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Bonjour, monsieur le président.
Je remercie le comité d'avoir invité l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture à comparaître aujourd'hui.
En fonction du volume et de la valeur de la production, l'AICA représente plus de 95 % de l'industrie aquacole du Canada. Elle compte parmi ses membres de petites et de grandes entreprises des secteurs de la pisciculture et de la conchyliculture, des établissements ayant des opérations en mer et en eau douce, des associations régionales d'aquaculture, des fournisseurs d'aliments pour animaux et d'autres entreprises de la chaîne de valeur de l'aquaculture au Canada. Comme agriculteurs, nous avons des exploitations dans les dix provinces ainsi qu'au Yukon. Notre industrie engendre une activité économique d'une valeur de 3,1 milliards de dollars, ajoute 1,2 milliard de dollars au PIB et emploie plus de 15 000 Canadiens dans des collectivités rurales, côtières et autochtones partout dans le pays.
Compte tenu de l'accroissement de la demande de produits frais de la mer au Canada et ailleurs dans le monde, nous estimons que notre industrie peut croître de manière durable pour atteindre plus du double de sa taille actuelle. Avec une gouvernance et un cadre stratégique adéquats — que nous travaillons très fort pour établir —, elle pourrait créer 17 000 emplois supplémentaires et ajouter plus de 3 milliards de dollars d'activité économique au Canada d'ici 2024.
Le nouveau Conseil consultatif sur l'économie, mis sur pied pour conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre afin de favoriser la croissance économique à long terme au Canada, semble être du même avis. Le rapport final du Conseil ne sera publié qu'au début de 2017, mais son président, Dominic Barton, de McKinsey and Company, croit que le Canada doit devenir un chef de file mondial du secteur de l'agroalimentaire et qu'à cet égard, l'aquaculture est un secteur clé de croissance.
Nous croyons pouvoir assurer cette croissance et répondre à la demande de nos clients en misant sur la création de nouveaux sites de culture ainsi que sur des gains de productivité et sur l'amélioration de nos technologies. Sans nous opposer à l'approbation du saumon génétiquement modifié, nous croyons que nos clients du Canada et d'ailleurs n'ont pas vraiment hâte d'en avoir. Nous n'avons pas besoin au Canada du saumon génétiquement modifié et n'avons pas l'intention de recourir à cette technologie.
Les consommateurs s'intéressent à ce qu'ils ont dans leur assiette et veulent disposer de renseignements fiables sur les aliments qu'ils achètent, comme leur provenance et les techniques de production. Nous appuyons cette approche.
Nous constatons que l'étiquetage volontaire est une option offerte aux entreprises, dans la mesure où elles respectent la norme nationale du Canada sur l'étiquetage volontaire et la publicité visant les aliments issus ou non du génie génétique.
Nous appuyons en outre la politique du gouvernement concernant l'étiquetage des aliments, qui impose l'étiquetage s'il y a des préoccupations quant à la salubrité des aliments et qui vise à assurer la clarté et l'exactitude des renseignements présentés sur les étiquettes.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à toutes et à tous.
Je vais m'exprimer en français.
Je vous remercie de votre invitation et de pouvoir présenter les préoccupations de plus de 200 000 personnes au Canada qui sont représentées par le réseau Vigilance OGM.
Je m'appelle Thibault Rehn et je suis coordonnateur d'un petit réseau qui s'appelle Vigilance OGM. Ce réseau est basé au Québec. Il est formé de citoyens, de groupes environnementaux, d'agriculteurs, de syndicats et de groupes de consommateurs qui sont préoccupés par ce que nous mettons dans notre assiette au quotidien, mais aussi par la façon dont on produit les aliments et les répercussions que cela a sur notre santé et notre environnement.
Dans un premier temps, je vais vous parler des inquiétudes qu'a Vigilance OGM après 20 ans d'expérience au Canada puisque cela fait 20 ans qu'il y a des OGM dans nos champs et dans nos assiettes. Dans un deuxième temps, je parlerai de la réglementation des OGM au Canada, qui est quelque chose qui nous inquiète. Enfin, j'aborderai la question de l'étiquetage obligatoire des OGM qui est, à notre avis, le moyen le plus efficace d'informer les consommateurs et de respecter leurs droits fondamentaux. Avec ces trois points, nous essaierons de voir pourquoi les Canadiens et les Canadiennes n'ont toujours pas confiance en ces technologies qui existent depuis plus de 20 ans.
