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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Français]

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Nous allons poursuivre notre étude sur le saumon génétiquement modifié.

[Français]

    Nous recevons aujourd'hui Mme Ruth Salmon, de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture.
    Bienvenue, madame Salmon.
    Nous recevons aussi M. Thibault Rehn, de Vigilance OGM.
     Vous êtes le bienvenu parmi nous, monsieur Rehn.

[Traduction]

    D'habitude, nous commençons par donner à chaque témoin une période pouvant aller jusqu'à 10 minutes pour s'identifier et nous présenter un exposé préliminaire. Ensuite, les membres du comité posent des questions aux témoins.
    Qui veut commencer?
    Madame Salmon, vous pouvez y aller.
    Merci.
    Bonjour, monsieur le président.
    Je remercie le comité d'avoir invité l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquaculture à comparaître aujourd'hui.
    En fonction du volume et de la valeur de la production, l'AICA représente plus de 95 % de l'industrie aquacole du Canada. Elle compte parmi ses membres de petites et de grandes entreprises des secteurs de la pisciculture et de la conchyliculture, des établissements ayant des opérations en mer et en eau douce, des associations régionales d'aquaculture, des fournisseurs d'aliments pour animaux et d'autres entreprises de la chaîne de valeur de l'aquaculture au Canada. Comme agriculteurs, nous avons des exploitations dans les dix provinces ainsi qu'au Yukon. Notre industrie engendre une activité économique d'une valeur de 3,1 milliards de dollars, ajoute 1,2 milliard de dollars au PIB et emploie plus de 15 000 Canadiens dans des collectivités rurales, côtières et autochtones partout dans le pays.
    Compte tenu de l'accroissement de la demande de produits frais de la mer au Canada et ailleurs dans le monde, nous estimons que notre industrie peut croître de manière durable pour atteindre plus du double de sa taille actuelle. Avec une gouvernance et un cadre stratégique adéquats — que nous travaillons très fort pour établir —, elle pourrait créer 17 000 emplois supplémentaires et ajouter plus de 3 milliards de dollars d'activité économique au Canada d'ici 2024.
    Le nouveau Conseil consultatif sur l'économie, mis sur pied pour conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre afin de favoriser la croissance économique à long terme au Canada, semble être du même avis. Le rapport final du Conseil ne sera publié qu'au début de 2017, mais son président, Dominic Barton, de McKinsey and Company, croit que le Canada doit devenir un chef de file mondial du secteur de l'agroalimentaire et qu'à cet égard, l'aquaculture est un secteur clé de croissance.
    Nous croyons pouvoir assurer cette croissance et répondre à la demande de nos clients en misant sur la création de nouveaux sites de culture ainsi que sur des gains de productivité et sur l'amélioration de nos technologies. Sans nous opposer à l'approbation du saumon génétiquement modifié, nous croyons que nos clients du Canada et d'ailleurs n'ont pas vraiment hâte d'en avoir. Nous n'avons pas besoin au Canada du saumon génétiquement modifié et n'avons pas l'intention de recourir à cette technologie.
    Les consommateurs s'intéressent à ce qu'ils ont dans leur assiette et veulent disposer de renseignements fiables sur les aliments qu'ils achètent, comme leur provenance et les techniques de production. Nous appuyons cette approche.
    Nous constatons que l'étiquetage volontaire est une option offerte aux entreprises, dans la mesure où elles respectent la norme nationale du Canada sur l'étiquetage volontaire et la publicité visant les aliments issus ou non du génie génétique.
    Nous appuyons en outre la politique du gouvernement concernant l'étiquetage des aliments, qui impose l'étiquetage s'il y a des préoccupations quant à la salubrité des aliments et qui vise à assurer la clarté et l'exactitude des renseignements présentés sur les étiquettes.
    Je vous remercie.

[Français]

    Je vous remercie, madame Salmon.
    Monsieur Rehn, vous avez maintenant la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Bonjour à toutes et à tous.
    Je vais m'exprimer en français.
    Je vous remercie de votre invitation et de pouvoir présenter les préoccupations de plus de 200 000 personnes au Canada qui sont représentées par le réseau Vigilance OGM.
    Je m'appelle Thibault Rehn et je suis coordonnateur d'un petit réseau qui s'appelle Vigilance OGM. Ce réseau est basé au Québec. Il est formé de citoyens, de groupes environnementaux, d'agriculteurs, de syndicats et de groupes de consommateurs qui sont préoccupés par ce que nous mettons dans notre assiette au quotidien, mais aussi par la façon dont on produit les aliments et les répercussions que cela a sur notre santé et notre environnement.
    Dans un premier temps, je vais vous parler des inquiétudes qu'a Vigilance OGM après 20 ans d'expérience au Canada puisque  cela fait 20 ans qu'il y a des OGM dans nos champs et dans nos assiettes. Dans un deuxième temps, je parlerai de la réglementation des OGM au Canada, qui est quelque chose qui nous inquiète. Enfin, j'aborderai la question de l'étiquetage obligatoire des OGM qui est, à notre avis, le moyen le plus efficace d'informer les consommateurs et de respecter leurs droits fondamentaux. Avec ces trois points, nous essaierons de voir pourquoi les Canadiens et les Canadiennes n'ont toujours pas confiance en ces technologies qui existent depuis plus de 20 ans.
    Comme vous le savez, cela fait 20 ans que des OGM ont été plantés dans nos champs et qu'ils sont apparus dans nos assiettes. L'industrie des OGM nous avait alors fait plusieurs promesses. Je vais m'attarder aux trois principales promesses de l'industrie à cet égard.
    La première promesse visait à offrir aux consommateurs des produits qui soient meilleurs, moins chers, plus savoureux, plus frais et plus nutritifs. C'était l'une des grandes promesses de l'industrie il y a 20 ans. La deuxième promesse était de diminuer l'utilisation des pesticides. Finalement, la troisième était de nourrir le monde, principalement dans les pays du Sud qui ont une population qui est en croissance.
    Malheureusement, après 20 ans, force est de constater que 85 % de tous les OGM commercialisés dans le monde sont génétiquement modifiés pour résister à un herbicide dit total. C'est le cas, par exemple, des fameuses semences Roundup Ready qui résistent au Roundup. Actuellement, dans le monde, il y a moins de 1 % des cultures commercialisées qui sont là pour donner potentiellement un bénéfice aux consommateurs.
    Les promesses de l'industrie n'ont pas été tenues. Une grande majorité des OGM sont là pour être résistants à un herbicide total. Voilà pour ce qui est d'une première promesse non tenue.
    La deuxième promesse était de diminuer l'utilisation des pesticides pour avoir de meilleures semences pour notre environnement. Si on regarde les données produites par Statistique Canada, on s'aperçoit que, depuis l'introduction des OGM, il y a eu une augmentation de 130 % des ventes de pesticides globaux au Canada — ce qui est énorme — pour des superficies cultivées plus ou moins équivalentes.
    Au Québec, d'où je viens, les pesticides à base de glyphosate, qui sont majoritairement utilisés pour les cultures OGM, ont augmenté de 71 % entre 2006 et 2012. Contrairement à ce que nous avait promis l'industrie, les pesticides n'ont pas diminué. Ils ont plutôt largement augmenté dans notre pays, et cela nous inquiète beaucoup.
    Troisièmement, on nous avait dit que les OGM allaient nourrir le monde, principalement les pays du Sud. Le Canada est le cinquième producteur mondial en fait d'OGM. Il n'y a pratiquement aucun pays qui cultive des OGM en Afrique et en Asie, à part le coton en Inde. Les quatre principales cultures d'OGM sont le coton, le canola, le soya et le maïs. Ces cultures d'OGM sont principalement destinées à nourrir le bétail des pays du Nord, à produire du bioéthanol pour nos voitures et à être ajoutées à des produits transformés. Il n'y a donc pas de cultures d'OGM vivrières qui sont destinées à aider les pays du Sud. C'est une troisième promesse qui n'a pas été tenue par l'industrie.
    Dans le cas des animaux nourris avec des OGM, on a du mal à avoir confiance aux promesses de ces mêmes compagnies qui ne les ont pas tenues de façon générale.
    Nous sommes aussi inquiets que M. Paul Mayers, qui est le vice-président des politiques et des programmes à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ait dit ceci devant ce comité lors de sa comparution il y a deux semaines. Il mentionnait
(0850)

[Traduction]

que le bilan… des produits de biotechnologie… est extrêmement positif.

[Français]

    Quand nous voyons les chiffres de Statistique Canada, nous avons du mal à voir cela de façon positive.
    Notre deuxième inquiétude porte sur la réglementation au Canada.
    Comme vous le savez, la réglementation des végétaux à caractères nouveaux est principalement entre les mains de Santé Canada, particulièrement depuis que ce ministère supervise l'Agence canadienne d'inspection des aliments, soit depuis 2013.
     Pour établir la réglementation canadienne sur les nouveaux OGM, principalement les nouveaux végétaux, dans la grande majorité des cas, Santé Canada se base uniquement sur les données rapportées par l'industrie. Cela nous inquiète. Il n'y a jamais eu d'étude à long terme menée par Santé Canada sur l'innocuité des OGM. Nous aimerions que cela se fasse.
     Lors de sa comparution devant ce comité il y a environ deux semaines, Mme Karen McIntyre, directrice générale de la Direction des aliments à Santé Canada, a dit que le ministère était très transparent et qu'il était possible de voir sur son site toutes les études qui avaient été prises en compte pour l'acceptation du saumon OGM. Après avoir écouté cette séance de comité, je suis allé sur le site de Santé Canada. Or force est de constater que les documents disponibles sur Internet ne citent aucune étude par rapport au saumon OGM. Même une demande d'accès à l'information ne nous permet pas d'obtenir cette information.
    Comme vous le savez, en sciences, un des piliers fondamentaux est de permettre aux communautés scientifiques de refaire des analyses, de comparer et d'évaluer des données, et malheureusement, c'est actuellement impossible au Canada. On ne sait pas sur quelles études se base Santé Canada pour accepter ou non les OGM, en l'occurrence le saumon. On n'a même pas le titre de ces études.
    Dans le cas du saumon OGM, Santé Canada nous dit que le ministère ne s'est pas basé uniquement sur les données de l'industrie, donc dans ce cas-ci d'AquaBounty, qui est la compagnie qui veut mettre ce produit sur le marché, mais aussi sur l'ensemble de la littérature scientifique. Par contre, quand on regarde cela de plus près, on s'aperçoit que la grande majorité de la littérature scientifique dans le monde provient d'AquaBounty. Santé Canada a beau dire que le ministère se base sur l'ensemble de la littérature scientifique, mais celle-ci est malheureusement faible par rapport aux études de l'industrie. Cela nous préoccupe.
    Nous voudrions non seulement que la réglementation au Canada ne soit pas basée uniquement sur l'innocuité ou la non-innocuité de ces OGM, mais aussi que d'autres facteurs soient pris en compte, notamment l'impact économique. On se rappellera que l'introduction du lin et de la luzerne a fermé énormément de marchés à nos agriculteurs. Nous sommes donc inquiets qu'il n'y ait pas d'étude économique par rapport à l'introduction des nouveaux OGM.
    Nous sommes aussi inquiets par rapport aux conséquences environnementales. Il y a 20 ans, de nombreuses personnes avaient déjà anticipé l'apparition de mauvaises herbes et l'augmentation de l'utilisation de produits à base de glyphosates. Il n'y a pas eu d'étude assez stricte, à notre avis, sur les conséquences environnementales de l'introduction des OGM.
    Aussi, on s'aperçoit qu'il n'y a pas eu d'étude sur l'acceptation sociale. Personne n'a été consulté par rapport aux OGM, que ce soit la population ou même les producteurs. On n'a pas consulté les producteurs de pommes du Québec au sujet de la pomme OGM, par exemple. La luzerne OGM, qui est déjà sur le marché au Québec, inquiète beaucoup l'Union des producteurs agricoles, qui demande un moratoire à ce sujet.
    Nous sommes inquiets. Nous aimerions que la réglementation soit plus transparente quant à l'innocuité, mais aussi que d'autres facteurs soient pris en compte.
    Pour ce qui est de l'étiquetage obligatoire des OGM, au-delà de l'information qui doit être transmise aux consommateurs, il faut dire que le droit de savoir ce qu'on consomme est un droit fondamental reconnu par l'ONU. Ce n'est pas forcément que pour des motifs de santé humaine, mais aussi pour des questions éthiques, religieuses et environnementales. Cela fait plus de 20 ans. Avant de venir ici, j'ai fait circuler des sondages qui ont été faits depuis 1994 au Canada et qui montrent qu'une majorité écrasante de Canadiens et de Canadiennes souhaite l'étiquetage obligatoire des OGM. Nous sommes dans un pays démocratique. Puisqu'une aussi forte majorité le demande depuis longtemps, le gouvernement aurait dû avoir adopté ce type de réglementation il y a longtemps déjà. En fait, 64 pays dans le monde en ont déjà adopté une. Ce n'est pas quelque chose d'unique que nous ferions en premier.
    On s'aperçoit aussi que si on laisse le marché réguler lui-même l'étiquetage, cela ne marche pas. En 2004, le gouvernement libéral a voté en faveur d'un étiquetage volontaire, et depuis, à ma connaissance, aucune compagnie n'a indiqué sur l'emballage de ses produits qu'ils contenaient des OGM. On ne doit pas laisser le marché réguler l'étiquetage. Cela doit être laissé au gouvernement.
    Comme je sais que le mandat de votre comité est de déterminer quelles mesures devraient être mises en place pour informer le public, notre première recommandation est de mettre en place un étiquetage obligatoire des OGM qui permettrait non seulement aux consommateurs de savoir ce qu'ils mangent, mais aussi aux agriculteurs de savoir ce que certains produits contiennent. Comme vous le savez, la plupart des OGM sont destinés aux animaux. L'agriculteur devrait savoir ce qu'il donne à manger à ses animaux, tout comme le consommateur devrait savoir ce qu'il donne à manger à sa famille et à ses enfants.
    Il est urgent d'agir avant que le saumon OGM n'arrive sur le marché, potentiellement dans quelques années. Il se pourrait que les consommateurs rejettent, de façon globale, ce produit.
    Nous avons une deuxième recommandation. Nous souhaitons avoir une réglementation plus transparente. Comme on l'a vu, ce n'est pas le cas actuellement de la part de Santé Canada. Nous aimerions que la santé ne soit pas l'unique facteur pris en compte pour la réglementation des nouveaux OGM qui entrent sur le marché, mais qu'on considère aussi des facteurs comme l'environnement, l'économie et l'acceptation sociale.
    Je vous remercie.
(0855)
     Je vous remercie, monsieur Rehn, de nous avoir livré cette excellente présentation.

