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Bienvenue à la deuxième partie de notre séance, qui portera sur notre étude sur les changements climatiques.
Nous accueillons deux représentantes de la Canadian Cattlemen's Association: la directrice générale du Conseil de recherche sur les bovins de boucherie, Mme Andrea Brocklebank; et la gestionnaire de l'environnement et du développement durable, Mme Fawn Jackson, qui comparaît par vidéoconférence.
Je vous remercie toutes les deux de votre présence.
Dans le but de nous orienter un peu, je vais lire la motion qui porte sur ce que nous voulons faire ici. Je l'ai déjà lue en comité auparavant, mais je vais seulement m'assurer que nous nous concentrons sur ce que nous essayons d'accomplir.
Une partie de la motion porte sur l'« aide que le gouvernement peut apporter au secteur agricole canadien afin de lui permettre de mieux s'adapter à la gravité grandissante des problèmes liés aux changements climatiques et de mieux pallier les problèmes de conservation de l'eau et des sols ». Je sais que c'est assez général, mais cela fera en sorte que nous nous concentrerons là-dessus.
Nous allons tout d'abord entendre votre déclaration préliminaire, madame Brocklebank. Nous aurons peut-être plus de temps que nous en avons d'habitude, mais généralement, les déclarations durent sept minutes. La parole est à vous.
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Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Andrea Brocklebank, et je suis la directrice générale du Conseil de recherche sur les bovins de boucherie. Je suis accompagnée de Mme Fawn Jackson, qui est gestionnaire du volet de l'environnement et du développement durable de la Canadian Cattlemen's Association.
Ma famille a une exploitation bovine dans le Sud de l'Alberta, et Fawn est au Manitoba. Les exploitations bovines sont situées majoritairement dans des zones où les sols sont pauvres, les précipitations sont faibles et les terrains sont accidentés, ce qui rend l'élevage difficile. Pour les producteurs, renforcer la résilience aux conditions climatiques changeantes est une seconde nature. Nous portons nos efforts sur cet aspect depuis longtemps, et nous continuerons à le faire.
L'industrie canadienne du boeuf a une occasion unique d'accroître ses activités. C'est une période stimulante non seulement pour nos producteurs, mais également pour les 228 000 Canadiens qui travaillent dans notre industrie. C'est aussi stimulant pour le milieu de la conservation, qui sait que s'il y a plus de vaches, il y a plus d'herbages et d'habitats fauniques.
Pour que nous puissions accroître nos activités, des investissements à long terme dans la recherche et l'adoption de bonnes politiques publiques afin d'assurer la résilience de notre industrie seront nécessaires. Le Conseil de recherche sur les bovins de boucherie finance la recherche pour accroître la compétitivité et la durabilité de l'industrie canadienne du boeuf. Nous administrons deux grappes scientifiques du secteur du boeuf et nous attendons qu'Agriculture Canada prennent une décision au sujet de notre troisième grappe scientifique. Le maintien des investissements en recherche est essentiel pour trouver des solutions aux problèmes que posent les changements climatiques. J'aimerais vous donner deux exemples.
Premièrement, les hivers canadiens rigoureux empêchent de nombreux parasites de survivre et bien des maladies animales de devenir endémiques au pays. Les changements climatiques représentent une menace pour la santé et le bien-être des animaux, et comme des recherches le révèlent, l'aire de répartition des parasites porteurs de maladies est en train de s'étendre.
La tique du chien peut porter la bactérie qui cause l'anaplasmose, qui entraîne l'avortement, de l'anémie et de graves pertes de productivité chez les bovins. Auparavant, on trouvait cette tique dans le Sud du Manitoba et l'Est de la Saskatchewan. De récentes recherches indiquent qu'elle est présente plus au nord du Manitoba et, dans l'Ouest, aussi loin qu'en Alberta.
La présence de tiques sur une plus grande superficie fait en sorte que l'anaplasmose se propage beaucoup plus facilement. Ce n'est là qu'un exemple des répercussions sur la santé et le bien-être des animaux qu'a la présence accrue de parasites et de maladies qui est associée aux changements climatiques. Il sera important d'investir dans des stratégies de surveillance et de traitement pour comprendre les risques liés à la santé animale, de même que dans des stratégies visant à atténuer ces risques et à maintenir la santé et le bien-être des animaux.
