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Merci, monsieur le président.
Je vais commencer mon allocution en français et je vais poursuivre en anglais par la suite.
Au nom des Producteurs laitiers du Canada, ou PLC, j'aimerais vous remercier de votre invitation à faire une présentation devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans le cadre de son étude relative aux protéines laitières. Je vous entretiendrai aujourd'hui de l'utilisation inappropriée de certaines matières protéiniques de lait, le lait diafiltré par exemple, dans le contexte des normes de composition du fromage au Canada et de l'impact négatif généré par cette utilisation inadéquate sur les producteurs laitiers canadiens.
Les PLC sont la voix de tous les producteurs qui vivent dans les 11 350 fermes laitières que l'on retrouve d'un océan à l'autre. Notre organisation met tout en oeuvre pour rassembler les conditions qui favorisent la stabilité de l'industrie laitière canadienne d'aujourd'hui et de demain. Notre objectif est de maintenir des politiques qui assurent la viabilité des fermes laitières canadiennes et de promouvoir les produits laitiers canadiens et leurs bienfaits pour la santé.
Notre pays nous tient à coeur et nous jouons un rôle actif au sein de nos communautés. À cet égard, une industrie laitière dynamique est synonyme d'emplois supplémentaires et de meilleurs accès aux infrastructures. Cela signifie également des retombées économiques pour d'autres industries comme les banques, les entreprises de vente d'aliments pour animaux, de pièces et de machineries, les vétérinaires et bien d'autres encore. Il est important de souligner que le secteur laitier canadien apporte énormément à l'économie du Canada. En effet, son apport au produit intérieur brut est de 18,9 milliards de dollars et engendre des recettes fiscales de 3,6 milliards de dollars chaque année. Il assure le maintien de 215 000 emplois équivalents temps plein à l'échelle du pays.
L'industrie laitière est le premier ou le deuxième secteur agricole en importance dans sept des dix provinces du pays. De plus, contrairement à la situation prévalant dans d'autres pays où les revenus des producteurs sont fortement subventionnés, les producteurs laitiers canadiens tirent les leurs du marché. Or, ce marché sera à nouveau réduit par l'accès accordé en vertu de l'Accord économique et commercial global, l'AECG et le Partenariat transpacifique, le PTP.
Rappelons que le secteur canadien de la production laitière est régi par une politique agricole canadienne appelée la gestion de l'offre. Les objectifs de celle-ci sont les suivants: assurer aux producteurs une rétribution juste provenant du marché pour leur travail et leurs investissements, fournir aux transformateurs un approvisionnement en lait stable, afin qu'ils puissent planifier leur production adéquatement d'une année à l'autre et fournir au consommateur une provision constante de lait et de produits laitiers dont la qualité et la salubrité sont sans égal, et ce, à un juste prix.
Le système atteint ses objectifs en permettant aux producteurs laitiers canadiens d'agir collectivement pour négocier les prix et ajuster la production laitière afin de répondre à la demande des consommateurs. Ainsi, la gestion de l'offre fait en sorte que les prix canadiens pour les producteurs et les consommateurs demeurent relativement stables et moins sujets à la volatilité des marchés mondiaux. En fait, dans les pays où la production laitière a été déréglementée, comme en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni ou en Australie, les producteurs reçoivent parfois moins pour leur lait, alors que les consommateurs le paient plus cher qu'avant la déréglementation.
Par exemple, en Nouvelle-Zélande, au cours de l'année 2014, bien que le prix du lait à la ferme ait diminué de 42 %, le prix de détail du lait a augmenté de 2,2 %. Le gouvernement du Canada a mis en place un système de gestion de l'offre au début des années 1970 dans le but de réduire les surplus de production qui étaient devenus chose courante dans les années 1950 et 1960 et d'assurer des revenus justes aux producteurs.
L'industrie laitière canadienne a été la première a être visée par la gestion de l'offre, un système ultérieurement adopté par les producteurs d'oeufs et de volaille. En ce qui concerne le secteur laitier, le système de gestion de l'offre est administré par la Commission canadienne du lait. Le principe à la base de la gestion de l'offre est simple: il s'agit gérer la production afin que l'offre corresponde à la demande.
Le prix à la production permet aux producteurs de couvrir les coûts relatifs à la production du lait et d'obtenir une rétribution juste pour leur travail et leur investissement. En d'autres termes, nous ne produisons que la quantité de lait nécessaire pour répondre aux besoins du marché canadien tout en évitant de créer ainsi des surplus qui se retrouveraient sur le marché mondial à des prix de dumping.
La gestion de l'offre est représentée par un tabouret qui repose sur trois piliers revêtant la même importance.
Le premier pilier est le prix à la production qui assure que le prix qu'obtiennent les producteurs laitiers pour leur lait est établi en fonction des coûts de production. Ceux-ci comprennent le coût de la main-d'oeuvre et des investissements et les conditions globales de l'économie canadienne. Il est important de noter que ni la Commission canadienne du lait, ni les offices provinciaux de commercialisation du lait, ni les producteurs ne fixent le prix de détail. Le prix payé par le consommateur, à l'épicerie ou au restaurant, a toujours été établi par les détaillants ou les propriétaires de restaurant.
