[Français]
Merci à tout le monde d'être ici.
[Traduction]
Conformément au paragraphe 108 du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les dettes dans le secteur agricole et leurs effets. Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Même si la réunion d'aujourd'hui sera plus courte que d'habitude en raison d'un vote, nous vous accorderons à chacun 10 minutes pour vos exposés, mais la période des questions qui suivra sera écourtée.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à Michèle Lalancette, qui est présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec. Nous recevons aussi Philippe Pagé, qui est coordonnateur interrégional à cette même fédération.
[Traduction]
Représentant le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, nous avons la directrice générale, Mme Portia MacDonald-Dewhirst, et le président, M. Mark Wales.
Nous entendrons aussi M. Brady Stadnicki, analyste des politiques à la Canadian Cattlemen's Association.
Et nous entendrons le président de la Saskatchewan Cattlemen's Association, M. Ryan Beierback.
Bienvenue à vous tous.
[Français]
Nous allons commencer par la Fédération de la relève agricole du Québec.
Madame Lalancette, vous avez jusqu'à 10 minutes pour faire votre présentation.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Poissant, bonjour. Merci de nous avoir invités à votre comité pour vous faire part de nos observations sur la question de l'endettement dans le secteur agricole.
Je suis Michèle Lalancette, mère de deux beaux enfants, fière agricultrice du Saguenay—Lac-Saint-Jean et présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec, soit la FRAQ. Je m'implique depuis près de 10 ans dans la relève agricole. Je le fais avec passion pour les jeunes qui, comme moi, rêvent de s'établir en agriculture.
La personne qui m'accompagne, Philippe Pagé, est coordonnateur interrégional à la Fédération. Il a lui-même grandi sur une ferme porcine à Saint-Camille, dans les Cantons-de-l'Est.
Une des raisons qui nous ont motivés à comparaître devant vous aujourd'hui, c'est que nous souhaitons vous offrir la perspective des jeunes agriculteurs du Québec sur la question de l'endettement. Tout d'abord, nous sommes d'avis que les entreprises agricoles doivent être transférables à la prochaine génération afin qu'il soit possible de démarrer une nouvelle entreprise et de vivre de ce métier. De plus, la relève agricole doit avoir accès aux actifs.
Avant d'aller plus en détail sur cet aspect, j'aimerais vous en dire davantage sur le regroupement que je représente.
La FRAQ est une organisation qui rassemble les jeunes Québécois de 16 à 39 ans qui ont pour intérêt commun l'agriculture. Elle représente près de 1 600 membres, partout au Québec, de l'Outaouais jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine. La FRAQ se veut l'endroit où les jeunes agriculteurs et passionnés d'agriculture peuvent échanger et se rencontrer.
La FRAQ agit principalement comme courroie de transmission entre les aspirations de la relève agricole et les milieux décisionnels. Elle a pour mission de défendre les intérêts de la relève, d'améliorer ses conditions d'établissement, que ce soit dans les transferts de fermes ou dans leur démarrage, et d'informer les jeunes agriculteurs des programmes existants dans une foule de domaines, par exemple la stabilisation du revenu, l'aide au démarrage et ainsi de suite. Finalement, elle a aussi pour mission d'attirer la nouvelle génération en agriculture.
Comme je le mentionnais au départ, nous sommes ici aujourd'hui pour discuter avec vous de l'importance de l'utilisation judicieuse de l'endettement dans le contexte du transfert et du démarrage d'entreprises agricoles, ainsi que de l'accès aux actifs.
Commençons par la transférabilité et le démarrage des fermes.
L'endettement n'est pas une mauvaise chose en soi. Après tout, c'est ce qui permet à notre jeunesse d'avoir accès au capital qui lui permettra d'acquérir ou de démarrer son entreprise agricole. L'endettement doit donc servir de levier pour améliorer la rentabilité de la ferme et sa transférabilité à la prochaine génération.
Souvent, c'est le cédant, soit la personne qui veut céder sa ferme, qui est l'élément déclencheur de la transaction. Pour assurer un transfert harmonieux, il doit évidemment y trouver son compte. Or, que reste-t-il au cédant après l'opération? Qu'est-ce qui peut bien l'inciter à faire le transfert de la ferme?