[Traduction]

    Les membres du comité vont maintenant poser des questions aux témoins.
    Monsieur Anderson, vous avez six minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
    Madame Salmon, vous avez dit dans votre exposé que votre industrie aurait la possibilité de doubler de taille. À votre avis, de quelle façon cela pourrait-il se produire et dans quels délais?
    Nous avons examiné ce que notre industrie pourrait faire, compte tenu des niveaux d'investissement existants, si certains changements étaient apportés aux politiques, à la législation et aux programmes. Nous disons depuis longtemps que le cadre réglementaire est complexe et difficile à comprendre et qu'il décourage l'investissement. Nous avons défini une stratégie pouvant favoriser l'investissement. En parlant à nos sociétés membres, nous savons que serions prêts à investir si les conditions sont favorables. C'est ainsi que nous avons déterminé qu'il serait possible de doubler la taille de notre industrie d'ici 2024.
    Ce sont des chiffres réalistes qui tiennent compte de ce que l'industrie est prête à investir si elle a accès à de nouveaux sites, peut profiter de nouvelles modifications et peut compter sur un cadre réglementaire et législatif approprié.
(0900)
    Vous parlez de la réglementation de votre industrie en général, et non dans le contexte de l'approbation des OGM.
    C'est exact. Les OGM ne font pas partie de nos plans visant une expansion responsable et durable. Nous croyons pouvoir nous développer en utilisant nos technologies actuelles.
    D'accord. Par conséquent, vous ne vous êtes pas prononcés contre la nouvelle technologie.
    Je m'interroge simplement sur ce qu'il faudrait pour que votre industrie accepte cette technologie. Est-ce l'acceptation de votre clientèle? Quel est le principal facteur?
    C'est une bonne question.
    Cela fait longtemps que nous avons clairement dit que nous n'accepterions la nouvelle technologie qu'à deux conditions. Il faudrait premièrement que les organismes de réglementation du Canada et des États-Unis l'approuvent, ce qui est déjà fait. Deuxièmement, il faudrait que cela corresponde à la demande du marché. C'est là un facteur clé parce que nous livrons un produit de qualité qui fait l'objet d'une forte demande. À l'heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande du marché. Nos acheteurs et nos clients nous disent qu'ils veulent avoir davantage de nos produits actuels. Les aliments génétiquement modifiés ne les intéressent pas.
    Vos acheteurs vous disent que cela ne les intéresse pas, même à ce stade et en dépit du fait que le produit peut vraisemblablement être plus rapidement prêt pour la consommation, et qu'ils pourraient donc avoir de plus gros poissons dans un laps de temps plus court?
    Cela ne les intéresse pas. Nous n'avons donc aucun intérêt à vendre un tel produit.
    Il arrive souvent que l'industrie finance la recherche en agriculture ou dans d'autres domaines. Est-ce que votre secteur a financé cette recherche ou y a participé?
    Non, les membres de mon association n'ont pas participé.
    Encore une fois, il s'agit pour nous de déterminer les obstacles que notre industrie doit surmonter à l'avenir. Cette question n'en fait pas partie.
    D'accord.
    À votre avis, quels sont les défis particuliers à relever en ce qui concerne l'approbation des animaux génétiquement modifiés? C'est le sujet de notre étude. Nous ne parlons pas de santé et de sécurité car, malgré ce que nous avons entendu ce matin, d'importantes études ont été faites — on nous a parlé, je crois, d’un repas sur 1 000 milliards — sans révéler d'effets négatifs des produits GM sur le système alimentaire.
    Quels sont donc, à votre avis, les problèmes particuliers des animaux génétiquement modifiés?
    Ce n'est pas un problème que nous avons à affronter. Nous croyons fermement que nous pouvons nous développer d'une manière responsable et durable sans avoir recours à la modification génétique. Nous avons participé pendant quelques années à des programmes de croisement sélectif qui ont permis de créer du poisson de haute qualité correspondant à la demande du marché. C'est notre objectif. C'est l'orientation que nous voulons prendre pour l'avenir.
    Nous croyons en même temps qu'il est important d'avoir ce genre de conversation. Nous sommes en faveur de mesures pouvant permettre aux consommateurs d'avoir accès à des renseignements exacts sur ce qu'ils mangent et sur les modes de production afin d'être en mesure de prendre des décisions éclairées. En fin de compte, nous appuierons certainement les décisions que le gouvernement prendra à cet égard.
    L'approbation du saumon AquAdvantage a suscité, comme on pouvait s'y attendre, des commentaires tant positifs que négatifs dans les médias. À votre avis, de quelle façon le public devrait-il être informé de ces nouveaux produits? Croyez-vous qu'il faudrait améliorer la communication de l'information, ou bien faut-il laisser les groupes intéressés diffuser l'information, puis en discuter par la suite?
    Je crois que c'est une importante discussion. Je ne pense pas qu'il faille aller beaucoup plus loin que cela, à part le fait que tous nos membres se sont engagés à communiquer des renseignements exacts au public. Nous appuierons certainement la décision du gouvernement et nous nous y conformerons. Nous croyons que c'est une importante discussion et nous comprenons que la question a de nombreuses ramifications.
(0905)
    Le processus d'approbation comprend un examen approprié des questions de santé et de sécurité, qui ne font donc pas partie de notre étude. Je crois que nous nous entendons sur ce point. Pensez-vous que les partisans de la modification génétique des animaux doivent affronter un manque de connaissance de cette technologie dans le public, et qu'ils ont besoin de donner plus de renseignements pour persuader les gens, ou bien croyez-vous que le problème va plus loin?
    Je pense que nous avons un rôle à jouer dans la communication de renseignements exacts sur nos produits. C'est donc un peu des deux.
    Merci, monsieur Anderson.
    Madame Lockhart, vous avez six minutes.
    Madame Salmon, votre industrie constitue pour nous un bon cas à examiner. Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'historique de l'aquaculture? Quand avons-nous commencé à faire de l'aquaculture pour approvisionner les consommateurs en saumon?
    C'est une bonne question. Au Canada, nous avons des élevages de mollusques depuis très longtemps. Nous ne pratiquons la salmoniculture que depuis 35 ans. Au cours de cette période, l'industrie s'est certainement développée, mais pas au même rythme que dans le reste du monde. Nos concurrents de Norvège, d'Écosse et du Chili ont connu une croissance beaucoup plus rapide que la nôtre. La demande est forte partout dans le monde. En fait, notre production n'a presque pas augmenté dans les 12 ou 13 dernières années et, comme je l'ai dit à votre collègue, c'est surtout à cause des difficultés réglementaires. Quoi qu'il en soit, l'industrie existe au Canada depuis environ 35 ans.
    Dans les débuts de l'industrie, avez-vous eu des difficultés à persuader les consommateurs d'acheter votre produit plutôt que du saumon sauvage? Qu'est-ce que les consommateurs préféraient à ce moment-là?
    C'est une question intéressante. Il y a évidemment dans la population des gens qui critiquent l'industrie simplement parce qu'ils ne la connaissent pas assez. Je veux dire qu'une période de 35 ans n'est pas très longue par rapport aux autres produits de l'agriculture. Je peux dire en même temps que le marché a accepté très rapidement le saumon d'élevage parce que le produit est de haute qualité. Il a été bien accueilli au tout début.
    En ce qui concerne la dernière question, nous avons encore du travail à faire. Nous accordons beaucoup d'importance aux renseignements à donner aux consommateurs au sujet de notre industrie: nos méthodes d'élevage, les pratiques exemplaires que nous utilisons, le fait que nos technologies sont fondées sur la science et que toutes les sociétés qui s'occupent de salmoniculture au Canada se conforment à une norme mondiale, ce qui signifie qu'elles vont au-delà de ce qu'exige la réglementation.
    Nous continuons à informer le public car, comme vous le dites, une période de 35 ans n'est pas tout à fait suffisante pour que les consommateurs adoptent sans réserve une nouvelle industrie. Par conséquent, nous continuons à sensibiliser le public.
    Vous êtes donc d'avis que les consommateurs doivent être bien renseignés sur le produit qu'ils consomment…
    Absolument.
    … et qu'il incombe à l'industrie, au moins dans une certaine mesure, de fournir ces renseignements.
    L'industrie aura toujours un rôle à jouer dans l'information sur les produits. Nous prenons cela très au sérieux. D'autres ont sans doute un rôle à jouer, mais vous avez absolument raison de croire que l'information des consommateurs est très importante lors de l'adoption de n'importe quelle nouvelle technologie.
    D'accord.
    Dans vos discussions, l'étiquetage a sûrement été évoqué comme moyen de faire la distinction entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage. Avez-vous jamais eu à vous conformer à des exigences d'étiquetage? Votre industrie a-t-elle pris des mesures quelconques à cet égard?
    C'est une question intéressante.
    Nous croyons qu'il y a sur le marché une forte demande de saumon aussi bien sauvage que d'élevage. Jusqu'à l'approbation du saumon génétiquement modifié, est-ce que les deux types de poissons étaient disponibles sur le marché, venant du secteur de l'aquaculture ou du secteur traditionnel de la pêche? Nous avons toujours estimé que les consommateurs devraient manger plus de saumon et qu'il y a de la place sur le marché pour les deux types. Santé Canada recommande aux gens de consommer du saumon deux fois par semaine. Au Canada, nous n'en consommons même pas deux fois par mois. Nous ne considérons pas les producteurs de saumon sauvage comme des concurrents. Nous voulons inciter les gens à consommer davantage de produits de la mer.
    Est-ce que cela répond à votre question?
(0910)
    Oui. J'essaie simplement de déterminer les antécédents de l'aquaculture et de comparer sa situation à celle que nous aurons lorsque le saumon génétiquement modifié sera mis en marché. J'aimerais aussi connaître les raisons qui expliquent la croissance de l'aquaculture. Je crois que vous avez présenté quelques bons arguments.
    Exactement. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande. Nos membres me disent souvent qu'ils pourraient vendre le double de leur production de saumon s'ils avaient la possibilité d'en produire davantage. Nous n'avons jamais eu à nous défendre contre le secteur du saumon sauvage. Nous nous efforçons plutôt encourager les gens à consommer plus de saumon et à travailler avec nos politiciens et les responsables du gouvernement fédéral pour améliorer le cadre réglementaire et législatif, de façon à pouvoir nous développer d'une manière durable et responsable afin de répondre à la demande.
    Je comprends. Merci beaucoup.
    Merci, madame Lockhart et madame Salmon.