Deuxièmement, nous savons que la demande alimentaire augmente dans le monde et que le Canada peut jouer un rôle important pour y répondre. Il ne s'agit pas d'une mince tâche étant donné que les changements climatiques pourraient avoir des effets négatifs sur la productivité dans une période où il nous faut accroître la productivité. On s'attend à ce que les changements climatiques produisent des conditions climatiques plus variables, ce qui inclut des phénomènes météorologiques extrêmes et une plus grande fréquence des conditions climatiques régionales trop chaudes et sèches ou trop froides et humides. La variabilité climatique augmente les risques que les récoltes soient mauvaises et, par conséquent, un plus grand nombre de terres peuvent servir de pâturages, qui sont moins vulnérables à des agressions périodiques que les cultures commerciales. Néanmoins, même dans ces zones résistantes, on peut observer en très peu de temps des pertes de productivité et une dégradation de la santé de l'écosystème, et les améliorations ne sont habituellement apportées que très lentement et sur une longue période.
C'est pourquoi il est essentiel d'investir dans la recherche sur le fourrage et les herbages non seulement pour maintenir la productivité, mais aussi pour l'accroître en axant les efforts sur l'amélioration de la résilience à la sécheresse, à l'engorgement du sol, au stress thermique et à la gelée, tout en empêchant l'érosion du sol, en protégeant le carbone des sols et en préservant l'humidité. Pour renforcer la résilience aux changements climatiques, le gouvernement peut jouer un rôle important dans le domaine de la recherche en finançant intégralement la troisième grappe scientifique du boeuf proposée. De plus, nous recommandons de financer la supergrappe de l'agroalimentaire intelligent, d'investir dans la recherche à haut risque axée sur la découverte à long terme et d'investir dans l'infrastructure et les capacités de recherche essentielles.
Pour le passage de l'investissement dans la recherche à l'adoption de politiques qui appuient la résilience, notre association a trois principales recommandations.
Premièrement, il faut continuer d'investir, et investir davantage, dans des programmes d'intervention en cas de catastrophe. Les changements climatiques font accroître les risques que des phénomènes météorologiques violents surviennent. Les sécheresses, les inondations et d'autres phénomènes météorologiques extrêmes ont de grandes répercussions sur la performance économique et environnementale de notre industrie. Puisque ces risques augmentent, il est impératif de fournir à nos producteurs les outils qu'il faut pour gérer les risques financiers. Notre association est d'avis que des programmes de gestion des risques agricoles suffisamment financés doivent être offerts dans l'ensemble du pays.
Le programme Agri-relance a été mis en oeuvre dans plusieurs régions du Canada et a aidé des producteurs à maintenir leurs activités après qu'une catastrophe liée aux conditions météorologiques s'est produite. Cependant, il est possible de faire mieux. On pourrait entre autres élaborer des critères et des documents de référence clairs sur ce que le programme couvre ou ne couvre pas. Le fait qu'Agri-relance dépend des décisions politiques prises lors d'une catastrophe a augmenté la confusion dans des périodes difficiles et a rendu obscure la planification en cas de catastrophe pour les producteurs.
Deuxièmement, il faut investir dans l'assurance des cultures fourragères. Bien que notre association comprenne les avantages offerts par un cadre national ad hoc, le gouvernement devrait tenir compte des différents types de risques qui sont propres à chaque secteur agricole. Pour l'industrie du boeuf, une meilleure assurance liée au foin et au fourrage qui inclut un mécanisme qui aiderait les producteurs lorsque que les prix des aliments pour animaux augmentent en période de pénurie pourrait remplacer une partie des demandes d'intervention d'Agri-relance. Notre association incite les gouvernements fédéral et provinciaux à continuer de travailler à la mise en oeuvre des recommandations sur Agri-protection qui ont été faites par le groupe de travail FPT sur les cultures fourragères.
Troisièmement, il faut augmenter les investissements dans des infrastructures qui permettent d'atténuer les effets des catastrophes à long terme. La construction de meilleures infrastructures de gestion de l'eau comme les systèmes d'irrigation et les structures d'atténuation des inondations, dont les barrages, sont des exemples de projets intéressants.