Le deuxième pilier est la discipline de la production qui assure que l'offre de lait canadien correspond à la demande des consommateurs. Chaque producteur laitier du Canada détient un quota, une part du marché, qui établit la quantité de lait qu'il peut produire. Selon la demande des consommateurs, la quantité que permet de produire le quota est ajusté à la hausse ou à la baisse.
Le troisième pilier est le contrôle des importations. Pour les secteurs visés par la gestion de l'offre, les importations sont contrôlées au moyen de contingents tarifaires. Les contingents tarifaires permettent à une quantité prédéterminée de produits laitiers d'être importée à des tarifs préférentiels, généralement en franchise de droits, tout en maintenant le contrôle sur la quantité importée.
Par ailleurs, ces tarifs hors quota sont établis à des niveaux qui satisfont à l'objectif visant à s'assurer que la quantité déterminée, en vertu des accords commerciaux, est importée. Chaque année, sauf exception, les contingents tarifaires relatifs aux produits laitiers sont pleinement remplis.
En 2015, la valeur totale des produits laitiers importés, y compris ceux en vertu des contingents et hors contingent, a atteint plus de 824 millions de dollars. Comme vous pouvez le constater, le Canada a importé chaque année une quantité considérable de produits laitiers.
Je vais maintenant continuer ma présentation en anglais.
[Traduction]
Sans contrôle des importations, il est impossible de gérer l'offre afin qu'elle corresponde à la demande. Un manque de contrôle des importations mènerait inévitablement à une surproduction et à une instabilité du système. En outre, il ne suffit pas d'avoir les bons règlements en place; les processus de validation et d'audit, et la mise en application de ces règlements sont tout aussi importants. À l'heure actuelle, ceux qui pourraient vouloir contourner les règles sont pleinement conscients que, lorsqu'il est question des produits laitiers, l'application par le Canada des contrôles frontaliers existants ne se fait pas de manière cohérente et uniforme. Il est donc essentiel que l'application des lois et les audits se fassent de manière adéquate afin de décourager ceux qui pourraient chercher à exploiter ces brèches.
Les gens peuvent faire preuve d'une grande créativité lorsque vient le temps de contourner les tarifs et les quotas. À cet égard, le problème relatif aux garnitures pour pizza est un excellent exemple: entre 2009 et 2013, on estime que les producteurs ont perdu 62,6 millions de dollars en raison de l'importation de ces garnitures. D'autres problèmes nous ont également affectés, entre autres celui du mélange huile de beurre-sucre et, plus récemment, celui du sel ajouté à la crème, tout cela pour contourner les tarifs et les quotas. Et ce ne sont là que quelques-uns des innombrables exemples que nous pourrions citer.
Le gouvernement est responsable de l'application des contrôles frontaliers au Canada et doit, par conséquent, agir rapidement afin de limiter les dommages causés à l'industrie canadienne. Or, ce rôle sera d'autant plus crucial lorsqu'une vague d'importations déferlera sur le Canada à la suite de l'entrée en vigueur de l'AECG et du PTP.
Le rôle de l'Agence des services frontaliers du Canada est de s'assurer que les produits qui franchissent la frontière sont bien classifiés et vérifiés, et qu'ils satisfont à la définition de la ligne tarifaire. Soyons clairs: tout ce que nous demandons au gouvernement est d'appliquer les règlements existants et de laisser entrer au pays seulement les quantités consenties en vertu des accords commerciaux.
Nous requérons également une plus grande transparence, particulièrement en ce qui a trait au processus utilisé par l'ASFC pour la prise de décisions anticipées. Actuellement, les décisions qui ont des répercussions sur notre industrie pourraient correspondre ou ne pas correspondre à notre compréhension et notre interprétation des règlements. L'ASFC rend des décisions anticipées à la suite de demandes formulées par des importateurs; cependant, il n'existe aucun processus officiel nous permettant de savoir si une décision a été prise ou même si une enquête est menée par l'ASFC concernant une plainte soumise relativement à une décision rendue. Il n'y a pas de consultation auprès de l'industrie. Lorsque l'ASFC prend des décisions anticipées, cela devrait être fait au moyen d'un processus transparent afin que les intervenants soient adéquatement informés et puissent émettre des commentaires et réagir, le cas échéant.
Lorsque les trois piliers de la gestion de l'offre jouent leur rôle comme prévu, ils permettent à l'industrie laitière de résister à toutes les tempêtes économiques, d'atteindre un haut degré d'autosuffisance et d'assurer sa pérennité. Inversement, si l'un des trois piliers devient instable, il risque de mettre le système entier en péril.
