AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 1er novembre 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte la 115e séance du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Je vous souhaite tous la bienvenue à la poursuite de notre étude sur les défis en santé mentale auxquels sont confrontés les agriculteurs, éleveurs et producteurs canadiens. Avec nous aujourd'hui, nous avons Robert Johnston, qui est psychologue clinicien et gestionnaire, Dépendance et santé mentale. Il se trouve à Brooks, en Alberta.
Robert Johnston, pouvez-vous nous entendre?
Oui, merci beaucoup.
Nous accueillons également aujourd'hui Chris van den Heuvel, qui est directeur et ancien président de la Fédération agricole de la Nouvelle-Écosse.
Bienvenue.
Nous comptons également parmi nous M. Fred Phelps, qui est directeur exécutif de l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux.
Bienvenue.
Chers témoins, vous aurez chacun six minutes pour faire votre déclaration liminaire.
Robert Johnson, nous allons commencer par vous. Veuillez prendre la parole quand vous serez prêt.
Bonjour tout le monde. Je vous transmets mes salutations du Sud-Est de l'Alberta. Un gros merci de m'avoir invité et de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui d'un sujet très important auquel on accorde habituellement très peu d'attention.
Comme il a été dit, je m'appelle Robert Johnston. Je vis dans le Sud-Est de l'Alberta, dans une région rurale où, conjuguées aux activités pétrolières et gazières, l'agriculture et l'élevage contribuent grandement aux économies locale et provinciale. De manière semblable à ce qu'on voit dans beaucoup d'autres régions du pays, un grand nombre de ces fermes et de ces ranchs sont exploités depuis longtemps d'une génération à l'autre.
Sur le plan personnel, j'ai eu le plaisir de participer à des activités agricoles, dans un contexte familial ainsi qu'en cultivant la terre et en élevant du bétail à petite échelle pendant les 25 dernières années. Je le mentionne parce qu'en ayant ce mode de vie agricole et en faisant partie intégrante d'une collectivité d'agriculteurs et d'éleveurs, j'ai pu me faire une très bonne idée des défis auxquels font face les producteurs. Même si je suis agriculteur et éleveur dans l'âme, je suis également psychologue clinicien de métier, et j'ai l'honneur d'offrir des services consultatifs de première ligne en santé mentale à des producteurs du Sud-Est de l'Alberta depuis 30 ans.
Dans mes fonctions actuelles de gestionnaire au portefeuille provincial de soutien en santé mentale et en toxicomanie dans la collectivité, au Alberta Health Services, j'ai récemment eu l'occasion d'élaborer et d'offrir des services en cas de crise et des services de suivi à des éleveurs qui ont dû composer avec l'éclosion de tuberculose bovine à Jenner. Un soutien individuel, familial et communautaire a été offert pendant cette période très difficile.
En réponse à une invitation pour parler de l'état de santé mental des producteurs à la suite de l'éclosion de tuberculose, j'ai interviewé des éleveurs et des agriculteurs et présenté les résultats de cette étude qualitative à une conférence provinciale de vétérinaires en 2017. Les producteurs ont fourni des renseignements utiles et fort nécessaires à propos de leur expérience, ainsi que des recommandations sur la façon dont l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, peut intégrer le facteur humain dans les prochains processus de gestion des maladies. Ces jours-ci, je discute de ces recommandations avec l'ACIA et l'Alberta Beef Producers, et on est optimiste quant à la possibilité de modifier les politiques de manière à tenir compte de la santé mentale et du soutien nécessaire dans des situations où des troupeaux entiers, aux lignées multigénérationnelles, peuvent être éradiqués.
En plus de ces services de soutien en cas de crise, le mandat de l'Alberta Health Services en matière de santé mentale dans la collectivité englobe le dépistage, l'évaluation et le traitement pour les enfants, les jeunes et les adultes aux prises avec des troubles de santé mentale modérés à graves, ce qui comprend le counselling en toxicomanie.
Je ne vais pas parler des nombreux défis auxquels font face nos producteurs agricoles, lesquels engendrent souvent un stress considérable et des problèmes de santé mentale. Je suis certain qu'ils seront nombreux à parler des difficultés financières, sociales et météorologiques, pour ne nommer que ceux-là.
J'aimerais faire quelques brèves observations afin de situer le contexte de certaines recommandations pour élaborer des stratégies possibles d'amélioration des services de santé mentale dans le secteur agricole.
La stigmatisation associée au fait de demander de l'aide compte tenu de problèmes de santé mentale est bien connue, et pour de nombreuses raisons qui demanderaient une réflexion et une discussion approfondies, cette stigmatisation est probablement encore mieux ancrée dans la sous-culture agricole. Il existe de nombreux services utiles de santé mentale. Cependant, comme dans beaucoup de groupes, par exemple les aînés et les immigrants, les agriculteurs n'en tirent pas toujours parti lorsqu'on les dirige vers ces services. Je propose respectueusement que vous examiniez les recommandations suivantes pour donner suite aux préoccupations en la matière.
Premièrement, à l'aide d'initiatives coordonnées avec des groupes de producteurs agricoles, il faudrait remplacer le terme « services de santé mentale » et parler plutôt de soutien au bien-être des agriculteurs. Nous l'avons déjà fait avec succès au moyen d'autres initiatives dans les écoles et au sein des communautés d'immigrants. On pourrait par exemple dire: « Vous faites une inspection d'entretien de votre machinerie agricole verte. Dans le cadre de votre plan d'affaires personnel, veuillez inspecter votre bien-être en tant qu'agriculteur et éleveur. » Je m'excuse auprès de John Deere.
Deuxièmement, il faudrait développer davantage l'accès aux services de santé mentale disponibles grâce à un financement du ministère de l'Agriculture. La promotion et la prestation de ces services doivent se faire en partenariat avec les associations de producteurs à l'échelle provinciale et nationale, par exemple l'Alberta Beef Producers, la Canadian Cattlemen's Association ainsi que des organisations du secteur laitier et d'autres secteurs.
Troisièmement, il faudrait également établir un partenariat avec les ministères de la Santé, comme l'ont fait le ministère de l'Éducation et le ministère des Services à l'enfance, pour rendre plus accessible, plus pertinent et plus convivial l'accès aux services de santé mentale. Ces initiatives devraient comprendre de la prévention et de la promotion ainsi que des présentations faites dans les collectivités et adaptées aux producteurs ainsi qu'à leur langage. Ainsi, on offrirait également un point d'accès auquel pourraient être renvoyés les cas plus urgents de problèmes de santé mentale. On donnerait des renseignements de base sur le stress et l'adaptation de même que sur les signes avant-coureurs de problèmes plus graves, comme la maladie mentale et le risque de suicide. On donnerait également des coordonnées et des renseignements sur la façon de se faire aider de manière ponctuelle, c'est-à-dire en cas de crise, et à long terme. On devrait aussi veiller à fournir plus de documentation en ligne.