Comme vous le savez, cela fait 20 ans que des OGM ont été plantés dans nos champs et qu'ils sont apparus dans nos assiettes. L'industrie des OGM nous avait alors fait plusieurs promesses. Je vais m'attarder aux trois principales promesses de l'industrie à cet égard.
La première promesse visait à offrir aux consommateurs des produits qui soient meilleurs, moins chers, plus savoureux, plus frais et plus nutritifs. C'était l'une des grandes promesses de l'industrie il y a 20 ans. La deuxième promesse était de diminuer l'utilisation des pesticides. Finalement, la troisième était de nourrir le monde, principalement dans les pays du Sud qui ont une population qui est en croissance.
Malheureusement, après 20 ans, force est de constater que 85 % de tous les OGM commercialisés dans le monde sont génétiquement modifiés pour résister à un herbicide dit total. C'est le cas, par exemple, des fameuses semences Roundup Ready qui résistent au Roundup. Actuellement, dans le monde, il y a moins de 1 % des cultures commercialisées qui sont là pour donner potentiellement un bénéfice aux consommateurs.
Les promesses de l'industrie n'ont pas été tenues. Une grande majorité des OGM sont là pour être résistants à un herbicide total. Voilà pour ce qui est d'une première promesse non tenue.
La deuxième promesse était de diminuer l'utilisation des pesticides pour avoir de meilleures semences pour notre environnement. Si on regarde les données produites par Statistique Canada, on s'aperçoit que, depuis l'introduction des OGM, il y a eu une augmentation de 130 % des ventes de pesticides globaux au Canada — ce qui est énorme — pour des superficies cultivées plus ou moins équivalentes.
Au Québec, d'où je viens, les pesticides à base de glyphosate, qui sont majoritairement utilisés pour les cultures OGM, ont augmenté de 71 % entre 2006 et 2012. Contrairement à ce que nous avait promis l'industrie, les pesticides n'ont pas diminué. Ils ont plutôt largement augmenté dans notre pays, et cela nous inquiète beaucoup.
Troisièmement, on nous avait dit que les OGM allaient nourrir le monde, principalement les pays du Sud. Le Canada est le cinquième producteur mondial en fait d'OGM. Il n'y a pratiquement aucun pays qui cultive des OGM en Afrique et en Asie, à part le coton en Inde. Les quatre principales cultures d'OGM sont le coton, le canola, le soya et le maïs. Ces cultures d'OGM sont principalement destinées à nourrir le bétail des pays du Nord, à produire du bioéthanol pour nos voitures et à être ajoutées à des produits transformés. Il n'y a donc pas de cultures d'OGM vivrières qui sont destinées à aider les pays du Sud. C'est une troisième promesse qui n'a pas été tenue par l'industrie.
Dans le cas des animaux nourris avec des OGM, on a du mal à avoir confiance aux promesses de ces mêmes compagnies qui ne les ont pas tenues de façon générale.
Nous sommes aussi inquiets que M. Paul Mayers, qui est le vice-président des politiques et des programmes à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ait dit ceci devant ce comité lors de sa comparution il y a deux semaines. Il mentionnait
[Traduction]
que le bilan… des produits de biotechnologie… est extrêmement positif.
[Français]
Quand nous voyons les chiffres de Statistique Canada, nous avons du mal à voir cela de façon positive.
Notre deuxième inquiétude porte sur la réglementation au Canada.
Comme vous le savez, la réglementation des végétaux à caractères nouveaux est principalement entre les mains de Santé Canada, particulièrement depuis que ce ministère supervise l'Agence canadienne d'inspection des aliments, soit depuis 2013.
Pour établir la réglementation canadienne sur les nouveaux OGM, principalement les nouveaux végétaux, dans la grande majorité des cas, Santé Canada se base uniquement sur les données rapportées par l'industrie. Cela nous inquiète. Il n'y a jamais eu d'étude à long terme menée par Santé Canada sur l'innocuité des OGM. Nous aimerions que cela se fasse.