Cela m'amène à la raison de notre présence ici aujourd'hui: les protéines laitières. Autrefois, le lait canadien était utilisé en tant que source principale et composante de base dans la fabrication des produits laitiers. Or, même si certains fabricants de fromage et de yogourt utilisent encore 100 % de lait, un nombre croissant d'entre eux ajoutent des ingrédients, tels que les isolats de protéines laitières, les concentrés de protéine du lait et le lait diafiltré, pour remplacer le lait. Ces ingrédients peuvent être produits au Canada ou être importés. Lorsqu'ils sont importés, ceux-ci ne sont pas classifiés en vertu du chapitre 4 du Tarif des douanes, qui inclut les produits laitiers. Ils sont plutôt classifiés en vertu du chapitre 35, qui inclut les ingrédients tels que les matières protéiques de lait. À l'origine, ces matières protéiques de lait étaient importées sous forme sèche. Cependant, au cours des cinq ou six dernières années, nous avons observé un changement au modèle d'importation; la quantité de protéines laitières importées sous forme liquide en vertu de la même ligne tarifaire s'est accrue significativement. Une fois entrées au pays, ces matières protéiques de lait sont utilisées comme ingrédients dans la fabrication du fromage et du yogourt.
Or, la situation devient complexe lorsque le même produit n'est pas traité de la même manière par deux organismes gouvernementaux. Par exemple: lorsqu'un organisme considère un produit comme un ingrédient, alors que l'autre le traite comme du lait, alors il y a un problème. En vertu des normes canadiennes de composition du fromage, un pourcentage minimal des protéines utilisées dans la fabrication de celui-ci doivent avoir comme source le lait. Le pourcentage requis varie d'un fromage à l'autre. Par exemple, la caséine contenue dans le cheddar doit provenir au moins à 83 % du lait et un maximum de 17 % du contenu total en protéines peut être issu d'ingrédients, y compris de matières protéiques de lait. L'Agence canadienne d'inspection des aliments est responsable de l'application des normes de composition du fromage; cela signifie qu'elle doit vérifier que le ratio lait/ingrédients défini dans ces dernières est respecté pour chaque fromage.
Parce que les matières protéiques de lait sont des ingrédients parfois moins coûteux, certains transformateurs s'en servent pour compléter leur minimum requis de lait dans la fabrication du fromage plutôt que de les utiliser pour leur pourcentage permis d'ingrédients ajoutés. Cette situation est également incohérente avec la classification de ces ingrédients à la frontière, où ils ne sont pas traités en vertu du chapitre sur le lait et produits de la laiterie, entrant ainsi au pays exempts de droits.
Comme mentionné précédemment, l'ACIA est responsable de l'application des normes de composition du fromage. Entre 2011 et 2016, les PLC ont organisé 60 rencontres avec des représentants du gouvernement et envoyé 19 lettres à divers ministres à ce sujet.
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J’aimerais d’abord vous remercier de m’accorder le privilège et l’occasion de m’adresser au Comité permanent.
Je m’appelle Peter Gould, comme vous le savez déjà. Je suis président et directeur administratif des Producteurs laitiers de l’Ontario.
Cet organisme représente 3 800 fermes laitières, lesquelles produisent près de 2,7 milliards de litres de lait chaque année. En raison des ententes de mise en commun, on traite en Ontario près de 3 milliards de litres de lait dans 60 installations de traitement. Ces dernières sont pour la plupart des petites ou moyennes entreprises familiales privées.
La séance du Comité tombe à point, puisque l’industrie laitière se trouve à la croisée des chemins, non pas parce que d’importantes décisions devront être prises au cours de l’année, mais bien parce que les décisions prises aujourd’hui influenceront, ou devrai-je plutôt dire détermineront, la prospérité, la viabilité et la durabilité de la prochaine génération de producteurs laitiers.
Nous avons tous un rôle à jouer: les producteurs, les transformateurs et les gouvernements fédéral et provinciaux. En Ontario, nous sommes d’avis que les solutions se présentent lorsque l’industrie, les producteurs et les transformateurs collaborent pour atteindre des objectifs communs. Parfois, il est nécessaire, pour atteindre ces objectifs, d’obtenir l’aide des gouvernements et d’établir des partenariats privé-public pour garantir des investissements et stimuler l’innovation, la croissance et la création d’emploi.
Caroline a abordé ces questions, mais je traiterai de nouveau de certains de ces points.
On considère souvent que la gestion de l'offre repose sur trois piliers: le contrôle efficace à la frontière, la discipline de production et l'établissement du prix.
À mon avis, le contrôle efficace à la frontière constitue le fondement du système. Il s’agit également du pilier qui s’est avéré le moins efficace au fil des ans. Cette situation génère de nombreux problèmes, comme les difficultés que rencontrent les producteurs et les transformateurs au chapitre de l’instabilité des revenus et de la planification des investissements. Cette situation nuit à l’envergure de l’industrie au Canada.
Je vais parler brièvement des frontières perméables, du Tribunal canadien du commerce extérieur et des isolats de protéine du lait, dont il a déjà été question.
L’un des plus importants enjeux aujourd’hui concerne la croissance de l’importation non contrôlée d’isolats de protéine du lait, aussi appelés IPL. Importés en quantités toujours plus importantes, ils font concurrence aux solides du lait écrémé et aux protéines laitières produits au pays, modifiant par le fait même le contexte concurrentiel et minant les revenus des producteurs laitiers.
L’importation d’isolats de protéine du lait croît de manière exponentielle depuis 2012. Le Canada s’est doté de contingents tarifaires sur les concentrés de protéines laitières, ou CPL, vers le milieu des années 1990. Il y a une dizaine d’années, quelques entreprises ont commencé à importer des CPL, des isolats, pour obtenir de plus grandes concentrations de protéines.