L'évaluation communautaire et les traitements devraient être accessibles grâce à des services mobiles offerts par des praticiens déployés sur demande, à des endroits autres que les cliniques et les hôpitaux habituels en ville, comme c'est actuellement le cas. Des services de counselling pour des problèmes non cliniques, comme le stress, l'adaptation et les troubles d'ordre relationnel devraient être financés, puisqu'ils ne le sont habituellement pas dans l'enveloppe pour la santé. Ce genre de soutien peut souvent prévenir l'apparition de problèmes de santé mentale clinique à long terme plus graves.
Des services de soutien en cas de crise doivent être facilement accessibles et répondre aux besoins uniques des différents secteurs de la communauté agricole. De nombreuses initiatives sont en place dans certaines régions, mais il faut un effort coordonné plus stratégique pour informer les producteurs au sujet de ces services et pour promouvoir l'accès.
Dans l'ensemble du ministère, des initiatives et des politiques pour reconnaître le besoin de soutien aux producteurs devraient être envisagées, comme on le fait actuellement à l'ACIA. Comme les défis et les préoccupations des producteurs agricoles canadiens peuvent être propres aux différents secteurs, une autre étude devrait être envisagée pour mieux comprendre comment développer le soutien de manière à mieux composer avec un éventail de problèmes et de besoins.
Une dernière chose importante à prendre en considération, c'est qu'il faut inviter les producteurs à participer à l'orientation et à l'élaboration de toute nouvelle initiative en santé mentale. À cette fin, le ministère de l'Agriculture pourrait parrainer des assemblées publiques afin de recueillir des commentaires sur la façon de progresser à l'aide de nouvelles approches pour aider les particuliers et les familles qui ont vraiment besoin de services.
Je vous remercie sincèrement de m'avoir invité à vous fournir ces renseignements. Si vous désirez obtenir des éclaircissements ou discuter davantage, je serai heureux de le faire en répondant à vos questions.
Merci beaucoup pour votre témoignage, monsieur Johnston.
Monsieur van den Heuvel, nous allons poursuivre avec vous, pendant six minutes.
Je m'appelle Chris van den Heuvel. Je suis producteur laitier de troisième génération au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.
Merci beaucoup de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je vous en suis reconnaissant.
Lorsque j'étais dans l'industrie, j'ai eu l'occasion de siéger à de nombreux conseils industriels pour des organisations agricoles. Je suis actuellement président de notre fédération locale de l'agriculture, directeur de la Fédération agricole de la Nouvelle-Écosse et membre du conseil d'administration de la Fédération canadienne de l'agriculture.
Dans ces rôles variés, j'ai vécu personnellement les répercussions des troubles de santé mentale sur l'industrie de différents points de vue. Sur le plan national, on a effectué de la recherche et fait des exposés — vous en avez certainement entendu parler — sur la santé mentale de nos agriculteurs d'un bout à l'autre du Canada. Selon les travaux de la Dre Andria Jones-Bitton, nous avons un problème. La recherche effectuée par l'Université de Guelph indique que de nombreux agriculteurs souffrent de problèmes de santé mentale et sont incapables d'avoir accès aux ressources nécessaires pour différentes raisons.
Les chiffres sont vraiment préoccupants. Selon l'Université de Guelph, 35 % des agriculteurs satisfont aux critères cliniques de la dépression; 45 % sont considérés comme ayant un niveau de stress élevé; et 58 % d'entre eux ont un niveau d'anxiété élevé. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés que dans la population générale, et il y a de nombreuses raisons à cela.
Nous subissons une grande partie des pressions auxquelles font face les PME, comme la fluctuation du coût des intrants, des milieux commerciaux incertains et la concurrence avec les importateurs. Les entrepreneurs font face à bien des problèmes. Quand on a proposé des changements à l'imposition des entreprises privées en 2017, nous avons appris que beaucoup d'autres PME font face aux mêmes défis de la relève que nous. Ne pas savoir si sa ferme passera à la prochaine génération après des décennies de dur labeur dans les champs a vraiment de quoi fendre le coeur.
Au-delà des défis auxquels font habituellement face les PME, en tant qu'agriculteurs, nous avons une série de défis uniques auxquels nous ne pouvons rien. Les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les sécheresses et les inondations, se multiplient et mettent en danger nos cultures. À cela s'ajoutent les parasites et les maladies qui font peser une grave menace sur l'industrie.
Les fermes sont des entreprises familiales. Nous travaillons où nous vivons et nous vivons où nous travaillons, et il est donc difficile de fuir nos sources de stress. Dans la discussion sur la santé mentale, on oublie souvent les effets des troubles de santé mentale et du stress sur la famille, les époux et les enfants des agriculteurs, qui vivent et qui respirent carrément dans le même environnement où le stress peut être si élevé.
Alors qu'un des avantages de l'agriculture est de pouvoir travailler près de sa famille, nous avons tendance à rater de nombreux événements familiaux, car lorsque la ferme a besoin de nous, nous devons passer à l'action. Nous appliquons à la lettre ce que l'on entend très souvent, à savoir qu'il faut faire les foins quand le soleil brille. Être contraint à rater des événements familiaux peut avoir un effet néfaste sur les relations familiales et accroître le niveau de stress.
En Nouvelle-Écosse, nous faisons face à certains défis depuis quelques années à l'échelle provinciale. Tout récemment, et je suis certain que vous en avez entendu parler, nous avons eu un fort gel tardif en juin dernier. Ce gel tardif a eu des répercussions sur de nombreuses cultures partout dans la province, et ce sont les bleuets, les pommes, les arbres de Noël et les raisins qui en ont le plus souffert. Les pertes financières associées à ce gel sont toujours incalculables en dollars, mais le stress qui en a découlé pour nos agriculteurs surpasse de loin les ventes perdues.
Des agriculteurs nous ont dit craindre de perdre leur future part de marché. D'autres sont préoccupés par les dommages que pourraient subir les cultures à l'avenir et les dommages considérables aux plantes, tandis que certains se demandent comment ils feront pour avoir les liquidités nécessaires pour entamer leurs cultures l'année prochaine.
Alors que toutes ces questions préoccupent les agriculteurs après un événement, il n'est pas étonnant que leur santé mentale soit préoccupante lorsque ces événements se multiplient.
Dans certains cas, les changements politiques peuvent également se traduire par un stress inattendu chez les agriculteurs. Compte tenu des différences politiques, les programmes gouvernementaux risquent d'être modifiés lorsqu'un nouveau gouvernement est formé. Par exemple, beaucoup d'agriculteurs comptent sur le Programme des travailleurs agricoles saisonniers pour se faire aider pendant les récoltes, et ce programme a récemment fait l'objet de changements administratifs. Cela représente un défi compte tenu de l'incohérence du processus de demande et des exigences année après année et parce que les agriculteurs ne savent pas qui fera leurs récoltes si leur demande est retardée davantage.