Lors de sa comparution devant ce comité il y a environ deux semaines, Mme Karen McIntyre, directrice générale de la Direction des aliments à Santé Canada, a dit que le ministère était très transparent et qu'il était possible de voir sur son site toutes les études qui avaient été prises en compte pour l'acceptation du saumon OGM. Après avoir écouté cette séance de comité, je suis allé sur le site de Santé Canada. Or force est de constater que les documents disponibles sur Internet ne citent aucune étude par rapport au saumon OGM. Même une demande d'accès à l'information ne nous permet pas d'obtenir cette information.
Comme vous le savez, en sciences, un des piliers fondamentaux est de permettre aux communautés scientifiques de refaire des analyses, de comparer et d'évaluer des données, et malheureusement, c'est actuellement impossible au Canada. On ne sait pas sur quelles études se base Santé Canada pour accepter ou non les OGM, en l'occurrence le saumon. On n'a même pas le titre de ces études.
Dans le cas du saumon OGM, Santé Canada nous dit que le ministère ne s'est pas basé uniquement sur les données de l'industrie, donc dans ce cas-ci d'AquaBounty, qui est la compagnie qui veut mettre ce produit sur le marché, mais aussi sur l'ensemble de la littérature scientifique. Par contre, quand on regarde cela de plus près, on s'aperçoit que la grande majorité de la littérature scientifique dans le monde provient d'AquaBounty. Santé Canada a beau dire que le ministère se base sur l'ensemble de la littérature scientifique, mais celle-ci est malheureusement faible par rapport aux études de l'industrie. Cela nous préoccupe.
Nous voudrions non seulement que la réglementation au Canada ne soit pas basée uniquement sur l'innocuité ou la non-innocuité de ces OGM, mais aussi que d'autres facteurs soient pris en compte, notamment l'impact économique. On se rappellera que l'introduction du lin et de la luzerne a fermé énormément de marchés à nos agriculteurs. Nous sommes donc inquiets qu'il n'y ait pas d'étude économique par rapport à l'introduction des nouveaux OGM.
Nous sommes aussi inquiets par rapport aux conséquences environnementales. Il y a 20 ans, de nombreuses personnes avaient déjà anticipé l'apparition de mauvaises herbes et l'augmentation de l'utilisation de produits à base de glyphosates. Il n'y a pas eu d'étude assez stricte, à notre avis, sur les conséquences environnementales de l'introduction des OGM.
Aussi, on s'aperçoit qu'il n'y a pas eu d'étude sur l'acceptation sociale. Personne n'a été consulté par rapport aux OGM, que ce soit la population ou même les producteurs. On n'a pas consulté les producteurs de pommes du Québec au sujet de la pomme OGM, par exemple. La luzerne OGM, qui est déjà sur le marché au Québec, inquiète beaucoup l'Union des producteurs agricoles, qui demande un moratoire à ce sujet.
Nous sommes inquiets. Nous aimerions que la réglementation soit plus transparente quant à l'innocuité, mais aussi que d'autres facteurs soient pris en compte.
Pour ce qui est de l'étiquetage obligatoire des OGM, au-delà de l'information qui doit être transmise aux consommateurs, il faut dire que le droit de savoir ce qu'on consomme est un droit fondamental reconnu par l'ONU. Ce n'est pas forcément que pour des motifs de santé humaine, mais aussi pour des questions éthiques, religieuses et environnementales. Cela fait plus de 20 ans. Avant de venir ici, j'ai fait circuler des sondages qui ont été faits depuis 1994 au Canada et qui montrent qu'une majorité écrasante de Canadiens et de Canadiennes souhaite l'étiquetage obligatoire des OGM. Nous sommes dans un pays démocratique. Puisqu'une aussi forte majorité le demande depuis longtemps, le gouvernement aurait dû avoir adopté ce type de réglementation il y a longtemps déjà. En fait, 64 pays dans le monde en ont déjà adopté une. Ce n'est pas quelque chose d'unique que nous ferions en premier.
On s'aperçoit aussi que si on laisse le marché réguler lui-même l'étiquetage, cela ne marche pas. En 2004, le gouvernement libéral a voté en faveur d'un étiquetage volontaire, et depuis, à ma connaissance, aucune compagnie n'a indiqué sur l'emballage de ses produits qu'ils contenaient des OGM. On ne doit pas laisser le marché réguler l'étiquetage. Cela doit être laissé au gouvernement.