En terminant, je dirais que nous recommandons que la tarification du carbone ne s'applique pas à l'agriculture primaire et à la transformation de la viande et des aliments. Il ne faut pas confondre cette demande avec un manque d'engagement en matière d'environnement. Il ne s'agit simplement pas de l'outil qui convient pour l'industrie du boeuf. L'empreinte de gaz à effet de serre de l'industrie du boeuf canadien, par kilo, correspond à la moitié de la moyenne mondiale et a diminué de plus de 15 % depuis 1981. Ces améliorations sont attribuables à la recherche, à l'innovation et à l'adoption de politiques pertinentes, comme celles que nous avons mentionnées aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir écoutée. Nous serons ravies de répondre à toutes vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Brocklebank, je vous remercie de votre témoignage très instructif.
À première vue, quand on pense aux éleveurs de bovins, on ne pense pas nécessairement aux conséquences des changements climatiques. On oublie que les vaches sont des bêtes que l'on doit nourrir. On ne pense pas au fourrage ni à une foule d'autres choses. Je vous remercie grandement d'avoir soulevé ces problèmes.
Si les membres du Comité me le permettent, d'autant plus que nous aurons probablement un peu plus de temps aujourd'hui, j'aimerais laisser la parole à M. Dreeshen, qui est un nouveau membre du Comité. En cette Journée Bell Cause pour la cause, qui soutient la santé mentale, M. Dreeshen a une belle proposition à faire aux membres du Comité.
Je laisse donc M. Dreeshen faire sa demande.
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Merci beaucoup. Je vous remercie également, monsieur le président, et je remercie tous les membres du Comité.
Il y a un problème important, et puisque c'est aujourd'hui la journée Bell Cause pour la cause, j'ai pensé présenter un avis de motion. J'aimerais en faire la lecture.
La motion n'est pas aussi bien structurée que je le voudrais, et je vais donc la lire prudemment: « que le Comité songe à entreprendre une étude sur les défis auxquels sont confrontés les fermiers, les éleveurs et les producteurs en matière de santé mentale; que soient invités à témoigner des fermiers, des éleveurs et des producteurs, ainsi que des groupes spécialisés en santé mentale afin de mieux comprendre les enjeux auxquels ils doivent faire face, et échanger sur les meilleures façons d'y faire face et que le comité fasse rapport de cette étude à la Chambre ».
Je comprends qu'il y a un préavis de 48 heures à respecter avant les discussions, à moins, bien entendu, que nous acceptions à l'unanimité d'y renoncer. Je laisserai au Comité le soin d'en décider.
Encore une fois, lorsqu'on tient compte du stress additionnel et des préoccupations qui existent dans le secteur agricole, on peut voir que bien des gens font beaucoup de travail dans ce domaine. Je sais qu'au cours des deux ou trois derniers jours seulement, la Do More Agriculture Foundation a présenté de l'information. De plus, nous pouvons discuter avec de nombreux groupes qui parlent des préoccupations liées à la santé mentale des producteurs agricoles. J'aimerais que nous en discutions.
Encore une fois, je pourrais demander le consentement unanime du Comité pour qu'il renonce au préavis de 48 heures. Je crois que c'est ce que je vais faire, mais vous voulez peut-être en discuter.
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Comme c'est aujourd'hui une journée consacrée à la santé mentale au Québec et au Canada, je trouvais l'idée de M. Dreeshen très à propos. Normalement, l'avis de 48 heures aurait été nécessaire, mais, compte tenu des circonstances, l'idée est venue à M. Dreeshen aujourd'hui et je trouvais important que nous puissions en discuter.
Nous demandons que le Comité rencontre des fermiers, des éleveurs, des producteurs et des groupes oeuvrant dans le domaine de la santé mentale, et qu'il fasse une étude à ce sujet. Habituellement, le libellé des motions n'est jamais très long et nous définissons par la suite le sens de l'étude en question.