En Nouvelle-Écosse, nous sommes conscients des problèmes de santé mentale auxquels notre industrie fait face, et nous avons pris les devants pour améliorer la santé mentale des agriculteurs dans notre province. Farm Safety Nova Scotia coordonne des ressources essentielles comme le Farm Family Support Center, vers lequel les agriculteurs peuvent se tourner dans une période difficile.
L'organisme Farm Safety a également coanimé une conférence internationale sur la sécurité à la ferme où a eu lieu une discussion sur la santé mentale, et une séance distincte sur l'intervention auprès des agriculteurs stressés a été organisée par la suite. Pour approfondir la question, la Fédération agricole de la Nouvelle-Écosse collabore avec Farm Safety Nova Scotia pour faire venir la Dre Jones-Bitton afin de discuter de santé mentale avec nos membres lors de la prochaine assemblée générale annuelle.
Nous reconnaissons l'importance d'offrir un soutien et des ressources, et notre recommandation pour soutenir les agriculteurs comporte deux volets. Premièrement, il faut adopter une approche nationale afin de créer un programme pratique, utile et pertinent pour les agriculteurs et les intervenants de l'industrie. Deuxièmement, il faut des réseaux de soutien provinciaux. En Nouvelle-Écosse, il s'agirait de Farm Safety Nova Scotia. Cet organisme est effectivement le mieux placé pour offrir ces programmes élaborés à l'échelle nationale avec l'aide des collectivités agricoles.
À l'avenir, nous devons combattre les préjugés liés à la santé mentale et soutenir nos voisins. Nous pouvons regrouper les sources de stress dans de nombreuses catégories, mais les agriculteurs sont également aux prises avec leurs difficultés individuelles.
Je vais mettre mes notes de côté pour parler un peu des situations que j'ai vécues personnellement.
Je vais en mentionner une. Mon premier cousin, Joe, a grandi à la ferme familiale. Il élevait des porcs et cultivait du foin. Il travaillait également à l'extérieur de la ferme en tant que soudeur et était très respecté dans la collectivité. Nous ne savions pas qu'il était aux prises avec des problèmes de santé mentale. Il y a deux ans, nous l'avons enterré. Mon oncle l'a trouvé sur une route abandonnée avec un fusil de chasse à côté sur le siège du camion. C'est la dernière image que mon oncle a gardée de mon cousin. Nous avons besoin d'aide.
Merci.
Nous connaissons tous un Joe. J'ai grandi dans une ferme familiale dans le Nord de la Saskatchewan. Mon oncle Joe a fait la même chose. Fort heureusement, il n'est pas mort, mais il a perdu la moitié du visage.
Longtemps avant d'arriver à Ottawa pour représenter les travailleuses et travailleurs sociaux, j'ai grandi dans une région rurale de la Saskatchewan. Une fois de plus, j'ai une expérience personnelle dans le milieu. Je viens d'une longue et fière lignée de producteurs de grain, et ma génération est la première à ne pas avoir pris la relève.
J'ai emprunté une voie moins stressante. Je suis devenu travailleur social autorisé, l'un des quelque 50 000 travailleurs sociaux au Canada, que l'on trouve dans les hôpitaux, les écoles, les centres communautaires, les établissements correctionnels et à beaucoup d'autres endroits où l'on offre des services de santé mentale aux Canadiens.
Je remercie votre comité du fond du coeur de s'attaquer à cette question importante et de souligner le fait qu'il faut se pencher sur la santé mentale et les services offerts dans le domaine aux agriculteurs.
J'ai passé en revue la liste des témoins de votre comité, et je sais que vous avez entendu des chiffres sur la santé mentale des agriculteurs. Vous avez entendu parler des résultats de l'enquête menée en 2016 par l'Université de Guelph, selon laquelle près de la moitié des producteurs ressentent un stress élevé et un épuisement émotionnel, et un tiers d'entre eux éprouvent de l'anxiété. Vous avez entendu dire que ce métier imprévisible est surtout pratiqué par des hommes, ce qui signifie que le sexe est également un facteur.
En effet, nous savons que les hommes se suicident plus souvent que les femmes au Canada, et qu'ils hésitent davantage à chercher de l'aide et des services. C'est ici que l'important combat actuel contre les préjugés entre en ligne de compte. Nous sommes fiers d'y prendre part, non seulement par l'entremise de notre propre organisation, mais aussi grâce à notre travail avec l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale.
Aujourd'hui, nous voulons mettre l'accent sur une chose précise. De notre point de vue, l'accès aux services est un des principaux obstacles au bien-être mental des agriculteurs et des producteurs au Canada. Je veux parler des outils à la disposition du gouvernement fédéral, ainsi que de la façon dont les travailleuses et travailleurs sociaux peuvent faire partie de la solution.
D'entrée de jeu, je veux manifester notre appui au 5 milliards de dollars prévus dans le budget de 2017 pour la santé mentale au pays et à la création par le gouvernement précédent de la Commission de la santé mentale du Canada. Ce sont de grands pas en avant, mais nous croyons qu'un financement durable et prévisible est nécessaire pour assurer la parité entre la santé physique et la santé mentale au Canada.
Même aujourd'hui, le Canada ne consacre qu'environ 7 % de son budget de la santé à la santé mentale, ce qui signifie que nous sommes très loin derrière d'autres pays comme le Royaume-Uni, qui y consacre en moyenne environ 13 % de son budget global. Nous pouvons faire mieux, et nous devons manifestement faire mieux.
Je veux attirer votre attention sur les travailleurs migrants. Comme auparavant, chaque année, environ 50 000 travailleurs de l'agroalimentaire viennent au Canada, et ils vivent souvent dans la pauvreté très loin de leur famille. Ils sont aux prises avec une myriade d'autres facteurs de stress qui peuvent contribuer à des problèmes de santé mentale. En plus des problèmes que vivent les agriculteurs et les travailleurs canadiens, ces travailleurs migrants souffrent également de leur situation précaire, d'un isolement social, de barrières linguistiques, d'un accès limité aux soins et aux services ainsi que de conditions de travail incertaines. Plus que tout, nous voulons nous assurer que cette population souvent négligée n'est pas invisible et exclue de cette discussion.
Bien entendu, je dois ensuite mentionner que la plupart des agriculteurs et des producteurs vivent dans des régions rurales et éloignées. En 2012, un rapport de l'Institut canadien d'information sur la santé qui portait sur les régions rurales et éloignées du Canada a révélé que parmi 11 pays, c'est au Canada qu'on attend le plus longtemps pour obtenir des soins. Depuis, les conditions n'ont fait qu'empirer. La Commission de la santé mentale du Canada a d'ailleurs cerné des maux directement liés à ces temps d'attente. Compte tenu des graves difficultés pour la santé mentale que l'on peut attribuer à cette activité instable, imprévisible et accompagnée de dettes énormes qu'est l'agriculture, les temps d'attente peuvent être d'autant plus dommageables.