Les concentrés de protéines laitières sont un produit du lait écrémé auquel on a retiré, à divers degrés, le lactose et le perméat, soit de l’eau en grande partie. Ces protéines en forte concentration sont importées au Canada en franchise de droits, ce qui permet de contourner les contingents tarifaires. Les Producteurs laitiers du Canada ont tenté de régler cette situation en saisissant le Tribunal canadien du commerce extérieur de l'affaire.
La concentration de protéines dans le lait écrémé normal qui sort de la ferme est d’environ 35 %, dans la matière sèche. Tout produit dont la concentration de protéines se situe au-delà de ce pourcentage est considéré comme un concentré. C’est donc dire que le lait écrémé contenant 40 %, communément 52 à 72 %, ou même 84 % de protéine est encore considéré comme un concentré.
Le TCCE a déterminé qu’un produit dont la concentration excède 85 % est un isolat et non un concentré, et ce, même s’il est utilisé aux mêmes fins. Ce produit a été conçu dans l’unique but de contourner le contingent tarifaire sur les CPL.
Cette décision va à l’encontre de la compréhension commune de quiconque et ne correspond pas à la politique du gouvernement.
D’ailleurs, le gouvernement du Canada a tenté de rectifier la situation. Vers 2008, il a établi un nouveau contingent tarifaire et des tarifs pour les isolats de protéine du lait. Le seul ennui, c'est que ces tarifs ne peuvent s'appliquer aux pays signataires de l’ALENA, c’est-à-dire les États-Unis et le Mexique. Par conséquent, la frontière avec les États-Unis demeure perméable. Les IPL traversent la frontière à titre d’ingrédients, mais peuvent être utilisés au Canada comme du lait. C’est un paradoxe qui laisse n’importe qui pantois.
Ce n’est pas la première fois qu’une décision du TCCE cause un problème. Il y a 25 ans, il a décidé que la matière grasse butyrique dans les mélanges d’huile de beurre et de sucre n’était pas assujettie à des droits tarifaires. Les mélanges d’huile de beurre et de sucre sont également utilisés pour contourner les droits tarifaires et peuvent servir d'ingrédient principal de la crème glacée et de friandises.
La question que s’est posée le TCCE dans cette affaire était: « Utiliserait-on ce produit pour tartiner une tranche de pain? » La réponse est non. On importe au Canada des milliers de tonnes de mélanges d’huile de beurre et de sucre chaque année.
Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, les contrôles frontaliers constituent le plus important pilier, la fondation de la gestion de l'offre et de la commercialisation ordonnée.
On recense d'autres exemples de la perméabilité de la frontière, notamment un produit appelé ensemble pour pizza, qui contient 20 % de viande et 80 % de fromage, mais qui entre au pays sous l’étiquette de produit de viande. Le gouvernement a réglé la question peu après la signature de l'AECG, et nous l'en remercions. Caroline a également fait référence à quelques produits, comme les mélanges de crème et de sucre et les mélanges de crème et de sel faits à 99 % de crème. Ils entrent au pays et je ne suis pas entièrement certain de comprendre comment ils y parviennent. C'est peut-être en vertu d'une décision anticipée de l'ASFC ou peut-être est-ce tout bonnement illégal.
Pour atteindre son plein potentiel, l’industrie laitière a besoin de politiques uniformes et de l’aide du gouvernement. Les producteurs sont responsables de deux autres piliers. Mais seul le gouvernement peut assurer l’efficacité du contrôle à la frontière.
Je vais légèrement changer de sujet et traiter de certains changements intervenus sur le marché.
L'un des principaux changements est la croissance et la demande par rapport à la matière grasse butyrique, qui est un véritable phénomène. Traditionnellement, une bonne partie, mais pas la totalité, du beurre se fabrique à partir de la crème, qui est considérée comme un sous-produit. Lorsque l'on fait des produits laitiers fluides, il reste de la crème. Quand on fabrique du fromage et du yogourt, on utilise le sous-produit pour faire du beurre. Je ne saurais trop insister sur le fait que les attitudes et le comportement des consommateurs se sont profondément modifiés au cours des deux ou trois dernières années. La matière grasse butyrique n’est plus perçue comme un mauvais ingrédient ni comme un mauvais gras. C’est une excellente nouvelle pour l’industrie laitière; du mois, ce devrait l'être. Mais cela signifie également que moins de crème entre dans la fabrication du beurre et que les usines de fabrication de beurre et de lait en poudre utilisent davantage de lait. À défaut de tirer de la crème du lait, du yogourt et d'autres sources semblables, les usines de fabrication de beurre et de lait en poudre doivent utiliser du lait cru pour répondre à la demande en matière grasse butyrique.