[Français]

     Madame Brosseau, vous avez la parole et vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier les deux témoins qui comparaissent aujourd'hui devant le Comité.
    Monsieur Rehn, je vous remercie de votre présentation.
    Plusieurs pays ont déjà mis en vigueur des mesures pour rendre obligatoire l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés. L'Union européenne, par exemple, a déjà adopté des politiques en ce sens. Au Canada, l'étiquetage de ces aliments n'est pas obligatoire parce que le gouvernement canadien considère qu'ils n'ont pas d'incidence sur la santé ou sur la qualité nutritionnelle.
    À cet égard, ce n'est pas la première fois que des projets de loi émanant d'un député sont déposés devant le Parlement et aborde cette question. Au cours de la présente session, mon collègue Pierre-Luc Dusseault a déposé le projet de loi C-291, qui exige l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés. Je pense que c'est important. Vous avez bien expliqué dans votre présentation que nous avons le droit de savoir ce qui se retrouve dans notre assiette et ce que nous mangeons. Ce n'est pas uniquement pour des raisons de santé puisque cela soulève aussi des questions d'éthique et d'environnement, voire de religion.
    Selon vos études, le prix du panier d'épicerie pourrait-il augmenter si le Canada exigeait l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés?
    C'est une question qu'on nous a souvent posée.
    Quand nous avons lancé au Québec une campagne en faveur de l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés, nous avons demandé à des chercheurs de l'Université de Montréal de voir quelles études avaient été publiées sur les conséquences de cette mesure sur les prix des aliments. Or nous notons qu'il n'existe pas d'étude démontrant que le prix du panier d'épicerie a augmenté.
    Aux États-Unis, l'industrie s'est battue pendant des années pour empêcher l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés parce que, selon elle, cela allait augmenter énormément ses coûts de production et que les consommateurs en subiraient les conséquences sous forme de hausses de prix.
    Or depuis que le Vermont a adopté l'étiquetage obligatoire le 1er juillet dernier, des compagnies comme Campbell et Kellogg's, qui sont des géants de l'alimentation, ont adapté leur marché et ont commencé à changer leurs emballages. En fait, ils ont entamé ce processus avant même que la loi ne soit en vigueur au Vermont. Des représentants de ces compagnies nous ont dit ouvertement que ce n'était pas plus cher, qu'ils changeaient de toute façon leurs emballages régulièrement pour s'adapter aux goûts des consommateurs et que ces derniers n'auraient donc pas à subir de hausses de prix.
    Bref, il n'y a pas eu d'augmentation de coûts depuis que Campbell et Kellogg's ont pris ces mesures. Nous doutons par conséquent que l'augmentation des prix soit significative pour le consommateur.
     On a mentionné notamment qu'il n'y avait pas suffisamment d'espace sur les étiquettes. Ce n'est pas toujours clair quand on va à l'épicerie et qu'on essaye de déchiffrer les données sur les valeurs nutritives de certains produits. Le dépistage de certains produits au Canada est parfois difficile.
     Vous avez aussi parlé du besoin d'effectuer des études et de faire en sorte que les Canadiens soient consultés afin qu'ils aient confiance. Il est nécessaire d'avoir des études sur les impacts économiques et environnementaux. Il y a d'ailleurs des préoccupations au Québec concernant la luzerne.
    Vous avez dit plus tôt que les producteurs et les Canadiens n'étaient pas consultés sur la question des pommes génétiquement modifiées. Pourriez-vous nous en dire davantage sur l'importance d'avoir des études approfondies et, surtout, de consulter les Canadiens pour s'assurer qu'ils ont la volonté d'acheter ces produits? Je ne sais pas si les Canadiens et les Canadiennes seraient prêts à acheter des saumons génétiquement modifiés sachant qu'aux États-Unis, 80 chaînes de  détaillants refusent de vendre ces saumons génétiquement modifiés.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur l'importance d'avoir des études approfondies et de consulter les Canadiens à ce sujet?
(0915)
    Comme je le disais précédemment, les OGM sont sur le marché depuis 20 ans. On s'aperçoit que le gouvernement canadien dépense énormément d'argent pour essayer de convaincre les gens de l'innocuité de ces produits, mais cela ne fonctionne toujours pas. Santé Canada a publié un sondage récemment et celui-ci a été transmis il y a deux semaines au Comité. On s'aperçoit que, de façon globale, les gens doutent de l'innocuité des OGM. C'est aussi pour cela que ce comité a été créé.
    La transparence est importante en ce qui a trait aux études scientifiques. On voudrait que plus d'argent soit attribué à Santé Canada, afin que le ministère mène lui-même ses propres études. Si on dit aux consommateurs — comme c'est le cas actuellement — que la plupart des études sont menées par l'industrie — pas toutes, mais la majorité d'entre elles  —, il est difficile pour le consommateur de croire en ces produits parce qu'il se dit que l'organisation qui mène ces études est celle qui veut vendre ces produits. Il y a donc un grand manque de confiance.
    Par ailleurs, comment peut-on demander à un consommateur de faire confiance à un produit quand le but des compagnies est de cacher le contenu de ces produits puisqu'elles ne veulent pas d'étiquetage? On ne peut pas demander à quelqu'un d'avoir confiance en un produit quand l'information à son sujet est cachée. L'étiquetage est aussi quelque chose d'important à mettre en place.
    Selon les sondages, depuis plus de 20 ans, une forte majorité de Canadiens demande l'étiquetage obligatoire des OGM. La position des transformateurs est peut-être mitigée, mais je pense que les Canadiens veulent avoir de l'information sur les aliments qu'ils consomment.

[Traduction]

    Madame Salmon, vous avez dit dans votre témoignage qu'il est vraiment important que les Canadiens sachent ce qu'ils ont dans leur assiette, qu'il s'agisse de saumon sauvage ou d'élevage, et que vous appuyez…
    Madame Brosseau, votre temps de parole est écoulé. Je vais vous laisser finir votre question et écouter une réponse rapide.
    Votre organisation est-elle en faveur de l'étiquetage du saumon génétiquement modifié? Si le gouvernement imposait l'étiquetage des aliments GM, appuieriez-vous aussi cette décision?
    Rapidement, s'il vous plaît.
    Oui, nous appuierons sûrement la décision du gouvernement, quelle qu'elle soit.
    Merci, madame Brosseau.

[Français]

    Monsieur Breton, vous avez la parole et vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais poursuivre dans la même veine que ma collègue et aborder la question de l'étiquetage.
    Monsieur Rehn, vous êtes en faveur de l'étiquetage obligatoire des OGM. Vous avez parlé de la confiance et de l'information pour les consommateurs qui s'intéressent à ce qu'il y a dans leur assiette et à ce qu'ils achètent.
    Selon vous, quels sont les principaux arguments de la part de ceux qui ne souhaitent pas l'ajout d'un étiquetage particulier au sujet du saumon génétiquement modifié?
    Un des principaux arguments est la crainte que les consommateurs rejettent le produit. Vous savez sans doute que l'industrie dépense beaucoup d'argent pour développer de nouveaux produits. Si le marché n'existait pas vraiment, cela aura été selon moi un investissement un peu malheureux.
    Le deuxième argument est que cela va coûter trop cher aux détaillants. Cependant, comme on l'a vu plus tôt, il n'y a pas forcément un coût énorme associé à cela.
     Ce sont les deux arguments principaux. Cependant, la question n'est même pas de savoir si c'est bon ou non pour la santé. Le fait de savoir ce qu'on mange est une question de droits fondamentaux. En fait, cela existe déjà dans 64 pays. On parle souvent de l'Union européenne, mais il y a aussi l'Inde, la Chine et l'Australie qui ont aussi, à un certain degré, un étiquetage obligatoire. Nous sommes quand même vraiment en retard en Amérique du Nord à cet égard.
(0920)
     Oui.
    Sur les cinq plus grands pays producteurs, il y en a deux qui utilisent l'étiquetage. C'est ce vous avez mentionné et c'est ce que j'ai peut-être lu dans votre rapport.
    Oui. Il y a le Brésil et l'Inde.
    Il y a quand même trois pays producteurs sur les cinq plus grands qui n'utilisent pas l'étiquetage.
    Avez-vous de l'information à nous donner au sujet de ces trois pays?
    Oui.
    En fait, le plus grand producteur d'OGM dans le monde, ce sont les États-Unis, c'est-à-dire notre voisin. Ce pays produit environ 40 % de tous les OGM qu'on retrouve dans le monde. Par la suite, il y a le Brésil et l'Argentine, qui produisent aussi à eux deux environ 40 % des OGM. On retrouve aussi l'Inde et le Canada qui en produisent environ 6 % chacun. Pour ce qui est de l'Inde, cela porte principalement sur le coton. Il y a dans ce pays un étiquetage obligatoire, même si certains diront que la législation à cet endroit est, dirons-nous, un peu difficile à mettre en place. Quant à lui, le Brésil a lui aussi un étiquetage obligatoire, même si on y observe des lacunes par rapport aux consommateurs.
    Il y a donc cinq pays qui produisent 90 % de tous les OGM dans le monde. C'est donc un mythe de dire que cette technologie est adoptée par tout le monde. On s'aperçoit qu'après 20 ans, ce ne sont toujours que cinq pays qui produisent 90 % des OGM. Il y a eu autant d'OGM qui se trouvaient au Canada l'année dernière que dans 188 pays du monde. Ce n'est donc pas une technologie qui a été adoptée par tout le monde.
    D'accord. Je vous remercie.
    Madame Salmon, ma prochaine question s'adresse à vous.
    Il y a évidemment des études qui démontrent que le consommateur va avoir un intérêt plus marqué pour le saumon conventionnel. Je ne sais pas si vous êtes d'accord à cet égard. Vous pourriez peut-être nous informer sur ce que vous pensez à ce sujet et nous dire également qu'est-ce qui ferait en sorte que les consommateurs pourraient être davantage intéressés à acheter du saumon génétiquement modifié?
    On sait que cela a été approuvé au Canada et aux États-Unis. On risque donc d'en voir arriver sur les tablettes des magasins au cours des prochains mois.

[Traduction]

    J'aimerais revenir sur votre question précédente. Il est évident que nos membres gardent le contact avec leurs clients, aussi bien dans le commerce de détail que dans les restaurants. Partout, c'est le même son de cloche: le saumon génétiquement modifié n'intéresse pas les clients.
    Ce facteur est extrêmement important parce que nous croyons que le problème réside dans le fait que la production actuelle de saumon d'élevage ne suffit pas pour répondre à la demande du marché. Nous pensons pouvoir augmenter la production sans recourir à des modifications génétiques. Cela serait avantageux pour tous les Canadiens. Cela aiderait tant l'industrie que le Canada parce que c'est là que réside la demande des consommateurs et du marché.
    Il est donc évident que l'avancement de la technologie du saumon transgénique ne nous intéresse pas puisque ce saumon n'intéresse pas nos clients.

[Français]

    Dans cette même perspective, on sait qu'aux États-Unis, il y a aussi une réticence de la part de plusieurs chaînes de détaillants à vendre du saumon génétiquement modifié. On en connaît plusieurs dizaines, dont Costco, qui est l'un des plus gros détaillants aux États-Unis. Avez-vous une idée à formuler quant à cette tendance qui pourrait être la même ici, au Canada?

[Traduction]

    Nous savons, pour en avoir parlé avec nos membres qui sont en contact avec les acheteurs au Canada, que la tendance est exactement la même chez nous. Au Canada comme aux États-Unis, la consommation du saumon génétiquement modifié n'intéresse pas les consommateurs.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vous remercie, monsieur Breton et madame Salmon.

[Traduction]

    Pour notre deuxième tour, les membres du comité auront six minutes pour poser des questions.
    À vous, monsieur Longfield.
    Je remercie les deux témoins de leur présence au comité.
    Nous faisons vraiment de notre mieux pour mener une étude équilibrée. Vous nous donnez certains renseignements qui contredisent ce que nous avons entendu plus tôt. C'est la raison pour laquelle nous tenons ces audiences.
    Santé Canada, l'industrie, les universités, l'Agence canadienne d'inspection des aliments ainsi qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada disent tous qu'au niveau moléculaire, il n'y a aucune différence entre ce saumon et celui que nous consommons actuellement. Des études ont été réalisées depuis les années 1980, et nous arrivons au stade où ce produit est sur le point d'être mis en marché.
    Tout d'abord, j'ai une question à poser à M. Rehn au sujet des études qui ont été faites.
    Santé Canada a mené des études, de même que les universités et l'ACIA. Quelles études avez-vous examinées? Quelles lacunes y avez-vous trouvées et quelles autres recherches devrions-nous faire pour les combler?
(0925)
    Si vous avez accès à l'étude à long terme de Santé Canada relatives aux effets sur la consommation humaine, je serais très heureux de la voir parce que je crois qu'il n'existe rien dans ce domaine.
    Il n'y a pas de consensus dans les milieux scientifiques. Nous ne pouvons donc pas dire qu'en présence d'un consensus, nous n'avons pas besoin d'autres recherches parce que tout a été solidement établi. Il nous faut davantage de données scientifiques. En Europe, une lettre portant la signature de plus de 300 scientifiques du domaine de la biotechnologie dit qu'il n'y a pas de consensus concernant l'impact des OGM sur la santé.

[Français]

     La solution miracle n'est pas de dire au dernier moment qu'on a déjà fait assez de recherches scientifiques et que tout va bien. Le but est plutôt de faire davantage de recherches pour s'assurer à 100 % qu'il n'y a pas d'impact sur la santé.
    Comme je vous le dis, il ne s'agit pas seulement que des impacts des OGM sur la santé. Même si la modification génétique n'avait aucun impact, nous savons que la culture des OGM exige énormément de pesticides et que, dans la recherche scientifique, l'impact des pesticides sur la santé est bien documenté. Il y a un consensus à ce sujet, soit que les pesticides agissent négativement sur des plantes ou des insectes. Même si, du jour au lendemain, il y avait un consensus sur le fait que la modification génétique n'a pas d'impact, le fait que plus de pesticides soient utilisés globalement dans les cultures d'OGM a un impact sur l'environnement et sur la santé.

[Traduction]

    Je vais peut-être donner un peu plus de détails. Les études de l'ACIA et celles d'Agriculture Canada ont examiné l'impact des pesticides afin de s'assurer qu'ils ne sont pas transférés aux aliments que nous consommons et n'ont pas d'autres effets environnementaux. Les scientifiques de l'Université de Guelph à qui j'ai parlé se fâchent quand ils entendent dire que les aliments génétiquement modifiés sont pires que les autres parce qu'ils disent que les modifications génétiques retirent des produits chimiques de ces aliments et atténuent certains des effets négatifs de la production alimentaire sur l'environnement. Nous essayons de produire davantage d'aliments pour une planète affamée dont la population ne cesse pas de croître. Pour ces scientifiques, la génétique est un moyen de progresser.
    De toute évidence, votre groupe considère tout cela dans l'optique des impacts sociaux et d'autres impacts. Vous représentez l'autre point de vue.

[Français]

    Encore une fois, j'ai simplement à examiner les chiffres de Statistique Canada.
    Depuis l'introduction des OGM au Canada, la vente de pesticides a augmenté de 130 %. Comment peut-on dire que l'utilisation des pesticides a diminué et que leur impact sur l'environnement a diminué? C'est impossible.
     En effet, il y a eu de belles promesses qui consistaient à faire croire qu'avec les OGM, on pourrait nourrir le monde entier, faire pousser des plantes en milieu aride ou augmenter la productivité. Toutefois, ces semences d'OGM sont dans les laboratoires et ne sont pas commercialisées parce que les compagnies semencières vendent des pesticides et qu'elles ont intérêt à continuer à le faire.
    Malheureusement, elles ont bien réussi à le faire puisque la vente de leurs produits a augmenté. Il n'y a rien actuellement dans le monde pour nourrir les gens. Il y a tout ce qu'il faut, cependant, pour vendre des pesticides.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Salmon, vous avez parlé des répercussions sur l'aquaculture canadienne. J'ai écouté votre témoignage, mais je pense que le poisson dont nous parlons, qui serait mis en marché au Canada, n'aurait pas été produit par votre industrie. Considérez-vous ces producteurs extérieurs comme d'importants concurrents de votre secteur, qui se substitueraient à des entreprises canadiennes pour répondre à la demande qui existe?
    J'aimerais bien comprendre votre question. Voulez-vous savoir si, à notre avis, le saumon génétiquement modifié qui serait mis en marché au Canada pourrait concurrencer le nôtre?
    M. Lloyd Longfield: C'est bien cela.
    Mme Ruth Salmon: Encore une fois, nous prenons nos décisions et faisons des plans d'avenir en fonction du marché actuel et des clients de nos sociétés membres. Ces clients nous disent que ce produit ne les intéresse pas. Par conséquent, nous ne considérons pas qu'il s'agit d'une menace.
    Nous ne nous opposons pas à l'approbation du saumon génétiquement modifié, mais cette technologie n'intéresse pas nos membres.
    Je ne crois pas que Santé Canada autorise la production de ce saumon au Canada.
    C'est exact.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Longfield.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à M. Shipley pour six minutes.

[Traduction]

    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je trouve toujours très intéressantes les observations comme celles de M. Rehn, par exemple, qui dit que ces technologies ne présentent pas d'intérêt pour le grand public. D'autres témoins ont parlé du manque d'intérêt pour les producteurs. Nous savons pourtant que quelque 18 millions d'agriculteurs utilisent des OGM dans leur exploitation. Dans le domaine des semences, j'ai également découvert, en parlant à des négociants de mon coin, que les semences qui ont subi les traitements les plus avancés et qui coûtent le plus cher — une centaine de dollars ou plus juste pour ensemencer une acre — sont les plus vendues. Quand j'entends cela, je me demande toujours ce qu'en penserait un témoin qui affirme que cela ne présente aucun intérêt pour les agriculteurs, alors que ceux-ci voient dans ces technologies de grands avantages économiques et environnementaux.
    De plus, nous avons en main un rapport venant de l'American Council on Science and Health, qui présente une analyse de 147 études faites non seulement au Canada et aux États-Unis, mais un peu partout dans le monde, sur l'impact du soja, du maïs et du coton génétiquement modifiés, sur l'utilisation des pesticides et sur les bénéfices des agriculteurs. L'étude aboutit à la conclusion que les rendements agricoles ont augmenté de 22 %, que les profits des agriculteurs se sont accrus de 68 % et que les technologies génétiques ont réduit de 37 % l'utilisation des pesticides chimiques.
    Nous aurons toujours ces discussions, mais je peux vous dire d'après mon expérience sur le terrain… Je suppose que lorsque nous parlons d'aquaculture et de saumon génétiquement modifié, il n'est pas question de sécurité et d'autres aspects. Il est déjà établi que ces produits sont sûrs. Ce que nous voulons savoir, c'est comment les commercialiser parce que nous avons une idée claire des avantages, et pas seulement des profits réalisables… Certains diront que les grandes entreprises ne s'intéressent qu'au profit. En réalité, il s'agit de l'agriculteur. Si nous n'avons pas un secteur agricole et une industrie aquacole économiquement solides, nous ne pourrons pas garantir la production d'aliments salubres à un prix abordable pour le consommateur.
    Cela dit, je peux juste poser une question à M. Rehn. Y a-t-il en fait des produits génétiquement modifiés que vous trouvez acceptables?
(0930)

[Français]

     Oui.
    L'organisme que je représente n'est pas contre la science. Quand des gens souffrent du diabète, ils utilisent de l'insuline qui provient d'une plante génétiquement modifiée qui sécrète cette substance. Nous sommes totalement d'accord à ce sujet. À partir du moment où cela reste dans un laboratoire, qu'il n'y a aucune contamination possible et que c'est fait dans le but d'aider des gens, nous sommes d'accord avec ce type de technologies.

[Traduction]

    Madame Salmon, comme je l'ai mentionné, je crois que la question concerne surtout la commercialisation. Vous avez dit que les détaillants et les consommateurs sont réticents, mais quand on examine le régime… Vous avez parlé du régime scientifique ou du régime d'approbation des aliments conventionnels par rapport aux aliments GM, affirmant que, dans ce dernier cas, le régime est très complexe et difficile à comprendre. Pourtant, lorsque nous parlons aux responsables de Santé Canada, d'Agriculture Canada et de l'ACIA, ils nous disent que le processus d'approbation des OGM est beaucoup plus rigoureux que pour les produits conventionnels parce qu'ils doivent tenir compte des aspects environnementaux et de la salubrité des aliments.
    J'ai du mal à comprendre pourquoi un organisme de commercialisation ou un détaillant n'offrirait pas aux consommateurs le choix entre les aliments conventionnels, le poisson sauvage ou le poisson génétiquement modifié. Nous le faisons dans le cas des aliments conventionnels et des produits biologiques.
    Qu'en pensez-vous? Je crois qu'il appartient à l'industrie de décider. Comment une industrie fait-elle pour répondre à la demande? Vous parlez de manger du saumon deux fois par semaine.
    C'est exact.
    Nous devrions prendre deux repas de poisson…
(0935)
    Nous devrions manger du poisson deux fois par semaine, mais au Canada, nous ne le faisons qu'environ deux fois par mois.
    Nous en sommes à peu près à deux fois par mois.
    Oui.
    Comment pouvons-nous répondre à cette demande sans que l'industrie offre aux consommateurs tout ce qu'elle peut produire? À votre avis, comment l'industrie peut-elle collectivement contribuer à la promotion de cet objectif?
    Vous soulevez quelques questions vraiment importantes sur les moyens d'augmenter la consommation intérieure de poisson et de fruits de mer. C'est un sujet beaucoup plus vaste que la discussion que nous avons concernant la technologie de la modification génétique.
    De ce point de vue, je crois qu'il y a beaucoup de choses que nous devons faire collectivement, non seulement au niveau de l'industrie, mais de concert avec le gouvernement et les détaillants, afin d'inciter les gens à consommer davantage de poisson et de fruits de mer.
    J'essaie d'établir que le problème n'est pas du tout que l'industrie existante n'a pas le potentiel de se développer d'une manière responsable et durable qui présente des avantages socio-économiques pour les collectivités rurales et côtières. Nous avons ce potentiel. Nous avons aussi des plans pour faire croître l'industrie d'une façon responsable.
    Merci, madame Salmon.
    C'est une question différente d'essayer d'augmenter la consommation.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Shipley.

[Français]

     Monsieur Drouin, vous avez la parole et vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux remercier les témoins d'être ici parmi nous aujourd'hui.
    Comme mes collègues l'ont dit, cela fait quelques rencontres que nous tenons pour étudier le sujet des animaux GM, spécifiquement le saumon, aux fins de consommation humaine.
    Ma question s'adresse à M. Rehn.
     Il y a de cela 2 ou 3 semaines, nous avons reçu des producteurs de boeuf. Ils nous expliquaient que, même si cela fait pratiquement 20 ans que leurs animaux mangent des grains faits à partir d'OGM, il n'y a pas de traces d'OGM dans la viande. Il serait donc logique de déduire que, même si les humains mangent du saumon génétiquement modifié, il n'y aura probablement pas de trace d'OGM dans leurs corps.
    Cela nous amène au débat sur la question de l'étiquetage. Est-ce que le gouvernement devrait s'ingérer dans des questions non scientifiques comme l'étiquetage ou devrait-il imposer l'étiquetage obligatoire comme d'autres pays l'ont fait?
    Vous avez mentionné plus tôt la question du diabète. Vous savez qu'au Canada, l'étiquetage doit être bilingue, soit en français et en anglais. Les étiquettes apposées sur les produits sont déjà de petite taille. Dans l'éventualité où le Canada obligerait les producteurs ou les transformateurs à étiqueter leurs produits, n'allons-nous pas sacrifier de l'espace qui pourrait être consacré à des informations sur la santé? Par exemple, quelqu'un qui a le diabète doit examiner différentes données afin de se nourrir convenablement.
    Qu'est-ce que vous répondez à cette question? Comment d'autres pays ont-ils géré cet aspect?
    Cette question a été abordée dans les différentes présentations, comme ce fut le cas dans la mienne.
    Je suis allé dans un supermarché et j'ai examiné les boîtes de céréales afin de savoir quelle place est laissée aux informations, que ce soit en matière de nutrition, de listes d' ingrédients ou de logos. Je me suis aperçu que la place réservée à l'information nutritionnelle est, proportionnellement à l'emballage global, très minime. En fait, il reste quand même encore beaucoup de place sur l'emballage. Nous voudrions un étiquetage similaire à celui des produits organiques et biologiques avec un logo sur la face principale du contenant. Le consommateur, qui doit faire un choix assez rapide dans un supermarché, pourrait savoir tout de suite si un produit contient des OGM. De plus, il pourrait y avoir une liste par ingrédients afin de savoir lequel est d'une certaine façon génétiquement modifié. Les gens verraient qu'il s'agit souvent du canola, du soya et du maïs — ou encore du coton, mais il est rarement présent dans nos aliments. Il y a quand même encore beaucoup de place sur les étiquettes. Je suis allé le vérifier au supermarché. Il n'y a pas de raison de sacrifier l'un pour l'autre.
    Cependant, si ce n'est pas pour des raisons de santé, pourquoi le gouvernement devrait-il intervenir?
    Aujourd'hui, nous parlons des OGM. Dans 10 ans, les consommateurs pourraient avoir d'autres préoccupations. Alors, pourquoi cela devrait-il être le rôle du gouvernement d'intervenir et non celui des consommateurs de demander aux producteurs d'étiqueter correctement ces produits? Les producteurs organisent le marketing en fonction de ce que les consommateurs veulent obtenir. Cela se voit surtout en ce qui concerne les produits organiques. À présent, l'étiquette indique qu'ils ne contiennent pas d'OGM. Nous constatons déjà une tendance au sein de l'industrie. J'ai simplement de la difficulté à comprendre pourquoi le gouvernement devrait intervenir si ce n'est pas pour une raison de santé.
(0940)
     Vous savez déjà que le gouvernement intervient quand ce n'est pas forcément une raison de santé. Il y a déjà des étiquetages qui ne sont pas uniquement basés sur la santé. Ils peuvent être basés sur le caractère de ce qu'on appelle « organique ». Cela peut porter sur la santé, l'éthique et l'environnement. Il existe des étiquetages basés sur des considérations religieuses comme ceux qui affichent les mentions « halal » ou « kascher ». À l'heure actuelle, le gouvernement ne réglemente pas uniquement sur la santé.
    En ce qui concerne votre question sur l'industrie, on s'est aperçu, comme je l'ai dit dans mon témoignage, que si on laisse le marché se réguler lui-même, cela ne fonctionne pas. L'étiquetage volontaire existe depuis 2004 et aucune compagnie n'a sciemment, à ma connaissance, indiqué sur son produit qu'il contenait des OGM. Ultimement, c'est un droit fondamental qui doit être respecté par le gouvernement canadien.
    Sur cette question, quand le gouvernement joue un rôle dans l'étiquetage non obligatoire — et nous en avons entendu parler avec Santé Canada, Agriculture et agroalimentaire Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments —, il regarde la véracité de ces commentaires, à savoir s'il est vrai que ces produits ne contiennent pas d'OGM.
    On fait souvent référence à une tierce partie. C'est de cette façon que le gouvernement intervient, mais il laisse les compagnies commercialiser leurs produits ou faire leur propre marketing. Il ne vérifie que la véracité des commentaires sur l'étiquetage pour savoir si c'est vrai ou non, mais son avis est quand même basé sur une tierce partie. Ainsi, le gouvernement ne rend pas l'étiquetage obligatoire, mais il réglemente de façon à savoir si le produit n'induit pas les consommateurs en erreur.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 50 minutes.
    Vous me dites qu'il me reste vraiment 50 minutes?
    Je m'excuse. Je voulais dire 50 secondes.
    Vous avez donc le temps de me poser des questions.

[Traduction]

    Madame Salmon, vous avez dit dans votre témoignage que les consommateurs ont clairement fait savoir qu'ils ne voulaient pas de produits génétiquement modifiés en ce moment. Si ces mêmes consommateurs déclaraient dans cinq ans qu'ils ont beaucoup entendu parler des produits transgéniques et que les données scientifiques publiées sont plus claires, votre position changerait-elle ou bien continueriez-vous à dire que vous pouvez répondre à la demande du marché avec les technologies actuelles?
    Je suppose que, dans votre alliance, si un producteur adoptait la nouvelle technologie — la société qui la propose affirme qu'elle permet d'accélérer sensiblement la production —, il bénéficierait alors d'un avantage concurrentiel. Si ce producteur faisait partie de votre alliance, est-ce que cela vous occasionnerait des difficultés, ou bien votre alliance serait-elle disposée à adopter une nouvelle vision ou une nouvelle stratégie?
    Vous venez de définir exactement le critère en fonction duquel nous orientons notre politique. C'est la demande du marché. Nous voulons produire du poisson de haute qualité qui fait l'objet d'une forte demande. C'est ce que nous faisons actuellement. Il serait très difficile de prédire l'évolution des préférences du consommateur dans les 10 ou 15 prochaines années. Quoi qu'il en soit, nous voulons rester à l'écoute de la demande du marché.
    Merci.
    Cela met fin à la première partie de notre réunion concernant les OGM. Je tiens à remercier Mme Salmon et M. Rehn pour leur excellente participation qui nous aidera certainement à rédiger notre rapport.
    Nous allons faire une pause de quelques minutes en attendant l'arrivée des témoins suivants. La séance reprendra immédiatement après.
(0940)

(0945)
    Nous allons maintenant entreprendre la seconde partie de notre réunion.
    Monsieur Shipley.
    Monsieur le président, je ne veux pas interrompre les témoins pendant qu'ils présentent leurs exposés. J'ai une motion dont nous avons parlé, probablement à notre avant-dernière réunion. Elle concerne l'initiative du gouvernement ayant trait à une taxe sur le carbone qui aura de lourdes conséquences partout dans le pays ainsi que les répercussions qu'elle pourrait avoir sur différentes industries et personnes.
    J'ai déposé la motion. En voici le texte:
Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire réalise une étude prébudgétaire des effets qu'aurait la taxe sur le carbone que vient d'annoncer le gouvernement libéral sur le secteur agricole et les producteurs, que l'étude s'échelonne sur au moins quatre réunions que le Comité tiendra dès que possible, que des représentants du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et du ministère de l'Environnement et du Changement climatique assistent à au moins une réunion, et que le Comité fasse rapport de ses conclusions et de ses recommandations au ministre de l'Agriculture au plus tard le 15 février 2017.
    La motion permet au comité d'entendre des témoignages concernant les répercussions de cette décision, quelles qu'elles soient, sur l'industrie et sur les producteurs eux-mêmes. Si le comité tient des audiences à l'extérieur d'Ottawa, nous savons que cette question sera abordée. Bien sûr, nous n'avons pas à entendre tout le monde en personne. Grâce à la technologie des vidéoconférences, les producteurs et les particuliers pourront nous présenter leur point de vue sans avoir à se déplacer.
    Monsieur le président, je propose cette motion et je demande qu'un vote ait lieu à son sujet.
(0950)
    Merci, monsieur Shipley.
    Monsieur Drouin.
    Je ne m'oppose pas nécessairement à la motion, mais avec cette date du 15 février 2017, le sujet risque d'empiéter sur notre étude relative à la politique agricole.
    Je pense en outre qu'il est beaucoup trop tôt pour s'occuper de cette question. Je sais que la Colombie-Britannique a une taxe sur le carbone depuis quelque temps déjà, mais son modèle est différent de celui de l'Ontario et du Québec. Je crois que nous devrions attendre pour voir ce que les autres provinces adopteront avant d'avancer dans cette direction. Par conséquent, je voterai contre la motion.
    Monsieur Shipley.
    La date mentionnée dans la motion se situe à la mi-février de l'année prochaine. Nous n'avons donc pas à agir tout de suite.
    Une taxe sur le carbone aurait des effets sensibles sur l'agriculture et nos producteurs. Je propose cette motion pour que nous puissions l'inscrire à notre ordre du jour et tenir des audiences avant la mi-février. Le comité peut en fait tenir assez rapidement ces audiences. Ensuite, nous pourrions nous entendre pour transmettre le rapport au Parlement et au ministre. Voilà pourquoi nous agissons de la sorte. Nous sommes à la mi-octobre, ce qui permet au comité de donner suite à la motion avant la fin février 2017.
    À vous, monsieur Longfield.
    Je crois que c'est un sujet important qu'il sera utile d'examiner au moment opportun. Comme M. Drouin l'a dit, les consultations avec les provinces et les territoires sont en cours. Nous devons examiner les résultats des discussions qui auront lieu. Nous pourrons ensuite penser à leurs répercussions sur les travaux de notre comité.
    Y a-t-il d'autres observations? Autrement, je vais demander…
    Monsieur le président, je demande un vote par appel nominal.
    D'accord.
     (La motion est rejetée par 5 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre nos témoins.
    Je veux souhaiter la bienvenue à M. Mark Butler.

[Français]

     M. Butler est directeur des politiques au Centre d'action écologique.
    Bienvenue, monsieur Butler.
(0955)

[Traduction]