Comme je sais que le mandat de votre comité est de déterminer quelles mesures devraient être mises en place pour informer le public, notre première recommandation est de mettre en place un étiquetage obligatoire des OGM qui permettrait non seulement aux consommateurs de savoir ce qu'ils mangent, mais aussi aux agriculteurs de savoir ce que certains produits contiennent. Comme vous le savez, la plupart des OGM sont destinés aux animaux. L'agriculteur devrait savoir ce qu'il donne à manger à ses animaux, tout comme le consommateur devrait savoir ce qu'il donne à manger à sa famille et à ses enfants.
Il est urgent d'agir avant que le saumon OGM n'arrive sur le marché, potentiellement dans quelques années. Il se pourrait que les consommateurs rejettent, de façon globale, ce produit.
Nous avons une deuxième recommandation. Nous souhaitons avoir une réglementation plus transparente. Comme on l'a vu, ce n'est pas le cas actuellement de la part de Santé Canada. Nous aimerions que la santé ne soit pas l'unique facteur pris en compte pour la réglementation des nouveaux OGM qui entrent sur le marché, mais qu'on considère aussi des facteurs comme l'environnement, l'économie et l'acceptation sociale.
Je vous remercie.
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Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
Je trouve toujours très intéressantes les observations comme celles de M. Rehn, par exemple, qui dit que ces technologies ne présentent pas d'intérêt pour le grand public. D'autres témoins ont parlé du manque d'intérêt pour les producteurs. Nous savons pourtant que quelque 18 millions d'agriculteurs utilisent des OGM dans leur exploitation. Dans le domaine des semences, j'ai également découvert, en parlant à des négociants de mon coin, que les semences qui ont subi les traitements les plus avancés et qui coûtent le plus cher — une centaine de dollars ou plus juste pour ensemencer une acre — sont les plus vendues. Quand j'entends cela, je me demande toujours ce qu'en penserait un témoin qui affirme que cela ne présente aucun intérêt pour les agriculteurs, alors que ceux-ci voient dans ces technologies de grands avantages économiques et environnementaux.
De plus, nous avons en main un rapport venant de l'American Council on Science and Health, qui présente une analyse de 147 études faites non seulement au Canada et aux États-Unis, mais un peu partout dans le monde, sur l'impact du soja, du maïs et du coton génétiquement modifiés, sur l'utilisation des pesticides et sur les bénéfices des agriculteurs. L'étude aboutit à la conclusion que les rendements agricoles ont augmenté de 22 %, que les profits des agriculteurs se sont accrus de 68 % et que les technologies génétiques ont réduit de 37 % l'utilisation des pesticides chimiques.
Nous aurons toujours ces discussions, mais je peux vous dire d'après mon expérience sur le terrain… Je suppose que lorsque nous parlons d'aquaculture et de saumon génétiquement modifié, il n'est pas question de sécurité et d'autres aspects. Il est déjà établi que ces produits sont sûrs. Ce que nous voulons savoir, c'est comment les commercialiser parce que nous avons une idée claire des avantages, et pas seulement des profits réalisables… Certains diront que les grandes entreprises ne s'intéressent qu'au profit. En réalité, il s'agit de l'agriculteur. Si nous n'avons pas un secteur agricole et une industrie aquacole économiquement solides, nous ne pourrons pas garantir la production d'aliments salubres à un prix abordable pour le consommateur.
Cela dit, je peux juste poser une question à M. Rehn. Y a-t-il en fait des produits génétiquement modifiés que vous trouvez acceptables?
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Très volontiers. Je vous remercie de cette occasion de comparaître devant le comité et d'inclure le milieu aquatique dans vos délibérations. Nous sommes en procès à ce sujet depuis ce matin.
Comme vous l'avez dit, je suis directeur des politiques au Centre d'action écologique. Avant d'entrer au centre, j'ai travaillé pendant quelque temps dans le secteur de la pêche. J'ai également enseigné la biologie au Centre des sciences de la mer Huntsman. J'étais là pendant que se déroulaient les recherches visant à rendre les salmonidés plus résistants aux grands froids.
Le Centre d'action écologique est un organisme environnemental créé en 1971. Nous nous efforçons de baser notre travail sur la science. La plupart des membres de notre personnel ont fait des études scientifiques. Nous essayons de trouver des solutions permettant de concilier l'économie et l'environnement. Avant de nous occuper de cette question du saumon GM, nous n'avions fait que relativement peu travaux à ce sujet. Nous nous y sommes intéressés à cause de la menace pour le saumon atlantique sauvage. Plus nous en apprenons sur le sujet, plus nous nous inquiétons des risques pour les espèces sauvages.
Premièrement, nous nous inquiétons des risques que courrait le saumon sauvage si des saumons GM s'échappaient. Ils pourraient alors rivaliser avantageusement avec le saumon sauvage au chapitre des ressources, c'est-à-dire des aliments, de l'habitat et du frai. Deuxièmement — et cela est encore plus important —, nous craignons les croisements entre les saumons GM échappés et les saumons sauvages, qui pourraient modifier en permanence la composition génétique de ces derniers. Cela aurait des conséquences écologiques et économiques inconnues. Je dois noter aussi que, d'après la recherche, les croisements entre le saumon GM et la truite brune sauvage sont possibles.
Vous pourriez penser que ces poissons sont stériles et restent sur terre. Nos plus grandes préoccupations sont liées à la commercialisation. À ce stade, des centaines de millions de poissons seraient élevés dans de nombreuses installations qui pourraient être proches de certaines de nos meilleures rivières à saumon du Nouveau-Brunswick, du Québec, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. À l'échelle commerciale, les affirmations relatives à la sécurité ne sont pas très rassurantes. Nous savons que des poissons se sont déjà échappés d'installations terrestres. Nous savons aussi que la triploïdie induite n'est pas efficace à 100 %. Quand on parle de centaines de millions de poissons, une proportion de 1, 3 ou 5 % peut devenir excessive.
Nous ne nous battons pas contre des moulins à vent. Le saumon atlantique a déjà suffisamment de problèmes. C'est une espèce en voie de disparition. Malheureusement, nous avons affaire à un problème que l'industrie sous-estime ou minimise. Si ces poissons échappés vont dans les rivières canadiennes à saumon atlantique, ils mettront en danger une importante industrie récréative qui est particulièrement importante dans les régions rurales.
Nous avons recours aux tribunaux parce que la façon dont cette affaire est actuellement traitée nous inquiète beaucoup. AquaBounty a obtenu l'autorisation de produire à l'échelle commerciale au Canada sans qu'on ait procédé à une évaluation du grossissement commercial. L'exportation d'oeufs venant d'une installation de recherche est très différente de la production de millions de poissons dans un grand nombre d'établissements. Nous demandons qu'une évaluation environnementale stratégique soit réalisée pour déterminer le risque que présentent les OGM pour les systèmes aquatiques.
De plus, le public n'a pas été consulté au Canada au sujet du premier animal génétiquement modifié du monde devant servir d'aliment à des humains. On n'a pas non plus consulté les intervenants, qu'il s'agisse de l'industrie aquacole ou des secteurs de la pêche commerciale, du tourisme ou de la pêche récréative. Je dois également noter qu'on n'a consulté ni les Premières Nations ni les autres peuples autochtones. Le saumon de l'Atlantique est une espèce très importante pour les Premières Nations de l'Ontario, du Québec et du Canada atlantique. La modification du génome de ce poisson devrait faire l'objet de consultations.
Lorsque ce poisson a été approuvé pour consommation humaine aux États-Unis, l'industrie de la pêche de l'Alaska a réagi. De ce fait, je crois savoir que l'approbation américaine est suspendue jusqu'à ce que la question de l'étiquetage soit réglée aux États-Unis.
En Nouvelle-Écosse, notre ministre des Pêches s'est élevé contre la production commerciale du saumon génétiquement modifié. Il aurait déclaré à ce sujet: « Nous préférons nous assurer de protéger ce que nous avons. Tant qu'on ne nous aura pas prouvé, tant qu'on n'aura pas prouvé au public que c'est une bonne idée — je n'ai d'ailleurs pas l'impression que l'idée rallie beaucoup d'appuis —, nous ne sommes pas intéressés. » Keith Colwell a ajouté qu'il s'inquiétait des effets d'une introduction accidentelle de poissons génétiquement modifiés sur les populations naturelles, tant du point de vue écologique que dans le contexte de la pêche sportive. Cette déclaration a été faite le 20 mai 2016, après l'approbation du saumon GM par Santé Canada.
J'ai parlé de certains des risques, comme d'autres ont parlé des avantages. Pour le Canada atlantique, je ne vois vraiment pas de grands avantages économiques. Oui, la société réalisera des gains en contrôlant le stock de géniteurs, mais je n'ai pas l'impression que cela aura des effets sur l'économie ou sur la création d'emplois. Je crois savoir en outre que les taux de croissance de ce saumon n'ont pas fait l'objet d'une vérification indépendante.
Le Centre d'action écologique a fait un certain travail en faveur de l'étiquetage des produits de la mer. Dans l'industrie, la tendance est à la traçabilité et à la transparence. Les consommateurs veulent disposer de plus de renseignements et veulent voir plus de cohérence dans l'information donnée. Comme vous le savez, d'autres pays imposent l'étiquetage des produits génétiquement modifiés.
Enfin, je sais que beaucoup d'entre vous représentent des électeurs qui exploitent des cultures transgéniques, ce qui vous place dans une position délicate. Je vous demande d'accorder une attention particulière dans vos délibérations à notre saumon sauvage de l'Atlantique et aux risques que le saumon GM ferait courir à toutes les espèces sauvages.
Je vous remercie.
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Je ne représente ici que moi-même, j'imagine. Je vais juste vous donner l'historique de mon rôle dans l'affaire du saumon génétiquement modifié. En ce moment, je suis professeur émérite et directeur du département des sciences océaniques à l'Université Memorial.
Je suis un peu nerveux. Si vous constatez que je frémis, c'est parce que je ne veux pas que vous fassiez cela.
Au milieu des années 1970, mes collègues Choy Hew, du département de biochimie de l'Université Memorial, et Peter Davies, de l'Université Queen's, et moi-même avons commencé à étudier les protéines antigel des poissons. Ces protéines uniques protègent les espèces de poisson des eaux polaires et subpolaires contre le gel quand la température de l'eau descend en deçà du point de congélation colligatif de leurs liquides organiques.
À cette époque, l'idée de développer l'aquaculture du saumon atlantique le long des régions côtières des provinces de l'Atlantique faisait son chemin. Comme le saumon ne possède pas de protéines antigel, l'aquaculture était limitée aux eaux dont la température restait le plus souvent au-dessus de zéro.
En tant que chercheurs universitaires, nous voulions trouver des moyens novateurs d'élargir notre programme de recherche. Nous avons donc présenté une demande de financement au programme de subventions stratégiques du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie afin de transférer les gènes de la protéine antigel d'un petit poisson plat, la plie rouge, au saumon atlantique.
Notre but était de créer un saumon pouvant résister au gel pour que le secteur de la salmoniculture puisse étendre ses activités à tout le littoral de l'Atlantique et créer des possibilités d'emploi dont les régions rurales et côtières avaient tant besoin. De 1982 à 1999, nous avons eu la chance de bénéficier d'une aide financière d'environ 1,66 million de dollars du CRSNG pour nos expériences de transfert génétique.
Au cours de cette période, nous avons mis au point une façon de transférer les gènes antigel au saumon atlantique, ce que la plupart des gens estimaient impossible, et de faire en sorte que ces gènes soient exprimés et transmis d'une génération à l'autre par croisement. Nous avons observé de faibles niveaux de protéines antigel de la plie rouge dans le sang du saumon atlantique, mais en trop petite quantité pour protéger le saumon contre le gel.
Si le saumon que nous avons produit à l'époque ne résistait pas assez au froid à des fins d'aquaculture, nos expériences nous ont permis de prouver qu'il est possible de transférer des gènes d'une espèce de poisson à une autre. En fait, l'opération était assez facile.
Ce succès nous a incités à chercher à transférer le gène de l'hormone de croissance du saumon quinnat au génome du saumon atlantique afin d'accélérer sa croissance et d'augmenter la rentabilité des salmonicultures des provinces de l'Atlantique. Nous avons commencé nos expériences à l'automne 1989. Déjà, au printemps 1990, nous avions des signes évidents de succès. Les saumons atlantiques portant le gène supplémentaire de l'hormone de croissance avaient une croissance beaucoup plus rapide que les saumons non transgéniques.
En 1991, ayant présenté une demande de renouvellement de notre subvention stratégique du CRSNG afin de poursuivre nos recherches sur le transfert du gène de l'hormone de croissance, nous avons été évalués par un comité de visite du CRSNG qui nous a encouragés à trouver un partenaire de l'industrie dans le but de commercialiser les résultats de nos recherches.
Nous avons eu la chance de rencontrer, à peu près au même moment, M. Elliot Entis qui était en train de lancer une petite entreprise privée américaine de biotechnologie, A/F Protein. Cette société s'intéressait à l'utilisation de protéines antigel de poisson pour protéger les cellules et les tissus contre le froid et le gel.
Entretemps, Choy Hew et moi-même avions déposé des demandes préliminaires de brevet par l'intermédiaire de nos employeurs, l'Université Memorial et l'Hôpital des enfants de Toronto, qu'on appelle couramment SickKids, où Choy Hew travaillait. Elliot avait alors accepté de demander une licence d'exploitation de la technologie du saumon transgénique à nos employeurs. Ainsi, Choy et moi sommes devenus membres fondateurs de la société A/F Protein Inc. Notre principal objectif était de prouver au CRSNG que le secteur privé s'intéressait à nos recherches.
En 1994, A/F Protein Inc. a fondé une filiale à 100 %, A/F Protein Canada. Elliot, Choy Hew et moi-même étions membres du conseil d'administration. Je suis devenu PDG et scientifique en chef de l'entreprise, fonctions que j'ai assumées jusqu'en 2005.
Une fois constituée en société, A/F Protein Canada a reçu un prêt de l'APECA et une subvention de contrepartie de la province de Terre-Neuve. Grâce à ce financement, nous avons pu mettre sur pied un petit laboratoire de purification de la protéine antigel, qui était indépendant de l'Université Memorial. Nous avons cependant poursuivi nos recherches sur le saumon transgénique porteur de l'hormone de croissance au Centre des sciences océaniques de l'université.
Également en 1994, Choy et moi avons accompagné Elliot Entis aux bureaux de la FDA à Washington, afin de commencer à discuter du processus d'approbation réglementaire du produit transgénique.
En 1996, A/F Protein a fait l'acquisition d'une petite station terrestre d'alevinage du saumon à Bay Fortune, Souris, dans l'Île-du-Prince-Édouard, afin de créer un stock de géniteurs du saumon transgénique.
En 2000, A/F Protein Inc. a été subdivisée en deux entreprises indépendantes: A/F Protein et AquaBounty Farms. Celle-ci est devenue plus tard AquaBounty Technologies et a fondé une filiale, AquaBounty Canada. J'ai continué à diriger et à encadrer les activités des deux entreprises canadiennes.
En 2003, AquaBounty Canada comptait 36 employés à temps plein, dont 9 avaient des doctorats.
En 2005, l'essentiel de la recherche liée aux documents requis par la FDA était terminée, du moins de notre côté. C'est à ce moment que la société mère a décidé de congédier la plupart des employés basés à St John's, dont moi-même. J'ai alors repris mon poste de professeur émérite à temps plein à l'Université Memorial. Je suis devenu directeur du Centre des sciences océaniques en 2009 et, en 2012, j'ai été nommé directeur du département des sciences océaniques, fonction que j'exerce encore.
En 2006, AquaBounty Technologies s'est inscrite sur le marché AIM de la Bourse de Londres sous le nom d'ABTX. L'entreprise avait alors réussi à réunir environ 30 millions de dollars.
Par souci de transparence, je dois vous informer que je suis toujours membre du conseil d'administration d'AquaBounty Canada. La société mère m'a demandé de garder mes fonctions d'administrateur parce que la loi canadienne exige qu'un résidant du Canada fasse partie du conseil d'administration de toute entreprise étrangère. Je ne vois aucune raison de ne pas aider l'entreprise que j'ai contribué à mettre sur pied. Je reçois en contrepartie une allocation annuelle de 3 000 $.