Le Comité ferait un beau geste aujourd'hui s'il adoptait cette motion. Nous pourrions tous dire sur les réseaux sociaux que le Comité va entreprendre une étude sur la santé mentale des fermiers et, la semaine prochaine, nous en définirions le sens et le contenu. Je ne vois aucun problème à ce que nous soyons unanimes là-dessus. Nous pourrons toujours préciser le contenu de l'étude plus tard. Si nous le faisons de manière unanime, aucun parti ne va profiter davantage de cette réalisation.
La santé mentale des producteurs et des éleveurs nous concerne tous. C'est vraiment dans ce sens que M. Dreeshen a présenté sa motion.
J'ai entendu les commentaires de M. Poissant, mais je pense que nous pouvons très bien adopter la motion de manière unanime et définir le cadre de l'étude par la suite.
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Merci, monsieur le président. C'est avec enthousiasme que je vais appuyer la motion.
J'arrive tout juste du Comité de la justice, dont j'étais membre l'an dernier. Le Comité de la justice est en train de terminer une étude sur les services de santé mentale offerts aux jurés. Nous avons appris énormément de choses. Il n'y a pas que nos militaires et nos premiers intervenants qui souffrent de troubles de santé mentale. Bien d'autres professions sont touchées.
Dans le cadre de notre discussion, surtout compte tenu de l'importance de cette journée, je crois que c'est une entreprise utile. De façon générale, les agriculteurs sont des gens forts. Ils sont stoïques et aiment se débrouiller seuls, mais comme nous l'avons appris, ce n'est pas une démarche saine.
Je donne mon appui à la motion. Félicitations.
Nous revenons donc à nos moutons.
Madame Brocklebank, veuillez excuser cette courte intervention. Nous n'avons pas perdu de temps, heureusement, étant donné que notre président comprend très bien la situation. Je suis persuadé que vous comprenez aussi que nos fermiers et nos éleveurs sont souvent aux prises avec des situations difficiles. Toutes les conditions liées aux changements climatiques dont nous avons parlé causent chaque année beaucoup d'anxiété et de stress aux éleveurs, et la situation va être de plus en plus difficile en raison de l'imprévisibilité des conditions climatiques. Vous en avez parlé dans votre présentation.
À la fin, vous avez abordé sommairement votre recommandation touchant la taxe sur le carbone. En vous fondant sur votre expérience, pouvez-vous nous dire en quoi cette taxe peut aller à l'encontre de nos efforts visant à combattre les changements climatiques?
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Nous avons un très vaste projet afin de joindre nos efforts à ceux des milieux de la conservation et de l'agriculture, parce que nous sommes de plus en plus sensibilisés à la question. Comme Andrea l'a mentionné, plus il y a de vaches, plus il y a d'herbage, plus il y a d'habitats pour les espèces en péril et plus il y a de carbone capté dans les prairies.
Il y a toute une série d'initiatives en cours. Je sais que Canards Illimités est très investi dans sa collaboration avec le producteur bovin dans le cadre de divers projets. Il y a des projets d'agrandissement, des projets de facilitation, des programmes d'acquisition de terres qui permettent de rétablir des pâturages. D'après ce que je sais, l'idée est d'acheter des terres cultivées, de les reconvertir en pâturages, puis de les remettre en marché sous réserve d'une interdiction de labourage et de drainage.
Il y a notamment la Table ronde canadienne sur le boeuf durable, à laquelle j'ai la chance de participer. Elle compte des membres comme le Fonds mondial pour la nature, Conservation de la nature, Nature Canada et Canards Illimités. Il y a divers projets en cours à la TRCBD, pour tisser des liens et créer une synergie entre les groupes de conservation, les éleveurs et les producteurs agricoles.
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On recueille des données sur le piégeage du carbone dans les prairies depuis bien longtemps. Il y a déjà longtemps que les chercheurs recueillent des données à ce sujet.
Pendant longtemps, toutefois, je pense qu'on mettait l'accent sur la production, pour être honnête avec vous. On comprend beaucoup mieux aujourd'hui en quoi consiste une bonne gestion des pâturages. Ainsi, il est préférable de laisser les animaux en pâturage en permanence dans les prairies plutôt que de les laisser inexploitées, parce que le pâturage leur permet de se renouveler. On commence à le comprendre. Je pense que l'une des principales choses qu'on comprend sur le fourrage et les herbages, c'est que ce qui est vrai au Manitoba peut être très différent en Colombie-Britannique ou en Alberta. Les conditions climatiques y sont très différentes.
