détresse qu'aurait pu vivre votre grand-père, vos grands-parents ou votre père? Qu'est-ce qui a évolué? Les choses se sont-elles améliorées ou détériorées? Quels changements nous ont conduits là où nous sommes aujourd'hui? Donnez-nous quelques pistes de réflexion.
     D'abord, avant d'être un vice-président de l'UPA, je suis un producteur laitier et céréalier chez nous, à Louiseville, en Mauricie. Je suis quelqu’un de terrain et de base.
     J'ai eu des contacts avec des gens. J'ai été l'un des premiers à suivre une formation de sentinelle pour être capable de détecter des problèmes de santé mentale et de santé psychologique, entre autres. Il s'est créé un réseau très rapidement autour de moi. J'ai vu des gestes exceptionnels de la part de producteurs, de vétérinaires, d'inséminateurs et de gens qui étaient impliqués dans le domaine.
    Ce qui a changé, c'est que l'agriculture est devenue planétaire. Je vais vous donner deux exemples bien concrets. Premièrement, le prix des grains est fixé par la Bourse de Chicago; ce n'est pas fait à l'échelle locale. Deuxièmement, on impose des tarifs aux producteurs de porc, ce qui a des répercussions énormes sur le prix du porc. Il y a un manque à gagner d'à peu près 50 %.
    Vous dites qu'il y a un impact international et qu'avant, le marché était plus local.
    C'est exact.
    C'est un élément important.
    Monsieur Girard, vous êtes dans le domaine de l'agriculture depuis longtemps et aujourd'hui, vous êtes consultant. J'imagine que vous travaillez avec les agriculteurs. Qu'en est-il des jeunes, dans tout cela? Beaucoup de jeunes qui viennent me voir sont en détresse. Ils ne viennent pas me voir parce qu'ils sont en détresse, mais ils me parlent de leur détresse. Je les réfère à quelqu'un qui peut les aider à cet égard.
    Parlez-moi un peu de la situation des jeunes. Est-ce pire pour cette catégorie de la population que pour les gens plus âgés? Les jeunes vivent-ils un stress différent de la génération précédente? Parlez-nous de cela.
(0925)
    Évidemment, une catégorie de jeunes qui aspirent à prendre la relève de leurs parents hésite de plus en plus à le faire, compte tenu de l'image que le métier projette.
    J'aimerais ajouter quelques commentaires à votre première question.
    C'est très bien.
    L'industrialisation de l'agriculture fait une différence. Je suis né sur une ferme et j'y ai travaillé. Dans le temps, on travaillait 12 heures par jour, on dormait, et le lendemain, on était en grande forme. Aujourd'hui, avec tous les moyens de communication qui existent, le producteur est branché sur sa ferme 24 heures sur 24. Dans beaucoup de cas, il ne peut plus prendre des fins de semaine de congé parce qu'il est sollicité par son entreprise. Cette réalité génère du stress.
    Il y a l'aspect économique. J'ai rencontré beaucoup d'agriculteurs dans la soixantaine qui aspiraient à transférer leur entreprise, mais elles valent deux millions, trois millions ou quatre millions de dollars. Le patrimoine a pris de la valeur et la rentabilité de l'entreprise ne permet pas un tel investissement. Je suis d'accord avec ceux et celles qui ont dit que le gouvernement fédéral, entre autres, avait un rôle à jouer par ses mesures et ses programmes.
    Je vais donner l'exemple de l'initiative du gouvernement fédéral...
    Faites-le rapidement, monsieur Girard, parce que j'aimerais poser une question à M. d'Amours.
    D'accord, allez-y.
    Non, continuez. Je vous donne encore quelques secondes.
    On a créé des programmes d'investissement dans l'agroenvironnement. Cela a permis de changer l'approche de notre agriculture et de tenir plus compte de l'environnement, et ce, en 10 ans. Je suggère qu'on fasse la même chose pour la santé des agriculteurs.
    C'est intéressant.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Girard.
    Monsieur d'Amours, vous avez attiré mon attention sur un élément intéressant: l'image de l'agriculteur. Je ne sais pas si cela rejoint la reconnaissance qu'un agriculteur peut recevoir. L'agriculteur est son propre patron. Je ne pense pas qu'il ait d'autres patrons; c'est un travailleur autonome. Ce que j'ai pu remarquer dans des rencontres et des visites que j'ai faites sur des fermes, c'est que personne ne dit à l'agriculteur qu'il fait un bon travail, sauf ceux qui lui disent que les aliments qu'il produit sont frais et qu'ils aimeraient lui en acheter. J'imagine qu'il y a une question d'éducation de la population.
    Parlez-nous de ce manque énorme de reconnaissance de l'agriculteur.
    La reconnaissance de la population va même plus loin que cela. Je vais vous donner un exemple bien simple. Quand je vais à l'épicerie avec mon fils, il n'a aucune idée de l'endroit où pousse le légume qu'on achète. Pourtant, je demeure à la campagne.
    Il pousse en épicerie.
    C'est cela. Il pousse en épicerie et le lait vient au monde en épicerie.
    Chez les agriculteurs, il y a aussi le lien parent-enfant. Un père est venu me voir. Son fils veut agrandir la ferme et utiliser de nouvelles technologies, mais ce père m'a dit ne pas être capable de s'adapter à cela et qu'ils prennent du retard à cause de cela. Il en était même venu à penser à suicide. Il se disait que, s'il s'en allait, son fils aurait toute la place. Même cette image-là...
     Merci, monsieur d'Amours. Je regrette de vous interrompre, mais vous pourrez peut-être poursuivre plus tard.
    Il n'a fini son histoire, monsieur le président.
    Je suis certain qu'il aura la chance de la finir.

[Traduction]

    Monsieur Hehr et monsieur Cooper, je tiens à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation.
    Monsieur Longfield, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous des exposés que vous nous avez présentés, et de l'intérêt que vous portez à la question.
    Andria, j'ai eu, au mois de mai, l'occasion de vous rencontrer à Guelph. Vous avez à cette occasion évoqué vos recherches, et, depuis, vous avez lancé le programme In The Know.
    Lors de la discussion de ce matin, j'ai été frappé par le fait que ceux qui téléphonent commencent souvent en posant la question « Cet appel est-il confidentiel? » et puis « Êtes-vous, vous-même, agriculteur? » Or, on m'a posé essentiellement la même question lorsque je travaillais à Guelph auprès d'anciens combattants. Selon les anciens combattants, seul un ancien combattant est à même de comprendre ce qu'un soldat a vécu.
    En 2017, nous avons dégagé 5 milliards de dollars sur 10 ans pour des initiatives en matière de santé mentale dans les provinces et territoires. Les crédits consacrés à la santé mentale des anciens combattants et des personnes autochtones ont eux aussi augmenté.
    Vous avez évoqué l'idée d'un centre d'excellence national consacré au milieu agricole. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, notamment quant à la manière d'assurer la participation des agriculteurs au sein même de leur communauté, peut-être par l'intermédiaire des églises ou de leurs associations? Quel serait le meilleur moyen d'aller à la rencontre des agriculteurs sur place, dans les lieux mêmes où ils se réunissent normalement, et d'obtenir qu'ils participent à des discussions sur ce sujet qui mérite notre attention?
(0930)
    Vous soulevez là plusieurs points.
    Effectivement.
    Il y a notamment le besoin d'adapter ce que l'on fait aux diverses situations. Pour les multiples raisons invoquées tout à l'heure on ne peut pas simplement reprendre les modèles en vigueur pour les appliquer aux agriculteurs.
    Les agriculteurs font face en effet à des stress tout à fait particuliers. De nombreuses exploitations agricoles ne sont pas, certes, des petites entreprises, mais même si d'autres propriétaires de petites entreprises sont, eux aussi, exposés au stress, les types de stress éprouvés par les agriculteurs sont d'un type différent. On a rappelé, à plusieurs reprises, qu'il est fréquent que les gens aient du mal à comprendre la situation dans laquelle se trouvent les agriculteurs.
    Une des choses qui m'ont frappée lors du lancement de notre enquête nationale c'est le fait que les agriculteurs ont un peu l'impression d'être en liberté surveillée. Ils se sentent visés par le public, par les groupes qui s'en prennent aux modes d'exploitation agricole, par les gens qui n'hésitent pas à livrer une opinion sur une activité dont ils ignorent pourtant presque tout. Vous pouvez vous moquer de moi en tant que professeur, mais mon métier ne représente qu'un seul volet de mon identité. Ce n'est pas le cas pour les agriculteurs, dont le métier est en quelque sorte consubstantiel à leur identité. La culture dans laquelle ils baignent, et toute leur histoire sont intimement liées à l'agriculture.
    C'est dire que les mesures à prendre doivent être adaptées à ce domaine précis d'activité. Comment, donc, établir le contact avec les agriculteurs? D'après moi, le mieux serait de leur poser la question. Le Programme Sentinelle, mis en oeuvre au Québec, me paraît excellent. Je n'en ai pris connaissance que récemment, mais on peut, je pense, s'en inspirer.
    D'excellentes choses se font également au Manitoba. Qu'il me soit permis de dire qu'il se fait également d'excellentes choses à Guelph. Si nous voulons effectivement protéger et préparer ceux et celles qui en ont besoin, il va nous falloir en savoir davantage sur ce qui se fait ailleurs.
    Il est essentiel que les provinces agissent de concert et que leurs efforts soient coordonnés au niveau fédéral afin d'assurer la cohérence des mesures qui seront prises.
    Très bien.
    Monsieur d'Amours, êtes-vous parvenu, dans le cadre du travail que vous effectuez auprès des communautés, à lier des contacts avec les agriculteurs par l'intermédiaire des lieux où ils ont l'habitude de se réunir?