Les travailleuses et travailleurs sociaux sont des professionnels hautement qualifiés qui sont capables d'offrir une grande partie des mêmes services thérapeutiques offerts par d'autres professionnels, mais à un coût nettement inférieur. Dans une petite collectivité qui ne peut se permettre qu'un seul professionnel de la santé mentale, un travailleur social apporte beaucoup grâce à de vastes compétences, et il peut intervenir de différentes façons dans le domaine de la santé mentale.
Nous savons également que dans un monde idéal, comme nous l'avons entendu plus tôt aujourd'hui, les collectivités sont servies par un professionnel qui a grandi sur place et qui comprend donc les défis propres à l'agriculture et à l'élevage. Cependant, parce que de nombreux jeunes comme moi déménagent dans des milieux urbains pour étudier et suivre une formation, ces collectivités ont souvent de la difficulté à convaincre des professionnels de la santé mentale de rentrer chez eux.
Pour régler le problème, nous faisons remarquer que l'exonération du remboursement des dettes d'études des travailleurs sociaux venant de régions rurales et éloignées faciliterait grandement le recrutement de personnes qui retourneraient dans leur collectivité d'agriculteurs et d'éleveurs pour travailler à leur domicile.
Pour terminer, je veux revenir à notre plus importante préoccupation, à savoir que les services de santé mentale offerts par des travailleurs sociaux, des psychologues et d'autres professionnels autorisés ne sont pas pris en charge par le système public. Notre message est simple: il est inacceptable que seuls ceux qui ont les moyens de payer de leur poche ou de cotiser à un régime privé d'assurance-emploi puissent bénéficier de services de santé mentale.
Puisque nous savons que les préoccupations financières créées par l'imprévisibilité de l'agriculture contribuent grandement au stress vécu par cette population, nous croyons qu'un système public de santé mentale aiderait beaucoup à remédier à la situation.
Merci. Je suis impatient de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Phelps.
Chers témoins, je vous remercie de vos déclarations liminaires.
Passons maintenant aux questions.
Nous allons commencer par M. Dreeshen, du Parti conservateur, pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins.
Monsieur Johnston, je viens du centre de l'Alberta. Je suis certainement bien au fait d'une partie des préoccupations et des problèmes liés à l'éclosion de tuberculose bovine et, auparavant, à l'éclosion d'encéphalopathie bovine spongiforme. Nous avons eu une situation dans laquelle le gagne-pain des gens était en jeu et, comme vous l'avez mentionné, des lignées de bétail de plusieurs générations ont été détruites.
Pouvez-vous parler du lien entre les producteurs et les effets de toutes ces mesures bien intentionnées prises par un gouvernement?
Oui, bien sûr. Dans ce cas-ci, l'incubation a été plutôt soudaine, et dans l'intérêt de la santé mentale, on nous a demandé de nous rendre sur place pour offrir un soutien pendant la crise. J'ai assisté à des réunions en soirée et à des assemblées publiques et j'ai offert un soutien individuel là-bas. L'effet sur la collectivité ainsi que sur les particuliers et les familles était tout simplement dévastateur. Leur gagne-pain était menacé. Une grande partie du processus entrepris était, je crois, plutôt nouveau pour l'ACIA compte tenu de l'ampleur de la situation. On a dit que les agents pensaient peut-être qu'ils se rendaient à la ferme de Mathurin — 400 acres et quelques têtes — alors qu'il était vraiment question du confinement de milliers d'acres et de têtes. Il y a eu de nombreuses questions auxquelles on n'a pas répondu immédiatement, ce qui s'est donc traduit par un stress considérable. Je peux dire que des particuliers ont tiré parti de services destinés aux familles, compte tenu du stress attribuable à la situation.
Je vais juste terminer en disant que je suis optimiste, comme je l'ai mentionné. De nombreuses discussions ont eu lieu après mon exposé à la conférence des vétérinaires. On a retenu une grande partie de ce que les éleveurs ont dit à propos de la façon dont ils ont vécu la situation. On a fait une analyse approfondie, et d'autres thèmes ont été abordés en ce qui a trait à la communication, à la compétence et à la compassion ainsi qu'à d'autres éléments nécessaires pour tenir compte du facteur humain dans toute autre enquête pouvant avoir d'importantes répercussions.
Nous déployons certainement des efforts, sur le plan des services de santé, pour intervenir plus tôt. Je pense que c'est une question d'ordre interministériel dont il faudrait probablement tenir compte de façon générale lorsque des événements d'envergure ont lieu et que les services sont offerts sur place d'entrée de jeu.
Merci beaucoup.
De nombreux agriculteurs et groupes de témoins ont mentionné les attaques dont ils font l'objet sur les réseaux sociaux et dans les médias en général. Je pense à la crise de l'ESB, alors qu'on voyait à la télé des vaches Holstein du Royaume-Uni qui sautaient dans tous les sens. Pendant des semaines, deux ou trois fois par jour, c'était l'enjeu dont les Canadiens devaient se préoccuper. En fait, ce n'était pas le cas. La situation n'était pas la même, mais nous en avons quand même subi les conséquences. C'était nos propres médias qui faisaient cela, et c'était nos agriculteurs qui étaient ciblés.
J'ai une autre question. On a soulevé d'autres cas de groupes qui vont saisir toutes les occasions de s'élever contre l'agriculture. Cela fait partie du stress que les agriculteurs vivent.
Chris, pouvez-vous nous parler de ce que vous constatez quand les producteurs agricoles sont la cible de cette attitude négative?
Vous visez très juste. Nous sommes attaqués de tous bords, tous côtés.
J'ai mentionné dans ma déclaration liminaire que nous faisons face à des enjeux uniques, comme les sécheresses et les ravageurs, sur lesquels nous n'exerçons aucun contrôle. Cependant, dans une certaine mesure, nous pouvons faire quelque chose. Nous pouvons miser sur les nouvelles technologies, comme les OGM, l'utilisation responsable de pesticides et d'autres choses de ce genre. Dès que nous faisons cela, nous sommes bombardés d'accusations voulant que nous essayions d'empoisonner les gens et de les tuer. Eh bien, ce n'est pas le cas. Nous mangeons la nourriture que nous produisons, et nous répondons pleinement de nos produits. Ces attaques sont vraiment blessantes. Elles ont un effet énorme sur notre façon de travailler. Souvent, nous nous sentons laissés pour compte, abandonnés par les médias, par nos politiciens qui s'inclinent devant d'autres pays concernant la réglementation des pesticides et la capacité de déplacer les cultures et de cultiver nos aliments au moyen d'une méthode scientifique.
Oui, cela nous affecte vraiment d'être attaqués personnellement de cette façon. L'effet est énorme.
L'autre point que vous avez mentionné, je crois, Chris, c'est la planification de la relève et les questions entourant une taxe de l'ARC et des changements.
Je crois, Fred, que vous avez aussi mentionné cela. Où se trouve cette possibilité, comme l'aide sous forme de prêts étudiants, et ainsi de suite?