Avec ce nouveau groupe scientifique de l'industrie de l'élevage bovin, nous essayons de mieux analyser les différences régionales concernant le piégeage du carbone et les pratiques à privilégier pour optimiser le piégeage du carbone dans les divers grands pâturages. Comme les conditions du sol et les conditions climatiques diffèrent, on ne recommandera pas nécessairement la même chose au Manitoba et ailleurs. Nous travaillons beaucoup en partenariat avec des chercheurs d'ailleurs au pays et des groupes comme Canards Illimités, qui mènent eux aussi leurs propres recherches.
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C'est bon. Je vous remercie encore une fois de nous fournir l'occasion de comparaître devant vous. Je suis bien content d'avoir pu faire mon exercice avant d'arriver ici.
Premièrement, j'estime très important de réfléchir aux défis que pose le changement climatique. Nous avons préparé un mémoire écrit, que vous recevrez, mais j'aimerais vous présenter un aperçu de nos principaux arguments.
Je sais qu'il y a déjà bien des témoins qui sont venus vous parler des conditions auxquelles les producteurs agricoles devront s'adapter en raison du changement climatique, donc je mettrai surtout l'accent sur ce que nous considérons comme les plus grands besoins des producteurs agricoles dans ce contexte.
Je commencerai en vous disant que les agriculteurs ont toujours su s'adapter. Depuis très longtemps, nous embrassons l'innovation grâce à la technologie, à l'éducation et de meilleures pratiques de gestion pour améliorer notre viabilité environnementale, économique et sociale. Ainsi, nous avons un solide bilan d'amélioration continue qui place nos producteurs parmi les plus viables du monde agricole.
Nous devons comprendre beaucoup mieux que ce qu'on nous décrit à l'heure actuelle à bien des égards comment le climat changera le monde agricole. Il y a des secteurs de culture au Canada qui ne sont même pas couverts par le radar météo. Le fait de mieux comprendre le changement climatique aidera les producteurs agricoles à choisir les meilleurs produits ou les meilleures variétés adaptées à leurs conditions agronomiques et environnementales.
Il faut souligner que nous sommes déjà nombreux à avoir fait des changements pour nous adapter au changement climatique. Moi-même, je fais pousser des variétés qui ont été mises au point bien plus au sud que là où j'ai mes champs, dans le Nord de l'Ontario.
Actuellement, le dialogue politique et l'investissement tournent beaucoup autour des mesures d'atténuation du changement climatique, aux dépens de l'adaptation. Pourtant, nous, les producteurs agricoles, nous inquiétons surtout des effets du changement climatique qui nous touchent, soit de l'évolution des tendances des précipitations, de la variabilité accrue et des phénomènes météorologiques extrêmes, comme les précipitations, la sécheresse, la chaleur ou le froid.
Ces changements ont une incidence sur la lutte antiparasitaire, puisque nous ne pouvons plus nous fier à la rigueur de l'hiver pour lutter naturellement contre les parasites; la répartition géographique des espèces locales change; il y a de nouvelles espèces envahissantes; la chaleur incommode les animaux de ferme; il y a de nouvelles régions de cultures, de nouvelles variétés, de nouvelles cultures. Ces changements ont tous un effet sur la conservation des sols et de l'eau. Pour demeurer résilients, nous devons mieux comprendre la meilleure façon de nous adapter en fonction de nos propres activités.
La Colombie-Britannique, par exemple, s'est dotée de mesures importantes pour favoriser l'adaptation dans le secteur agricole grâce à son initiative provinciale d'action pour le climat en matière d'agriculture et d'alimentation, qui est administrée et mise en oeuvre conjointement avec les acteurs de l'industrie agricole. Ce programme donne lieu à des ateliers régionaux qui rassemblent les producteurs dans le but de les aider à réfléchir aux priorités adaptées à leurs propres activités, à leur environnement local, afin qu'ils sachent à quoi s'attendre pour ce qui est de l'effet du changement climatique. Cette façon de faire a ouvert la porte à des idées et à des outils efficaces pour améliorer la capacité d'adaptation et la résilience des producteurs dans leurs activités.