[Français]

    Oui, parce que le programme de sentinelles a tranquillement pris de l'ampleur. Nous avons commencé autour d'une table de cuisine où les agriculteurs venaient nous rencontrer et discuter de leurs besoins. Ils nous ont guidés. Beaucoup de gens venaient nous voir, ceux qui transportaient le lait, et bien d'autres.
     C'est ce que nous avons fait et, par la suite, nous sommes allés chez ces gens. Avec l'Association québécoise de prévention du suicide au Québec, nous avons créé une déclinaison agricole, vraiment adaptée aux agriculteurs. Les gens comprennent ce que vit un agriculteur et vont donc intervenir de façon très différente. Les résultats sont concluants. Nous constatons que les agriculteurs se sentent plus à l'aise de nous parler. Comme le disait monsieur, qui est lui-même sentinelle, il ira voir la personne, il lui parlera, il devinera que la personne vit quelque chose de difficile et il lui conseillera de consulter quelqu'un qui pourra l'aider. Nous rejoignons la personne dans son milieu et avec sa mentalité, pour l'encourager à se prévaloir des services offerts. Vous serez d'accord avec moi que cela fonctionne bien.

[Traduction]

    Je repense aux agriculteurs qu'il m'a été donné de rencontrer au temps où je sillonnais les Prairies, me rendant dans des mines et dans des usines, et appelé par ailleurs à résoudre des problèmes de machinerie agricole. Les agriculteurs se réunissaient dans les relais routiers. Je me souviens de celui de Colonsay, en Saskatchewan. J'aimais beaucoup m'y arrêter, car c'était, pour les agriculteurs, un point de rencontre. Ils discutaient des divers moyens d'employer les engrais, et de l'état du marché. Ils parlaient aussi de choses plus personnelles, telles que d'un de leurs voisins qui n'avait pas pu s'occuper de son champ car sa femme lui avait demandé de faire autre chose. On recueillait des tas d'anecdotes personnelles.
    En ce qui concerne les réunions d'agriculteurs, j'ai surtout gardé le souvenir des éleveurs laitiers, que vous connaissez bien. Or, les éleveurs laitiers ne se réunissent sans doute pas tout à fait de la même manière que les producteurs de céréales. Je réfléchis à la manière dont le gouvernement fédéral, l'Association canadienne pour la santé mentale, Santé Canada, la Commission de la santé mentale du Canada... Nous avons bien, oeuvrant dans ce domaine, ces grandes organisations, mais les agriculteurs ont une manière bien à eux de se réunir, et de communiquer entre eux. Il nous faut donc trouver le moyen d'instaurer des passerelles avec ces grandes organisations, puis avec les autorités provinciales qui agissent en ce domaine.
(0935)
    Monsieur Longfield, malheureusement...
    Je pensais avoir une minute et demie.
    Bon, je vous remercie.
    Vous n'avez pas pris tout à fait une minute, mais nous allons néanmoins devoir passer la parole à un autre membre du Comité. Je suis certain qu'on aura l'occasion d'y revenir.
    Monsieur Shipley, vous avez six minutes.
    Je tiens également à remercier nos témoins.
    Madame Jones-Bitton, vous nous avez cité trois chiffres: 45 % qui éprouvent un niveau élevé de stress, je ne me souviens pas très bien du second chiffre, mais 35 % des sondés souffrent de dépression et d'épuisement professionnel. Quel était le second chiffre que vous nous avez cité?
    Cinquante-huit pour cent des agriculteurs sondés ont dit éprouver, à divers degrés, de l'anxiété, que celle-ci soit légère, modérée ou sévère.
    Je suis certain qu'en tant qu'agriculteur M. Caron est en mesure de confirmer cela. Ceux d'entre nous qui, dans les années 1980, ont bien connu les milieux agricoles comprennent fort bien le stress inhérent à l'exercice du métier d'agriculteur. Mais c'est en fait le stress qui nous porte à persévérer. Avez-vous une définition de ce qu'il convient d'entendre par un niveau de stress élevé?
    Sans ce stress, il n'y a pas en fait d'agriculture efficace, mais il est clair qu'il y a un point de basculement, qui n'est d'ailleurs pas le même pour tout le monde.
    Un de mes amis est exploitant d'une grande ferme, et je suis intimement persuadé qu'il espère lui-même ne jamais entrevoir la lumière au bout du tunnel.
    Je comprends.
    C'est ce qui le motive, mais il est clair que ce n'est pas le cas de tout le monde.
    Effectivement. On a calculé une courbe qui rend compte de cette réalité. Le milieu de la courbe de stress, de couleur jaune ou orange, est une zone d'équilibre. À ce niveau-là, le stress nous motive et nous rend efficaces. On peut se concentrer sur la tâche à accomplir, et faire le nécessaire.
    Il y a, aussi, la zone verte, celle du niveau de stress faible. Cela n'est pas bon, car le faible stress correspond à une faible productivité faute de motivation suffisante.
    Le problème provient du fait que nous sommes trop nombreux à habiter la zone rouge. C'est une zone de fatigue, d'épuisement, de colère, d'anxiété et d'abattement professionnel. À ce niveau-là, la productivité baisse en fait.
    Ce niveau élevé de stress convient parfaitement à l'ami que vous venez d'évoquer, mais cela n'est malheureusement pas vrai d'un trop grand nombre d'agriculteurs qui se situent dans cette zone rouge.
    Les médias sociaux semblent désormais faire partie de notre existence. Il s'agit, en grande partie, d'un choix, mais cela est également devenu une partie essentielle de l'activité commerciale. Cela permet de suivre l'état des marchés, de rester au courant du prix des intrants agricoles. C'est comme cela que l'on se tient au courant de l'innovation et des nouvelles technologies, et que l'on reste en contact avec les autres agriculteurs. L'inconvénient de tout cela est cependant que les médias sociaux ont un autre côté, qui capte l'attention et exige qu'on y consacre un temps considérable. Des recherches ont-elles été effectuées sur le rôle joué à ce niveau-là par les médias sociaux?
    Les agriculteurs sont sollicités en fonction, par exemple, des intrants agricoles qu'ils utilisent, ou de leur mode de culture ou d'élevage du bétail. Ils sont la cible de groupes qui militent en faveur des droits des animaux, ou d'individus qui s'en prennent à eux brutalement, non seulement sur les lieux de leur exploitation, mais également à l'occasion des transports. Est-ce une chose sur laquelle vous vous penchez dans le cadre de votre projet pilote? Comment faire face à ce type d'action?
    Il y a deux aspects à la question. Pour ce qui est de l'aspect social du phénomène, il faut se rappeler que l'agriculture est une activité menée assez isolément. Sous un certain rapport, donc, les médias sociaux contribuent beaucoup à la vie des agriculteurs. Les pages Twitter qui s'adressent en particulier aux agriculteurs remportent un vif succès.
    En effet.
    Ces pages Twitter encouragent une sorte d'entraide. C'est donc, à certains égards, une très bonne chose. Il suffit de faire état d'un problème, pour recevoir immédiatement des solutions possibles. Il suffit de faire état d'un jour qui se passe mal, pour obtenir immédiatement des messages de soutien.
    Il y a, en revanche, le côté plus sombre que vous avez évoqué. Je peux dire très franchement que j'ai été frappé de constater, dans le cadre de notre enquête, la force de ce côté négatif des médias sociaux et des mensonges répandus par des groupes qui s'opposent aux pratiques agricoles. On répand des propos mensongers afin de rallier à sa bannière l'opinion publique. C'est blessant pour les agriculteurs et insultant pour les services essentiels qu'ils rendent au pays.
    Monsieur d'Amours, cet aspect négatif des médias sociaux est-il évoqué au cours des conversations que vous avez lorsque vous vous entretenez avec des agriculteurs? Les médias sociaux ont un bon côté, mais il y a également l'envers de la médaille, ces attaques continues, cette face sombre des médias sociaux. Nous voulons savoir ce qui se dit à notre sujet. En fait nous préférerions ne pas le savoir, mais nous ne pouvons pas nous empêcher d'écouter.
    Que vous disent les agriculteurs lorsque vous vous entretenez avec eux?
(0940)

[Français]

     Nous commençons effectivement à en entendre parler. Les médias sociaux comme Facebook et les autres ont une incidence tant sur le public que sur les agriculteurs, et cela en a une aussi sur leurs enfants. L'intimidation menace les enfants des agriculteurs, et elle ajoute un stress.
    Un stress peut être positif dans la mesure où il existe une réponse. Or les agriculteurs que je rencontre et qui en sont rendus à songer au suicide n'ont plus de réponse.
    Quand un agriculteur me dit que sa femme va le quitter, qu'elle va partir avec les enfants et qu'il va perdre sa ferme, il n'a plus de solution. Il vit un stress qui n'est plus positif, car il est devant un mur.
    Il faut faire attention. Lorsqu'on dit qu'un stress peut effectivement devenir positif, c'est vrai, mais quand quelqu'un se heurte à un mur, son stress devient maladif.

[Traduction]

    Nos efforts visent essentiellement à donner de l'espoir.
    Monsieur Shipley, vous êtes à court de temps.

[Français]

    Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions.
    C'était très intéressant. En tant qu'agriculteur, j'ai pu m'identifier à tous les aspects du débat. Je ne sais pas si c'est ce qui m'a envoyé en politique, et je ne sais pas si c'est bon ou mauvais.
    Je vous remercie, monsieur Caron.

