Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, sachez que je témoigne devant votre comité, comme l'a demandé le président, en raison de mon rôle à titre d'initiateur et de rédacteur du projet de loi sur la protection des produits de fruits et de légumes frais. Sachez également que M. Webber a retenu mes services pour élaborer le projet de loi au nom de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes et du secteur des fruits et légumes.
J'ai suivi vos délibérations en la matière. J'ai porté une attention particulière aux questions posées par les députés. Leurs questions portaient principalement, en ce qui concerne mon champ d'expertise, sur la structure législative qui serait mise en place advenant l'adoption du projet de loi. Il ne fait aucun doute que mes réponses à ces questions sont la principale raison de ma présence devant votre comité. Pour cette raison, je vais essayer de prendre le moins de temps possible pour mes commentaires; nous aurons ainsi plus de temps pour les questions.
M. Webber m'a informé qu'il vous a fait parvenir un bref curriculum vitae pour vous donner une idée de mes antécédents professionnels. Par conséquent, je prendrai seulement quelques minutes pour souligner certains éléments.
Je suis professeur et chercheur en droit commercial canadien et international depuis 50 ans. J'ai rédigé les lois sur les transactions garanties de trois provinces, et les lois de ces provinces ont été reprises dans huit autres administrations canadiennes. J'ai rédigé une nouvelle loi sur le recouvrement des créances pour la Saskatchewan. Quelques administrations canadiennes étudient de près le modèle saskatchewanais qu'elles voient comme un possible précédent.
J'ai proposé et participé à l'élaboration d'un traité de droit international privé relativement à la législation sur le financement garanti. Cela a été ratifié par au moins 70 pays, y compris le Canada. J'ai agi à titre de consultant auprès d'Industrie Canada en ce qui a trait aux questions relatives à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
J'ai également agi à titre de consultant pour un éventail d'organismes internationaux, y compris la Banque mondiale, la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, la Banque asiatique de développement et l'Organisation des États américains.
Pour une gamme de raisons décrites par M. Webber, il est difficile de trouver des solutions au problème qu'étudie le Comité. Sur le plan technique, cette difficulté s'explique notamment par la structure constitutionnelle du Canada. Sans trop entrer dans les détails, je fais ici référence à la séparation des pouvoirs en ce qui concerne les créances, et le problème sur lequel se penche le Comité porte en gros sur les créances.
Les questions relatives aux contrats et aux créances relèvent principalement des provinces en vertu de l'article 92.13 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le Parlement fédéral n'a pas le pouvoir ou, du moins, le pouvoir général d'adopter des lois sur ces questions. Cependant, lorsque la dette résulte de l'insolvabilité du débiteur, la question relève du gouvernement fédéral en vertu de l'article 91.2 de la Loi constitutionnelle.
Lorsque M. Webber m'a demandé de trouver une solution juridique au problème, j'étais conscient de la difficulté de trouver une solution fédérale-provinciale. Il était évident que la solution devrait reposer sur le pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral, ce qui veut nécessairement dire l'insolvabilité.
Le projet de loi ne peut pas s'appliquer dans le cas d'un simple manquement à un contrat en raison du non-paiement de la créance. Cela s'applique expressément lorsque l'acheteur est insolvable, comme le définit la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Si l'acheteur n'est pas insolvable et qu'il n'a tout simplement pas payé le vendeur ou qu'il refuse de le faire, cela relève des lois provinciales sur les contrats et les créances. Cependant, il est important de souligner dans ce contexte qu'une personne peut être techniquement insolvable, même si elle possède suffisamment d'actifs pour s'acquitter de sa dette.
La règle générale en droit de la faillite est qu'au moment de la déclaration de la faillite tous les biens du failli, à l'exception des biens assujettis à une sûreté réelle, sont confiés au syndic. Les biens sont liquidés, et les recettes sont distribuées aux créanciers ordinaires du failli conformément à l'ordre de priorité prévue dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Cependant, les biens détenus en fiducie par un failli, qui agit à titre de fiduciaire pour le compte d'une autre personne, ne sont pas considérés comme des biens du failli. Ils ne sont pas confiés au syndic du failli et ne peuvent pas être distribués aux créanciers ordinaires du failli. Ces biens doivent être remis aux personnes pour le compte desquelles ils étaient détenus, et ces personnes sont généralement appelées des bénéficiaires.
Une fiducie qui offre un droit à titre de bénéficiaire peut être créée volontairement par des citoyens ordinaires, mais une fiducie peut également être créée en vertu d'une loi, et c'est évidemment le rôle du projet de loi. La mesure législative prévoit que tout produit fourni à un acheteur par un fournisseur et tout bien de l'acheteur qui découle directement ou indirectement de l'utilisation de ce produit est réputé être détenu en fiducie par l'acheteur au profit des vendeurs qui ont fait des affaires avec cet acheteur. Cela fait en sorte que le bien ne devient pas la propriété de l'acheteur et qu'il n'est pas confié au syndic de l'acheteur en faillite. Si le fiduciaire prend contrôle du bien, il doit le faire en reconnaissant pleinement les intérêts des vendeurs à titre de bénéficiaires.
La fiducie serait ainsi créée au profit de manière générale de tous les vendeurs qui n'ont pas été payés par cet acheteur et qui satisfont aux nouvelles exigences de la loi. Autrement dit, un vendeur qui n'a pas été payé n'a pas besoin de faire la démonstration que les biens placés en fiducie ont été reçus par le vendeur à la suite de la vente de son produit. Tant que ce sont des vendeurs qui n'ont pas été payés et leurs produits, c'est la fiducie qui prévaut.
Comme M. Webber vous l'a mentionné, le bien qui a la plus grande valeur et qui est assujetti à la fiducie sera probablement les créances de l'acheteur, mais d'autres biens, comme l'argent, sont également assujettis à la fiducie. Cependant, en pratique, un acheteur aura probablement dilapidé tout son argent avant de déclarer faillite.
Je ne veux pas vous induire en erreur. Lorsqu'un bien qui est détenu en fiducie est vendu à un vendeur de bonne foi ou est utilisé pour rembourser les créances du syndic, la fiducie est inefficace. Autrement dit, pour que la fiducie soit efficace, le bien doit être détenu par le failli ou le fiduciaire dans la fiducie créée en vertu de la loi. Par conséquent, si au moment de déclarer faillite l'acheteur a perçu les sommes de ses créances et a dilapidé l'argent, la fiducie n'offre aucune protection. Il est possible, en théorie, d'intenter des poursuites contre l'acheteur pour abus de confiance, mais un jugement contre une personne insolvable ne vaut essentiellement rien.
Le projet de loi prévoit une condition à laquelle doit satisfaire un vendeur impayé, à savoir l'envoi d'un avis à l'acheteur dans les 30 jours suivant la date du paiement prévu dans le contrat de vente. La fiducie accorde la priorité aux vendeurs sur tout bien assujetti à une sûreté réelle détenue par des créanciers garantis en ce qui concerne les biens de l'acheteur qui sont détenus en fiducie. Cependant, les clients de l'acheteur qui achètent le produit de l'acheteur dans le cours normal des affaires sont protégés. Ils ne sont pas assujettis à la fiducie.
La fiducie est efficace si, au lieu de déclarer faillite, l'acheteur entame des procédures d'insolvabilité en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ou de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Elle est également efficace si un séquestre est nommé, comme le prévoit l'article 243 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Le projet de loi prévoit un mécanisme en vue de saisir de la question les tribunaux dont relève la fiducie. Dans le cas d'une faillite, le syndic peut administrer la fiducie, mais la loi ne l'y oblige pas.
Voilà un très bref survol.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous informe moi aussi que je ne suis pas un avocat, et que j'ai un peu de difficulté à assimiler une partie de cette rhétorique, mais M. Peschisolido est assis juste à côté de moi, ce qui est vraiment formidable, comme toujours. Il se pourrait donc que je lui laisse une partie de mon temps.
Je veux revenir aux deux séances de premier ordre que nous avons tenues, dont celle du 9 mai, au cours de laquelle nous avons parlé du volume de risque que nous tentons de gérer ici. Le Conference Board du Canada nous a informés que les réclamations de paiement se sont élevées à environ 479 000 $ l'an dernier, et que leur nombre était en fait passé de 13 à 10.
Au cours de la séance suivante, le 16 mai, lorsque nous parlions encore des volumes avec M. Webber, nous avons appris que les 479 000 $ étaient sur des exportations d'une valeur de 1,54 milliard de dollars, mais qu'il y avait aussi de 18 à 25 millions de dollars par année en réclamations d'autres types.
J'essaie de comprendre si nous séparons le risque pour l'administration fédérale du risque pour les administrations provinciales. J'ai l'impression que la part fédérale est beaucoup plus petite que celle des provinces, mais je crois que vous voyez les choses différemment. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
:
Cela devrait se faire dès que possible. Nous sommes tous d'accord là-dessus; il n'y a pas de problème.
[Français]
Quelqu'un s'oppose-t-il à la motion? Je vois que non.
[Traduction]
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Je crois qu'à ce stade-ci, il ne nous reste plus de temps.
Je tiens à vous remercier, monsieur Cuming. C'est une question très complexe, et nous sommes certes parvenus à la comprendre un peu, mais encore une fois, nous essaierons de faire avancer ce dossier dans l'intérêt de nos producteurs. Merci d'avoir pris part à la séance d'aujourd'hui, et passez une bonne journée, monsieur.
Sur ce, nous allons faire une pause de quelques minutes. À notre retour, nous siégerons à huis clos pour nous occuper de quelques affaires internes du Comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]