Nous devons nous inspirer de cet exemple, afin que les producteurs des autres régions aient accès aux mêmes outils éducatifs. Je sais que le Manitoba publiera sous peu un rapport sur les efforts d'adaptation déployés sur son territoire.
Il faudrait que les gouvernements adoptent des incitatifs et d'autres mesures de soutien pour favoriser les efforts d'adaptation. L'une des solutions consisterait à tabler sur les plans de gestion exemplaire grâce au Plan environnemental de la ferme. Je peux vous en parler par expérience, puisque je me suis prévalu de ce programme pour bénéficier d'une formule de partage des coûts afin d'acquérir des systèmes d'abreuvement alimentés à l'énergie solaire pour nos bovins. Cette technologie sans émission protège la qualité des bassins hydrographiques en gardant les bêtes loin des plans d'eau, ce qui contribue à améliorer la qualité de l'eau et à réduire l'érosion des sols. Il y a beaucoup d'excellents exemples de ce type, et l'on n'aurait besoin que de bons incitatifs pour en stimuler l'adoption.
L'adaptation doit devenir la norme dans les décisions des producteurs. Il faut toutefois reconnaître qu'à court terme, les mesures d'adaptation favorisant la résilience peuvent introduire de la redondance et faire augmenter les coûts de production.
Il peut être difficile d'investir dans ces mesures compte tenu des faibles marges bénéficiaires, de l'incertitude qui plane sur les accords commerciaux et du coût croissant associé aux autres politiques gouvernementales. Comme la rentabilisation des investissements en adaptation est parfois incertaine et irréalisable à court terme, nous croyons que les gouvernements ont un rôle à jouer pour appuyer l'industrie. Si nous voulons favoriser rapidement l'adaptation, nous avons besoin de mesures concrètes et ciblées accompagnées d'une vaste campagne d'éducation, qui doit tenir compte des particularités de chaque région ou de chaque type d'activité agricole.
Il faudrait notamment de nouveaux investissements en recherche pour améliorer la modélisation des effets du changement climatique et de la génétique afin de mettre au point de nouvelles variétés adaptées au climat d'aujourd'hui et de demain, plutôt que de nous appuyer sur une moyenne historique. L'amélioration de la productivité grâce à la génétique pourrait également contribuer à réduire grandement les émissions par unité de produit et être l'une des façons les plus tangibles d'intensifier la production d'aliments, de carburant et de fibres pour une population mondiale de plus en plus nombreuse tout en réduisant nos émissions. Nous croyons qu'il y aurait lieu d'adopter une approche plus globale grâce à un modèle d'agriculture adaptée au climat. Il faudrait ainsi reconnaître à la fois le besoin d'augmenter le rendement grâce à une intensification durable, celui d'atténuer les effets du changement climatique et celui de mettre en oeuvre des mesures d'adaptation.
Les groupes hétérogènes, comme le groupe de travail sur l'agriculture de la Plateforme d'adaptation de RNCan, ratissent suffisamment large pour explorer la question, sans toutefois jouir de l'appui du gouvernement fédéral afin de pouvoir mener les recherches et l'analyse nécessaires. Il faudrait également analyser plus en profondeur l'offre de produits d'assurance afin de déterminer si elle est adaptée au changement climatique. En effet, il faut tenir compte du changement climatique dans les discussions sur la gestion du risque d'affaires à long terme afin de nous doter de programmes publics de gestion du risque souples.
Pour conclure, nous vous recommandons d'abord et avant tout de travailler en partenariat avec les producteurs afin de fixer les priorités de recherche; de produire et de diffuser les outils appropriés pour favoriser de bonnes décisions d'adaptation; d'induire des changements dans les pratiques de gestion grâce à des incitatifs et à des programmes de soutien; de mettre en place une stratégie multisectorielle afin de favoriser un système alimentaire durable et résilient; d'investir dans des programmes de biens et de services écologiques pour favoriser l'adaptation, améliorer la qualité de l'eau et gérer notre consommation.