[Traduction]

    Désolée de m'être un peu attardée sur la question. J'aurais peut-être pu m'y prendre autrement.
    Le stress n'est pas absent de nos délibérations.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, messieurs Caron, d'Amours et Girard, et docteure Jones-Bitton.
    C'était une très belle séance pour commencer notre étude.
    Nous allons changer de témoins. Nous allons donc faire une pause de deux minutes et revenir tout de suite après pour accueillir le prochain groupe de témoins. Merci.

(0945)

[Traduction]

    Nous allons passer maintenant à la deuxième heure de notre étude sur la santé mentale des agriculteurs.
    Nous accueillons ce matin M. Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l'agriculture.
    Bonjour, monsieur Bonnett, c'est un plaisir de vous retrouver.
    Nous accueillons également, en vidéoconférence, Groupe Leader Plus Inc.

[Français]

     M. Pierre Beaulieu est président-directeur général, Agriculture.
    Monsieur Beaulieu, nous entendez-vous?
    Oui, je vous entends très bien, je vous remercie.
    Bienvenue, monsieur Beaulieu.
    Notre troisième témoin comparaît aussi par vidéoconférence.

[Traduction]

    Lesley Kelly, de la Do More Agriculture Foundation, va, elle aussi, se joindre à nous dans quelques instants.

[Français]

    Nous allons commencer.

[Traduction]

    Monsieur Bonnett, vous avez six minutes pour nous présenter un exposé sur la santé mentale du point de vue de la Fédération canadienne de l'agriculture.
    Je tiens à remercier le Comité du temps qu'il a décidé de consacrer à un sujet qui, d'après moi, n'a pas toujours reçu l'attention qu'il mérite.
    Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de vous expliquer l'action de la Fédération canadienne de l'agriculture. Il me suffit, je pense, de rappeler que nous représentons les agriculteurs de toutes les régions du pays.
    Vous n'ignorez pas que l'agriculture est un secteur d'activité très particulier. Ceux qui la pratiquent assument de grands risques en raison de la volatilité des cours et des incertitudes du temps. Ces facteurs échappent entièrement à leur contrôle et, souvent, l'agriculteur est en outre un peu isolé dans des zones éloignées. Que ce soit l'état des marchés, la météo, les maladies ou l'état de sa trésorerie, le producteur agricole supporte des charges immenses. En raison de ce qu'il a retenu des générations antérieures, et de ce que la société attend de lui, l'agriculteur est habitué à ne pas faire part de ses difficultés.
    C'est pour cela que j'éprouve une telle satisfaction à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Le fait de pouvoir évoquer en toute franchise, devant un public tel que votre comité, constitue une étape importante de ce long processus qui devrait permettre de lever les obstacles qui empêchent les agriculteurs de parler, aussi ouvertement que nous le faisons lorsqu'il s'agit de santé physique du stress, de l'anxiété et de la santé mentale en général. Il s'agit d'un domaine d'activité appelé à un grand avenir et marqué par un merveilleux sens de la solidarité et de l'entreprise. Or, nous avons à la fois les moyens et l'obligation d'en faire davantage pour aider les agriculteurs qui éprouvent des problèmes de stress ou de santé mentale.
    J'avoue avoir moi-même éprouvé certaines difficultés à cet égard. Au début des années 1980, alors que mon épouse Cathy et moi-même en étions encore à nos débuts en agriculture, nous avons soudainement dû faire face aux taux d'intérêt extrêmement élevés en vigueur à l'époque. Sur le moment, je ne m'en suis pas rendu compte, mais en réfléchissant à ce qui s'est passé alors, je comprends que je frôlais la dépression. Je ne dormais plus. J'avais du mal à prendre des décisions. J'avais l'impression de déraper.
    Nous avons eu de la chance. Un conseiller agricole a constaté que nous étions plusieurs jeunes agriculteurs dans cette situation. Il a organisé une série de réunions au cours desquelles il nous a exposé les moyens de faire face à nos difficultés financières, et nous a expliqué comment procéder. C'est, selon moi, la preuve que, si l'on veut régler les problèmes de santé mentale chez les agriculteurs, il faut prendre en compte non seulement l'exploitation, mais aussi la famille et le foyer. Si j'ai pu éviter le pire, c'est vraisemblablement parce que quelqu'un est intervenu en temps utile, pour régler ce qui était, dans mon cas, des difficultés essentiellement financières.
    Dans le cadre de mes fonctions à la FCA, j'ai entendu des responsables agricoles me dire qu'il y a, dans toutes les régions du pays, un trop grand nombre de producteurs qui continuent à souffrir en silence jusqu'au moment où il est trop tard pour intervenir utilement. Face à cette situation, notre organisation a, en février dernier, organisé un symposium sur la santé mentale dans le domaine agricole. Nous avons pu réunir des spécialistes de la santé mentale, des chercheurs, des producteurs et des représentants de la filière issus des diverses régions du Canada, pour discuter de deux sujets qui revêtent une importance essentielle: d'abord, le besoin de parvenir à un consensus sur l'état actuel de la santé mentale dans le domaine agricole; et puis celui d'examiner ensemble les efforts et les mesures actuellement en cours en matière de santé mentale des agriculteurs.
    On nous a communiqué les mêmes statistiques que celles dont Mme Jones-Bitton a fait état aujourd'hui. On a parlé en outre des baisses de productivité, des pensées suicidaires et des problèmes qu'entraîne, pour le bien-être des animaux, le fait de ne pas se pencher à temps sur les difficultés de santé mentale éprouvées par les éleveurs. Nous avons recueilli l'avis des prestataires de services et des associations agricoles des diverses régions du pays sur les mesures qui ont été prises, y compris les numéros de téléphone gratuits mis à la disposition des agriculteurs, les premiers soins en santé mentale et l'accès à des consultations médico-sociales réglées d'avance.
    On a éprouvé une grande satisfaction en voyant tout ce qui se fait au Canada en ce domaine, mais nous avons retenu de cela surtout quatre choses.
    D'abord, en matière de santé mentale, il faut intervenir bien avant l'étape de la prévention du suicide. Les suicides sont hélas trop nombreux, mais il s'agit d'une issue qui pourrait être évitée par une intervention plus précoce. Il ne faut pas attendre le dernier moment.
    Deuxièmement, les mesures d'aide doivent être adaptées à la situation particulière des agriculteurs. Si un agriculteur a affaire à quelqu'un qui ne connaît rien à l'agriculture, il ressentira encore davantage son isolement et l'insuffisance de l'aide qu'on lui propose.
    Troisièmement, bon nombre des initiatives qui nous ont été décrites sont menées dans le cadre provincial, sans vraiment chercher à savoir ce qui se fait ailleurs. Cela est, pour la FCA, un objet de préoccupation, car on devrait, au contraire, s'inspirer des pratiques exemplaires, et faire en sorte que les agriculteurs de toutes les régions aient effectivement accès à l'aide dont ils ont besoin.
    Et enfin, les efforts en ce domaine peinent à trouver les ressources nécessaires. C'est le cas dans l'ensemble du pays, les services de santé mentale ayant du mal à survivre. Bon nombre d'intervenants, qui auraient tous souhaité pouvoir en faire davantage, se demandaient si, en fait, ils pourraient continuer à assurer les services dans les conditions actuelles. Il est donc essentiel d'accroître le financement des mesures de soutien en matière de santé mentale, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial.
    À l'issue de ce symposium, nous avons pu annoncer la signature d'un protocole d'entente avec la Do More Agriculture Foundation. Ce protocole comprend deux volets.
    D'abord, la FCA a institué une nouvelle récompense appelée « Prix commémoratif de Brigid Rivoire pour les meilleures pratiques en santé mentale ». Il s'agit de récompenser les personnes et les organisations qui font avancer l'état de la santé mentale au Canada, soit par un don, soit par des campagnes de promotion. Ce prix sera décerné à l'occasion de notre réunion annuelle, les lauréats étant invités à prendre la parole.
(0950)
    Comme beaucoup d'entre vous le savent, Brigid a été la directrice générale de la Fédération canadienne de l'agriculture de 2001 à 2015. Elle a toujours eu la réputation de vouloir aider les personnes qui en avaient besoin et d'être une personne attentive et généreuse. Elle est décédée en 2017, au moment où la FCA élaborait ce programme destiné à sensibiliser la population au sujet des problèmes de santé mentale que l'on retrouve dans l'agriculture.
    Le deuxième engagement que nous avons pris avec la fondation Do More Agriculture consistait à lever des fonds pour financer la recherche sur la santé mentale dans l'agriculture, sujet que nous continuons à explorer.
    La fragmentation dont j'ai parlé plus tôt est une des raisons pour lesquelles nous sommes encore en train de chercher à savoir comment nous pourrions appuyer la recherche dans ce domaine. Il est difficile de déterminer à qui le financement devrait être destiné, quelles sont les recherches en cours et les organismes qui ont besoin de ces fonds. C'est la raison pour laquelle la FCA se joint à Mme Jones-Bitton pour inviter le gouvernement du Canada à appuyer la création d'un réseau canadien pour la santé mentale dans l'agriculture, de façon à coordonner les activités, de veiller à ce que des études concrètes soient entreprises pour concevoir des mécanismes d'appui efficaces et à finalement inciter les collèges des vétérinaires et de l'agriculture à adopter des programmes sur la santé mentale et la résilience.
(0955)
    Je vous remercie, monsieur Bonnett, mais je dois vous interrompre. Je sais que vous avez un numéro d'assistance téléphonique et nous allons veiller à ce que vous puissiez...
    J'introduirai le reste plus tard. Je connais la formule.
    Oui, vous pourrez le mentionner plus tard. Vous connaissez la procédure. Vous êtes déjà venu ici.