On le sait, dans les transferts de fermes, une grosse partie de la transaction se traduit par un don, étant donné que le capital à investir est énorme. Malgré ce don, si l'entreprise est très endettée, le capital à investir de la part du jeune agriculteur demeure très élevé. Souvent, cela rend le transfert impossible. En plus d'avoir des dettes à rembourser, le cédant doit s'assurer d'avoir un minimum de fonds pour la retraite. C'est sans compter les impôts à payer. Nous pourrons en reparler plus tard. Somme toute, le jeune agriculteur doit investir un grand capital, ce qui est très difficile. Dans certains cas, après l'achat ou le transfert d'une ferme, le jeune agriculteur commence sa carrière en étant terriblement endetté, et ce, avant même d'avoir investi dans son entreprise.
Cela nous amène à adopter de nouvelles façons de faire en matière de transfert. Par exemple, on voit de plus en plus la formule du vendeur-prêteur, selon laquelle le vendeur, c'est-à-dire le cédant, va endosser le prêt pour le jeune. Cette façon de faire va en quelque sorte assurer au cédant une espèce de rente à long terme.
Dans le cadre de notre mémoire de 2015 portant sur les aspirations de la relève agricole, nous avions fait une simulation. Nous avions calculé que, en moyenne, le pourcentage de la valeur des actifs que représentent les dettes des entreprises varie entre 16 %, dans le cas des grandes cultures, et 38 %, dans le cas de la production ovine, par exemple.
Une fois les dettes remboursées, il reste, dans certains cas, peu d'argent aux cédants pour prendre leur retraite, plus particulièrement lorsqu'il y a deux propriétaires.
Comme la retraite des producteurs agricoles dépend de la vente de leur entreprise, plusieurs sont tentés par le démantèlement.
Toujours selon la simulation menée dans le cadre de notre mémoire en 2015, la totalité de ce que la relève est en mesure de verser au cédant est parfois même inférieure aux dettes de l'entreprise. Le cédant aurait donc encore des dettes à payer une fois l'entreprise transférée.
Ce qui est nuisible actuellement, c'est le refinancement perpétuel lors du transfert des entreprises. Un cédant vend, la relève doit s'endetter auprès de la banque et, 35 ans plus tard, le même phénomène se reproduit. Finalement, ce sont les institutions financières qui en profitent.
Il faut limiter l'endettement.
Dans le cas des prêts aux entreprises, les modèles économiques doivent pouvoir tenir la route lorsque les taux d'intérêt risquent d'augmenter de 0,5 à 1 point de pourcentage, par exemple. La responsabilité est commune. Ce sont en effet les producteurs et les banques qui sont partenaires dans ce cas. Un endettement trop lourd hypothèque les transferts possibles et conduit au démantèlement des fermes.
Dans la sphère des hypothèques contractées pour des maisons unifamiliales, des lois ont été mises à jour au cours des dernières années pour plafonner la durée des prêts à 30 ans. Il faudrait penser à une loi similaire pour nos organisations agricoles. Pour éviter une surenchère, il est important que la durée des prêts pour l'achat des terres demeure limitée. Nous ne voulons pas voir des prêts s'échelonner sur plusieurs générations, puisque cela hypothéquerait à coup sûr les générations futures, en plus de contribuer à augmenter le prix des actifs. En fin de compte, ce sont les seuls effets que cela aurait.
Comme je le disais tout à l'heure, les formules vendeur-prêteur ont beaucoup de succès à l'heure actuelle. Ce modèle devrait être valorisé davantage. Il permet de sécuriser le cédant et de lui offrir des avantages fiscaux. Il permet également d'encourager le cédant à intégrer la relève plus rapidement.
Une mesure qu'il pourrait être intéressant d'appliquer serait un rabais sur l'intérêt lorsque la formule vendeur-prêteur est appliquée au transfert des actifs à la relève, que celle-ci soit apparentée ou non. Ce rabais pourrait être appuyé par un programme gouvernemental ou un crédit d'impôt.
L'endettement est positif s'il crée de la richesse, mais il est un frein au transfert des organisations agricoles s'il est trop élevé. Tout est dans la mesure. Rien n'est blanc ou noir: tout est dans le gris.
Pour être maître de son destin, la relève doit avoir accès aux actifs et en être propriétaire. La propriété de la terre permet l'emprunt et permet de s'en servir comme levier pour développer l'entreprise. Si je peux me permettre la comparaison, je dirais que le même principe s'applique lorsque le propriétaire d'une maison utilise son actif pour faire un emprunt en vue d'apporter des améliorations à sa propriété et en augmenter la valeur. Le locataire, qui ne peut utiliser ce levier, n'a pas les mêmes motivations. L'histoire nous démontre que la propriété est un élément positif du développement économique.