Sur ce plan, les agriculteurs possèdent beaucoup d'actifs, mais ils ont peu d'argent. Tout le monde parle des riches agriculteurs. Eh bien, ce n'est le cas que si l'agriculteur vend son exploitation à quelqu'un d'autre.
J'aimerais commencer par m'adresser à Chris. Vous avez mentionné précédemment que vous aviez deux histoires. Je vous remercie d'avoir relaté cet événement très poignant et éloquent de votre vie. Si vous le voulez, vous pouvez relater votre deuxième histoire.
Merci beaucoup.
Ma première histoire était très personnelle, mais dans le cas de ma deuxième histoire, il est question de moi personnellement et de ma ferme.
Il y a cinq ans, un incendie a détruit notre grange, nous avons perdu 57 vaches. Ce n'était pas seulement toute la vie de ma famille, mais aussi toute la vie de ma femme, car c'est la ferme de la famille de ma femme. C'était l'aboutissement des 50 années de travail de son père et de sa mère, ainsi que de ses grands-parents, qui avaient établi la ferme. Quand un tel événement se produit, vous n'avez aucune idée de l'effet que cela produit sur vous, sur votre famille directe, mon fils, mes filles, ma femme.
Puis les choses s'accumulent. Deux ans après l'incendie, alors que nous reconstruisions la grange — nous l'avons fait nous-mêmes —, je suis tombé du toit de la grange. Je me suis fracturé trois vertèbres, ainsi que le bassin, à cinq endroits. J'ai passé trois mois à l'hôpital, avec une fixation externe, traversé par des tiges, incapable de travailler à la ferme, incapable de rentrer chez moi, et incapable d'être là pour soutenir ma famille.
Les agriculteurs font constamment face à de multiples événements. Ce n'est pas qu'un seul événement. Ce sont des obstacles qui surgissent année après année. Une année, c'est la sécheresse. L'année suivante, ce sont les ravageurs. Puis l'année d'après, une grange brûle. Et ensuite, vous tombez du toit.
Cela a un effet terrible, très grave, sur la santé mentale de nos agriculteurs. Nous composons moins de 2 % de la population, mais nous devons nourrir l'autre 98 %. Et on nous dit constamment d'endurer.
Vous avez mentionné dans votre exposé que de nombreux agriculteurs sont incapables d'avoir accès à des ressources. D'après votre expérience personnelle, quels changements systémiques pourraient être utiles pour que vous et les autres agriculteurs puissiez avoir accès à ces ressources?
Je crois que nous avons tous mentionné qu'il faut une stratégie nationale sur la santé mentale qui vise spécialement les agriculteurs. Étant donné que nous devons faire face à des circonstances uniques, comme Fred peut très bien en témoigner, le travailleur social moyen n'est probablement pas au diapason. Il n'y a aucun problème concernant les aspects liés à la santé mentale, mais posséder une compréhension profonde des circonstances uniques des agriculteurs et avoir un lien avec eux est vraiment très utile quand il s'agit de l'accès à ces ressources.
Ce serait la première chose, une stratégie nationale sur la santé mentale qui viserait spécialement les agriculteurs et qui serait mise en oeuvre par nos organisations provinciales. Quelques organisations ont une stratégie, mais il nous faut plus. Nous avons besoin de plus d'aide.
Nous avons un programme provincial. Malheureusement, en raison du financement limité, nous sommes contraints à trois heures d'aide. Quand vous vivez ce genre de problèmes, trois heures, c'est très peu.
Oui.
Fred, il y a un problème qui est constamment soulevé, à chaque séance, et c'est la stigmatisation sociale du milieu agricole, sur ces questions. Concrètement, qu'est-ce qu'on peut faire pour changer cela, de sorte que les agriculteurs — j'allais dire « les gars », mais c'est plutôt tout le milieu agricole — ne pensent pas qu'ils doivent endurer et comprennent qu'il est normal d'avoir des problèmes et qu'il est bon d'en parler?
C'est une bonne question. Je regarderais cela sous deux angles.
Premièrement, il y a la campagne de lutte contre la stigmatisation. À l'échelle fédérale et nationale, il y a eu de solides campagnes de lutte contre la stigmatisation.
Je dirais en effet que pour joindre les gens du milieu agricole, le message diffère beaucoup de celui qu'on adresserait à la population générale. Je dirais comme Chris qu'il faut envisager une stratégie propre aux ranchs et aux fermes qui s'adresse directement à ces gens. Les difficultés qu'ils rencontrent sont effectivement uniques. En tant que citadin, si je ne connaissais pas d'agriculteur ou si je n'avais pas grandi sur une ferme et constaté le degré de stress de mon père, de mes oncles et de mes cousins, jour après jour, je ne comprendrais pas nécessairement cela. Nous avons besoin d'une stratégie propre à cette population, pour lutter contre la stigmatisation.
Il y aurait deuxièmement le financement structurel — le financement des services de santé mentale. Comme Chris vient de le dire, trois heures de soutien dans le cadre d'un programme provincial, c'est insuffisant. Un agriculteur, en tant que petite entreprise, peut avoir pris des dispositions pour avoir accès à des avantages et services plus étendus de soins de santé, mais ces services sont aussi de portée très limitée. Donc, structurellement, pensez à vous adresser directement à cette population et veillez à ce que les services soient en place, grâce à une stratégie nationale.
Merci beaucoup, monsieur Phelps.
Si le Comité me le permet, je vais prendre quelques minutes pour mon tour normal de parole.
Monsieur van den Heuvel, vous avez dit dans votre déclaration liminaire que vous êtes un producteur laitier, et que votre exploitation remonte à plusieurs générations, je crois. En tant qu'agriculteur dans un de nos secteurs soumis à la gestion de l'offre... Nous avons beaucoup entendu parler de l'incertitude que vivent les agriculteurs. Vous avez mentionné spécialement les programmes gouvernementaux qui font souvent l'objet de changements. Vous avez mentionné le Programme des travailleurs étrangers temporaires, sur lequel les agriculteurs comptent. Je crois que nous avons aussi entendu des agriculteurs nous parler des programmes de gestion des risques de l'entreprise, et ainsi de suite.
Je suis curieux de ce que vous pensez des effets des dernières négociations commerciales, en tant qu'agriculteur dans un de nos secteurs soumis à la gestion de l'offre. Je pense en particulier à l'AECG, au PTPGP, et maintenant à l'AEUMC.
Avez-vous des observations à faire à propos des effets de ces accords commerciaux sur nos secteurs soumis à la gestion de l'offre, en particulier sur le plan de l'incertitude et du stress?
Absolument.
En bref, les effets seront énormes. Notre industrie va en souffrir énormément.