[Français]

     Monsieur Beaulieu, vous disposez de six minutes.
     Bonjour, je vous remercie de m'accueillir à votre comité.
    Je veux remercier le député de Shefford, Pierre Breton qui, en moins de 24 heures, a répondu à ma lettre par un appel, ce que j'ai beaucoup apprécié.
    Je m'appelle Pierre Beaulieu, je suis président-directeur général du Groupe leader plus.
    Permettez-moi de vous en dire un peu sur mon parcours. J'ai grandi dans le monde des affaires, j'ai passé 10 ans dans la boulangerie familiale et 10 ans dans une entreprise de distribution de pièces d'automobile avec Esso et Chrysler Canada. J'ai dirigé le Groupement des chefs d'entreprise du Québec pendant 30 ans et d'autres groupes au Nouveau-Brunswick et en Europe. Sous ma direction, le nombre de membres est passé de 130 à 2 000, et le nombre de groupes, de 10 à 235.
    Ma mission personnelle est de rassembler des leaders pour les aider à développer leur plein potentiel dans un esprit d'entraide, afin de bâtir une société plus sensée, centrée et prospère. J'ai pris ma retraite du Groupement des chefs d'entreprise du Québec en 2014.
     Quand je dirigeais le Groupement, les agriculteurs nous demandaient de les aider à se regrouper, mais ils n'avaient pas les mêmes préoccupations que les PME manufacturières et de distribution. Quand j'ai pris ma retraite, les agriculteurs m'ont demandé d'établir des groupes qui leur permettraient de vivre ensemble, de s'entraider et de progresser comme personnes. La mission du Groupe leader plus, qui a été créé il y a trois ans, est de rassembler et d'accompagner des chefs, leur relève et des propriétaires du secteur agricole et de les aider à faire progresser leurs quatre responsabilités de dirigeants.
    La première de ces quatre responsabilités est de développer l'entreprise à cinq niveaux: la croissance, les ressources humaines, les opérations, la réussite financière et la pérennité, et l'ensemble de son réseau.
    La deuxième responsabilité est de structurer l'entreprise de cinq manières: réfléchir, planifier, organiser l'entreprise, coordonner les rencontres — une activité inhabituelle pour les agriculteurs, mais en croissance — et contrôler l'entreprise.
    La troisième responsabilité est d'assurer la continuité de l'entreprise tout au long des cinq étapes de sa carrière: entrepreneur, directeur gérant, directeur général, PDG et président du conseil. L'une des choses qui ont beaucoup aidé la relève au Québec dans les PME a été la création de ces étapes, qui permettent au chef de l'entreprise de bien asseoir sa place pour ensuite la laisser à la relève, comme prévu.
    Enfin, la quatrième responsabilité vise à réussir son équilibre dans les cinq secteurs de sa vie: la vie professionnelle et sociale, les liens significatifs, les santés — physique, psychologique, intellectuelle et spirituelle —, les finances personnelles, et le ressourcement et les loisirs
    Ce sont quatre responsabilités sur lesquelles se concentrent les groupes d'entraide du Groupement.
    Chaque groupe d'entraide comprend de 10 à 12 chefs d'entreprises — ou chefs aspirants — qui se réunissent de cinq à six fois par année et qui s'engagent à s'entraider et à partager leurs expériences et leur savoir-faire afin d'améliorer leur leadership et de progresser dans les quatre responsabilités d'un dirigeant. Tous les membres s'acceptent de façon consensuelle et s'engagent les uns envers les autres. Tous les groupes bénéficient des services d'un accompagnateur professionnel. L'accompagnement fait ressortir les expériences et le savoir-faire des participants à chaque étape des rencontres, afin de favoriser l'entraide et de faire progresser les participants comme dirigeants ou comme personnes.
    L'accompagnateur n'agit jamais comme consultant et fait intervenir des experts au besoin. Le Groupe leader plus développe pour ses membres un réseau de consultants, des outils de gestion et de groupe, ainsi qu'une banque d'expériences. À chaque rencontre thématique, nous résumons les expériences des gens autour de la table, qui servent ensuite à l'ensemble de la province. Une rencontre dure quatre heures. Elle commence par un tour de table où chaque personne dispose d'un temps égal de parole pour décrire comment se passent les choses pour elle, dans sa famille, dans son équipe et dans son entreprise.
(1000)
     D'ailleurs, lors des rencontres, cette période est toujours la plus longue, car elle occupe environ une heure trente sur les quatre heures.
    Dans un deuxième temps, les membres peuvent consulter le groupe pour une difficulté liée à un projet, à un problème relationnel ou à un défi administratif. Quel que soit le sujet, les membres peuvent consulter le groupe pour savoir ce que feraient leurs collègues à leur place. C'est très utile, parce qu'ils ont directement accès à l'opinion des gens. Ensuite, ils s'engagent à progresser et à tenir d'autres rencontres, dont nous faisons le suivi.
    En troisième partie, la rencontre porte toujours sur un thème principal que nous avons déterminé au début de l'année. En fait, nous planifions des défis stratégiques pour les deux ou trois prochaines années, et nous sommes capables d'élaborer un programme qui couvre les défis stratégiques de chaque membre. Nous traitons notamment de thèmes comme la façon de gérer ses ressources humaines ou la façon dont on vit ses relations familiales. Puis, nous recherchons un consensus autour des meilleures pratiques.
    La quatrième partie de la rencontre est une période d'évaluation, et le moment où les participants s'engagent à progresser d'ici à la prochaine rencontre...
    Monsieur Beaulieu, votre temps de parole est malheureusement écoulé. Je suis obligé de donner la parole au prochain intervenant. Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre Mme Lesley Kelly de la Do More Agriculture Foundation.
    Bienvenue, madame Kelly. Vous avez six minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire.
    Bonjour à tous. Merci de me donner la possibilité de vous présenter aujourd'hui mon exposé.
    La santé mentale est un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Je m'appelle Lesley Kelly. Je suis une agricultrice de la Saskatchewan. J'ai participé à la campagne Bell Cause pour la cause, et mon mari et moi avons été très actifs, aussi bien en ligne qu'au sein de nos réseaux, pour faire connaître ce que nous avons vécu en matière de santé mentale. Je ne suis pas seulement une partisane de la lutte contre le stigmate associé à la santé mentale en agriculture, mais je suis également la cofondatrice de la Do More Agriculture Foundation.
    Qu'est-ce que cette fondation? La fondation Do More travaille pour la santé mentale et le bien-être mental de tous les producteurs canadiens. Nous essayons de modifier les attitudes dans le secteur de l'agriculture pour que tous les producteurs soient incités à prendre soin de leur santé mentale et pour qu'ils disposent d'appuis et d'outils pour le faire. L'agriculture est un domaine extraordinaire. Il a des racines profondes dans le monde rural, il repose sur le travail, la résilience, la force et les collectivités, mais si nous voulons préserver cette image, il faut savoir que ces caractéristiques peuvent également constituer une faiblesse dans notre secteur, parce qu'elles peuvent devenir des obstacles lorsqu'il s'agit de faire connaître les difficultés vécues et de chercher de l'aide.
    Les producteurs sont particulièrement vulnérables lorsqu'il s'agit de problèmes de santé mentale. Le stress, l'angoisse, la dépression, l'épuisement émotionnel et professionnel sont très fréquents chez les producteurs. Pour notre fondation, il y a quatre obstacles.
    Le premier vient de nos attitudes. Le secteur de l'agriculture est extraordinaire, mais il repose sur la force et sur la persévérance, aspect qui pourrait être aussi une faiblesse dans notre domaine. Les attitudes que l'on retrouve dans ce secteur sont qu'un agriculteur est censé souffrir en silence, tenir bon et rarement exprimer des émotions, et que l'agriculteur qui demande de l'aide est un faible.
    Le deuxième obstacle est la sensibilisation. La plupart d'entre nous ne savent même pas ce que veulent dire vraiment la santé mentale ou les maladies mentales. C'est un domaine inconnu très vaste, en particulier dans un secteur où les acteurs n'ont jamais été incités à parler de cette question.
    Le troisième est l'isolement. Les agriculteurs passent la plupart de leur temps dans des secteurs isolés et ruraux, habituellement seuls, bien souvent en train d'utiliser une machine, ce qui n'incite pas à demander une aide professionnelle ou à avoir une conversation avec quelqu'un.
    Le quatrième est le manque de ressources. Nous avons accès à peu de ressources parce que ces ressources existent habituellement dans les centres urbains et qu'il faut parfois voyager assez loin pour y avoir accès. Notre fondation essaie de rendre ces ressources plus accessibles à nos producteurs.
    Nous avons également constaté qu'il y avait deux lacunes. La première est la difficulté de trouver des ressources adaptées aux agriculteurs. Les ressources destinées à ces personnes sont très limitées. Nous n'en avons découvert que quelques-unes. Nous avons constaté en Saskatchewan l'existence d'une ligne téléphonique pour les agriculteurs souffrant de stress. La deuxième consiste à trouver des ressources autres que celles qu'offre le médecin de famille. Lorsqu'un agriculteur est allé voir son médecin de famille, il éprouve de grandes difficultés à trouver d'autres ressources.
    Notre fondation s'attache à travailler sur ces trois piliers dans le but de préserver et de défendre la santé mentale de nos producteurs.
    Le premier est la sensibilisation: sensibilisation, éducation et lutte contre ce stigmate. Ce sont les premières mesures à prendre si nous voulons que notre action ait un effet durable et concret dans notre secteur. Nous voulons que les producteurs agricoles sachent bien ce qu'est être vraiment en bonne santé.
    Le deuxième est les collectivités. Une collectivité n'est pas simplement un lieu de vie. Une collectivité est également associée à un sentiment d'appartenance à un ensemble plus vaste. Nous voulons créer des collectivités, dans lesquelles les gens peuvent établir des contacts et également trouver les ressources dont ils ont besoin.
    Le troisième est la recherche. La recherche est un élément essentiel pour renforcer les ressources et faire en sorte qu'elles soient adaptées à notre secteur. Nous voulons que l'on puisse effectuer davantage de recherche dans ce domaine en appuyant et en finançant les études actuelles et futures, en veillant à ce qu'elles soient diffusées, et en travaillant en étroite collaboration avec nos partenaires, comme l'Université de Guelph et Mme Andria Jones-Bitton.
    Qu'avons-nous accompli ces 10 derniers mois? Nous avons lancé en janvier de cette année, et nous sommes en train de mettre sur pied une commission qui représente de nombreux secteurs de l'agriculture, des secteurs régionaux qui touchent la santé mentale. Nous sommes en train d'obtenir le statut d'organisme charitable. Il y a deux semaines, nous avons lancé notre fonds communautaire. C'est un projet pilote. Nous avons réuni suffisamment de fonds pour que 10 à 12 collectivités puissent avoir accès à des services de premiers soins en santé mentale et nous avons reçu jusqu'ici plus de 80 demandes. Cela démontre à la fois qu'il y a un besoin et que nos collectivités rurales souhaitent obtenir ces capacités.
    Nous allons lancer une campagne de sensibilisation en novembre. Elle va porter sur la modification du langage utilisé dans le domaine de la santé mentale. Nous avons établi des partenariats avec des fournisseurs de services en santé mentale et avec des ressources communautaires et nous avons créé des partenariats dans l'agriculture, comme ceux dont fait partie la FCA, Bayer et Financement agricole Canada. Nous avons également participé à des événements agricoles et à des foires commerciales pour parler de la santé mentale dans l'agriculture et de la fondation Do More.
    Le secteur agricole est vraiment un secteur extraordinaire et nos producteurs sont notre plus grande richesse, mais à l'heure actuelle, ils ont besoin d'aide. Ils souffrent.
(1005)
    Au nom de la fondation Do More, de mon exploitation agricole et de ma famille, je vous invite à adopter une approche visant l'ensemble du secteur agricole, à nous fournir davantage d'aide, à faciliter la sensibilisation et à fournir un soutien et des ressources à nos producteurs canadiens.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Kelly.
    Nous allons maintenant passer à notre tour de questions.