Des représentants de Financement agricole Canada, ou FAC, ont comparu devant vous, il y a environ trois semaines. Ils vous ont parlé de leur offre dans le domaine du prêt et de la diversité de leurs produits financiers. Cependant, FAC et les autres acteurs de la finance ne peuvent agir qu'en aval pour répondre aux besoins du marché. C'est vous, les élus, les membres du Comité, qui pouvez agir en amont en instaurant des lois vigoureuses qui protègent notre industrie agricole.
L'accaparement des terres est un frein énorme à l'accession à la propriété et, par conséquent, au crédit. La valeur des terres a augmenté de près de 800 % entre 1990 et 2014. Cette augmentation est un obstacle énorme au démarrage et au transfert des fermes. Elle nuit à l'entrepreneuriat agricole à long terme.
La terre est le principal outil du producteur et son principal investissement, pour ce qui est du coût. Imaginez que le prix des bâtiments et celui des loyers augmentent au même rythme. Imaginez les effets que cela entraînerait pour des PME comme des dépanneurs ou des salons de coiffure.
À l'heure actuelle, un bon nombre d'entrepreneurs qui en sont à la phase du démarrage préfèrent louer la terre, parce qu'ils n'ont pas les moyens de l'acheter. Si la situation persiste, les personnes qui souhaitent céder leur ferme ne pourront la vendre qu'à des conglomérats, des intégrateurs, ou n'auront pas d'autre choix que de démanteler leurs installations.
La location peut être une solution dans certaines stratégies d'affaires, mais des sociétés comme PANGEA, pour ne pas la nommer, tentent présentement de nous faire croire que nous ne pouvons plus avoir accès à la terre et que la location demeure la seule possibilité.
Je suis ravie d'être ici aujourd'hui pour souligner les répercussions des pénuries de main-d'oeuvre sur le potentiel de croissance de l'industrie et sur l'augmentation de l'endettement agricole.
Nous aimons tous avoir accès à une abondance d'aliments sains, sûrs et abordables au Canada, grâce à notre système de salubrité des aliments de classe mondiale qui permet de nourrir nos 37 millions de Canadiens et bien d'autre monde à l'échelle de la planète. Le Canada est avantageusement placé à l'échelle mondiale puisqu'il se situe au cinquième rang des plus importants exportateurs de produits agricoles et alimentaires. L'industrie, avec les 2,3 millions de Canadiens qui y travaillent — agriculteurs, transformateurs et employés —, est un très important moteur de l'économie canadienne puisque sa contribution au produit intérieur brut du Canada est de l'ordre de 100 milliards de dollars.
Le gouvernement du Canada reconnaît l'importance de ce grand secteur de l'industrie et croit que le Canada peut améliorer sa position comme chef de file en agroalimentaire en augmentant sa production de produits agroalimentaires de grande qualité et fiables destinés à la consommation mondiale. Le budget de 2017 et le Conseil consultatif fédéral en matière de croissance économique donnent le secteur agroalimentaire du Canada comme étant un secteur à forte croissance, qui évolue et qui s'accroît en raison de la croissance démographique et de la demande en hausse de produits portant la marque Canada.
Le budget du gouvernement fédéral de 2017 a entre autres objectifs celui de faire augmenter les exportations canadiennes de produits agroalimentaires de 56 milliards de dollars à 75 milliards de dollars par année d'ici 2025. Tout indique que les produits canadiens font l'objet d'une demande suffisante pour que cette cible soit atteignable d'ici huit ans. Cependant, notre système agroalimentaire a besoin de gens — les entreprises agricoles et alimentaires, et leurs travailleurs — pour cultiver, récolter, préparer et emballer ses produits. Pour atteindre cet objectif, les producteurs canadiens auront besoin de plus de travailleurs. Malheureusement, le secteur de la production agricole et alimentaire éprouve déjà énormément de difficulté à trouver assez de travailleurs et peine à doter les emplois vacants.