En avril ou peut-être en mai 2015, pour la toute première fois, nous avons atteint la capacité des usines en Ontario. Nous n'avions pas une capacité de traitement suffisante, particulièrement en ce qui concerne le lait écrémé en poudre. Nous avons donc commencé à expédier le lait aux usines de fabrication de beurre et de lait en poudre et à en extraire la crème, et avons trouvé des solutions de rechange pour le lait écrémé. Je suis certain que vous en êtes tous conscients. Ce lait finit parfois dans des fosses à purin ou dans des fermes porcines, mais il y a des limites à la quantité de lait que l'on peut utiliser ainsi. Personne ne veut que cela se produise à court ou, certainement, à long terme.
À l’échelle nationale, il nous est impossible de répondre à la demande actuelle, encore moins de permettre la croissance en ce qui concerne le beurre et la matière grasse butyrique. Cette situation est encore exacerbée par le fait que, à quelques exceptions près — je ne dis pas qu'il n'y a pas d'exceptions, mais en général —, les usines de séchage du lait écrémé sont désuètes, car elles utilisent des technologies dépassées. Il est coûteux d’assurer leur fonctionnement et, selon certains, elles ont dépassé leur vie utile. Pour dire les choses simplement, il faut les remplacer.
Le fait est que les usines de séchage au Canada doivent être remplacées et équipées de technologie de pointe, et il ne s'agit pas nécessairement de remplacer une technologie de séchage par une autre. Il existe de nouvelles technologies, mieux décrites sous le nom d'usines à ingrédients, qui traitent les solides du lait écrémé. En outre, la capacité des usines de séchage doit être augmentée substantiellement pour non seulement répondre à la demande, mais aussi permettre la croissance au cours des 15 à 20 prochaines années. Nous ne voulons pas construire des installations simplement pour remplacer celles que nous avons. Nous avons besoin d'une capacité accrue.
Il existe deux conditions préalables pour que les producteurs investissent: une classe d’ingrédient et des prix concurrentiels. Les producteurs et les transformateurs collaborent pour trouver une solution. Cette solution, c'est une stratégie relative aux ingrédients, et nous considérons que nous progressons bien. C’est une occasion d’établir un partenariat entre les secteurs privé et public. Le financement du gouvernement aiderait énormément à faire en sorte que les investissements nécessaires soient effectués. Sans ces investissements, nous risquons d'assister à un désinvestissement et à une contraction potentiels, au lieu de concrétiser le potentiel d'une industrie laitière nationale dynamique prenant de l'expansion et exploitant les technologies de pointe.
Je ne ferai que quelques observations finales avant de récapituler et de résumer certains de mes propos.
Tout d'abord, le contrôle efficace de la frontière constitue le fondement du succès du système de la gestion de l’offre et d’une solide industrie laitière canadienne. Il s’agit du seul pilier relevant uniquement du gouvernement fédéral. Selon moi, il est temps de lancer une réforme pour veiller à ce que le gouvernement honore ses responsabilités. La perméabilité des frontières nuit au système.
En outre, les technologies de séchage du lait écrémé sont désuètes et doivent être remplacées. Il est nécessaire d’adopter des technologies modernes et d’améliorer de beaucoup la capacité. Le temps joue contre nous. Entre le moment où une entreprise prend une décision et celui où elle peut recevoir du lait, il s'écoulera deux ou trois ans. La véritable question qu'il faut se poser, c'est: « Que se passera-t-il si nous n'agissons pas? » L'impact sera immédiat et dramatique.
Le troisième point que j'aimerais faire valoir, c'est que le gouvernement a, comme je l'ai souligné, une occasion en or d'être un partenaire de l'avenir de l'industrie laitière canadienne, de veiller à ce qu'elle puisse effectuer les investissements nécessaires et d'assurer sa croissance et sa vitalité pour la prochaine génération, pas pour aujourd'hui ou pour demain, mais pour la prochaine génération.
Le dernier point que j'aimerais souligner, c'est que le gouvernement fédéral doit investir dans un fonds de modernisation destiné à l'ensemble de l'industrie laitière pour lui permettre de se moderniser, particulièrement dans le secteur de la transformation. C'est le temps d'agir. La stratégie relative aux ingrédients de l'Ontario doit entrer en vigueur le 1er avril. Les transformateurs ont besoin d'aide sous la forme d'un partenariat public-privé, comme je l'ai indiqué.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes, bonjour.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire part de nos commentaires relativement à l'importante question des protéines laitières importées. Au cours des prochaines minutes, nous allons d'abord vous parler d'Agropur ainsi que du système de gestion l'offre dans le contexte du commerce international et, finalement, vous exposer notre point de vue sur les protéines laitières et sur le lait diafiltré importé des États-Unis.
Agropur est une coopérative laitière, propriété de 3 367 producteurs de lait de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador. Son chiffre d'affaires annuel s'élève à près de 6 milliards de dollars. Agropur transforme 30 % du lait qui est produit au Canada dans 28 usines réparties dans huit provinces canadiennes. Ses 6 000 employés au Canada et les 5 000 familles de producteurs laitiers contribuent à la vigueur économique de plusieurs communautés partout au pays.
Au cours des dernières années, cette entreprise a investi près de 1 milliard de dollars dans ses infrastructures canadiennes, dans des acquisitions d'entreprises au Canada et dans une participation à la fusion de trois coopératives, le tout afin de mieux répondre aux besoins de ses clients. Il est vrai également qu'elle a fait plusieurs acquisitions aux États-Unis. Aujourd'hui, 44 % de ses ventes proviennent de ses opérations américaines.