[Français]

     Nous commençons par M. Berthold.
    Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, messieurs Bonnett et Beaulieu et madame Kelly.
    Monsieur Bonnett, vous avez tenu un symposium sur la santé mentale, justement.

[Traduction]

    Avez-vous recensé tous les groupes qui aident les agriculteurs canadiens au cours de ce symposium et pourriez-vous nous communiquer ce document?
    Nous pouvons vous fournir un rapport. Je vais demander à Scott de vous le transmettre en ajoutant des renseignements réunis par notre bureau.
    C'était une des premières conversations à laquelle participaient autant de personnes et je pense que nous avons pu constater que, comme je l'ai dit dans mon exposé, il se faisait beaucoup de choses dans des secteurs isolés, mais qu'il n'y avait pas de réseautage.
    Je pense que Kim a également fait référence à cet aspect. Il s'agit de rechercher les ressources qui existent ainsi que la façon de les partager et de mieux les utiliser.
    Je pourrais vous fournir de l'information à ce sujet.
    Je pense que la Fédération canadienne de l'agriculture a un rôle à jouer dans la diffusion de cette information.
    Je vous remercie de le faire, monsieur Bonnett.
    Merci.
    Madame Kelly, j'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit. J'ai participé à quelques événements avec la fondation Do More Ag. Vous faites de l'excellent travail et vous arrivez à point.
    Comment allez-vous modifier la façon de parler de la santé mentale pour les agriculteurs? Que voulez-vous dire exactement par-là?
    Il faut devenir conscient des choses que nous disons tous les jours et qui contribuent à créer ces obstacles, comme « Laisse tomber », ou « Nous n'avons pas le temps de nous en occuper ». On nous a déjà dit au téléphone, après que mon mari et moi ayons fait connaître notre expérience, que, si nous n'étions pas capables de supporter le stress, on ne devrait pas dire que nous sommes des agriculteurs et que nous n'en étions pas.
    Nous essayons en fait de décrire ces obstacles, les choses que nous disons tous les jours sans même vraiment le savoir et de fournir à ceux qui en ont besoin des possibilités ou des idées sur la façon de changer les choses: « Comment puis-je vous aider? Vous êtes importants pour nous. Je vous écoute. Je suis ici pour vous. »
    Il s'agit de donner aux gens la possibilité de penser différemment et de savoir que la façon de parler à quelqu'un peut avoir un effet très important sur lui.
    Avez-vous constaté, l'un et l'autre, qu'il y avait de l'intimidation ou quelque chose du genre dans l'agriculture entre les fermiers ou entre les habitants des villes et les agriculteurs?
(1010)
    Je pense que c'est une question d'isolement.
    Comme Kim l'a déclaré, l'attitude générale est de dire « Laisse tomber ». Je crois que le principal problème est que les agriculteurs ne veulent pas paraître faibles et qu'ils hésitent à faire connaître leurs problèmes. Cela touche cette question d'attitude.
    Cela ne concerne pas uniquement notre génération; cela remonte très loin dans le temps. Il faut s'en sortir seul et faire tout ce qu'il faut pour y parvenir. Tous les termes auxquels Kim a fait référence font partie de cette attitude, à mon avis.
    Madame Kelly.
    Lorsque nous avons fait connaître en ligne notre expérience, nous avons reçu de très nombreux messages d'encouragement et d'appui, mais il y a eu quelques personnes qui nous ont insultés et qui ont essayé de nous intimider. On nous a traités de « faibles » et de « malades ». Cela venait de différents secteurs, mais c'est une chose dont nous n'avons pas parlé. Il y en a beaucoup qui ne le savent pas. La situation n'est pas toujours facile et pour certains, elle est délicate. Il y a effectivement de l'intimidation.
    L'aspect positif que nous avons constaté au cours des 10 derniers mois en partageant notre expérience est qu'auparavant, nous pensions que nous étions seuls, mais aujourd'hui, les gens nous disent qu'ils ne vont pas accepter cette situation et qu'elle n'est pas justifiée.
    Monsieur Bonnett, la santé mentale relève de nombreux paliers de gouvernement, notamment des gouvernements provinciaux. Nous essayons d'amener le gouvernement fédéral et le ministère à participer à ces activités.
    Que proposez-vous?
    Comme je l'ai dit, nous sommes en faveur de la création d'un centre d'excellence en santé mentale, qui serait axé sur l'agriculture, et qui s'occuperait de réunir toute cette information. Il y aura un partage des pouvoirs entre les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral qui fournissent les services.
    L'autre aspect auquel nous travaillons est la collaboration avec les centres de crise canadiens dans le but de fournir une formation spéciale aux personnes qui opèrent de façon permanente les lignes téléphoniques de crise. Ces personnes recevront une formation adaptée à l'agriculture. Un des graves problèmes que l'on retrouve avec certaines lignes d'appel de crise est que, comme le témoin précédent l'a déclaré, on vous conseille de reprendre le travail. Il faut bien nourrir les bêtes ou faire la récolte. Il y a tant de choses à faire. Il ne faut pas reprendre le travail sans réagir. Il faut faire quelque chose. Ce serait donc une excellente chose que de donner une formation à ces personnes. Cela pourrait se faire à l'échelon national, dans les deux langues et grâce à la prévention, les gens sauraient où trouver de l'aide.
    Il faut réfléchir aux grandes mesures à prendre. Il doit être possible d'avoir accès à de l'aide, avant de penser au suicide. Il faut donc prévoir les mesures nécessaires, offrir une aide financière, la possibilité de parler à quelqu'un, pour éviter les suicides.

[Français]