Notre recherche indique clairement qu'il y a 10 ans, il manquait 30 000 travailleurs à l'industrie. Aujourd'hui, c'est le double, et tout indique que le nombre va encore avoir doublé dans 10 ans. Le taux de vacance moyen pour toutes les industries canadiennes est de 1,8 %. Cependant, dans les exploitations agricoles, le taux de vacance moyen est de 7 %; en ce qui concerne les établissements de transformation de la viande situés dans les régions rurales, le taux, de 9,3 %, est excessivement élevé. Ces taux de vacance en sont là malgré les grands efforts déployés par les propriétaires d'entreprises pour recruter et attirer des travailleurs. Cela s'explique de bien des façons. Le travail se fait généralement dans les régions rurales du Canada, où vivent très peu de Canadiens, et l'industrie exige énormément de travail saisonnier. Ces taux de vacance sont également élevés malgré la grande diversité de la main-d'oeuvre agricole, qui est composée d'un nombre considérable de travailleurs étrangers qu'on va chercher quand il n'est pas possible de trouver des Canadiens pour occuper les postes.
Les emplois vacants dans le secteur agroalimentaire sont très coûteux à bien des égards. Ils ont un effet important sur le résultat net — cela ne fait aucun doute. Nous n'avons pas de chiffres sur l'endettement, mais selon notre recherche, les producteurs agricoles primaires perdent 1,5 milliard de dollars en recettes chaque année. Ce montant n'inclut pas les pertes en recettes des transformateurs alimentaires. Il est également difficile pour les entreprises de rester ouvertes et de demeurer viables quand les taux de vacance sont si élevés. Même si la demande des produits est ferme, les producteurs ne peuvent y répondre ou prendre de l'expansion si les postes essentiels sont vacants. Il n'y a pas de doute que la génération montante risque d'être moins intéressée à ce domaine.
L'incapacité des exploitations agricoles et des entreprises de transformation des aliments de doter les postes vacants malgré tous leurs efforts compromet la capacité du secteur d'atteindre les cibles de croissance énoncées dans le budget de 2017. De concert avec l'Équipe spéciale sur la main-d'oeuvre du secteur agricole et agroalimentaire du Canada, nous faisons de la recherche sur ce problème et rassemblons les observations de l'industrie concernant tous les produits et toutes les chaînes de valeur à l'échelle du Canada. Les intervenants ont souligné clairement que la main-d'oeuvre doit être une grande priorité dans le prochain cadre stratégique d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, de sorte qu'ensemble, le gouvernement et l'industrie puissent trouver les solutions qui permettront la réalisation des cibles de croissance énoncées dans le budget fédéral pour l'industrie.
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Je vous remercie de nous avoir invités à participer à votre étude. Je suis un producteur de légumes et de grains de l'Ontario, et je suis le président du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture. Je copréside aussi l'Équipe spéciale sur la main-d'oeuvre du secteur agricole et agroalimentaire, et avec les 28 autres représentants qui forment l'Équipe, j'ai le soutien de plus de 85 associations agricoles, entreprises et dirigeants municipaux pour ses propositions.
Notre priorité est de veiller à ce que l'industrie demeure concurrentielle et puisse prendre de l'expansion. Cela signifie qu'il faut trouver des moyens de résoudre la pénurie de main-d'oeuvre. Les coûts ont augmenté et l'endettement aussi, parfois, parce que les agriculteurs ont investi d'importantes sommes dans des technologies d'économie de main-d'oeuvre comme les moissonneuses-batteuses munies de GPS qui sont utilisées dans les fermes céréalières, les robots de traite dans les fermes laitières, les appareils d'ensemencement de précision et les drones servant à surveiller les cultures et les vergers.
L'industrie a investi beaucoup plus de capital par travailleur que les autres industries canadiennes, et nettement plus depuis 2009.
L'industrie accorde aussi beaucoup d'importance à la productivité, et selon les résultats de recherche du CCRHA, c'est elle qui affiche le meilleur rendement parmi tous les secteurs industriels du Canada. Les facteurs qui contribuent à la productivité sont, entre autres, les améliorations apportées à la technologie, à la gestion des terres, aux semences, aux engrais et à la lutte antiparasitaires. Selon le Conference Board du Canada, c'est ce qui fait que le secteur de l'agriculture a la cote en matière de productivité, dans l'ensemble de l'économie canadienne. L'industrie agricole a réalisé une augmentation de productivité de 45 %, ce qui signifie que chaque travailleur produit 45 % plus aujourd'hui qu'il y a 10 ans grâce aux progrès dans la technologie et la production.
L'augmentation de la productivité par travailleur est particulièrement importante en période de pénurie de main-d'oeuvre. Quand il est impossible de trouver des gens, il faut qu'un plus petit nombre d'employés puissent en accomplir davantage. Cependant, les améliorations de la productivité sont limitées et peuvent être très coûteuses, en particulier dans l'industrie agroalimentaire. Les investissements dans la machinerie et la technologie sont très coûteux, et les exploitations agricoles exigent par conséquent une forte intensité de capitaux. Ces investissements sont nécessaires, mais ils font grimper beaucoup l'endettement des exploitations agricoles, parfois au point où les gens doivent renoncer à cette industrie. Ceux qui n'ont pas accès à des capitaux importants — généralement les nouveaux venus dans l'industrie et les jeunes — trouvent difficile de faire leur entrée dans le secteur et d'y soutenir la concurrence.
Selon les recherches réalisées par le CCRHA, le secteur de l'agriculture est unique et l'âge moyen de sa main-d'oeuvre est nettement supérieur à l'âge moyen de tous les autres secteurs. Il y a 60 % plus de retraites en agriculture que dans les autres secteurs économiques. Même si les travailleurs du secteur agricole prennent leur retraite plus tard que les travailleurs des autres secteurs, on s'attend à ce que 93 000 travailleurs prennent leur retraite entre 2014 et 2025. C'est plus d'un travailleur sur quatre.
En même temps, le nombre de jeunes qui sont en mesure de travailler au Canada diminue, et malheureusement, moins de jeunes qu'avant choisissent le secteur de l'agroalimentaire.
Qu'est-ce que tout cela signifie? La pénurie de main-d'oeuvre agricole a des effets sur l'endettement, la compétitivité et le potentiel de croissance de l'industrie agroalimentaire. Nous savons que la pénurie de main-d'oeuvre coûte aux entreprises agroalimentaires 1,5 milliard de dollars par année en ventes à la ferme. Nous savons que l'agriculture a la meilleure productivité; cependant, il y a des limites à l'augmentation de ce que chaque travailleur produit. Nous savons que l'innovation et la technologie sont des facteurs importants qui permettent aux agriculteurs modernes d'atténuer les effets de la pénurie de main-d'oeuvre et d'augmenter la production, mais la technologie et l'innovation sont coûteuses et font grimper la dette des agriculteurs.
Nous savons aussi que de nombreux agriculteurs prennent leur retraite — certains plus tôt que tard —, parce qu'ils ne peuvent trouver assez de travailleurs. Nous savons qu'il n'y a pas assez de jeunes qui font leur entrée dans le secteur et qu'il leur est plus difficile d'accéder à des capitaux.
Certaines mesures importantes doivent être prises pour réduire l'endettement des agriculteurs et pour réaliser l'objectif du gouvernement fédéral d'accroître les exportations agroalimentaires à 75 milliards par année en huit ans. Il faut comprendre la situation des postes vacants en agriculture et prendre des mesures.
L'industrie a besoin de plus de travailleurs, d'ici et de l'étranger, et de plus de formation pour garantir que les travailleurs sont aux faits des innovations et des progrès technologiques. Il faut une campagne de sensibilisation à la carrière pour encourager une plus grande part de la main-d'oeuvre canadienne à envisager de travailler dans le secteur. Comme le comité HUMA l'a recommandé, il faut aussi un accès amélioré aux travailleurs étrangers, pour qu'il soit possible de doter les postes en l'absence de Canadiens disponibles ou intéressés. L'équipe sur la main-d'oeuvre a proposé des solutions novatrices en matière de main-d'oeuvre, y compris un programme canadien visant en particulier la main-d'oeuvre dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire qui reconnaît cette industrie comme étant un secteur à forte croissance et à forte demande. On ne suggère aucun changement au Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, mais il faut de nombreuses améliorations au volet agricole, ainsi que pour les transformateurs de viande et de fruits de mer.
Le gouvernement du Canada doit aider cette industrie sur les plans de la pénurie de main-d'oeuvre, de l'endettement et de la compétitivité s'il espère atteindre les cibles de croissance énoncées dans le budget de 2017.
Merci.
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Bonjour, et merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui.
Je suis Ryan Beierbach. Je suis éleveur près de Whitewood, avec ma femme et mes trois enfants, et je suis le président de la Saskatchewan Cattlemen's Association. Je suis accompagné de Brady Stadnicki, qui est ici à Ottawa avec la Canadian Cattlemen's Association.
En 2015, l'industrie des bovins de boucherie a généré des recettes monétaires agricoles de 10,5 milliards de dollars, une hausse de 7 % par rapport à 2014, et a contribué à raison de 20 milliards de dollars au PIB canadien. Si vous faites un calcul rapide et ajoutez ce que Portia vient de présenter, vous constaterez que c'est 20 % de l'agriculture au Canada.
Notre industrie est un des éléments positifs de notre économie nationale et elle a le potentiel de poursuivre sa croissance. La demande mondiale de boeuf de haute qualité augmente avec la croissance des économies partout dans le monde, et nous produisons le meilleur boeuf au monde ici même au Canada.
Notre industrie est aussi un moteur de création d'emplois au Canada. En 2011, le secteur du boeuf employait 228 811 équivalents temps plein, et ce, directement ou indirectement. Chaque emploi dans le secteur bovin entraîne 3,56 autres emplois ailleurs dans l'économie. Pour chaque dollar en revenu que les travailleurs et les propriétaires obtiennent, quelqu'un d'autre ailleurs obtient 2,08 $.
Je suis ravi d'être ici aujourd'hui pour discuter de certaines des réalités commerciales de l'industrie canadienne de l'élevage bovin et pour vous donner de l'information sur la façon dont nous estimons qu'il serait possible d'accroître la viabilité des producteurs de bovins à l'avenir.
L'élevage de bétail est une entreprise à forte intensité de capitaux, et les producteurs de bétail doivent faire face à des coûts de démarrage élevés quand ils font leur entrée dans l'industrie. Il faut acheter les terres pour le pâturage et la culture des aliments pour les animaux. L'infrastructure représente d'autres coûts. Elle peut comprendre les systèmes de manipulation des bovins, les corrals, les matériaux pour les clôtures et les bâtiments, ainsi que le reste de l'équipement requis pour cultiver et récolter les aliments des animaux, et le bétail. Le financement de la dette est donc une réalité commerciale de l'industrie du boeuf.
Quand on investit dans l'industrie bovine, c'est à long terme. C'est une entreprise qui donne une faible marge et une rentabilité à long terme près du seuil de rentabilité, ce qui est le cas d'à peu près toutes les entreprises vendant des marchandises. La Table ronde canadienne sur le boeuf durable a constaté, en réalisant son évaluation nationale sur deux ans de la durabilité de l'industrie du boeuf, qu'au cours de la dernière décennie, la marge moyenne pour un troupeau de naissage de 200 bêtes était de 17 559 $. Par conséquent, de nombreuses exploitations ont diversifié leurs sources de revenus, ce qui comprend un degré élevé de revenus hors ferme. L'évaluation nationale de la durabilité de l'industrie du boeuf a révélé que de 74 % à 85 % du secteur du naissage mise sur des revenus hors ferme. Une étude de cas portant sur de jeunes éleveurs de la Saskatchewan et réalisée par le Western Beef Development Centre a aussi révélé qu'il est courant que les jeunes producteurs aient des emplois hors ferme.
Les revenus hors ferme contribuent à gonfler le revenu global des éleveurs et les aident, surtout au démarrage, à faire des investissements en capital sans s'endetter de façon excessive. C'est aussi une stratégie de gestion du risque, en cas de choc important sur le marché des bovins, par exemple l'éclosion d'une maladie.
Compte tenu de la faible marge qui caractérise notre domaine, il est particulièrement important de demeurer concurrentiel sur le marché mondial pour continuer d'apporter une contribution significative à l'économie du Canada. D'après moi, en rehaussant notre compétitivité, nous aiderons les éleveurs de bovins à être plus rentables et à compter moins sur les revenus hors ferme quand ils se lancent dans le secteur et prennent de l'expansion.
Le gouvernement ne nous doit rien, concernant le droit de gagner notre vie en agriculture, mais le gouvernement doit s'acquitter d'une fonction essentielle pour veiller à ce que les producteurs puissent fonctionner dans un environnement commercial très concurrentiel.
Notre industrie dépend du commerce. Près de la moitié de notre production est exportée. La capacité de vendre du boeuf et des dérivés du boeuf sur les marchés mondiaux est essentielle à l'obtention de la valeur maximale de chaque bête produite. Nous estimons obtenir une valeur additionnelle de près de 500 $ par bête en vendant le boeuf et les produits dérivés dans d'autres marchés, où ils ont une meilleure valeur qu'au Canada.
Avoir un accès concurrentiel au marché des principaux pays du monde qui importent du boeuf est essentiel à l'augmentation de la rentabilité. Les membres de l'industrie du boeuf trouvent encourageant d'entendre que les décideurs à Ottawa veulent faire augmenter les exportations agroalimentaires du Canada au cours de la prochaine décennie.
Afin d'être concurrentielle à long terme, l'industrie du boeuf au Canada doit aussi avoir accès à la technologie de pointe. La productivité sera essentielle pour que nous puissions faire concurrence à d'autres exportateurs de boeuf de haute qualité. C'est là où l'investissement dans la recherche et l'innovation est crucial. Cela nous aide à abaisser notre coût de production et à devenir des chefs de file en matière de durabilité de l'environnement. À cette fin, je recommande fortement que l'on continue de financer la grappe scientifique du boeuf et que l'on en étende la portée.
Les éleveurs de bovins font face à des risques liés aux prix et aux conditions météorologiques, ainsi qu'au risque d'augmentations des taux d'intérêt. Ils doivent par conséquent planifier soigneusement afin d'éviter un désastre. Les jeunes éleveurs qui en sont à l'étape du démarrage sont vulnérables, surtout s'ils doivent s'endetter. Il est essentiel, pour aider à la gestion des risques, d'avoir accès à des outils comme l'assurance des prix du bétail dans l'Ouest, l'assurance pour le foin et pour les pâturages, Agri-stabilité et l'ensemble complet des programmes de gestion des risques d'entreprise. Ces outils sont aussi utiles pour les jeunes éleveurs qui doivent obtenir du financement afin de démarrer ou d'étendre leurs activités. J'ai acheté ma ferme il y a 15 ans, et l'année suivante, nous avions le premier cas d'ESB au Canada. Je sais très bien ce qui se produit quand vous êtes fortement endetté et que les risques deviennent réalité. C'est un gouffre dont il est difficile d'émerger.
Notre cadre de réglementation joue un rôle énorme en ce qui concerne notre compétitivité à l'échelle mondiale, et au bout du compte, notre rentabilité. Les règlements gouvernementaux ne doivent pas imposer aux éleveurs un fardeau inutile. Ils doivent plutôt se fonder sur une gestion convenable des risques réels et sur une analyse juste des coûts et des avantages de ces mesures réglementaires.
S'il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur de la transformation des produits agroalimentaires, les pertes de revenus que cela entraîne se font sentir jusqu'à l'éleveur-naisseur, tout au bas de la chaîne. Nous devons veiller à ce que les travailleurs soient en place pour que le système demeure efficace.
Le secteur travaille à améliorer le transfert de connaissances des éleveurs de bovins expérimentés aux jeunes éleveurs grâce au programme Cattlemen's Young Leaders et au Young Cattlemen's Council. J'ai participé à ces deux programmes et je vois l'importance de contribuer à la préparation de jeunes leaders et au mentorat des éleveurs de l'industrie afin qu'ils aient une meilleure compréhension à leurs débuts.
Pour terminer, j'aimerais souligner que les éleveurs et les jeunes producteurs font face à de nombreux défis quand ils font leur entrée dans le secteur, par exemple les coûts élevés des investissements dans la terre et l'infrastructure et, dans bien des cas, la dépendance aux revenus hors ferme.
D'après mon expérience, l'endettement n'est pas vraiment le problème, du moment que les revenus atteignent des niveaux qui permettent aux éleveurs de rembourser la dette et de demeurer rentables. Pour moi, ce qui est important, c'est augmenter la compétitivité et réduire les risques liés à l'augmentation de la productivité. Nous pouvons réduire les coûts en ayant moins de réglementation, mais les bonnes dispositions réglementaires; augmenter les prix en ayant tous les marchés d'exportation ouverts et en faisant en sorte que la main-d'oeuvre fasse plus de transformation; et réduire les risques au moyen d'une assurance des prix et de l'adoption de pratiques de gestion exemplaires. La recherche est l'élément général qui lie toutes ces choses ensemble et qui nous donne la capacité de fonctionner dans le meilleur environnement possible.
Merci.