Il faut que le gouvernement du moment, peu importe son allégeance, cesse d'utiliser l'agriculture comme un pion sur l'échiquier au moment de négocier ces accords commerciaux. Pour tous les grands accords qui ont été conclus, que ce soit l'AECG, le PTPGP ou le nouvel ALENA — l'AEUMC —, l'agriculture est toujours le dernier secteur à faire l'objet d'une solution, en particulier quand il est question de la gestion de l'offre. Pourquoi? Ils savent que les autres pays veulent avoir accès à notre marché, alors nous allons garder cela dans notre poche arrière, et nous savons que nous allons finir par concéder 2 %, ou 3 %, peu importe.
Notre président des Dairy Farmers of Nova Scotia a utilisé une excellente analogie. La gestion de l'offre est comme un pneu. Quand il est bien gonflé, il fonctionne bien. Vous pouvez laisser aller un peu d'air, et renoncer à un petit pourcentage ici et là, et le pneu va quand même fonctionner, mais il ne sera pas tout à fait aussi efficace. Puis vient une autre occasion où vous laissez sortir encore un peu d'air, et nous perdons une part du marché et, bien sûr, de l'argent. Nous perdons des revenus. Le pneu fonctionne toujours, mais il finit par atteindre un point où il se trouve à plat si vous laissez assez d'air sortir.
Nos gouvernements négocient des accords commerciaux et utilisent notre industrie, notre secteur en particulier, comme dernier outil de négociation, et cela n'est pas très propice pour nous. Nous nous préparons. Nous vivons ces accords commerciaux avec incertitude. Ils nous disent constamment qu'ils vont nous protéger et nous soutenir. Au bout du compte, ce n'est jamais le cas.
Cela pèse très lourd sur nous. Nous perdons des millions de dollars. Les incidences ne se limitent pas à nos exploitations, mais elles se font également sentir dans nos collectivités. Les retombées économiques disparaissent à un taux d'au moins trois pour un, et parfois jusqu'à un taux de huit pour un, d'après ce que j'ai entendu.
Nous perdons une part de marché de 3 %, avec cet accord, qui vient s'ajouter à la perte de 3 % subie avec l'accord précédent, et à la perte... Ils ont parlé d'une perte de 10 % du marché... plus près de 18 %. Est-ce que quelqu'un ici aimerait qu'on réduise sa paye de 18 %? Je ne vois pas beaucoup de mains se lever.
C'est à cela que nous faisons face, et nous n'avons aucun contrôle là-dessus. Ça fait mal. Nous voulons le soutien, et nous en avons besoin.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Monsieur van den Heuvel, vous avez mentionné la sécurité à la ferme, en Nouvelle-Écosse, ainsi que l'accès aux outils. Je me demande dans quelle mesure les outils sont utilisés, en ce qui concerne en particulier la santé mentale. Avez-vous ce chiffre? Savons-nous si les agriculteurs utilisent ces outils?
Je ne l'ai pas en ce moment, mais je vais veiller à ce que le bureau fasse le suivi et vous fournisse les données. Nous savons que c'est un programme qui est bien géré et très utilisé. Beaucoup de gens s'en sont servi, et nous avons entendu des témoignages de personnes qui s'en sont prévalus et qui en ont profité. Je vais m'assurer que l'information vous est transmise.
Je parle de cela, car j'ai discuté avec des détenteurs de doctorat en psychologie. Ils disent qu'une ligne d'aide téléphonique est utile pour peut-être 10 % de cette population en particulier, et il y a ceux qui veulent que des travailleurs sociaux aillent à leur rencontre, ce qui fonctionnerait bien pour eux. Je crois qu'il est important que le Comité comprenne que nous ne devrions pas faire des recommandations misant sur une démarche particulière, mais que nous devons être ouverts à diverses approches.
Parlant de travailleurs sociaux qui se rendent sur les fermes, nous avons entendu — et je crois que je vous ai entendu le dire clairement — que les agriculteurs se prévalent de cela dans une grande mesure. Si le travailleur social a déjà été un agriculteur, ils peuvent vraiment créer un lien avec cette personne. Savez-vous si des travailleurs sociaux vont effectivement rendre visite aux agriculteurs de façon proactive?
Je sais que cela se fait au Québec, et je pense que nous avons entendu de nombreux témoins dire que cela pourrait être utile.
En ce qui concerne l'approche nationale, nous parlons souvent de Cultivons l'avenir 1 et de Cultivons l'avenir 2, les partenariats canadiens pour l'agriculture qui ont été négociés. Nous voyons cinq secteurs dont il faudrait parler, mais la santé mentale n'est jamais là. Comme vous le savez, la santé mentale est une responsabilité partagée. Les services sont essentiellement fournis par les gouvernements provinciaux, mais ils sont négociés avec les gouvernements provinciaux. Croyez-vous que cela devrait être inclus?
Oui, tout à fait. Comme Fred l'a mentionné, nos dépenses en santé mentale accusent un sérieux retard par rapport à celles d'autres pays. Nous avons besoin d'avoir accès aux outils et aux ressources pour pouvoir aider nos agriculteurs.
Comme vous l'avez dit, c'est une responsabilité partagée. Ce n'est pas uniquement la Nouvelle-Écosse rurale, ou la Saskatchewan rurale, ou l'Alberta rurale, le Canada rural, qui devrait payer cela simplement parce que nous vivons dans les secteurs ruraux. Nous nourrissons le reste de la population, alors il y a une responsabilité partagée, d'après moi, et tout le monde doit contribuer à la solution.
Merci.
Monsieur Phelps, d'après votre expérience, savez-vous ce que certaines des provinces font pour favoriser la bonne santé mentale des agriculteurs? J'ai mentionné l'exemple du Québec, et nous savons ce qui se fait en Nouvelle-Écosse, mais qu'en est-il des autres provinces?
J'ai malheureusement, encore une fois, une réponse qui comporte deux éléments.
Je crois que la santé mentale devrait être intégrée dans les soins primaires. Ce n'est pas le cas dans les provinces et les territoires. Chaque province ou territoire s'occupe de la santé mentale à sa façon, mais ce n'est pas intégré dans les soins primaires.
Si nous voulons que les travailleurs sociaux soutiennent de façon proactive les agriculteurs, sur leurs terres, et qu'ils se rendent jusqu'au tracteur de l'agriculteur qui vit une crise, il faut que cela fasse partie de la prestation des soins primaires, et ce n'est pas le cas.
Pour structurellement faire de la santé mentale une priorité, nous préconisons une enveloppe destinée à la santé mentale, un transfert de fonds destinés à la santé mentale qui dépassent le transfert actuel. Nous estimons que pour maintenir la contribution du gouvernement à 25 % des dépenses des provinces et territoires destinées à la santé publique, il faudrait une augmentation de 7 % à 9 %, ce qui correspondrait structurellement à environ 775 millions de dollars par année, pour que cela corresponde à la santé physique. C'est ce que nous préconisons: la parité. Si les provinces et territoires respectent leurs budgets, une part de 50 % à 55 % des budgets provinciaux respectifs va aux soins de santé, mais rien n'est destiné à la santé mentale. Nous pressons fortement le gouvernement fédéral d'envisager, pour la santé mentale, une enveloppe dont les fonds seraient transférés aux provinces et territoires.
Monsieur Johnston, vous avez parlé de l'importance de remodeler les services de santé mentale et de parler d'aide au bien-être dans le secteur agricole. J'essaie de comprendre pourquoi.
Nous avons beaucoup parlé de stigmatisation. Après une longue période de... Il y a eu de nombreuses excellentes campagnes de sensibilisation. Je crois que la prochaine génération est beaucoup plus susceptible d'accéder aux services. Cette sous-culture particulière, comme je l'appelle, semble moins encline à se diriger vers tout ce qui porte l'étiquette « santé mentale », sauf dans les cas de crise et d'urgence. C'est ce que nous faisons dans le cadre d'une initiative destinée aux immigrants, aux aînés: nous parlons de bien-être de façon générale. Nous l'exprimons un peu différemment. Nous avons un facilitateur en bien-être pour les nouveaux arrivants, à Brooks par exemple, parce qu'un nombre important d'immigrants travaille à l'abattoir. On semble obtenir de meilleurs résultats; les gens sont plus à l'aise de profiter de ces services.
Aussi, lorsque les services sont offerts...
Je suis désolé, monsieur Johnston, mais je dois vous interrompre. Les six minutes sont écoulées.
Monsieur Longfield, vous disposez de six minutes.
D'accord. Merci beaucoup.
Nous tenons compte du rayonnement et de l'emplacement des services. Nous travaillons avec des psychologues et des travailleurs sociaux. Comme on l'a fait valoir, peu de ces spécialistes connaissent bien le secteur de l'agriculture, alors il faut faire preuve de sensibilité et offrir des services qui réduisent la stigmatisation.
Nous réfléchissons à la façon de nommer les services. Si l'on met une grosse affiche qui dit « Services de santé mentale » ou « Services de toxicomanie », de nombreuses personnes hésiteront à se prévaloir de ces services. Il y a d'autres façons de faire. Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que le ministre de l'Agriculture peut jouer un rôle en ouvrant la porte à ces services et en changeant la façon de les nommer. Il y a peut-être un meilleur nom, mais nous avons adopté une approche axée sur le bien-être qui offrirait les mêmes services de prévention et de suivi cliniques pour le secteur agricole.
Excellent. Merci.
Monsieur Phelps, le site Web de l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux parle de prévention, de traitement et de réadaptation. Comment équilibre-t-on ces services à l'heure actuelle? J'ai l'impression que nous éteignons des feux plutôt que de les prévenir. La santé mentale va et vient. Parfois, on ne sait pas si une personne ira mieux. Comment faites-vous pour déterminer si elle va mieux? Lorsqu'on guérit d'un rhume, on le sait; mais la santé mentale n'est pas comme la santé physique.
Non, ce n'est pas la même chose et la santé mentale n'est pas financée au même titre que la santé physique.
Il faut songer à la prévention, penser en amont et trouver des façons d'offrir les services aux gens avant qu'ils aient un fusil dans leur camion. Je crois que c'est ce qu'il faut faire. Nous n'avons pas fait un bon travail de prévention. Nous n'avons pas réussi à aborder la santé mentale au même titre que la santé physique.
Chris a parlé de la fois où il est tombé d'un toit. On ne s'est pas questionné sur les services qu'il allait recevoir ni sur les services à long terme qu'on allait lui offrir pour assurer le suivi de sa condition physique. Nous n'avons pas la même approche en santé mentale.
Oui, il faut prévenir. On peut faire des campagnes nationales, offrir des services d'écoute téléphonique ou des sites Web sur le bien-être, sur la façon de gérer le stress au quotidien et sur la façon de prévenir les situations où la seule solution possible semble être le fusil. C'est une partie de la solution, mais il faut aussi offrir un traitement.
Ce que j'ai remarqué, c'est qu'au Canada, la santé mentale n'est plus cachée. Beaucoup de gens parlent de la santé mentale comme ils ne l'ont jamais fait auparavant. Je crois qu'il y a 10 ans, Chris n'aurait pas raconté l'histoire de son cousin. Nous sortons de l'ombre et nous en parlons, mais il faut aussi offrir des services. C'est cruel de dire aux gens qu'ils peuvent parler de ces problèmes — avouer qu'ils ont des problèmes, qu'ils subissent un stress, qu'ils doivent faire quelque chose pour eux et leur famille —, mais de ne leur offrir aucun service. C'est là que les gens entrent en crise.
Oui. Merci.
Comme je vous l'ai dit avant la réunion, nous entendons des histoires très crues qui nous font réfléchir à la façon dont nous, les législateurs, pouvons mettre en place les filets de sécurité appropriés, en collaboration avec les provinces.
Chris, vous avez parlé de l'incidence des accords commerciaux. Nous en sommes aux tout débuts avec la dernière version de l'ALENA. Nous consultons les producteurs laitiers et leurs organisations nationales. Est-ce que vous communiquez avec eux? Pourriez-vous nous parler de la façon dont vous communiquez avec l'organisme national en vue de trouver des façons d'atténuer les effets des accords commerciaux sur les producteurs laitiers?
Oui, nous participons à cela. D'ailleurs, je suis à Ottawa depuis quelques jours pour prendre part à une réunion du conseil de la FCA. Comme je l'ai dit, je fais partie du conseil exécutif. Lors de la réunion, on a annoncé que la FCA tiendrait des séances de groupes à ce sujet.
Le président Trump a annoncé les tarifs et a immédiatement annoncé une aide de 12 milliards de dollars pour les agriculteurs. On n'a rien demandé de plus; on leur a tout simplement donné l'argent. Que fait notre gouvernement? Il fait la même chose en accordant l'accès au marché,mais dit ensuite: « Nous allons voir les effets de cette décision et nous arriverons quelque part à un moment donné. »
C'est cette incertitude qui fait en sorte que nous nous questionnons sur la pertinence d'investir dans la croissance de nos fermes, alors que nous n'avons aucune idée de l'aide qui nous sera offerte à l'avenir. C'est impossible. C'est cette incertitude qui nous force à attendre, qui nous fait dire qu'il n'y a aucune aide pour nous ici et que nous ne devrions peut-être pas investir dans un nouveau moissonneur ou une nouvelle grange, ou encore acheter les 10 nouvelles vaches dont nous aurions besoin.
C'est essentiel.
Il n'y a pas d'excuse et aucune raison d'exercer de telles pressions sur les agriculteurs alors que vous dites vouloir étudier la situation plus en profondeur. Si vous dites que vous allez donner l'accès au marché, alors tout de suite après, vous devriez dire: « Voici ce que nous allons faire pour compenser. » C'est ce qu'ont fait les autres pays.
On accuse du retard en ce qui a trait à la transition. Elle commencera dans trois ans et se poursuivra pendant 15 ans. Nous devons tenir compte de l'urgence de la situation.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous nos témoins.
Comme l'a dit mon collègue, M. Longfield, nous n'aurions pas entendu ces histoires vraies il y a quelques années de cela. Nous aurions abordé la question de façon générale, mais pas en détail. Ce que nous voulons faire, même si je ne sais pas si nous allons y arriver... Dans les années 1980, on avait réagi à une situation similaire. Nous espérons pouvoir agir de manière proactive, mais je crois que nous sommes en plein dans la crise, pour être honnête.
Je vais peut-être plutôt faire un commentaire, mais je sais que M. van den Heuvel, M. Phelps et M. Johnston l'ont dit, et je suis d'accord avec eux. Les médias sociaux aggravent le problème. Vous avez parlé de l'ACIA, de l'ARLA et de la Direction des médicaments vétérinaires, et de tout ce que nous, les 1,5 % du pays, utilisons pour produire des aliments pour les 98,5 % autres personnes. On nous attaque parce que nous produisons les aliments les plus sûrs au monde. Ce qui est frustrant, c'est qu'on ne s'attaque pas seulement à vous, Chris. On s'attaque aussi à votre famille et à notre industrie.
Dans notre région, un feu a détruit une grange et tué tous les cochons. Des gens manifestaient sur la route et brandissaient des pancartes où l'on pouvait lire: « Assassins ». Vous savez, ce n'est pas seulement un feu. Ces gens venaient de perdre tous leurs investissements. C'est une attaque personnelle contre nous et il n'y a aucune conséquence à cela. Lorsque nous transportons les porcs vers l'abattoir, des gens sur la route leur donnent de l'eau, et nous ne savons pas ce qu'elle contient. Ce pourrait être de l'eau empoisonnée, et nous pourrions perdre tous les cochons qui se trouvent dans ces camions.
Nous avons beaucoup discuté. Nous aimerions pouvoir réunir ces gens et le ministre afin de parler des accords commerciaux et de leur incidence sur l'agriculture, parce que certaines parties ne sont pas touchées, mais d'autres le sont. Nous devons en parler. Je ne sais pas — et peut-être que mes collègues de l'autre côté de la table pourront nous le dire — si nous savons quelle est la taxe canadienne; on ne parle que de la taxe américaine pour le moment.
Si le gouvernement fédéral veut aider... Monsieur Phelps, vous avez parlé de consacrer 7 % du budget des soins de santé à la santé mentale. La dernière chose que nous voulons voir, c'est un système freiné par la bureaucratie... en reconnaissant la responsabilité du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, et de certaines associations. Vous n'avez peut-être pas la réponse, mais vous pourriez nous aider en faisant certaines recommandations, par l'entremise de vos associations, sur les mesures que nous pourrions prendre pour offrir le meilleur service qui soit. Comment pouvons-nous offrir ce service de manière efficace et faire en sorte que les gens sur le terrain, les membres de l'industrie...? Ils nous ont dit qu'ils espéraient voir des gens qui comprennent l'agriculture et qui l'ont vécue. M. Poissant et moi avons parlé de l'importance de cela, tout comme notre président, Ron Bonnett.
Pourriez-vous nous aider avec cela? Je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire à ce sujet.
Monsieur van den Heuvel, je vois que vous faites un signe de la tête.
Oui, merci beaucoup.
Bien sûr, nous demandons à ce que l'on consacre plus de fonds à la santé mentale directement.
En ce qui a trait à la prévention, il faut un ensemble de programmes équilibrés et bien réglementés — et je ne veux pas dire surréglementés, mais bien réglementés de manière efficace — offerts aux agriculteurs. par exemple, les outils de gestion des risques de l'entreprise nous permettent de profiter d'une certaine compensation en cas de catastrophe, de sécheresse, d'inondations, d'invasion de parasites, etc.
Malheureusement, dans le cadre des trois derniers programmes de financement du gouvernement fédéral, le budget consacré à l'agriculture n'a pas augmenté. Nous avons reçu le même montant avec Cultivons l'avenir 1 et Cultivons l'avenir 2, et maintenant avec le nouveau programme de financement du PCA. Or, certaines personnes comme Dominic Barton dans le rapport Barton et, plus récemment — dans une plus large mesure encore —, Murad Al-Katib dans le cadre de la table ronde sur la stratégie en matière d'agriculture, nous demandent d'augmenter la valeur des exportations de 30 milliards de dollars en sept ans.
Qui prendra le risque d'ensemencer les terres, d'engraisser les animaux et de transformer les aliments? On nous dit de le faire. On nous donnera le même montant d'argent pour le faire, mais nous devons augmenter nos extrants de 30 %. On nous dit encore une fois de prendre sur nous, mais il faut que cela cesse.
Sur le plan de la prévention, un ensemble de programmes équilibrés et bien financés nous aiderait beaucoup.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Johnston.
En tant que psychologue, pourriez-vous nous parler des priorités les plus criantes en matière de santé mentale et des moyens susceptibles de prévenir les crises, comme celles que M. van den Heuvel nous a décrites, qui peuvent parfois mener à un suicide?
[Traduction]
Oui, et je crois que cela comporte deux volets. Il faut d'abord un accès rapide aux services mobiles d'aide en cas de crise dans la communauté afin d'orienter les gens vers les services dont ils ont besoin. S'il y a un risque de suicide, on peut parfois passer par l'hospitalisation. Ensuite, en ce qui a trait à la prévention, je crois qu'il faut des présentations de type psychoéducatif qui abordent les sujets du bien-être, des services de santé mentale offerts, des signes avant-coureurs et ainsi de suite, de façon similaire à ce qui a été dit aujourd'hui.
Je suis tout à fait d'avis qu'il faut une stratégie nationale. Je crois qu'il faut que les provinces participent à sa mise en oeuvre dans les divers secteurs.
La tenue des ateliers et des présentations dans les communautés permet de gagner la confiance de gens de sorte qu'ils puissent accéder aux services en cas de crise. De plus, après ces présentations — et j'en ai fait beaucoup —, les gens veulent souvent nous parler de leurs préoccupations. C'est un très bon point d'accès à ces services.
[Français]
Y a-t-il quelque chose que l'on pourrait proposer aux jeunes agriculteurs qui n'ont pas beaucoup d'expérience? La formation et l'éducation pourraient-elles aider les jeunes agriculteurs qui envisagent de se lancer en agriculture?
[Traduction]
Oui et je crois qu'il y a de nombreux bons programmes offerts dans ces communautés agricoles, et qu'on consacre des sommes importantes au système d'éducation. Il faut que cela s'applique à eux directement s'ils songent à faire carrière en agriculture. Par exemple, nous offrons des programmes agricoles à Olds, en Alberta, et je suis certain qu'il y a une offre similaire ailleurs au pays.
Il faut que la formation comporte un volet sur le bien-être qui aborde la santé mentale, afin que les futurs agriculteurs puissent prendre soin d'eux et être informés au sujet des problèmes de santé mentale et des façons d'obtenir de l'aide le plus rapidement possible.
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