     C'est bien.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Berthold.
    Monsieur Drouin, vous disposez maintenant de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Je remercie les témoins présents.
    C'est un sujet qui, d'après moi, n'est pas de nature partisane. Cela fait longtemps qu'il est apparu et nous devons vraiment en parler.
    Monsieur Bonnett, j'ai assisté dans ma circonscription à une réunion locale de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario. Je sais que la FAO commence à parler de ce sujet et je pense que c'est à cause des initiatives qu'a prises la Fédération canadienne de l'agriculture.
    Je sais que vous avez organisé un symposium. Quels sont, d'après vous, les principaux aspects sur lesquels il y a lieu de travailler pour faire progresser tout cela? Comment le gouvernement fédéral pourrait-il aider soit la FCA soit d'autres organisations pour lutter contre les problèmes de santé mentale?
    Un des principaux facteurs est la nécessité de coordonner les actions. J'étais ici ce matin lorsque j'ai entendu parler du programme des sentinelles. C'est un excellent exemple qui nous vient du Québec. Serait-il possible de l'étendre à d'autres provinces? Il s'agit principalement de coordination.
    Mme Kelly a également mentionné dans son exposé la nécessité d'effectuer de la recherche. Faut-il lancer des études qui seraient axées sur l'agriculture? Cela touche la demande de création d'un centre d'excellence en agriculture, un centre national, et aussi l'amélioration des lignes téléphoniques de crise.
    Ce sont là des choses qu'il est possible de faire.
    L'autre aspect qui offre une possibilité consisterait à organiser des symposiums pour les fournisseurs de soins pour qu'ils comprennent mieux ce qui donne de bons résultats. Il est très facile de décrire les besoins aux organisations, mais si les fournisseurs de soins ne participent pas à cette discussion, cela n'aura pas beaucoup d'effet sur le terrain.
(1015)
    Très bien. Merci.
    Madame Kelly, vous avez soulevé plusieurs points importants, dont l'un portait sur les mots utilisés. Avez-vous parlé aux agriculteurs de ces stigmates? « Excuse-moi, mais je crois que j'ai besoin d'aide » et « À qui puis-je m'adresser pour obtenir de l'aide? » Avez-vous eu ce genre de conversation avec d'autres agriculteurs et que disent-ils à propos de la ligne téléphonique de crise? Est-elle utile? Est-ce que c'est un lien efficace pour eux ou est-ce qu'ils disent « Eh bien, j'aimerais parler à quelqu'un de spécialisé dans ce domaine? »
    Premièrement, lorsqu'ils viennent me voir pour obtenir de l'aide, je commence par les féliciter. Demander de l'aide est la chose la plus difficile pour eux et ils doivent faire preuve de courage pour le faire.
    Les producteurs me disent souvent qu'ils ont besoin d'aide, mais qu'ils ne savent pas où s'adresser pour l'obtenir. Notre fondation essaye de faire de la coordination et de trouver pour eux des ressources régionales et locales. À l'heure actuelle, ces ressources sont de nature provinciale. Sur notre site Web, nous avons des secteurs provinciaux. Le producteur qui s'occupe de bétail ne peut faire quatre ou cinq heures de route pour obtenir de l'aide. C'est un grave obstacle.
    Lorsque nous parlons d'isolement, avez-vous constaté qu'il y avait une différence entre les jeunes agriculteurs et leurs pères, par exemple? Les jeunes agriculteurs ont probablement accès aux médias sociaux, mais c'est peut-être également une forme d'isolement — ils pensent qu'ils sont reliés à d'autres, mais ce n'est peut-être pas le cas. Avez-vous constaté des différences entre les deux générations?
    Eh bien, je pensais, lorsque nous avons commencé tout cela, que la jeune génération, les gens comme moi, serait plus ouverte à avoir cette discussion, mais c'est en fait la génération précédente qui nous a dit: « C'est le moment de commencer à parler de cette question. Merci d'avoir donné cette possibilité. » Nous avons assisté à une réunion où il y avait un groupe qui parlait de santé mentale et c'est la génération précédente qui est intervenue la première. Il y a un participant qui s'est levé et qui nous a dit qu'il n'avait pas suffisamment de doigts pour compter tous les agriculteurs qui s'étaient suicidés. C'est la chose la plus percutante qu'on m'ait dite. Cela se passait au début de nos discussions sur la santé mentale.
    Vous avez parlé d'attitude. Constatez-vous que les agriculteurs sont prêts à changer d'attitude?
    Il y a cinq ans, je vous aurais dit que ce n'était peut-être pas le cas, mais aujourd'hui oui, nous savons qu'il existe une crise et que nous avons besoin de toute l'aide possible. Il y a de plus en plus de producteurs qui s'adressent même aux grands médias pour faire connaître leur histoire et obtenir davantage d'aide.
    Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait lancer une campagne pour lutter contre ce stigmate, par l'intermédiaire de l'Association canadienne pour la santé mentale, par exemple, pour des organismes comme le vôtre?
    Pensez-vous à une campagne de marketing ou à une campagne publicitaire reliée à l'aide?
    Oui.
    Notre campagne sera lancée à l'automne, mais je crois vraiment qu'il faut nous préparer davantage si nous voulons lancer plus de campagnes de sensibilisation ou avant d'organiser d'autres campagnes de sensibilisation ou de promotion. Si les gens constatent que quelqu'un qu'ils connaissent a besoin d'aide, ou s'ils ont eux-mêmes besoin d'aide, alors nous devons les orienter vers les bonnes ressources. Si la ressource n'est pas adaptée à leurs besoins, cela peut les empêcher de chercher de l'aide ailleurs.
    C'est très juste. Je pense que c'est ce qu'a dit tout à l'heure Mme Jones-Bitton, à savoir que la première rencontre est extrêmement importante.
    Oui.
    Il ne me reste plus beaucoup de temps. Il ne me reste que 10 secondes et je ne veux pas vous poser une question à laquelle vous ne pourrez pas répondre en 10 secondes.
    Je vous remercie d'être venue.

[Français]

     Merci, monsieur Drouin.

[Traduction]

    Monsieur MacGregor, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Kelly, je pourrais peut-être commencer par vous. Tout d'abord, je pense que vous faites un travail extraordinaire. Votre travail est extrêmement important. Je sais que vous avez connu des moments difficiles, mais je pense que votre travail est très apprécié.
    Il y a d'autres professions où l'on retrouve ce genre d'attitudes et de stigmate. On peut penser à nos anciens combattants, tout comme aux militaires et aux premiers intervenants. Cela ne fait pas longtemps que je suis député, mais j'ai rencontré un certain nombre d'anciens combattants, de membres du service actif et de premiers intervenants. Ils ont réussi à modifier les attitudes au sein de ces professions. On ne parle plus du SSPT en se cachant. On en parle maintenant ouvertement. J'ai des amis personnels qui sont des premiers intervenants. Le fait d'arriver le premier sur les lieux d'un accident, d'être témoin d'un accident de voiture, est stressant.
    Le travail que vous effectuez actuellement vous a-t-il permis de connaître les bonnes pratiques provenant d'autres organisations sur la façon d'aborder la question de la santé mentale et des stigmates, de repousser l'approche dure qui consiste à devoir se débrouiller tout seul, que vous pourriez ensuite utiliser pour les agriculteurs?
(1020)
    Nous travaillons étroitement avec les responsables de sports. Nous pensons que la situation dans les sports est très comparable. Nous avons constaté que c'est en parlant directement aux gens que nous avons réussi à modifier les attitudes. Cela ne vient pas des entraîneurs ou des dirigeants. Il faut que cela vienne des individus, de ceux qui sont considérés par leurs pairs comme des chefs, capables de dire ce qui se passe.
    C'est ce que nous avons constaté, en particulier dans les sports. Le fait d'arriver à les faire en parler et d'encourager les autres à raconter leur expérience a eu un effet énorme sur ce changement d'attitude.
    Lorsque nous avons commencé cette étude au mois de juin, un de nos premiers témoins venait de Financement agricole Canada. Ils nous ont parlé des programmes qu'ils avaient mis sur pied et des efforts qu'ils avaient faits pour rejoindre les agriculteurs. Avez-vous des commentaires au sujet de ce que Financement agricole Canada fait à l'heure actuelle et sur les aspects qui devraient être renforcés parce qu'ils sont très efficaces, du point de vue du gouvernement fédéral?
    Financement agricole Canada a été un partenaire très utile pour nous, non seulement parce qu'il nous a appuyés grâce à du financement, mais aussi parce qu'il nous a consacré du temps. Ils nous ont aidés à construire notre site Web et ce genre de choses.
    Ils se sont associés à nous pour notre fonds des collectivités. C'était un projet pilote qui avait pour but d'offrir des premiers soins en matière de santé mentale dans les collectivités de l'ensemble du Canada. Nous espérions recevoir 10 à 12 demandes. Nous en avons aujourd'hui reçu plus de 80. Cela montre clairement qu'il y a un besoin et que les gens souhaitent obtenir ces services. Cela a complètement dépassé nos attentes. Nous espérons que nous aurons davantage de partenaires, davantage d'appuis, qui pourront offrir des premiers soins en matière de santé mentale à nos producteurs.
    Je vous remercie pour tout cela.
    Monsieur Bonnett, si je peux m'adresser à vous, je vous dirais qu'un des principaux stress est de nature financière. À l'heure actuelle, nous avons une situation qui apparaît avec les producteurs de porc canadiens, et qui découle de la guerre que se font l'Amérique et la Chine sur les droits de douane. Les prix du porc ont chuté considérablement. Je sais qu'il y a un certain nombre de producteurs qui ont dû cesser leurs opérations. Nous ne pouvons qu'imaginer le stress qu'ils vivent.
    Il y a donc une situation qui est très actuelle. Pourriez-vous me dire ce qui se passe avec les producteurs de porc, ce que nous avons appris de la situation actuelle et comment nous pouvons utiliser cette étude?
    Il y a tous ces problèmes financiers, même dans mon propre cas, ce sont les problèmes financiers qui sont à l'origine du stress que j'ai vécu. Les producteurs porcins et certains producteurs céréaliers constatent que le prix de leur produit ne fait que chuter. C'est une conséquence indirecte des guerres commerciales. Nous nous occupons actuellement activement de nos programmes de gestion des risques commerciaux pour que ces programmes soient efficaces. Le gouvernement a accepté d'effectuer un examen l'année prochaine pour savoir exactement ce qui se passe. Nous voulons savoir en quoi la situation actuelle est différente de la situation antérieure. L'activité au marché est, je crois, un facteur qui apparaît de plus en plus avec la mise en place de ces ententes commerciales.
    Vous avez parlé de stress financier. Je crois que cela pose la question d'assurer une bonne formation dans le domaine des finances, grâce au financement agricole ou aux banques. Possèdent-ils la formation qui leur permette d'identifier a) que le problème n'est peut-être pas simplement un problème financier, mais qu'il peut avoir des répercussions ailleurs et b) quels sont les services que nous offrons pour répondre à ce besoin? Il arrive que les vétérinaires qui se rendent dans les fermes constatent que le stress financier entraîne des problèmes dans les soins donnés aux animaux. Cela revient à l'idée qu'il faut sensibiliser les gens à cette question, mais qu'il faut également insister sur la formation pour que les réponses apportées soient appropriées. Même dans mon cas, si j'allais voir un voisin, je ne suis pas sûr que je pourrais lui poser les bonnes questions. Je crois que l'on peut faire beaucoup de choses pour mettre sur pied un réseau de soutien auquel participeraient les agents de financement, les vétérinaires, et également les voisins. C'est là que les organismes agricoles pourraient, d'après moi, intervenir pour mettre sur pied des programmes de formation qui nous aideraient à intervenir, comme le programme des sentinelles du Québec qui a été mentionné. Je crois que c'était une des principales mesures.
(1025)
    Merci, monsieur Bonnett.
    Monsieur Peschisolido, vous avez six minutes.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec M. Poissant.
    Ron, j'aimerais commencer par vous.
    Vous avez parlé de la fragmentation de notre système, qui a du mal à fournir une aide utile aux agriculteurs qui en ont besoin. Pourriez-vous nous parler de ce que pourrait être le rôle du gouvernement fédéral pour fournir des services qui comblent les lacunes causées par cette fragmentation?
    Je pense que cela nous amènerait à rechercher quelles sont les bonnes pratiques utilisées dans les différentes provinces. Il y a bien sûr toujours le problème des ressources. Comment utiliser efficacement les ressources pour découvrir les bonnes pratiques et coordonner des interventions? Il y a enfin une dernière chose, d'après moi; il s'agit d'une recherche nationale sur la santé mentale du point de vue du secteur agricole de façon à déterminer les outils dont nous avons besoin. Le fait de se placer au niveau national permettrait de partager les résultats avec toutes les provinces de sorte que cette étude aurait un effet plus adapté au niveau des fermes.
    Je vous remercie, Ron.