Nous reconnaissons que l'agriculture canadienne est un secteur stratégique de l'économie dans lequel il faut investir stratégiquement pour atteindre notre plein potentiel de production agricole et agroalimentaire à faibles émissions de carbone pour une population mondiale en croissance, tout en nous adaptant aux effets du changement climatique.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
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Je vais d'abord faire une brève introduction, en m'inspirant des connaissances que j'ai acquises dans le cadre des divers projets auxquels j'ai participé ces dernières années.
J'ai contribué à la Stratégie pour la santé et la préservation des sols agricoles de l'Ontario. Je suis membre du comité consultatif de la prison agricole. J'ai beaucoup contribué à la stratégie de l'Ontario en matière de changements climatiques. Cela comprend la taxe sur le carbone et les règlements afférents à venir.
J'ai participé à des réunions de la Commission mixte internationale, dont les travaux traitent essentiellement du lac Érié et portent sur tous les bassins versants de part et d'autre de la frontière. J'ai participé à un grand nombre de séances menant à la création du Partenariat canadien pour l'agriculture et à l'élaboration des politiques agricoles canadiennes, attendues pour cette année.
C'est sur cette expérience que je fonde mes observations d'aujourd'hui.
Permettez-moi d'abord d'établir le contexte pour que vous puissiez comprendre notre objectif. Si nous savons où nous en sommes actuellement, nous serons alors en mesure d'établir un plan pour atteindre notre objectif.
Il y a quelques années — en 2014, je crois —, l'Ontario produisait 165 millions de tonnes de gaz à effet de serre en équivalent carbone et séquestrait 16,5 millions de tonnes, soit 10 % de l'équivalent carbone produit.
En théorie, le secteur agricole peut doubler la quantité de carbone qu'il séquestre actuellement. Je parle uniquement du secteur agricole de l'Ontario. Ce sont les chiffres dont je dispose; à l'époque où ils ont été établis, l'Ontario séquestrait de 0,5 à 0,7 % du carbone produit. Donc, si la province doublait sa capacité de séquestration du carbone, cela ne représenterait toujours que 1 % du carbone produit.
Je suis conscient que la séance d'aujourd'hui porte strictement sur l'élaboration d'un plan d'atténuation des changements climatiques, mais il faut d'abord savoir où nous en sommes avant de pouvoir créer un plan adéquat qui nous permettra d'évaluer les mesures d'atténuation possibles.
La séquestration du carbone dans le sol peut être comparée à l'ajout d'eau dans une baignoire qui fuit. Plus vous en ajoutez, plus il en sort. Cela vaut aussi pour la séquestration du carbone ou les gaz à effet de serre: plus vous en ajoutez, plus vite il en sort. Des micro-organismes, des champignons et des bactéries consomment constamment le carbone organique qui entre dans le sol.
Même si nous tentons de séquestrer une quantité de carbone équivalente à la production de l'Ontario ou encore à celle du Canada, ce qui est pratiquement impossible, nous devons vraiment chercher à savoir ce que nous pouvons faire, concrètement, pour réduire l'impact des événements qu'on observe actuellement en raison des changements climatiques.
À mon avis, nous devons nous concentrer sur les sols. Si nous réussissons à avoir des sols de qualité, des sols en santé, ils pourront absorber plus d'eau lors des phénomènes météorologiques extrêmes et retenir plus d'eau en cas de sécheresse.
J'aimerais parler brièvement des phénomènes météorologiques extrêmes que nous verrons à l'avenir. L'été dernier, j'ai recensé trois cas de précipitations de 100 mm de pluie, alors qu'auparavant, des précipitations de 35 mm étaient considérées comme exceptionnelles.
Nous constatons que le courant-jet a tendance à demeurer stationnaire lors de ses déplacements d'ouest en est, ce qui se traduit par des précipitations plus abondantes sur des périodes plus longues, mais aussi par des périodes de sécheresse plus longues.
Les sols sont essentiels à l'atténuation des événements météorologiques extrêmes.
Ron a longuement parlé des techniques visant à accroître la capacité des sols. Nous parlons de culture sans travail du sol, de l'augmentation des zones tampons près des cours d'eau pour réduire le ruissellement, de mesures pour ralentir le ruissellement, de couvert forestier et de limites forestières. Cela dit, dans le cas présent, la clé, l'aspect fondamental, c'est la connaissance.
Nous devons déterminer quelles techniques peuvent être employées pour réduire le transfert des nutriments dans les cours d'eau, qu'il soit lié à l'érosion du sol ou aux nutriments présents dans le sol. Pour ce faire, il faut accroître la teneur en matière organique du sol, la teneur en carbone.
Pour accroître la capacité du sol d'atténuer les effets des phénomènes météorologiques extrêmes, il faut augmenter la teneur en carbone du sol; cela exige plus d'énergie, pas moins. On constate que la tarification du carbone n'est pas seulement imposée à tous les acteurs de l'économie, elle touche aussi les agriculteurs. Toutefois, les agriculteurs ont besoin d'une quantité d'énergie plus grande et non plus petite. Ils doivent être encouragés à améliorer la capacité des sols d'atténuer les effets des phénomènes météorologiques extrêmes. Nous considérons les taxes sur le carbone plus comme un bâton qu'une carotte. Si vous voulez que les agriculteurs cultivent vos carottes, ils ont besoin de carottes. Il nous faut plus d'encouragement et beaucoup moins de découragement. Nous avons besoin de techniques et de connaissances pour améliorer le sol.
J'aimerais parler brièvement d'un aspect, et c'est là qu'entre en jeu mon expérience antérieure...
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C'est apprécié. Je vous remercie.
Les agriculteurs qui essaient d'établir un plan se heurtent bien souvent à un manque de connaissances. Ces connaissances existent, mais ne leur sont pas accessibles. C'est une question d'apprentissage. Nous devons toutefois pour ce faire nous déplacer en nous absentant de nos exploitations. Il me faut par exemple une heure et demie, deux heures, voire parfois quatre heures pour me rendre à un atelier puis rentrer à la maison.
C'est davantage un bâton qu'une carotte. Nous devons accroître nos connaissances, mais il nous est difficile de quitter nos exploitations, parce qu'il y a des répercussions.
Pour ce qui est des mesures d'encouragement, je peux vous dire que mon exploitation se fait de plus en plus sans labour. C'est le cas de la plupart de mes activités alors qu'il y a sept ans à peine, je faisais presque uniquement du labour. Lorsque nous recevions 25 millilitres de pluie, on pouvait voir toutes ces rigoles d'eau grise qui se formaient.
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Je pourrais vous donner plusieurs exemples. Cela nous ramène presque à la question de M. MacGregor quant aux mesures d'adaptation que nous devons prendre.
Il ne faut pas oublier que la situation peut varier d'un endroit à l'autre. Ce qui fonctionne dans l'Ouest du Canada ne donnera pas nécessairement de résultats chez moi. Ils éprouvent des problèmes de sécheresse alors que j'ai été aux prises cette année avec des excédents d'eau.
Quels genres d'investissements pouvons-nous consentir? Nous avons labouré 300 acres de notre exploitation depuis deux ou trois ans. C'est le seul secteur qui m'a donné une récolte cette année en raison de toute l'eau que nous avons reçue.
J'ai parlé des investissements dans les systèmes solaires de pompage de l'eau. En recreusant d'anciennes sources et en aménageant des zones de stockage pour l'eau qu'on y a trouvée, nous avons pu compter sur les réserves nécessaires en installant un système solaire de pompage à cette fin.
Nous voulons expérimenter différents types de cultures. Nous avons notamment planté au cours des six dernières années du sorgho herbacé qui est en fait une plante tropicale. Cette plante nous fournit de l'alimentation fourragère du printemps jusqu'au milieu de l'été, ce qui nous aide à composer avec les périodes de sécheresse.
Pour répondre à votre question quant aux mesures de soutien dont nous avons besoin, je crois qu'il faut des investissements dans la recherche. Il faudrait voir quelles plantes nous pouvons utiliser. Nous avons aussi besoin de programmes de soutien. Les exploitants suivent des plans agroenvironnementaux et utilisent des pratiques de gestion qui ont fait leur preuve. Nous pouvons aussi obtenir de l'aide pour les investissements en capitaux parfois nécessaires. Il faut aussi examiner, un peu comme l'indiquait Tony, les moyens à prendre pour que tous les agriculteurs soient au fait des meilleures pratiques de gestion en usage.