Relativement à la gestion de l'offre, pour nous, la dernière année s'est déroulée sous le signe de la mobilisation. Nous avons joué un important rôle d'ambassadeur de notre industrie tout au long de l'année dans le cadre de la négociation du Partenariat transpacifique où nous avons défendu la gestion de l'offre avec une grande énergie.
Nous sommes convaincus que le leadership et la mobilisation de tous les intervenants qui croient au système de gestion de l'offre ont fourni au gouvernement fédéral tout l'appui nécessaire pour protéger la gestion de l'offre face aux autres pays qui en demandaient le démantèlement. Dans ce contexte, Agropur a diffusé largement le document intitulé Analyse des impacts potentiels de la fin de la gestion de l'offre dans l'industrie laitière au Canada, une étude qui a été réalisée par le Boston Consulting Group. Cette étude est disponible sur le site Web d'Agropur. Si vous le souhaitez, nous pourrons également vous en faire parvenir une copie. Cette étude est extrêmement bien faite. Elle est sérieuse, elle est crédible et elle a été faite par une organisation crédible. Elle présente un point de vue différent de celui du Conference Board du Canada ou d'autres organisations du même genre.
L'étude du BCG démontre que la production laitière demeure encore largement appuyée financièrement par les gouvernements ou encore réglementée dans les principaux pays producteurs de lait sur la planète. De plus, l'étude montre qu'aucun pays n'a réussi à faire un succès de la déréglementation de son secteur laitier sans une intervention massive des gouvernements.
Prenons l'exemple de l'Australie. Depuis que le gouvernement de ce pays a décidé de déréglementer complètement son industrie laitière au début des années 2000, la production dans ce pays a baissé de 15 %, sa part des marchés d'exportation a également diminué à chaque année, les producteurs ont rarement reçu des prix aussi bas et les consommateurs australiens ne paient pas leurs produits laitiers moins cher que les Canadiens.
En Nouvelle-Zélande, le gouvernement est intervenu au début des années 2000 et a permis la création et le maintien d'un monopole de la transformation et de l'exportation, propriété des producteurs de lait. Les producteurs de ce pays se partagent ainsi l'ensemble des retombées de la transformation.
Or, cette année, des fonds significatifs ont dû être débloqués pour financer les producteurs incapables de faire face à leurs obligations financières. Le gouvernement intervient encore massivement pour soutenir son industrie laitière en permettant un quasi-monopole de transformation et d'exportation du lait et des produits laitiers du pays au bénéfice des producteurs.
En Europe, la déréglementation laitière est en place depuis le printemps 2015 et le prix du lait et des produits laitiers n'ont jamais été aussi bas. La crise laitière qui sévit actuellement dans certains pays d'Europe oblige les pays à ouvrir leurs carnets de chèques pour aider les producteurs dont la situation financière se détériore rapidement. L'Union Européenne a même développé un fonds d'urgence de 500 millions d'euros.
Souvenons-nous également que nous sommes voisins du plus important producteur de lait de vache au monde. Aux États-Unis, les 135 plus importantes fermes laitières produisent l'équivalent de tout le lait produit au Canada. Les plus grandes usines de ce pays ont cinq à six fois la taille des plus grandes usines canadiennes. Devant ce géant, notre industrie ne fait pas le poids.
Le système laitier canadien est unique et a fait ses preuves. Il fournit aux producteurs de lait un revenu qui leur permet de couvrir leurs coûts et procure un environnement stable aux transformateurs. Il contribue au maintien du tissu social et au développement économique de nos communautés tout en assurant aux consommateurs un approvisionnement de qualité à prix compétitif. Il nous apparaît donc clair, justifié et plus important que jamais que tous les intervenants travaillent à soutenir la gestion de l'offre. Dans le cadre des accords commerciaux récents, le gouvernement fédéral a réussi à maintenir des tarifs élevés aux frontières. Il s'agit là d'un pilier indispensable pour maintenir notre système laitier.
Nous allons maintenant aborder le troisième point, c'est-à-dire les ingrédients et le lait diafiltré.
Si la gestion de l'offre a été protégée dans le contexte des accords internationaux, il nous appartient maintenant à tous de la protéger de l'intérieur. Le gouvernement fédéral a posé des gestes importants en 2007-2008 en mettant en vigueur des normes de fabrication fromagère pour limiter la quantité d'ingrédients pouvant être utilisés. Toutefois, les importations récentes de lait diafiltré en provenance des États-Unis menacent de nouveau la gestion de l'offre. Ce produit de contournement a été développé avec pour seul objectif de contourner les contrôles frontaliers et les normes fromagères du Canada. Ces protéines remplacent le lait écrémé dans la fabrication du fromage et du yogourt. Honnêtement, il n'y a pas de limite technique, au chapitre de la fabrication, quant à l'utilisation des ces protéines.
Le lait écrémé, qui n'est pas requis pour fabriquer du fromage et du yogourt au Canada, est ainsi séché sous forme de poudre de lait écrémé. Cette dernière est alors soit exportée soit vendue à des fins d'alimentation animale. En outre, comme l'a mentionné M. Gould, on en a aussi jeté au cours des derniers mois. En effet, puisque la capacité de séchage n'est plus suffisante en raison des importations massives de lait diafiltré, du lait écrémé a malheureusement été jeté en 2015. Des volumes importants pourraient de nouveau être jetés au cours du printemps 2016 si rien n'est fait.
La confusion volontaire doit cesser. À la frontière, ce produit est considéré comme un ingrédient par l'Agence des services frontaliers du Canada, ce qui lui permet d'entrer sans tarifs. Par contre, pour la fabrication du yogourt et du fromage, il est considéré comme du lait par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Cela signifie que son utilisation n'est pas limitée par les normes de fabrication du fromage et du yogourt.
Le gouvernement fédéral a donc un rôle important à jouer. Il faut que le lait diafiltré soit considéré comme un ingrédient selon les normes de composition du fromage et du yogourt. Les normes et l'esprit de celles-ci seront ainsi respectés. Il faut de plus que les règles de vérification de ces normes soit renforcées pour en assurer le respect.
L'annonce qu'a faite le ministre MacAuley au début du mois de février, au cours de la réunion des Producteurs laitiers du Canada, va dans le bon sens. Nous offrons notre entière collaboration au gouvernement pour renforcer et clarifier les règles et s'assurer du respect de celles-ci. En outre, il en va de notre intérêt en tant que transformateurs. Pour Agropur, la priorité est de s'assurer que tous les transformateurs fonctionnent sur une même base concurrentielle, donc selon les mêmes règles.
Le gouvernement fédéral, comme il s'est engagé à le faire, doit régler la question des ingrédients laitiers de contournement comme le lait diafiltré pour que l'utilisation de ces ingrédients soit limitée en matière de fabrication.
Cette question est prioritaire pour nous, nos membres et l'ensemble des producteurs de lait au Canada.
En parallèle, notre industrie négocie actuellement les modalités d’une stratégie nationale des ingrédients laitiers qui se veut gagnante-gagnante pour les producteurs et pour les transformateurs. Nous devons négocier des conditions pour favoriser la production au Canada d’ingrédients laitiers à prix concurrentiels et ainsi valoriser notre lait. Il faut aussi valoriser nos surplus structurels au bénéfice des producteurs, tout en offrant aux transformateurs d’utiliser ces ingrédients pour leurs fabrications domestiques.
La stratégie relative aux ingrédients présente de nombreux défis, mais également des occasions. Comme le mentionnaient mes collègues précédemment, nous sommes encouragés par les récents développements. Ces négociations sont confidentielles, mais nous avons besoin de l'appui du gouvernement fédéral. Il est nécessaire qu'il pose un geste clair relativement au lait diafiltré, ce qui va nous aider à finaliser une entente nationale de l'industrie.
Une stratégie relative aux ingrédients, accompagnée d’une action claire du gouvernement fédéral pour renforcer les normes, est la seule solution que nous devons — producteurs, coopératives laitières et gouvernements — promouvoir et défendre pour assurer le renforcement et le maintien d’une gestion de l’offre efficace.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. C'est à mon tour de vous remercier de cette invitation.
Contrairement à mes collègues, je ne lirai pas de texte. Je vous ai déjà transmis une note dans laquelle je rappelle les fondements de la politique agricole canadienne pour le secteur laitier. Cette présentation a été, en partie, couverte par ma collègue Caroline Emond, qui a expliqué comment fonctionne la gestion de l'offre et pourquoi elle est encore pertinente en 2016, même si elle a été mise en oeuvre il y a une quarantaine d'années déjà.
L'autre partie de ma présentation reprend essentiellement l'historique et l'explication du problème. Je souscris pleinement aux explications données par les trois témoins précédents. Pour ma part, je vais essayer de vous expliquer sommairement quels sont les impacts concrets et chiffrés de cette pratique.
Lorsqu'il y a des surplus de solides non gras au Canada, ceux-ci sont la responsabilité des producteurs. Dans la gestion de ce système, il y a des responsabilités. La gestion des frontières est celle du gouvernement alors que le contrôle de la production est la responsabilité des producteurs. Lorsqu'il y a des surplus, nous en assumons les coûts.
Il est normal que nous ayons des surplus de solides non gras au Canada, car c'est le cas dans tous les autres pays. Les États-Unis ont des surplus de solides non gras de lait et les Européens en ont aussi. Il faut savoir qu'au cours des deux dernières années, ces surplus ont beaucoup augmenté à cause de l'importation et de la dérive relative à l'utilisation du lait diafiltré, notamment.
À titre d'exemple, en 2010, la ligne tarifaire de ces produits comptait 13 200 tonnes. En 2011, il y avait une quantité similaire de 13 150 tonnes. En 2012, il y a eu une légère augmentation pour atteindre 15 000 tonnes. En 2013, on est passé à 16 000 tonnes et à partir de 2014, on note un élan alors que la quantité passe à 20 700 tonnes. Selon les données des trois premiers trimestres de 2015, on estime q'on aura atteint 32 000 tonnes à la fin de l'année 2015. C'est une progression fulgurante. Si on établit l'équivalent de cette importation en poudre de lait écrémé, on estime que cela va correspondre à 50 000 tonnes de ce produit.
Quel est l'impact de tout cela sur le quotidien des producteurs? Le surplus structurel, bon an mal an, a été ces dernières années d'environ 60 000 tonnes. On s'attend à ce qu'il soit de 90 000 à 100 000 tonnes cette année à cause, principalement, du phénomène de l'importation de lait diafiltré.
Quand ces composantes pénètrent dans notre marché, ils déplacent les solides non gras canadiens. Cela crée un manque à gagner pour les producteurs canadiens. Comme le marché est saturé, plutôt que de valoriser ces solides par des utilisations fromagères ou de yogourt — pour lesquels on obtient un prix d'environ 5 $ le kilo, comme Dominique l'a expliqué —, on devient responsables des surplus. Plutôt que d'écouler ces solides non gras dans des produits à valeur ajoutée, on doit les écouler dans l'alimentation animale. Pour cela, le prix est d'environ 1 $ le kilo. Le manque à gagner pour les producteurs est d'environ 4 $ le kilo. Si on applique cette perte unitaire sur les quantités qui sont déplacées, pour un équivalent de poudre de lait écrémé de 50 000 tonnes, le manque à gagner pour les producteurs laitiers canadiens est d'environ 200 millions de dollars.
Nos ventes de composants constituent un autre signe de cette dérive. À partir de l'année où les normes fromagères ont été déterminées au Canada, on a observé une relation assez stable entre les kilos de gras vendus dans les classes fromagères et les kilos de solides non gras vendus. Par exemple, à partir de 2007-2008, pour chaque kilo de matière grasse vendue pour les fromages, on vendait 2,3 kilos de solides non gras. Cette relation est demeurée pratiquement stable jusqu'en 2012-2013 alors qu'elle a commencé à s'affaisser.
Plutôt que vendre 2,3 kilos de solides non gras canadiens pour chaque kilo de matière grasse vendu, nous sommes passé à 2,15 kilos en 2012-2013. Nous sommes revenus à 2,19 kilos en 2013-2014 et, en 2014-2015, nous en sommes à 2,11 kilos. Il s'agit donc d'une détérioration soutenue de cette relation pour les producteurs canadiens.
Si nous transposons ces effets à l'échelle d'une ferme moyenne au Québec, cela représente environ 6 000 hectolitres, donc 600 000 litres de lait, pour indiquer cela dans des unités un peu plus familières. Si nous prenons la perte à laquelle je faisais référence tout à l'heure, qui donne environ 2,50 $ l'hectolitre, pour une ferme moyenne, c'est une perte de revenu net de près de 15 000 $. Les coûts liés à la production du lait nécessaire à combler 100 % des besoins en matières grasses sont encore présents, mais c'est une perte nette parce que le prix brut descend alors que les producteurs ont les mêmes dépenses à engager. Cette valeur représente une très grande part du coût de la vie et de la partie que les familles prélèvent pour vivre. Il est donc clair que le mécontentement que vous pouvez entendre de la part des producteurs dans vos circonscriptions vient directement de cette situation puisque, au quotidien, cela représente des éléments concrets pour eux. Voilà essentiellement les éléments que je voulais vous mentionner.
En outre, la dernière année a également été particulièrement difficile pour les producteurs. En plus du phénomène du lait diafiltré, j'aimerais souligner que, malgré sa gestion de l'offre, le Canada est un pays beaucoup plus ouvert sur ses marchés que ne le sont les Européens, par exemple, ou les Américains. Dans leur cas, il y a probablement 1 à 3 % de leur consommation qui est importée alors qu'au Canada nous en sommes déjà à près de 8 %. Il y a également environ 12 % de la matière grasse laitière canadienne qui est vendue à des prix basés sur des références de prix mondiaux, et près de 25 % de nos solides non gras le sont déjà. Au cours de la dernière année, ces prix mondiaux, à cause justement de la très grande volatilité du marché, ont été extrêmement mauvais. Cela a fait en sorte que, en ce qui concerne leurs revenus, nos producteurs, en plus d'avoir à porter les effets très négatifs du lait diafiltré, ont vu leurs prix s'affaisser pour un cumulatif de près de 5 $ l'hectolitre. Si j'additionne cela aux autres effets mentionnés tout à l'heure, c'est près de 25 000 $ à 30 000 $ par ferme qui ont été perdus au cours de l'année dernière. Encore là, quand vous entendez des producteurs laitiers de mauvaise humeur et qui ont le goût de brasser un peu les portes de certains bureaux, c'est parce qu'ils sont très mécontents et très inquiets de la situation actuelle.
Le problème du lait diafiltré vous a été bien exposé par mes collègues tout à l'heure. Des solutions existent et elles sont essentiellement politiques. Nous avons donc confiance en vous pour concrétiser l'appui que tous vos partis ont déjà exprimé très clairement à l'égard de notre système de mise en marché, et nous comptons sur vous pour continuer de nous épauler et apporter des solutions à ces enjeux.
Je vous remercie.