[Français]

     Monsieur Beaulieu, pourriez-vous expliquer un peu les quatre responsabilités des dirigeants qui participent aux groupes d'entraide? Pouvez-vous nous parler un peu des sujets qu'ils abordent?
     Le Groupe leader plus a été créé il y a trois ans et rassemble environ 150 personnes en groupes de 10 ou 12 agriculteurs. Leurs rencontres leur permettent vraiment de s'améliorer. Tout d'abord, ils peuvent apprendre à s'exprimer clairement et à extérioriser leurs émotions, et ils peuvent vérifier auprès de leurs collègues quelles sont les meilleures pratiques. Nous pouvons inviter des experts pour aider les agriculteurs à résoudre des problèmes communs, comme le financement, la gestion des ressources humaines ou n'importe quel autre sujet.
    Les rencontres permettent de tisser des liens entre les 10 à 12 dirigeants dans chaque groupe. Chacun s'y sent en confiance et peut compter sur la discrétion des autres. Ces dirigeants ne sont plus dans leur famille ou leur village, ils sont parmi leurs semblables — des chefs — et ils ont hâte de se réunir. Il est toujours très difficile de les rejoindre un par un, mais le fait de pouvoir se réunir en groupe leur fait adorer ces rencontres, où le taux de présence est presque de 100 %. Nous pouvons donc suivre l'évolution des dirigeants et de leurs problèmes. Dans mes groupes, il n'est pas rare qu'une ou deux personnes se mettent à pleurer. C'est fantastique parce qu'ils réussissent enfin à s'exprimer et ils se sentent compris. Je pense qu'il s'agit là d'une excellente recette pour atteindre l'efficience.
    Si un membre du groupe a besoin de consulter un psychologue, nous le mettons en contact avec un psychologue. S'il a plutôt besoin d'un conseiller financier, ou que l'ensemble du groupe a besoin de parler d'un thème donné, nous invitons un expert et nous lui donnons une heure pour répondre aux questions des gens. Après son départ, le dirigeant ou le groupe a obtenu l'expertise recherchée et a établi un lien avec l'expert ou le thérapeute, ce qui permet une continuité. Par ailleurs, le groupe soutient le membre qui est en difficulté, les autres lui demandant comment les choses se sont passées depuis la dernière rencontre.
    Je pense que tout ce que vous dites est fantastique. Il y avait beaucoup de solitude parmi les entrepreneurs des PME, mais il y en a 10 fois plus chez les agriculteurs, qui ont de la difficulté à se parler en famille. Nous sommes en train de pallier ce manque de rencontres et de voir quels autres services nous pourrions offrir. Les participants paient une cotisation de 900 $ de leur poche — ce n'est pas le gouvernement qui la paie pour eux — pour assister à cinq ou six rencontres, et ils la paient de bon coeur: je n'ai aucune mauvaise créance à déclarer, je peux vous le dire.
    Je vous remercie, monsieur Beaulieu.
    Monsieur Poissant, la parole est à vous.
    Je remercie les témoins qui sont venus nous rencontrer.
    Monsieur Bonnett, je me rappelle effectivement le taux d'intérêt lorsque j'ai acheté ma première terre en 1981: il était de 22 %. Je peux comprendre le stress que l'on vit dans un moment pareil, surtout que ma première récolte avait été détruite par la grêle.
    Les témoins précédents nous ont dit que la population en général ne comprenait pas vraiment ce que font les agriculteurs. Notre gouvernement a mis en place un programme pour rétablir la confiance du public, et je crois que vous êtes une des personnes impliquées. J'aimerais savoir comment évoluent les travaux.
(1030)

[Traduction]