    De l'Université Memorial de Terre-Neuve, nous avons M. Garth Fletcher.
    Nous vous sommes très reconnaissants de comparaître devant le comité pour nous parler de cet important sujet.
    Vous pouvez prendre jusqu'à 10 minutes pour présenter un exposé préliminaire, mais vous n'êtes pas obligés d'utiliser toute cette période.
    Monsieur Butler, voulez-vous commencer?
    Très volontiers. Je vous remercie de cette occasion de comparaître devant le comité et d'inclure le milieu aquatique dans vos délibérations. Nous sommes en procès à ce sujet depuis ce matin.
    Comme vous l'avez dit, je suis directeur des politiques au Centre d'action écologique. Avant d'entrer au centre, j'ai travaillé pendant quelque temps dans le secteur de la pêche. J'ai également enseigné la biologie au Centre des sciences de la mer Huntsman. J'étais là pendant que se déroulaient les recherches visant à rendre les salmonidés plus résistants aux grands froids.
    Le Centre d'action écologique est un organisme environnemental créé en 1971. Nous nous efforçons de baser notre travail sur la science. La plupart des membres de notre personnel ont fait des études scientifiques. Nous essayons de trouver des solutions permettant de concilier l'économie et l'environnement. Avant de nous occuper de cette question du saumon GM, nous n'avions fait que relativement peu travaux à ce sujet. Nous nous y sommes intéressés à cause de la menace pour le saumon atlantique sauvage. Plus nous en apprenons sur le sujet, plus nous nous inquiétons des risques pour les espèces sauvages.
    Premièrement, nous nous inquiétons des risques que courrait le saumon sauvage si des saumons GM s'échappaient. Ils pourraient alors rivaliser avantageusement avec le saumon sauvage au chapitre des ressources, c'est-à-dire des aliments, de l'habitat et du frai. Deuxièmement — et cela est encore plus important —, nous craignons les croisements entre les saumons GM échappés et les saumons sauvages, qui pourraient modifier en permanence la composition génétique de ces derniers. Cela aurait des conséquences écologiques et économiques inconnues. Je dois noter aussi que, d'après la recherche, les croisements entre le saumon GM et la truite brune sauvage sont possibles.
    Vous pourriez penser que ces poissons sont stériles et restent sur terre. Nos plus grandes préoccupations sont liées à la commercialisation. À ce stade, des centaines de millions de poissons seraient élevés dans de nombreuses installations qui pourraient être proches de certaines de nos meilleures rivières à saumon du Nouveau-Brunswick, du Québec, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. À l'échelle commerciale, les affirmations relatives à la sécurité ne sont pas très rassurantes. Nous savons que des poissons se sont déjà échappés d'installations terrestres. Nous savons aussi que la triploïdie induite n'est pas efficace à 100 %. Quand on parle de centaines de millions de poissons, une proportion de 1, 3 ou 5 % peut devenir excessive.
    Nous ne nous battons pas contre des moulins à vent. Le saumon atlantique a déjà suffisamment de problèmes. C'est une espèce en voie de disparition. Malheureusement, nous avons affaire à un problème que l'industrie sous-estime ou minimise. Si ces poissons échappés vont dans les rivières canadiennes à saumon atlantique, ils mettront en danger une importante industrie récréative qui est particulièrement importante dans les régions rurales.
    Nous avons recours aux tribunaux parce que la façon dont cette affaire est actuellement traitée nous inquiète beaucoup. AquaBounty a obtenu l'autorisation de produire à l'échelle commerciale au Canada sans qu'on ait procédé à une évaluation du grossissement commercial. L'exportation d'oeufs venant d'une installation de recherche est très différente de la production de millions de poissons dans un grand nombre d'établissements. Nous demandons qu'une évaluation environnementale stratégique soit réalisée pour déterminer le risque que présentent les OGM pour les systèmes aquatiques.
    De plus, le public n'a pas été consulté au Canada au sujet du premier animal génétiquement modifié du monde devant servir d'aliment à des humains. On n'a pas non plus consulté les intervenants, qu'il s'agisse de l'industrie aquacole ou des secteurs de la pêche commerciale, du tourisme ou de la pêche récréative. Je dois également noter qu'on n'a consulté ni les Premières Nations ni les autres peuples autochtones. Le saumon de l'Atlantique est une espèce très importante pour les Premières Nations de l'Ontario, du Québec et du Canada atlantique. La modification du génome de ce poisson devrait faire l'objet de consultations.
    Lorsque ce poisson a été approuvé pour consommation humaine aux États-Unis, l'industrie de la pêche de l'Alaska a réagi. De ce fait, je crois savoir que l'approbation américaine est suspendue jusqu'à ce que la question de l'étiquetage soit réglée aux États-Unis.
    En Nouvelle-Écosse, notre ministre des Pêches s'est élevé contre la production commerciale du saumon génétiquement modifié. Il aurait déclaré à ce sujet: « Nous préférons nous assurer de protéger ce que nous avons. Tant qu'on ne nous aura pas prouvé, tant qu'on n'aura pas prouvé au public que c'est une bonne idée — je n'ai d'ailleurs pas l'impression que l'idée rallie beaucoup d'appuis —, nous ne sommes pas intéressés. » Keith Colwell a ajouté qu'il s'inquiétait des effets d'une introduction accidentelle de poissons génétiquement modifiés sur les populations naturelles, tant du point de vue écologique que dans le contexte de la pêche sportive. Cette déclaration a été faite le 20 mai 2016, après l'approbation du saumon GM par Santé Canada.
(1000)
    J'ai parlé de certains des risques, comme d'autres ont parlé des avantages. Pour le Canada atlantique, je ne vois vraiment pas de grands avantages économiques. Oui, la société réalisera des gains en contrôlant le stock de géniteurs, mais je n'ai pas l'impression que cela aura des effets sur l'économie ou sur la création d'emplois. Je crois savoir en outre que les taux de croissance de ce saumon n'ont pas fait l'objet d'une vérification indépendante.
    Le Centre d'action écologique a fait un certain travail en faveur de l'étiquetage des produits de la mer. Dans l'industrie, la tendance est à la traçabilité et à la transparence. Les consommateurs veulent disposer de plus de renseignements et veulent voir plus de cohérence dans l'information donnée. Comme vous le savez, d'autres pays imposent l'étiquetage des produits génétiquement modifiés.
    Enfin, je sais que beaucoup d'entre vous représentent des électeurs qui exploitent des cultures transgéniques, ce qui vous place dans une position délicate. Je vous demande d'accorder une attention particulière dans vos délibérations à notre saumon sauvage de l'Atlantique et aux risques que le saumon GM ferait courir à toutes les espèces sauvages.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Butler.
    La parole est maintenant à vous, monsieur Fletcher. Vous pouvez prendre jusqu'à 10 minutes
    Je ne représente ici que moi-même, j'imagine. Je vais juste vous donner l'historique de mon rôle dans l'affaire du saumon génétiquement modifié. En ce moment, je suis professeur émérite et directeur du département des sciences océaniques à l'Université Memorial.
    Je suis un peu nerveux. Si vous constatez que je frémis, c'est parce que je ne veux pas que vous fassiez cela.
    Au milieu des années 1970, mes collègues Choy Hew, du département de biochimie de l'Université Memorial, et Peter Davies, de l'Université Queen's, et moi-même avons commencé à étudier les protéines antigel des poissons. Ces protéines uniques protègent les espèces de poisson des eaux polaires et subpolaires contre le gel quand la température de l'eau descend en deçà du point de congélation colligatif de leurs liquides organiques.
    À cette époque, l'idée de développer l'aquaculture du saumon atlantique le long des régions côtières des provinces de l'Atlantique faisait son chemin. Comme le saumon ne possède pas de protéines antigel, l'aquaculture était limitée aux eaux dont la température restait le plus souvent au-dessus de zéro.
    En tant que chercheurs universitaires, nous voulions trouver des moyens novateurs d'élargir notre programme de recherche. Nous avons donc présenté une demande de financement au programme de subventions stratégiques du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie afin de transférer les gènes de la protéine antigel d'un petit poisson plat, la plie rouge, au saumon atlantique.
    Notre but était de créer un saumon pouvant résister au gel pour que le secteur de la salmoniculture puisse étendre ses activités à tout le littoral de l'Atlantique et créer des possibilités d'emploi dont les régions rurales et côtières avaient tant besoin. De 1982 à 1999, nous avons eu la chance de bénéficier d'une aide financière d'environ 1,66 million de dollars du CRSNG pour nos expériences de transfert génétique.
    Au cours de cette période, nous avons mis au point une façon de transférer les gènes antigel au saumon atlantique, ce que la plupart des gens estimaient impossible, et de faire en sorte que ces gènes soient exprimés et transmis d'une génération à l'autre par croisement. Nous avons observé de faibles niveaux de protéines antigel de la plie rouge dans le sang du saumon atlantique, mais en trop petite quantité pour protéger le saumon contre le gel.
    Si le saumon que nous avons produit à l'époque ne résistait pas assez au froid à des fins d'aquaculture, nos expériences nous ont permis de prouver qu'il est possible de transférer des gènes d'une espèce de poisson à une autre. En fait, l'opération était assez facile.
    Ce succès nous a incités à chercher à transférer le gène de l'hormone de croissance du saumon quinnat au génome du saumon atlantique afin d'accélérer sa croissance et d'augmenter la rentabilité des salmonicultures des provinces de l'Atlantique. Nous avons commencé nos expériences à l'automne 1989. Déjà, au printemps 1990, nous avions des signes évidents de succès. Les saumons atlantiques portant le gène supplémentaire de l'hormone de croissance avaient une croissance beaucoup plus rapide que les saumons non transgéniques.
    En 1991, ayant présenté une demande de renouvellement de notre subvention stratégique du CRSNG afin de poursuivre nos recherches sur le transfert du gène de l'hormone de croissance, nous avons été évalués par un comité de visite du CRSNG qui nous a encouragés à trouver un partenaire de l'industrie dans le but de commercialiser les résultats de nos recherches.
    Nous avons eu la chance de rencontrer, à peu près au même moment, M. Elliot Entis qui était en train de lancer une petite entreprise privée américaine de biotechnologie, A/F Protein. Cette société s'intéressait à l'utilisation de protéines antigel de poisson pour protéger les cellules et les tissus contre le froid et le gel.
    Entretemps, Choy Hew et moi-même avions déposé des demandes préliminaires de brevet par l'intermédiaire de nos employeurs, l'Université Memorial et l'Hôpital des enfants de Toronto, qu'on appelle couramment SickKids, où Choy Hew travaillait. Elliot avait alors accepté de demander une licence d'exploitation de la technologie du saumon transgénique à nos employeurs. Ainsi, Choy et moi sommes devenus membres fondateurs de la société A/F Protein Inc. Notre principal objectif était de prouver au CRSNG que le secteur privé s'intéressait à nos recherches.
    En 1994, A/F Protein Inc. a fondé une filiale à 100 %, A/F Protein Canada. Elliot, Choy Hew et moi-même étions membres du conseil d'administration. Je suis devenu PDG et scientifique en chef de l'entreprise, fonctions que j'ai assumées jusqu'en 2005.
(1005)
    Une fois constituée en société, A/F Protein Canada a reçu un prêt de l'APECA et une subvention de contrepartie de la province de Terre-Neuve. Grâce à ce financement, nous avons pu mettre sur pied un petit laboratoire de purification de la protéine antigel, qui était indépendant de l'Université Memorial. Nous avons cependant poursuivi nos recherches sur le saumon transgénique porteur de l'hormone de croissance au Centre des sciences océaniques de l'université.
    Également en 1994, Choy et moi avons accompagné Elliot Entis aux bureaux de la FDA à Washington, afin de commencer à discuter du processus d'approbation réglementaire du produit transgénique.
    En 1996, A/F Protein a fait l'acquisition d'une petite station terrestre d'alevinage du saumon à Bay Fortune, Souris, dans l'Île-du-Prince-Édouard, afin de créer un stock de géniteurs du saumon transgénique.
    En 2000, A/F Protein Inc. a été subdivisée en deux entreprises indépendantes: A/F Protein et AquaBounty Farms. Celle-ci est devenue plus tard AquaBounty Technologies et a fondé une filiale, AquaBounty Canada. J'ai continué à diriger et à encadrer les activités des deux entreprises canadiennes.
    En 2003, AquaBounty Canada comptait 36 employés à temps plein, dont 9 avaient des doctorats.
    En 2005, l'essentiel de la recherche liée aux documents requis par la FDA était terminée, du moins de notre côté. C'est à ce moment que la société mère a décidé de congédier la plupart des employés basés à St John's, dont moi-même. J'ai alors repris mon poste de professeur émérite à temps plein à l'Université Memorial. Je suis devenu directeur du Centre des sciences océaniques en 2009 et, en 2012, j'ai été nommé directeur du département des sciences océaniques, fonction que j'exerce encore.
    En 2006, AquaBounty Technologies s'est inscrite sur le marché AIM de la Bourse de Londres sous le nom d'ABTX. L'entreprise avait alors réussi à réunir environ 30 millions de dollars.
    Par souci de transparence, je dois vous informer que je suis toujours membre du conseil d'administration d'AquaBounty Canada. La société mère m'a demandé de garder mes fonctions d'administrateur parce que la loi canadienne exige qu'un résidant du Canada fasse partie du conseil d'administration de toute entreprise étrangère. Je ne vois aucune raison de ne pas aider l'entreprise que j'ai contribué à mettre sur pied. Je reçois en contrepartie une allocation annuelle de 3 000 $.
    Merci beaucoup, monsieur Fletcher. Vous avez dit que vous êtes nerveux. Vous n'avez pas à l'être. Nous sommes des gens très cordiaux. Vous pouvez vous détendre.
    Vous n'êtes pas à ma place.
    Nous allons maintenant commencer notre premier tour de questions avec des périodes de six minutes.

[Français]

     Monsieur Gourde, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Fletcher.
     Vous avez travaillé pendant toute votre carrière en tant que scientifique dans le domaine de l'aquaculture. Vous avez fait la preuve qu'il était possible de transférer des gènes d'une espèce de poisson à une autre. Il s'agissait de modifier le génome pour obtenir des caractéristiques spécifiques en vue d'améliorer une espèce.
     On parle aujourd'hui d'aliments génétiquement modifiés. Or il y a présentement des modifications génétiques qui se font de façon naturelle, notamment par des accidents de la nature ou par la sélection naturelle. Vous avez agi plus rapidement en transférant des gènes d'une espèce de poisson à une autre.
    Avez-vous gagné quelque chose au chapitre des générations ou avez-vous carrément réinventé une espèce de saumon en la modifiant à l'aide du génome d'une autre espèce? Est-ce qu'on se rapproche ainsi de la limite à cet égard? Est-il souhaitable de poursuivre dans cette voie ou faut-il plutôt laisser agir davantage la sélection naturelle?
(1010)

[Traduction]

    Je n'ai pas passé toute ma carrière dans le domaine de l'aquaculture. Je suis ichtyophysiologue. J'ai donc travaillé dans beaucoup d'autres domaines, dont la physiologie et d'autres disciplines. Je ne me suis intéressé à l'aquaculture que parce que nous avions des connaissances particulières concernant les gènes et les poissons. À ce moment de ma carrière, personne ne travaillait sur les gènes de poisson. Cela n'est venu que plus tard. J'ai eu l'occasion de m'en occuper avec deux collègues, dont l'un était spécialisé en biologie moléculaire et s'intéressait à la génétique. Voilà comment je suis arrivé dans ce domaine. Cela a été vraiment extraordinaire.
    Je ne crois pas que le transfert des gènes crée une nouvelle espèce. Je ne crois pas qu'un systématicien dirait qu'il s'agit d'une nouvelle espèce. C'est une espèce identique ayant une composition génétique légèrement différente.

[Français]

     Ces changements génétiques résultent d'une intervention humaine, mais auraient-ils pu être occasionnés par un accident de la nature?
    Si ces poissons avaient été mis dans l'eau froide, la sélection naturelle aurait-elle opéré et rendu cette espèce plus résistante? En définitive, n'avez-vous qu'accéléré ce que la nature aurait mis 30, 40 ou 100 ans à réaliser?

[Traduction]

    Je ne sais pas ce qui peut se produire dans 40 ou 100 ans. Le saumon vit dans l'eau froide, sauf quand il s'éloigne du Groenland pour aller en eau profonde, où il fait nettement moins froid. C'est seulement pendant cette période. Bien sûr, on les place dans une situation artificielle en les stimulant en eau froide. Cette stimulation fait partie du processus d'élevage, de sorte que le poisson n'est plus sauvage. L'industrie fait constamment de la sélection génétique afin d'améliorer la production.
    À mon avis, toutes les technologies génétiques peuvent être utilisées. Pour moi, c'est une bonne idée de recourir à des processus génétiques pour améliorer la production d'animaux entrant dans l'alimentation humaine. Par conséquent, toute technique qui peut être inventée, et notamment les neurotechniques… Mais ce sont de vieilles techniques maintenant. D'autres verront le jour.
    Certains de mes collègues de l'Université Memorial sont génomiciens. Ils travaillent constamment sur les gènes qui sont activés ou désactivés par le stress, la maladie, etc. En définitive, ils modifient l'oeuf même si cela ne se fait que par sélection des géniteurs. On finit certainement par modifier dans une certaine mesure la composition génétique des populations.
    Je ne suis pas un expert de ce domaine. Comme je l'ai dit, cela remonte à 30 ans, et j'avais alors un ensemble d'outils. Nous nous intéressions à l'amélioration de la production des provinces de l'Atlantique. Nous avions pensé que c'était une bonne idée. Je n'envisageais pas du tout à l'époque que nous en viendrions là. Je pense encore que c'est une bonne idée.
(1015)

[Français]

    Compte tenu de toutes les connaissances qu'on possède aujourd'hui, si l'on développait davantage le potentiel de ces grandes superficies océaniques, qui totalisent pratiquement les trois quarts de notre planète, qu'est-ce que cela représenterait sur le plan de l'aquaculture et de l'apport protéique mondial?

[Traduction]

    Le potentiel est extraordinaire. À mon avis, les possibilités sont énormes pour ceux qui savent comment faire. Certains pays pensent déjà à créer un plus grand nombre de sites de production extracôtiers. Il y a d'autres problèmes — notamment des difficultés techniques —, mais je crois vraiment que c'est une bonne idée. Il est peut-être avantageux de s'écarter des côtes… Cela pourrait avoir du bon.

[Français]

    D'autres espèces de poisson pourraient-elles éventuellement être prises en considération?

[Traduction]

    Je n'ai pas compris la question.

[Français]

    Des espèces de poissons autres que le saumon pourraient-elles éventuellement être considérées dans une optique de production?

[Traduction]

    Oui, tout ce que le marché est prêt à absorber.
    Merci, monsieur Fletcher.
    Nous allons maintenant passer au suivant.
    Madame Lockhart, vous avez six minutes.
    Merci, messieurs. Comme témoins, vous représentez à deux l'équilibre que nous recherchons dans cette étude.
    Venant moi-même du Canada atlantique, je comprends certainement vos préoccupations, monsieur Butler. Le saumon atlantique a des répercussions sur de nombreuses industries de la région. C'est une espèce que nous nous sommes battus pour maintenir au fil des ans. Je comprends votre point de vue. J'ai été encouragée par quelques-uns des témoignages que nous avons entendus au sujet des mesures prises pour éviter que les stocks de saumon atlantique indigène ne soient atteints par ces travaux.
    Monsieur Fletcher, vous avez 30 ans d'expérience dans ce projet particulier. Y a-t-il eu jusqu'ici des infractions à la sécurité dans vos recherches? Quelle en est la probabilité? Pouvez-vous nous en parler?
    À ma connaissance, il n'y a eu aucune infraction à la sécurité. Au début, l'université et le…
    Par « infraction à la sécurité », vous entendez des fuites de poissons?
    Oui, ou la possibilité de répercussions sur le saumon sauvage.
    Il n'y en a pas eu, à ma connaissance. Je me suis personnellement occupé du poisson. Au laboratoire maritime de Logy Bay, qui se trouve au bord d'une falaise donnant sur l'océan, je ne vois aucune possibilité de survie d'un saumon qui s'échapperait au stade de l'alevin. Par ailleurs, aucun gros poisson ne pourrait fuir. Il est déjà assez difficile de les garder vivants en laboratoire.
    Vous avez parlé de la stérilité du poisson, mais il reste quand même une chance de 5 % qu'il puisse frayer. Pouvez-vous nous en parler?
    Je ne peux pas parler au nom de la société, mais, à ma connaissance — et j'ai entendu des experts en parler —, les chances de stérilité sont ordinairement de plus de 98 %. C'est tout ce que je sais.
    Pourquoi y a-t-il 2 % du poisson qui n'est pas stérile?
    C'est la biologie, n'est-ce pas?
    Oui, mais je ne suis pas experte.
    Je crois que les chercheurs continuent à travailler là-dessus. Quant aux croisements qui peuvent se faire dans le cas du saumon, il y a un autre expert à qui vous pouvez parler — ce n'est pas moi, car je ne suis pas biologiste — des problèmes de croisement entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage. Si j'ai bien compris, le saumon d'élevage est très peu performant. Vous avez donc là un autre facteur de risque. Quelqu'un pourrait faire une analyse des risques — je suppose du moins — pour nous donner une bonne idée des probabilités.
    Pour le moment, voici ce que j'ai à dire. Je ne veux insulter personne, mais je soupçonne que nous avons créé — je ne m'inclus pas dans ce nous — le besoin de signaler que nous pouvons produire des géniteurs triploïdes. À mon avis, c'est probablement ce que toute l'industrie devrait faire. Cela prendrait beaucoup de temps, mais il y aurait alors beaucoup moins de croisement, car il arrive, à l'occasion, que le saumon d'élevage fraie… Les poissons sont tous fertiles.
(1020)
    Je vous remercie.
    Monsieur Butler, vous avez travaillé à Huntsman et dans l'industrie. En fait, j'ai passé quelque temps dans la région du comté de Charlotte. Je m'occupais de ressources humaines pour une entreprise d'aquaculture. Néanmoins…
    Dans l'aquaculture du Canada atlantique, quelles expériences avons-nous eues qui vous causent du souci maintenant que nous envisageons une nouvelle ligne de production?
    Nous venons juste de parler des possibilités de fuite et de croisement avec du poisson sauvage. Je crois qu'une étude qui vient de paraître montre que cela s'est déjà produit. Dans l'industrie, on se sert de géniteurs venant de la rivière Saint-Jean. Or, on vient de trouver dans d'autres rivières du saumon ayant la composition génétique des géniteurs de la rivière Saint-Jean. C'est un exemple des préoccupations de la Fédération du saumon atlantique. Je sais que la fédération s'inquiète actuellement d'un grand projet en cours d'exécution à Terre-Neuve.
    Est-ce lié à l'élevage dans des cages en filet?
    En partie. L'aquaculture est, à juste titre, une importante industrie du Canada atlantique. Notre organisation a des recommandations à formuler quant à la façon de le faire.
    Pour nous, l'introduction de saumon génétiquement modifié revient à ouvrir une boîte de Pandore. Il suffit du croisement d'un seul poisson GM avec un saumon atlantique pour que le trait soit introduit dans le stock de géniteurs. Le niveau de sécurité requis est tellement, tellement plus élevé. Nous ne parlons aujourd'hui que d'une seule installation. Pouvez-vous imaginer un grand nombre d'établissements qui auraient des centaines de millions de poissons pendant les années de production et qui connaîtraient des défaillances et des tentatives de rogner sur les coûts? Parmi les exploitants, il y a les bons et les moins bons. Je le sais pertinemment. Différentes sociétés ont différents dossiers de rendement. Nous le savons parce que nous avons travaillé avec différentes entreprises. Quelque chose finira bien par se produire.
    Si vous aviez eu plus de temps, je vous aurais suggéré d'inviter un scientifique du MPO à venir vous parler de ce sujet. À long terme, si nous commençons dès maintenant à mettre en marché ces espèces et même avec un taux très élevé de succès de la triploïdie induite, il y aurait des croisements avec le saumon sauvage. Cela changerait du tout au tout la façon dont les pêcheurs sportifs — qu'ils soient de New York ou de Halifax, comme moi — voient la pêche dans le Canada atlantique.
    Merci, monsieur Butler.
    Merci, madame Lockhart.

[Français]

     Madame Brosseau, vous avez la parole et vous disposez de six minutes.
     Merci, monsieur le président.
     Je tiens aussi à remercier les deux témoins de nous avoir présenté leur exposé.

[Traduction]

    Monsieur Butler, vous avez parlé dans votre exposé d'un article paru le 20 mai dans lequel le ministre provincial des Pêches, Keith Colwell, a dit: « Nous préférons nous assurer de protéger ce que nous avons. Tant qu'on ne nous aura pas prouvé, tant qu'on n'aura pas prouvé au public que c'est une bonne idée — je n'ai d'ailleurs pas l'impression que l'idée rallie beaucoup d'appuis —, nous ne sommes pas intéressés. »
    Plus loin dans l'article, l'auteur parle à Kirk Havercroft, PDG d'une entreprise aquacole du comté de Queen's, Sustainable Blue, qui s'inquiète de l'image de marque de l'industrie. Il pense que le nouveau produit peut créer de la confusion en faisant croire aux gens que le saumon de son entreprise a subi des modifications génétiques puisqu'il n'y a au Canada aucune réglementation qui impose l'étiquetage des OGM. Il ajoute que les consommateurs souhaitent que les produits transgéniques portent une étiquette les identifiant comme tels.

[Français]

    Vous avez aussi mentionné précédemment qu'il n'y avait pas eu de consultations auprès du public, des producteurs et, plus particulièrement, des Premières Nations.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il aurait été à ce point important de mener ce type de consultations auprès des Canadiens?

[Traduction]

    Cette affaire a des incidences dans un certain nombre de domaines. Aux États-Unis, le saumon génétiquement modifié a été approuvé pour consommation humaine. Je crois que le sénateur Murkowski, défenseur acharné de l'industrie de la pêche au saumon de l'Alaska, a énergiquement protesté, exigeant que tout soit provisoirement suspendu pour éviter la confusion parmi les consommateurs. Il estimait que les gens ne sauraient pas ce qu'ils ont dans leur assiette, car, sans étiquetage, rien ne distinguerait le nouveau produit. Certains seraient alors… Les autorités ont reçu plus d'un million de commentaires, je crois, au cours des consultations menées aux États-Unis. Les gens se soucient de cette question.
    Du point de vue économique, ceux qui vendent le saumon craignent la confusion qui pourrait amener les consommateurs à s'abstenir complètement d'acheter du saumon.
    C'est une grande étape. Elle a des incidences. La même chose se produira dans le cas d'autres poissons. Cela pourrait également s'étendre aux insectes, aux oiseaux, aux arbres… Si on se soucie de la nature, on doit craindre les conséquences. Si le gouvernement ne consulte pas du tout le public et les intervenants tels que les pêcheurs commerciaux et d'autres, il y aura des conséquences pour l'industrie de la pêche commerciale, peut-être pas de tout de suite, mais à long terme. Je crois que c'est une erreur de ne pas procéder à des consultations.
    Je ne veux pas avoir l'air de faire la morale, mais je crois vraiment qu'une erreur a été commise. J'engage le gouvernement à y remédier.
(1025)
    Vous avez dit que c'est une menace pour le saumon sauvage. Vous avez évoqué la possibilité que le saumon génétiquement modifié s'échappe. On a parlé au cours de cette réunion et de réunions précédentes de la stérilité des femelles qui peut s'échelonner entre 95 %… il y a encore des conjectures. Vous avez mentionné plus tôt une étude qui aurait prouvé que ces poissons peuvent encore frayer.
    De plus, dans votre exposé préliminaire, vous avez dit que le Centre d'action écologique est actuellement en procès. Pouvez-vous nous dire pourquoi?
    Dieu pourrait sans doute mieux répondre à cette question, mais il y a un certain nombre de raisons. L'une des plus importantes, c'est que le MPO a fait une évaluation, mais elle portait uniquement sur l'exportation de 100 000 oeufs embryonnés de l'Île-du-Prince-Édouard au Panama.
    Le ministère n'a fait aucune évaluation du grossissement commercial. Je m'inquiète encore de l'installation de l'Île-du-Prince-Édouard, mais, à moins d'être frappée par un monstrueux ouragan ou d'être atteinte par un grave acte d'écosabotage, il est peu probable que les poissons de cette installation aient une interaction quelconque avec les rares saumons sauvages qui restent encore dans les eaux de la province.
    Toutefois, si les entreprises se lancent dans le grossissement commercial — et je ne saurais trop insister là-dessus —, nous aurons affaire à des centaines de millions de poissons. Imaginez une installation de ce genre qui serait construite à proximité de la rivière Miramichi. Des poissons se sont déjà échappés d'installations basées à terre. Pour vous donner un exemple concret, je vous dirais qu'avec 1 million de poissons, une proportion de 2 % représente 2 000 individus, mais avec 100 millions, c'est 200 000 individus.
    Je comprends bien que les chances sont faibles, mais plus longtemps l'opération dure, plus on produit de poisson et plus le risque est élevé. Je crois même que la probabilité peut finir par atteindre 100 %. Il vaudrait mieux poser la question aux scientifiques du MPO, mais on vous dira sans doute que les taux de croissance sont comparables si les deux types de poissons sont placés dans des conditions optimales.
    Il y a eu beaucoup d'études et de sondages dans les 20 dernières années. Les Canadiens s'intéressent à ce qu'ils mangent. Il y a toute la campagne de l'« achat local » et le « régime des 100 kilomètres à la ronde ». Les gens veulent savoir quels ingrédients entrent dans leurs aliments, comment les animaux sont élevés et comment les produits sont transformés. Ils veulent avoir autant de renseignements que possible.
    Rapidement, madame Brosseau.
    Un projet de loi d'initiative parlementaire demandant l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés a été déposé à la Chambre. Je sais qu'il y a deux côtés. Je crois que les Canadiens ont le droit de savoir. Les Nations unies appuient ce droit non seulement pour des raisons de santé, mais aussi pour des raisons éthiques et peut-être religieuses.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance de l'étiquetage?
    Merci, madame Brosseau. Je dois vous interrompre à six minutes.
    Monsieur Longfield.
    Je remercie les deux témoins de leur présence. C'est un honneur de parler à des experts qui défendent les deux thèses que nous examinons.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Butler.
    L'Université de Guelph a un centre de biodiversité qui étudie de très près la traçabilité des aliments et de toutes les formes de vie qui existent sur la planète. C'est un petit projet qui reçoit du financement du CRSNG et de différents autres organismes du monde.
    Vous avez parlé des traits du saumon. Un autre témoignage nous a amenés à croire que la composition génétique ou moléculaire était identique. Si on analyse un saumon génétiquement modifié et un saumon ordinaire, on constate qu'il n'y a pas de différences.
(1030)
    Si vous le permettez, je vais vous donner une réponse facile: si cela était vrai, alors pourquoi prendrait-on la peine de faire tout cela? De toute évidence, il y a des différences…
    Elles résident essentiellement dans le taux de croissance. Je ne suis pas un expert. Nous essayons simplement d'établir les faits.
    Votre question est raisonnable. Je comprends, mais, en même temps, il y a évidemment une différence, sans quoi nous ne nous intéresserions pas à cette affaire. Si n'importe quel organisme va de l'avant dans cette voie, il faut…
    Il y a un scientifique du MPO, Robert Devlin, qui a fait — relativement parlant — beaucoup de recherches sur le comportement du saumon. Bien sûr, tout cela s'est passé en laboratoire parce qu'il est impossible de faire des essais dans la nature. C'est une limite inévitable. Il a constaté des différences de comportement. Nous ne savons pas comment ce trait génétique se manifestera chez le saumon sauvage dans une centaine de conditions différentes réalisées en laboratoire.
    D'accord. Je vous remercie.
    Mon temps de parole est limité. J'aurais bien voulu pousser cette discussion plus loin. J'ai cru comprendre qu'on se sert aujourd'hui d'un changement de séquence génétique survenu il y a 30 ans.
    Je vais peut-être adresser ma question à M. Fletcher.
    Nous avons eu tout à l'heure un exposé d'une représentante de l'industrie aquacole qui a dit que le saumon génétiquement modifié ne suscitait aucun intérêt dans l'industrie, et que celle-ci s'intéresserait plutôt aux gènes antigel. Vous étiez là au tout début de cette affaire, ce qui est vraiment extraordinaire. Comment cela a-t-il commencé? Est-ce que l'industrie était à la recherche d'un gène antigel? Non.
    Nous étions les seuls.
    C'était donc de la recherche fondamentale à l'université…
    Il n'y avait que deux personnes, moi-même et Choy.
    Oui, c'est vraiment extraordinaire.
    Nous faisions des travaux sur des protéines antigel. Nous étions les premiers. Je suis physiologiste. Choy est chimiste spécialisé dans les protéines, et Peter Davies, de l'Université Queen's, est un biologiste moléculaire. Nous avions commencé à travailler sur les protéines antigel parce que leurs caractéristiques étaient tellement uniques. À cette époque, il n'y avait pratiquement personne qui s'intéressait aux gènes des poissons.
    Nous avions déjà isolé le gène antigel. J'avais un autre ami qui avait appelé l'université et qui parcourait la province pour trouver à Terre-Neuve un endroit où pratiquer la salmoniculture. Je lui ai dit sans ménagements qu'il n'arriverait pas à le faire parce que le saumon ne résiste pas au gel. Choy Hew m'a alors dit: « Nous devrions leur donner le gène. »
    Comme vous le savez, nous étions à la recherche de fonds pour financer nos recherches. Nous avons présenté une demande au programme de subventions stratégiques du CRSNG, qui a eu l'amabilité de nous accorder notre premier financement. Il nous a fallu quelques années pour trouver un moyen de le faire. Personne d'autre n'a participé à nos travaux. Tout ce que le CRSNG nous demandait, c'était de prouver que nos recherches pouvaient aboutir à des résultats avantageux pour les provinces de l'Atlantique. Aucune entreprise commerciale ne jouait un rôle quelconque.
    Vous avez parlé des provinces de l'Atlantique. L'Université de Guelph a beaucoup travaillé avec ces provinces sur la production de protéines et sur des recherches génétiques portant sur différents domaines, dont le porc et certaines plantes.
    C'est une occasion pour le Canada de devenir le chef de file mondial en matière de transformation et de production d'aliments. Vous n'avez pas dit que cela n'était que la pointe de l'iceberg, mais j'ai fait le lien dans ma tête. Est-ce là quelque chose que les universités du Canada poursuivent en se basant sur vos recherches et en étudiant d'autres domaines, ou bien est-ce un domaine qui reste encore à développer?
    Comme je l'ai dit, je crois, la génomique du saumon suscite un grand intérêt. Il y a énormément de travail à faire dans ce domaine. Connaissant mes collègues, je dirais que nous attendons pour voir ce que le gouvernement fera. Lorsque Choy et moi avons commencé, nous étions en terre inconnue. Nous faisions simplement tout un tas d'expérience. Nous n'avions jamais imaginé qu'une société s'intéresserait directement à nos travaux à l'époque.
(1035)
    Travaillez-vous de concert avec d'autres universités du Canada?
    Moi, personnellement?
    Oui.
    Pas dans ce domaine. Je m'occupe encore des protéines antigel qui sont, en quelque sorte, mon premier amour. Je cherche à savoir pourquoi le poisson ne gèle pas dans la nature et à trouver ce qui le protège. D'autres étudient des sujets différents liés à la biotechnologie et aux produits de la biotechnologie en aquaculture.
    C'est donc accidentellement que vous avez fait du Canada un chef de file mondial. Nous pouvons dire cela, n'est-ce pas?
    C'est très flatteur.
    C'est un honneur. Merci pour vos efforts et tout le travail que vous avez fait.
    Merci, monsieur Longfield.

[Français]

     Monsieur Drouin, vous avez maintenant la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Butler, vous avez dit qu'il n'y a pas eu de consultations. Lors de l'introduction du saumon d'élevage au Canada, pouvez-vous vous rappeler s'il y avait eu des consultations?
    Oh là là! Vous me demandez de remonter à l'époque où j'étais au début de la vingtaine.
    Monsieur Fletcher, y a-t-il eu des consultations lors de l'introduction du saumon d'élevage au Canada? De quelle façon la consommation de ce saumon a-t-elle été approuvée?
    Vous voulez savoir comment nous l’avons fait approuver?
    Oui, le saumon d'élevage.
    Est-ce que cela n'avait pas commencé à la station St. Andrews du MPO?
    Le ministère avait envoyé un monsieur nommé Arne Sutterlin en Norvège pour apprendre les méthodes. Il était revenu travailler à la station St. Andrews du MPO. La station a fait du travail expérimental de concert avec des gens du secteur privé. C'est vraiment tout ce que je sais. L'élevage du saumon a commencé dans la région de la baie Passamaquoddy. À ce moment, l'objectif était, j'imagine, de faire de l'argent et de créer des emplois
    D'accord.
    À l'heure actuelle, il n'est pas obligatoire d'indiquer sur les étiquettes s'il s'agit de saumon sauvage ou de saumon d'élevage. C'est bien cela?
    Oui, à ma connaissance. Je crois que l'industrie du saumon sauvage fait un effort pour indiquer sur l'étiquette qu'il s'agit de poisson sauvage.
    Est-ce que votre organisation ou vos membres préconisent la consommation de l'un plutôt que de l'autre?
    Du saumon d'élevage par rapport au saumon sauvage?
    Oui.
    Cela dépend de la façon dont le saumon d'élevage est produit. Dans le cas des mollusques — je note en passant que nous avons depuis très longtemps des huîtres d'élevage dans l'Île-du-Prince-Édouard —, il est important de connaître la méthode utilisée.
    Je ne prétendrai pas que nous n'avons pas de difficultés dans l'industrie aquacole. Vous en avez probablement entendu parler aux actualités ou ici même. Nous exerçons des pressions pour favoriser l'adoption de pratiques exemplaires.
    Toutefois, la modification génétique nous mène à un tout autre niveau. C'est ma réponse.
    Quand vous parlez d'un « tout autre niveau », pouvez-vous me dire si votre organisation a procédé à une évaluation scientifique?
    Nous avons l'évaluation du MPO relative à l'exportation des oeufs. Nous avons aussi un autre document de 400 pages qui fait partie du processus de base.
    J'aimerais beaucoup qu'il y ait davantage d'études et de discussions scientifiques. En fait, notre organisation envisage d'organiser une forme ou une autre de discussion scientifique à ce sujet parce que personne d'autre n'y songe.
    Vous ne vous souciez pas principalement de la santé humaine. Vous vous intéressez surtout à l'impact environnemental de ce nouveau produit.
    Je me soucie de ma famille et de mes amis. Oui, je me soucie de la santé humaine. Ce n'est pas mon domaine, mais je respecte les autres qui s'en occupent.
    Lorsque nous avons intenté notre procès, nous avons reçu des appels de personnes de confession juive qui se demandaient si ce nouveau poisson était casher. Le problème a de multiples dimensions — des points de vue de l'éthique et de la santé —, mais nous nous soucions surtout du monde naturel et, en l'occurrence, de la protection du saumon atlantique sauvage.
    Encore une fois, je dirais que la technologie de modification des gènes devient de moins en moins coûteuse et de plus en plus facile à utiliser. Nous verrons probablement la même chose dans le cas d'autres espèces sauvages, ce qui menacera leur intégrité. Si nous avions réfléchi et discuté un peu plus dans les premiers jours de l'aquaculture — j'étais plus ou moins là, car je travaillais alors pour le Centre des sciences de la mer Huntsman —, nous aurions peut-être évité certaines des erreurs commises qui ont fait du tort à l'industrie et à son image de marque.
(1040)
    Je m'excuse d'avance si ma question paraît stupide, mais je ne vis pas près de l'océan.
    Oui.
    Êtes-vous satisfait des pratiques actuelles d'élevage du saumon dans le Canada atlantique? Sinon, que recommandez-vous à l'industrie pour qu'elle adopte de meilleures pratiques? Cela nous ramènera au saumon génétiquement modifié et à ce qui arriverait si des poissons s'échappent ou si le taux de ces fuites est trop élevé. Que feriez-vous dans ce cas?
    À l'heure actuelle, si vous élevez beaucoup de poissons, il y aura des répercussions sur l'environnement voisin. Dans le cas des poissons à nageoires — saumon, truite, flétan —, nous préférons l'élevage en parcs clos qui a pour nous un certain nombre d'avantages sur les plans des déchets, des antibiotiques et du pou du poisson. Nous avons en Nouvelle-Écosse des sociétés qui s'orientent dans cette direction. Je suis très heureux d'acheter leurs produits.
    Dans le cas des OGM, il suffit d'un seul incident. Ensuite, il y a ce trait… C'est un peu comme le premier navire qui a apporté la moule zébrée dans les Grands Lacs. Dans un système aquatique, il n'y a aucun moyen de remettre ces moules dans le navire. Il est impossible de les ramasser.
    Les systèmes aquatiques ont des problèmes uniques en leur genre.
    Je vous remercie.

[Français]

     Merci, monsieur Drouin.
    M. Breton, vous avez la parole.
    C'est toujours un plaisir d'avoir des...
     Est-ce à mon tour de prendre la parole, monsieur le président?

[Traduction]

    Ah, je regrette, nous n'avions pas les noms.
    Je crois que c'est au tour de M. Anderson. Allez-y.
    Monsieur Fletcher, je vais vous poser une question, puis je laisserai un peu de temps à mon collègue avant la fin.
    J'aimerais simplement savoir quelles surprises vous avez eues en cours de route. Avez-vous été surpris à certains moments? Vous avez dit que les modifications génétiques avaient été relativement faciles au niveau technique, mais avez-vous eu des surprises?
    La première chose qui m'a surpris, c'est que ça a marché. Nous ne savions pas si nous aboutirions à un résultat. C'est le genre de choses qu'on espère. En fait, l'hormone de croissance a découlé de la meilleure expérience que j'aie jamais tentée. Nous avions obtenu des résultats en un an. Ordinairement, il faut attendre des années et des années. Ce fut la première surprise.
    Au début, il n'y avait pas… Lorsque nous avons travaillé sur les protéines antigel, il n'y avait pas… Personne ne s'est plaint. En fait, l'université s'en vantait, et toute la région parlait de transferts génétiques. Il en était de même dans les provinces de l'Atlantique. Lorsque je donnais des causeries — étant universitaire, je le faisais de temps en temps —, il n'y avait aucune protestation.
    Je crois que beaucoup de tout cela a commencé dans les années 1990 par suite de ce qui s'est passé en Grande-Bretagne lorsqu'on avait découvert des cas de maladie de la vache folle. Le public s'était alors rendu compte que le gouvernement n'était pas parfaitement transparent dans ses affirmations. C'est à ce moment que… La surprise s'est produite lorsque, tout à coup, les gens ont eu une réaction brutale parce qu'ils étaient inquiets.
    D'accord.
    Monsieur Breton, voulez-vous prendre le temps qui reste?

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Anderson.
    Ma question s'adresse à M. Fletcher.
    Nous savons que l'industrie hésite à l'heure actuelle à commercialiser le produit et que les consommateurs expriment également des réticences à ce sujet. Que devrait faire l'industrie pour améliorer le niveau de confiance des consommateurs et des détaillants face à ce produit? Aux États-Unis, plusieurs détaillants ne veulent pas le commercialiser.
    Que devraient faire les entreprises pour rassurer la population et l'industrie à ce sujet?

[Traduction]

    Eh bien, je crois que les entreprises s'occuperont de leurs propres affaires en premier. Si elles constatent que le public se méfie de ce produit, je peux comprendre qu'elles ne veuillent pas y toucher avec des pincettes. Beaucoup de ces sociétés sont cotées en bourse. Alors, pourquoi se mouilleraient-elles?
    À mon avis, c'est à AquaBounty, ou à l'une de ses filiales, qu'il incombe d'éduquer le public. Il y a une campagne de sensibilisation à mener parce que l'ensemble du public, qui devient de plus en plus urbain, n'a aucune idée de la provenance des aliments. De toute façon, les gens ne comprennent pas le processus. Il faut donc les sensibiliser et leur faire comprendre qu'il s'agit de techniques. Les aliments que nous avons sur le marché sont créés à partir de mutants. Les élevages choisissent le mutant le plus performant comme base de leur production. Ce n'est pas de la manipulation génétique, mais c'est ainsi que les aliments sont produits. Bref, il faut éduquer les gens. Je crois que le plus grand défi, que ce soit pour les entreprises ou pour le gouvernement, consistera à inculquer aux gens quelques notions scientifiques.
(1045)
    Merci, monsieur Fletcher et monsieur Breton.
    Cela met fin à cette séance. Je tiens à vous remercier sincèrement de votre participation, monsieur Butler et monsieur Fletcher. Vos renseignements nous aideront certainement à rédiger notre rapport.
    Je voudrais informer les membres du Comité que nous serons ici jeudi prochain. Nous consacrerons une heure et demie au cadre stratégique pour l'agriculture, puis une demi-heure aux travaux du Comité.
    La séance est levée.
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