    Je n'ai entendu qu'une partie, mais je crois que vous avez évoqué, entre autres choses, la nécessité de regagner la confiance de la population et de faire en sorte que nous disposons des bons outils pour les agriculteurs, du point de vue de la santé mentale, comparativement aux centres urbains.
    Il me semble que la différence entre une exploitation agricole et un citadin ordinaire ou une autre entreprise a été évoquée plusieurs fois. En agriculture, la maison, la famille et l'entreprise sont si intimement liées qu'il est impossible de s'en dégager. C'est là tout le temps.
    Certains enjeux liés à la confiance du public à propos de la façon dont nous prenons soin de nos animaux et du type d'intrants que nous utilisons ont été mentionnés. Nous travaillons beaucoup avec plusieurs partenaires, que ce soit le secteur du détail, les transformateurs et certains de nos fournisseurs d'intrants, afin de communiquer l'information.
    Il faut lancer toute une campagne de sensibilisation. Nous y travaillons et nous faisons des progrès pour fournir de l'information de qualité sur les pratiques agricoles ce qui contribuera à mettre fin — comme il en a été question plus tôt — à certaines tactiques employées par des groupes anti-agriculture qui tiennent presque de l'intimidation.
    Merci, monsieur Bonnett.
    C'est le tour de M. Longfield, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pour poursuivre la discussion sur les liens à l'échelle du Canada, monsieur Bonnett, je sais que vous avez organisé un colloque l'an dernier sur ce sujet. Mon bureau a aussi coordonné une table ronde le 1er mai où toutes les parties étaient représentées. Nous avons entendu l'Association canadienne de la santé mentale et la Commission de la santé mentale du Canada, ainsi que des psychologues et des chercheurs universitaires.
    Le lien entre la dépendance, y compris la consommation excessive d'alcool, et la santé mentale est l'un des éléments qui sont ressortis de la discussion que nous avons eue à notre colloque. Cela m'a étonné, car je croyais qu'en ce qui concerne le suicide et la santé mentale, la combinaison de la consommation excessive d'alcool et de la consommation de drogues était un problème urbain, surtout chez les jeunes adultes. Dans votre colloque, avez-vous établi des liens entre la santé mentale et la dépendance aux drogues illicites et à l'alcool, ou est-ce un sujet qui n'a pas été soulevé?
    Nous n'en avons pas beaucoup parlé. Cependant, et c'est une observation personnelle, bien souvent, les problèmes de dépendance peuvent être une réaction au problème de santé mentale...
    Oui, l'automédication.
    ... et au stress. C'est un mécanisme d'adaptation. C'est ce qui se produit. Les gens vont dans ce sens.
    Et vous, madame Kelly? Avez-vous observé des liens?
    Nous avons vu que certains gouvernements provinciaux établissent ce lien entre la santé mentale et la dépendance, mais à l'échelon fédéral, nous n'avons pas encore vu un lien aussi étroit.
    Je n'ai pas de chiffres sur l'alcoolisme dans le Canada rural, mais d'après mes observations, c'est aussi un outil d'adaptation. C'est culturel: si vous êtes seul, isolé, sur une ferme, boire est une façon de composer avec la solitude. Je pense que c'est un énorme facteur.
    Bien, merci.
    La Société pour les troubles d'humeur du Canada était chargée de l'animation de nos discussions. Elle a travaillé à une plateforme numérique pour la santé mentale par l'entremise de l'Université de la Colombie-Britannique et de l'Université de l'Alberta, pour réunir les nations de l'APEC, les nations du Pacifique. Elle reçoit des fonds de la Chine et de sources privées pour le projet.
    Nous n'avons pas de réseau à large bande dans les régions rurales. En ce qui concerne l'accès à des services numériques, qu'ils soient adaptés ou non, des agriculteurs vous parlent-ils de services de santé mentale numériques?
    La question s'adresse à Kelly ou à Ron.
    Pour nous, l'aide offerte au moyen de services numériques serait extrêmement précieuse, puisque les agriculteurs sont loin d'avoir accès aux ressources dont ils ont besoin, et nous pensons qu'une ressource numérique, qu'elle donne accès au soutien de pairs ou à une aide professionnelle, serait grandement utile.
(1035)
    Bien, merci.
    Ron.
    Je pense aussi qu'elle pourrait être utile, mais je crois qu'on ne peut sous-estimer la valeur d'une voix humaine et c'est pourquoi une ligne téléphonique est essentielle, à mon avis. Nous sommes encore des êtres sensibles. Nous ne sommes pas strictement des êtres numériques. C'est un outil supplémentaire, mais je crois qu'une conversation en tête-à-tête demeure nécessaire. Le premier appel peut, peut-être, passer par une ligne d'urgence, mais après, nous devrons avoir des ressources locales pour offrir ce soutien individuel.
    Bien, merci.
    Récemment, la ministre Petitpas Taylor a annoncé l'octroi de 378 millions de dollars aux Instituts canadiens de recherche en santé pour 405 projets à la grandeur du pays. Des fonds sont destinés à la recherche en santé, mais l'élément rural semble absent. Savez-vous si des rapports sont établis par l'entremise de l'une ou l'autre de vos organisations avec les Instituts canadiens de recherche en santé? Est-ce un aspect auquel le gouvernement fédéral doit essayer d'accorder plus d'importance?
    À ma connaissance, nous n'avons pas été contactés dans le cadre de cette initiative.
    Plus précisément, c'est une solution qui s'inscrirait probablement très bien dans un centre d'excellence en agriculture — mener des études pour déterminer les types d'interventions utiles pour le milieu rural et agricole. L'agriculture est un sous-secteur particulier du milieu rural, mais si des études de cette nature étaient disponibles...
    Un point que je n'ai pas soulevé non plus — et vous avez parlé des universités —, c'est que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle en aidant les universités à concevoir un programme d'études adapté, un programme qui pourrait être communiqué à tous les programmes universitaires en agriculture ou aux collèges vétérinaires, pour examiner la question de la santé mentale en agriculture. Honnêtement, cette question a été négligée.
    Les intervenants qui visitent les exploitations agricoles pourraient reconnaître chez l'agriculteur les problèmes qu'il vit dans son travail.
    Il est intéressant d'entendre que Bayer s'intéresse aussi à ce domaine. La société envoie aussi des gens visiter les fermes.
    Oui.
    Il me reste très peu de temps.
    J'ai lancé une entreprise en 1986, donc tout juste à la fin de la crise des taux d'intérêt. J'ai amené l'entreprise au point où j'ai pu faire partie d'un groupe de mentorat. Je suis arrivé au point où je pouvais compter sur un mentor privé qui travaillait avec moi chaque mois.
    Les gens qui passent par la phase de démarrage n'ont pas accès...
    Je me tourne vers le Groupe Leader Plus.
    Pierre, les jeunes entreprises en démarrage ont-elles accès aux types de groupes que vous offrez, ou ont-elles besoin d'aide à cet égard?
    Je suis désolé, mais nous n'avons plus de temps.
    Monsieur Shipley, vous avez six minutes.
    Je vous remercie.
    Madame Kelly, permettez-moi tout d'abord de vous remercier, vous et votre mari, de vous être manifestés et d'avoir pris la parole. Il y a un élément générationnel. Si vous pouviez jeter un regard autour de la table, vous verriez ceux d'entre nous qui ont été touchés dans les années 1980, et probablement la génération qui est encore plus touchée maintenant.
    Je ne me souviens plus qui, vous ou Ron, a dit que dans cette génération, certains hommes plus âgés — je devrais dire des agriculteurs, parce que dans mon cas, c'était à la fois ma femme et moi — ont levé la main et dit: « Vous devez faire quelque chose maintenant ». Je vais être honnête avec vous, l'approche était plus réactive que préventive.
    Bien honnêtement, dans cette approche préventive, nous essayons de donner de l'espoir aux gens. Parfois, le simple fait de marcher aux côtés de quelqu'un devient tellement bénéfique avant que les choses n'en arrivent à ce stade grave.
    En ce qui concerne la coordination fédérale, provinciale et locale, comment les choses fonctionnent-elles? Y a-t-il une ouverture à tous les niveaux à se réunir et à se concerter? Nous parlons de financement, de ressources et de recherche.
    Commençons par vous, madame Kelly, puis Ron pourra intervenir.
(1040)
    En ce qui concerne la coordination et l'accès à des ressources et l'amorce de ces conversations, nos partenaires ne nous ont jamais repoussés quand nous leur avons proposé de collaborer. Il s'agit de les sensibiliser à la présence de Do More et au fait que la santé mentale et l'agriculture sont une priorité.
    Comment trouvez-vous des professionnels qui connaissent l'agriculture? Je crois que c'est peut-être une partie du problème. Nous en avons parlé. Si vous ne comprenez pas, les propos d'universitaires spécialisés en agriculture sont parfois un peu difficiles à suivre.
    Il est très difficile de trouver des ressources spécialisées en agriculture. Nous n'avons réussi à en trouver que quelques-unes, et c'est davantage grâce à la ligne téléphonique d'aide aux agriculteurs de la Saskatchewan. Je crois qu'il y a clairement une lacune que nous devons essayer de combler.
    Ron, y a-t-il une place pour nous, le groupe qui a traversé une partie de ces répercussions plus tôt dans les années 1980?
    Je crois que oui. C'est en partie pourquoi j'ai inclus quelques observations sur notre expérience personnelle. Si je prends l'exemple de ce que nous avons vécu, je constate qu'un bon nombre d'entre nous avons vécu la même chose. Nous sommes près de la maladie mentale plus grave. Certains de nous avons eu la chance que des personnes interviennent à temps pour nous aider.
    Je crois que notre génération a un rôle à jouer en intervenant et en reconnaissant la nécessité de fournir les services. Des services étaient disponibles à l'époque où ma femme et moi avons vécu cette situation. Ils ne le sont plus. Dans le passé, des intervenants locaux dans le domaine agricole qui connaissaient les gens pouvaient offrir ce type de conseils. Le monde a changé et ces intervenants ne sont plus là. J'ai parlé d'examiner le programme d'études et de formation, de trouver la façon de créer des programmes de mentorat. Lloyd, vous avez parlé de programmes de mentorat.
    Je crois qu'il y a plusieurs enjeux de cette nature.
    Une chose utile, à mon avis, c'est la sensibilisation accrue aux problèmes de santé mentale, pas seulement en agriculture, mais dans le grand public. Je crois que cela a aidé les agriculteurs à faire évoluer aussi les discussions. Nous n'avons pas l'impression que c'est quelque chose que nous devons cacher et absorber nous-mêmes. Je crois qu'il y a un rôle pour les deux générations.
    Je tiens vraiment à aborder toute la question des réseaux sociaux et de nos enfants. Je ne sais pas si vous voulez examiner la question de façon ascendante ou descendante, mais les stress que vivent ceux qui pratiquent l'agriculture dans nos régions rurales ne sont pas les mêmes que dans d'autres secteurs d'activités. Nous avons la production d'aliments, dont nous avons tous besoin. Il y a aussi des personnes de l'extérieur du secteur qui défendent très vigoureusement des positions contraires à nos intérêts et qui, essentiellement, mentent. La recherche sur l'aptitude à aider, j'espère qu'elle est faite de façon très stratégique, parce qu'il n'y a rien de pire... Dans un reportage, j'ai appris qu'il y avait eu huit suicides, dont cinq d'enfants. C'est incroyablement troublant, vu le secteur dans lequel nous sommes, dont l'objectif est de soutenir la vie avec des aliments. Nous nous retrouvons dans ces situations avec des personnes qui n'ont aucune idée de notre secteur d'activité. C'est l'élément essentiel, obtenir les services de personnes qui comprennent notre secteur d'activité.
    Je suppose que c'est davantage une observation qu'une question.
    Combien me reste-t-il de temps?
    Il vous reste environ 20 secondes.
    Ces 20 secondes ne me laissent que le temps de vous remercier d'être venus et d'avoir participé à cette discussion au cours de laquelle nous avons suivi le fil des générations, qui nous a permis de parler de ce qui est arrivé et de la façon dont nous pouvons prévenir les étapes suivantes.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Shipley.
    Si vous me permettez de faire un commentaire, nous avons eu une excellente discussion aujourd'hui. Nous avons examiné de nombreux aspects de la santé mentale sur la ferme, mais je n'ai pas entendu beaucoup parler de l'effet sur l'ensemble de la famille.
    Madame Kelly, je suis sûr que vous pourriez nous en parler, mais sur ma ferme, j'avais ma partenaire, ma femme, qui était ma thérapeute, mais je suis sûr qu'elle vivait aussi le stress, tout comme nos enfants, même s'ils n'en parlent pas beaucoup. J'espère qu'au cours des prochains mois, nous pourrons en parler.
    Pour revenir sur ce que M. Longfield a dit au sujet de la dépendance, la semaine dernière, nous avons visité une ferme où il y avait un labyrinthe dans un champ de maïs, une ferme de deuxième ou de troisième génération. Nous marchions ensemble quand ma femme a heurté quelque chose du pied. C'était une bouteille de rhum ou d'un alcool quelconque, encore pleine, sans étiquette. C'était une vieille bouteille. C'est pour dire que le problème existe depuis des générations. Je suis sûr qu'ils consommaient de l'alcool comme thérapie.
    Merci beaucoup, monsieur Bonnett. Bien sûr, vous aviez déjà comparu ici. Je vous remercie de vos sages propos.
(1045)

[Français]

     Je vous remercie tous de votre contribution.
    Cela met fin à notre réunion.
    (La séance est levée.)
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU